Interm†ediation, diversification et dissimulation dYinformation

Transcription

Interm†ediation, diversification et dissimulation dYinformation
Intermédiation, diversiÞcation et dissimulation
d’information∗
Régis Breton†
CNRS et LEO, Université d’Orléans
Septembre 2004.
Version provisoire
53
congrès de l’AFSE
ème
Résumé
Cet article présente un modèle d’intermédiation Þnancière dans lequel la rente
informationnelle est l’aiguillon à la production d’information. Les investisseurs peuvent s’engager initiallement dans une production coûteuse d’information, mais la
valeur de cette information est à long terme. Un investisseur individuel ne peut
conserver cette information privée, car sa stratégie d’investissement la révèle, ce
qui détruit ex ante les incitations à produire cette information. Une structure
d’intermédiaire diversiÞé est un mécanisme de dissimulation permettant aux investisseurs d’extraire la rente informationnelle dans le futur.
JEL ClassiÞcation. D82, G00, G21
1
Introduction
Cet article propose une théorie de l’intermédiation Þnancière comme mécanisme de
dissimulation d’information et d’extraction de rente informationnelle. Selon la théorie
moderne de l’intermédiation Þnancière, les banques disposent d’un avantage dans la
réduction des asymétries d’information inhérentes au crédit. Cet avantage s’explique
soit par la relation passée avec l’emprunteur (Rajan 1992, Petersen et Rajan 1995),
soit par l’information privilégié liée à la gestion du compte courant (Nakamura 1993).
La rente informationnelle qui en découle apparaõ̂t généralement comme un coût (Rajan
1992, Sharpe 1990). La situation de monopole bilatéral créée par l’avantage informationnel induit en effet une distorsion des incitations de l’emprunteur. La solution peut
être pour le prêteur de développer une réputation à ne pas abuser de son avantage
∗
Cet article est une extension d’un chapitre de ma thèse de doctorat à l’Université Paris 10 Nanterre. Je remercie Michel Aglietta, Vincent Bignon, Michel Boutillier, Jacques Crémer, Antoine FaureGrimaud, Nobuhiro Kiyotaki, Jean-Paul Pollin, Jean-Charles Rochet, ainsi que les participants aux
séminaires à l’Université Paris 10 et à la London School of Economics.
†
[email protected].
1
informationnel (Sharpe 1990), ou pour l’emprunteur de se tourner vers un Þnancement
de marché (Rajan 1992). Cette vision négative de la rente informationnelle et les conclusions normatives associées dépendent de l’hypothèse que l’avantage informationnel
ne varie pas avec la rente informationnelle.
Cependant, la production d’information, même au sein d’une relation privilégiée,
suppose l’engagement de ressources coûteuses. Ces coûts peuvent renvoyer par exemple
au temps passé au contact de l’entrepreneur ou au coût de traitement des sources d’information. L’extraction future d’une rente informationnelle peut être nécessaire pour
compenser ces coûts initiaux. Or, des études empiriques montrent que le comportement des banques est susceptible de révéler une partie de l’information produite1 . Si
l’information est transférable mais non appropriable, se pose le problème de l’articulation entre production et révélation de l’information mis en évidence par Grossman et
Stiglitz (1980). Il est alors nécessaire de mettre en place un mécanisme de dissimulation
de l’information. Cet article montre qu’un intermédiaire Þnancier diversiÞé est un tel
mécanisme.
Plus précisément, cet article étudie un marché du crédit dans lequel les prêteurs
doivent s’assurer de l’appropriabilité de l’information produite lors de l’évaluation initiale des emprunteurs. Ceci tient à deux éléments. Tout d’abord, la valeur actualisée de
cette information est distribuée sur deux périodes et la valeur de court terme ne couvre
pas le coût initial. Ensuite, l’observation de l’obtention d’un crédit est un signal permettant aux investisseurs externes d’inférer la qualité des emprunteurs, et de débaucher
ex post les bons emprunteurs sans avoir payé le coût initial. Dans un cadre similaire,
Anand et Galetovic (2000) montrent comment le degré de concurrence entre banques
est une solution à ce problème. Nous analysons une solution différente, la diversiÞcation au sein d’un intermédiaire Þnancier. En Þnancant simultanément différents types
de projets, l’intermédiaire diversiÞé est en mesure de limiter la fuite informationnelle
quant à la qualité individuelle des entrepreneurs Þnancés. La diversiÞcation apparaõ̂t
donc comme un mécanisme de protection de la rente informationnelle, engendrant ainsi
les paiements futurs nécessaires à la rémunération de facteurs non contractualisables
(i.e. coût initial d’évaluation).
