Réflexion sur le vagabondage et les droits des enfants

Transcription

Réflexion sur le vagabondage et les droits des enfants
L’anachronisme du Décret sur l’enfance délinquante en RDC
Réflexion sur le vagabondage et
lesdroitsdesenfants
Par Henri Wembolua Otshudi K.1
Plusieurs personnes se sont intéressées à la situation des droits de l’enfant en République
Démocratique du Congo (RDC) au courant de l’année 2006. En effet, concomitamment au
processus électoral, la situation des droits de l’enfant n’a cessé de préoccuper les défenseurs
des droits de l’homme d’autant plus que le cadre juridique de la protection de l’enfant est
obsolète et que les violations des droits de l’enfant sont multiples.2 La majorité pénale est
encore à 16 ans mais la Constitution, la ratification du Statut de Rome sur la Cour pénale
internationale, la loi sur la justice militaire et les lois sur les violences sexuelles sont
encourageantes en ce que la majorité pénale reconnue est de 18 ans. Plusieurs rapports et
autres écrits ont déploré la situation des droits de l’enfant en RDC, notamment la protection des
droits de l’enfant en conflit avec la loi.3 Il apparaît utile de relire le décret cité supra quant à ses
dispositions sur le vagabondage et analyser la pratique sur le terrain. On peut se demander si
le « vagabondage »4 et sa pratique sont respectueux de la dignité de l’enfant telle que proclamée
par les normes internationales relatives aux droits de l’enfant. Les arrestations massives ou
rafles des enfants et jeunes de la rue dénommés communément « Shégués »5 sont devenus
préoccupantes pour la RDC et plus particulièrement pour la Ville de Kinshasa. Pour les uns,
l’unique solution d’assurer la sécurité des personnes et des biens face au phénomène des enfants
et jeunes de la rue, casse-tête pour les autorités administratives et politiques, c’est d’arrêter et
de détenir ces derniers dans les prisons ou de les déporter. En tout état de cause, une solution à
ce phénomène social des enfants de la rue doit être prise dans sa globalité, c’est-à-dire doter le
pays d’un cadre plus cohérent de la protection de l’enfant sur le plan social, éducatif, familial...
Les structures privées et publiques d’encadrement des enfants doivent être créées et/ou
appuyées, selon le cas, pour une véritable prise en charge de l’enfant.
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Avocat et Chef des Travaux au Centre Interdisciplinaire
pour le Développement et l’Education Permanente
(CIDEP). L’auteur est détenteur d’un diplôme de
3°Cycle en Droits fondamentaux de l’Université de
Nantes.
La nouvelle Tribune internationale des droits de l’enfant
avait publié dans son n°10 et 11 de décembre 2005
un article sur « L’anachronisme du décret du Décret 6
décembre 1950 sur l’enfance délinquante. Cas du flou
sur la majorité pénale ».
La parole de la justice de RCN-justice publie dans son
deuxième numéro quelques articles sur la protection
de l’enfant notamment « Encore sur l’anachronisme
du Décret du 6 décembre 1950 sur l’enfance
délinquante : le volet de la protection de l’enfant en
conflit avec la loi »
Le vagabondage est une mesure de sûreté qui frappe
les personnes (en l’espèce les enfants). Cette
infraction est souvent abordée de manière combinée
avec la mendicité.
Shégués est la dénomination péjorative des enfants de
la rue ou dans la rue. Ce sont ces enfants
abandonnés ou ayant fui le toit familial (enfants en
rupture des liens de famille). Voir à peu près
« Gavroche » dans la littérature française. Le
phénomène Shégués a de nos jours une autre
connotation, parce qu’il y a parmi eux des jeunes et
des adultes, des enfants abandonnés et des enfants
vivant sous le toit familial, mais échappant au contrôle
des parents.
Bayona ba Meya, « Considération sur la protection de
la jeunesse », in Annales de la Faculté de Droit
Unikin, Puk 1984, pp.93-104.
22
Ce travail est destiné à tous ceux qui s’intéressent à la promotion et à la protection des
droits de l’enfant. Il s’agit aussi d’attirer l’attention
des politiciens congolais sur l’urgence de concevoir une nouvelle loi sur la protection de l’enfant.
Pour d’autres personnalités, des mesures administratives, judiciaires et financières sont utiles
pour gérer le problème des vagabonds autrement que par la violation des droits de l’enfant.
Nous espérons que les chercheurs et les intervenants, nationaux et internationaux, dans le
domaine des droits de l’enfant découvrent d’autres
pistes de travail.
Qu’est- ce qui peut démontrer que les dispositions légales contenues dans le décret du 6
décembre 1950 sur l’enfance délinquante sont
dépassées et sont en violation des droits de l’enfant ? Pour répondre à cette question, ce travail
tentera de présenter quelques notions importantes sur le vagabondage. Nous n’entrerons pas
ici dans les détails des causes ayant propulsé
des milliers d’enfants dans la rue, dès l’instant
que l’on connaît les effets de la guerre et du fléau
du SIDA, la crise socio-politico-économique
ayant frappé de plein fouet la R.D.Congo, avec
pour conséquences
la déliquescence de l’institu6
tion familiale. Après une étude sur les notions
fondamentales et la nature juridique du vagabondage, la pratique de l’institution caractérisée par
des rafles, des tortures et des traitements inhumains et dégradants, voire la non-observation
des prescrits de la loi en la matière, sera examinée. Enfin quelques propositions s’avèrent nécessaires pour permettre à ceux qui sont impli-
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qués dans la protection des droits de l’enfant en
RDC, d’agir en faveur des enfants et, par ricochet, d’investir pour un avenir de paix et de
prospérité pour tous grâce à l’approche responsable du vagabondage.
I. Quid du
vagabondage ?
Il y a lieu de chercher à définir préalablement le vagabondage, en relever ses éléments
constitutifs, sa nature juridique et les sanctions
prévues.
1.
La base légale et la
définition du vagabondage
Le vagabondage est réglementé en RDC
par le décret du 6 décembre 1950 sur l’enfance
délinquante ; le décret du 6 juin 1958 relatif aux
adultes vagabonds régit aussi le vagabondage.
Il est déplorable de constater que la disposition légale n’a pas prévu une quelconque définition, comme le stigmatise Madame Professeur
Idzumbuir qui dit : « pour le vagabondage, la
définition est celle donnée par le code pénal
belge qui entend par cette expression, l’état
des individus qui n’ont ni domicile certain, ni
moyens de substance et qui n’exercent
habi7
tuellement ni métier, ni profession ».
