Lecture Jeune

Transcription

Lecture Jeune
année
e
30
trimestriel
Lecture Jeune
© Gianpaolo Pagni, 2003
Revue de réflexion, d’information et de choix de livres pour adolescents
Les adolescents
et la presse écrite
mars 2007
N°121
I
Chers lecteurs,
Lecture Jeunesse
vous invite à découvrir son
site Internet :
www.lecturejeunesse.com
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Sommaire
Éditorial
page 2
Rencontre avec…
page 3
Dossier
Les adolescents et la presse écrite
page 7
Parcours de Lecture
Livres accroche
Et après
Lecteurs confirmés
Ouvrages de référence
page 30
page 42
page 54
page 69
En savoir plus
page 71
Index
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Édito
Hélène Sagnet
(1) Source : OJD
Du 19 au 24 mars se déroule la 18e semaine de la presse et des médias dans
l'école, organisée par le Clemi (Centre de liaison de l’enseignement et des
moyens d’information). L’occasion pour Lecture Jeune de s’intéresser au
support de lecture que constitue la presse écrite. On évoque depuis de
nombreuses années le déclin de la presse quotidienne nationale. L’une des
raisons invoquée serait le recul du lectorat jeune. En 2005, pour la première
fois, la baisse de la diffusion concerne également la presse magazine (1).
La presse peut pourtant s’avérer être un vecteur de lecture surprenant, comme
l’écrit Véronique Le Goaziou dans Pratiques lectorales et rapport sur la
lecture des jeunes en voie de marginalisation (2005) : « Le premier, principal
et parfois unique objet de lecture, est le journal. […] Il s’agit souvent ou
exclusivement du journal régional ou local.»
La lecture de la presse, en particulier magazine, est surtout une lecture
librement choisie, associée aux loisirs et liée aux centres d’intérêt des
adolescents. Elle fonctionne sur les modes de reconnaissance et d’identification
de ce public et se prête parfaitement aux sociabilités qui sont les leurs :
échanges, commentaires… Elle peut alors donner le goût de lire, à nous de
proposer des réseaux de lecture pertinents.
L’autre volet enfin concerne la place croissante de l’information et des médias
dans la culture jeune. Il renvoie donc à leur rapport au monde, ce qui rend
indispensable le travail de sensibilisation à l’analyse critique de la presse,
notamment dans ses nouvelles formes multimédia.
Quels sont les titres réellement plébiscités par les adolescents ? Le sociologue
Jean-François Barbier-Bouvet revient sur deux enquêtes récentes, il analyse
d’une part la lecture de la presse « ado » et d’autre part la consommation de
magazines adultes par ce public. Presse « people », « trash » et magazines TV
sont bien présents et installent le règne de la « société du spectacle ».
Christelle Crumière, sémiologue des médias, étudie quatre de ces titres en
interrogeant leur fonction de support identificatoire. La presse quotidienne
gratuite semble elle aussi avoir séduit les jeunes. Marie-Christine LipaniVaissade, journaliste et enseignante, explique les raisons de ce succès,
largement lié aux nouveaux modes de consommation des médias. Parmi ceuxci, le journaliste Albert du Roy, s’interroge sur la lecture de presse sur Internet
et s’inquiète du défi que constitue la bonne maîtrise de cet outil. Evelyne
Bevort du Clemi insiste également sur les enjeux de l’éducation aux médias.
Nous concluons enfin ce dossier autour de deux initiatives : celle du magazine
Citato, une revue de presse destinée aux adolescents et celle des « P’tits déj’
info », une expérience de médiation de la presse au sein d’une petite
bibliothèque.
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Rencontre avec
Gipi
Auteur
Par Hélène Sagnet
pages 4 à 6
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Rencontre avec…
Gipi Auteur
Entretien réalisé
par Hélène Sagnet
Traduction de
Maria Franchini
Révélé au public français en 2005 avec Notes pour une histoire de
guerre, l’auteur italien a publié depuis cinq ouvrages traduits en
France. Chacune de ses histoires a su nous étonner et nous
séduire. A la fin de l’année 2006 paraît S., récit autobiographique
d’une sensibilité rare et à la narration singulière. Lecture Jeune a
rencontré cet artiste dont les livres mettent en scène de jeunes
adultes aux prises avec la vie.
Parcours et références
Pourriez-vous évoquer votre formation et votre parcours artistique ?
Biographie
Gipi (Gian Alfonso Pacinotti)
est né à Pise en 1963.
Dès 1994, il publie des
dessins et des nouvelles dans
la revue satirique Cuore.
En 2002, il débute sa
collaboration avec la maison
d’édition Coconino Press qui
publie Extérieur nuit (recueil,
2005). Notes pour une
histoire de guerre (Actes Sud
BD, 2005) est sa première
« histoire longue ».
Cet ouvrage reçoit en 2005
le prix Goscinny et en 2006
le prix du meilleur album du
Festival de la Bande dessinée
d’Angoulême.
Gipi poursuit sa carrière
de dessinateur de presse
(La Repubblica,
Internazionale). Il réalise
également des courts et longs
métrages numériques.
Son site Internet
www.bacidallaprovincia.com
Son blog traduit en français
http://gipifrance.blogspot.com
J’ai débuté en dessinant des logos publicitaires et des couvertures de
livres. J’avais été un mauvais élève au lycée artistique et j’ai quitté les
Beaux Arts au bout de deux semaines. Mes premières bandes dessinées
ont été publiées dès 1994 dans un journal satirique, Cuore, très
populaire en Italie. Puis j’ai collaboré avec la maison d’édition Coconino
Press et publié mon premier livre, Extérieur nuit.
Quelles sont vos références littéraires et graphiques ?
Je ne saurais répondre... Les trente premières années de mon existence
ont été assez désordonnées… Il y avait alors peu de place dans ma vie
pour la lecture, le cinéma et la culture en général. Aujourd’hui, je lis,
j’étudie. C’est comme si je voulais rattraper les années passées : cette
période où j’étais persuadé que la seule vraie connaissance venait de la
rue, ce qui me faisait refuser tout le reste. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas
de « guide », tout comme je n’ai jamais eu de maître ou d’instruction
digne de ce nom. En fait, je ne me fie qu’à mon intuition.
Quel regard portez-vous sur la bande dessinée contemporaine ?
Vous sentez-vous proche de certains univers d’auteurs ?
C’est une question que je ne me pose pas. J’ai certainement des affinités
avec certains, mais cela ne concerne que notre façon d’aborder le
travail, une sorte de rapprochement « éthique ». J’ai commencé à publier
mes histoires dans une ignorance quasi absolue du monde de la BD
contemporaine. David B., Igort, Sfar ou Baru ont été pour moi des
découvertes récentes. J’ai probablement des points communs avec les
auteurs qui ressentent le besoin de raconter des histoires inspirées de leurs
expériences profondes, plus que du désir de communiquer avec un
public. Même s’il doit s’instaurer, le dialogue avec le lecteur n’est pas
premier. Ce qui me fait écrire c’est le besoin et la volonté de mieux
comprendre la réalité.
Personnages
Dans vos histoires, les personnages sont souvent des jeunes hommes. L’adolescence, le passage à l’âge adulte, est un motif récurrent
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de votre œuvre. Quel regard portez-vous sur cette période particulière de la vie ?
J’ai passé de nombreuses années dans la rue. Ce fut un temps où la seule
valeur qui comptait pour moi était l’amitié. Le reste n’avait que peu
d’importance. Ma chance/malchance d’avoir ainsi grandi avec une bande
de voyous - ou presque -, m’a conduit à vivre des situations assez fortes, des
moments parfois dramatiques. Désormais, ce souvenir s’éloigne. Ma vision
du monde a beaucoup changé. Mais je garde une certaine fascination
pour cette période « sans loi ». Si je donnais libre cours à ce sentiment, il
pourrait presque devenir romantique.
Ces jeunes sont livrés à eux-mêmes. Ils sont confrontés à la violence
d’une société au sein de laquelle ils tentent de se construire. Ils sont
à la recherche de modèles d’identification, et de fait la question de
la transmission est très présente…
Cette période que j’évoque – la rue, la bande… - est marquée par
l’absence totale de figures adultes positives. Ceux auxquels nous avions à
faire étaient souvent des policiers, et ils n’étaient pas dotés de grandes
qualités. Nos parents étaient loin de nous, pour des raisons de travail, de
culture... Ils ne nous manquaient pas. Au contraire, nous faisions tout pour
nous éloigner d’eux.
Je trouvais absolument normal alors que les jeunes soient livrés à euxmêmes, qu’ils vivent des expériences autodestructrices, la drogue, la
violence. Devenu adulte, j’ai compris que le monde ne fonctionne pas
comme cela et qu’on peut avancer et se construire sans se détruire. Dès lors
j’ai éprouvé une grande tendresse pour mes amis, les plus malchanceux,
ceux dont le destin m’avait semblé jusque là inéluctable.
Narration
Ce qui compte pour vous avant tout chose c’est de raconter une
histoire. Le récit est premier. Comment naît-il ?
Les histoires viennent d’un besoin majeur, enfoui et caché au plus profond
de moi. Souvent je commence au hasard… Je dessine le premier tableau,
sans étude ou ébauche préalable, d’un seul jet, sans savoir où je vais. Puis
je m’arrête et je me demande : y a-t-il réellement en toi une motivation
profonde ? Parfois, la réponse est négative et l’histoire s’arrête là. Elle s’éteint
tout simplement. L’écriture est en fait un moyen de pallier mon incapacité à
être présent, à être dans le réel face à un quotidien qui me fait souffrir. Je me
surprends à désirer transformer en histoire chaque petit événement important
de ma vie afin de le revivre dans une forme qui m’est plus compréhensible.
Avec Notes pour une histoire de guerre, j’ai transposé les relations d’amitié
de mon adolescence. Avec S., j’ai « revécu » la relation avec mon père.
Il y a donc beaucoup de vous dans vos récits. Comment abordezvous la question de la fiction ?
Chaque histoire, même la plus autobiographique, est soumise à de
nombreux « filtres » : les sentiments, la mémoire… Ce qui est écrit est dans
tous les cas une construction artificielle. Ce qui m’intéresse, c’est la nécessité
que je ressens de raconter une histoire, pas de reproduire une réalité. C’est
à cette condition de sincérité que ce qu’on transmet au lecteur est juste, et
qu’il le considérera comme réel.
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«Traîner dans la rue. Faire
partie de la bande. Pendant
des années, nous n'avons pas
cherché autre chose. Je ne me
souviens ni des parents, ni des
jeux vidéo ou des programmes
télé. Il y avait la rue, avec ses
lois inconnues et ses figures
menaçantes. Et il y avait nous,
qui étions encore innocents,
jusqu'à la preuve du
contraire.» (Quatrième de
couverture, Les innocents)
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Rencontre avec…
Bibliographie
S.,
Vertige Graphic & Coconino Press,
2006 (Moby Duck),
Ils ont retrouvé la voiture,
Vertige Graphic & Coconino Press,
2006 (Ignatz),
e
2 tome de la série "Baci dalla provincia"
Prix de la meilleure histoire brève au
festival Lucca comics 2006
Prix Max und Moritz au festival
de Erlangen 2006 (Allemagne)
Nomination aux Eisner Awards
2006 (US)
Prix Micheluzzi du meilleur dessin
au festival Napoli Comicon 2005
Notes pour une histoire
de guerre,
Actes Sud BD, 2005,
Prix René Goscinny 2005
Prix Margouillat au festival
de l’île de la Réunion 2005
Prix du meilleur album au festival
d’Angoulême 2006
Le journal de la rivière in Short,
Actes Sud BD, 2005
Extérieur nuit,
Vertige Graphic & Coconino Press,
2005 (Offissa Pupp),
Prix Micheluzzi du meilleur dessin
au festival Napoli Comicon 2004
Le local,
Gallimard jeunesse, 2005 (Bayou),
Les innocents,
Vertige Graphic & Coconino Press,
2005 (Ignatz), 1er tome de la série
"Baci dalla provincia"
@
Retrouvez l’intégralité de
la rencontre avec Gipi
sur notre site :
www.lecturejeunesse.com
Technique graphique
Quelles techniques utilisez-vous ? Que permet le travail à l’aquarelle ?
Mon premier ouvrage, Extérieur nuit, a été réalisé à partir d’une
technique à l’huile, complexe et épuisante. Le résultat était très suggestif
– lyrique et onirique - mais la lecture s’en trouvait alourdie.
Pour Notes pour une histoire de guerre, j’ai choisi l’aquarelle. Je n’ai
utilisé qu’une seule nuance de couleur, le gris de Payne.
Dans S., les tons sont devenus plus chauds. Le travail sur la mémoire
exigeait d’autres couleurs. Et puis il y avait l’amour, très présent. Il a défini
les formes. En regardant ces dessins avec un peu de recul, je découvre
mon désir de revenir à une certaine lumière, à certains tons qui soient
« accueillants », y compris pour les personnages. Je ne voulais pas situer
mon père dans une ambiance acide. En d’autres mots, la technique est
toujours liée à l’histoire. En fait, même si je tente un travail préparatoire,
dès que je commence à dessiner, la technique change, le dessin évolue
et devient à chaque fois quelque chose d’imprévu.
S.
Dans S. on retrouve tous les thèmes et motifs que nous venons
d’évoquer (souvenir, transmission, violence…). C’est un ouvrage
très personnel. Pourriez-vous nous parler de ce projet d’écriture ?
S. est un sujet complexe. Du point de vue technique, c’est une recherche dont
j’avais envie depuis longtemps. Je voulais voir s’il était possible d’inventer
une longue histoire d’un seul jet, sans structure, sans scénario, sans dialogues
ou story-boards préalables. J’avais déjà tenté l’expérience, mais pour des
formes très courtes. Je m’étais aperçu qu’en écrivant d’un jet, une plus grande
énergie se dégageait. Mais j’étais persuadé que pour la rédaction de
plusieurs pages, je ne pourrais pas conserver cette même force.
Pour S. j’ai utilisé un petit agenda. J’ai numéroté les pages de 1 à 120 et
écrit sur chacune des petites notes telles que « mer », « sa femme est triste »,
etc… Rien de plus. Puis j’ai débuté les dessins et l’écriture. Je m’étais fixé une
règle « éthique » bien précise : je ne réécrirais pas ces phrases. Dans la
version italienne, il y a toutes les ratures, les fautes d’orthographe. Dans la
traduction, tout cela n’a pu être gardé. Il aurait été ridicule de le reproduire
artificiellement. Cette règle, qui peut sembler stupide, m’a permis d’être en
paix avec la mémoire de mon père. J’étais en train de m’approprier ses
souvenirs et des événements de sa vie, et cela me préoccupait beaucoup.
Ce que je voulais, c’était « offrir de l’imprécision » : écrire sans trop choisir
les mots, avec des erreurs de rythme. Cela me semblait un sacrifice
approprié. Pourtant j’ai trahi mon père, comme je l’ai fait quand il était en
vie, j’ai changé d’écriture... Cela survient quand je commence à évoquer sa
disparition : la narration tourne plus autour de moi-même que de lui.
Quelles sont vos envies et projets à venir ?
Me reposer… J’ai des propositions pour adapter mes histoires au cinéma.
Je me consacrerai à ce travail si les offres se concrétisent. Et puis on verra :
il n’est pas impossible que, tôt ou tard, je sois « assailli » par une nouvelle
histoire, au moment où je m’y attends le moins.
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Le Dossier thématique
Les adolescents
et la presse écrite
Presse magazine et adolescents
Par Jean-François Barbier-Bouvet
pages 8 à 10
« Dis-moi ce que tu lis,
je te dirai qui tu es »
Par Christelle Crumière
pages 11 à 15
Le pari réussi de la presse
quotidienne gratuite
Par Marie-Christine Lipani-Vaissade
pages 16 à 20
Les risques d’Internet
Par Albert du Roy
page 21
Les enjeux de l’éducation aux médias
Par Evelyne Bevort
pages 22 à 23
Citato, la revue de presse des ados
Par Anne Lanchon
pages 24 à 25
Les « P’tits déj’ info »
Par Valérie Médiano
pages 26 à 27
Expériences de promotion de la presse
Par Anne Lanchon
page 28
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Presse magazine
Le Dossier et adolescents
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Jean-François Barbier-Bouvet Etude
Les jeunes lisent peu de presse quotidienne, mais ils sont friands de
presse magazine. C’est ce que prouvent deux enquêtes nationales
réalisées en 2006.
Jean-François
Barbier-Bouvet,
sociologue, est directeur des études
et de la recherche du groupe
de presse Le Monde - La Vie.
Il a d’abord été chercheur au ministère de la Culture puis
à la BPI/Centre Pompidou,
où il étudie plus particulièrement
les pratiques de lecture,
les publics des musées
et l’usage des nouvelles
technologies. Il a également
été directeur des études
de Bayard-Presse.
Publications
« La presse ça n’a pas de prix :
à propos de la gratuité »,
Médias, mars 2005
« Internet, lecture
et culture de flux »,
Esprit, déc. 2001
1 Selon l’enquête Conso Junior,
les deux tiers des adolescents lisent
des journaux au moins une fois
par semaine (62% chez les 12-14
ans, 64,5 % chez les 15-18 ans),
et entre les trois quart (78% chez
les 12-14 ans) et les deux tiers
(64% chez les 15-18 ans) ont lu
au moins un livre au cours des
trois derniers mois, en dehors
des livres scolaires et des BD.
2 Dont Salut, qui a disparu
depuis l’enquête.
L’enquête Conso Junior porte sur un échantillon de 7000 enfants de 2 à
18 ans et s’intéresse aux magazines qui leur sont destinés. La deuxième
enquête, réalisée pour le compte de l’AEPM (Association des éditeurs de
presse magazine), porte sur un échantillon de 20 000 Français de 15
ans et plus et s’intéresse aux magazines adultes. Nous nous pencherons
donc sur les plus âgés de la première (les 12-18 ans) et les plus jeunes
de la seconde (les 15-18 ans).
La première de ces enquêtes permet de situer la lecture de presse parmi
les centres d’intérêt des adolescents. Trois informations peuvent être
soulignées :
- Le goût affirmé pour la lecture en général tourne autour du tiers de la
génération (même si la pratique effective est bien supérieure1). Il est très
en deçà du goût des adolescents pour la musique (77% des 12-14 ans,
83% des 15-18 ans), l’ordinateur (73% et 68%), le cinéma (69% et 64%)
ou la télévision (63% et 53%). L’imprimé ne joue pas dans la même
catégorie, mais nous le savions déjà.