C’est une justiÞcation nouvelle de la diversiÞcation par un intermédiaire dans un environnement de neutralité au risque, différente de celle de Diamond (1984). Sur le plan
empirique, cet argument peut expliquer la diversiÞcation opérée par un venture capitalist, en complément de l’argument classique lié au faible nombre de projets qui aboutiront
Þnalement. L’argument permet également de mettre en perspective les mouvements de
recentrage sur les métiers de base au sein des groupes. La littérature académique a
défendu l’idée qu’une diversiÞcation au sein des Þrmes se traduit par une allocation
sous-optimale du capital, car les groupes peuvent subventionner les activités moins
rentables. Or, les études empiriques sur l’existence d’une décôte de conglomérat ne
sont pas concluantes. L’argument présenté ici suggère qu’une entreprise plus diversiÞée
1
Les premières contributions de James (1987) et Lummer et McConnel (1989) font état d’un effet
positif de l’annonce d’obtention d’une crédit bancaire sur le prix des actions. Yosha (1995) donne une
série de références supplémentaires sur ce point.
2
est en mesure de dissimuler plus facilement les secteurs plus rentables à ses concurrents.
A l’équilibre, l’information détenue par un intermédiaire n’est transmise que progressivement aux autres investisseurs. Cette temporalité est compatible avec les résultats
des études empiriques sur le contenu informationnel de l’obtention d’un crédit bancaire.
James (1987) trouve un impact positif de l’annonce de l’octroi d’un crédit bancaire sur
le prix d’action des entreprises côtées. Les études ultérieures, Lummer et McConnel
(1989) notamment, ont montré que seul le renouvellement d’un prêt est interprété de
manière positive par le marché Þnancier.
La suite de l’article est organisée ainsi. La section 2 présente l’environnement et
explicite la valeur de l’information. La section 3 étudie l’équilibre avec Þnance individuelle et l’équilibre avec intermédiation diversiÞée, et celui qui prévaut. La section 4
conclue en discutant certaines extensions possibles.
2
Environnement
Je considère une économie composée d’entrepreneurs cherchent à obtenir un Þnancement externe pour des projets d’investissements successifs et d’investisseurs pouvant
Þnancer un projet par période. L’environnement présente les caractéristiques essentielles suivantes. 1/ Un investisseur dispose d’une technologie d’évaluation coûteuse.
L’évaluation est non contractualisable car non observable. L’information ainsi produite
est socialement optimale, mais la valeur de court terme est insuffisante pour compenser
le coût d’évaluation. 2/ La production d’information n’est rentable pour un investisseur
que si une relation de long terme est maintenue avec l’entrepreneur. 3/ Or les agents
ont une capacité limitée à s’engager dans des contrats et des relations de long terme.
EnÞn 4/ le comportement des investisseurs est susceptible de révéler leur information.
Dans ce contexte, la recherche de la rente informationnelle et sa protection sont
nécessaires pour fournir les incitations à l’évaluation.
2.1
Préférences et technologies
Soit une économie à deux périodes peuplée d’entrepreneurs et d’investisseurs tous
neutres au risque. Chacun maximise Et=0 [c1 + c2 ]. Le taux d’intérêt sans risque est
normalisé à 0.
Les entrepreneurs sont répartis en deux secteurs identiques, A et B. Le secteur est
une caractéristique publique. Les emprunteurs de chaque secteur sont de deux types :
une proportion λ sont des entrepreneurs de type H et la proportion complémentaire
1 − λ sont de type L. La proportion λ est de connaissance commune. AÞn de se concentrer sur les effets indiqués, nous ferons l’hypothèse que les entrepreneurs ne connaissent
pas leur type. Le problème n’est donc pas celui de la réduction d’une asymétrie d’information initiale, mais la production d’information et son articulation avec la création
d’asymétrie d’information 2 .