Les enfants des rues
pourchassés et tués :
Certains pays ont organisé des réactions violentes
pour faire face à la prolifération du nombre d’enfants des
rues. C’est la cas notamment du Guatemala, de la Colombie, du Pérou et du Brésil. Par exemple les trop célèbres
«escadrons de la mort » au Brésil qui sont financés par des
hommes d’affaires locaux qui souhaitent « nettoyer » leurs
quartiers des enfants des rues. Ces escadrons de la mort,
composés de policiers subalternes et d’officiers de la police
militaire, veulent se substituer aux lois estimées trop lentes
et inefficaces. Depuis une quinzaine d’années, tous les jours,
des enfants, souvent très jeunes, meurent assassinés. A
l’instar des escadrons de la mort, des milices privées se
sont créées dans les pays précédemment cités. La présence
importante d’enfants dans la rue assure à ces milices une
certaine approbation de la population nantie et donc leur
quasi impunité.
7
8
9
Idzumbuir Assop Joséphine, La justice pour mineurs au
Congo, éd.univ.afr., Kin, 1994.
Omelette Osako H. et coll., Recueil sur la minorité.
Analyse et commentaires de la législation applicable
aux mineurs Congo, publication de BICE O.I. des
droits de l’enfant, s.d. Voir aussi www.bice.org
Certaines associations et orphelinats récupèrent les
enfants en détresse. Sans informations très sûres
pour toutes les institutions, on peut citer MPOKOLO
WA MUOYO, BICE, AMOCONGO...
10
11
12
13
La défaillance des gouvernements face à cette
obligation nationale et internationale est la
cause de la crise actuelle du phénomène
shégué. Ils n’ont pas bénéficié de l’enseignement primaire, certains ont plus de 18 ans et
se débrouillent dans la rue, parfois avec
violence. La 3° République a la lourde
mission d’éradiquer l’analphabétisme et
d’élaborer un programme spécifique avec
l’appui de la communauté internationale au
risque de saper les efforts de rétablissement
de la paix et la sécurité au pays.
Lire avec intérêt Gaëlle Renault, « Le travail des
enfants sous l’œil du Comité des droits de l’enfant :
lecture transversale des observations finales réalisées
en 2005 », in Nouvelle tribune internationale des
droits de l‘enfant, N°10 et 11 décembre 2005, pp. 5053.
Le rapport de octobre 2006 de Human Rights Watch a
dénoncé la présence de plusieurs filles dans les
groupes armés à l’Est. Consulter site :www.hrw.org
Pour Marcel Wetsh’okonda, ex-Directeur de la
Campagne pour les droits de l’homme au
Congo CDHC-asbl et membre de Global
Rights. Partners for justice, l’âge nubile est
inconnu et à ce jour, il faut harmoniser les
dispositions du code de la famille et celles des
lois sur les violences parce que le code de la
famille autorise le mariage à 16 ans tandis que
les rapports et atteintes sexuelles à une fille
de moins de 18 ans constituent diverses
formes de violences sexuelles.
Cette définition, dans le contexte actuel de
la RDC, pose problème parce que son champ
d’application est très large et qu’il y a un risque
de tomber dans l’arbitraire. Dans la pratique, lors
des arrestations massives, on ne distingue pas
la loi applicable aux adultes de l’article 2 du Décret sur l’enfance délinquante. Quels sont les
éléments qui doivent présider à l’appréciation de
la constitution ou établissement de l’infraction ou
manquement « vagabondage » ?
2. Les éléments constitutifs du
vagabondage
Dans le silence de la loi, la doctrine et la
jurisprudence relèvent trois éléments constitutifs
du vagabondage. Omalete Osako et des collaborateurs de BICE prélèvent les trois éléments,
notamment l’absence de résidence certaine, le
fait de ne se livrer habituellement à aucun travail
8
et le manque de ressources.
1.
L’absence de résidence certaine
Les enfants ayant légalement leur domicile
chez leurs parents, lorsqu’ils se retrouvent sans
accompagnement et en dehors du toit familial,
l’on peut considérer qu’ils n’ont pas de résidence
certaine. Il en est de même de tous les enfants
qui se soustraient au contrôle de leurs représentants légaux, tels les tuteurs, les délégués sociaux, les institutions de charité, les centres
d’écoute ou d’hébergement (ASBL ou ONG)…
Jadis, il y avait une réglementation sur les
heures pendant lesquelles la présence des enfants était interdite dans la rue. Des milliers d’enfants n’ont pas de résidence certaine et cette
situation est parfois le fait de l’extrême pauvreté
des parents, des conflits armés et des maladies
ayant laissé de nombreux orphelins. Les pouvoirs publics en difficulté de pourvoir à l’encadrement des enfants ou organiser la pupille de l’Etat
prévus
par le code de la famille se trouvent limi9
tés.
2. La Condition de travail
La condition de travail concerne en principe
les adultes et non pas les enfants qui ont en
principe droit à l’éducation. L’alinéa 4 de l’article
43 de la Constitution du 18 février 2006, conformément aux normes internationales pertinentes
et Plans d’action, dispose que l’enseignement
10
primaire est obligatoire et gratuit. Au lieu de
bénéficier de l’éducation, plusieurs enfants sont
soumis au travail par la force des choses, et ce
contrairement aux observations générales du
11
Comité des droits de l’enfant . En fait, les enfants, sans souci de l’âge, sont exploités pour
la vente à la criée, la vente de l’eau
(Kapanzeurs à Tshikapa, Bana Mai à Kinshasa), le travail dans les mines des pierres
précieuses, les filles mineures sont exploitées
dans la débauche (appelées londoniennes à
Lubumbashi, Fioti-fioti ou Kamuke-Sukali à Kinshasa, ou encore Turushavumbi à Kisangani),
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12
accompagnatrices ou femmes des commandants des groupes armés …
Toutes ces activités énumérées ci-dessus
ne représentent pas un travail normal et rémunéré pour les enfants. Les enfants victimes d’un
système injuste sont exposés à l’arrestation du
fait de manque de source sûre de revenu. Pour
les adultes, dont nombreux vivent un chômage
déguisé grâce aux activités professionnelles
dérisoires, le contenu sociologique des éléments
constitutifs de l’état de vagabondage reste problématique. Qu’en est-il des filles qui survivent
des rapports charnels et celles qui se marient
avant 18 ans, contrairement à l’âge de la majorité
selon l’article 41 de la constitution de 18 février
2006 et les lois 06/018 et 019 du 20 juillet 2006
13
sur les violences sexuelles ? Ne tombent telles pas sous le coup de vagabondage par
manque de ressources de revenu ?
3. Le manque de ressource
Les considérations sur le travail dans les
Etats en développement peuvent interpeller
d’autant plus que, souvent, le revenu d’un particulier sans emploi fixe dépasse largement celui
d’un agent de l’Etat.
