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Chroniques bleues
Histoire des France-Portugal (2) : la onzième était de trop
samedi 9 juillet 2016, par Bruno Colombari
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Depuis 1978, il n’y a plus de match : dix fois sur dix, l’équipe de France l’a emporté. Les Bleus sont désormais les
Allemands des Portugais, mais ces derniers prennent leur revanche en finale de l’Euro.
Dès la période Hidalgo, tout change dans l’histoire des France-Portugal. Que ce soit dans la période Platini (qui joue les éditions
1983 et 1984) celle de Zidane (qui participe aux cinq matches entre 1996 et 2006) ou de Pogba (2014-2015), plus rien ne passe
pour les Lusitaniens. Deux fois pourtant, en 1984 et en 2000, ils pousseront les Bleus en prolongations, sans parvenir à arracher la
victoire. Jusqu’au 10 juillet 2016, où, diminué par la blessure précoce de Ronaldo et malgré un jeu insipide, le Portugal obtient une
revanche aussi éclatante qu’inattendue.
Baronchelli-Berdoll, initiales BB
Pour affronter la sélection portugaise, qui restait sur deux victoires au Parc des Princes, Michel Hidalgo doit faire face au forfait de
ses trois milieux habituels (Bathenay, Guillou et Platini) et plus de Marius Trésor, alors que Christian Lopez se blessa en début de
seconde période, Max Bossis le remplaçant comme libéro. Pour autant, le milieu Michel-Sahnoun-Giresse est loin d’être ridicule. Et
l’attaque Baronchelli-Berdoll-Six pouvait s’amuser avec la défense portugaise et un Manuel Bento catastrophique dans les cages,
alors qu’il sera si brillant six ans plus tard à l’Euro. Deux buts de Baronchelli (9e) et Berdoll (40e) enlevèrent tout intérêt à la
deuxième mi-temps.
Platini, triple passeur décisif
Cinq ans plus tard, c’est à Guimaraes que les Bleus retrouvent les Portugais entre le Mundial espagnol et l’Euro français. A ce
moment-là, il n’y a pas photo entre les deux équipes, et Michel Platini s’amuse avec l’alignement plutôt fantaisiste de la défense
centrale lusitanienne. A la 7e minute, il lance Stopyra qui ouvre le score. Moins d’une minute après, depuis le rond central, il
propulse Ferreri vers la cage pour le deuxième but. A noter que c’est lors de ce match que l’on verra brièvement, en deuxième mitemps, le deuxième carré magique en action lorsque Tigana remplaça Ferreri et joua avec Platini, Fernandez et Giresse pendant 12
minutes. C’est d’ailleurs à ce moment-là que le Ballon d’Or délivra sa troisième passe décisive de l’après-midi, encore pour Stopyra
(70e, 3-0).
Feu d’artifice au Vélodrome
Le 23 juin 1984 à Marseille, le Portugal veut sa revanche. Et, accessoirement, une place en finale de l’Euro. L’équipe menée par
Pacheco et Chalana est autrement plus forte que ses devancières. Mais en face, les Bleus sont encore plus forts, et après le coup de
canon de Jean-François Domergue sur coup-franc, les Portugais sont à la limite de la rupture. En deuxième mi-temps, les occasions
françaises pleuvent mais il y a toujours un pied, une barre ou la main de Bento pour sortir le ballon. Et bien entendu, faute de 2-0,
c’est le 1-1 qui arrive sur un ballon centré par Chalana et logé dans la lucarne par la tête de Jordao.
Arrive la prolongation, les Portugais jouent de mieux en mieux et prennent même l’avantage sur un rebond chanceux avec encore
Chalana au centre et Jordao à la réalisation. Le match atteint des sommets d’émotion et de courage. Les Bleus se découvrent,
prennent tous les risques et frôlent le KO quand Chalana, encore lui, part en contre, sert Nene en profondeur, mais ce dernier bute
sur Bats bien sorti. Il reste un quart d’heure à jouer et le match vient de basculer. L’équipe de France ne veut pas mourir, elle
pousse, elle accule les Portugais sur leur but, et au terme d’une partie de billard dans la surface, Domergue surgit et égalise.
Il reste six minutes à jouer. La séance de tirs au but se profile, mais les Bleus n’en veulent pas. Ils croient marquer par Bellone mais
Bento sauve, semble-t-il, derrière sa ligne. Le but n’est pas accordé. Il reste une minute. Tigana tente une percée, se fait contrer,
arrache le ballon dans les pieds adverses, s’enfonce dans la surface et délivre un amour de centre en retrait pour Platini. Le ballon
arrive un peu derrière le pied d’appui, Platini prend le temps de contrôler, puis il frappe fort au milieu de la cage. 3-2, le Vélodrome
explose, la légende s’écrit sous nos yeux.
Lamouchi du coach
Il faudra attendre douze ans pour que les Portugais croisent à nouveau la route des Bleus. Ce sera en janvier 1996 au Parc, et
l’affaire est plutôt mal engagée pour les hommes d’Aimé Jacquet, menés deux fois avant la mi-temps sur des buts de Fernando
Couto et Rui Costa, Djorkaeff ayant égalisé. Lamouchi entre après la pause et change le visage de l’équipe de France, qui prend le
contrôle du match et renverse le score en deux minutes, par Djorkaeff encore (75e, 2-2) et Pedros (77e, 3-2).