2
L’analyse pourrait a priori être menée en supposant que les entrepreneurs connaissent leur type.
Puisque les entrepreneurs ne disposent d’aucune richesse initiale pouvant faire office de collatéral, il est
3
Un entrepreneur de type j (j = H, L) a accès à deux projets consécutifs, un par
période. Par abus de notation, nous parlerons de ¿projet de type j À sans préciser la
période lorsque cela n’implique aucune ambiguṏté. A chaque période, l’entrepreneur a la
possibilité d’investir It = 1 dans son projet. En première période, un projet réussit avec
probabilité pj (j = H, L), auquel cas il génère un revenu π1 > 1. S’il échoue, le revenu
est 0. Le projet de type H domine stochastiquement le projet de type L : pH > pL .
Pour simpliÞer, nous prendrons pL = 0. En seconde période, un projet L échoue de
manière certaine ; un projet H réussit de manière certaine. Le revenu généré est alors
π2 ≡ 1 + ω > 1.
Pour alléger l’analyse, je considère les restrictions suivantes
λpH π1 − 1 > 0
¢
¡
λ 1 − pH (π2 − 1) < 1 − λ
(H1)
(H2)
Il y a une inÞnité d’investisseurs, disposant chacun d’une dotation suffisante de bien
d’investissement pour Þnancer un projet à chaque période (e0 = e1 = I). Ex ante, les investisseurs sont donc en concurrence pour attirer les emprunteurs. Par ailleurs, chaque
investisseur a la capacité d’évaluer les projets d’un seul des deux secteurs. Contrairement au secteur auquel appartiennent les entrepreneurs, le secteur d’un investisseur est
inobservable.
2.2
Valeur sociale de l’évaluation
Un investisseur spécialiste du secteur A (resp. B) peut produire en t = 0 une
information sur le type du projet qui lui est proposé en t = 0, s’il appartient au secteur
A (resp. B). Cette évaluation a un coût c en terme d’effort pour l’investisseur, et produit
un signal parfait sur le type. Le type est alors révélé à l’investisseur et à l’entrepreneur.
L’évaluation n’est pas observable publiquement, et donc non contractualisable.
En l’absence d’évaluation, le résultat de première période fournit un signal bruité
sur le type. La valeur économique de l’évaluation se mesure par rapport à l’allocation
des ressources dans cette situation. Un projet qui réussit est de type H, et la probabilité
qu’un projet qui a échoué soit de type H est
¢
¡
λ 1 − pH
0
λ ≡
(1)
λ (1 − pH ) + 1 − λ
En l’absence d’évaluation, tous les projets sont Þnancés en première période, d’après
(H1), et seuls les projets ayant réussis sont Þnancés en seconde période, puisque (H2)
implique que λ0 π2 < 1, c’est à dire qu’un projet ayant échoué est non rentable en
espérance.
La connaissance du type permet de ne pas Þnancer un projet de type L en première
période, et de ne pas rejeter les projets de type H en seconde période. La valeur sociale
impossible de les discriminer par le taux d’intérêt.
4
de l’information est donc distribuée sur deux périodes, et s’exprime comme la somme
v1 + v2 de la valeur en période 1 et de celle en période 2, avec
v1 = 1 − λ
¢
¡
v2 = λ 1 − pH (π2 − 1)
(2)
(3)
Par hypothèse, l’évaluation est socialement optimale, mais la valeur de l’information
à court terme ne compense pas le coût d’évaluation :
v1 + v2 > c > v1
2.3
(H3)
Capacité limitée d’engagement
EnÞn les contrats de long terme sont exclus par hypothèse : les emprunteurs ne
peuvent s’engager à rester avec l’emprunteur initial en seconde période.
2.4
Séquence temporelle
Date 0. Formation des intermédiaires le cas échéant : un investisseur qui devient
intermédiaire lève de quoi Þnancer deux projets par période. Concurrence entre investisseurs (individuels/intermédiaires) pour attirer les entrepreneurs. Ils offrent un
taux d’intérêt R pour la période 1, avec option de rejet. Les emprunteurs choisissent
un investisseur. Une fois l’appariement effectué, les investisseurs font leur évaluation,
et rejètent éventuellement les projets non rentables. Les investissements de première
période sont effectués.