Madame Idzumbuir n’a-t-elle pas raison lorsqu’elle dit que : « Le vagabondage est une question de fait si délicate que son appréciation laissée à l’organe judiciaire comporte le risque d’étiquetage et d’amplification sociale de la déviance
juvénile » ? Le manque de ressource est l’un
des éléments constitutifs du vagabondage au
contour difficile à préciser et surtout en ce qui
concerne les mineurs qui, par principe, dépendent de leurs parents ou familles et à défaut des
institutions de charité et légalement de l’Etat avec
la tutelle de l’Etat.
Le Décret sur l’enfance délinquante prévoit
deux cas de vagabondages :
- L’état de vagabondage du jeune notamment qui
erre près des marchés, des hôtels, des cinémas ;
- Le vagabondage qualifié ou d’habitude, lorsque le mineur se livre habituellement au Vagabondage, c’est-à-dire que l’on constate une
tendance persistante. Il existe certaines conceptions sur le fait reproché.
3. La nature juridique de vagabondage
A propos de la nature juridique du vagabondage, les travaux préparatoires de la rédaction
du Décret sur le vagabondage renseignent
que : « Ce projet, examiné par le Conseil colonial en sa séance du 25 avril 1958, a été élaboré
par la commission de réforme judiciaire à la demande du Ministre et du Gouverneur général,
bien qu’il s’agisse d’une matière administrative,
de restriction à la liberté individuelle dans un
but de police et de sécurité…
Un autre membre rappelle que la question
du vagabondage et de la mendicité n’est pas un
problème de répression, mais de police. La législation prévoit, non des peines mais des Me-
23
L’enfant des rues :
contribution à une socioanthropologie de l’enfant
en grande difficulté dans
l’espace urbain
Sous la direction de Stéphane Tessier,
L’Harmattan, Paris, 2005
Lorsqu’un enfant se précipite pour laver le pare-brise
d’une voiture arrêtée au feu rouge, deux mondes se rencontrent. Celui d’une société véhiculée, consommatrice qui
vit dans l’urgence de trouver un revenu, un salaire et de le
conserver, et celui des rues dont cet enfant témoigne. L’un
comme l’autre s’ignorent et se fantasment. Alors que l’enfant des rues tente de comprendre le monde « inspiré» pour
pouvoir s’y infiltrer, grappiller quelques bénéfices, comment ce même monde peut-il aborder la rue et les exclusions dont elle est l’image et le royaume ? Par le filtre du
pare-brise, ou de son avatar moderne, la représentation
télévisée ? En considérant cette population comme on le
fait romantiquement de populations nomades, symboles
de liberté, mais aussi de souffrances archaïques - et, par là,
presque séduisante , de «cri primal» de la société ? Ou
bien, en considérant la rue et ses habitants comme des
excédents banals de production, des emballages qu’on
empaquette, stocke, puis nettoie ou recycle ? Fruit d’une
étude en Amérique latine, d’un séminaire à Kinshasa et de
deux autres à Paris, cet ouvrage rassemble de nombreuses
contributions afin de brosser un tableau aussi large que
possible de ces enfants, de Brazzaville à Chicago, en passant par Bogotà, la Chine ou Paris. Briser, ou du moins
limiter, les mécanismes qui poussent à faire de l’exclusion
et de la violence les deux caractéristiques majeures des
relations urbaines est un enjeu pour le XXIe siècle. Les chercheurs en sciences sociales portent une responsabilité aussi
grande que les acteurs non gouvernementaux ou les décideurs publics, en tant qu’adultes citoyens pour contribuer à
relever ce défi.
Après avoir publié L’enfant et son intégration dans la cité: expériences et propositions, chez Syros, en 1994, L’enfant des rues et
son univers, (même éditeur) en 1995 et Langage
et culture des enfants de la rue en 1996 chez
Karthala, Stéphane Tessier, médecin de santé publique, a
dirigé ce nouvel ouvrage sur l’enfant dans la rue. L’un des
chapitres relève les compétences des enfants; un autre
quelques expériences menées de par le monde dont on
peut s’inspirer.
sures de sécurité et de réadaptation, dans l’intérêt de l’ordre public et des vagabonds eux-mêmes. Il en résulte notamment que la mise à
disposition du gouvernement ne doit pas entraîner l’incarcération dans les prisons en mélange
avec les délinquants, mais dans des établisse14
ments spéciaux… »
Plusieurs jugements ont suivi cette position,
c’est notamment les jugements de Boma , 7 mai
1901 et 12 août 1902 : « Le Décret du 23 mai
1896 n’est pas une loi pénale proprement dite,
mais plutôt une loi d’ordre administratif. Il n’y a
pas lieu dans cette matière d’appliquer les règles de procédures pour la répression des infractions en général ».
Actuellement, les sanctions et la procédure
appliquées, comme cela sera démontré plus bas,
prouvent que le vagabondage est devenu une
infraction.
4. Les mesures d'exécution et sanctions
Les ordonnances du 26 mai 1916, du 15
octobre 1951 et du 5 mai 1956 disposent sur les
mesures d’exécution du Décret prévoyant le
vagabondage. Quelques points importants peuvent attirer l’attention :
- la prévision des quartiers spéciaux des internés dans les lieux de détention ;
- l’exigence des titres de détention ;
- la distinction des catégories de vagabonds et
mendiants ordinaires et d’habitude ;
- la réglementation du travail des vagabonds au
sein du centre de détention et en-dehors ;
- le caractère provisoire de l’internement (la libération en cas d’amendement) ;
- la révision de la mesure d’internement tous les
trois mois.
Quant aux sanctions, l’article 2 du Décret
du 6 décembre 1950 dispose que : « Si des mineurs sont trouvés mendiant ou vagabondant ou
se livrant habituellement à la mendicité ou au
vagabondage, ils pourront être arrêtés et déférés au juge qui aura le droit :
- De le réprimander et de le rendre à leurs
parents ou aux personnes qui en avaient la
garde en leur enjoignant de mieux les surveiller à l’avenir.
- De les confier jusqu’à leur 21 année à une
personne, à une société ou à une institution
de charité ou d’engagement, publique ou privée.
eme
- De les remettre jusqu’à leur 21 année à la
disposition du gouvernement si l’état habituel
de mendicité ou de vagabondage est établi,
le juge n’aura le choix qu’entre ces deux dernières mesures. »
eme
Un aperçu de la mise en œuvre de la loi sur
le vagabondage est intéressant.
14
Pierre Piron et Jacques Devos, Codes et lois du Congo
belge, t 2, 168 et 169.
24
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II De la gestion et la
répression du
vagabondage
La gestion et la répression du vagabondage
ont évolué. Il convient de parler brièvement des
lois ayant régi ce phénomène, en relever quelques cas types d’application et faire des observations.
1.
Bref historique
Depuis la colonisation belge, la législation
congolaise est restée statique malgré les modifications connues à la législation belge, ayant influencé la RD Congo, et les faits sociaux changeant. En effet, depuis l’Etat Indépendant du
Congo (EIC) en 1885, le code pénal belge de
1867 influençait l’application objective d’une sanction pénale aux mineurs en fonction de leur acte
et de leur capacité de discernement, cela pour
les immatriculés et les étrangers.
