Vers le dopage cérébral - Centre Hospitalier Sainte Anne
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Vers le dopage cérébral - Centre Hospitalier Sainte Anne
LE JOURNAL DU DIMANCHE - 03/01/2016 - N° 3599 sciences | 19 jdd | 3 janvier 2016 58 millions d’arbres menacés par la sécheresse en Californie Les célèbres séquoias géants de Californie sont victimes du réchauffement climatique. Une équipe de chercheurs américains, menée par l’intrépide spécialiste de l’écologie Greg Asner, de la Carnegie Institution, vient d’évaluer l’impact sur la forêt de la sécheresse que connaît cet État depuis 2012. La conclusion de ce travail, publié récemment par l’Académie américaine des sciences, a de quoi inquiéter : des dizaines de millions de grands et vieux arbres sont menacés. Pour évaluer les effets de la sécheresse entre 2011 et 2015, les scientifiques ont cherché à mesurer la quantité d’eau contenue dans le feuillage. C’est à la fois un bon indicateur de la santé du massif forestier et des effets de l’aridité. Pour cela, deux outils différents ont été utilisés : l’imagerie satellite et la spectroscopie laser qui mesure la composition chimique des végétaux depuis un observatoire aéroporté ressemblant à un avion. Cette observation à la loupe a révélé qu’environ 10,6 millions d’hectares de forêt, soit 888 millions de grands arbres, avaient subi des déficits importants d’eau ces quatre dernières années. Plus grave, parmi ceux-ci, 58 millions d’arbres sont en péril. « La sécheresse met les forêts en très grand a Un séquoia géant dans le centre de la Californie. MARK RALSTON/AFP danger et cette situation risque de provoquer des changements durables dans les écosystèmes, ce qui pourrait avoir un impact sur les habitats des animaux et la biodiversité », avertit Greg Asner. Compte tenu de la gravité de la situation, l’augmentation attendue des précipitations en 2016 due au phénomène El Niño ne sera sûrement pas suffisante pour inverser la tendance, d’autant que la sécheresse risque ensuite de repartir de plus belle. Le Golden State « dépend de ses forêts pour s’approvisionner en eau et stocker le CO2 », relève Greg Asner, « mais aussi pour produire le bois de sciage, ainsi que pour le tourisme et les activités de plein air ». Quand les séquoias ont soif, c’est toute la Californie qui est menacée. A.-L.B. Vers le dopage cérébral Bientôt des greffes d’utérus en France Des médicaments détournés de leur usage, les « smart drugs », à la stimulation cérébrale, la médecine cherche les moyens de doper les capacités cognitives humaines Anne-Laure Barret @AnneLaureBarret Des lycéens américains accros à la Ritaline de leurs cadets hyperactifs, des étudiants de prestigieuses universités de la Ivy League gobant des molécules antisommeil pour préparer leurs examens, des traders de Wall Street gorgés d’amphétamines… Aux États-Unis comme en Angleterre, le « dopage cognitif », l’utilisation de médicaments détournés de leur usage par des personnes en bonne santé, est un sujet de société. À tel point que les « smart drugs » (les médicaments qui rendent intelligents) inspirent les auteurs de séries télé (Desperate Housewives) comme les scénaristes de films (Limitless). En France, le thème, qui fera l’objet d’une communication au prochain congrès de l’Encéphale, manifestation réunissant près de 4.000 psychiatres chaque mois de janvier à Paris, reste encore largement tabou. « Certains de mes patients, de jeunes adultes, prennent des produits pour s’améliorer. Ils font leur provision sur Internet. Il est important d’en parler, à la fois pour des raisons éthiques et pour évaluer les effets secondaires et le risque d’addiction », martèle Laurent Lecardeur, psychologue au CHU de Caen et chercheur chargé d’animer la table ronde sur le dopage cognitif avec le professeur de psychiatrie parisien Raphaël Gaillard. Ce dernier partage le même sentiment d’urgence : « Des détournements sont connus de longue date chez les médecins eux-mêmes, étudiants ou chirurgiens. La nouveauté, c’est l’accessibilité de ces produits et leur banalisation. Il est plus simple de les acheter sur Internet que de se procurer de la cocaïne au coin de la rue. » Améliorer la flexibilité mentale Depuis plus d’une dizaine d’années, tout un pan de la recherche explore les effets des stimulants cognitifs, mis au point pour aider les malades, chez les bien-portants. Plusieurs de ces « nootropes » (de noos, esprit et tropos, courber) ont été passés en revue : substances naturelles (caféine, ginseng, ginkgo biloba) ou médicaments (méthylphénidate – Ritaline sous toutes ses formes –, modafinil, bupropion). Cet été, des chercheurs d’Oxford ont fait sensation en annonçant que le modafinil, prescrit aux patients atteints de narcolepsie pour les aider à lutter contre le sommeil, était non seulement un produit « sûr », dépourvu d’effets secondaires à court terme chez les sujets sains, mais surtout capable d’améliorer certaines fonctions : flexibilité mentale, planification, mémoire de travail, bref tout ce qui permet d’être fluide au niveau cognitif. « Malgré quelques faiblesses méthodologiques, leur