Des hauts et des Ba
Ce sera beaucoup plus facile en janvier 1997 à Braga, avec Ibrahim Ba et Robert Pires associés au milieu Deschamps-KarembeuZidane, Dugarry évoluant en pointe. C’est Deschamps qui ouvre le score en début de rencontre, et Ba qui double la mise à l’heure
de jeu au terme d’une action solitaire menée depuis le rond central. Pour sa première sélection, le milieu bordelais marque les
esprits. Il ne confirmera pas, et disparaîtra rapidement de la circulation.
Un tir au but en or
Le 29 juin 2000, les coéquipiers de Luis Figo en sont convaincus : ce coup-ci, ils tiennent leur revanche de 1984, toujours en demifinale de l’Euro. Et ils y croient encore plus quand, sur une balle perdue par Deschamps plein axe, Nuno Gomes ne laisse aucune
chance à Barthez (0-1, 19e). Les Bleus souffrent, plient, mais tiennent bon. Et égalisent juste après la mi-temps par Henry, servi en
retrait par Anelka (1-1, 51e). La rencontre est très équilibrée, le combat est rude et la prolongation arrive, comme seize ans plus tôt
à Marseille. Sauf que la donne a changé : désormais, la règle du but en or s’applique. Le premier qui marque a gagné, et ce sont les
Bleus qui vont pousser les Portugais à la faute sur un tir sans angle de Wiltord dévié de la main par Abel Xavier. Zidane tire le
pénalty et marque ce qui restera comme une sorte de tir au but en or.
Des Bleus quatre étoiles
L’année suivante, en amical au Stade de France, on s’attend à un match serré entre les deux meilleures équipes européennes du
moment. Mais les Bleus marchent sur l’eau et font tourner leur adversaire en bourrique au cours d’une première mi-temps
exceptionnelle où ils marquent trois fois (Wiltord, Silvestre, Henry) en un quart d’heure. Pour la beauté du geste, Djorkaeff en ajoute
un quatrième à dix minutes de la fin. Ces Bleus-là semblent imprenables [1].
Zidane, l’histoire recommence
Le 5 juillet 2006 à Munich, les coéquipiers de Cristiano Ronaldo ne fanfaronnent plus. L’équipe de France est leur bête noire depuis
près de trente ans, et elle vient de sortir l’Espagne et le Brésil du Mondial allemand. Le milieu Makelele-Vieira-Zidane est au sommet
de son art, Thuram et Gallas ne laissent rien passer derrière et Henry fait parler sa puissance et sa vitesse devant. C’est d’ailleurs lui
qui obtient un penalty sur une faute de Carvalho (33e), pénalty que transforme Zidane, monstrueux de sang-froid (1-0). L’histoire
recommence. Mais les Bleus commencent à fatiguer. Ils gèrent le match sans vraiment le contrôler, et restent jusqu’au bout sous la
menace de Figo et de Ronaldo. Mais ces derniers ne trouvent pas la faille, et perdent leur huitième match consécutif, le troisième en
demi-finale.
Quaresma sauve l’honneur
Cette opposition amicale du 11 octobre 2014 vaut surtout par la présence des deux acolytes du Real Madrid, Karim Benzema et
Cristiano Ronaldo. L’attaquant français va ouvrir le score et sera passeur décisif sur le but de Pogba, alors que le Portugais ne
marquera pas et sortira avant la fin. L’équipe de France, toujours un peu brouillonne, l’emporte quand même malgré le pénalty
transformé par Ricardo Quaresma (2-1). C’est le premier marqué par un adversaire des Bleus au Stade de France. [2].
Fekir titulaire et blessé
A Lisbonne, les Portugais sont bien décidés à avoir enfin le scalp des Bleus ce 4 septembre 2015. Didier Deschamps aligne pour sa
part Nabil Fekir d’entrée, le Lyonnais venant de réussir un triplé en championnat contre Caen. Mais il sort au bout de 13 minutes, le
ligaments croisé du genou droit ayant lâché. Il ne le sait pas encore, mais sa saison est terminée, même s’il reviendra jouer
quelques minutes en club au mois de mai. Les autres faits du match sont l’entrée en jeu d’Anthony Martial à un quart d’heure de la
fin, alors que le Monégasque négocie un transfert record à Manchester United, et le but sur coup-franc de Mathieu Valbuena à la 85e
minute, le premier depuis sept ans. Et voilà la dixième victoire d’affilée de l’équipe de France (1-0) [3].
On attendait CR et on a vu Eder
Quand s’annonce la finale de l’Euro 2016, les Bleus qui viennent de sortir l’Allemagne sont on ne peut plus favoris face à des
Portugais très loin du niveau de leurs prédécesseurs [4]. Et quand Cristiano Ronaldo sort après 25 minutes de jeu et un quart
d’heure d’atermoiements, on se dit que la chance insolente de Didier Deschamps a encore frappé. Grossière erreur. Galvanisés par
l’adversité et repositionnés par Fernando Santos avec l’entrée de Quaresma qui isole Pogba de ses attaquants, les Portugais serrent
les dents, résistent, font déjouer les Bleus et, avec de la réussite (poteau de Gignac à la dernière minute, exploits de Rui Patricio
face à Griezmann, Sissoko et Giroud) arrachent les prolongations. Une frappe de 25 mètres du remplaçant Eder à la 108e scelle le
sort d’un match perdu tactiquement par Didier Deschamps (0-1).
Notes
[1] Lire le récit détaillé du match : 25 avril 2001 : France-Portugal
[2] Lire l’article Et de neuf !
[3] Lire l’article Ils ont fait le mur.
[4] Lire le compte rendu du match : La der d’Eder