La loi belge du 27 novembre 1891 et le
décret du Roi souverain du 23 mai 1896 sur le
vagabondage et la mendicité pénalisaient et prévoyaient les mesures concernant le vagabondage et la mendicité. Le décret de 1950 applicable jusqu’à ce jour, malgré les grandes innovations de la loi belge du 8 avril 1965 relative à la
Protection de la Jeunesse, était calquée sur le
modèle de la loi belge.
La notion de vagabondage a changé, tant
sur le plan procédural que sur celui du fond. Si,
jadis, l’autorité administrative opérait les arrestations en cas de vagabondage isolé des enfants,
et après avoir interpellé les parents défaillants,
désormais les arrestations, faites par les autorités administratives, sont massives et sans respect de la dignité des enfants. Quelques campagnes des autorités politico-administratives ont
réussi à réintégrer les enfants dans leurs familles
mais, tout compte fait, la famille et l’administration
n’ont pas eu un grand impact sur la gestion du
phénomène des enfants de la rue. La gestion du
phénomène de vagabondage est à cheval entre
les pouvoirs publics et les autorités pénitentiaires
avec ou sans l’intervention judiciaire.
2.
Cas d’arrestation
Les exemples des arrestations massives
sont légion. Madame Idzumbuir stigmatisait, déjà
dans les années 1980, ce phénomène qu’elle
qualifiait de rapt. Ces arrestations de masse et
qui ne répondent pas à la législation nationale en
la matière ni aux normes internationales pertinentes ne constituent que des arrestations arbitraires et des enlèvements. Dans la plupart des
cas, ces arrestations s’opèrent dans la méconnaissance des droits, de la dignité et du bien-être
des enfants. Ces derniers sont arrêtés et traqués, selon les intérêts des autorités et à n’importe quel moment de la journée : le matin, le soir
et la nuit, qu’ils soient agressifs ou non, pré-
sumés auteurs d’une autre infraction ou non. A
titre illustratif :
SOMALIE: Recrutements
d’enfants soldats dans les
milices
Un nombre toujours plus important d’enfants sont
engagés par les milices somaliennes, selon les agences
humanitaires sur place. Les jeunes recrues sont ainsi séparées de leurs familles et exposées aux combats.
Le gouvernement fédéral provisoire de Somalie a
nié engager des soldats trop jeunes. «Nous n’avons pas
d’enfants dans nos troupes, a expliqué son porte-parole
Abdirahman Dinar, questionné par IRIN le mardi 2 janvier.
Tous nos soldats ont 18 ans révolus. Ce sont les autres
[l’Union des tribunaux islamiques] qui ont recruté des
enfants de force.»
Selon plusieurs ONG et des agences des Nations Unies,
le recours à des enfants soldats en Somalie a augmenté en
même temps que les combats entre les tribunaux islamiques et le gouvernement provisoire, en décembre. Les
combats ont culminé lorsque les forces de ce dernier, appuyées par l’armée éthiopienne, ont repris le contrôle du
sud du pays et de sa capitale, Mogadiscio.
«Des entretiens directs avec des enfants ne dépassant pas l’âge de onze ans ont été réalisés à des barrages
et dans des véhicules des différentes parties en présence»
a indiqué Siddarth Chatterjee, directeur de programme à
l’UNICEF en Somalie.
Le recrutement s’est étendu au-delà de la frontière,
au Kenya voisin. Siddarth Chatterjee ajoute que selon le
lll
15
16
17
18
Cependant, selon M. Ivo Vanvonselm, le responsable
de Mpokolo Wa Muoyo, un centre d’accueil des
enfants en détresse à Kananga, la situation des
enfants de la rue s’est améliorée en 2006, car il n’y a
pas eu d’arrestation au motif de vagabondage,
comme en 2005.
Sous réserve des conditions d’arrestation et de
détention, le transfert des jeunes de la rue à Kaniama
Kasese pour le Service national est un mal
nécessaire.
Les observations finales du Comité des droits de
l’enfant à la suite du Rapport initial de la RDC à sa
721° séance, tenue le 8 juin 2001, méritent à ce jour
lecture et évaluation des avancées et reculs durant
plus de cinq ans. Lire Olivier Cosandey, Roberta C. et
Eric S., Droits de l’enfant en République Démocratique du Congo, éd. OMCT, Genève, s.d. Voir aussi :
www.omct.org
Document sur le Rapport de la Direction provinciale du
Kasaï oriental de l’Institut national de la Statistique
avec l’appui de Save Children sur le Recencement
des enfants en situation de rupture des liens familiaux.
Ville de Mbuji Mayi et Muene Ditu. Avril 2006, p. 4.
1 Neuf enfants de 9 à 13 ans arrêtés et torturés,
vers 23 heures, à Kananga, pendant la nuit
du 5 au 6 octobre 2005, derrière le Grand
Marché dans un Ciné. Huit hommes, en tenue militaire et armés, leur réclamèrent de
l’argent puis, les fouettèrent et les ligotèrent.
Selon une rumeur dans la ville de Kananga,
c’est l’Autorité urbaine qui avait initié l’Opéra15
tion Nettoyage des enfants de la rue.
2 Des centaines d’enfants de la rue étaient arrêtés dans des conditions inhumaines et détenus au Centre Pénitentiaire et de Rééducation
de Kinshasa (C.P.R.K.) en novembre 2005
sous le motif de « Vagabondage ».
C’est grâce à la dénonciation des ONG et à
l’intervention de la Section de la Protection de
l’Enfant, de la MONUC, du HCDH et de
l’UNICEF que ceux-ci ont été libérés.
3 La tristement célèbre Opération Vagabond
menée en 2002 à l’initiative du Gouverneur
de la province de Kinshasa. Plus de trois
cents enfants arrêtés et acheminés à l’Etablissement de Garde et d’Education de l’Etat de
Mbeseke Futi (EGEE), sans aucune forme
de procès, pour y être détenus, garçons et
filles, dans des conditions déplorables.
4 Dans la prison de Kananga, en 2005, plusieurs enfants de la rue arrêtés massivement,
et ce dans des conditions inhumaines, pour
vagabondage et mendicité. Certains d’entre
eux sont condamnés jusqu’à 3 ou 5 ans, sous
ces accusations.
5 En 2006, environ 1 000 personnes, dont plusieurs enfants, ont été arrêtées dans la ville
de Kinshasa. Ces enfants ont été arrêtés, cà
et là, puis détenus à l’amigo de Commissariat, dit CIAT, avant d’être conduits au Centre
pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa et
enfin, après sélection, envoyés à Kaniama
Kasese, dans la Province
du Katanga, pour
16
le Service national.