Date 1. Les résultats de première période sont observés publiquement. Le paiement
R est effectué en cas de réussite. Concurrence entre le prêteur initial (potentiellement
informé) et le ”marché”. Si l’investisseur initial conserve un avantage informationnel,
il est en mesure d’extraire une rente sur les projets qu’il sait être rentables en période
2. Le modèle est spéciÞé de manière à retrouver en t = 1 la situation analysée par
Rajan (1992) formalisant la concurrence comme une enchère au premier prix entre une
banque interne, informée et une banque externe non informée. L’enchère fonctionne
ainsi. En t = 1, l’entrepreneur demande à la banque interne et à un investisseur externe
de soumettre une proposition sous enveloppe. L’offre spéciÞe le taux d’intérêt à payer
en t = 2. Le taux le plus bas est accepté. Une formalisation alternative de l’extraction
de rente consiste à considérer une négociation selon un critère de Nash généralisé entre
l’investisseur informé et l’emprunteur (voir annexe A).
Date 2. Le surplus des projets Þnancés en seconde période est partagé selon les
termes décidé à la date 1.
3
Résolution du jeu
Cette section compare l’équilibre pour deux situations différentes : Þnancement par
investisseurs individuels ou par intermédiaires diversiÞés. De manière générale, s désigne
la stratégie mixte suivie quant à l’évaluation d’un projet (s =probabilité d’évaluer).
5
L’évaluation étant inobservable, l’équilibre dépend dans chaque cas des anticipations
du marché quant à la stratégie d’évaluation. Les contrats étant observables, la stratégie
anticipée dépend de R, soit sa (R).
3.1
Investisseur individuel
Un investisseur individuel offre un Þnancement au secteur qu’il sait évaluer. Sous
la condition (H3), il n’est pas possible pour un investisseur qui n’extrait aucune rente
informationnelle ferait un proÞt strictement négatif (voir supra). Le lemme suivant sera
utile pour analyser la fuite informationnelle en t = 1 :
Lemma 1. Si un équilibre avec évaluation existe (s∗ > 0), alors R ≥ λpH
Démonstration. L’argument est simple. Dans ce cas, un investisseur qui ne connait pas
la qualité d’un projet ne le Þnance pas, car il fait des pertes. Le Þnancement révèle
donc parfaitement le type (H) d’un projet, ce qui réduit à 0 la part du proÞt de long
terme que l’entrepreneur est en mesure de promettre à l’investisseur initial.
Rente de seconde période. Notons ρ (p) la rente que l’investisseur est en mesure
d’extraire d’un projet de type H lorsque les investisseurs extérieurs croient que le projet
est de type H avec probabilité p. Formellement, p ≡ Pr [H|I], avec I l’information
publique en t = 1. La rente est donnée par (voir annexe A)
½
¾
1−p
ρ (p) = min
,ω
(4)
p
Cette rente informationnelle est, conformément
croissante avec l’avantage
³ à l’intuition,
´
informationnel de l’investisseur, mesuré par 1 − 1p .
En seconde période, la rente que l’investisseur informé peut extraire sur les projets
rentables dépend de l’information des concurrents. L’investisseur ne fait aucun proÞt
sur les projets ayant réussi en première période, puisque ceci signale publiquement le
type H (donc p = 1 sur ce type de projet, et ρ (1) = 0). La rente sur un projet rentable
mais ayant échoué en première période dépend de la fuite informationnelle. L’évaluation
n’étant pas observable, la rente extraite sur les projets H dépend donc des anticipations
du marché quant au degré d’évaluation effectué par un investisseur, sa (R). Pour une
stratégie anticipée sa , soit p1 (sa ) ≡ Pr [H|I] l’information d’un observateur externe
sur un projet Þnancé ayant échoué en première période. Une simple application de la
règle de Bayes donne (voir Þgure 1)
¡
¢
sa λ 1 − pH
p (s ) = a
·1
s λ (1 − pH ) + (1 − sa ) (λ (1 − pH ) + 1 − λ)
¡ ¡
¢
¢
(1 − sa ) λ 1 − pH + 1 − λ
.λ0
+ a
s λ (1 − pH ) + (1 − sa ) (λ (1 − pH ) + 1 − λ)
1
a
avec quelques manipulations, on peut exprimer p1 (sa ) en faisant apparaõ̂tre la probabilité a priori corrigée de l’échec de première période, λ0 (en utilisant l’expression
6
1-s
s
λ
1-λ
L
H
1-pH
ρ1(p)
pH
λpH
0
0
λ(1-pH)+1-λ
0
Fig. 1: Payoffs de seconde période d’un investisseur adoptant une stratégie mixte s.
