COUR D`APPEL DE LYON Sécurité sociale ARRÊT DU 14

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COUR D`APPEL DE LYON Sécurité sociale ARRÊT DU 14
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2014
APPELANT :
Jérôme C.
comparant en personne, assisté de Me Nicolas P. de la SELARL F. P. M., avocat au barreau de
SAINT-ETIENNE
INTIMÉES :
SAS JEAN C.
représentée par Me Laurence F. G. de la SCP L., avocats au barreau de PARIS, substitué par Me
Antoine J., avocat au même barreau
CPAM DE LA LOIRE
CS 72701
Représentée par Madame Isabelle L., munie d'un pouvoir
PARTIES CONVOQUÉES LE : 3 décembre 2013
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Septembre 2014
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Christine DEVALETTE, Président de chambre
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller
Assistées pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 Octobre 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les
parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Christine DEVALETTE, Président de chambre et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Jérôme C. , salarié de la société Jean C. , en qualité d'ouvrier, a été victime le 11 octobre
2005, d'un accident du travail. Circulant dans les ateliers , il a été coincé par un chargement de palettes tombé d'un chariot électrique dont le conducteur ne l'avait pas vu.
Il s'est vu attribuer par la CPAM de la Loire une rentre mensuelle majorée à compter du 12 mai
2009 sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 100% , avec exonération du ticket modérateur
.
Par jugement définitif du 9 mai 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Loire a
- jugé que l'accident du travail est du a une faute inexcusable de la société Jean G.;
-ordonné le versement par la CPAM de la Loire à la victime de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L452-3 al 1 du code de la sécurité sociale et dit que la caisse en récupérera le montant contre
l'employeur;
-fixé à 10 000euro la provision revenant à la victime dont la CPAM fera l'avance ,
- ordonné une expertise médicale confiée au Docteur R.,
-condamné la société Jean G. à payer une indemnité de procédure de 800euro.
Sur rapport déposé par l'expert le 3 novembre 2011, et par jugement contradictoire du 29 octobre
2012, le tribunal des affaires de sécurité sociales a
- fixé aux montants suivants le préjudice complémentaire résultant de l'accident :
.10 500euro au titre du déficit fonctionnel temporaire,
.5000euro au titre des souffrances endurées,
.6000euro au titre du préjudice esthétique,
.30 000euro au titre du préjudice d'agrément ,
.8000euro au titre du préjudice sexuel,
.38281,72euro au titre des frais de véhicules soit un total de 97 781,72euro,
-débouté monsieur C. du surplus de ses prétentions,
- dit que les charges de l'accident seront avancées par la CPAM sous déduction de la provision de
10 000euro, et dit qu'elle pourra les recouvrer , outre la totalité des frais d'expertise sur la société
Jean G.,
-condamné celle-ci à payer une indemnité de procédure de 2000euro;
Monsieur C. a régulièrement interjeté appel de ce jugement et sollicité une augmentation de certains
postes de préjudice et l'indemnisation de postes supplémentaires, portant l'indemnisation globale à
la somme de 901 903,84euro.
Par arrêt du 3 décembre 2013, la cour de céans , avant dire droit sur l'indemnisation, a ordonné un
complément d'expertise confié au Docteur S. , aux frais avancés par la CPAM , afin de déterminer,
en substance , si Monsieur C. présente une pathologie psychiatrique avéré, préciser si celle-ci trouve
sa cause directement ou indirectement dans l'accident de travail du 11 octobre 2005 et définir les
conséquences en termes de diminution des capacités physiques et mentales de l'intéressé .
L'expert a déposé son rapport le 13 juin 2014 .
