Les entreprises actrices de développement durable

Transcription

Les entreprises actrices de développement durable
Comment les entreprises
peuvent-elles contribuer au
développement durable ?
H. POIMBOEUF ; S. SZYMKOWIAK
2002
Texte complet de l'article partiellement publié dans la Revue Economie & Humanisme (n°360)
Adresse : St-Etienne Métropole, BP 23, 35 rue Ponchardier, 42 009 St-Etienne Cedex 02
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1
Entreprise éthique, entreprise citoyenne, entreprise respectueuse de l’environnement…Les vocables se
multiplient, preuves de l’expression d’attentes de plus en plus fortes de la société civile vis à vis des
acteurs économiques que sont les entreprises.
L'époque n'est plus celle où toute la charge du souci pour le bien commun était imputable à l'état.1
Désormais, la société civile attend également de l'entreprise qu'elle prenne en charge la préservation
du "bien commun". Mais quels arguments peuvent pousser l’entreprise, dont la performance se mesure
encore essentiellement en terme de chiffre d’affaire et de bénéfice, à prendre en compte des objectifs
de développement durable dans sa stratégie ? Il apparaît que ce sont finalement les divers partenaires
de l'entreprise qui, en se posant de plus en plus comme "demandeurs de développement durable",
contraignent les entreprises à s'adapter.
La pression des partenaires
Ainsi, les actionnaires sont de plus en plus sensibles aux critères éthiques dans leur choix
d'investissement. Plus des deux tiers des investisseurs se déclarent prêts à vendre leurs actions si
l'entreprise dans laquelle ils ont investi était à l'origine d'un événement grave, jugé socialement non
responsable2. Les fonds éthiques, créés initialement pour recevoir les placements financiers des
congrégations religieuses, sont maintenant devenus des placements privilégiés pour les fonds de
pension. En 2000 les banques françaises ont créé plus de deux fonds éthiques par mois. Pour constituer
ces fonds, les investisseurs font appel à des agences dites de rating3, qui ont pour mission d'évaluer les
performances de l'entreprise selon des critères éthiques.
Les consommateurs également expriment de nouvelles exigences envers les entreprises. Ils
demandent avant tout à être mieux informés sur les conditions de fabrication du produit, son impact
environnemental, sa composition ou encore son devenir en fin de vie, de manière à orienter leurs choix
de consommation en connaissance de cause. Que ce soit à travers le développement du commerce
équitable, qui assure un revenu décent au producteur sur le prix total du produit payé par le
consommateur, les campagnes de boycottage de Total après la catastrophe de l'Erika ou des produits
Danone après l'annonce de la fermeture de l'usine Lu, le citoyen entend désormais donner une
signification sociale à l'acte de consommation et peser ainsi sur les comportements des entreprises.
Autre source de pression : les donneurs d'ordres. Lorsqu'ils s'engagent dans des politiques
d'amélioration continue de la qualité environnementale, ils ont obligation de répercuter ces contraintes
en matière d'impact environnemental sur l'ensemble de la chaîne de fabrication des produits et
touchent ainsi progressivement l'ensemble de la chaîne de sous-traitance. Concernant le volet social, la
certification SA 80004 impose aux entreprises d'être en mesure de contrôler, chez l'ensemble de leurs
sous-traitants, quelle que soit leur localisation géographique, que les droits minimums du salarié sont
respectés.
Les salariés sont également porteurs de nouvelles revendications concernant par exemple
l'aménagement du temps de travail permettant à tous les collaborateurs de l'entreprise d'assumer leur
rôle social au sein de leur famille mais aussi de la cité ; le droit d'être informés sur l'avenir de
1
Godard. Olivier. L'intégration stratégique du développement durable par les entreprises. De l'anticipation de la
contestabilité à la responsabilité assumée sous l'égide du principe de précaution. Atelier interentreprises organisé
par l'ANVIE et l'IQM, Paris, 22 mars 2001
2
Sondage Ipsos pour Novethic; 06/12/01. Chiffre cité : 70%.
3
Crée en juillet 1997, ARESE est la première agence française de rating social et environnemental sur les
entreprises européennes. Elle réalise des analyses et des notations sur la durabilité sociale et environnementale
des entreprises à la demande d'investisseurs.
