Le contenu du Testament Biologique

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Le contenu du Testament Biologique
Le contenu du testament biologique
Introduction
Ce le plan de la terminologie, il convient d’emblée de préciser que les termes « testament
biologique » existent aux côtés d’autres vocables plus au moins analogues comme « directives
anticipées », « déclarations anticipées de traitement », programmation anticipée des thérapies »,
« directives de fin de vie », « dispositions du patient », « testament de vie », « mandat
d’inaptitude », « charte d’autodétermination », etc.
On entend généralement sous ces termes tous documents écrits contenant des indications
expresses d’une personne, saine et capable d’intention et de volonté, prises par anticipation sur les
traitements et assistances sanitaires que ladite personne souhaiterait recevoir ou pas dans
l’hypothèse où, à cause d’une maladie grave, incurable, ou d’un événement traumatique, elle se
trouvait dans un état d’incapacité à faire connaître ses intention et volonté. (cf Carlo Casini,
Marina Casini, Maria Luisa Di Pietro in Testamento biologico, Società Editrice Fiorentina).
L’origine du testament biologique est américaine. Le concept de « Living Will » a été initié en
1967 par Louis Kutner, membre du conseil de l’Euthanasia Educational Council des USA.
Il s’est développé plus particulièrement dès 1990 sur la base du Patient Self Determination Act
qui entend avantager le rôle du patient concernant les décisions relatives à sa vie, particulièrement
dans la phase finale de son existence.
Les directives anticipées sont la traduction de l’expression anglaise « Advance health care
directives ».
Tous ces concepts (testament biologique, directives anticipées, déclarations anticipées, charte etc.)
ne sont pas synonymes et des différences substantielles existent entre eux, notamment quant à leur
contenu.
Dans cette brève contribution, par mesure de simplification, j’engloberai l’ensemble de ces
notions, sans les différencier en détails, mais en précisant d’emblée que le terme « testament » ne
me paraît pas judicieux. Il est utilisé en matière de dispositions pour cause de mort, ce qui ne
devrait pas être l’objet de l’instrument étudié.
Je ne me prononcerai pas sur la polémique de l’instrumentation éventuelle du testament
biologique en vue d’une légalisation de l’euthanasie.
Le testament de vie peut se présenter sous diverses formes ; il n’est pas ou peu réglementé en droit
continental (à l’exception des Pays-Bas, de la Belgique, de la France et de l’Espagne).
Il peut s’agir de l’expression de volontés explicites mais aussi de la simple désignation d’un ou de
représentants thérapeutiques en charge de prendre les décisions en cas d’inaptitude du disposant,
voire d’un mélange de ces deux possibilités.
Ceci exposé, que peut ou doit contenir un testament de vie ?
Outre les données personnelles, le lieu de rédaction et la date et la signature du disposant, un
testament de vie écrit contient de nombreuses clauses.
1) Référence à la capacité de discernement du disposant
Les volontés exprimées doivent l’être alors que le disposant est capable de discernement, à savoir
capable de prendre une décision libre et éclairée.
Ce point est essentiel et pas aussi anodin qu’il y paraît. En l’absence de législation, si le testament
de vie était rédigé par une personne incapable de discernement, quelles en seront les
conséquences ?
Plus généralement et en dehors de toutes considérations juridiques, même en cas de capacité de
discernement, les facultés et connaissances du disposant sont-elles de nature à lui permettre
l’expression de volontés suffisamment éclairées sur les moyens de vie ?
Au moment où le testament de vie est signé, le disposant peut-il être correctement informé sur
une situation future dont les prévisions ne seront probablement pas celles de la réalité ?
Seules des dispositions prises en fonction d’une pathologie précise et en collaboration avec son
médecin pourrait réduire, sans l’exclure, ce risque.
2) Enumération des cas dans lesquelles les volontés du disposant seront appliquées
Les cas les plus souvent évoqués sont : cas désespéré, maladie incurable, douleurs insupportables,
handicap physique ou mental, inconscience, coma dépassé, vie végétative, incapacité de
discernement, phase terminale etc.
C’est là un autre problème ; ces situations ne sont que rarement clairement déterminées car tout
simplement pas déterminables ou méconnues du disposant. Ce dernier ne peut pas tout prévoir
au moment où il rédige ses dispositions.
Elles posent par ailleurs de délicats problèmes d’interprétation.
Qu’est-ce qu’un cas désespéré pour le disposant ? De quelle intensité doit être selon lui le
handicap physique ou mental qui justifierait l’application des dispositions prises ? Quand est-on
vraiment en présence d’une vie végétative ou en phase terminale ?
