On fait un mauvais procès au gendarme Roussel
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On fait un mauvais procès au gendarme Roussel
Affaire Alègre « On fait un mauvais procès au gendarme Roussel » Toulouse (Haute-Garonne) DE NOTRE ENVOYE SPECIAL Propos recueillis par Jean-Marc Ducos Le Parisien , jeudi 13 mai 2004 ANCIENNE procureur adjointe au tribunal de Toulouse, Christiane Vignau-Rabastens, 60 ans, est un magistrat en colère. Elle a longtemps supervisé le travail « remarquable » des gendarmes de la cellule « homicides 31 ». C'est son intuition de femme qui lui a fait rouvrir neuf dossiers criminels où le tueur Patrice Alègre est suspect. « Nous avons trouvé étonnant que ce tueur en série ait une si longue période d'inactivité entre 1990 et 1997 et nous avons fouillé les archives », explique Christiane Vignau-Rabastens, qui a consulté pendant de longues heures « les cahiers d'instruction tenus à la main » pour retrouver les dossiers non résolus. Pendant cinq ans, de 1997 à 2002, elle a suivi le parcours d'Alègre. Aujourd'hui, la remise en cause de cette enquête dirigée à l'époque par l'adjudant Michel Roussel, lâché par sa hiérarchie, ulcère la magistrate, qui estime désormais que « l'affaire aurait pu être conduite autrement ». Elle dénonce aussi les inerties de la hiérarchie de la gendarmerie. Le patron de la section de recherches de Toulouse vient d'être sérieusement recadré par le procureur Michel Bréard pour des déclarations hasardeuses sur le dossier de la mort suspecte d'Edith Schleichardt. Le procureur a alerté la chancellerie sur ces incidents, ce que le ministère a confirmé hier soir. Comment fonctionne aujourd'hui la cellule « homicides 31 » ? Christiane Vignau-Rabastens. Aujourd'hui, il y a des dissensions dans la cellule. On ne leur permet pas de travailler par petits groupes sur les dossiers. Ils ne traitent qu'un seul dossier à la fois, ce qui ralentit les délais de l'enquête. Ce n'est pas la bonne méthodologie. Il y a bien moins d'effectifs aussi. Je crois que l'équipe Roussel a été surtout victime de jalousies au sein de la gendarmerie. Cette thèse du complot des gendarmes est stupide. « Notre devoir est de vérifier même les thèses officielles » Quel regard portiez-vous sur leur travail à votre époque ? J'étais très satisfaite de leur travail. Il y avait une équipe soudée et motivée, surtout enthousiaste pour aller plus loin. Je pensais que ce travail efficace allait continuer mais tout a changé depuis un an. Il n'y avait pas d'erreurs de procédure de leur part. On fait un mauvais procès au gendarme Roussel, car c'est un autre gendarme qui reconnaît d'ailleurs avoir signé le procès-verbal antidaté. Et il y avait un directeur à la cellule « homicides 31 », un officier que je n'ai jamais vraiment vu travailler. C'est d'ailleurs lui qui m'a dit un jour, à la geôle du palais de justice où Alègre avait été conduit, que cela ne valait pas le coup d'aller plus loin, du temps perdu, disait-il. C'était avant le procès de février 2002. Aviez-vous noté un acharnement particulier contre tel ou tel personnage de l'enquête ? Le seul acharnement qu'il y ait eu dans cette affaire de la part les enquêteurs, c'était contre Patrice Alègre, et pour trouver des solutions à des meurtres non résolus. Lorsque le volet « viols et proxénétisme » a été ouvert, ce dossier a été mal conduit. Certaines vérifications n'ont pas été faites. Je me demande toujours pourquoi le juge Perriquet n'a pas saisi les agendas de M. Dominique Baudis. Notre devoir de magistrat est de vérifier même les thèses officielles. Le gendarme Roussel est un soldat du rang, il n'avait aucun intérêt à porter atteinte à qui que ce soit. Quel avenir voyez-vous à ce dossier sensible ? Sur les meurtres non élucidés, cela va aboutir. Pour l'autre volet, je ne le crois pas. Mais, très sincèrement, je ne sais pas ce qui est vrai ou faux. Propos recueillis par Jean-Marc Ducos Le Parisien , jeudi 13 mai 2004