6 Au courant de l’année 2006, BICE (O.I. des
enfants)/Kinshasa a rencontré, au sein du
Centre pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa, 82 cas de mineurs en conflit avec la loi,
dont 2 cas en instruction pour vagabondage
(soit B.M., né en 1990 RMP/RP 45110 et
L.D.M., né en 1989 RMP/RP 45917).
3.
Observations
1. La notion de vagabondage est, en principe,
une mesure de sûreté, mais est considérée
comme une infraction sanctionnée par le Décret sur l’enfance délinquante.
2. La mise en œuvre des dispositions sur le
vagabondage témoigne à suffisance du degré
d’application de la Convention relative aux
droits de l’enfant du 20 novembre 1989 entrée
17
en vigueur en RDC le 2 septembre 1990.
3. La pratique actuelle, marquée par les arrestations massives des enfants et des jeunes de
la rue, expose les enfants à la torture et aux
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traitements inhumains et dégradants, et, plus
grave encore, les droits de l’enfant à un procès équitable ne sont pas respectés. Le vagabondage est devenu, ni plus ni moins, un
motif de l’instrumentalisation politique de l’enfant, un voile pudique sur la torture et d’autres
traitements inhumains, cruels et dégradants
contre l’enfant et une politique de l’Etat fuyant
ses responsabilités envers l’institution familiale, les droits des enfants, et ses engagements pour instituer la tutelle de l’Etat.
4. Le phénomène des vagabonds est en soi la
conséquence des insuffisances dans la protection de l’enfant. Il est évident que selon
l’engagement de la RDC, le traitement approprié pour les mineurs abandonnés, orphelins
sans famille, ainsi que tous ceux des mineurs
qui échappent au contrôle, serait de les placer
sous la tutelle de l’Etat, organisée par les articles 246 à 275 du Code la Famille, mais,
hélas, cette tutelle n’est pas opérationnelle à
ce jour.
5. Dans la pratique actuelle de la RDCongo, le
vagabondage est devenu une infraction et la
sanction à ce délit est appliquée abusivement
par les autorités administratives et policières,
parfois à l’insu, ou sous l’œil complaisant, des
autorités judiciaires. Les enfants sans abri
peuvent être sans identification et être détenus
dans la même cellule que les adultes, dans
les cachots, ou dans le même endroit que les
personnes condamnées dans les prisons.
6. Selon le rapport du Bureau international du
travail et de l’UNICEF en 1999, sur 120 millions d’enfants de la rue dans le monde, on en
comptait 35 000 en RDC, dont 7 000 dans la
ville de Kinshasa. En 2006, avec le recensement des enfants en situation de rupture des
liens familiaux à Mbuji Mayi dans la Province du Kasaï Oriental, on compte 2 036
enfants, dont 1 524 garçons et 512 filles. Ils
sont tous exposés à l’arrestation du fait de
vagabondage et mendicité, ou encore prosti18
tution pour les filles.
7. La plupart des enfants vagabonds arrêtés ne
sont pas mentionnés dans les registres des
enfants au Parquet. En date du 15 novembre
2006, 505 personnes, dont 130 enfants de la
rue, étaient arrêtées. Quelques jours plus tard,
plusieurs autres enfants étaient parmi les jeunes
et adultes de la rue. Toutes ces personnes sont
transférées à la prison, en masse, avec la conséquence logique d’absence d’identification.
8. Ces arrestations de masse ne répondent plus
aux besoins de l’ordre public et des bonnes
mœurs, ni aux normes internationales pertinentes, et de surcroît ne constituent que des
arrestations arbitraires et des enlèvements,
tant on a aucunement le temps d’informer qui
que ce soit de l’identité des personnes arrêtées ; parfois le contact même avec ces dernières est rendu difficile. Rappelons que dans
la plupart des cas, ces arrestations s’opèrent
dans les circonstances de la méconnaissance
des droits, de la dignité et du bien-être des
enfants.
25
9. La justice pour mineurs devrait être spéciale
et ne poursuivre, principalement, que les intérêts des enfants or les officiers de police
judiciaire et les magistrats répressifs connaissent une certaine déformation professionnelle
et certains d’entre eux ne sont plus tellement
sensibles face aux enquêtes et démarches
sociales nécessitées pour la dignité et la protection de l’enfant en conflit avec la loi, selon
les recommandations du Décret sur l’enfance
délinquante.
10.Les tribunaux de paix chargés de l’enfance
délinquante connaissent aussi le problème
de la spécialisation des juges. Certains juges
sont chargés des cas de l’enfance délinquante,
lll
après avoir participé à une formation sur les
droits de l’homme, ou, plus spécifiquement,
sur les droits de l’enfant. Dans certaines juridictions, les registres pour l’enfance délinquante
(RED) sont confectionnés par le génie des
greffiers et certaines mentions font défaut.
Dans la ville de Kinshasa et les environs, il
y a 8 tribunaux de paix à savoir : les Tribunaux
de paix de Pont Kasavubu, Matete, Assossa,
Gombe, Ndjili, Kinkole, Lemba et Maluku. Les
cas enregistrés sont faibles, cependant la réalité
dans le domaine de la criminalité infantile et la
justice pour mineurs est autre.
Commentaires
poser la libération des internés
dont le reclasse19
ment parait possible» .
III Recommandations
Pour éradiquer les cas de violations des
droits de l’enfant, sous couverture de vagabondage, des recommandations peuvent contribuer
à résoudre, un tant soit peu, le problème des
enfants et des jeunes de la rue. Le phénomène
est multidimensionnel et appelle tous les intervenants agissant à différents niveaux.
1. Pour le Parlement :
La rédaction d’un code de protection de l’enCe tableau a été établi suite à la consultation
fant en RDC, en remplacement du Décret sur
Commissaire de la province du Nord Est du Kenya, le
des registres RED dans les greffes de quelques
l’enfance délinquante, vieux d’envirecrutement de jeunes de la proron un demi siècle, est une priorité
vince par des groupes armés rivaux
pour les heureux députés élus le 30
Tableau 1. Quelques cas disponibles enregistrés en 2006
ont commencé durant les trois
juillet 2006. Ils devront prendre des
derniers mois de 2006, le plus
Tribunal de Paix de Nb de cas
Observations
options fondamentales en rapport
souvent par l’Union des tribunaux
Kasavubu
8
La plupart de ces cas ne concernent
avec la justice pour mineurs et les
islamiques.
pas
le
vagabondage
problèmes sociaux, éducatifs et l’en«Un appel a été lancé à toucadrement des enfants. Ils voteront
Matete
18
Idem
tes les parties en conflit pour qu’eldes lois et exerceront un contrôle parles évitent d’engager des enfants
Assossa
6
...
lementaire utile pour la protection de
et qu’elles libèrent ceux qu’elles
Gombe
6
...
