L`accord sur la sécurisation de l`emploi : un compromis

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L`accord sur la sécurisation de l`emploi : un compromis
Labor & Employment Client Service Group
Bryan Cave, Paris
22 janvier 2013
L’accord sur la sécurisation de l’emploi : un
compromis entre flexibilité pour les employeurs et
davantage de droits pour les salariés
Afin de tenter d’enrayer la hausse du chômage qui a dépassé le cap des 10% et de restaurer la
compétitivité des entreprises, les partenaires sociaux sont parvenus, le 11 janvier dernier, à un
accord national interprofessionnel (« ANI ») sur la sécurisation de l’emploi. Cet accord devrait être
signé par trois syndicats (CFDT, CFTC et CFE-CGC) ; la plupart de ces mesures seront ensuite
retranscrites dans un projet de loi, qui sera examiné par le Parlement en vue d’une promulgation
en mai prochain.
Bien que quelque peu déconnectée de l’objectif notamment d’enrayer le chômage visé par l’ANI,
l’une des avancées majeures du texte est l’introduction de plus de flexibilité pour l’employeur avec
notamment un remodelage de la procédure de licenciement collectif. Le texte contient également
des mesures favorables aux salariés (par exemple, la généralisation de la complémentaire santé
pour tous les salariés). Les principales mesures sont présentées ci-après1. Il reste à savoir comment
elles seront transposées et si elles seront efficaces dans le contexte actuel de crise économique et
de politique d’austérité.
Modification des règles de licenciements collectifs (10 salariés et plus) dans les
entreprises de 50 salariés et plus
Dans le nouvel ANI, la procédure de licenciement pour motif économique et le contenu du plan de
sauvegarde de l’emploi (« PSE ») sont désormais fixés soit par un accord collectif majoritaire2, soit
par un document produit par l’employeur et homologué par la Direccte3.
Accord collectif majoritaire : dans l’accord collectif, les parties pourront déroger aux dispositions
légales sur le licenciement économique, notamment le nombre et le calendrier des réunions avec
les Institutions de Représentation du Personnel (« IRP »), la liste des documents à produire, les
conditions et délais de recours à l’expert, l’ordre des licenciements et le contenu du plan. L’accord
précisera la date de mise en œuvre des reclassements internes, ceux-ci pouvant commencer avant
la fin de la procédure. L’ensemble des délais fixés par l’accord seront des délais préfixes, non
susceptibles de dépassement ou de suspension.
1
Sans que cette liste ne soit exhaustive.
2
Accord signé par une ou plusieurs organisations ayant recueilli au moins 50% des suffrages au premier tour des élections
professionnelles des titulaires.
3
« Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi »
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Homologation : si l’employeur choisit de recourir à l’homologation, il établira seul le document
qui sera soumis pour avis au comité d’entreprise (« CE »), avant d’être transmis à la Direccte, qui
aura 21 jours pour l’homologuer, son silence valant homologation. La mise en œuvre des
reclassements commencera à compter de l’homologation. En cas de refus de l’homologation, lequel
devra être motivé, l’entreprise devra établir un nouveau document et le soumettre à la Direccte.
A compter de la date de présentation du document au CE, la procédure s’inscrira dans un délai
préfixe maximum variant suivant le nombre de salariés concernés, non susceptible de suspension ou
de dépassement : 2 mois pour les projets concernant 10 à 99 salariés, 3 mois pour 100 à 249
salariés et 4 mois au delà.
Inscrire la procédure de licenciement dans un délai préfixe maximum est une avancée majeure qui
incitera peut être les entreprises à favoriser l’homologation, car, dans les faits, il n’y a
actuellement aucune certitude sur la durée de la procédure, les IRP tentant souvent de prolonger la
procédure (e.g., demande d’informations complémentaires, nomination d’un expert, référé).
Congé de reclassement : sa durée sera portée de 9 à 12 mois pour harmoniser avec la durée du
Contrat de Sécurisation Professionnelle (« CSP »).
Ordre des licenciements : le critère « compétence professionnelle » sera privilégié, les autres
critères devant être également pris en compte pour déterminer l’ordre des licenciements par
catégorie professionnelle.
Délais plus courts pour les contestations :
¾
toute action en contestation de la validité de l’accord ou de son homologation devra être
formée dans les trois mois du dépôt de l’accord ou de l’obtention de l’homologation ;
¾
toute contestation du salarié sur le motif du licenciement ou le respect par l’employeur des
modalités fixées devra intervenir dans les 12 mois suivant la notification du licenciement.