Les probabilités sont indiquées sur les ßèches.
(1))
1 − sa
sa λ0
·
1
+
· λ0
λ0 sa + 1 − sa
λ0 sa + 1 − sa
1
= λ0 0 a
λ s + 1 − sa
p1 (sa ) =
(5)
(6)
La fuite informationnelle apparaõ̂t dans le fait que p1 (sa ) ≥ λ0 , avec inégalité stricte si
sa > 0. Dans le cas de la stratégie pure sa = 1, il y a révélation totale de l’information
de l’investisseur, puisque p1 (1) = 1.
Concurrence en t = 0 Etant donnée une fonction d’anticipation sa (R), on peut
déterminer la stratégie d’un investisseur cherchant à attirer des entrepreneurs. Dans
un second temps, on caractérisera la fonction d’anticipation soutenable. Le proÞt d’un
investisseur affichant le taux de première période R et adoptant la stratégie s est
¤
£
£ ¡
¡
¢
¤
¢
Π (s) = s λ pH R − 1 + 1 − pH ρ1 (R) − c + (1 − s) λpH R − 1
(7)
avec ρ1 (R) ≡ ρ ◦ p1 ◦ sa (R) la rente extraite, prenant en compte l’effet de la Þxation de
R sur la stratégie anticipée par le marché. La concurrence entre investisseurs conduit
donc à maximiser par rapport à R l’utilité d’un entrepreneur sous la contrainte de non
négativité du proÞt (max Π (s) ≥ 0). L’utilité espérée d’un entrepreneur est donnée par
s
¡
¢
¢
¡
U 1 (R) = sa (R) λ pH (π1 − R) + ω − 1 − pH ρ1 (R)
+ (1 − sa (R)) λpH (π1 − R + ω)
La concurrence initiale sur R conduit donc à maximiser U 1 (R) sous la contrainte
maxs Π (s) ≥ 0. En utilisant l’expression du proÞt de l’investisseur, on peut réécrire
U 1 (R) sous la forme
¢
¢
¡ ¡
U 1 (R) = sa (R) λ pH π1 − 1 + ω − c +
¡
¢
(1 − sa (R)) λpH (π1 + ω) − 1 − Π (sa (R))
7
La fonction d’anticipation sa (R) peut maintenant être caractérisée.
la linéarité du proÞt de l’investisseur, il est facile de voir que

¡
¢
¢ ¡

λ 1 − pH ρ p1 (sa (R)) + (1 − λ)
 0
s∗ (R) =
[0, 1] suivant que

 1
Etant donnée
< c
= c
> c
(8)
A l’équilibre, s∗ = sa . Il ne peut y avoir évaluation totale que si s∗ = sa = 1,
¢
¡
¢
¡
¢ ¡
ce qui suppose λ 1 − pH ρ p1 (1) + (1 − λ) > c. Or ρ p1 (1) = ρ (1) = 0, d’où la
condition v1 > c. Puisque par hypothèse la valeur de court terme est inférieure au coût
d’évaluation (condition (H3)) il ne peut y avoir d’équilibre avec évaluation optimale.
Le cas symétrique s∗ = 0 s’élimine de manière analogue.
Proposition 1. Sous la condition (H3), il n’existe aucun équilibre en stratégie pure.
Démonstration. Il ne reste que le candidat équilibre s∗ = sa = 0. D’après (8), on
¡
¡
¢
¢
doit avoir λ 1 − pH ρ (λ0 ) + (1 − λ) < c. Or, d’après, ρ (λ0 ) = ω, d’où λ 1 − pH ω +
(1 − λ) < c, ce qui est exclu par l’inégalité de gauche de (H3).