- En revanche, les scores moyens d’inclination pour les trois supports
écrits (BD, presse et livre), sont aujourd’hui très proches les uns des
autres : respectivement 39, 39 et 24% pour les 12-14 ans, 24, 32 et
29% pour les 15-18 ans. Il n’en a pas toujours été ainsi. Plus les autres
supports matériels de la communication se développent (audiovisuel,
informatique, Internet), plus le goût pour l’imprimé s’homogénéise.
- Enfin, le goût pour la lecture baisse de manière générale avec l’âge :
diminution relative pour la presse et le livre, qui baissent respectivement
de 7 et 5 points entre les 12-14 ans et les 15-18 ans, perte plus
conséquente pour la BD qui baisse de 15 points.
Les lectures magazine des 12-14 ans
Le classement des vingt titres les plus lus par les plus jeunes (voir tableau
1) fait apparaître des phénomènes intéressants. Dès cette tranche d’âge,
la première place est occupée par un titre « people » : Fan 2. Beaucoup
d’autres magazines de même type figurent dans le groupe de tête : six
parmi les dix premiers !2. Parmi ces « people » spécialisés, l’univers
musical (Fan 2) l’emporte sur celui du cinéma ou de la télé (Star Club,
Star’Ac mag), ce qui est cohérent avec la hiérarchie des centres d’intérêt
des jeunes.
Les titres dits « éducatifs » n’occupent que deux places parmi les dix
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premiers (Sciences et Vie junior, J’aime lire). Okapi, Mon Quotidien et
Géo Ado ne figurent qu’en 11e, 12e et 14e position. Leur prix plus élevé
n’explique pas à lui seul cette situation car le plus souvent, ce sont les
parents qui les achètent, contrairement aux titres distractifs.
Les lectures des 12-14 ans sont un curieux mélange de projection vers
l’univers des adultes (presse musicale et stars) et d’enfance prolongée :
Picsou et Mickey occupent encore des places d’honneur (3e et 4e position).
Enfin cette période de la vie est marquée par une grande curiosité comme
en témoigne le succès de Sciences et Vie junior (2e) et dans une moindre
mesure de Géo Ado (14e) et de Sciences et Vie Découvertes (15e).
Les lectures magazine des 15-18 ans
1. Les titres pour adolescents
Une fois de plus, la tête du classement surprend (voir tableau 2). Nous
attendions un titre éducatif chez les plus jeunes, et nous avons eu Fan 2.
Nous attendions un titre distractif chez les « grands » et nous découvrons
Phosphore… Son tirage n’est pas plus élevé que celui des autres, mais
sa circulation certainement démultipliée par sa présence dans les CDI.
Les féminins ados sont ensuite nombreux. Leurs titres sont d’ailleurs tout
un programme : Girls en deuxième position, dont l’intitulé anglais (ou
plutôt américain) connecte symboliquement ses lectrices à un pays qui
les fait rêver ; Jeune et Jolie ensuite, qui exprime par antiphrase à quel
point il ne fait pas bon être vieille et moche dans notre société de
l’apparence ; Vingt Ans en 9e position, dont les lectrices sont plus jeunes
que ne le proclame son titre, mais se sentent valorisées par ce statut de
femme accordé par anticipation. Les « people » (One, Fan 2, Séries
Mag, Star Club) apparaissent bien plus bas dans le classement par
rapport aux jeunes lecteurs. En réalité le relais a été partiellement pris par
les titres adultes.
2. Les titres pour adultes
Les magazines adultes les plus lus par les adolescents sont… les magazines
de télévision ! Nous ne les avons pas fait figurer dans le tableau général
(3), mais ils sont placés très haut, avec dans l’ordre Télé 2 Semaines, Plus
(le magazine de Canal +), TV Magazine, Télé loisirs, Télé Z, Télé Star et
Télé 7 jours (voir tableau 4 ). Leur poids est paradoxal quand on sait que
les adolescents sont les rois de la télécommande, et choisissent leur
programme à partir des images (zapping). En réalité, ces magazines
traînent sur la table du foyer et ils les regardent plus qu’ils ne les lisent.
Les lectures adultes des 15-18 ans nous réservent d’autres surprises avec
pour commencer la première place de Choc, suivi immédiatement
d’Entrevue (voir tableau 3). Il ne s’agit plus là de presse « people » mais
de presse « trash » d’actualité, mélange de photos qui heurtent,
d’indiscrétions sur les personnes, d’approximations sur les faits et bien
sûr de sexe. Cette presse « trash » est la forme principalement masculine
(par son public) de la presse à sensation, dont le « people » classique
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Tableau 1
Les lectures des 12-14 ans
En %
Fan 2
22,5
Sciences & Vie junior
17,0
Picsou magazine
17,0
Le journal de Mickey
16,5
Star Club
15,0
Hit Machine Girls
14,5
One
14,0
Salut
13,5
J'aime lire
13,0
Kid Paddle
13,0
Okapi
12,5
Mon Quotidien
12,0
Star'ac Mag
11,5
Géo Ado
11,0
Sciences & Vie Découvertes 10,5
Julie
10,0
I love English
10,0
Playstation 2 magazine 10,0
Séries mag
9,5
Jeune et Jolie
9,5
Source Conso Junior 2006
Tableau 2
Les lectures des 15-18 ans
en presse jeune
En %
Phosphore
14,5
Girls !
11,5
Jeune et Jolie
11,5
Sciences & Vie Junior
10,5
One
10,5
Fan 2
9,5
Séries Mag
8,5
Sciences & Vie Découvertes 8,0
Vingt Ans
7,0
Star Club
7,0
Playstation 2 Magazine
6,5
Salut
6,5
Le Journal de Mickey
6,0
Picsou Magazine
5,5
Hit Machine Girls
5,0
Kid Paddle
4,5
Today In English
4,5
D Manga
4,0
Star'ac Mag
4,0
Geo Ado
3,5
Source Conso Junior 2006
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Presse magazine et adolescents
Tableau 3
Les lectures de 15-18 ans
en presse adulte
En %
Choc
Entrevue
Super GTI Magazine
L'Équipe Magazine
Onze Mondial
ADDX
Jeux Video magazine
Voici
Public
PC Jeux
Auto Moto
Version Femina
Sciences et Vie
Cine Live
France Football
Femme actuelle
Geo
FHM
Joystick
L'Automobile magazine
35,0
31,0
17,0
14,5
13,5
13,0
12,5
11,5
11,5
11,5
11,0
10,5
10,0
9,5
9,5
9,0
8,0
8,0
7,0
7,0
Source AEPM 2006
Tableau 4
Les magazines de télévision
les plus regardés
par les 15-18 ans
En %
Télé 2 semaines
25,0
Plus, le magazine de Canal +
24,0
Tv magazine
22,5
Télé loisirs
21,5
Télé z
20,5
Canal sat magazine
19,5
Télé star
19,5
Télé 7 jours
19,0
Télé poche
13,5
Tv grandes chaînes
11,5
Tv hebdo
9,0
Télécable satellite hebdo 8,0
Télérama
5,0
Télé magazine
4,5
Source AEPM 2006
(Voici, Public) est la forme féminine.
Les garçons, qui n’ont pas vraiment de titres pour eux dans la presse
jeune (et lisent moins que les filles les titres généralistes), sont en effet
nettement plus représentés dans la presse pour adultes : nous les
retrouvons également dans les titres consacrés aux jeux vidéo (Jeux Vidéo
Magazine, PC Jeux), les magazines de sport (L’Equipe magazine, Onze
Mondial) et les magazines d’automobiles, plus particulièrement de tuning
(Super GTI Magazine, ADDX). La place de l’automobile dans leurs
lectures semble paradoxale, car ils n’ont pas encore l’âge du permis de
conduire ! Les lecteurs, là encore, se projettent vers l’avenir.
Les féminins adultes lus par les adolescentes sont en revanche peu
nombreux dans ce classement (Version Femina, le supplément féminin du
quotidien de leurs parents, et Femme Actuelle). Il est vrai que, nous
l’avons vu, les filles disposent de plusieurs féminins adolescents qui leur
sont explicitement dédiés.
Au total, il ressort de la confrontation des tableaux 2 et 3 que la lecture
des plus de 15 ans est particulièrement stratifiée par « genre ». Nous
remarquerons également la percée de la version « tous publics » de
magazines (Géo, Sciences et Vie) qui disposent d’une version spéciale
pour les jeunes (Géo Ados, Sciences et Vie Junior), la lecture de ceux-ci
préparant sans doute la lecture de ceux-là.
Quant aux magazines de cinéma, qui correspondent à l’un des centres
d’intérêt majeurs des adolescents, ils sont curieusement absents. Seul l’un
d’entre eux figure dans les vingt premiers titres lus : Ciné Live, dont
la présentation est plus originale (présence d’un DVD, maquette très
« clips ») que celle de ses deux concurrents, Première et Studio. La lecture
des titres cinéma plaît sans doute davantage au-delà de 18 ans, à moins
que les adolescents cinéphiles préfèrent naviguer sur des sites spécialisés,
pour y trouver des « making of » et des bandes-annonces. Cette seconde
hypothèse n’exclut pas la première.
La lecture adolescente de presse magazine n’a rien d’un désert culturel,
il y aurait même pléthore. Pléthore d’offre (dont les tableaux ici présentés
ne rendent que partiellement compte), mais surtout pléthore d’usages. Le
nombre de lecteurs de chaque titre est en effet très supérieur au nombre
d’exemplaires diffusés, dix fois plus élevé souvent. Ce qui caractérise
avant tout la presse lue par les adolescents, c’est sa forte circulation :
chaque exemplaire passe de mains en mains, via le CDI pour la presse
éducative mais surtout entre copains pour les titres les plus lus. Les
adolescents échangent et se prêtent leurs magazines, ils les commentent
et les lisent à plusieurs... La presse magazine est en effet un vecteur de
sociabilité majeur pour cette génération, à la différence du livre qui, s’il
peut s’échanger en petit comité et faire l’objet de discussions entre amis,
reste un objet qu’on s’approprie personnellement, et ne crée pas cette
effervescence partagée qui est le propre de la presse magazine. La
lecture adolescente de presse est le contraire d’une pratique solitaire.
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« Dis-moi ce que tu lis,
Le Dossier je te dirai qui tu es »
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Christelle Crumière Analyse
Que lisent les adolescents et pourquoi ? Comment s’opèrent leurs
choix, autour de quels motifs, quelles représentations ? C’est ce que
nous tenterons de comprendre à travers l’analyse de quatre titres
plébiscités par les 15-18 ans : Phosphore et Jeune et Jolie, titres de
« presse jeune » qui concentrent respectivement 14,5%
et 11,5% des lecteurs de cette tranche d’âge, mais aussi Entrevue
et L’Équipe magazine, titres de « presse adulte » attirant
respectivement 31% et 14,5% des lecteurs adolescents.
Il y a fort à parier que ces quatre magazines touchent des publics distincts,
dont les attentes, besoins et exigences diffèrent, aussi tenterons-nous de
mettre en évidence les éléments qui, pour chacun d’entre eux, séduisent les
jeunes lecteurs. Notre analyse portera sur trois axes principaux :
- la dénomination du magazine et ses modalités énonciatives ;
- le contenu éditorial ;
- la mise en forme visuelle et la place de l’image.
1. Phosphore, une mise en scène de l’ascension sociale
et de l’implication citoyenne
- Dénomination et modalités énonciatives
Dès le premier abord, le nom du mensuel est révélateur du discours
pédagogue que le magazine entend proposer à son lectorat. Au sens strict,
le phosphore est un élément chimique nécessaire au fonctionnement du
cerveau, au sens figuré, l’expression « phosphorer » renvoie au
déploiement d’une activité intellectuelle intense. Lire Phosphore, c’est
s’identifier à un magazine instructif, explicitement intégré dans un cursus
d’études : c’est s’inscrire dans la représentation valorisante d’une ascension
sociale, d’un processus de réussite.
Les modalités énonciatives (vouvoiement, dialogue) mettent en scène une
appréhension gratifiante de l’adolescent représenté comme un adulte en
devenir, possédant une identité, des goûts et des idées déjà bien affirmés.
L’importance de l’avis des jeunes (« Les 16-25 ans interpellent les candidats »),
de leurs idées et de leur vote, est largement évoquée. La réponse négative
des lecteurs au sondage « Et si on votait à 16 ans ? » est contestée dans
l’édito du numéro de février : « Nous ne sommes pas d’accord avec vous.
À 68%, vous êtes opposés au droit de vote à 16 ans. Quand cette idée
nous semble, à nous, plutôt séduisante. », affirme l’éditorialiste. Ces signes
de considération ne peuvent que satisfaire des adolescents aspirant à être
pris aux sérieux.
- Contenu éditorial et préoccupations des jeunes
Outre les rubriques ludiques ou informatives, trois types de thématiques,
Lecture Jeune - mars 2007
Christelle Crumière,
est chargée de cours à
l’université de Cergy-Pontoise
(95) en sémiologie de l’image,
traitement de l’information,
droit et éthique du journalisme,
dans le cadre d’une initiation
à l’éducation aux médias.
Elle achève actuellement une
thèse de doctorat en sémiologie
des médias, à l’Institut Français
de Presse (Paris II), sur
l’élaboration narrative
du 11 septembre 2001
dans les journaux français.
Corpus analysé :
Phosphore,
décembre 2006,
janvier et février 2007
Jeune et Jolie,
décembre 2006,
janvier et février 2007
L’Equipe magazine,
n° 1280, 1281 et 1282
des 13, 20 et
27 janvier 2007
Entrevue,
décembre 2006, janvier et
février 2007
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« Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es »
proposent des réponses aux préoccupations essentielles des jeunes
lecteurs : l’orientation et l’insertion professionnelle future de l’adolescent
(rubriques Métiers, Études sup., Orientation) ; son implication citoyenne
immédiate (portraits et témoignages de jeunes gens investis dans un parti,
un syndicat, une association) ; son positionnement dans une génération, une
mouvance, une tendance actuelle (rubrique Et moi). En vue de l’intégration
du jeune et de sa réussite annoncées, le magazine assume une fonction
d’incitation et de mobilisation (« Inscrivez-vous ! ») ; une fonction de conseil
et d’information (« Pour quels métiers êtes-vous fait ? ») ; une fonction
d’étayage et de sensibilisation (« Stop, j’arrête de courir après le temps »).
- Mise en forme visuelle et place de l’image
S’adressant à une tranche d’âge large et peu homogène (les 15-25 ans),
Phosphore mise sur la multiplicité des styles picturaux et des supports
iconographiques : photos, dessins, graphiques ou mini-BD ; pleines pages,
encadrés, montages, juxtapositions et superpositions se répartissent
l’espace visuel de façon dynamique, bousculant le regard d’une image à
l’autre sans hiérarchisation apparente : au lecteur d’opérer un choix, de
s’arrêter plus longuement sur une image qui l’interpelle. Les photographies
représentant des jeunes gens sont davantage codifiées et esthétisées : elles
insistent sur des signes distinctifs ou générationnels (piercing), mettent en
scène des ressemblances, des identifications. « Avec Phosphore, il a fallu
trouver une identité graphique qui voulait dire : « nous ne faisons pas partie
du monde de l’enfance, mais nous ne sommes surtout pas aussi coincés que
les adultes ». Pour cela, on utilise des codes photos assez raffinés, assez
distanciés. Les ados [sont représentés] avec une élégance un peu codée
mais qui leur permet de se projeter : une espèce de neutralité élégante où
chacun se projette avec son histoire personnelle.1», explique Magnus
Harling, directeur artistique chez Bayard.
2. Jeune et Jolie : promesse de socialisation
et de révélation identitaire
(1) « Entre création artistique
et marketing, les images dans
la presse destinée aux adolescents. »,
par Magnus HARLING,
colloque « L'image dans la culture
adolescente », Université de Lille 3,
20 novembre 2001
- Dénomination et modalités énonciatives
D’emblée, le nom Jeune et Jolie s’impose comme élément identifiant : il
délimite les contours d’une communauté de lectrices, autour de critères d’âge
et d’esthétique qui fonctionnent sur un registre inclusif, intégrateur (en
signalant des points communs, des qualités requises), donc aussi distinctif et
discriminatoire (les « vieilles » et « laides » sont d’emblée exclues des lectrices
potentielles). Lire Jeune et Jolie, c’est adhérer à l’imaginaire véhiculé par le
magazine d’une stricte réciprocité de la jeunesse et la beauté (être jeune,
c’est être belle ; être belle, c’est être jeune), c’est faire correspondre l’image
de soi à la représentation valorisée, idéalisée, qu’il élabore de sa lectrice.
S’appuyant sur le besoin adolescent d’appartenir à un groupe, les
modalités énonciatives dessinent les frontières d’une identité collective, les
lectrices étant désignées au pluriel, et de façon métonymique, par le nom
même du magazine : les « Jeunes et Jolies ». L’intégration au groupe est
favorisée par la mise en place de rubriques de témoignages (« La vie des
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J&J »), d’échanges et de dialogue (« Les Jeunes et Jolies répondent aux
Jeunes et Jolies »), encourageant les adolescentes à communiquer entre
elles. La revendication par les lectrices du diminutif J&J (« Merci d’avance
à toutes les J&J pour leurs précieux conseils ! Sonia ») est révélatrice de
l’appropriation des codes (familiarité, intimité, connivence) du magazine,
qui s’impose comme vecteur d’une insertion sociale et d’une
reconnaissance mutuelle.
- Contenu éditorial et préoccupations des jeunes
C’est essentiellement sur les plans de l’identification et de la socialisation
que se situe le mensuel, qui prétend répondre aux doutes et interrogations
intimes de l’adolescente (multiplication des tests de personnalité porteurs
d’une révélation identitaire), pour favoriser son acceptation de soi, et son
acceptation par ses pairs. La réponse à ces besoins est revendiquée par la
rédaction à travers des fonctions de conseil (rubriques Sexy stratégie,
Positive attitude, Fun attitude), d’encadrement (rubriques Psy coach, Love
coach), d’étayage narcissique et de soutien fantasmatique (rubriques Psy
intime, Mode, Beauté). Dans tous les domaines de sa vie, le magazine
apparaît comme l’adjuvant de la jeune fille : il remplace l’adulte référent,
l’aînée (la grande sœur, la mère, la confidente) dans la transmission d’un
savoir-faire (maquillage, coiffure), d’une aptitude (séduction), de solutions
relationnelles (affirmation/confirmation de soi).