Mobilités internes : les entreprises mettant en œuvre des mesures d’organisation sans réduction
d’effectifs (par exemple, changements de poste ou de lieux de travail) pourront imposer cette
mobilité interne à leurs salariés, sans diminution de salaire/classification/qualification
professionnelle. En cas de refus du salarié, il pourra être licencié pour motif personnel et aura droit
à des mesures de reclassement (bilan de compétences ou abondement du compte de formation
personnelle). L’organisation de cette mobilité fera l’objet d’une négociation triennale.
Rationalisation et diminution des risques pour les contentieux
Délais de prescription réduits :
¾
12 mois pour les licenciements collectifs ;
¾
2 ans, au lieu de 5, pour les contestations relatives à l’exécution ou la rupture du contrat
(par exemple, licenciement personnel, licenciement économique de moins de 10 salariés),
à l’exception des actions fondées sur la discrimination ;
¾
3 ans pour l’action en paiement ou en répétition du salaire (au lieu de 5) fondée sur
l’article L.3245-1 du Code de travail.
Indemnités forfaitaires en conciliation prud’homale
Devant le bureau de conciliation, étape incontournable de toute action en contestation de
licenciement, les parties pourront mettre un terme au litige par le versement d’une indemnité
forfaitaire, ayant le caractère social et fiscal de dommages et intérêts, fixée, selon l’ancienneté du
salarié à : 2 mois entre 0 et 2 ans d’ancienneté, 4 mois entre 2 et 8 ans, 8 mois entre 8 et 15 ans,
10 mois entre 15 et 25 ans, et 14 mois au-delà de 25 ans.
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Si ce barème ne doit être utilisé que lors de la conciliation, il sera peut être appliqué dans les faits
par le bureau de jugement, ce qui pourrait permettre de diminuer, ou recadrer, le montant des
dommages et intérêts octroyés.
Autres mesures de flexibilité
Simplification du chômage partiel : l’autorisation préalable sera maintenue mais les dispositifs de
chômage partiel seront unifiés et simplifiés ; l’indemnisation sera plus incitative en cas de départ
du salarié en formation pendant la période de chômage partiel.
Accords de maintien dans l’emploi : l’employeur pourra conclure avec les syndicats des accords
d’une durée maximale de deux ans prévoyant une baisse de salaire et/ou une augmentation du
temps de travail contre un engagement de maintien de l’emploi ; des garanties devront être
prévues dans l’accord (partage du bénéfice économique), ainsi que des sanctions en cas de nonrespect. En cas de refus du salarié, il sera licencié pour motif économique, mais les obligations
résultant de licenciement collectif ne s’appliqueront pas et le salarié ne pourra pas contester le
motif du licenciement.
De nouveaux droits pour les salariés
les branches
Généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé :
professionnelles devront négocier un accord pour mettre en place une complémentaire santé
obligatoire dans les entreprises au plus tard le 1er janvier 2016. A défaut d’accord, un « panier de
soins » minimum est prévu, dont le financement sera partagé par moitié entre salariés et
employeurs.
Extension de la portabilité de la couverture santé et prévoyance pour les anciens salariés d’une
entreprise, désormais demandeurs d’emploi : la durée maximale sera portée de 9 à 12 mois.
Taxation des contrats courts4 pour inciter au recrutement en contrat à durée indéterminée
(CDI) :
¾
majoration de la cotisation patronale d’assurance chômage : aujourd’hui fixée à 4 %,
cette cotisation passera, à compter du 1er juillet 2013, à 7% en cas de contrats à durée
déterminée (CDD) inférieurs à un mois, 5,5% pour les CDD de un à trois mois et 4,5% pour
les contrats dits d’usage de moins de trois mois (ces derniers étant autorisés dans 21
secteurs dont la restauration et les spectacles notamment)5 ;
¾
instauration d’une aide à l’embauche en CDI : l’employeur sera exonéré de cotisations
patronales d’assurance-chômage pour 3 ou 4 mois s’il embauche un jeune de moins de 26
ans et le contrat se poursuit après la fin de la période d’essai.