4
La Social Accountability 8000 est une norme internationale spécifiant les exigences de responsabilité sociale de
l'entreprise. Elle s'appuie sur des critères liés aux droits fondamentaux des employés : l'interdiction du recours
au travail des enfants ; l'interdiction du travail forcé ; le droit à la sécurité sur le lieu de travail ; la liberté
syndicale et le droit de négociation collective ; la non-discrimination à l'embauche ou dans l'emploi ;
l'interdiction de pratiques disciplinaires coercitives et / ou corporelles ; des horaires et un salaire décent. Le texte
de la norme est disponible en français à l'adresse web : www.cepaa.org
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l'entreprise, sur l'évolution des conditions de travail, sur les risques encourus (sociaux ou
professionnels) ou encore la participation à la délibération sur les choix stratégiques qui auront des
retombés sur leur vie professionnelle.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, certaines ont, au cours des dernières années, été
échaudées par l'attitude d'entreprises, souvent étrangères, qui n'hésitaient pas à s'installer sur des
territoires industriels en reconversion de manière à toucher des primes à l'implantation pour se
délocaliser quelques années plus tard. En outre la mise en place de la TPU5 a permis aux collectivités
de se développer autrement qu'en attirant à tout prix des entreprises sur leur territoire. Les collectivités
souhaitent maintenant s'assurer que l'entreprise candidate à l'implantation a l'intention de s'installer de
manière pérenne sur le territoire, que son activité industrielle ne détériore pas le cadre de vie des
populations riveraines et que le risque industriel qu'elle comporte est correctement géré.
Enfin, la société civile, par l'intermédiaire d'associations de protection de la nature ou de respect des
droits de l'homme et de l'éthique, exerce également une pression et un contrôle sur les entreprises : elle
n'hésite pas à dénoncer dans la presse l'attitude de Nike vis-à-vis de ses fournisseurs indonésiens, les
agissements des grandes compagnies pétrolières en Afrique ou les licenciements économiques
massifs…
Dans ce contexte en pleine évolution, l'entreprise, pour préserver ses parts de marché et conserver ses
atouts concurrentiels, est amenée à s'adapter. O. Godard1 distingue deux types de configuration
industrielle et démontre pourquoi, qu'elles appartiennent à l'une ou l'autre, les entreprises ont de
bonnes raisons de chercher à élaborer, puis à mettre en œuvre des stratégies de développement durable
pour répondre aux différentes attentes exprimées précédemment :
! Quand l'activité de l'entreprise nécessite des actifs lourds qui constituent une barrière à l'entrée sur
le marché, il est nécessaire pour elle de préserver sa légitimité sociale face à des menaces de
contestation, en raison du coût important que causerait un abandon forcé du marché.
! Quand au contraire, l'entreprise se trouve sur un marché ne nécessitant pas d'investissement
important dans l'appareil de production, l'entrée sur ce marché est alors facile, ce qui
s'accompagne d'une pression concurrentielle forte. Le développement durable peut alors constituer
un enjeu important permettant de se différencier de la concurrence.
Des actions à promouvoir
Une démarche de développement durable pour l'entreprise repose sur sa capacité à écouter, à prendre
en compte les attentes et à rendre compte aux différentes parties intéressées que sont ses clients, ses
fournisseurs, ses actionnaires, ses salariés et la collectivité.
Une telle démarche peut se décomposer selon quatre axes de travail principaux :
! Gérer les risques en les anticipant aussi bien en ce qui concerne l'hygiène et la sécurité au
travail, la santé et la sécurité du consommateur, les pollutions accidentelles, les risques éthiques et
de réputation (ou image). En effet, l'application du principe de précaution ne doit pas être réservé
aux états mais concerne également les stratégies industrielles.
! Améliorer la performance environnementale des sites industriels et des produits. Cet axe de
travail renvoie à la notion d'éco-efficacité6 à savoir la recherche d'une utilisation plus efficace de la
matière et de l'énergie, en vue de réduire simultanément les coûts et l'impact environnemental de
la production. La recherche de l'éco-efficacité peut se décliner selon deux approches :" l'approche
process" et "l'approche produit".
5
Taxe Professionnelle Unique
L'écoefficacité a été définie en 1992 par le World Business Council for Sustainable Developement (WBCSD)
en ces termes : il s'agit de "fournir des biens et service à des prix compétitifs qui satisfont les besoins humains et
concourent à la qualité de vie, tout en réduisant progressivement les impacts écologiques et la consommation de
ressources naturelles".
6
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La première approche revient à considérer l'activité de production de l'entreprise dans son
ensemble et à agir à la fois sur le mode d'organisation en mettant en œuvre un système de
management environnemental et sur la technologie utilisée en substituant des technologies
propres7 aux technologies curatives. Le management environnemental8 est une démarche
volontaire de l'entreprise permettant de mettre en cohérence toutes les actions environnementales
de l'entreprise de manière à s'inscrire dans une logique d'amélioration continue et progressive,
nécessitant la mise en œuvre de tableaux de bords de suivi des actions menées et de leurs résultats.