- Mise en forme visuelle et place de l’image
L’identité visuelle de Jeune et Jolie est calquée sur les titres féminins destinés
aux adultes, le magazine multipliant les pages « mode », les mises en scène
thématisées et les pages « tendance » où les produits (vêtements, objets,
accessoires) sont présentés pêle-mêle, dans un désordre savamment
organisé, invitant la lectrice à tracer son propre itinéraire en fonction de ses
goûts et de ses intérêts. Les jeunes filles exposées en couverture sont des
anonymes susceptibles de porter l’identification de la lectrice tout en
constituant des modèles accessibles. Qui plus est, les stars et célébrités
présentées dans les pages du mensuel sont elles-mêmes ramenées à des
modèles accessibles, les lectrices étant invitées à les contacter (encart « Où
leur écrire ? »), ou incitées à les imiter (encart « Castings » répertoriant
tournages, concours, auditions).
3. L’ Équipe magazine : entrer dans l’équipe
- Dénomination et modalités énonciatives
Ici, le nom du magazine fonctionne de façon intégrative : aucun critère
discriminant ne préside à l’inclusion ou l’exclusion de la communauté des
lecteurs, liés par un intérêt commun pour une ou plusieurs discipline(s)
sportive(s). Lire L’Équipe, c’est symboliquement entrer dans une équipe, se
définir comme membre d’un groupe, celui de tous les sportifs : licenciés,
amateurs ou occasionnels. Cette appartenance symbolique est
particulièrement attractive pour l’adolescent en quête d’intégration et
d’identification, en demande d’une place qui est aussi l’expression d’une
reconnaissance collective.
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« Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es »
- Contenu éditorial et préoccupations des jeunes
Au-delà de son contenu informatif (résultats des matchs, commentaires,
analyses), le magazine opère un déplacement des symboles et
représentations de la réussite : l’ascension fulgurante des sportifs
professionnels présente un modèle alternatif d’intégration et de succès, celui
d’une promotion sociale indépendante d’une scolarité réussie. Pour
l’adolescent, la valorisation de compétences autres que scolaires porte la
mise en scène d’un succès compensatoire. À la différence des exemples
classiques de réussite sociale, les sportifs professionnels constituent des
modèles issus de milieux diversifiés, de minorités ou de communautés
ordinairement sous-représentées ; ce sont, qui plus est, des modèles de
réussite rapide, précoce : des modèles jeunes, voire très jeunes. « Balles
neuves » titre le magazine, sous la photographie des jeunes espoirs du
tennis mondial. « Ils sont neuf, ils ont moins de 22 ans. Ils sont la nouvelle
génération. Prêts à bousculer la hiérarchie du tennis mondial », insiste le
sous-titre. Aux côtés des sports traditionnels (foot, rugby, tennis), le
magazine fait la part belle aux sports « à sensations » (freestyle, glisse)
prisés des adolescents, qui y font figure de « génération de pionniers ».
- Mise en forme visuelle et place de l’image
L’identité graphique de L’Équipe magazine est extrêmement soignée.
Hormis une bande dessinée, le domaine visuel est entièrement voué à la
photographie. Les premières pages (« Zoom ») sont consacrées à des
photographies insolites, anecdotiques, mais de grande valeur esthétique
(doubles pages à bords perdus), qui favorisent une entrée progressive et
valorisée dans le magazine. Les différents articles, les reportages en
particulier, sont accompagnés de nombreuses photos disposées de manière
ordonnée (dans des proportions quasiment équivalentes de texte et
d’image), de façon à privilégier une lecture linéaire et continue du texte.
Outre les photographies prises dans l’action, les nombreux portraits mettent
en scène les sportifs dans des poses codifiées : les tennismen de la
génération montante sont représentés collectivement comme des guerriers
impassibles (menton levé en signe de défi, regard lointain, expression fière,
imperturbable). Les adolescents ne peuvent qu’être sensibles à cette
esthétique sophistiquée et distanciée, qui revalorise l’image sportive en
l'arrachant aux clichés dont elle pâtit ordinairement (boue et sueur).
4. Entrevue : hypersexualisation et conflictualité
- Dénomination et modalités énonciatives
Le nom Entrevue place d’emblée le lecteur sur le terrain de la rencontre et
de l’intimité, l’entrevue renvoyant à un entretien discret, voire secret, entre
deux personnes. Accorder une entrevue, c’est ménager un tête-à-tête,
accepter de faire entrer l’autre dans sa sphère privée. Exposition de l’intime,
simulation de la connivence : le lecteur est propulsé dans un univers, qui
sans le magazine, lui serait interdit. Cette « entrevue » paradoxale, car
différée et médiatisée, entre des célébrités de second rang (starlettes
interchangeables) et un public anonyme, fait converger pulsions
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exhibitionnistes et voyeuristes dans une mise en scène du scandale et du
secret d’alcôve. Prétendument ciblé sur un public adulte, le magazine est
entièrement construit sur les codes, contenus et ressorts propres à séduire
un public adolescent.
- Contenu éditorial et préoccupations des jeunes
Quatre tendances sont discernables. Tout d’abord, Entrevue « brille » par
son absence de contenu informatif et rédactionnel propre, la quasi totalité
du matériau présenté dans le mensuel provenant en copier/coller des trois
autres médias – télévision, radio, et Internet – privilégiés par les adolescents.
La seconde tendance est l’hypersexualisation du contenu affichée dès la
couverture, tant par la mise en scène d’images racoleuses que par la
promesse de révélations sulfureuses. Cette surconcentration fantasmatique
ne peut que fasciner l’adolescent au moment où se constitue sa propre
identité sexuelle. La troisième tendance apparaît dans le déploiement d’un
humour transgressif et régressif (impostures des Lafesse, Baffie, Muller,
Sellem), correspondant aux blagues de potaches des films destinés au
public adolescent (du type American Pie). Enfin, le magazine orchestre
conflits et règlements de comptes avec diverses personnalités médiatiques
(« Castaldi, le faux-cul du PAF »), arbitre ou envenime les rivalités (« Star
Ac/Nouvelle Star : notre enquête déclenche une nouvelle guerre des
chaînes »), expose les dissensions entre célébrités (rubriques « Ils ont dit/ Ils
ont menti », « Téléclash »). Cette mise en scène de la conflictualité ne peut
que trouver un écho favorable chez l’adolescent en conflit lui-même (avec
la société, son entourage, sa propre image), trouvant dans l’opposition et
le rejet un moyen d’expression presque militant.
- Mise en forme visuelle et place de l’image
L’identité graphique du magazine joue sur des codes immuables (texte noir
sur fond jaune/texte jaune sur fond noir) qui fonctionnent comme des
identifiants, et sur la pose stéréotypée de starlettes standardisées, issues des
émissions de téléréalité suivies par les adolescents : Mélanie de L’île de la
Tentation, Gaëlle de Koh-Lanta, Céline de la Star Academy. Il ne s’agit donc
pas d’inconnues pour les jeunes lecteurs, mais de supports fantasmatiques
déjà identifiés. Le visuel repose sur la juxtaposition linéaire de
photographies ou de captures d’écran, associées aux dialogues
correspondants, retranscrits sous l’image ou dans des bulles surajoutées, à
la façon des BD et romans-photos. La faible proportion du texte par rapport
à l’image et la multiplicité de rubriques courtes favorisent une lecture rapide
et non chronologique du magazine, une pratique de feuilletage aléatoire
ne nécessitant ni effort, ni suivi, ni concentration.
Le choix d’un magazine n’est pas uniquement celui d’une représentation
du monde, il est aussi révélateur de la vision qu’a de lui-même l’adolescent
qui le choisit, non seulement comme source d’un contenu informatif, mais
comme vecteur intégratif, pôle interprétatif, et support identificatoire.
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Le pari réussi de la
Le Dossier presse quotidienne gratuite
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Marie-Christine Lipani-Vaissade Analyse
Les quotidiens gratuits ont levé tous les obstacles bloquant la lecture de
la presse quotidienne par les adolescents. Cette lecture reste pourtant
fragmentée et les jeunes n’hésitent pas à passer d’un support à un autre.
Marie-Christine
Lipani-Vaissade,
commence sa carrière comme
journaliste au Progrès de Lyon puis
collabore à divers titres nationaux à
vocation politique ou économique,
entre autres l’hebdomadaire
Vendredi. Parallèlement, elle exerce
le métier de directrice de cabinet
pour différents élus.
Particulièrement sensible aux
évolutions de la presse écrite et aux
transformations du journalisme, elle
se tourne ensuite vers la recherche
universitaire. Sa thèse, intitulée :
« Impact des quotidiens gratuits
Métro et 20 Minutes sur la lecture de
la presse quotidienne par les 17-25
ans : vers la constitution d’un public
distinct et typique ? », explique
comment les jeunes se sont
appropriés la presse quotidienne
gratuite et pointe leurs attentes en
matière d’information. Ses recherches
portent également sur le traitement
des faits divers dans la presse écrite,
les relations entre les jeunes et les
médias, la complémentarité des
supports journalistiques (papier et
web) et le contenu des journaux dans
l’ambiance numérique.
Elle est aujourd’hui maître
de Conférences à l’Institut
de Journalisme de Bordeaux
Aquitaine à l’université
Michel Montaigne Bordeaux 3,
où elle enseigne le droit de la presse.
Les acteurs médiatiques sont quasi-unanimes sur ce point : la presse
quotidienne et en particulier la presse quotidienne nationale n’a pas su et
ne sait toujours pas attirer les jeunes lecteurs. Pour quelles raisons s’est-elle
désintéressée de ce public spécifique ? Nous pouvons tenter quelques
hypothèses. Elle ne le connaît pas assez, ne souhaite pas le développer,
peut-être n’a-t-elle n’a pas les moyens financiers de se pencher sur lui...
Hélas, les occasions manquées ne se rattrapent pas. La presse quotidienne
nationale a laissé la place vacante à ses concurrents : Internet et la presse
quotidienne gratuite, et ces derniers se sont vite emparés du marché. Le
public jeune sera difficile à reconquérir.
Ce qui fait qu’en France, où on lit de moins en moins de journaux, comme
dans le reste du monde d’ailleurs, le fossé se creuse plus rapidement. La
France est l’un des pays qui compte la plus faible diffusion de quotidiens
par habitant. Pour 1000 habitants de plus de 15 ans, il se vend 719
journaux en Norvège, 668 au Japon, 536 en Suède et seulement 190 en
France. Notre pays se situe à cet égard au 28e rang mondial1. Les raisons
qui expliquent cette crise de la presse quotidienne sont nombreuses :
vieillissement et non renouvellement du lectorat, érosion et dispersion du
marché publicitaire, multiplication de la concurrence et des sources
d’information, disparition des quotidiens d’opinion et populaires, diminution
du nombre des points de vente, coûts de fabrication et de distribution élevés
entraînant le prix de vente au numéro le plus cher d’Europe 2, moindre
créativité éditoriale pour finir 3, qui a pour effet de créer un décalage entre
le contenu des journaux et les attentes des lecteurs.
D’autres éléments sont à prendre en compte, qui relèvent davantage de
l’évolution des modes de vie : la modification des comportements et des
rythmes de vie, avec plus de temps consacré aux loisirs, l’urbanisation
croissante qui rallonge les temps de transport, le développement des
nouvelles technologies et de nouvelles activités de loisirs... Le lectorat jeune
est sans aucun doute le plus concerné par ces derniers bouleversements.
De nouveaux modes de consommation des médias
Etudier la lecture de presse par les adolescents renvoie à un certain nombre
de présupposés. Nous vivons dans une société où l’image et la technologie
sont omniprésentes. Il serait confortable « intellectuellement » d’attribuer à
ce phénomène le désintérêt des jeunes pour la lecture, celle de la presse en
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particulier. Cette hypothèse éviterait de s’interroger d’une part sur le contenu
des journaux, d’autre part sur leur mode de consommation. Mais de
nombreuses études montrent que les jeunes lisent toujours : ils lisent sur
Internet, achètent des magazines et des livres. Ce qu’ils boudent, c’est la
presse quotidienne payante.
Le phénomène n’est pas nouveau. La lecture de la presse quotidienne des
15-24 ans se détériore en effet depuis des décennies. En 1994, ils
représentaient 23,7% des lecteurs de presse quotidienne nationale, en
2004, ce chiffre était descendu à 16,7% soit 7 points de moins 4. On
notera que dans le même temps, la catégorie des 25-34 ans a chuté de
18%, ce qui est bien pire 5 !
La presse quotidienne nationale n’a donc pas trouvé la formule magique
pour captiver le lectorat jeune. L’ erreur serait de se persuader que le
« mal » vient uniquement de la télévision, d’Internet ou des quotidiens
gratuits. En réalité, la faiblesse de la pénétration de la presse quotidienne
chez les jeunes révèle l’inadaptation des contenus journalistiques et des
systèmes de distribution aux attentes de ce lectorat et à ses nouvelles
pratiques culturelles. Les jeunes sont de plus en plus mobiles et urbains, ils
pratiquent la lecture occasionnelle et la lecture zapping, habitués depuis
leur plus jeune âge aux télécommandes de télévision, ils multiplient les
sources d’information et favorisent les plus faciles d’accès (Internet). Par
ailleurs, ils ont pris l’habitude de ne pas payer certains services ou loisirs,
comme en témoigne le téléchargement de musique ou de films. La gratuité
est aujourd’hui devenue une valeur de notre société.
Les gratuits en tête du hit-parade
Interpellés par toutes ces questions, nous avons conduit une étude de terrain
afin de comprendre les attentes des jeunes en matière de presse écrite,
découvrir ce qu’ils lisaient et pourquoi. Nous nous sommes appuyés sur
deux outils méthodologiques complémentaires : le questionnaire et
l’entretien de recherche semi-directif, qui nous ont amenés à rencontrer plus
de 1200 jeunes entre 17 et 25 ans 6.
Nos questionnaires portaient sur la lecture de la presse quotidienne
nationale, y compris celle des deux quotidiens gratuits Métro et
20 Minutes 7. Cet outil a permis entre autres de « pister » la lecture
régulière de la presse quotidienne, c’est-à-dire tous les jours ou un jour sur
deux. Celle-ci est vraiment très faible chez les jeunes, quels que soient leur
sexe, leur âge ou leur niveau de qualification.
Les filles semblent lire davantage la presse que les garçons. La plupart du
temps, les quotidiens gratuits Métro et 20 Minutes sont cités en premier,
avec une nette préférence pour 20 Minutes, qui s’explique sans doute par
sa maquette et sa ligne éditoriale dynamiques. Après les gratuits, les titres
les plus lus par les filles sont Le Parisien, Le Monde et Le Figaro, puis dans
une moindre mesure Libération. Les quotidiens économiques sont cités de
façon très marginale 8. Le schéma de lecture est quasi-semblable pour les
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1 Source : Daniel Junqua,
« La presse quotidienne en Europe »,
World Press 2001, www-clemi.org.
2 En France, le prix moyen
d’un quotidien se situe entre 0,80 €
et 1,20 €, en Allemagne entre
0,40 et 1 €, en Grande-Bretagne
entre 0,40 et 0,60 € et
en Espagne entre 0,60 et 1€.
3 Il y a eu malgré tout quelques
tentatives pour créer de nouvelles
formules, telles qu’Info Matin en
1994. Ce quotidien demi-format
était vendu moins cher que les autres.
Rappelons également que la presse
magazine est en France riche
et imaginative, et que si la lecture
des quotidiens est en baisse
constante, les Français restent
de gros consommateurs
de magazines.
4 Source EuroPQN
5 Source : Le Monde, du 16 mars
2004, « Les jeunes boudent de plus
en plus la lecture des journaux »,
de Claudia Courtois
6 Ce travail a fait l’objet d’une thèse
en Sciences de l’information et de la
communication intitulée : « Impact
des quotidiens gratuits Métro et
20 Minutes sur la lecture de la presse
quotidienne par les 17-25 ans :
vers la constitution d’un public distinct
et typique ? », soutenue en novembre
2005 à Paris III, Sorbonne Nouvelle.
Tous les jeunes rencontrés dans
le cadre de cette recherche étaient
encore en formation (école
ou université) et habitaient
l’Île-de-France. Les quotidiens gratuits
n’étaient distribués que dans cette
région à l’époque.
7 Nous avons diffusé notre
questionnaire en deux temps :
une première série entre 2002
et 2003, juste après la sortie
des premiers quotidiens gratuits,
auprès de 1036 jeunes,
soit 412 garçons (39,8%)
et 624 filles (60,2%),
et une deuxième en janvier-février
2005 auprès de 223 jeunes.
Les résultats ont été pratiquement
identiques entre les deux séries.
8 Nous avons mis à part le quotidien
L’ Équipe qui n’est pas un journal
d’information générale, mais ce
dernier est assez lu par les jeunes.
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Le pari réussi de la presse quotidienne gratuite
garçons, sauf que Le Figaro paraît plus apprécié que Le Monde et Le
Parisien. Libération ferme encore une fois la marche. Chez les deux sexes,
les quotidiens économiques sont toujours cités en derniers, France Soir et
La Croix très rarement évoqués.
Les résultats indiquent que les filles lisent plutôt le matin et dans les transports
en commun, alors que les garçons ont tendance à lire davantage chez eux.
Les deux groupes sont attirés par les sujets internationaux, mais les rubriques
sports, faits divers ou sujets de société sont souvent citées. D’une manière
générale, les jeunes sont peu attirés par les articles économiques et encore
moins par les questions politiques.
Le rejet du commentaire journalistique
9 Sur l’ensemble de nos résultats,
plus de 90% des jeunes sont
favorables à la presse
quotidienne gratuite.
10 Une quarantaine de jeunes
de 17 à 25 ans et issus
de différentes écoles ont participé
à ces entretiens semi-directifs,
des entretiens d’environ une heure
chacun, portant uniquement
sur la lecture ou la non-lecture
des quotidiens gratuits
Métro et 20 Minutes.
De nombreuses raisons freinent la lecture des quotidiens payants. Les
garçons dans leur majorité évoquent le prix des quotidiens, le manque de
temps et la longueur des articles jugée trop contraignante. Les filles mettent
en avant la récurrence des sujets politiques et le coût. Les deux groupes
enfin reprochent à la presse traditionnelle « son manque d’objectivité, sa
perte de crédibilité, une écriture ennuyeuse, une information uniforme, un
langage éloigné de celui de la jeunesse ». Beaucoup ont le sentiment que
la presse « ment ». Certains (très nombreux) lui préfèrent Internet ou encore
la télévision. La plupart des jeunes ne se sentent pas concernés par les sujets
abordés par la presse.