Une stratégie mixte ne peut être anticipée (0 < sa < 1) qu’à la condition que
¡
¢
λ 1 − pH ρ ◦ p1 ◦ sa (R) + (1 − λ) = c
ceci caractérise sa (R), qui est une fonction décroissante de R, car p1 (.) est décroissante
et ρ (.) croissante. Par conséquent, en Þxant un taux d’intérêt plus faible, l’investisseur
augmente sa (R) tout en baissant le coût du Þnancement d’un entrepreneur, et augmente
donc U 1 (R). En mobilisant le lemme 1, on peut Þnalement déduire que la concurrence
initiale entre investisseurs conduit à minimiser R sous la contrainte de non négativité
du proÞt.
Proposition 2. Avec Þnance individuelle l’équilibre est caractérisé par une stratégie
mixte s1 et un paiement R tels que
3.2
R = λp1H
³
¡
¢´
¢ ¡
λ pH λp1H − 1 + 1 − pH ρ p1 (s1 ) = c
Intermédiaire Þnancier
Cette section montre comment l’agent qui a payé le coût d’évaluation peut chercher
à conserver son avantage informationnel en formant un intermédiaire Þnancier. L’intermédiation correspond à la situation suivante : un agent collecte de quoi Þnancer
plus d’un projet, et agit comme évaluateur délégué. La formation d’un intermédiaire
se traduit donc par une taille plus importante, comme chez Dewatripont et Maskin
(1995). Un investisseur diversiÞé dissimule son information en Þnançant également des
projets qu’il est incapable d’évaluer.
Pour simpliÞer, j’analyse un intermédiaire qui attire deux projets en première
période. La stratégie consiste à Þnancer un projet dans chaque secteur. Ceci est susceptible d’améliorer la situation si la fuite informationnelle est limitée par rapport au cas
8
précédent. Soit un intermédiaire spécialiste du secteur A, offrant un contrat attirant un
projet de chaque secteur. Notons s la probabilité qu’il évalue le projet du secteur A.
Le lemme 1 reste valable : l’intermédiaire Þnance donc tout projet dont il ne connait
pas la qualité (projet B et projet A si non évalué). Le rejet d’un des deux projets en
première période, signale que l’intermédiaire sait que ce projet est de type L, et qu’il ne
détient pas d’information sur le second. Le cas intéressant est celui où deux projets ont
été effectivement Þnancé. Si les investisseurs externes anticipent une stratégie mixte sa ,
la probabilité qu’ils attribuent à un type H est
¶
µ
1 − sa
1 + λ0
sa λ0
+
p2 (sa ) = 0 a
λ0
(9)
λ s + 1 − sa
2
λ0 sa + 1 − sa
Il y a toujours une fuite informationnelle (p2 (s) ≥ λ0 ), mais à niveau donné d’évaluation
elle est moindre que pour un investisseur individuel. Ceci découle de la comparaison de
0
1
(9) avec l’expression (5) de p1 (s). En particulier, p2 (1) = 1+λ
2 < 1 = p (1), ce qui indique que l’intermédiaire qui évalue conserve une partie de son avantage informationnel
en période 2.
Cet effet mis à part, il n’y a aucune différence avec le cas précédent. Une résolution
similaire permet donc de caractériser l’équlibre et son unicité. Un équilibre en stratégie
pure sans évaluation n’est pas possible (démonstration identique au cas précédent).
L’équilibre est s∗ = sa = 1 si
¶
µ
¡
¢
1 + λ0
H
λ 1−p ρ
+ (1 − λ) > c
(10)
2
Dans ce cas, le paiment est donné par la nullité du proÞt de l’intermédiaire. Dans le
cas contraire, l’équilibre est en stratégie mixte.
Proposition 3. Si la condition (10) n’est pas satisfaite, l’équilibre est en stratégie
mixte (s2 ), et est caractérisé par
R = λp1H
³
¡
¢´
¢ ¡
λ pH λp1H − 1 + 1 − pH ρ p2 (s2 ) = c
Le taux d’équilibre R assure que le problème existant entre l’intermédiaire et l’emprunteur ne se pose pas entre l’intermédiaire et ses ”déposants”. En effet, l’agent qui
apporte sa dotation à l’intermédiaire ne fait pas de perte en première période.
