Fiducie sûreté : traitement comptable et fiscal
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Fiducie sûreté : traitement comptable et fiscal
Synthèse // Réflexion // Une entreprise/un homme // Références COMPTABILITÉ Fiducie sûreté : traitement comptable et fiscal Application au transfert des immeubles La loi du 19 février 2007 introduisant la fiducie sûreté marque une avancée majeure qui devrait renforcer l’attractivité économique du droit français. Le principe est le suivant : le débiteur constituant transfère temporairement la propriété de biens à un fiduciaire (établissement de crédit ou avocat) en garantie de dettes envers un créancier bénéficiaire à charge pour le fiduciaire de les remettre à l’issue du contrat soit au constituant après complet remboursement des dettes, soit au créancier bénéficiaire en cas de défaillance. Cet article se limite volontairement au transfert d’immeubles à titre de garantie avec mise à disposition à titre gratuit, ce qui devrait constituer la majorité des cas d’application. Il expose de façon synthétique les points clés du traitement comp- Résumé de l’article En introduisant la fiducie dans le Code civil, la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 a marqué une avancée conceptuelle majeure, susceptible de connaître de nombreuses applications pratiques en droit des affaires, notamment à titre de sûreté. Ce mécanisme fondamentalement nouveau requiert un transfert de propriété de biens avec une finalité déterminée et la création d’un patrimoine d’affectation, isolé du patrimoine propre du fiduciaire. Il constitue en soi une petite révolution juridique et un progrès dans la compétitivité et l’attractivité de notre droit. La fiducie, nouvelle reine des sûretés, dispose d’atouts décisifs : elle seule résiste aux procédures collectives, sa polyvalence et sa souplesse d’utilisation à travers la mise en place d’une convention de mise à disposition, en font un outil performant au service du financement des entreprises. Un cadre comptable général est donné par l’article 12 de la loi et précisé par le règlement CRC 2008-01. Une importance toute particulière devra être accordée à la rédaction des conventions afin d’en sécuriser le traitement comptable et fiscal. table et fiscal à chacune des étapes de la fiducie sûreté à partir du 1er cas pratique du genre en France. Les modalités de comptabilisation ont certes été précisées par le règlement CRC 2008-01 et intégrées au plan comptable ; il conviendra toutefois d’adapter le traitement comptable aux spécificités des conventions mises en place. 1. La constitution de la fiducie 1.1 Evaluation des actifs transférés Le règlement CRC 2008-01 prévoit que le transfert des actifs au sein de la fiducie est évalué à la valeur nette comptable dans la mesure où le débiteur constituant en conserve le contrôle. La fiducie étant comparable à une entité ad hoc, celui-ci est déterminé par référence au paragraphe n° 10052 du règlement CRC 99-02 qui précise que le constituant doit notamment être bénéficiaire du contrat à son échéance et conserver la quasitotalité des risques et avantages liés aux actifs transférés. L’issue naturelle du contrat de fiducie sûreté étant le retour des biens au débiteur constituant après le complet remboursement de ses dettes, ce dernier est automatiquement un des bénéficiaires au même titre que son créancier. Par ailleurs, dans la mesure où l’actif immobilier transféré est exclusivement utilisé par le constituant pour les besoins de son activité et ce sans contrepartie, le contrôle est clairement établi. Compte tenu de ces développements, il apparaît que les transferts à la valeur nette comptable devraient être systématiques en cas de fiducie sûreté, traduisant ainsi le caractère intercalaire de l’opération. Il sera toutefois opportun de veiller à ce que le contrôle exercé par le Par Xavier SALLABERRY, Expert-comptable, Cabinet EXCO Fiduciaire du Sud Ouest, [email protected] constituant apparaisse sans ambigüité dans la convention de fiducie sûreté afin de maîtriser le traitement comptable et fiscal du transfert. 