Si le manque de temps et le coût constituent des freins majeurs à la lecture
de quotidiens, un autre élément apparaît donc comme essentiel : la prise
de position journalistique. Autrement dit, ce ne sont pas les sujets politiques
qui dérangent en tant que tels, mais les commentaires journalistiques autour
de ces sujets. Les adolescents ont le sentiment que les médias leur donnent
des leçons, leur imposent une façon de penser et le ressentent très mal.
Notre enquête est loin d’être représentative, mais elle apporte un certain
nombre d’informations sur le comportement des jeunes vis-à-vis de la presse
quotidienne et porte à croire que le jeune est avant tout un lecteur
occasionnel, qui ne dispose que de peu de temps à consacrer à la lecture
de presse et privilégie d’autres façons de s’informer, en particulier Internet.
Pour lui, la presse est onéreuse et souvent rébarbative. Il lui préfère les
quotidiens gratuits 9. Il ne rejette en rien l’information : notre étude montre
au contraire qu’il s’intéresse à l’actualité (du moins à certains types de
sujets), mais il ne se retrouve pas dans la presse traditionnelle.
Se sentir destinataire de l’information
La gratuité n’explique pas à elle seule l’intérêt des adolescents pour les
quotidiens gratuits : telle était notre conviction intime. Pour en avoir la
preuve, nous nous sommes servis d’un deuxième outil de recherche :
l’entretien semi-directif 10, plus pertinent pour approfondir les pratiques de
lecture.
Rappelons au passage que Métro et 20 Minutes privilégient les aspects
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pratiques, ludiques et visuels. L’illustration (notamment la couleur) et la
photographie y jouent un rôle majeur. L’actualité est traitée d’une manière
rapide et rythmée avec des articles courts, ce qui induit de nouvelles formes
de lecture (zapping) et multiplie les portes d’entrée. L’offre de cette presse
quotidienne gratuite est véritablement différente et attractive. La gratuité agit
comme une invitation, une sollicitation, un appel. Si la forme et le contenu
de ces quotidiens ne correspondaient pas aux attentes des jeunes, ces
derniers ne les liraient pas.
L’analyse de nos entretiens a confirmé cette tendance : la lecture de la
presse quotidienne gratuite est certes une lecture de facilité, mais pas pour
autant une lecture de dépit. Par lecture de facilité, nous voulons dire que ces
journaux ont levé tous les obstacles bloquant la lecture de la presse
quotidienne : celui du coût, du contenu rédactionnel et pour finir de la
distribution. La force des gratuits réside en effet surtout dans leur mode de
distribution. Ils vont au devant des lecteurs adolescents, sont distribués dans
les lycées et les universités, ou sur le chemin qui les conduit au travail (métro,
RER, gares). Les jeunes n’ont plus besoin de se déplacer pour les acheter ni
d’y penser à l’avance. Avec Métro ou 20 Minutes, c’est le journal qui va
chercher le lecteur, non l’inverse.
Cependant, ce n’est pas parce que le journal « s’offre » à ses lecteurs que
ce don est suivi de lecture ! La lecture reste un acte volontaire. Confortée
par notre étude, nous soutenons que les jeunes choisissent de lire ces
quotidiens gratuits pour différentes raisons. Nous en retiendrons trois.
En premier lieu, les gratuits rendent l’information accessible en termes de
visibilité et d’appropriation. La maquette est ludique et dynamique, et
l’information rarement commentée. Par ailleurs, les gratuits replacent le
lecteur au centre de l’énonciation discursive en abordant des thématiques
qui parlent de la jeunesse comme le marché du travail pour les jeunes
diplômés, la notoriété des écoles… Pour finir, leur langage est adapté au
public adolescent. Il s’agit d’une écriture factuelle, avec des phrases
courtes, simples. La hiérarchisation des titres et des thèmes forts quant à elle
permet une vraie lisibilité. Résultat, les jeunes se sentent concernés par le
contenu des gratuits, ils se sentent destinataires de l’information. Il ne suffit
pas que l’information soit gratuite, encore faut-il qu’elle soit adaptée et
comprise. « J’ai du mal à entrer dans un journal comme Le Monde, il faut
des clés pour comprendre ». Ces propos, maintes fois recensés au cours de
nos entretiens, confirment la difficulté pour les jeunes d’aborder la presse
quotidienne classique.
Les gratuits favorisent également un autre usage du journal en créant de
nouvelles proximités. Le journal est lu dans les transports et quand les jeunes
arrivent en classe, ils peuvent discuter de son contenu, le prêter ou le
donner : le gratuit devient un référentiel commun.
Les adolescents enfin veulent être informés en privilégiant l’essentiel et en
recherchant une forme de divertissement. La lecture de presse doit rester
pour eux un plaisir, non une contrainte. Ils aiment passer d’un support à un
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Publications :
« Dis à qui tu te donnes…
La presse quotidienne gratuite
ou le marketing du don »,
avec Dominique Augey,
Denis Ruellan
et Jean-Michel Utard,
Le journalisme en invention,
de Roselyne Ringoot
et Jean-Michel Utard (dir.),
Presses universitaires
de Rennes, 2005
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Le pari réussi de la presse quotidienne gratuite
Pour en savoir plus :
Le journalisme en invention,
Roselyne Ringoot
et Jean-Michel Utard (dir.),
Presses universitaires de Rennes,
2006
Le défi des quotidiens gratuits,
Ludovic Hirtzmann
et François Martin,
éditions MultiMondes, Québec,
2004
La culture des individus,
dissonances culturelles
et distinction de soi,
Bertrand Lahire,
La Découverte, 2004
(Textes à l’appui)
Sociologie des publics,
Jean-Pierre Esquenazi,
La Découverte, 2003 (Repères)
« La culture des gratuits »,
Bernard Legendre,
Le Monde, 25 octobre 2003
Les étudiants et la lecture,
Emmanuel Fraisse (dir.),
PUF, 1999
L’analyse de discours,
Dominique Maingueneau,
Hachette, 1991
autre, ne souhaitent pas lui accorder trop de temps, qu’ils préfèrent
consacrer à leurs amis. Les gratuits favorisent cette souplesse d’utilisation
adaptée à leurs modes de vie. Ils participent enfin à la désacralisation du
journal en tant que source d’information et en tant qu’objet.
Les quotidiens gratuits inciteront-ils les adolescents à lire demain davantage
la presse quotidienne nationale ? Rien n’est moins sûr. En revanche, ceux
qui ne lisaient rien jusque là renouent un peu grâce à eux avec la lecture
d’un journal. Au cœur de l’ambiance numérique actuelle, cette lecture reste
d’ailleurs une pratique fragmentée.
Nous retiendrons que les jeunes lecteurs veulent être informés un peu,
divertis beaucoup, impliqués énormément, et politisés... pas du tout !
Les quotidiens gratuits en France
Les quotidiens gratuits ont fait leur apparition en France début 2002,
avec 20 minutes et Métro. Ils ont imposé un nouveau système
économique et instauré un nouveau genre journalistique. En effet, ces
supports d’information sont aussi des supports de communication car ils
s’inscrivent dans une démarche interactive avec leur public. Celle-ci
s’appuie sur un contrat de lecture, qui repose sur les attentes supposées
du lecteur. Autres caractéristiques : ces journaux ont osé la gratuité
comme stratégie de développement et inventé un nouveau mode de
distribution, soigneusement pensé à partir de méthodes nouvelles de
chronomarketing et de géomarketing.
D’autres titres gratuits se sont développés depuis, y compris des
magazines. La presse quotidienne régionale elle-même a créé ses
propres gratuits au sein du réseau Ville Plus.
Bien que les gratuits aient suscité une certaine polémique, ils se sont
installés dans le paysage médiatique français avec des qualités propres
et une offre éditoriale différente. La crise que traverse la presse
quotidienne nationale a commencé bien avant l’arrivée de ces
quotidiens. Il serait faux d’affirmer que les gratuits ont fait perdre des
lecteurs aux quotidiens payants. Ils ont surtout puisé leur lectorat dans le
vivier des personnes non lectrices de la presse quotidienne, en particulier
les jeunes.
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Le Dossier
Les risques d’ Internet
Albert du Roy Tribune
La quasi-totalité des 15/24 ans surfent sur la toile. Ils échangent des
messages (68%), recherchent des informations pratiques (65%) mais
s’informent aussi sur l’actualité (55%)*. Conséquence : les jeunes ne lisent
plus les journaux. Ou du moins les « journaux papier », puisque les
quotidiens ont leur site sur la toile. La question est de savoir si la qualité de
cette information équivaut à celle des quotidiens. Pour ma part, j’en doute
pour trois raisons.
1. D’abord, les sites d’information sont nombreux. Les uns sont sérieux
(ceux des journaux notamment), on connaît leur identité, leur esprit, les
opinions qu’ils véhiculent. Les autres sont fantaisistes, édités par des
inconnus, alimentés par des sources anonymes, et constituent un vecteur
virtuel de manipulation et de propagande. Il n’est pas évident qu’un
adolescent ou même un adulte puisse les distinguer. 2. Les modes de lecture
sur l’écran et sur le papier sont différents. Sur le premier on survole, on
picore, on zappe, sur l’autre, on s’arrête, on choisit, on plonge. Regarder
et lire, ce n’est pas la même chose. Il me semble que la consultation d’un
journal papier favorise davantage la concentration et la réflexion. 3. L’écran
enfin ne permet pas le feuilletage. Sur la page de présentation qui mentionne
quelques titres, le lecteur clique sur celui qu’il souhaite lire et les autres thèmes
disparaissent. La « Une » d’un journal ne mentionne également que
quelques titres, et il faut pour approfondir aller voir à l’intérieur. Mais le
feuilletage crée justement des occasions de s’intéresser à d’autres sujets,
auxquels on n’aurait pas spontanément prêté attention.
Ce dernier point me semble essentiel. Nous vivons une époque où
l’incroyable multiplication des médias audiovisuels permet à chaque
individu de se créer sa bulle informative et de s’y isoler. L’un ne s’intéressera
qu’au foot, l’autre à l’actualité de sa commune, un troisième à la Bourse…
Internet ouvre sur le monde, mais referme sur soi-même ! Naguère, on
évoquait les mass médias, nous en sommes à l’ère du « self média » ! Or,
un citoyen responsable doit avoir un minimum de connaissances de tous
les aspects de l’actualité qui concernent la société où il vit. De même qu’on
parle de culture générale, il existe aussi une « information générale »
indispensable à la conscience citoyenne.
Internet apparaît ainsi avec sa double face : un immense progrès en
matière de communication, mais un danger si on ne le maîtrise pas. Les
jeunes en sont conscients. Fin 2006, Ipsos a réalisé une nouvelle étude pour
Graines de citoyens. Elle montre que les 2/3 des 18-25 ans attendent de
l’école qu’elle leur « fasse découvrir la presse écrite » et leur
« apprenne à s’informer sur Internet ». Le défi Internet est d’une telle ampleur
que cette mission apparaît comme essentielle.
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Albert du Roy
Journaliste politique,
ancien rédacteur en chef
de L’Express, du Nouvel
Observateur et de la rédaction
de France 2, Albert du Roy
est vice-président de
l’association Graines
de citoyens destinée à
promouvoir la presse
quotidienne auprès
des adolescents.
Publications
(entre autres)
Domaine réservé, les coulisses
de la diplomatie française,
Le Seuil, 2000
Sur la presse :
Le carnaval des hypocrites,
Le Seuil, 1997
Le serment de Théophraste,
Flammarion, 1992
* Enquête Ipsos réalisée
en mars 2006 pour l’association
Graine de citoyens auprès de
1253 jeunes internautes.
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Les enjeux de
Le Dossier l'éducation aux médias
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Evelyne Bevort Point de vue
Evelyne Bevort,
est directrice déléguée
du Clemi (Centre de liaison
de l’enseignement et des
moyens d’information) après
avoir enseigné les sciences
économiques et sociales.
Elle a participé à de nombreux
projets de recherches concernant
l’éducation aux médias et la
relation des enfants et des jeunes
aux médias en France
et à l’international.
Experte dans ce domaine pour
l’UNESCO et la Commission
européenne, elle est engagée
dans de nombreuses actions
autour de ces thématiques :
formations, publications,
élaboration d’outils
pédagogiques appropriés.
Publications
Rapports pour le Conseil de
l’Europe entre 1986 et 1990 :
- L’éducation aux médias
à l’école primaire
- L’éducation aux médias
à l’école secondaire
- Le partenariat entre l’école
et les médias
Nouvelles orientations de
l’éducation aux médias,
éditions de l’UNESCO, 1990
(co-auteur des actes d’un colloque
organisé à Toulouse)
…
L’éducation aux médias peut être définie comme la possibilité de connaître,
d’évaluer et d’apprécier les différents types de médias auxquels nous
sommes confrontés et qui font partie intégrante de notre culture
contemporaine. Les adolescents sont doublement concernés par cet
apprentissage : la pratique des médias constitue l’un des piliers de leurs
activités culturelles, mais ils n’en explorent qu’un faible pan par
méconnaissance. L’éducation aux médias doit leur permettre à la fois de
penser leurs pratiques installées et d’en découvrir de nouvelles.
Les adolescents ne lisent la presse écrite que sur certains segments. Elle est
pourtant indispensable à leur future vie de citoyen car les médias sont
porteurs d’informations mais aussi de valeurs.
C’est par la presse que l’on voit s’exprimer le pluralisme des idées et des
positionnements au quotidien. Elle nous renvoie les reflets d’une société
composée de personnes d’âges variés, impliquées dans la vie sociale à des
niveaux différents, curieuses de sports ou de politique internationale… Les
journaux dans la variété de leurs rubriques nourrissent tous ces intérêts et
les font partager à ceux qui en sont éloignés. Ainsi, l’éducation aux médias
se propose de faire découvrir aux jeunes d’autres questionnements, d’autres
modes de pensée. La presse écrite est de tous les médias celui qui véhicule
le mieux le pluralisme des idées et le flambeau de la liberté d’expression.
Elle participe à l’apprentissage de la démocratie.
Par ailleurs le travail sur la presse permet, au sein d’une éducation aux
médias envisagée globalement, de mettre en lumière leur complémentarité.
Il permet également de prendre conscience du rôle spécifique de la presse
comme lieu centré sur l’analyse, la mise en perspective et l’approfondissement des sujets traités, mais aussi comme média de proximité par
excellence.
Le système éducatif français va connaître une remise en perspective sans
équivalent avec l'entrée en vigueur du « socle commun des connaissances
et des compétences ». Ce socle établit ce qui doit constituer le bagage
minimum commun de tous les jeunes Français à l'issue de la classe de 3e.
Au-delà des domaines plus classiques comme la langue maternelle, les
sciences ou la culture humaniste sont désormais citées les compétences
sociales et civiques, l'esprit d'initiative et l'autonomie.
L’éducation aux médias a sa juste place au sein de ces deux domaines. On
ne peut que s'en réjouir. Depuis plus de vingt ans, le Clemi (Centre de
liaison de l'enseignement et des moyens d'information) s'efforce de
convaincre, par l'exemple comme par la réflexion, l'ensemble des acteurs
du système éducatif du bien-fondé de la démarche d'éducation aux médias
et plus encore, de son caractère indispensable dans le contexte des
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bouleversements techniques et médiatiques de ce début de XXIe siècle.
Reste à créer chez les jeunes concernés un vrai désir de découverte et
d’ouverture sur cet environnement.
Des activités riches de sens
Le travail d'éducation aux médias pratiqué au sein de l’école repose sur
cette activation du désir, lié à une meilleure connaissance de la presse
écrite. Très vite, les éducateurs s'aperçoivent qu'indifférence et ignorance
vont de pair. Beaucoup de jeunes ignorent tout de la presse en croyant la
connaître. Il s'agit de la leur faire découvrir, pour les intégrer
progressivement à leur environnement.
Le premier travail consiste à leur mettre en mains des journaux, pour
comprendre comment ils sont conçus et organisés, en vue d'une lisibilité
optimale de l'information. Cet exercice les aide à découvrir les rubriques,
l'organisation des pages, la mise en forme des articles… Pratiquée avec
un large panel de titres, cette activité leur permet de saisir la diversité de la
presse et sa capacité à répondre à des attentes correspondant aux
différentes facettes de la société, depuis la presse d'information jusqu'à la
presse féminine en passant par la presse sportive. Ces travaux se font le plus
souvent dans le cadre de l'enseignement du français, de l'histoire ou de
l'éducation civique, mais les nouveaux dispositifs à l'œuvre dans le
secondaire (IDD, TPE, ECJS…)* ouvrent des possibilités pour un travail plus
transversal. La presse écrite est un formidable réservoir d'activités qui ont du
sens pour la compréhension du monde : choix et hiérarchie des informations,
place de la publicité, rôle de l'image…
Ces travaux permettent aussi d’appréhender le pluralisme de l'information
et des titres. Cette dimension ne s'accepte vraiment qu'à l'adolescence, car
il n'est pas aisé pour les plus jeunes d'imaginer que la vérité puisse être
multiple. La réflexion sur le pluralisme des idées tel qu'il est proposé dans
la presse est capitale pour ceux qui travaillent dans une optique
d’apprentissage de la démocratie et la citoyenneté. Il s’agit là d’un axe
fondamental du travail proposé par le Clemi. L'éducation aux médias doit
permettre aux futurs citoyens d'acquérir le goût de l'information, d'en saisir
la dimension fondamentale pour la vie démocratique, de la discuter et
d'apprendre à s'informer en étant capable de déjouer certains pièges de
la désinformation ou de la surinformation.
C'est pour faciliter toutes ces activités que le Clemi organise depuis bientôt
18 ans « la semaine de la presse et des médias dans l'école » (voir p.28).
Le succès de cette opération hors du commun joint aux nouvelles
dispositions du « socle commun de connaissances » devrait faire de la
presse un objet moins lointain pour les jeunes et leur permettre d'en
apprécier l'importance dans leurs choix médiatiques.