La diversiÞcation permet de limiter la fuite informationnelle, ce qui se traduit par
une décision d’évaluation plus élevée à l’équilibre :
Proposition 4. s1 < s2
¡
¢
¡
¢
Démonstration. Les stratégies d’équilibres satisfont ρ p1 (s1 ) = ρ p2 (s2 ) . Or ρ (.)
est une fonction décroissante, et p1 (s) > p2 (s) ∀s ∈ [0, 1] d’après les expressions (5) et
(9).
Cependant, cette diversiÞcation a un coût pour l’économie dans son ensemble : une
partie des emprunteurs de chaque secteur est Þnancéé par des intermédiaires n’ayant
9
pas la capacité d’évaluer les projets de ce secteur. En effet, puisqu’un intermédiaire
attire un projet de chaque secteur, un entrepreneur a une probabilité 12 d’être apparié
avec un investisseur spécialiste de l’autre secteur.
Puisque les investisseurs font un proÞt nul en espérance, la situation efficace est
celle qui maximise l’utilité de l’entrepreneur représentatif. Avec Þnance individuelle,
elle est donnée par :
¢ ¡
¢
¢
¡ ¡
¢¡
U 1 ≡ s1 λ pH π1 − 1 + ω − c + 1 − s1 λpH (π1 + ω) − 1
et, avec intermédiation diversiÞée par :
U2 ≡
¢
¢ ¡
¢¡
¢¤
1 £ 2¡ ¡ H
s λ p π1 − 1 + ω − c + 1 − s2 λpH (π1 + ω) − 1
2
¢
1¡ H
+
λp (π1 + ω) − 1
2
Proposition 5. L’équilibre est intermédié si et seulement si U 2 > U 1 . De plus, il existe
des conÞgurations de paramètres vériÞant les hypothèses (H1), (H2) et (H3) telles que
c’est effectivement le cas.
Démonstration. A compléter pour la partie simulation
4
Conclusion
Cet article a présenté un modèle d’intermédiation Þnancière comme institutions
visant à protéger la rente informationnelle. Le mécanisme spéciÞque exhibé constitue
une justiÞcation nouvelle de la diversiÞcation dans un environnement de neutralité au
risque, qui peut-être comparée avec Diamond (1984). Dans cette théorie, la diversiÞcation permet de limiter les coûts de délégation, en rendant le paiement aux déposants
certain, et donc non sensible à l’information privée de l’intermédiaire sur la réalisation
des projets Þnancés. Ici, la diversiÞcation apparaõ̂t comme un mécanisme de protection de la rente informationnelle, engendrant ainsi les paiements futurs nécessaires à la
rémunération de facteurs non contractualisables (ici le coût initial d’évaluation). Toutes
choses égales par ailleurs, ceci suggère que les ”grandes” banques, a priori mieux diversiÞées sont plus à même de conserver leur avantage informationnel. Il n’en découle pas
qu’elles soient plus opaques dans le sens où la rentabilité de leur portefeuille de crédits
serait moins prévisibles par des agents externes (Flannery, Kwan et Nimalendram 2002).
La dissimulation concerne l’information sur les composantes individuelles de ce portefeuille.
L’intermédiation apparaõ̂t donc ici comme un mécanisme baissant le coût de dissimulation de l’information sur les emprunteurs. Ceci s’oppose à la conception traditionnelle suggérée par Leland et Pyle (1977), et formalisée notamment par Boyd
et Prescott (1986) et Ramakrishnan et Thakor (1984), selon laquelle l’intermédiation
baisse le coût de révélation de l’information. Diamond (1991) montre ainsi comment
une banque exerçant un contrôle actif aide les emprunteurs sans histoire passée à initier
un processus d’accumulation de réputation, leur permettant d’obtenir un Þnancement
10
de marché moins onéreux une fois suffisamment connus. Or, si le contrôle interne est
suffisamment coûteux, la préoccupation majeure peut-être à l’inverse celle de limiter la
fuite informationnelle vers le marché. L’idée que la dissimulation de l’information peut
avoir une valeur en soi est introduite par Campbell (1979).