1.2 Le transfert des actifs au sein de la fiducie 1.2.1 La comptabilisation du transfert Les immeubles sont sortis du patrimoine du constituant à leur valeur nette comptable éclatée en valeur d’origine et amortissements. En contrepartie, il faut constater à l’actif en 2661 “les droits représentatifs des actifs remis en fiducie“ pour un montant égal à la valeur nette comptable des actifs transférés. Au sein de la fiducie, les immeubles sont alors comptabilisés par symétrie à la valeur de transfert retenue chez le constituant par la contrepartie 102xx “fonds fiduciaires“. 1.2.2 La neutralité fiscale du transfert La fiducie sûreté est traitée comme une opération intercalaire puisque les biens sont censés retourner de plein droit dans le patrimoine du constituant ; elle bénéficie donc de la neutralité fiscale. Des droits d’enregistrement réduits de 0,815 % sont dus sur la valeur vénale des immeubles transférés. Au regard de la TVA, le sujet est plus complexe puisque à ce jour aucune disposition légale ne précise si le transfert des actifs en fiducie constitue ou non un fait générateur d’impôt. Le législateur fait uniquement référence à l’article 257 bis du CGI en faveur des transmissions d’universalité de biens, rarement applicable aux fiducies sûretés en raison de la mise à disposition des actifs au profit du constituant. Il convenait donc de trouver un équivalent à la dispense de TVA évoquée ci-dessus, sous peine de mettre à mal le principe de neutralité fiscale. Revue Française de Comptabilité // N°439 Janvier 2011 // 31 Synthèse // Réflexion // Une entreprise/un homme // Références COMPTABILITÉ Après accord de la Direction de la législation fiscale sollicitée sur le dossier en question, il a été fait application de l’article 210-I-1 de l’annexe II du CGI. Le transfert des immeubles passant gratuitement du patrimoine du constituant à celui de la fiducie entraîne l’exigibilité des reversements de TVA fondés sur les dispositions de l’article 207-III-1-1 de l’annexe II du CGI dès lors qu’il est assimilable à une livraison à titre gratuit. Par ailleurs, le fiduciaire en tant qu’exploitant de la fiducie a pour seule activité de mettre à disposition à titre gratuit les immeubles ; il n’est donc pas assujetti à la TVA et ne peut la déduire. Le principe de neutralité voulu par le législateur semble de nature à permettre que dans une telle situation, le constituant puisse lors de la constitution délivrer au fiduciaire l’attestation de transfert de droit à déduction de la TVA prévue dans le cadre de la procédure mentionnée à l’article 207-III-3 de l’annexe II du CGI et que le fiduciaire puisse simultanément opérer un transfert symétrique de ce droit à déduction au constituant utilisateur des immeubles qui les affectera à ses opéra- tions économiques. Par souci de simplification, il a été admis que les deux attestations formalisant ces droits à déduction soient réunies en une seule, le constituant se la délivrant à lui-même à l’appui de la régularisation et de la déduction qu’il opèrera simultanément. Dans un souci de sécurité fiscale il serait bienvenu que l’administration se positionne clairement sur les modalités pratiques de neutralisation de la TVA. 2. Dispositions relatives au fonctionnement de la fiducie 2.1 Une comptabilité autonome L’article 12 de la loi du 19 février 2007 repris par le règlement CRC 2008 01 pose le principe d’une comptabilité autonome pour la fiducie puisqu’il s’agit d’un patrimoine d’affectation, distinct du patrimoine propre du fiduciaire. La loi impose par conséquent au fiduciaire d’établir les comptes annuels de la fiducie comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe. Son contenu devrait être similaire à celle du constituant qui doit notamment mentionner : • l’identité des parties, • l’objet et la durée du contrat, • le montant de la dette garantie et la valeur réelle des actifs transférés, • les principales dispositions contractuelles, • les modalités d’évaluation retenues, • un tableau de variation des fonds propres fiduciaires. Le fiduciaire devra en outre déposer au service des impôts dont il dépend une déclaration n° 2031 récapitulant le résultat de la fiducie. Enfin lorsque le constituant est tenu de désigner un commissaire aux comptes, la loi prévoit que le fiduciaire doit en nommer un chargé de contrôler les comptes de la fiducie. 