* Itinéraires de découverte, travaux personnels encadrés, enseignement
civique, juridique et social
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… Publications
Evaluation des pratiques en
éducation aux médias, leurs effets
sur les enseignants et les élèves,
Clemi, 1999 (co-auteur)
Les jeunes et Internet,
Clemi, 2001
Mediappro, appropriation des
nouveaux médias par les
jeunes, tirage limité en anglais
pour la Commission européenne,
2006
Ces trois ouvrages sont en ligne
sur le site : www.clemi.org
Apprendre la télé : le JT, Dvd-Rom
coproduit par l’INA, les CEMEA
et le Clemi, Jeriko/CEMEA, 2003
(copilote et co-auteur)
Télévision mode d’emploi, CNDP,
2003 (coordinatrice et co-auteur)
La presse scolaire
Le Clemi apporte aussi son
concours aux jeunes
producteurs d'information,
parmi lesquels de nombreux
adolescents à la recherche
d'eux-mêmes, qui font
partager leurs points
de vue sur le monde et
expérimentent ces formes
de la communication
démocratique. Cette presse
scolaire et lycéenne est
porteuse de contenus
originaux et profonds,
qui nous informent sur les
préoccupations et les points
de vue des jeunes.
En 2006, le Clemi s’est
associé à la Bibliothèque
Nationale de France pour
conserver ces journaux
dans le cadre d’un dépôt
légal.
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Citato, la revue
Le Dossier de presse des ados
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Franck Tirlot Entretien
Propos recueillis
par Anne Lanchon
Les jeunes sont-ils fâchés avec la presse écrite ? Ils la trouvent coûteuse,
ardue, trop éloignée de leurs centres d’intérêt… Le magazine Citato
pourrait bien les réconcilier avec elle. Créé il y a trois ans par deux
journalistes, Franck Tirlot et Mehdi Lounis, ce mensuel au concept
original affiche en 2006 175 000 exemplaires vendus, l’un des plus
gros tirages de la presse jeunesse. Rencontre avec Franck Tirlot,
directeur de la rédaction.
Lecture Jeune : Comment est né Citato ?
Franck Tirlot,
directeur de la rédaction de Citato.
Franck Tirlot : Après des études à l’IFP (Institut Français de Presse) et une
brève expérience dans la communication et l’édition, Mehdi et moi avons
eu envie de créer un magazine pour les adolescents d’un genre nouveau,
destiné à leur faire découvrir et aimer la presse. Le concept était simple, il
avait déjà été expérimenté pour les adultes avec Courrier International : une
revue de presse constituée d’articles sélectionnés dans les quotidiens et les
magazines. L’originalité de notre projet consistait à le distribuer gratuitement
dans les établissements fréquentés par les jeunes : lycées, collèges, facs,
restaurants universitaires... Puisque les adolescents ne venaient pas
spontanément vers la presse, nous allions aller à leur rencontre !
L.J. : Comment ont réagi les éditeurs et les médiateurs ?
F.T. : Très favorablement. Les premiers y ont vu l’occasion d’être mis en
valeur et de gagner de futurs lecteurs, puisque nous citons toujours nos
sources. Les fédérations de documentalistes (FABDEN et ANDEP) se sont
montrées très enthousiastes, tout comme le Clemi qui nous a aidés à finaliser
notre projet. Nous avons même reçu en 2003 le prix Jacques Douce d’aide
à la création d’entreprise des mains de Xavier Darcos, alors ministre délégué
à l’enseignement scolaire. Il ne nous restait plus qu’à tester la formule auprès
des adolescents, ce que nous avons fait en décembre 2003 en envoyant le
numéro 0 à 1200 documentalistes de lycées. Le succès a été immédiat, et
en mars 2004, nous lancions le numéro 1.
L.J. : Pourriez-vous préciser votre concept ?
F.T. : Citato se compose principalement d’articles sélectionnés dans la presse
française, mais aussi d’articles écrits par la rédaction. Il est bâti autour d’un
dossier principal en lien avec l’actualité ou proche des intérêts des lecteurs
(le commerce équitable, les banlieues, la bande dessinée…), de pages
d’informations (monde, France, sport, sciences), culture (cinéma, livres,
musique, jeu vidéo), mode et formation. Nous tâchons de séduire les
adolescents avec des sujets qui les intéressent vraiment (leurs loisirs, leur
avenir) et en profitons pour les initier à des sujets plus graves : dans Citato le
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débat sur la peine de mort coexiste avec Mario Bros ! Par ailleurs, chaque
numéro comporte un sondage réalisé par l’institut BVA qui rend compte de
l’opinion des jeunes en matière de politique, d’enseignement, de télévision…
Pour finir, deux rubriques régulières reflètent notre volonté d’éducation aux
médias, nous y tenons beaucoup et elles sont très appréciées : l’analyse
d’une image (photo, illustration de presse, publicité) par un professeur de
sémiologie, Frédéric Lambert, et le témoignage d’un professionnel de la
presse : éditorialiste, photographe, maquettiste…
L.J. : Comment sélectionnez-vous vos articles ?
F.T. : Nous puisons nos articles dans plus de 150 supports : presse
quotidienne de toutes tendances (Le Monde, Le Figaro, L’Humanité,
La Croix …), newsmagazines (Le Point, Le Nouvel Observateur…), presse
sportive (Onze mondial, Midi Olympique…), culturelle (Studio, Lire, Rolling
Stone…), scientifique (Sciences et Avenir, Sciences et Vie…), enfin presse
du monde entier avec Courrier International. Nous sélectionnons les meilleurs
articles, les plus clairs, sans jamais les réécrire. En revanche, il nous arrive
de les couper ou de les compléter par une mise en perspective ou un
glossaire pour rendre leur lecture plus aisée. Sur certains sujets délicats,
comme ce fut le cas avec le CPE, nous avons à cœur de présenter deux
points de vue opposés : nos lecteurs doivent se forger leur propre opinion,
à nous de leur en donner les moyens. Bien entendu, nous rémunérons tous
ces articles à leur auteur ou leur éditeur : c’est le prix de notre indépendance.
L.J. : Quels sont les ressources de Citato ?
F.T. : 80% de nos ressources proviennent de la publicité, 20% de nos
abonnements. Citato est gratuit pour ses lecteurs adolescents, mais pas pour
les établissements qu’ils fréquentent (1) ! Nous comptons aujourd’hui 1600
abonnés payants : 45% dans les lycées, 40% dans l’enseignement
supérieur, 15% dans les collèges. Le reste se répartit entre les bibliothèques,
les centres d’orientation jeunesse, les CROUS, quelques particuliers… En
général, les documentalistes les installent dans un lieu de passage. Les élèves
se servent et emportent le magazine chez eux. Et si l’on en croit le courrier
des lecteurs ou leurs blogs, ils le lisent vraiment, surtout dans les régions où
l’accès à la presse est moins facile.
Citato est un mensuel édité
par la SARL Citato,
dont les principaux
actionnaires sont M6
Interactions, Franck Tirlot
et Mehdi Lounis.
Rédaction et siège social :
89, av. Charles-de-Gaulle,
92575 Neuilly-sur-Seine Cedex
Tél. : 01.41.92.26.73
Fax : 01.41.92.58.06
e-mail : [email protected]
site : www.citato.org
Directeur de la rédaction :
Franck Tirlot
Rédacteur en chef :
Mehdi Lounis
L.J. : Citato sert-il de support aux enseignants ?
F.T. : Parfois. Comme ils disposent de plusieurs exemplaires, c’est pratique
pour eux. Ils analysent la composition des articles, le commentaire d’images,
étudient notre page en anglais. Mais ce n’est pas la vocation première de
Citato, qui a pour ambition de donner aux jeunes le goût de la presse écrite
et d’en faire des lecteurs assidus et avisés, une fois devenus adultes. Pour
cela, il faudrait que les éditeurs de presse fassent un réel effort d’accessibilité,
aussi bien éditorial que financier.
LJ : Au fait, que signifie Citato ?
F.T. : C’est la question que tout le monde pose ! Citato vient du latin
« opere citato », expression que l’on trouve souvent en version abrégée
« op. cit. » dans les textes et qui signifie « ouvrage cité ». Elle reflète
parfaitement notre concept.
Lecture Jeune - mars 2007
(1) Tarifs abonnement annuel :
1 ex. : 29,38 €HT
50 ex. : 59,80 €HT
100 ex. : 69,90 €HT
150 ex. : 89,90 €HT
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Les «P’tits déj’ info»
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Une expérience
Le Dossier de médiation de la presse
Elsa Declerck Témoignage
Propos recueillis
par Valérie Médiano
Depuis octobre 1999, la bibliothèque de Puget-Ville (83) propose à ses
usagers des « P’tits déj’ info ». Lecteurs adultes et adolescents s’y
retrouvent pour lire et commenter la presse écrite autour d’un café et
de croissants. Une animation qui rencontre un vrai succès dans cette
petite commune.
Lecture Jeune : Qu’est-ce qui est à l’origine de ce
projet ?
Elsa Declerck, responsable du projet : Nous souhaitions créer un espace
de convivialité et de rencontre entre l’équipe de bibliothécaires et les
lecteurs d’une part, et pour les usagers d’autre part. L’actualité nous a paru
un excellent fil conducteur. D’autant que la bibliothèque de Puget-Ville ne
dispose pas d’un budget important et n’a pas les moyens de s’abonner à
des quotidiens. Nous offrons aux 3500 habitants de la commune 10 000
documents, parmi lesquels très peu de magazines. Les « P’tits déj’info »
nous donnent l’occasion de rattraper ce « manque ». Le jour de l’animation,
nous achetons au numéro plusieurs quotidiens et hebdomadaires auxquels
la bibliothèque n’est pas abonnée, et jouons ponctuellement notre rôle de
médiation pour ces supports.
LJ : Quel est le principe de cette animation ?
E.D. : La formule est simple. Tous les deux mois environ, nous proposons au
public de se réunir un samedi matin de 9h à 11h dans une salle d’une
capacité de 80 personnes. La grande taille de la salle évite de mettre en
place un système de réservation. Lorsque le temps le permet, nous
accueillons même les usagers à l’extérieur, c’est très sympathique. Cette
rencontre a lieu autour d’un petit déjeuner offert par la bibliothèque. Nous
organisons cinq rencontres par an environ.
LJ : Quels journaux achetez-vous ?
E.D. : Des titres de presse quotidienne locale (Var Matin, La Marseillaise) et
de presse quotidienne nationale (Le Monde, Libération, L’Equipe…), mais
aussi des news (Le Nouvel Observateur, Le Point, L’Express…), des journaux
satiriques (Le Canard enchaîné, Charlie Hebdo), parfois des magazines
spécialisés que nous voulons tester auprès de nos lecteurs ou qu’ils nous
réclament.
LJ : Comment se déroulent les « P’tits déj’ info » ?
E.D. : Les participants découvrent ensemble les différents journaux. Le débat
s’ouvre ensuite sur les sujets d’actualité. Les discussions sont animées soit
par les bibliothécaires, soit par des intervenants extérieurs lorsque le « P’tit
déj’ info » comporte une thématique spécifique, ce qui arrive parfois. Nous
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avons ainsi consacré un samedi à Internet, et fait intervenir Philippe Dho,
un créateur de sites qui anime un PointCyb.
LJ : Les participants sont-ils nombreux ?
E.D. : Nous avons en moyenne 20 à 30 personnes à chaque fois : des
adultes et des adolescents de 13 à 19 ans. Parfois, l’animation attire un
public qui ne fréquente pas la bibliothèque. Cela a été le cas autour
d’Internet, où la participation des non-inscrits était majoritaire.
LJ : Comment attirez-vous le public adolescent ?
E.D. : La bibliothèque compte 1000 adhérents parmi lesquels 160
adolescents. Nous tâchons de les investir dans l’organisation même de
l’événement en leur proposant d’installer la salle. Nous effectuons un travail
intensif de promotion également. Les ados naviguent d’une animation à
l’autre : quand on les invite, ils viennent toujours. Par ailleurs, nous
annonçons nos « P’tits déj’ info » sur le site de la bibliothèque, par des
dépliants distribués dans les commerces et des annonces dans la presse
locale.
LJ : Lors de ces animations, débattez-vous du contenu
ou du traitement de l’actualité ?
E.D. : Les discussions tournent surtout autour du contenu. La plupart du
temps, les sujets s’imposent d’eux-mêmes. Les discussions ont été vives à
propos du CPE ou des révoltes des banlieues. Chacun sentait le malaise
social s’installer et éprouvait le besoin d’en parler, de réfléchir au
« pourquoi » et au « comment ». Le contenu des journaux a servi de base
de discussion. Les jeunes, curieusement, sont restés un peu en retrait sur ces
questions qui les concernaient directement. Mais ils ont écouté avec
attention les interventions des adultes.
LJ : Les adolescents sont-ils gênés par la présence
des adultes ?
E.D. : Certainement. Le plus souvent, ils restent ensemble et discutent entre
eux. Des liens se créent parfois selon les thèmes abordés. Ces échanges
intergénérationnels restent toujours respectueux et courtois, y compris
lorsque le sujet fâche. Le public adolescent de la commune est plutôt
« facile ». Chaque projet varie en fonction de l’environnement socioéconomique de la structure : il aurait peut-être été différent ailleurs.
LJ : Quel est le programme des prochains « P’tits déj’ info »?
E.D. : Nous aborderons la peinture en avril. Nous avons prévu d’inviter un
plasticien, et mettrons à la disposition des lecteurs des magazines consacrés
à l’art. Nous achèterons tout de même des titres de la presse généraliste en
réponse à l’attente du public.
LJ : Quel bilan faites-vous de ce projet ?
E.D. : Nous sommes très satisfaites. C’est une animation qui fonctionne
bien, avec un petit budget et une équipe réduite : nous ne sommes que
deux bibliothécaires, Nadia Viano et moi-même. Le public est fidélisé, et
les débats permettent de faire le lien entre la presse et le livre. Les lecteurs
échangent souvent des conseils de lecture, en rapport ou non avec les sujets
d’actualité. Les « P’tits déj’ info » sont un vrai moment de partage.
Lecture Jeune - mars 2007
Bibliothèque de Puget-Ville
Place des droits de l’homme,
83390 Puget-Ville,
tél. : 04.94.48.38.47
Contact :
[email protected]
Site :
www.puget-ville.org
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Trois expériences
Le Dossier de promotion de la presse
Anne Lanchon En savoir plus
La semaine de la presse et des médias dans l’école
(1) Centre de liaison
de l’enseignement
et des moyens d’information
Enseignants et documentalistes sont invités à participer du 19 au 24 mars
à la 18e semaine de la presse et des médias dans l’école. Initiée par le
Clemi 1, cette semaine a pour but de faire découvrir aux élèves la diversité
et le contenu de la presse française, de les inciter à la lire et de
développer leur esprit critique. Tous les niveaux sont concernés, de la
maternelle aux classes préparatoires. Le Clemi met à la disposition des
enseignants un dossier pédagogique axé sur le thème de l’année, en
l’occurrence : « Découvrir le monde avec les médias ». Les
professionnels de la presse se mobilisent également : des milliers
d’exemplaires sont envoyés gratuitement dans les établissements et les
journalistes se déplacent pour répondre aux questions des élèves.
En 2006, 1400 médias se sont associés à la semaine de la presse, qui
s’est déroulée dans 13 000 établissements scolaires, représentant plus
de 4 millions d'élèves.
Site : www.clemi.org
Les assises de la presse écrite et de la jeunesse
Les assises de la presse écrite sont organisées tous les ans par
l’association Graines de citoyens qui a pour objectif de promouvoir la
lecture de la presse quotidienne auprès des jeunes de 15 à 25 ans. Ces
assises, gratuites pour eux, ont lieu tous les ans dans une ville différente.
Elles se sont déroulées à Lyon le 7 mars 2007. Lycéens et étudiants ont
eu l’occasion de débattre des grands enjeux de notre société (Sommesnous bien informés sur les progrès de la science ? Faut-il rapprocher les
entreprises et le système éducatif ?...) avec des personnalités telles
qu’Hubert Reeves, Philippe Meirieu ou Laurence Parisot. Les débats,
préparés par 14 classes pilotes avec leur enseignant ou leur
documentaliste, étaient animés par des rédacteurs en chef de quotidiens.
Site : www.grainesdecitoyens.net
Les kiosques d’Aquitaine
Depuis novembre 2006, les lycées et CFA d’Aquitaine qui le souhaitent
peuvent s’abonner gratuitement à une vingtaine de journaux nationaux
et régionaux. Cette opération, financée par le conseil régional, le
ministère de la Culture, le ministère de l’Education nationale et les
syndicats de la presse quotidienne vise à promouvoir la lecture de la
presse quotidienne auprès des lycéens et des apprentis. Des kiosques
sont mis à la disposition des élèves qui n’ont qu’à se servir, aucune
médiation n’est prévue.
Site : http://jeunes.aquitaine.fr
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Parcours de lecture
Livres accroche
Littératures
Bandes Dessinées
Documentaires
pages 30 à 34
pages 35 à 37
pages 38 à 41
Et après
Littératures
Bandes Dessinées
Documentaires
pages 42 à 47
pages 48 à 51
pages 52 à 53
Lecteurs confirmés
Littératures
Bandes Dessinées
Documentaires
Ouvrages de référence
pages 54 à 61
pages 62 à 66
pages 67 à 68
pages 69 à 70
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Parcours de lecture
Livres accroche Littératures
1I
Gilles Barraqué
Ill. de Catherine Meurisse
Nathan, 2006
139 p.
4,50 €
2-09-250785-0
Genre
Roman illustré
Humour
Mots clés
Langage
Dictature
La loi du roi Boris
Parce qu’il s’ennuie, le roi Boris cherche querelle au royaume voisin. Il
rédige une déclaration de guerre, mais son ministre Mettemberg lui fait
remarquer qu’il a mal orthographié l’adverbe « évidemment », avec un
« a » central en place du « e ». Piqué au vif et influencé par son
précepteur Moutrin, le roi dirige sa colère vers un nouvel ennemi : la
voyelle « e ». Il interdit à ses sujets d’employer ce « trait impur » à l’oral
comme à l’écrit, sous peine de terribles sanctions. Tandis que la
population se perd en synonymes et périphrases, la résistance
s’organise, avec à sa tête Mettemberg, officiellement renommé
Mottomborg. Moutrin, incapable de traduire ses œuvres dans la
langue qu’il a initiée, prend la fuite. Boris rend enfin justice à son
ministre. Une nouvelle question le hante désormais : à quoi sert le zéro ?