Création d’une période de mobilité volontaire sécurisée : cette période pourra être créée dans
les entreprises de 300 salariés et plus, pour les salariés justifiant d’une ancienneté minimale de
deux ans et ayant obtenu l’accord de leur employeur via un avenant au contrat afin que le salarié
découvre un nouvel emploi dans une autre entreprise. A l’issue de cette période, le salarié pourra
choisir de revenir dans son entreprise, auquel cas il devra retrouver son emploi antérieur, ou un
emploi similaire, le tout dans les mêmes conditions de rémunération et de classification. S’il ne
revient pas, le salarié sera considéré comme démissionnaire. Un retour anticipé devra être autorisé
par l’employeur ou prévu dans l’avenant au contrat.
Encadrement du temps partiel : l’ANI fixe une durée minimale d’activité des salariés en temps
partiel à 24 heures par semaine, sauf pour les particuliers employeurs et les jeunes de moins de 26
ans poursuivant leurs études ou suite à une demande écrite et motivée du salarié. Les heures de
travail effectuées au-delà de cette limite de 24 heures seront majorées de 10% jusqu’à ce que leur
4
Les CDD représentent aujourd’hui presque 80% des nouvelles embauches.
5
CDD de remplacements, emplois à caractère saisonnier et embauche en CDI suite à un CDD non concernés .
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nombre atteigne 1/10e de cette durée hebdomadaire ou mensuelle ; au-delà, la majoration sera
portée à 25%. Ces dispositions devront être mises en place au plus tard le 31 décembre 2013.
Les branches professionnelles employant au moins un tiers de leurs effectifs en temps partiel
devront engager des négociations dans les trois mois de l’entrée en vigueur de l’ANI, portant
notamment sur la répartition du temps de travail pour permettre aux salariés de compléter leur
temps de travail chez un autre employeur.
Droits rechargeables à l’assurance-chômage : en cas de reprise d’emploi, les salariés auront la
possibilité de conserver le reliquat de leurs droits aux allocations chômage non utilisées pour les
ajouter en cas de nouvelle perte d’emploi; cette mesure sera mise en œuvre lors de la prochaine
convention Unedic.
Renforcement de l’information des salariés sur les perspectives et choix stratégiques
de l’entreprise
Information et consultation anticipée des IRP : une base de donnée unique devra être mise en
place dans l’entreprise (dans le délai d’un an dans les entreprises de 300 salariés et plus, 2 ans
dans les autres) contenant des informations économiques et sociales sur l’année en cours et les 3
prochaines années. Cette base remplacera les informations données de manière récurrente aux IRP.
Elle sera consultable par les IRP et devra être mise à jour régulièrement (elle ne remplacera pas les
informations communiquées aux IRP en vue de leur consultation sur des événements ponctuels).
Afin de garantir la confidentialité des informations, l’employeur pourra identifier celles qui sont
sensibles et doivent rester confidentielles et indiquer les raisons et la durée du caractère
confidentiel.
Les demandes d’information ou d’éclaircissements des IRP seront également plus encadrées : les
IRP devront rendre leur avis dans un délai préfixe, afin de ne pas entraver la bonne marche de
l’entreprise. L’absence d’avis des IPR vaudra avis négatif.
Les IRP pourront se faire aider par un expert-comptable pour analyser les informations, dans la
limite de coûts fixés sur la base d’un barème établi par le Conseil de l’ordre des expertscomptables et financés à hauteur de 20% sur le budget de fonctionnement des IRP.
En cas de saisine du CHSCT, si plusieurs établissements sont concernés, une instance de
coordination des comités locaux sera mise en place, avec la nomination d’un seul expert en cas de
recours à l’expertise.
Représentation des salariés dans l’organe de gouvernance : les entreprises comptant au moins
10.000 salariés dans le monde ou 5.000 en France devront faire rentrer des représentants des
salariés, avec voix délibérative, au sein de leur conseil d’administration ou de surveillance.
Information-consultation sur la recherche de repreneurs : en cas de fermeture d’une entreprise,
le CE sera consulté sur cette recherche de repreneur, avec la possibilité de se faire assister par
l’expert-comptable de son choix et de donner un avis sur l’offre d’un repreneur potentiel.
Décalage des effets de seuil : un délai d’un an sera accordé pour mettre en œuvre les obligations
liées à l’atteinte des 11 et 50 salariés, si les élections sont organisées dans les trois mois du
franchissement de seuil.
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