Par conclusions écrites visées par le greffe le 30 juillet 2014, et reprises oralement et intégralement
à l'audience , Monsieur C. s'appuyant sur les deux rapports d'expertise sollicite l'indemnisation suivante:
- 10 500euro au titre du déficit fonctionnel temporaire et total,
- 5000euro de prétium doloris,
-6000euro de préjudice esthétique,
-35000euro au titre du déficit fonctionnel permanent partiel,
-35000euro au titre de la perte de gains futurs,
- 50 000euro au titre de la perte de possibilités de promotion professionnelle,
-30 000euro au titre du préjudice d'agrément ,
-20 000euro au titre du préjudice sexuel, et d'établissement,
-279 420,16euro au titre de l'assistance d'une tierce personne ,
- 12 996euro au titre de l'acquisition d'appareillage et matériel médical,
-81 653,23 euro pour le renouvellement de l'appareillage,
-9141,26euro pour les frais d'adaptation du véhicule,
-43 018 ,72euro au titre du renouvellement de l'aménagement du véhicule,
-50 826euro au titre du surcoût lié à la puissance nécessaire du véhicule,
-155 951,44euro pour les frais d'aménagement de l'appartement ,
-4129,32euro pour les frais médicaux futurs;
-62 841,37euro au titre des frais divers ;
Il demande donc la condamnation de la société Jean G. à lui verser la somme de 901 903,84euro sur
avance effectuée par la CPAM dans la limite des chefs de préjudice énumérés à l'article L452-3 du
code de la sécurité sociale et sous déduction de la provision allouée n outre une indemnité de procédure de 5000euro.
Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 25 juillet 2014 , et reprise oralement, la
CPAM indique s'en rapporter sur la fixation du quantum des préjudices et indique qu'elle procédera
au règlement à la victime et procédera au recouvrement des sommes avancées sur l'employeur .
Par conclusions déposées le 9 septembre 2014 et reprises intégralement à l'audience, la société J. C.
demande la confirmation du jugement, au titre des postes de préjudice énumérés par l'article L452-3
du code de la sécurité sociale, sur le rejet de la perte de promotion professionnelle et la réduction
des sommes allouées au titre des souffrances , du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément, et
sur les préjudices non énumérés à cet article , la confirmation du jugement sur le déficit fonctionnel
temporaire , sur le rejet des autres chefs de demande , l'infirmation du jugement sur la somme allouée pour les frais d'aménagement du véhicule . Elle conclut qu'il soit statué ce que de droit sur le
préjudice sexuel et d'établissement .
MOTIFS DE LA DECISION
Au vu du rapport d'expertise initial et de celui du docteur S. , dont les conclusions, claires et motivées, ne sont pas discutées et qui confirment que Monsieur C. présente une pathologie psychiatrique
apparue lors de l'accident du travail du 11 octobre 2005 par décompensation d'une personnalité antérieure fragilisée, il convient d'évaluer les préjudices subis par Monsieur C., qui sont bien en lien
direct avec cet accident, de la manière suivante :
Sur le déficit fonctionnel temporaire qui a donné lieu à une indemnisation de 10 500euro, le jugement n'est pas critiqué par Monsieur C. non plus que par l'employeur , et doit être confirmé.
Le jugement doit être également confirmé pour le pretium doloris , classé 2/7 par l'expert et qui a
été exactement évalué par le jugement à 5000euro, eu égard aux souffrances physiques et morales
occasionnées par les différentes interventions chirurgicales et à la durée des hospitalisations et pour
le préjudice esthétique à 6000euro sur une base de 2,5/7 retenue par l'expert, résultant de la présentation d'un homme jeune en fauteuil roulant .
Pour le préjudice d'agrément évalué à 3/7 s'agissant, là encore d'un homme jeune qui n'a pas marché
depuis 8 ans et qui pratiquait des sports (ski, marche, vélo, moto), notamment avec son fils, et ne
peut conduire sans difficultés , le tribunal a exactement évalué ce poste de préjudice à 30000 euro
S'agissant du préjudice sexuel et d'établissement pour lequel Monsieur C. réclame une indemnisation de 20 000euro, au lieu des 8000euro alloués , le jugement doit être confirmé sur cette évaluation , en ce que l'expert l'a qualifié de modéré et subjectif , puisque Monsieur C. a eu un enfant
après l'accident et que la situation de divorce dans laquelle il se trouve et la charge de deux enfants
n'est pas en rapport avec ce préjudice sexuel , cette indemnisation intégrant également la perte de
chance de se rétablir en couple du fait de son handicap, alors qu'il est âgé de 40 ans .