L'approche par le produit, à savoir la prise en compte de l'impact environnemental dès la
conception, nécessite de considérer l'ensemble du cycle de vie du produit, depuis l'extraction des
matières premières rentrant dans sa composition jusqu'à sa fin de vie. Ce type d'approche implique
donc l'ensemble des entreprises intervenant dans la fabrication du produit9.
Eco-conception
Cycle de vie
du produit
Extraction des
matières premières
Opérations de
transformation
intermédiaires
Système de
production de
l'entreprise
Process 1
Système de
Management
environnemental
Process 2
Process 3
Process 4
Utilisation du produit
Fin de vie du produit
7
Procédés industriels innovants qui diminuent ou suppriment les pollutions à la source. On distingue trois
niveaux de technologies propres :
1. les mesures de bonne gestion qui consistent à éviter les gaspillages en améliorant les rendements, en
supprimant les fuites et en limitant les rebuts de fabrication. Ce premier niveau permet parfois des
économies substantielles sans nécessiter de gros investissements.
2. la modification des procédés de fabrication existants de manière à fermer les boucles de matière :
réutilisation des déchets produits, utilisation des fluides en circuit fermé, utilisation de matières
recyclées….
3. L'adoption de nouveaux procédés notamment pour limiter l'utilisation de substances dangereuses.
8
Il existe aujourd'hui deux référentiels principaux permettant de faire certifier un Système de Management
Eenvironnemental : la norme internationale ISO 14 001 et le Système Européen de Management
Environnemental et d'Audit (SMEA)
9
Dans le secteur de l'automobile par exemple, chercher à limiter l'impact environnemental d'une voiture dès la
conception du produit nécessite l'implication des entreprises de métallurgie, des fabricants de matières
plastiques, des entreprises du textile responsables de l'habillage des sièges, des entreprises de l'électronique, des
sous-traitants intervenant dans la fabrication des pièces mécaniques, des ferrailleurs pour améliorer la gestion de
la fin de vie…
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L'éco-conception peut constituer un moteur important pour l'innovation10 et amener des évolutions
importantes dans l'organisation industrielle. La transformation du produit en service permet par
exemple au fabricant de contrôler complètement la fin de vie du produit et de réutiliser une partie
des pièces encore en bon état dans la fabrication de produits neufs11. La recherche de l'allongement
de la durée de vie du produit conduit à travailler sur l'adaptabilité à différents usages et différentes
fonctions12.
! Réorganiser la mobilité des hommes et des marchandises pour en diminuer l'impact
environnemental. Le plan de mobilité ou Plan de Déplacements d'Entreprise13 est un outil
permettant une réflexion globale et intégrée prenant en compte tous les déplacements générés par
l'entreprise : domicile – travail, déplacements professionnels, visites des partenaires et transport de
marchandises. Cet outil a pour objectif d'augmenter la part des modes alternatifs à la voiture pour
les personnes, de promouvoir le transport combiné pour les marchandises (rail-route ou voies
d'eau-route) et de limiter les déplacements par une nouvelle organisation du travail (télétravail,
vidéoconférences, optimisation des parcours…).
! Participer au progrès social : Cette fonction de l'entreprise dépend en interne de sa politique de
gestion du personnel et en externe de sa capacité à développer des synergies avec le territoire où
elle est implantée.
Le double projet économique et social à l'initiative de l'Association Avec & Par14 correspond à une
explicitation intéressante de ce volet du développement durable. Ce double projet donne une égale
importance aux aspects humains et aux aspects économiques de la gestion des entreprises ; il
reconnaît pleinement que la personne employée n'est pas une ressource comme les autres et qu'elle
ne peut être traitée selon les seules lois de l'économie et du marché. Elle est reconnue comme un
partenaire capable d'initiative, d'innovation, d'apprentissage et de progrès personnel, qui dispose
d'un droit d'expression et de critique. Cela se traduit par l'affirmation de plusieurs principes
concernant les salariés en tant que personnes15, les salariés en tant que partenaires de l'entreprise16
et l'organisation de l'entreprise en mettant l'accent sur le travail en équipe, l'expression et la
confrontation des idées, la décentralisation des responsabilités dans la clarté des missions de
chacun et sur la circulation de l'information nécessaire ou attendue.
Par ailleurs, la contribution au développement local est une façon pour l'entreprise de participer au
progrès social tout en servant également ses propres intérêts. En effet, c'est bien le territoire qui lui
10
Plusieurs entreprises européennes ont mis au point, dans le cadre d'un projet européen commun, un enduit
mural absorbants divers polluants atmosphériques urbains (SO2, NOX…), créant ainsi un produit résolument
innovant.