2.2 Détermination du résultat de la fiducie Il conviendra de se référer aux dispositions contractuelles pour déterminer le traitement comptable et d’en prévoir une rédaction claire et précise dans l’acte. Présentation schématique de la fiducie sûreté avec mise à disposition CONSTITUANT FIDUCIAIRE 1 Débiteur transfère la propriété juridique des immeubles Convention de fiducie sûreté 2 Usager temporaire dispose de la jouissance des immeubles Patrimoine d’affectation fiducie Patrimoine propre du fiduciaire Convention de mise à disposition (facultative) 32 1 Le constituant débiteur transfère des immeubles en fiducie pour garantir sa dette envers le créancier bénéficiaire, à charge pour le fiduciaire de les administrer ou de les réaliser en cas de défaillance, au profit du bénéficiaire. 2 Le fiduciaire transfère la jouissance des immeubles nécessaires à l’exploitation du constituant “usager temporaire“. // N°439 Janvier 2011 // Revue Française de Comptabilité En garantie Bénéficiaire retour des actifs en cas de remboursement (issue naturelle de la fiducie sûreté) BÉNÉFICIAIRE Créancier du débiteur (Etat, investisseur, banque, autre créancier) En cas de défaillance du débiteur, il recevra le produit de la réalisation des immeubles COMPTABILITÉ Au cas d’espèce, les conventions prévoient, du fait de la mise à disposition à titre gratuit, de tout mettre à la charge du constituant et notamment : • la prise en charge directe de l’intégralité des frais relatifs aux immeubles (entretien, assurance) comme s’il en était propriétaire puisqu’il devrait le redevenir, ainsi que la rémunération du fiduciaire pour sa prestation ; • la refacturation des frais imputables à la fiducie (taxes foncières, honoraires du CAC) puisque la fiducie ne dispose pas de trésorerie. Les dotations aux amortissements des immeubles et dépréciations éventuelles sont au cas d’espèce les seules charges de la fiducie, entraînant de facto un déficit systématique puisqu’il n’y a aucune recette. Ces déficits sont cumulés en report à nouveau débiteur dans la fiducie. 2.3 Prise en compte du résultat de la fiducie et consolidation chez le constituant Le déficit de la fiducie est pris en compte chaque année par le constituant pour qui c’est une charge financière comptabilisée en 6612 “charge de la fiducie-résultat de la période“ impactant à la baisse la valeur des droits représentatifs d’actifs remis en Abstract By introducing trust law into French civil law, law n°2007-211 dated February 19, 2007 made significant conceptual progress that is more than likely to lead to many practical applications appearing under corporate law and particularly in terms of trusts. This fundamentally new mechanism requires that property transfers be made with a defined purpose and that the property being transferred must be clearly designated and set aside from the trustee’s own property – a revolution in French law that represents progress in terms of its competitive and attractive nature. Trust law is the new hero in the securities field and holds several major assets. It is a high performance tool for corporate finance as it resists collective procedures and is adaptable and flexible to use due thanks to the implementation of an availability agreement. A general accounting framework is set out in article 12 of the law and precise details for use are given in CRC ruling 2008-01. It is essential that agreements be drafted correctly to ensure the security of accounting and tax treatment. fiducie qui reflètent ainsi, par symétrie, la situation nette de celle-ci. Ces droits n’ont donc pas lieu d’être dépréciés. Ce déficit, correspondant aux amortissements que le constituant aurait de toute façon comptabilisés, n’a au final aucun impact supplémentaire sur son patrimoine si ce n’est en présentation. Par ailleurs le règlement CRC 2008-01 modifiant le règlement CRC 99-02 pose le principe de la consolidation de la fiducie assimilée à une entité ad hoc dans les comptes du constituant lorsque celui-ci garde le contrôle des actifs transférés. Ce sera systématiquement le cas de la fiducie sûreté qui devra être consolidée par intégration globale. 