Ce petit roman servi par des illustrations croquignolettes propose une
interrogation amusante sur les rapports entre langage et liberté. Il
permet au jeune lecteur de prendre conscience qu’il existe mille
manières d’exprimer une même idée. Au gré d’une intrigue simple
mais bien rythmée, les discours autorisés privés de « e » succèdent aux
dialogues des résistants, qui suppriment les autres voyelles. Les
personnages sont hauts en couleurs, du roi fantoche au ministre épris
de justice, en passant par le précepteur prétentieux. Plus qu’un
exercice de style, voilà une lecture plaisante, humble et pleine
d’humour.
■ Cécile Burgard
Autre avis : Un roman court et bien troussé, à l’humour jubilatoire, en
hommage aux prouesses verbales de Georges Perec et de l’Oulipo.
Pour le plus grand plaisir du lecteur éberlué, la loi du roi Boris s’étend
progressivement à tous les dialogues. Et les « e » de se perdre...
La contrainte du lipogramme provoque de surprenantes créations
et conduit à des périphrases loufoques : ainsi un mari n’a-t-il plus
de femme mais un « patron à jupon » ! La fable pointe toutefois
derrière la farce. La tyrannie de Boris aboutit au règne sanguinaire
de l’absurde. Ceux qui prononcent la lettre interdite perdent un doigt
et dans le silence on médite l’assassinat du dictateur. L’humour noir
s’avère plus inquiétant qu’il ne paraissait d’abord. Cette fantaisie
décidément féroce rappelle d’autres traques sanglantes, bien réelles et
proches de nous.
■ Charlotte Plat
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2I
Ellana :
Le pacte des Marchombres, T. 1
Ellana est orpheline. Après quelques années passées au sein du peuple
des Petits, elle retourne chez les humains et découvre qu'elle est une
Marchombre. Commence alors pour elle un apprentissage rigoureux qui
va lui apporter l'harmonie et développer ses dons. Ce parcours initiatique
est l'occasion pour elle de découvrir le monde dans lequel elle vit et les
forces qui le régulent.
Dans des chapitres courts, rythmés, Pierre Bottero poursuit l'exploration
autour de Gwendalavir commencée avec La quête d’Ewilan et Les
Mondes d'Ewilan (LJ n°107). Si le genre héroic fantasy est à la mode,
Pierre Bottero réussit à le renouveler et à le rendre accessible aux jeunes.
Ces derniers devront attendre la fin de l’année pour le tome 2.
■ Laurence Guillaume
Le site de l'auteur (www.ewilan.com) aidera les curieux à comprendre la
genèse d'un cycle de fantasy. ndlr
Pierre Bottero
Rageot, 2006
426 p.
16 €
2-7002-3270-4
Genre
Roman d’aventures
Roman initiatique
Heroic fantasy
Mots clés
Orphelin
3 I Là-bas
Badr, 14 ans, vit seul avec sa mère, journaliste à la télévision. Le jeune
garçon, livré à lui-même, supporte de moins en moins les absences de
celle-ci, notamment le soir de son anniversaire, le 11 septembre 2001.
Les mois passent. Badr sombre peu à peu dans la dépression. Il sèche les
cours, boit du whisky Coca en visionnant les innombrables
enregistrements vidéos de sa mère. Il découvre ainsi qu’il a été adopté et
qu’il a une sœur dans un pays ravagé par la guerre.
Pour : Ce récit est un long cri de désespoir poussé par un adolescent
rongé par l’absence et le tourment. Le lecteur, ému, devient le témoin de
ce naufrage intérieur, jusqu’au malaise parfois. La construction en flashbacks en fait un roman déroutant, à l’instar du personnage principal.
Mais l’écriture maîtrisée permet une lecture aisée.
■ Juliette Buzelin
Contre : Ce roman bien construit et à l’écriture directe dépeint avec
justesse l’isolement d’un adolescent. Mais l’image de l’adoption qu’il
véhicule est choquante : une journaliste prend le risque d’adopter un
enfant irakien et le délaisse ensuite totalement… Pas très crédible, ni
généreux ! L’adoption d’un enfant étranger, quand on connaît les
difficultés de cette démarche, n’est pas un « gadget humanitaire ».
■ Cécile Robin-Lapeyre
Lecture Jeune - mars 2007
Romuald Giulivo
L’école des loisirs,
2006 (Médium)
139 p.
9€
2-211-083-96-X
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Adoption
Dépression nerveuse
Relation mère/fils
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Livres accroche
4I
Philip B. Kerr
Trad. de l’anglais
par Pascale Jusforgues
Bayard jeunesse, 2006
361 p.
15,90 €
2-7470-2046-0
Genre
Roman d’aventures
Fantasy
Mots clés
Magie
Gémellité
Après leur première aventure en Egypte, John et Philippa Gaunt sont à
nouveau sollicités par leur oncle Nemrod. Les jumeaux doivent
absolument retrouver le grimoire de Salomon, qui a été dérobé. Ce
recueil d’anciens sortilèges confère des pouvoirs très puissants à celui qui
le possède. S’il tombait entre de mauvaises mains, l’avenir de toute la
communauté des Djinns, dont ils font partie, serait compromis ! John et
Philippa embarquent à bord du Royal Express de Hongrie pour négocier
avec le voleur. Mais la jeune fille est enlevée pendant le voyage ! John
n’a plus qu’une idée en tête : retrouver sa sœur.
Second volet de la trilogie de Philip B. Kerr, ce roman tiendra les jeunes
lecteurs en haleine, grâce à de nombreux rebondissements. Londres,
Berlin, mais aussi Istanbul ou encore l’Irak : le périple est long, exotique
et semé d’embûches, ce qui rend l’aventure captivante. L’auteur met
particulièrement l’accent sur l’amour fraternel et la douleur liée à la
disparition d’un être cher : jusqu’où peut-on aller pour sauver une
personne que l’on aime ? Ceux qui ont apprécié le premier tome ne
seront pas déçus et attendront le prochain volume avec impatience !
■ Maryon Wable-Ramos
5I
Joshua Mowll
Trad. de l’anglais
par Luc Rigoureau
Flammarion, 2006
304 p., 306 p.
15 €
2-08-16-3116-4
2-08-16-3117-2
Genre
Roman d’aventures
Mots clés
Science
Explorateur
Les enfants de la lampe magique :
Le Djinn bleu de Babylone, T.2
Les aventuriers du Cercle :
Opération Zoridium, T.1
Opération Typhon, T.2
Voici les deux premières aventures de Rebecca et Douglas MacKenzie,
deux adolescents dont les parents ont mystérieusement disparu lors d’une
expédition en Chine. Rebecca et son jeune frère sont confiés à leur oncle,
Fitzroy MacKenzie, capitaine haut en couleur de L’Expédient. Nous
sommes en 1920, les jeunes gens embarquent sur ce navire scientifique
en partance pour une mission inconnue, dont ils vont essayer de percer
le secret. Leur curiosité les conduit dans une aventure aux nombreux
rebondissements, au cours de laquelle ils découvrent l’existence du Cercle
du savoir, une société secrète qui a pour but de rassembler quatre
« gyrolabes » et semble avoir un lien avec la disparition de leurs parents.
Ces livres sont avant tout de beaux objets : Joshua Mowll, leur auteur, est
également graphiste et les a remarquablement illustrés de planches, de
dessins et de photos anciennes. Ils apportent au récit une caution
authentique. La narration ne manque pas d’originalité non plus. L’auteur
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Littératures
se présente en effet comme l’héritier de Rebecca : elle lui aurait demandé
par testament de rendre publiques ses archives concernant le Cercle du
savoir. Le texte se partage donc entre le récit de Joshua et des extraits du
journal intime de Rebecca. Quant à l’aventure, passionnante et mêlée de
découvertes scientifiques, elle évoque les romans de Jules Verne ou
certains albums de Tintin. Les jeunes lecteurs devraient adorer.
■ Juliette Buzelin
6I
The Midnight Library :
Du sang sur le sable, T.2
Après un premier tome plutôt décevant (Les Voix, 2006), le second volet
de The Midnight Library offre une agréable surprise. Il se compose de
trois nouvelles courtes et effrayantes, dont le schéma narratif est à chaque
fois identique : au départ, une situation d’apparence banale et des
personnages ordinaires. Un événement insolite vient perturber la
tranquillité des héros, qui tentent de surmonter leur problème. Alors que
nous les croyons sortis d’affaire, le dénouement laisse entendre que rien
n’est résolu, bien au contraire ! Chaque histoire s’achève sur une note
d’angoisse et laisse imaginer le pire, comme c’est souvent le cas avec les
nouvelles fantastiques. Les récits vraiment effrayants sont rares pour les
jeunes lecteurs. Ces nouvelles, de lecture facile, les initieront au genre et
devraient leur plaire en distillant frissons et émotions.
■ Maryon Wable-Ramos
Réseau de lecture : dans le même registre, on pourra lire l’excellent
Coraline de Neil Gaiman, Albin Michel, 2003 (LJ n°108). ndlr
7I
Nick Shadow
Trad. de l’anglais
par Alice Marchand
Nathan, 2006
189 p.
10,50 €
2-09-251242-0
Genre
Fantastique
Mots clés
Peur
Paranormal
Roméo et Juliette
Malgré une maquette rose qui semble le destiner aux filles, cet album
constitue une première entrée réussie dans l’univers shakespearien, pour
les jeunes lecteurs qui dépasseront la découpe en coeur de la couverture.
Michel Piquemal adapte la tragédie de Roméo et Juliette sous la forme
d’un court récit, fidèle et imprégné d’échos aux vers de Shakespeare.
C’est un juste retour aux sources de la pièce, principalement inspirée
d’une nouvelle italienne. Celle-ci est présentée à la fin de l’album dans
une intéressante notice historique.
Sous le pinceau de Nathalie Novi, les couleurs chatoyantes des
premières illustrations laissent place aux tons froids de la nuit, prémices
de mort. L’ouvrage, peint à l’huile, rappelle l’Italie de la Renaissance à
travers de nombreuses réminiscences picturales et architecturales. Il nous
ramène aussi vers la scène élisabéthaine, grâce à la belle théâtralité des
images qui évoquent un spectacle : un décor en perspective campe une
Lecture Jeune - mars 2007
William Shakespeare
Adapt. de Michel
Piquemal
Ill. de Nathalie Novi
Albin Michel, 2006
48 p.
10,90 €
2-226-15917-7
Genre
Album
Mots clés
Théâtre
Amour
Mort
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Livres accroche
place italienne, deux amants sont symboliquement séparés par un rideau
cramoisi. Notre regard, tel celui d’un spectateur assis au balcon, plonge
à la fin de la représentation sur deux silhouettes inanimées, étendues sur
le fond rouge sang de la scène. Un bel album.
■ Charlotte Plat
8I
Anne Vantal
Actes Sud Junior, 2006 (ado)
125 p.
8€
2-7427-6352-X
Genre
Roman initiatique
Mots clés
Adoption
Voyage
Algérie
Un été outremer
Il n’y a jamais eu de secret pour Félicien : lui et sa sœur cadette ont été
adoptés par un couple d’enseignants. A 18 ans pourtant, lorsqu’il
consulte à la DDASS le dossier de ses origines, Félicien a un choc : il est
né à Alger d’une mère algérienne. Déstabilisé, le jeune homme rate son
bac et décide de partir à la recherche de sa mère biologique. Ecrit
comme un journal intime à la première personne, ce roman dépeint un
personnage en pleine confusion des sentiments. L’adolescent veut
connaître la vérité et pour cela, il est prêt à affronter toutes les difficultés
et à rompre avec sa famille adoptive. Son départ n’est pas une fugue, il
n’éprouve aucun ressentiment, seulement le besoin de « faire le vide »
pour s’imprégner de son nouveau pays et découvrir ses racines.
Le style simple et fluide de ce roman offre une lecture facile : le lecteur
découvre l’Algérie avec Félicien et apprécie ses nouveaux amis. Il évolue
et mûrit avec l’adolescent, ses sens s’éveillent au même rythme que lui,
jusqu’au dénouement final qui réserve une surprise et une désillusion.
Félicien est devenu adulte. Un bel hommage à Albert Camus conclut le
récit et le résume : « Ce n’est pas si facile de devenir ce qu’on est ».
■ Cécile Robin-Lapeyre
Autre avis : A 18 ans, Félicien peut enfin accéder à son dossier
d’adoption et découvre qu’il est arabe. Bouleversé, il rate son bac et
embarque pour Alger à la recherche de sa « véritable » identité, avec
comme seuls indices le nom de sa mère biologique et celui du plus grand
hôpital d’Alger. La découverte de cette ville exubérante incarne la
confusion de ses sentiments. Félicien s’y fraye un chemin et y trouve ses
repères. Chaque rencontre le rapproche de la vérité et de lui-même. Le
récit démarre par un échec scolaire et une interrogation identitaire et
s’achève sur une réussite personnelle : à la fin du roman, Félicien se sent
libre et adulte.
Bien construit, utilisant au besoin un langage familier, ce roman est facile
d’accès. La thématique de l’adoption pose en filigrane la délicate
question de l’identité culturelle. Elle se résout par la démarche simple et
spontanée avec laquelle le héros appréhende le monde.
■ Olivia de Villeneuve
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Parcours de lecture
Livres accroche BD
9I
H2 :
T.1, T.2
Hiro a choisi d'intégrer un lycée sans club de base-ball alors qu'il est
considéré comme un grand espoir dans cette discipline. En effet, un
médecin lui a diagnostiqué une blessure au coude l'empêchant de tenir son
poste de lanceur. Par dépit, il s'inscrit dans le club de football sans y briller,
réalise qu'il peut lancer la balle à nouveau et rejoint l'autre camp.
H2 est considéré par les fans de Mitsuru Adachi comme la meilleure série
de son auteur. On y retrouve avec plaisir tous les ingrédients qui font le
succès de ses mangas. Il réunit en particulier très habilement la vie
sentimentale des adolescents et le sport. Plus qu’un simple arrière-plan, le
sport sert de terrain d’expression aux jeunes Japonais. Le mangaka
s’intéresse pour la seconde fois au base-ball, c'était déjà le cas dans Touch,
son autre grand succès. L'humour est omniprésent dans cette comédie
sportive qui ravira les garçons comme les filles. Cette nouvelle série démarre
sous les meilleurs hospices.
■ Sébastien Féranec
10 I
Mitsuru Adachi
Tonkam, 2006
188 p., 184 p.
5,95 €
2-84580-875-5
2-84580-876-3
Genre
Shonen manga
Mots clés
Adolescence
Base-ball
Jérôme K. Jérôme Bloche : Un
chien dans un jeu de quilles, T.19
Le réveil de notre détective privé favori est quelque peu renversant ce
matin : une très jeune femme, le visage couvert d’ecchymoses, lui propose
15 000 euros pour tuer un homme ! Réputation oblige, Jérôme la flanque
à la porte. Quelques réflexions et un repas réparateur plus tard, il se lance
à la recherche de l’inconnue. De poursuites en cascades, parviendra-t-il à
démasquer le véritable ennemi ? C’est ce que nous apprendrons en lisant
le second volume de l’enquête, ici incomplète.
Personnage phare d’une sympathique série que nous suivons avec délices
(Le cœur à droite, LJ n°80 et La comtesse, LJ n° 99), Jérôme a su évoluer
sous le trait de son dessinateur Dodier. N’a-t-il pas depuis quelques épisodes
franchi le pas en se mettant en ménage avec la jolie Babette, qui le secoue
à bon escient ? Héros lunaire, rêveur, « enfourcheur » de solex, Jérôme
séduit et attendrit dans le paysage de la BD aux personnages masculins si
souvent caricaturaux. Lui est à la fois intemporel et contemporain.
■ Michelle Charbonnier
Lecture Jeune - mars 2007
Alain Dodier
Dupuis, 2006 (Repérages)
48 p.
9,80 €
2-8001-3837-8
Genre
Policier
Mots clés
Paris
Maltraitance
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Livres
Livresaccroche
accroche
11 I
Jean-Louis Fonteneau
Ill. de J. Etienne
Les Humanoïdes associés,
2006
48 p.
12,90 €
2-7316-1757-8
Genre
Aventure
L’histoire se déroule au pays de la célèbre « schlingotte », une crème de
fromage aux herbes de montagne. Notre héros, Brüssli, né d’un œuf, a été
recueilli et élevé par deux villageois. Malgré ce que lui disent ses parents,
Brüssli sent bien qu’il n’est pas un petit garçon ordinaire et décide de partir
à la recherche de ses origines. Parallèlement un complot se trame dans le
village et le bruit court que les loups sont de retour.
Même si l’on peut noter quelques longueurs, l’intensité dramatique monte
progressivement et l’humour laisse vite place à la peur. Le dessin est
séduisant, dans la veine de Gargouilles, du même illustrateur. Il évoque les
dessins animés de Disney, surtout quand surgit un lapin rose qui parle ! Le
travail sur les couleurs est tout à fait réussi. Si l’illustration peut paraître
enfantine, le scénario plaira aux collégiens.
■ Juliette Buzelin
12 I
Nicolas Jarry
Ill. d’Achile
Soleil, 2006 (Soleil Celtic)
48 p.
12,90 €
2-84946-568-2
Genre
Enquête
Fantasy
Mots clés
Orphelin
Delcourt, 2006
32 p.
8,90 €
2-7560-0363-8
Les chemins d’Avalon :
Trafic de fées, T.1
Solenn et son frère Colin ont fui l’orphelinat et se sont réfugiés dans une
maison abandonnée du port de Glennfinnan, sur la côte anglaise. Colin,
qui s’est proposé pour décharger un navire, découvre un trafic de petites
fées transportées dans des caisses. Par ailleurs, un inspecteur alcoolique
enquête sur le meurtre de plusieurs hommes, dont les yeux ont été crevés et
remplacés par des pierres d’obsidienne. Trolls, Pucks et autres monstres se
mêlent à l’histoire. Pourquoi ce trafic et ces meurtres ? Le lecteur, pris aux
tripes par cet univers glacé et inquiétant, attend la suite en frissonnant. Le
scénario, bien rythmé, est enrichi par un dessin vif et expressif. L’influence
des mangas et du cinéma est perceptible dans la composition des cases,
les grands yeux des personnages, les onomatopées monstrueuses,
la variété des plans. Froides et lustrées, les couleurs accentuent l’angoisse
du lecteur. Du bel ouvrage.