11
Rank Xerox par exemple, ne vend pas de photocopieurs mais un service de photocopies. Le photocopieur est
en dépôt chez le client, Rank Xerox en assure la maintenance et le remplacement. Ainsi, l'usure de chaque pièce
peut être suivie précisément, ce qui permet à l'entreprise de pratiquer le remanufacturing à savoir la réutilisation
de pièces dans la fabrication de produits neufs.
12
Un designer autrichien a créé un bureau pour enfant qui évolue dans le temps selon les besoins de chaque âge :
les pieds sont modulables en hauteur et des pièces complémentaires agrandissent et consolident le plateau.
13
ST-Microelectronics a mis en œuvre un PDE en septembre 2000 sur son site de Grenoble. Cela s'est traduit par
la mise en place d'une navette gratuite entre la gare et le site, la prise en charge de 80 % du montant des
abonnements des employés aux transports en commun, la mise à disposition de douches et de parking pour les
vélos, le cofinancement par l'entreprise de 80 % du surcoût du à l'achat d'un véhicule propre. Aujourd'hui, sur les
1700 personnes du site, 1100 utilisent des modes alternatifs.
14
AVEC & PAR, Le double projet économique et social, Pour un management global des hommes dans
l'entreprise, septembre 2001, 11 p. (L'association Avec & Par est une initiative de plusieurs anciens responsables
de la Direction des Ressources Humaines de Danone)
15
Liberté de pensée, d'expression, indépendance et protection de la vie privée, sécurité physique, dignité des
rapports de travail et des tâches attribuées.
16
Aide dans l'accès à l'expérience et aux connaissances professionnelles, encouragement à l'initiative et à l'accès
aux responsabilités, reconnaissance de la nécessité d'information et de négociation
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offre les conditions matérielles et immatérielles de sa réussite : compétences, ressources
naturelles, image, patrimoine, culture… Cette contribution, qui peut prendre des formes très
variées, nécessite de développer des partenariats avec les entreprises voisines, en participants par
exemple à des clubs d'entreprises, et avec les autres acteurs du territoire, collectivités territoriales,
services de l'état, associations. Les projets territoriaux associant les entreprises s'inscrivent dans
quatre champs d'action présentés dans le schéma ci-dessous :
EntrepriseAméliorer le cadre de vieS'impliquerdans laformation etla rechercheContribuer à l'insertionprofessionnelle (2)Soutenir ledéveloppement économiqu
(1) Rassemblées en "plate-forme de service de proximité", les entreprises des zones d'activités de
Saint-Galmier (Loire) mutualisent leurs besoins émergents en vue d'en rentabiliser le traitement.
Ce renforcement de l'activité a amené les prestataires à embaucher plus de personnel.
(2) A Vaulx-en-Velin (Rhône), l'entreprise Casino a embauché des jeunes de la commune en difficulté
d'insertion professionnelle, notamment sur les postes liés à la sécurité. Les dégradations des locaux
ont considérablement diminué et la relation des habitants au centre commercial s'est améliorée.
(3) Les entreprises et les communes du Parc Industriel de la Plaine de l'Ain ont cofinancée leur station
d'épuration : les entreprises, en investissant un "droit d'utilisation" proportionnel aux quantités et
charges de pollution et les communes, en payant le service en fonction de leur charge annuelle.
(4) En 1998, 65% des entreprises mécènes étaient des PME ou des clubs de PME, à l'origine de 5000
opérations, surtout locales, représentant 31 millions d'€. La culture (incluant le sport) est le
principal poste, puis viennent le social (emploi, santé, enfants) et l'environnement.
Au delà du choix des thèmes d'actions, l'engagement d'une entreprise dans une démarche de
développement durable ne peut être effectif que si ces éléments de méthode sont respectés :
! Il s'agit d'abord de développer des outils de communication, en interne, mais également à
l'attention de l'ensemble des parties prenantes, de manière à informer, mais aussi à instaurer des
bases seines pour développer des processus constructifs de consultation, de dialogue et de
concertation.
! Pour s'inscrire dans une démarche d'amélioration continue et pouvoir communiquer sur des
résultats et sur des objectifs plutôt que sur de simples déclarations de bonnes intentions, il est
indispensable de mettre en place des outils de suivi des différentes actions menées. De
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nombreuses initiatives17 visant à définir un référentiel commun d'indicateurs de développement
durable pour l'entreprise, sont en cours. Il apparaît cependant difficile d'imaginer un système
d'indicateurs adapté à toutes les tailles d'entreprises et à tous les secteurs d'activités étant donné le
champ très large couvert par le développement durable.