la jeunesse, en demandant la répresont déjà enrôlés, relève Siddarth
Ndjili
sion de la maltraitance de l’enfant par
Chatterjee. Cependant, l’absence
l’abandon, l’exposition à une justice
Kinkole
de registres d’état-civil rend enincohérente, à la torture et aux traitecore plus difficile la vérification de
Lemba
ments inhumains, dégradants, nol’âge des enfants. Il y a aussi des
Maluku
tamment les arrestations massives
rapports selon lesquels les tribuou rapt du fait de vagabondage et
naux islamiques ont déclaré pumendicité
mal
défini et ignorant les réalités sociabliquement leur intention de recruter directement dans
tribunaux de paix. Dans les communes périphéles.
les écoles. Si cela est vrai, c’est le plus inquiétant.»
riques, il y a peu d’enfants de la rue ou dans la
Le code sur la protection de la jeunesse
rue. La situation des crimes des enfants est souEn décembre 2006, l’ONG Save the Children-UK a
attendue pour l’amélioration de la situation des
vent minimisée.
exprimé sa préoccupation à propos des milliers d’enfants
enfants devra inclure tous les aspects sociaux,
non-accompagnés qui pourraient devenir la proie des traCes nombres ne reflètent pas la véritable
judiciaires et administratifs mettant en œuvre les
fiquants, notamment liés au commerce du sexe.
ampleur de la justice pour mineurs, parce que
principes, les règles, les conventions, les résoplusieurs cas sont gérés par la police et le parPour en savoir plus voir: www.crin.org/resources/
lutions des instances des Nations Unies, comme
quet.
Les
cas
de
vagabondage
sont
gérés
sporainfoDetail.asp?ID=12143&flag=news
le Comité des Droits de l’Enfant et le Comité
diquement au tribunal et par des rafles par la
UNICEF: Somalie: des secours pour un pays en
d’Experts africains, les plans d’action et les conpolice avec l’autorisation des autorités adminisguerre:www.crin.org/resources/
ventions internationales, notamment :
tratives dans la ville de Kinshasa. A–t–on le
infoDetail.asp?ID=12127&flag=news
1. Convention relative aux Droits de l’Enfant du
temps d’auditionner sur procès–verbal ces enAmnesty International: Somalie: Craintes pour les
20 novembre 1989, entrée en vigueur en RDC
fants et ces jeunes de la rue arrêtés en masse ?
20
droits humains dans le conflit qui menace : www.crin.org/
le 2 septembre 1990 ;
Et le tribunal vérifie-t-il l’identité, le genre de vie
resources/infoDetail.asp?ID=11993&flag=news
des individus, l’âge, la situation familiale, l’état de
2. Protocole facultatif à la Convention relative
Tribune des Droits Humains: Les enfants somaliens
santé physique ou l’état mental pour inviter un
aux Droits de l’Enfant, concernant la vente
au front
médecin dans les cas des enfants traduits en
d’enfants, la prostitution des enfants et la porwww.crin.org/resources/
justice du chef de vagabondage et de mendicité ?
nographie mettant en scène des enfants, ratifié
infoDetail.asp?ID=12143&flag=news
en RDC le 28 mars 2001 ;
Il s’avère que, parfois, ils sont détenus sans
titres appropriés et généralement, il n’y a pas
3.
Protocole facultatif à la Convention relative
19
Pierre Piron et Jacques Devos, op.cit., p.
d’assistance judiciaire, l’appel et la révision des
aux Droits de l’Enfant, concernant l’implica169.
décisions de mise à la disposition du Gouvernetion d’enfants dans les conflits armés, ratifié en
20
J.O., Instruments internationaux relatifs aux
ment sont inexistants alors qu’ils sont prévus par
RDC le 28 mars 2001 ;
droits de l’homme ratifiés par la RDC, 2002,
l’article 9 de l’ordonnance du 5 mai 1956 qui disKinshasa. Ce document contient tous les
4. Charte africaine des Droits et du Bien-Etre de
pose que : « la mise à la liberté est ordonnée par
autres instruments ratifiés en RDC
l’Enfant, ratifié le 28 mars 2001 ;
le gouverneur de province ou son délégué sur
jusqu’en 2002. Quant aux règles,
5. Règles minima des Nations Unies concerrecommandations et résolutions, on peut
avis du gardien ou directeur de la prison. La
nant l’administration de la justice pour mineurs
les trouver sur les sites suivants :
situation des vagabonds et mendiants internés
www.ohchr.org,
– Règles de Beijing ;
est revue au moins tous les trois mois. Les garwww.droitsfondamentaux.prd.fr,
www.dei-belgique.be ...
26
diens ou directeurs de prison sont tenus de pro-
n°12 - mars 2007
6. Règles des Nations Unies pour la protection
des mineurs privés de liberté. Principes directeurs des Nations Unies pour l’élaboration
des mesures privatives de liberté. – Règles
de Tokyo ;
Les droits de l’enfant au
Kenya
Le 16 janvier de cette année, le Comité onusien des
droits de l’enfant a étudié le second rapport périodique du
Kenya sur le respect de la Convention des droits de l’enfant.
L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) avait
remis un rapport alternatif auparavant au Comité, après sa
mission en mai 2006 au Kenya. L’OMCT souligne l’importance des recommandations du Comité aux autorités
kenyanes en particulier contre les différents types de violence à l’encontre des enfants (punitions corporelles et violence sexuelle) et l’usage abusif de la force par divers officiels sensés appliquer la loi.
D’abord la violation des droits de l’enfant – y compris des violations qui vont jusqu’à la torture et à d’autres
punitions ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
– est courante au Kenya. Par exemple, dans son rapport
alternatif, l’OMCT a informé le Comité que les punitions
corporelles ont toujours lieu dans les maisons, les écoles et
les institutions où de nombreux enfants sont victimes de
violence sexuelle, de harcèlement et d’exploitation. Dans
d’autres contextes, on observe la fréquence élevée des
violations des droits de l’enfant incluant l’industrie de tourisme sexuel et la prostitution enfantine sur la côte ouest. Le
Comité, quant à lui, identifie plusieurs problèmes graves,
soulignés également dans le rapport alternatif, dans l’administration de la justice pour mineurs, où des enfants sont
trop souvent traités comme des adultes et où les punitions
ne sont pas adaptées à leur jeune âge. De plus, l’âge de la
responsabilité criminelle est de 8 ans. L’OMCT se réjouit
que le Comité propose d’amener cet âge à 12 ans (avec
une suggestion de l’augmenter encore).