■ Agnès Donon
13 I
Rascal
Ill. de Thierry Murat
Brüssli le conquérant
Ysoline : Comme un poisson
dans l’eau !, T.1
Ysoline, une jeune adolescente, partage sa vie entre les domiciles de ses
parents divorcés. Elle a appris à ouvrir le parapluie qu’exhibe la première
de couverture pour se mettre à l’abri et défendre son territoire. Sa langue
bien pendue en témoigne ! Ysoline s’accommode de sa famille éclatée
mais revendique de devenir adulte. Le texte minimaliste met en scène un
personnage « candide » qui évoque celui d’Agrippine de Brétécher. On est
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BD
loin du stéréotype de l’adolescente. Chaque aventure, une par page,
construit peu à peu son portrait. Les bulles s’entassent à la verticale en un
dialogue serré ou étalent au contraire à l’horizontale les plages de silence.
Aucun narrateur n’intervient pour donner son point de vue, mais l’image
est parlante et le trait celui d’un caricaturiste. La tête, disproportionnée, fait
toujours face au lecteur et le jeu des regards révèle les non-dits du texte. Le
style possède les qualités d’une langue prise sur le vif mais aussi littéraire.
Les jeunes lecteurs se reconnaîtront aisément dans ce portrait. Ils adhéreront
à ce personnage sympathique et souriront devant l’infantilisme d’une
société qui demande aux adolescents de prendre en charge les désirs et
les erreurs des adultes.
■ Nicole Wells
14 I
Mots clés
Divorce
Adolescence
Hato, toujours plus haut !, T.1
Hato, toujours plus haut ! raconte le destin de deux jumeaux dans un Japon
de légendes. On retrouve avec plaisir le style naïf du maître du manga dans
cette œuvre singulière et peu connue. Elle surprendra les amateurs de
mangas, puisque Tezuka s’attaque ici au « roman graphique », ce bien
avant Will Eisner. L’auteur y mêle avec habileté textes illustrés et bande
dessinée. La narration des légendes japonaises, l’humour, le suspense, la
mythologie animiste et surtout la fantaisie raviront tous les publics. Malgré
une lecture dense, les plus jeunes lecteurs apprécieront cette œuvre que
l’auteur décrivait comme « son enfant préféré ». Un ouvrage qui prouve une
fois de plus le talent de raconteur d’histoires d’Osamu Tezuka, son profond
humanisme et son dédain des ambitions. Un manga à découvrir et un
auteur à redécouvrir !
■ Sonia Seddiki
15 I
37
Osamu Tezuka
Trad. du japonais par
P. Honnoré et Y. Maeda
Cornélius, 2006 (Paul)
14 €
2-915492-17-4
Genre
Manga
Roman graphique
Mots clés
Japon
Mythologie
Wizz et Buzz, T.1
Voilà deux crétins comme l’édition jeunesse n’a guère l’habitude de nous
en offrir. Avec leur look tout droit sorti d’une BD underground, Wizz et Buzz
n’ont a priori rien pour plaire. Duo inséparable, tour à tour amis et ennemis,
ils sont pour nous comme de vieilles connaissances, dont les blagues
minables nous font honte, mais que l’on retrouve avec plaisir, ne serait-ce
que parce qu’ils sont les premières victimes de leurs douteuses plaisanteries.
Piliers de la revue Ferraille, Winshluss et Cizo font leur entrée chez Delcourt,
dans la collection « Shampooing » dirigée par Trondheim. Sous l’apparente
simplicité du récit ils font preuve, si l’on ose dire, d’un mauvais goût très sûr,
macabre et légèrement scatophile, empruntant à l’univers burlesque des
cartoons ou parodiant différents genres populaires, y compris le
communiqué du ministère de l’Éducation ! Chaque histoire, particulièrement
soignée, possède une tonalité et un traitement propres. Une BD qui ne
prend pas ses lecteurs pour des imbéciles.
■ Éric Peltier
Lecture Jeune - mars 2007
Winshluss
Ill. de Cizo
Delcourt, 2006 (Shampooing)
32 p.
8,90 €
2-84789-931-6
Genre
Humour
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Parcours de lecture
Livres accroche Documentaires
16 I
Sylvain Allemand
Autrement, 2006
(Monde d’aujourd’hui)
95 p.
15 €
2-7467-0841-8
Mots clés
Développement durable
Mondialisation
Environnement
Contrairement à la « décroissance économique » prônée par certains
mouvements, le développement durable vise à concilier la production de
richesses avec la réduction des inégalités et le respect de l’environnement.
La réussite dépend de la mobilisation de chacun à son niveau de
responsabilité, depuis l’Etat jusqu’au simple citoyen, des décisions politiques
jusqu’aux gestes de la vie quotidienne.
Après avoir exposé les tares de notre mode actuel de développement
(inégalités persistantes, urbanisation galopante, atteintes à
l’environnement…), l’auteur montre pourquoi il faut agir sans plus tarder.
D’une présentation soignée, abondamment illustré, cet ouvrage expose avec
clarté les grands enjeux du développement durable.
■ Jean Ratier
Nouvelle collection : « Monde d’aujourd’hui » est une nouvelle collection de
l’éditeur Autrement qui s’adresse aux collégiens, aux lycéens et à leurs
parents. Visuelle et concrète, elle les incite à agir sur le monde qui les entoure.
Autres titres parus : L’entreprise, Les ONG. ndlr
17 I
Anne Blanchard
Ill. d’Emmanuel Cerisier
Bayard jeunesse Institut du monde arabe
68 p.
14,90 €
2-7470-2007-X
Mots clés
Sciences
Islam
Le développement durable
Le grand livre des sciences
et inventions arabes
La première moitié de ce livre est consacrée à l’histoire de l’empire
musulman, du VIIIe au XVe siècle. Chef de tribu, Mohamed cherche à
répandre la parole divine après avoir reçu la « révélation ». Devenu chef
politique et militaire, il impose sa religion, l’islam, et sa langue, l’arabe, dans
les pays conquis qui constituent un immense empire. Des villes naissent, le
savoir et la culture se développent. Soutenus par des califes éclairés soucieux
de faire rayonner leur puissance, des savants musulmans traduisent en arabe
des manuscrits grecs scientifiques et philosophiques, qui sortent ainsi de
l’oubli. La deuxième partie de l’ouvrage raconte l’épopée de cinq savants
originaires de cinq villes. A Bagdad au IXe siècle, le mathématicien AlKhwarizmi impose le chiffre zéro qu’il a découvert sous la forme d’un point
dans un livre indien. Un siècle plus tard au Caire, le scientifique Al-Hazen
étudie la réfraction de la lumière. Au XIe siècle, c’est à Ispahan qu’Avicenne
achève son grand livre de médecine. Cent ans plus tard, le géographe et
explorateur Al-Idrisi dessine à Palerme la première carte du monde. A
Damas au XIVe siècle, l’astronome Ibn al-Shatir mesure le temps grâce aux
étoiles. Impressionnant, ce que la culture arabe a légué aux sciences !
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Ce documentaire, facile à lire et joliment illustré devrait séduire les plus
jeunes. Un glossaire, une chronologie synoptique et une carte de l’empire
musulman au Xe siècle complètent la lecture.
■ Brigitte de Bergh
18 I
L’art à travers les âges
Ce nouveau documentaire sur l’histoire de l’art, abordable dès les
premières années de collège, retrace avec un synthétisme réussi un
parcours qui débute avec les peintures rupestres et se clôt en suspens sur
les formes naissantes de l’art contemporain. Attrayant sans intimider grâce
à son petit format, son papier glacé et ses couleurs vives, il multiplie les
pistes de lecture et favorise une utilisation sélective. De nombreuses
illustrations et iconographies éclairent le texte et rendent la lecture agréable.
Les frises chronologiques sur les rabats de couverture permettent de
visualiser les grands courants artistiques et l’évolution de l’art figuratif.
Pédagogue, l’auteur propose des jeux et des activités pour tester et mettre
en pratique ses connaissances. Un ouvrage astucieux qui donnera envie
aux plus curieux d’approfondir le sujet.
■ Elise Hoël
19 I
Sonia Chaine
Flammarion, 2006
(Castor Doc)
127 p.
8,50 €
2-08162777-9
Mots clés
Art
Histoire
Les explorateurs racontés
par les peintres
Des peintres célèbres, et d’autres moins, font ici mémoire des découvertes
qui, au fil des siècles, ont ouvert notre horizon terrestre, maritime et
spatial. D’Alexandre le Grand à Neil Armstrong, l’auteur nous invite à
emboîter le pas de vingt explorateurs aux objectifs divers. Il consacre à
chacun d’entre eux deux doubles-pages : la première relate le contexte
historique de l’expédition, la personnalité de son responsable et offre en
regard un détail du tableau choisi. La seconde apprend à décrypter
l’ensemble du tableau : sa composition, sa dynamique, la valeur des
lignes de fuite, de la lumière… et à dénicher les petits détails qui
complètent les non-dits. La visite de cette galerie d’explorateurs est très
variée : un colonisateur assoiffé d’or (Francisco Pizarro), un missionnaire
pacifiste (Jonathan Livingstone), un savant (Humboldt), un corsaire
(Francis Drake) sans oublier la Croisière noire, aventure publicitaire
organisée par André Citroën ! Les textes sont intéressants, bien écrits et
invitent à plonger dans des biographies plus fournies.
■ Brigitte de Bergh
Lecture Jeune - mars 2007
Séverine Charon
Bayard jeunesse, 2006
86 p.
19,90 €
2-7470-2049-5
Mots clés
Art
Explorateur
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Livres accroche
20 I
Jean-Yves Dana
Bayard jeunesse Le Mémorial de Caen,
2006 (J’ai vécu)
96 p.
9,90 €
2-7470-1914-4
Genre
Témoignage
Mots clés
Guerre d’Espagne
Pour ce huitième volume de la collection « J’ai vécu », le journaliste JeanYves Dana a recueilli les témoignages d’une républicaine, d’un
combattant franquiste et d’un membre des Brigades internationales.
Mercedes, Rafael et Antoine avaient respectivement 12, 18 et 21 ans
lorsque la guerre civile éclata en 1936. Ils évoquent ici leur enfance,
exposent les motifs de leur engagement, racontent « leur » conflit, l’aprèsguerre. Tous étaient persuadés d’agir pour le bien de l’Espagne, que ce
soit pour défendre la République, garante des libertés et du progrès, ou
les valeurs traditionnelles contre les excès du Front populaire. Aucun
d’entre eux ne regrette son engagement d’alors. Serions-nous prêts,
comme eux, à nous battre pour défendre notre idéal ?
Le dossier présenté en deuxième partie montre comment les tensions,
exacerbées par l’arrivée au pouvoir du Front populaire, rendaient le
conflit inévitable. Il aura provoqué la mort de 600 000 personnes, sans
compter les victimes de la répression qui a suivi.
Voilà un ouvrage très intéressant, facile à lire, à la maquette agréable. Il
est complété par une chronologie et un index.
■ Jean Ratier
21 I
Laure Mistral
Ill. de Sophie Duffet
De La Martinière jeunesse,
2006 (Enfants d’ailleurs)
47 p.
12 €
2-7324-3460-4
Mots clés
Israël-Palestine
J’ai vécu la guerre d’Espagne
Rachel vit à Jérusalem,
Nasser à Bethléem
Ce livre fait partie de la récente collection des éditions De La Martinière
jeunesse « Enfants d’ailleurs » qui a pour but de « faire connaître aux
enfants d’ici la vie quotidienne des enfants d’ailleurs » à travers le portrait
de plusieurs adolescents : ici Rachel, une jeune fille juive qui habite à
Jérusalem et Nasser, un jeune Palestinien qui vit dans un camp de
réfugiés en Cisjordanie. Leurs « témoignages » sont précédés d’une fiche
signalétique sur chaque peuple et d’un rappel historique. Dans ce
volume, compte tenu du sujet, la situation politique prend rapidement le
dessus sur la vie quotidienne.
Cet ouvrage a le mérite d’exposer de façon claire et impartiale une
situation complexe. Le choix des photos est intéressant, les cartes claires,
dommage que les illustrations viennent gâcher l’ensemble !
■ Juliette Buzelin
Nouvelle collection : neuf titres sont parus dans la collection « Enfants
d’ailleurs », qui s’adresse aux plus jeunes. Les plus récents sont Sultana,
Leïla et Everett vivent aux Etats-Unis, de Michèle Anouilh et Darya, Reza
et Kouros vivent en Iran, d’Armand Erchady. ndlr
Lecture Jeune - mars 2007
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Documentaires 41
22 I
100% technologique
Ces objets qui nous
changent la vie
Bon nombre d’objets familiers font appel à des techniques nouvelles et,
à moins d’être des spécialistes, nous ignorons leur fonctionnement. Le
présent ouvrage se propose de nous l’expliquer aussi simplement que
possible, depuis le lecteur MP3 jusqu’au Doppler, en passant par l’avion
à décollage vertical. Communication, sports et loisirs, à la maison,
transports, travail, santé : chaque domaine est introduit par un bref
historique et s’achève sur une conclusion qui trace les perspectives
d’avenir et souligne, le cas échéant, les risques à éviter. La fin de
l’ouvrage, polyvalente, propose une chronologie, de brèves notices
biographiques d’inventeurs ainsi qu’un glossaire et un index.
L’ensemble est intéressant, la présentation soignée et le texte évite les
développements techniques ardus. L’illustration est abondante, attractive
et plutôt claire.
Le choix des 90 objets présentés est forcément arbitraire. On s’étonnera
tout de même de trouver les allumettes et la machine à laver le linge,
qui n’ont rien à voir avec les techniques modernes ! La traduction quant
à elle laisse franchement à désirer. Pourquoi le traducteur écrit-il
« connection » au lieu de connexion et parle-t-il de « hardware » et de
« software » au lieu de matériel et logiciel ?
■ Jean Ratier
Lecture Jeune - mars 2007
Chris Woodford
Luke Collins
Clint Witchalls
Ben Morgan
James Flint
Trad. de l’anglais
par Bruno Porlier
Gallimard jeunesse, 2006
256 p.
24,50 €
2-07-057289-7
Mots clés
Science
Technologie
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Parcours de lecture
Et après Littératures
23 I
Franck Beddor
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Sidonie Van den Dries
Bayard jeunesse, 2006
353 p.
15,90 €
2-7470-1799-0
Genre
Roman initiatique
Mots clés
Liberté
Amitié
Alyss est la jeune princesse du Pays des Merveilles. Durant la fête donnée
en l'honneur de ses sept ans, sa tante Redd, exilée, revient prendre le
pouvoir. Elle assassine les parents d'Alyss qui doit s'enfuir dans le monde
réel. La jeune fille est adoptée par la famille Liddle à Oxford. Pendant
treize ans, elle tente d'oublier son royaume où la résistance s'est
organisée autour de Dodge, son ami d'enfance.
Ce roman d'initiation nous plonge dans un univers manichéen où
s'opposent magie blanche et magie noire. Les personnages, très
nombreux, doivent choisir leur camp entre Alyss et sa tante Redd. Ils sont
parfaitement décrits avec une mention spéciale pour le Chat, homme de
main de Redd et le Chapelier, garde du corps d'Alyss.
L'élément le plus intéressant est bien évidemment d'avoir utilisé Alice au
Pays des Merveilles et son auteur comme sources d’inspiration du
scénario. Cela attisera sans doute la curiosité des adolescents, et
suscitera chez eux l’envie de le comparer avec l’original de Lewis Carroll,
alias Charles Dogson, en attendant la suite de cette série.
■ Sébastien Féranec
24 I
Pierre Bottero
Rageot, 2006
307 p.
15 €
2-7022-3119-8
Genre
Roman d'aventures
Mots clés
Adolescence
Différence
Amitié
Les guerres du miroir :
Alice en exil, T.1
L’autre :
Le souffle de la hyène, T.1
Natan, un jeune Français qui vit à Montréal, possède des qualités
physiques et intellectuelles exceptionnelles. Un soir, il échappe
miraculeusement à une bombe qui ravage sa maison et tue ses parents, et
reçoit sur son portable un message préenregistré de son père lui indiquant
de rejoindre sa famille à Marseille. Là-bas, il rencontre une jeune fille, Shae,
qui tente de contenir le « monstre » en elle. Les deux adolescents se
découvrent de nombreux points communs.
Cette nouvelle série de Pierre Bottero commence vraiment fort. L'univers est
très riche : les deux adolescents appartiennent à sept familles apparues à
l'époque sumérienne (4500 av. Jésus-Christ) et aux pouvoirs incroyables
(transformation, guérison...). Le récit, truffé de rebondissements, se lit
aisément et laisse présager une belle relation amoureuse. Une réussite dont
on attend la suite avec impatience.
■ Sébastien Féranec
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25 I
Le garçon en pyjama rayé
Bruno, 9 ans, ne veut pas quitter Berlin, sa maison à cinq étages, ses trois
amis et ses grands-parents. Mais la famille doit déménager à cause du
travail de Père. Le garçon découvre alors une campagne sans animaux et
sans potager, avec des baraquements partout, de hauts murs surmontés de
fils barbelés et tous ces gens de l’autre côté, si tristes dans leurs pyjamas
rayés. Décidément, « Hoche-Vite » est un endroit affreux pour un petit
garçon. Si le lecteur comprend assez vite quel métier exerce le père de
Bruno, l’enfant narrateur conserve jusqu’au bout de ce magnifique roman
son regard candide. Quand il approche de la vérité, ses questions restent
sans réponse : « Et qui avait décrété que les uns porteraient un pyjama rayé
et les autres un uniforme ? ». Shmuel, de l’autre côté de la barrière, n’a pas
plus de réponses que lui. Les deux innocents deviennent amis, tout
simplement, et comparent les brassards de leurs pères : une croix gammée
pour l’un, une étoile jaune pour l’autre. Ce roman intelligent, d’une grande
simplicité narrative et pourtant très efficace culmine avec une fin
bouleversante, loin de tout pathos. Un roman sur les camps comme on
en a rarement lu, où le point de vue d’un enfant dénonce l’injustice de
façon originale et efficace.
■ Sandrine Brugot-Maillard
Autre avis : Bruno, jeune héros de l’histoire, ne cerne pas du haut de ses
jeunes années les enjeux de son époque. Une famille aisée, un père que l’on
sait être un haut dignitaire nazi, une mère nostalgique et une sœur
improbable. L’élément perturbateur surgit comme dans la trame d’un conte.