Comment les interpréter et éviter que le médecin qui les interprétera le fasse de manière différente
que la réelle volonté du disposant ?
Ces ambiguïtés engendrent des risques d’arbitraire pour le disposant quant à l’applicabilité des
dispositions prises.
Là encore, seul un dialogue avec son médecin peut permettre de préciser les cas envisageables et
éviter des généralités.
Mais cela ne peut suffire si, par exemple, des traitements plus efficaces ou moins douloureux ont
été découverts depuis la rédaction du testament de vie.
On en revient alors à nouveau à la question fondamentale de l’information éclairée du disposant.
3) Enumération des actes médicaux que le disposant ne souhaite pas recevoir
4) Enumération des actes médicaux que le disposant souhaite recevoir
Ces points 3) et 4) posent la question de ce que peut ou ne peut pas faire le patient.
Parallèlement, ils posent la question de ce que peut ou ne peut pas accepter de faire ou de ne pas
faire le médecin.
Le patient a un devoir moral de veiller à sa vie, source et condition nécessaire de toute activité
humaine et de toute communication sociale.
Le médecin doit quant à lui prendre soin du patient en faisant, pour le bien de ce dernier, tout le
possible, le mieux possible, mais seulement le possible.
A défaut il viole ses obligations professionnelles et éthiques, voire légales.
Il est donc essentiel dans ce contexte qu’un dialogue s’instaure entre le patient et le médecin pour
qu’ils examinent ensemble ce qu’ils peuvent convenir.
C’est ainsi qu’ils pourraient définir l’acharnement thérapeutique en précisant, par exemple :
a) que s’il n’y pas d’autres remèdes suffisants, le disposant autorise le médecin à recourir aux
moyens que procure la technique médicale la plus avancée, même s’ils en sont encore au
stade expérimental et ne vont pas sans risque ;
b) que l’interruption de moyens dont les résultats sont décevants ( ?) est autorisée ;
c) qu’au contraire le disposant se contentera des moyens normaux ( ?) que la médecine peut
offrir ;
d) que dans l’imminence d’une mort inévitable malgré les moyens employés, il est permis de
prendre la décision de renoncer à des traitements qui ne procureraient qu’un sursis précaire et
pénible, sans interrompre pourtant les soins normaux dus au malade en pareil cas
(hydratation, alimentation).
5) Demande d’aide au soulagement des douleurs pouvant conduire à la mort
De telles clauses sont inacceptables si elles sont qualifiables d’actes d’euthanasie.
Sur le plan strictement juridique, elles n’auraient d’ailleurs de valeur que dans les pays qui
reconnaissent le droit à l’euthanasie (notamment les Pays-Bas et la Belgique).
Sous ce point, il faut toutefois préciser la position de l’Eglise catholique sur l’emploi des
analgésiques et la position de Pie XII à ce propos, reprise dans la Déclaration « Iura et Bona » de
mai 1980 : « La suppression de la douleur et de la conscience par le moyen de narcotiques (…) est
permise par la religion et la morale au médecin et au patient même à l’approche de la mort et si l’on
prévoit que l’emploi de narcotiques abrégera le vie.
S’il n’existe pas d’autres moyens et si, dans les circonstances données, cela n’empêche pas
l’accomplissement d’autres devoirs religieux et moraux : oui. Dans ce cas en effet il est clair que la mort
n’est en aucune façon voulue ou recherchée, même si le risque en est raisonnablement couru ; on a
simplement l’intention de calmer efficacement la douleur en employant dans ce but les analgésiques
dont la science médicale dispose. »
6) Choix du lieu d’hospitalisation
7) Choix de demeurer à domicile
8) Souhaits de soins palliatifs, de confort, esthétiques ; dons d’organes
9) Souhaits spirituels
10) Interdiction de contacts avec certaines personnes, tiers ou membres de la famille
11) Nomination de personnes de confiance pour le suivi quotidien
12) Souhaits pour l’avis mortuaire, la sépulture ou l’incinération, la cérémonie religieuse, la
musique, les dons
Les points 6) à 12) ne nécessitent pas de commentaires particuliers. On pourrait prévoir encore
d’autres vœux qui ne sont pas caractéristiques d’un testament de vie.
Ainsi que mentionné plus haut, les dispositions post-mortem devraient, pour être valables, revêtir
l’une des formes disposées par le droit successoral de l’Etat compétent dans chaque cas particulier.
13) Nomination d’un ou de plusieurs représentants thérapeutiques
Cette clause est facultative.