! La capacité à travailler avec les parties prenantes dépend de la richesse des partenariats
développés : avec les fournisseurs et sous-traitants pour permettre une approche produit de
l'impact environnemental de l'activité de production, avec les acteurs du territoires pour participer
au développement local, avec les entreprises voisines pour mutualiser des moyens humains ou
matériels, avec les associations de riverains et de protection de la nature pour que l'activité
industrielle soit mieux acceptée par la société civile.
Les actes au delà des mots
Les principales dérives constatées dans plusieurs entreprises affichant une stratégie de développement
durable résultent d'un décalage important entre le message délivré et l'action constatée. Les exemples
sont nombreux en ce domaine : on peut citer TotalFinaElf qui affirme sur son site internet "Assumer
des responsabilités industrielles, mais aussi environnementales et civiques : TotalFinaElf s'engage à
accompagner le développement des pays et régions où il est présent, contribuer à la préservation et à
la valorisation de notre environnement naturel et culturel". Inutile d'énoncer ici l'ensemble des actions
de la compagnie totalement en contradiction avec cette affichage : naufrage de l'Erika, accident d'AZF,
déplacements de populations en Afrique, non engagement en matière de réduction des émissions de
gaz à effet de serre… Nike a tiré une gloire non dissimulée auprès des médias du relèvement de salaire
qu'il a consenti à ses ouvriers indonésiens spécialisés dans la chaussure. Or le salaire minimum
accordé s'élevait à 315 $ par an soit le prix de trois paires de chaussures de la marque Nike dans les
pays occidentaux. Il est également intéressant de remarquer que le coût de production d'une paire de
chaussure Nike correspond à 1,5 % de son prix de vente18.
L'attitude d'autosatisfaction de certaines entreprises constitue un autre écueil. Il est fréquent qu'un ou
plusieurs aspects d'une démarche de développement durable ait déjà été mises en œuvre dans
l'entreprise avant même que le terme ne soit utilisé. La tentation est alors grande d'utiliser le vocable
de développement durable pour qualifier ces actions, qui souvent correspondent à une politique
exclusivement environnementale, sans chercher à approfondir la démarche. Il faut alors se rappeler
que le développement durable correspond à une démarche de progrès nécessitant perpétuellement des
remises en question, des adaptations et des transformations.
Enfin, la tendance des grands groupes à externaliser leurs contraintes environnementales et sociales
sur leurs sous-traitants constitue également un frein à la contribution des acteurs économiques au
développement durable. Le résultat d'une étude sur la sous-traitance dans le secteur de l'automobile en
Rhône-Alpes19 a montré que les constructeurs se soucient de plus en plus souvent des performances
environnementales de leurs sous-traitants mais sans exiger de ces derniers qu'ils fassent de même
envers leurs propres sous-traitants. La préoccupation environnementale disparaît donc rapidement
quand on descend dans les niveaux de sous-traitance. Et quant elle est présente, elle est très largement
imposée par le donneur d'ordre comme une contrainte supplémentaire sans qu'aucune mesure
d'accompagnement ne soit proposée. Quant aux conditions de travail, elles ne sont presque jamais
évoquées dans les relations de sous-traitance.
En conclusion, il apparaît notoire que les acteurs économiques ne s'investiront réellement dans des
démarches de développement durable que s'ils y sont poussés par l'expression claire d'attentes de la
17
Le WBCSD travaille à définir d'indicateurs d'éco-efficacité ; le GRI (Global Reporting Initiative) est une
initiative internationale et multipartite, définissant des lignes directrices pour l'élaboration par les entreprises de
rapports de développement durable.
18
Impact Entreprises, Mars-avril 1999, p.6
19
ADEME, APDD. Compétitivité du Système automobile en Rhône-Alpes dans une perspective de
développement durable. Novembre 2001, 55 p.
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société civile, des politiques, des consommateurs et des actionnaires. Par ailleurs, la tentation est
grande pour les entreprises de réduire le développement durable à un simple enjeu de communication.
Certes, la communication est un outil indispensable, mais à condition qu'elle repose sur des actions
dont l'entreprise est capable de rendre compte. La vigilance reste donc de rigueurs afin que le concept
de développement durable, porteur d'un projet de société, ne soit pas discrédité par des attitudes trop
éloignées de ses véritables objectifs et principes.
Cet article est à paraître dans la Revue Economie et Humanisme n° 360, sous le titre "Les
entreprises actrices de développement durable".
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