article, à la conclusion provocatrice puisqu’il couronne “la première” smart drug “bien évaluée”, permet d’ouvrir le débat sur l’amélioration des capacités cognitives humaines », commente Laurent Lecardeur. Jugeant lui aussi ce travail de synthèse « solide », le psychiatre Raphaël Gaillard précise : « Le modafinil augmente la libération de la noradrénaline et de la dopamine, deux des principaux neurotransmetteurs [messagers chimiques du cerveau] qui stimulent les processus cognitifs. » Deux électrodes au niveau de la tête En parallèle, de nombreux chercheurs planchent, depuis quinze ans, sur une autre forme de dopage cognitif : la stimulation cérébrale. Baptisée TDCS (transcranial direct current stimulation), la technique la plus récente, indolore et peu coûteuse, semble ultrabasique : deux électrodes sont chargées de délivrer un très faible courant électrique continu au niveau de la tête. « L’idée est de moduler l’activité spontanée des neurones », résume Raphaël Gaillard. À Lyon, le professeur de psychiatrie Emmanuel Poulet teste la TDCS chez certains patients souffrant de schizophrénie dans l’espoir de voir enfin diminuer leurs hallucinations résistantes aux traitements. Des résultats encourageants ont déjà été enregistrés auprès de malades atteints de dépression. Chez les personnes en bonne santé, des études ont suggéré un impact sur la mémoire de travail et le langage mais, dans cette population, son utilité fait encore débat. Même si sa méthodologie est contestée, une synthèse australienne est venue semer le doute au printemps 2015. « Il semble qu’il n’y ait aucun effet fiable », écrit Jared Horvath, son principal auteur. « Bien sûr qu’il y a un emballement scientifique et que la TDCS n’a pas d’effet spectaculaire ! Mais cette technique peut, dans certaines conditions, amplifier la capacité de concentration », nuance le professeur Gaillard. Le chef de pôle à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, est convaincu que cette voie est « prometteuse » : « Les progrès seront énormes le jour où l’on connaîtra mieux les circuits concernés par telle ou telle fonction cognitive et où l’on disposera d’outils pour stimuler, de manière non invasive, telle ou telle région du cerveau. » Le temps de la science n’est pas celui de la société : depuis plusieurs années, des petits malins, baptisés « hackers du cerveau » par la presse anglo-saxonne, fabriquent dans leur garage, pour moins de 2 $, des appareils grâce aux tutoriels qui pullulent sur Internet. « Les machines faites maison ne sont sûrement pas efficaces », soupire Raphaël Gaillard. Deux électrodes et une pile de 9 volts pour penser mieux et plus vite ? Ce débat-là est déjà tranché : c’est moins dangereux et moins addictif qu’un rail de cocaïne. g b Pour préparer leurs examens, de plus en plus d’étudiants se procurent – notamment via internet – des médicaments contenant des molécules censées les aider à lutter contre le sommeil ou à améliorer leur mémoire de travail. Hughes BIGO/ Challenges-REA LES FEMMES nées sans utérus ou ayant subi l’ablation de cet organe auront peut-être un jour la possibilité de porter un bébé. Une équipe du CHU de Limoges, mobilisée sur ce projet depuis 2007, vient d’être autorisée à procéder à des greffes d’utérus prélevés sur des donneuses en état de mort cérébrale. Huit volontaires âgées de 25 à 35 ans vont participer à cet essai clinique. À ce jour, la Suède est le seul pays à avoir obtenu quatre naissances (la première en septembre 2014) à la suite de telles transplantations. Une cinquième grossesse est en cours selon une récente communication des chercheurs de l’université de Göteborg. Sur neuf greffes pratiquées par les Suédois à partir de donneuses vivantes (parentes ou proches), sept se sont bien déroulées et deux ont été des échecs (complications ou rejet). À Limoges, une première greffe pourrait être réalisée dès la fin de cette année et, en cas de succès, une première naissance pourrait avoir lieu en 2018. Fumer tue… vos animaux de compagnie LA CIGARETTE est mauvaise pour la santé des chiens et des chats. Cellules endommagées, prise de poids et possibilité accrue de contracter certains cancers… Des chercheurs de l’Institut vétérinaire de l’université de Glasgow viennent de montrer qu’il existe un lien entre un environnement enfumé et un risque accru de maladies chez les animaux de compagnie. « Les chiens absorbent une quantité significative de fumée quand ils vivent dans une maison. Notre étude sur les chats montre qu’ils sont encore plus affectés, peut-être à cause de leur toilette minutieuse qui accroîtrait la quantité de fumée absorbée par leur corps », souligne le professeur Clare Knottenbelt. Ce travail souligne également que les niveaux de nicotine dans les poils diminuent sensiblement si la consommation dans la maison passe au-dessous de dix cigarettes par jour. « Les propriétaires de chiens et de chats oublient souvent le risque qu’ils font courir à leurs animaux, martèle le chercheur qui plaide pour l’arrêt du tabac, meilleure solution pour la santé et le bien-être de votre compagnon. » Jiang Liansheng/MAXPPP