Sur le préjudice fonctionnel permanent et la perte de gains professionnels futurs, le jugement doit
être également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur C. sur ces postes, dés lors que
la rente servie en application de l'article L452-2 du code de la sécurité sociale , indemnise déjà la
victime dans le cadre de la rente majorée.
Il en est de même que pour les autres postes de préjudice couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale , pour lesquels Monsieur C. a été exactement , à ce titre, débouté de toutes ses demandes.
S'agissant notamment des dépenses de santé futures ,d'appareillage , de matériel médical dont Monsieur C. souligne que la prise en charge est largement insuffisante, ces frais sont pris en charge dans
les conditions des articles L 431-1 et suivants du code de la sécurité sociale et peuvent donner lieu à
recours sur le montant de cette prises en charge, les frais de tierce personne donnant lieu de leur
côté à une majoration de la rente pour tenir compte de cette assistance .
Le rejet de la demande au titre des frais d'appareillage et matériel médical, ou les dépenses de santé
futures ou de tierce personne doit être ainsi confirmé de même que le rejet des frais de jardinier
pour assurer l'entretien des espaces verts de sa maison , qui sont intégrés dans la rubrique frais divers et qui couvrent en fait le fait que Monsieur C. ne peut plus se livrer à une activité de jardinage ,
préjudice déjà couvert dans le cadre des dispositions de l'article IV du code de la sécurité sociale .
Sur le préjudice résultant de la perte de possibilités de promotion professionnelle, le jugement doit
être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur C. de ce chef de demande , faute de justificatif, le rapport d'expertise du Docteur S. relevant certes que la biographie de Monsieur C. démontre des capacités de promotions sociales certaines avec plusieurs investissements professionnels divers et successivement réussis, mais cette mobilité professionnelle est sans rapport avec les perspectives de
promotion professionnelle dans l'emploi d'ouvrier qu'il occupait au moment de l'accident sur lesquelles Monsieur C. ne fournit aucun élément en termes ,de diplômes ou de formation professionnelle en cours dont le poursuite aurait été interrompue par l'accident ;
En dehors du poste relatif à l'indemnisation pour l'aménagement du véhicule , avec amortissement
et capitalisation sur 5 ans , dont l'indemnisation est justifiée par les pièces produites , le jugement
qui a débouté Monsieur C. de sa demande complémentaire en surcoût d'achat d'un véhicule plus
puissant doit être confirmé , ce dernier ne justifiant pas plus en appel, d'un tel surcoût .
Concernant en revanche les frais d'aménagement du logement, Monsieur C. démontre en cause
d'appel que, du fait qu'il se déplace en fauteuil roulant, de tels aménagements sont nécessaires , ce
que confirme le Docteur S. .
Au vu de l'avis émis par Madame P. ergothérapeute , et du devis produit qui prend en compte ces
divers aménagements, l''indemnisation doit être fixée à hauteur de 155 951,44euro; et le jugement,
qui a intégralement rejeté cette demande, infirmé sur ce point.
L'avance des indemnisations par la CPAM doit être confirmée , sous déduction de la provision de
10 000euro allouée, et sous réserve de recouvrement contre l'employeur ainsi que l'indemnité de
procédure qui doit être complétée par une somme de 2000euro.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement ,
Vu l'arrêt avant dire droit en date du 3 décembre 2013 et le rapport d'expertise du Docteur S.,
Confirme le jugement entrepris excepté en ce qu'il a débouté Monsieur Jérôme C. de sa demande
d''indemnité pour aménagement du logement ;
Et statuant à nouveau sur ce chef de préjudice infirmé ;
Fixe le préjudice subi par Monsieur Jérôme C. au titre de l'aménagement de son logement à hauteur
de 155 951,44euro ;
Dit que cette charge complémentaire sera avancée par la CPAM de la Loire et versée directement à
Monsieur Jérôme C. , sous déduction de la provision globale de 10 000euro et qu'elle pourra les
recouvrer auprès de l'employeur , la société Jean C. ;
Y ajoutant ,
Condamne la société Jean C. à payer à Monsieur Jérôme C. une indemnité de procédure complémentaire de 2000euro ;
Condamne la société Jean C. aux dépens de l'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Malika CHINOUNE Christine DEVALETTE