Appel à communications

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APPEL À COMMUNICATIONS « Les sens font-­ils sens ? »1 : les cinq sens dans l’œuvre de Nabokov Colloque international organisé par la Société Française Vladimir Nabokov Biarritz, France 28 avril-­1er mai 2016 Après le colloque consacré à « Nabokov et la France » à Paris en 2013, Les Chercheurs Enchantés–Société Française Vladimir Nabokov proposent d’interroger la place des cinq sens dans l’œuvre, la poétique et l’esthétique de Nabokov lors de leur prochain colloque international. Les deux conférenciers d’honneur seront Brian Boyd (Université d’Auckland) et Maurice Couturier (Université de Nice). Ce sujet, qui n’a fait l’objet d’aucune étude sur l’ensemble de l’œuvre ni de travaux collectifs jusqu’à présent, semble d’autant plus fécond que le colloque se déroulera à Biarritz, lieu bien connu des lecteurs de Nabokov. En effet il a finement décrit cette station balnéaire où les Russes Blancs venaient séjourner avant 1917, et notamment la Grande Plage où, en 1909, il « se trouva, un jour, en train de creuser, côte à côte avec une petite fille française nommée Colette », son « premier amour ». Biarritz fut donc un lieu où l’écrivain a fait l’une de ses premières expériences sensorielles et émotionnelles intenses, et aussi une source de perceptions sensibles d’une grande richesse : rochers grimaçants, papillons colorés, son de la langue basque, brise qui sale les lèvres, pieds dans le « sable farineux », vagues turbulentes, odeur de pin de la cabine de bain, et goût de « la glace à la pistache d’un vert divin »—en un tourbillon sensoriel qui sature la nouvelle « Premier Amour » (également le chapitre VII d’Autres Rivages). Les cinq sens font particulièrement sens dans le monde de Nabokov, car ce dernier, auteur trilingue doué d’une mémoire visuelle, auditive, gustative, olfactive, tactile et kinésique exceptionnelle, était également un authentique synesthète, c’est-­‐à-­‐dire une personne dont le cerveau fonctionne par « associations additionnelles arbitraires, idiosyncrasiques et automatiques »2 de sensations, en associant par exemple une couleur à des sons ou à une lettre ou un chiffre3. On ne saurait donc étudier l’importance de tel ou tel sens chez Nabokov hors de son rapport aux autres, et l’apport des sciences cognitives dans ce domaine pourra éclairer les travaux des chercheurs internationaux intéressés par ce projet. 1
Traduit de Lolita, avant-­‐propos, 805 (Traduction de Maurice Couturier, édition de la Pléiade ; titre d’ouvrage traduit en notes). 2
Jean-­‐Michel Hupé, « Synesthésie, expression subjective d’un palimpseste neuronal ? » dans Médecine/sciences 2012 ; 28 : 765. 3
De nombreuses associations synesthésiques sont possibles, et sont plus ou moins répandues et étudiées par les sciences cognitives. L’importance des sens chez Nabokov se doit également d’être mise en relation, d’une part, avec son multilinguisme, et d’autre part, avec sa situation personnelle de « Russe cosmopolite ». Comme il était issu d’une famille aristocratique qui voyageait beaucoup, employait des gouvernantes étrangères pour ses enfants, et avait accès au quotidien à une foule de luxueux produits étrangers (contrairement à la plupart des Russes contemporains), les sens du jeune Nabokov furent donc constamment stimulés par de nouveaux sons, objets, goûts, odeurs et textures pendant son enfance. Ses perceptions sensorielles si fines se sont par ailleurs sans doute encore développées au fil de sa vie d’émigré parcourant l’Europe et les Etats-­‐Unis. Ces aspects multilingues et multiculturels pourront donc offrir un terrain fécond d’étude et d’investigation de la part des sens dans son univers. L’on pourra également s’interroger sur le rôle exercé par l’activité littéraire elle-­‐
même dans l’acuité et la richesse des perceptions sensorielles nabokoviennes : la mise en mots de ces expériences nouvelles n’a-­‐t-­‐elle pas elle-­‐même structuré, nourri et développé ces perceptions ? De même, l’activité entomologique, qui a gravement endommagé sa vue, a également eu un impact significatif (bien que paradoxal) sur l’acuité de sa perception visuelle des détails et des couleurs, et sans doute sur ses autres modes perceptifs. Du fait de l’absence d’étude d’envergure du rôle des cinq sens dans l’œuvre et l’esthétique de Nabokov (en gardant à l’esprit l’étymologie du terme esthétique), ce colloque international invite donc à une étude approfondie de leur impact sur le processus créatif (notamment descriptif) de l’écrivain, sur ses principes poétiques et esthétiques, et sur sa manière d’envisager le monde. Les propositions de communication pourront donc porter sur les sujets suivants, sans que cette liste ne soit exhaustive : -­‐ cinq sens et synesthésie : question de la vision comme sens premier ; les associations récurrentes de sens perceptifs ; synesthésie et poétique nabokovienne. -­‐ cinq sens et multilinguisme : langues et perceptions ; le son/goût des mots en fonction de la langue (voir la scène de petit-­‐déjeuner dans Ada, I, XII) ; les sens dans la pratique de traduction et d’auto-­‐traduction de Nabokov ; -­‐ perceptions sensorielles et descriptions : le rôle des sensations et de leurs combinaisons dans la création de la vraisemblance des scènes décrites ; rôle des perceptions dans la caractérisation ; importance des sens en termes de narration et de focalisation ; -­‐ perceptions de mondes étrangers : le sens de l’observation nabokovien (pas uniquement visuel) ; fonction de distanciation des sens dans la satire et la moquerie ; -­‐ cinq sens et langage : les sensations d’articulation du langage (voir l’incipit de Lolita) ; manières dont les langues étrangères sont perçues et décrites ; -­‐ cinq sens et mémoire : perceptions sensorielles et procédés mnémoniques/écriture mnémonique ; les cinq sens dans les écrits à caractère autobiographique ; -­‐ perceptions sensorielles et entomologie : qualités sensorielles des descriptions entomologiques de Nabokov et/ou des références entomologiques présentes dans ses textes de fiction ; rôle de sa pratique lépidoptérologique dans son esthétique et sa perception du monde ; -­‐ sensorialité et intermédialité : fonction des perceptions sensorielles de Nabokov dans son inclusion d’œuvres d’art (peinture, musique, théâtre, cinéma…) ou d’objets de la culture populaire qui l’entouraient (affiches, chansons, publicités, produits de consommation courante, nourriture, parfums…) ; -­‐ sensorialité et esthétique : les plaisirs sensuels et sensoriels de la lecture (voir les nombreuses références faites à un « tingle in the spine ») ; les cinq sens dans la manière qu’avait Nabokov d’enseigner la littérature ; les perceptions sensorielles et les principes esthétiques de Nabokov ; -­‐ sensorialité et sensualité : les cinq sens et la texture du désir ; perceptions sensorielles dans les textes érotiques nabokoviens. Chaque présentation ne saurait excéder 20 minutes. Les propositions peuvent être formulées en anglais ou en français. Les propositions de communication (300 mots maximum), accompagnées d’une courte notice biographique, sont à envoyer à marie.bouchet@vladimir-­‐nabokov.org, au plus tard le 1er octobre 2015. Comité d’organisation : Isabelle Poulin, Université de Bordeaux-­‐Montaigne Marie Bouchet, Université de Toulouse Julie Loison-­‐Charles, Université Lille III Morgane Allain-­‐Roussel, Université de Saint-­‐Etienne Pour plus de détails consulter www.vladimir-­‐nabokov.org