Elle peut exister seule ou être combinée à un testament de vie.
S’il peut paraître préférable de se limiter à la nomination d’un représentant thérapeutique plutôt
que d’exprimer par avance des volontés visant des situations futures inconnues, le risque
d’interprétation arbitraire ou erroné ne doit pas être sous-évalué car il existe aussi dans une telle
hypothèse.
Ce risque ne sera pas forcément réduit par la nomination de plusieurs mandataires.
Une solution serait de nommer son médecin en la qualité de représentant thérapeutique.
Force serait d’admettre dès lors qu’on en reviendrait au système du paternalisme médical alors
même que le testament de vie est né du souci d’autonomie et d’autodétermination du patient.
14) Réactualisation
Un autre grand problème constaté en matière de testament de vie découle de la dislocation
temporaire entre le moment où la volonté a été exprimée et celui où elle doit être appliquée.
Chaque individu évolue et ses réflexions ou les circonstances peuvent le conduire à changer d’avis
sur telle ou telle décision prise antérieurement.
Il est donc important que le disposant revoie régulièrement son testament de vie pour examiner
s’il coïncide toujours avec ses réflexions actuelles, qu’il le révoque ou l’adapte.
Ce souci de réactualisation n’éliminera pas toutefois le risque qu’une volonté exprimée à un
moment précis ne soit plus actuelle au jour où elle doit être appliquée.
Le risque est ainsi que le disposant voie appliquer à une situation une volonté qui n’est plus la
sienne mais qu’il n’est plus en mesure d’exprimer.
Une fois encore, le testament de vie se heurte à la question de l’information éclairée du disposant.
Au terme de cette énumération non exhaustive, on peut retenir que les dispositions les plus
délicates dans un testament de vie sont les chiffres 1), 2), 3), 4) et 14) mentionnés ci-dessus.
Leur applicabilité dépendra principalement de leur précision. Plus une clause est précise et moins
elle sera sujette à interprétation.
Dans ce but, le dialogue patient-médecin doit être le plus complet possible car l’information
éclairée du patient est la clé de voûte du testament de vie.
Conclusion
Le testament de vie est de plus en plus pratiqué malgré les nombreux risques qu’il implique.
Ce testament de vie laisse en effet perplexe tant au niveau de sa validité juridique que morale.
L’expression de volontés anticipées sur les moyens d’entretien de sa vie, en dehors des conditions
concrètes de la maladie, renforce cette perplexité, notamment au regard des problèmes
d’interprétation que soulèvent ces testaments de vie.
Pour le surplus, il est choquant d’envisager de dispenser un médecin d’avoir sa propre
appréciation, même contre la volonté de son patient. Cette éventualité est contraire à l’autonomie
« en sa propre conscience » du médecin.
Pourquoi alors un tel engouement pour le testament de vie ?
L’une des causes consiste dans une méfiance grandissante des individus à l’égard du corps médical
et de la science, plus spécialement à l’égard de l’acharnement thérapeutique et de
l’expérimentation.
Paradoxalement, ce n’est pourtant que dans une relation médecin-patient basée sur un échange
fondé sur la confiance du patient en son médecin et sur la conscience du médecin de ses devoirs
envers son patient que le testament de vie pourrait constituer une aide réelle.
C’est en effet dans cet objectif exclusif d’aide au bien du patient que le testament de vie doit à
mon avis se situer et que son contenu doit se concevoir.
Pour atteindre cet objectif, le testament de vie n’est pas utile.
Il présente plus de risques que d’avantages.
S’il doit exister, il doit être conçu comme l’énumération de souhaits dont le contenu devra
permettre au médecin, au représentant thérapeutique ou à la famille, de prendre la meilleure
décision pour le patient, décision qui ne devra pas être illégale ou immorale.
Ces souhaits seront d’autant plus respectables s’ils sont établis concrètement en fonction d’une
pathologie connue par le patient et son médecin.
De mon point de vue, les différents modèles de directives anticipées ou autres dispositions du
patient actuellement en circulation ne prennent pas suffisamment en considération les divers
éléments développés ci-dessus. Leur applicabilité laisse donc perplexe.
Je ne saurais trop conseillé à celles et ceux qui sont désireux d’émettre des souhaits de vie, de le
faire en priorité en étroite collaboration avec leur médecin. L’aide d’un juriste pourra être utile
dans le but d’en vérifier la forme et d’attirer l’attention du disposant et de son médecin sur
certaines ambiguïtés du texte élaboré.
Janvier 2008