L’idée que certains intermédiaires Þnanciers sont des institutions visant à protéger
la rente informationnelle est compatible avec les oppositions classiques entre types
de systèmes Þnanciers concernant la distribution de l’information sur les entreprises
(Mayer 1988, Allen et Gale 2000). Une extension possible de ce travail consisterait à
étudier d’autres modalités, éventuellement complémentaires, de protéger la rente informationnelle. En particulier le système légal, à travers par exemple les règles comptables,
peut être analysé selon cette conception comme déterminant — à l’instar des brevets en
matière d’innovations — une protection légale de la rente informationnelle. Ceci pourrait
par exemple expliquer les relations entre le degré légal de divulgation des informations
sur les entreprises et le type de système Þnancier (Demirgüç-Kunt et Levine 1996).
Une autre extension potentiellement intéressante consisterait à analyser ce qui se
passe lorsque l’intermédiaire fait face à des besoins de liquidité. Dans ce modèle, l’efficacité économique nécessite pour le prêteur initial de maintenir son information
privée. Or, le maintien de cet avantage informationnel limite la liquidité de ses actifs,
en raison du problème de lemon qui en découle (Akerlof 1970). Cette voie pourrait par
exemple être mobilisée en théorie du prêteur en dernier ressort. En effet, si l’extraction
d’une rente informationnelle est une condition nécessaire à la recherche d’information,
les agents qui s’engagent dans ce type d’activité doivent avoir des besoins de liquidité
moins importants, ou accès à une source de liquidité privilégiée. L’accès des banques
à une forme particulière de liquidité qu’est la monnaie centrale peut donc justiÞer l’avantage des banques dans la fourniture de crédit. Concernant l’étude de l’industrie
du capital risque, cet arbitrage permettrait potentiellement d’étudier l’évolution dynamique entre la nécessité initiale de conserver un avantage informationnel puis celle
de révéler la qualité des entreprises Þnancées aÞn de pouvoir liquider sa participation.
A
Rente informationnelle
Il y a deux manières de rationaliser la forme (4) de la rente informationnelle considérée dans le texte.
Enchère. Les hypothèses permettent de retrouver le cas considéré par Rajan (1992).
p désigne la probabilité attribuée par l’offreur non informé que le projet soit rentable,
auquel cas il génére un surplus w∗ . Avec probabilité 1 −p, le projet est non rentable. La
caractérisation suivante est une application directe du lemme A.1 de Rajan (1992), qui
mobilise des résultats développés par Engelbrecht-Wiggans, Milgrom et Weber (1983).
Proposition 6 (Rajan (1992), prop. 3). (i) Il n’y a pas d’équilibre en stratégie pure.
(ii) Il existe un équilibre en stratégie mixte, caractérisé par les deux propriétés suivantes. (a) L’investisseur externe a une stratégie mixte d’offre indépendante du type. Il
11
h
i
1
ne fait aucune proposition avec probabilité π = min 1, 1−p
p w∗ . Son proÞt espéré est
nul. Le proÞt espéré conditionnellement à un type H est
1−p
(1 − π)
p
(b) L’investisseur interne ne fait une offre que si le projet est de type H. Si l’investisseur
externe fait une offre avec probabilité positive (π < 1), son proÞt conditionnel espéré
est
1−p
p
Si π = 1, l’investisseur interne capture tout le surplus w∗ .
Négociation bilatérale La forme (4) peut également être microfondée par une
négociation sur la rente associée à la relation entre l’investisseur informé et l’emprunteur. L’option de sortie de l’emprunteur est le surplus qu’il obtient s’il cherche un
Þnancement auprès d’un autre investisseur. Celle l’investisseur informé est simplement
0, ce qu’il obtient hors de la relation, en plaçant au taux sans risque. La rente bilatérale
est donc
= π2 −1 si l’emprunteur ne peut se Þnancer (id est si pπ2 < 1), et
³ donnée
³ par ω ´´
1
= 1p − 1 s’il peut se faire Þnancer (au taux 1p incluant la prime
par π2 − 1 − π2 − p
o
n
−
1
. En supposant
,
π
de risque). La rente bilatérale est donc donnée par min 1−p
2
p
que le point de menace est l’option de sortie, et que l’investisseur informé a un pouvoir
de négociation µ ∈ [0, 1], la rente extraite par l’investisseur est µρ (p). La forme du
texte correspond au cas particulier µ = 1.
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