2.4 Fiscalité La fiducie est transparente fiscalement, son régime est proche de celui des sociétés de personnes. Le résultat déterminé au sein de la fiducie est ensuite taxé entre les mains du constituant. La fiducie peut en tant que telle avoir la qualité d’assujettie à la TVA lorsque des opérations réalisées par le fiduciaire pour son compte sont soumises à la TVA dans les conditions de droit commun, le redevable étant le fiduciaire en charge des formalités. Ce dernier est aussi redevable de la taxe foncière au titre des immeubles transférés et la refacture au constituant conformément à la convention comme si les biens n’avaient jamais quitté son patrimoine. Par ailleurs, s’agissant uniquement de la gestion du patrimoine de la fiducie, ces opérations échappent à la CET. Enfin, le constituant personne morale est théoriquement redevable de la taxe de 3 % sur les immeubles transférés mais il devrait en être exempté en remplissant les conditions déclaratives requises par l’administration fiscale. 3. Dénouement de la fiducie Il appartient au rédacteur de la convention de prévoir les modalités qui seront appliquées lors du dénouement de la fiducie en fonction des deux issues possibles. 3.1 Retour des biens chez le constituant en cas de remboursement Il constitue l’issue naturelle du contrat de fiducie sûreté. Le règlement CRC 2008-01 prévoit un retour des actifs au sein du patrimoine du constituant de façon symétrique à leur transfert d’origine avec pour contrepartie la sortie des droits représentatifs d’actifs remis en fiducie après imputation du déficit de l’exercice de clôture de la fiducie. Le retour des actifs bénéficie de la neutralité fiscale (absence de droits d’enregistrement et dispense de TVA), s’agissant d’une opération intercalaire. 3.2 Défaillance du constituant et réalisation des actifs Aucun traitement comptable n’a été prévu par le CRC 2008-01 : il conviendra de l’adapter à chaque cas rencontré. Le fiduciaire procède à la vente des immeubles au sein même de la fiducie, générant une plus ou moins-value qui viendra augmenter ou diminuer d’autant le résultat de l’exercice de clôture. Le produit net de la vente servira au règlement des dettes garanties par la fiducie et ce, au sein même de celle-ci, alors qu’elles sont comptabilisées au passif du débiteur constituant. Une créance est alors comptabilisée en 467xx “dettes payées pour le compte du constituant“ qui viendra en compensation des dettes garanties par la fiducie au passif du constituant. En cas d’insuffisance du produit de la vente, les dettes non apurées sont maintenues au passif du débiteur. Chez le constituant, il faudra constater le résultat de liquidation de la fiducie, sortir des droits représentatifs d’actifs remis en fiducie en contrepartie du retour des actifs de la fiducie (trésorerie, créances) et enfin opérer la compensation suite au règlement des dettes garanties. La défaillance du débiteur entraînant la réalisation des immeubles au profit d’un bénéficiaire tiers rompt le principe de neutralité fiscale de l’opération, le transfert étant alors assimilé à une cession d’actifs à part entière, justifiant notamment l’application des droits de mutation à titre onéreux et la régularisation de la TVA antérieurement déduite sur les immeubles. Conclusion La fiducie, nouvelle reine des sûretés, s’insère parfaitement dans les enjeux économiques actuels, au service du financement des entreprises. Elle ouvre par ailleurs des perspectives de missions comptables nouvelles : établissement des comptes de la fiducie et/ ou certification légale. Le corps professionnel, experts-comptables et commissaires aux comptes, doit s’investir dans les particularités de ce nouvel instrument au service de l’économie et s’en approprier la maîtrise technique. Bibliographie Loi 2009-526 du 12 mai de simplification et de clarification du droit. Loi LME 2008-776. Ordonnance 2008-1345 du 18 décembre portant sur la réforme du droit des entreprises en difficulté. Ordonnance 2009-112 du 30 janvier portant diverses mesures relatives à la fiducie. Arrêté du 11 décembre 2008 portant homologation du règlement CRC 2008-01. Revue Française de Comptabilité // N°439 Janvier 2011 // 33