La situation des enfants détenus est également préoccupante puisqu’ils sont non seulment emprisonnés mais
en plus en compagnie d’adultes. Le Comité recommande
que la détention soit réservée à des jeunes de plus de 18
ans et que, de toute façon, les enfants soient toujours séparés des adultes. Dans son rapport, l’OMCT avait également
dénoncé l’usage excessif de la force par les officiels en
pointant plus particulièrement les situations où la police a
harcelé, frappé ou tiré sur des enfants arrêtés pour des délits
mineurs ou qui avaient moins que l’âge requis pour la
responsabilité criminelle. Le Comité suggère aussi la fin de
l’impunité dans ces cas-là.
21
22
Déclaration du conseil exécutif international de Défense des Enfants international
à Bethléem le 2 juillet 2005.
Rapport de la Division des Droits de
l’homme et section de protection de
l’enfant MONUC sur les arrestations et
détentions dans les prisons et les cachots
de la RD Congo. II° Partie La détention
des enfants et la justice pour mineurs.
Mars 2006. Consulter le site :
www.monuc.org
7. Déclaration de Tampere du 2 décembre 2001
sur les enfants, la torture et les autres formes
de violence : affronter les faits, construire l’avenir ;
8. Les Observations du Comité des Droits de
l’Enfant et les différentes Déclarations prises
dans les conférences internationales notamment la Déclaration de Bethléem : « Pas d’en21
fants derrière les barreaux » ...
2. Pour le Gouvernement :
- Les autorités administratives doivent cesser
d’arrêter les enfants et les jeunes de la rue, au
motif du vagabondage et de les faire détenir
22
au cachot ou en prison ;
- Les autorités administratives doivent promouvoir la prévention du vagabondage, par les
mesures de la protection sociale de l’enfant,
notamment en appuyant l’institution familiale,
les institutions d’accueil et de réinsertion des
enfants, ainsi que l’institution de la tutelle de
l’Etat, en collaboration avec toutes les institutions nationales et internationales, privées ou
publiques, œuvrant dans le domaine de l’enfant ;
- Les autorités politico-administratives doivent
prendre des mesures pour exonérer lesASBL
ou les ONG des impôts, taxes, redevances
ou pour les réduire sensiblement ;
- Le gouvernement devra allouer des subventions et des dotations suffisantes pour appuyer
les institutions nationales, publiques et privées,
qui encadrent les enfants, notamment les Ministères des Affaires sociales, de la Famille,
de la Justice, les Conseils de l’Enfant, ainsi
que les différentes divisions, les ONG, les
barreaux utiles avec les Bureaux de consultation gratuite ou l’Institut pour les Droits
de l’Homme, IDH, en vue de l’assistance
obligatoire et gratuite des enfants, comme
l’assistance rendue obligatoire pour les victimes de violences sexuelles ;
- Le gouvernement doit créer ou redynamiser
les institutions spécialisées pour les enfants,
notamment une Brigade spéciale pour les mineurs existant déjà à l’Est de la RD Congo,
ou le Département de la Police pour mineurs au sein de la brigade des mœurs à
redynamiser, les Tribunaux pour mineurs,
réhabiliter les Etablissements de Garde et
d’Education de l’Etat (EGEE) et former un
personnel qualifié (assistants ou délégués
sociaux, juges pour mineurs, policiers spécialisés pour mineurs...) ; la Direction de l’Enfance délinquante au sein du Ministère de la
Justice ; les Conseils national et provincial
de l’Enfant au sein du Ministère des Affaires
sociales et du Ministère de la Condition féminine et de la Famille ; la tutelle de l’Etat... ;
n°12 - mars 2007
- Les autorités administratives doivent visiter
les établissements pénitentiaires ou les centres pénitentiaires et de rééducation, ainsi que
tous les lieux de détention, conformément
à
°
l’article 25 de l’Ordonnance n 344 du 17 septembre 1965, portant sur le régime pénitentiaire ;
- Le gouvernement congolais doit chercher conseil technique et appui auprès de la communauté internationale, pour résoudre l’épineux
problème de la protection de l’enfance.
3. Pour les autorités judiciaires,
policières et pénitentiaires :
- Elles doivent se former et s’informer régulièrement sur les questions des droits de l’enfant
lorsqu’elles traitent les problèmes des enfants ;
- Il y a lieu de faire libérer tous les enfants arrêtés
pour vagabondage et mendicité, toute affaire
cessante ;
- Il faut appliquer les lois et les normes internationales pertinentes des droits de l’homme sachant que les actes administratifs, judicaires
et de la police doivent poursuivre en priorité
l’intérêt des enfants ;
- Prévenir et sanctionner les arrestations massives et les tortures ainsi que les traitements
inhumains et dégradants ;
- Recourir à toutes les dispositions légales favorables aux enfants, notamment solliciter l’assistance judiciaire au Barreau, privilégier des
mesures autres que la mise à la disposition du
gouvernement, revoir régulièrement les décisions prises contre les enfants en conflit avec
la loi ;
- Pour d’autres manquements des enfants, privilégier les mesures de réparation par la médiation entre parents ou tuteurs de l’enfant et victimes ;
- Dans le cadre des innovations en cours dans la
magistrature, la gestion de la justice pour mineurs devra revenir au pouvoir judiciaire. Dans
les lieux de détention ou les prisons dans
lesquelles se retrouvent les enfants, il faudra
considérer l’obligation de l’Etat de protéger les
enfants, sur le plan sanitaire, éducatif, social,
sans négliger de mettre les enfants à l’écart de
l’influence des adultes et, voire même, des
violences sexuelles forcées par les adultes.
4. Pour Les parents et autres
membres de familles des
enfants :
Les parents et les membres de famille ont
l’obligation continuelle de récupérer leurs enfants ou rejetons vivant dans la rue, quelles que
soient les raisons économiques difficiles ou le
caractère des enfants, accusés parfois de sorcellerie.
27
Les enfants de la rue dans
le monde
120 millions, c’est le chiffre estimé aujourd’hui par
des études conjointes du BIT (Bureau international du Travail) et l’UNICEF du nombre d’enfants qui vivent dans la
rue, la moitié de ces enfants vit dans le continent sudaméricain et 30 millions en Asie.
Les enfants des rues ont une présence physique bien
visible, puisqu’ils vivent et travaillent dans les rues et sur
les places publiques de toutes les villes du monde. Pourtant, paradoxalement, ils sont aussi parmi les plus « invisibles », ce qui fait qu’il est très difficile de leur apporter des
services essentiels tels que l’éducation et les soins de santé,
et de les protéger.
La formule « enfant des rues » pose problème car
elle peut être utilisée pour les condamner. L’une des difficultés majeures de ces enfants est qu’ils sont démonisés
par la société conventionnelle et considérés comme une
menace et une source de criminalité. Pourtant, beaucoup
d’enfants qui travaillent ou vivent dans la rue ont accepté
ce terme, jugeant qu’il leur offre une identité et un sentiment d’appartenance. Cette description générale est une
abréviation commode, mais elle ne doit pas cacher le fait
que beaucoup d’enfants qui vivent et travaillent dans la rue
le font de manières très diverses et pour de multiples raisons – et que chacun d’entre eux est unique, avec un point
de vue qui n’appartient qu’à lui.
