Réforme des règles sur le démarchage bancaire et financier
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Réforme des règles sur le démarchage bancaire et financier
AUTRES PRESTATAIRES 30 Réforme des règles sur le démarchage bancaire et financier : un trou dans la raquette ? La réforme du démarchage bancaire et financier, par la loi de régulation bancaire du 22 octobre 2010, permet une identification unique des démarcheurs, soumis désormais à un corps de règles harmonisées en matière de bonnes pratiques et de contrôle. Certains abus risquent pourtant de persister, la loi restant lacunaire en matière de délégation de démarchage au même titre qu’elle laisse de côté le cas des CGP qui pourraient continuer de travailler sans encadrement. Démarchage bancaire et financier – Loi de régulation bancaire et financière – Registre unique – CIF – CGP – IOBSP L. n° 2010-1249, 22 oct. 2010 : JO 23 oct. 2010, p. 18984 COMMENTAIRE La mauvaise commercialisation de produits financiers est un souci permanent pour le législateur. Son origine se trouve souvent dans un défaut de compréhension, d’information ou de conseil donné au client. Le Trésor a donc proposé l’été dernier une réforme visant, notamment, à mieux encadrer l’activité des intermédiaires intervenant dans la commercialisation des services financiers, bancaires et d’assurance, par voie de démarchage. faciliter également le contrôle a priori, systématique et régulier, des conditions d’accès à ces activités tant sur la base d’exigences homogènes en matière d’honorabilité et de capacité professionnelles, que concernant la souscription d’assurance responsabilité civile professionnelle ou de garantie financière. Si ces exigences étaient déjà requises pour les CIF et les intermédiaires en assurance, elles n’étaient pas aussi étendues pour les IOBSP. I - Objectif de la réforme B - Une mise en cohérence des statuts de certains intermédiaires Le rapport Deletré de novembre 2009 évaluait les règles applicables aux différents acteurs du secteur financier en matière de « conduite des affaires » et les conditions du contrôle de leur bonne application par les superviseurs. Le rapport mettait en évidence une fragmentation de la réglementation entre les différents domaines d’activité, des exigences réglementaires d’intensité variables selon les secteurs et proposait des mesures correctives. Dans ce cadre, un des objectifs du rapport visait un meilleur encadrement de l’activité des intermédiaires (i.e. conseillers en investissements financiers (CIF), intermédiaires en opérations de banque et services de paiement (IOBSP), intermédiaires d’assurance et agents liés), passant par la mise en place d’un registre d’immatriculation unique et par une harmonisation de leurs statuts. A - Une immatriculation unique La mise en place d’un registre unique devait permettre de faciliter l’identification et le recensement de l’ensemble des personnes morales et physiques exerçant une activité d’intermédiation dans le secteur des assurances, des services d’investissement, des services bancaires et de paiement, le client disposant alors utilement de l’ensemble des informations concernant ces intermédiaires, qui peuvent cumuler plusieurs activités. L’immatriculation unique devait 22 Les différents régimes d’intermédiation étant très hétérogènes en matière d’exigences réglementaires, de lisibilité et de contrôle, leur mise en cohérence devait permettre d’offrir une protection claire et renforcée pour les clients, les mesures à prendre concernant surtout les IOBSP et les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) peu, voire pas, encadrés. Par ailleurs, les statuts d’agent lié, de CIF, d’IOBSP correspondent à une réglementation encadrant une activité d’intermédiation précise alors que la notion de démarcheur ne renvoie pas, quant à elle, à un statut particulier : elle découle du régime du démarchage bancaire et financier qui est plutôt une modalité de commercialisation à laquelle peuvent avoir recours les établissements de crédit, les prestataires de services d’investissement et les intermédiaires eux-mêmes. Ainsi, jusqu’ici, le cadre applicable au démarchage créait un effet d’éviction au détriment des statuts dûment encadrés, parce que les démarcheurs pouvaient profiter d’un flou législatif pour fournir, par délégation, des services d’investissement sans se soumettre aux exigences imposées aux agents liés ou aux CIF. Ce cadre imposait également