Le nombre exact d’enfants des rues est impossible à
quantifier, mais il atteindrait plusieurs dizaines de millions, et selon certaines estimations, jusqu’à plus de 100
millions. Il est probable que leur nombre augmente à
mesure que la population du monde s’accroît. En réalité,
toutes les villes du monde comptent au moins un petit
nombre d’enfants des rues, y compris les plus grandes et
les plus riches du monde industrialisé.
La plupart des enfants des rues ne sont pas orphelins.
Beaucoup d’entre eux sont restés en contact avec leur famille et travaillent dans la rue pour supplémenter le revenu du foyer. D’autres ont fugué, souvent pour échapper
à des sévices psychologiques, physiques ou sexuels. La
majorité sont des garçons, car les filles semblent supporter
plus longtemps des situations de violence ou d’exploitation à la maison. Mais lorsqu’elles quittent leur famille, il
est plus rare qu’elles reviennent.
Une fois dans la rue, les enfants deviennent vulnérables à toutes les formes d’exploitation et de maltraitance,
et leur vie quotidienne n’a plus rien à voir avec l’enfance
telle qu’elle est définie dans la Convention relative aux
droits de l’enfant. Dans certains cas, les personnes chargées
de protéger les enfants sont celles qui commettent des
crimes contre eux. Les enfants des rues ont été harcelés ou
battus par la police et se retrouvent souvent aux prises avec
la loi. Certains ont été arrêtés, transportés hors de la ville et
abandonnés là. D’autres ont été assassinés par des justiciers autoproclamés sous prétexte de « nettoyer la ville »,
souvent avec la complicité ou au mépris des pouvoirs publics
locaux.
Pour de plus amples renseignements voir par exemple le site http://www.droitsenfant.com/rue.htm
28
Ces derniers ont les obligations alimentaires
et ils doivent contribuer à la scolarisation de leurs
enfants. A l’extrême cas, lorsque les enfants sont
en difficulté avec la loi et placés dans une institution privée ou publique, les parents et tuteurs
doivent collaborer à l’éducation et à la réinsertion.
5. Pour une Commission mixte du
Gouvernement, les Organisations
Non Gouvernementales actives et
les partenaires de la
Communauté Internationale
(organisations internationales,
institutions spécialisées des
Nations Unies)
Au regard de la situation post-conflit en RDC,
le problème des enfants de rue ou dans de la rue
et ceux ayant servi, ou servant encore, dans les
groupes armés, le débat au Conseil de Sécurité
des Nations Unies sur la protection des enfants
dans les conflits armés, lors de la réunion du 28
novembre 2006, peut inspirer les actions en
RDC.
Un cadre de concertation efficace et assurant un suivi permanent des questions intéressant les enfants en général et en particulier,
les enfants en situation difficile, s’avère nécessaire. Monsieur Ahowanou Agbessi, le
Directeur du Haut Commissariat des Nations
Unies aux Droits de l’Homme en RDC (HCDH)
a déjà tenté de promouvoir la synergie entre
les ONG œuvrant dans le domaine de l’enfant à Kinshasa. Un cadre permanent sous
l’impulsion de HCDH et/ou de la Division de
la Protection de l’Enfant de la MONUC, ainsi
que de la Division des Droits de l’Homme de
la MONUC, peut rassembler les institutions
nationales et privées avec des personnes
actives sur le terrain et des experts pour coordonner les plans d’action, les projets et les
actions menées dans le domaine de la protection
de l’enfant. La commission mixte peut concevoir
des projets, évaluer23 les besoins, enquêter et
auditer les institutions ayant bénéficié des fonds
pour les enfants pour la transparence et l’efficacité des financements. La commission mixte peut
encourager et coordonner les activités des cellules locales à créer, à l’intérieur du pays, par les
institutions qui y sont implantées. Cette structure
peut être plus efficace et représentative.
23
Le Professeur O. Dieudonné Kalindye
défend la bonne gouvernance comme
condition sine qua non pour la démocratie
et le respect des droits de l’homme en
RD Congo. Les institutions privées et
publiques devront utiliser les financements reçus pour les objectifs précis et
l’évaluation des plans d’action, les
activités prévues ainsi que les réalisations
nécessaires.
n°12 - mars 2007
Conclusion
Le vagabondage passe à ces jours pour
une infraction et une cause institutionnelle de la
violence contre les enfants au lieu d’être une
mesure administrative de sûreté pour l’intérêt de
l’enfant et de la société, selon la volonté du législateur. Pour plus de justice à l’égard des enfants,
victimes de l’histoire trouble de la RDC, à ce
ème
début de la 3 République, il s’avère nécessaire de libérer tous les enfants et les jeunes de
la rue et dans la rue arrêtés et détenus dans les
prisons, pour le fait de vagabondage et mendicité. Le Parlement et le Gouvernement ont la
charge noble de promouvoir les droits des enfants par des mesures de prévention de vagabondage, passant par l’encadrement efficace des
enfants par l’Etat et la famille ; la réinsertion des
enfants dans leur famille ou des groupes d’accueil revalorisés ; le suivi du processus de démobilisation et réintégration des enfants soldats
et une bonne organisation de la justice pour mineurs et, en priorité, l’abrogation du Décret du 6
décembre 1950 sur l’enfance délinquante qui prévoit le vagabondage à son article 2. L’éradication
du phénomène des enfants de la rue perçu comme
une criminalité ou une conséquence de la
maltraitance de l’enfant et l’histoire des guerres,
des maladies et de l’extrême pauvreté, requiert
la mise à disposition de moyens financiers, matériels et humains importants, ainsi que des stratégies efficaces pour la promotion et la protection
des droits de l’Enfant dans son sens global.Avec
l’espoir que les réflexions et les informations fournies dans ce travail susciteront des questions et
des actions concrètes en faveur des enfants, la
lutte contre le vagabondage mérite une appropriation par tous. Selon la Déclaration de Tampere, « La violence contre les enfants, en raison
de leur vulnérabilité inhérente, exige promotion
immédiate et efficace. La violence tue et rend
invalide des millions d’enfants de par le monde,
inhibe et mine tous les aspects du développement ». Au jour le jour, sans une gestion adéquate du phénomène des enfants de la rue
ou dans la rue, la vie des shégués (concept
dénigrant et à interdire) est en danger du fait
de l’infraction sui generis de vagabondage et
mendicité et, d’autre part, cette vie, en soi,
demeure une « arme redoutable » en fabrication et une situation dangereuse pour la
RDC, l’Afrique et toute la communauté internationale. N’est-il pas logique de croire
comme Victor Hugo que « La grande criminalité commence par le vagabondage des
enfants » ?