de tenir un fichier dont la gestion lourde et coûteuse ne remplissait pas sa fonction de recensement et de bonne information de la clientèle. La réforme devait donc imposer une clarification de l’articulation entre la notion de démarcheur et les Bulletin Joly Bourse • Janvier 2011 Autres prestataires statuts d’intermédiaires existants, et prévoir que les démarcheurs, en tant que tels, ne pourraient plus fournir de service d’investissement sans disposer d’un statut complémentaire. Cette mesure amènerait un certain nombre de démarcheurs à adopter un ou plusieurs des statuts prévus pour les intermédiaires et dès lors soumis à une immatriculation unique : CIF, IOBSP, agent lié. Enfin, il semblait nécessaire d’encadrer l’activité des CGP, qui cumulent plusieurs statuts dans le cadre d’une activité transversale, pouvant toucher à la stratégie patrimoniale, aux services d’investissement, à l’assurance vie, à la prévoyance, aux comptes à terme voire même à l’immobilier et au crédit. Les clients seraient ainsi mieux protégés par un régime clair applicable à cette profession. II - Traduction législative : constat mitigé ? La loi n° 2010-1249 dite de régulation bancaire et financière publiée au Journal officiel du 23 octobre 2010 n’a pas été aussi précise que le projet dans l’encadrement de ces intermédiaires en laissant certains sujets non résolus. Certes, cette loi réaffirme les obligations professionnelles auxquelles tous les intermédiaires doivent se conformer en précisant, voire renforçant, leurs règles de bonne conduite, sur le modèle de celles applicables aux prestataires de services d’investissement, notamment pour les CIF (C. mon. fin., art. L. 541-8-1) et les IOBSP (C. mon. fin., art. L. 519-4 et s.). La loi ouvre également aux IOBSP et aux agents liés la possibilité de faire du démarchage bancaire et financier, même si celui-ci reste encadré par l’article L. 341-1. Certes, la suppression du h) de l’article L. 531-2 du Code monétaire et financier impose bien désormais que l’intermédiaire, uniquement démarcheur, ne peut plus exercer sa mission sans être également CIF, IOBSP, intermédiaire en assurance ou agent lié. Le simple démarcheur ne pourra donc démarcher ses clients que pour des services pour lesquels son mandant est lui-même agréé, et n’aura plus le droit de fournir lui-même le service d’investissement objet du démarchage : par exemple, il ne pourra plus faire remplir le bulletin de souscription des produits qu’il présente, cette action rentrant dans le cadre de la réception transmission d’ordres (RTO). Mais le pouvait-il avant ? Rien n’est moins sûr, sauf peut-être le CIF pour de la RTO sur parts d’OPCVM (v. C. mon. fin., art. L. 541-1 et Règl. gén. AMF, art. 325-13, par renvoi). Mais alors, le mandat de démarchage au sens strict est-il encore utile et autonome ? Dans ce cas, pourquoi ne pas l’avoir totalement supprimé ? Et si la loi impose, désormais, par la rédaction combinée des articles L. 341-3 et L. 546-1 du Code monétaire et financier, l’enregistrement sur un fichier unique, géré par l’Orias, d’un certain nombre de professionnels (CIF, intermédiaires d’assurance, IOBSP ou agent lié), à la différence du « vieux » fichier des démarcheurs 1, qui obligeait l’inscription de toute personne se livrant à l’activité de démarchage directement ou par délégation, l’immatriculation prévue ici ne s’impose plus qu’aux personnes autorisées de « premier niveau ». En effet, le nouvel article L. 341-4 n’oblige pas les délégataires de ces démarcheurs « par nature » à s’immatriculer : les personnes visées par l’article L. 341-3 peuvent donc mandater toute personne morale ou physique, quelle qu’elle soit, encadrée ou non, pour exercer en leur nom et pour leur compte cette activité, sans qu’elle soit référencée dans le moindre fichier. Et comme la loi n’a pas non plus traité le statut des CGP, dont l’activité n’est toujours pas encadrée, un intermédiaire « habilité » pourrait ainsi toujours mandater un CGP pour effectuer une mission de démarchage sans que ce dernier soit immatriculé : l’objectif de la réforme visant un encadrement strict de tous les démarcheurs serait donc manqué ? Espérons que l’étape réglementaire à venir pourra clarifier ces doutes. Stéphanie Saint-Pé Directrice juridique adjointe, AFG Servane Pfister Responsable commercialisation, AFG 1 dont la suppression interviendra définitivement le 1er janvier 2013. Bulletin Joly Bourse • Janvier 2011 23