Bruno se rend compte que sa maison jouxte un lieu dans lequel sont
enfermés des adultes et des enfants. Son seul objectif est de rentrer en contact
et de jouer avec l’un d’entre eux au péril de sa vie. Ce texte très fort, qui se
présente clairement comme une fable, suscite bien des commentaires. Pour
ma part je le reçois comme un récit à la tonalité juste, et je fais abstraction
de mes connaissances historiques d’adulte. Bouleversant et digne, cet enfant
jusqu’au-boutiste nous redit l’absurdité et l’horreur par le biais de sa
« candeur ». Ce texte n’a pas d’ambition « documentaire », il permettra à
de jeunes lecteurs de collège de lire sous la forme d’une fiction différente un
texte dérangeant.
■ Michelle Charbonnier
Réseau de lecture : on retrouve la même candeur dénonciatrice dans le film
de Roberto Benigni La vie est belle. ndlr
26 I
John Boyne
Trad. de l’anglais
par Catherine Gibert
Gallimard jeunesse, 2006
(Folio Junior)
205 p.
5,60 €
2-07-057069-X
Mots clés
Shoah
Enfance
Amitié
Dans la peau des arbres
Une adolescente de 16 ans, Didi pour ses proches, vit sans plaisir dans le
nord de la France avec des parents qu’elle juge distants. Elle préfère les
vacances insouciantes dans le Sud chez sa grand-mère. Mais cet été-là,
l’incendie de la pinède autour de la propriété familiale va tout bouleverser.
La mort de l’aïeule délie les langues et conduit les parents de Didi à révéler
Lecture Jeune - mars 2007
Isabelle Collombat
Rouergue, 2006 (DoAdo)
219 p.
10 €
2-84156-787-7
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Et après
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Relation mère/fille
Adolescence
enfin le mystère qui entoure sa naissance.
Ce roman aux allures de journal met en scène le passage à l’âge adulte
d’une adolescente. Didi ne fait rien pour infléchir le cours des choses. Après
un parcours initiatique vécu passivement, elle sort de sa chrysalide. Tous les
stéréotypes sont là, avec la mise en scène d’un roman familial dans lequel
se joue la jalousie d’une fille envers sa mère. Après une séparation « à
l’amiable » avec des parents un peu falots, le départ avec l’ami d’enfance
transformé en prince charmant représente une conquête limitée de
l’autonomie. Le livre séduira les lectrices friandes d’histoires romanesques.
Il offre un miroir grossissant de l’univers adolescent sur fond d’incendies.
Mais en plaçant la mort au centre du récit, il touche avec délicatesse un
point sensible. La langue qui détaille le quotidien ne s’embarrasse pas de
détours, mais devient poétique pour évoquer le rapport sensuel à la nature
ou la complexité du monde intérieur. Cela tire le roman du côté de
l’émotion et en rend la lecture agréable.
■ Nicole Wells
27 I
Maryline Desbiolles
L’école des loisirs, 2006
(Médium)
87 p.
8€
2-211-083-27-7
Genre
Roman intime
Mots clés
Imaginaire
Immigration
Aïzan
Aïzan était toute petite quand elle quitta la Tchétchénie avec ses parents. Le
temps de séjourner dans un hôtel miteux à Paris, son père disparaissait pour
ne jamais revenir. « De la chambre d’hôtel très étroite elle se souvient, et de
l’odeur de son père, l’odeur un peu brutale de son torse nu contre lequel
elle s’était endormie un soir qu’il faisait tellement chaud. Mais quelquefois
l’odeur de son père ne réapparaît pas, elle se souvient qu’elle se souvient,
rien d’autre pour attester qu’un jour, ils furent trois, chiffre magique, il n’y
en a pas de plus beau pour Aïzan. » Ensuite, elles ne sont plus que deux :
l’enfant et sa mère s’installent dans une cité de Nice, l’Ariane, un nom qui
plaît tout de suite à Aïzan. A cause du A initial qui la relie à son prénom et
à la ville dont elle est originaire, Argoun. A cause de l’héroïne mythique
abandonnée par Thésée. Ariane, c’est ainsi qu’Aïzan la solitaire appelle
son amie imaginaire. Elle aimerait comprendre son histoire, mais sa mère
travaille beaucoup et parle peu. Alors Aïzan se renferme, se réfugie dans
son monde intérieur. Heureusement, il y a les cours de danse orientale et
Kevin, ce garçon à l’école dont la vie familiale n’est pas simple non plus.
Maryline Desbiolles livre un récit sensible et ténu qui ne manque pas de
charme. En filant la métaphore d’Ariane, elle dresse un portrait tout en
finesse d’une petite immigrée en manque de père et de repères. Il existe
certes beaucoup de romans pour adolescents sur le sujet, celui-ci a le mérite
d’éviter tout misérabilisme : Aïzan, petit pierrot lunaire, puise dans son
imagination pour avancer et se construire. Ce roman est servi par une
écriture aérienne, poétique et néanmoins très accessible. ■ Gaëlle Glin
Autre avis : Maryline Desbiolles construit son récit autour de la figure
d’Ariane. Ariane est le nom d’un quartier défavorisé de Nice dans lequel
vivent la jeune Aïzan et sa mère, originaires de Tchétchénie,
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Littératures
abandonnées par le père de la fillette. C’est également ainsi qu’Aïzan
baptise sa sœur imaginaire, qu’elle fait apparaître « pour être à nouveau
trois ». C’est évidemment le mythe qu’elle découvre à l’école et qui vainc
son ennui. Alors son ami Kévin devient Thésée et Aïzan, peu à peu,
prend plaisir à vivre.
L’auteur aime les mots. Elle compose un univers poétique et délicat et livre
quelques instants, des sensations. Cet ouvrage touchera des lecteurs
sensibles. Peut-être seront-ils peu nombreux à rencontrer Aïzan, mais la
fragilité et la douceur du personnage sauront les émouvoir et les transporter.
Hélène Sagnet
Aïzan est le premier ouvrage pour la jeunesse écrit par Maryline Desbiolles,
auteur d’Anchise (prix Fémina 1999). ndlr
28 I
Trop parfait pour être honnête
Bastien est l’ami idéal. Quel que soit le problème (amour, argent, déprime)
il accourt, toujours prêt à rendre service sans rien demander en retour. Tant
d’empathie étonne de la part de ce jeune homme, qui par ailleurs ne
connaît pas son père. Lorsque Bastien vient en aide à Jérémy pour retrouver
son père naturel, il décide de se faire passer pour son ami. Mais tel est pris
qui croyait prendre ! Les ressemblances entre Bastien et le supposé père de
Jérémy s’accumulent, notre jeune héros se prend à douter.
Dans ce roman écrit à la première personne, Bastien laisse peu
transparaître ses émotions. L’écriture est efficace, parfois elliptique. Etre
partout là où on a besoin de lui, ne jamais dévoiler ses sentiments, ses
doutes… Bastien pourrait être ce narrateur omniscient qui maîtrise le cours
de l’histoire. Jusqu’au jour où il découvre l’inconsistance du socle sur lequel
il prend appui. Bastien dérape, perd son contrôle, se perd lui-même. Et nous
le découvrons enfin. Le thème de l’identité est ici abordé de façon originale.
La dernière scène, où l’émotion trouve finalement sa place, vient clore de
façon brillante ce récit à ne pas manquer.
Elise Hoël
29 I
Joaquin Dorfman
Trad. de l’anglais (Etats - Unis)
par Nathalie Laverroux
Milan, 2006 (Macadam)
403 p.
9,50 €
2-7459-1986-5
Genre
Roman initiatique
Mots clés
Filiation
Mensonge
Amitié
Une année douce amère
Emile, le narrateur, a quatorze ans en 1944. Il vit au Chambon-sur-Lignon
en Haute-Loire, village reconnu depuis comme « juste » pour avoir caché
beaucoup de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, avec un courage
et une générosité sans faille. Ce récit très simple et précis évoque, à travers
les petits événements de la vie scolaire - Emile prépare le concours d'entrée
à l'école normale d'instituteur - les amitiés et les jalousies entre copains, les
premiers émois amoureux, les alertes quand apparaît la police ou les
Allemands, l'aide apportée au maquis... La gravité de la situation
n’empêche pas la joie de vivre. Une lecture facile et instructive, pour ceux
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Pascale Maret
Thierry Magnier, 2006
160 p.
8€
2-84420-485-6
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Et après
Genre
Roman historique
Mots clés
Seconde Guerre mondiale
Résistance
qui s’intéressent à cette période de l’histoire.
■ Gilberte Mantoux
Réseau de lecture : sur ce thème, on recommandera entre autres la lecture
de Paroles d’étoiles (Librio, 2004), récits bouleversants d’enfants cachés
pendant la guerre ainsi que le roman de Rolande Causse, Les enfants
d’Izieu (Syros, 2004), qui raconte à l’inverse le destin tragique d’enfants
cachés puis trahis. ndlr
30 I
Stephenie Meyer
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Luc Rigoureau
Hachette jeunesse, 2006
571 p.
18 €
2-01-201295-7
Genre
Roman fantastique
Mots clés
Vampire
Loup-garou
Amour
Bella fête ses dix-huit ans chez les parents de son petit ami Edward, un
vampire. Mais la jeune fille se coupe, saigne et manque de se faire mordre
par un membre de la famille Cullen. Pour protéger celle qu’il aime, Edward
décide de disparaître de la vie de Bella, qui ne comprend pas cet
abandon. Elle finit par mettre ses jours en danger dans l’espoir de calmer
sa douleur…
Tentation est la suite fort réussie de Fascination (LJ n°119). Le ton est juste,
les sentiments des personnages très réalistes : la douleur consécutive à la
perte d’un être cher, la colère, l’émergence d’un nouvel amour, le doute...
Après s’être initié aux vampires dans le premier tome, le lecteur découvre
l’univers des loups-garous, tout aussi captivant. Un bémol cependant : ce
second volume en appelle un troisième. L’auteur saura-t-il s’arrêter avant de
lasser son lecteur ?
■ Maryon Wable-Ramos
31 I
E. L. Konigsburg
Trad. de l’anglais
(Etats-Unis) par
Pascale Jusforgues
Bayard, 2006 (Millézime)
283 p.
11,90 €
2-7470-0781-2
Genre
Roman policier
Roman psychologique
Mots clés
Amitié
Prison
Famille recomposée
Tentation
Plus un mot
Depuis qu’il a été accusé d’avoir tué sa demi-sœur, Branwell s’est
enfermé dans un mutisme que personne ne parvient à rompre. Tentative
de meurtre ou chute accidentelle ? Le bébé est plongé dans un coma sur
l’issue duquel les médecins ne se prononcent pas. Persuadé de
l’innocence de son meilleur ami, Connor se rend chaque jour au centre
de détention des mineurs et tente de rétablir la communication avec
Branwell, grâce à un jeu de cartes. Deux témoins pourraient aussi être
coupables : Vivian, la baby-sitter et son petit ami, Morris. Le dénouement
ne révèlera pas de coup de théâtre. Le lecteur est pourtant tenu en
haleine grâce à une écriture efficace.
L’amitié indéfectible qui unit les adolescents, la complicité et la
compréhension de la sœur de Connor, qui elle aussi a mal vécu le
remariage de ses parents, ces thématiques concerneront un large
lectorat. L’environnement familial est ici décrit avec beaucoup de
justesse.
■ Cécile Robin-Lapeyre
Lecture Jeune - mars 2007
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Littératures
32 I
L’Elfe du Grand Nord
Nickolaï le petit elfe n’est qu’un bébé lorsqu’il remporte avec sa mère la
grande course du Solstice d'Hiver. Mais la cérémonie de remise du trophée
est interrompue par la sorcière Magda qui assassine tous les elfes et
s’empare de leur royaume au pôle Nord. Nickolaï est l’unique rescapé,
grâce à un renne volant qui le dépose chez un couple d’humains. Ces
derniers acceptent de l'adopter malgré ses oreilles pointues et la présence
à ses côtés de la petite fée Elvina. Mais le danger guette toujours : Nickolaï
doit mourir pour que le pouvoir de Magda soit complet.
Cette très belle histoire est digne d'un conte de Noël, avec ses rennes
volants, la fée Elvina et la mystérieuse cité de Doransk toute en or. Le
personnage de Nickolaï, qui doit vivre au milieu des humains malgré ses
différences, est très attachant. Son intégration douloureuse, puis la
recherche de ses origines sont décrits avec justesse et émotion. Quant au
dénouement, particulièrement réussi, il nous réserve une belle surprise sur
les origines du Père Noël !
■ Sébastien Féranec
Lecture Jeune - mars 2007
Lucy Daniel Raby
Trad. de l’anglais
par Luc Rigoureau
Albin Michel, 2006 (Wiz)
327 p.
13,50 €
2-226-17020-0
Genre
Roman d'aventures
Fantastique
Mots clés
Adoption
Amitié
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Parcours de lecture
Et après BD
33 I
Marguerite Abouet
Ill. de Clément Oubrerie
Gallimard, 2006 (Bayou)
106 p.
15,50 €
2-07-057588-8
Genre
Chronique
Mots clés
Adolescence
Afrique
Petit organigramme présentant les nombreux personnages pour nous
rafraîchir la mémoire… Nous voici à nouveau plongés dans le quotidien
des habitants du quartier de « Yop city » à Abidjan… Le bébé en gros
plan c’est Bobby, l’enfant présumé d’Adjoua et Moussa, unique héritier
des opulents Sissoko, qui rappelez-vous, ont été rapidement mariés à la
fin du premier tome (LJ n°118). Le problème, c’est que l’enfant ne
ressemble pas du tout à ses parents et que les Sissoko menacent
d’annuler l’union ! Bintou, elle, s’éprend d’un Parisien qui lui promet
monts et merveilles… Heureusement Aya, toujours bonne copine, soutient
ses amies. Bref, les péripéties s’accumulent !
Ce second tome tient toutes les promesses du premier : humour efficace
et dialogues savoureux, personnages attachants, rythme enlevé. Mais les
situations sont plus ambiguës et plus complexes. La palette de couleurs,
douces et séduisantes, installe des ambiances singulières. C’est donc
avec un grand plaisir que nous avons retrouvé l’univers et la douceur de
vivre d’Aya de Yopougon.
■ Hélène Sagnet
34 I
Frank Giroud
Ill. de Marianne Duvivier
Dupuis, 2006 (Empreintes)
56 p.
13 €
2-8001-3603-0
2-8001-3798-3
Genre
Histoire
Mots clés
Mai 1968
Shoah
Aya de Yopougon, T.2
L’écharde : T.1 et T.2
Mai 1968. Anabelle et Hélène, deux sœurs à la fois complices et rivales
affrontent douloureusement le suicide de leur père. Rien ne laissait
envisager cette tragédie. Mais quand Annabelle accompagne à l’hôpital
l’ami d’Hélène blessé après un affrontement avec des policiers, une
infirmière lui révèle qu’elle a accouché une jeune femme à Drancy sous
l’Occupation, qui pourrait être sa véritable mère.
L’écharde offre en deux volets un récit intimiste avec des personnages
féminins remarquables dans leur complexité psychologique et leur
sensibilité. Les flash-backs entre la France des années 40 et celle des
années 60 enrichissent l’album qui se regarde comme un vieux livre de
photos. Au service de ce scénario, le graphisme d’une grande qualité se
passe parfois de texte. De magnifiques gros plans recentrent l’histoire
dans le tumulte de 68 autour d’un seul destin : celui d’une étudiante en
recherche d’identité et de vérité. Un vrai moment d’émotions.
■ Valérie Médiano
Nouvelle série : Le scénariste Franck Giroud aborde dans sa nouvelle
série « Secrets » des événements historiques ayant marqué des familles
sur plusieurs générations : le génocide juif avec L’écharde, la Russie de
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Staline avec Le serpent sous la glace, illustré par Milan Jovanovic (2006),
la Commune avec L’écorché, illustré par Ruben Pellejero et la colonisation
britannique en Inde avec Samsara, illustré par Michel Faure. Ces deux
derniers titres paraîtront en août. ndlr
35 I
Une aventure rocambolesque
d’Attila le Hun :
Le fléau de Dieu, T.1
La Beauce est enfin conquise ! C’est la « der des der » pour Attila : le
monde entier lui appartient. Pourtant, le roi des Huns s’ennuie ferme, il
« souffre de la vie », en un mot il déprime. Alors il congédie ses troupes,
ses femmes, et part à la conquête de Dieu. Pas facile et totalement
imprévisible ! Le voilà condamné à errer sans fin dans la plate Beauce :
quel supplice pour le grand homme.
Après Freud et Van Gogh, Larcenet prend Attila pour cible et son humour
dévastateur met le doigt là où ça fait mal. Les interrogations existentielles
et philosophiques du guerrier rencontrent celles du lecteur. Le graphisme,
confié à Daniel Casanave, donne allégrement vie aux fantaisies de
l’auteur. Un très bon album, peut être moins facile que les précédents.
■ Agnès Donon
36 I
Manu Larcenet
Ill. de Daniel Casanave
Dargaud, 2006 (Poisson Pilote)
48 p.
9,80 €
2-205-05813-4
Mots clés
Dépression nerveuse
Dieu
Guerre
The Boondocks : T.1 à 5
Parce que je sais que tu ne lis pas le journal, T.1,
Libérez Jolly Jenkins, T.2,
Je suis presque sûr que Moïse ne portait pas de flingue,T.3,
Il semble que le destin ait le sens de l’ironie, T.4,
Ma femme est blanche et elle me déteste, T.5
Les aventures de Huey et Riley avec leur grand-père ne manquent pas de
sel. Ils savent agacer et pointer là où ça coince : ségrégation cachée,
mariage mixte, problèmes économiques liés à la couleur de peau. Les
références nombreuses aux émissions de radio ou de télé américaines
rendent parfois difficile la compréhension des gags, mais les strips de
McGruber restent incisifs et pleins d’humour. Avec le tome 5, le ton
change, le 11 septembre a laissé des traces. L’auteur reprend ses
personnages mais simplifie son graphisme et réduit le nombre de
figurants. Il devient plus mordant, plus direct. Il attaque franchement Bush
et sa politique. L’humour se fait plus grinçant, presque un peu désespéré.
La série tourne franchement à la satire politique.
■ Agnès Donon
Lecture Jeune - mars 2007
Aaron McGruber
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Jean-Paul Jennequin
et Philippe Cornélis
Dargaud, 2003-2006
47 p.
9,80 €
2-87129-454-2
2-87129-538-7
2-87129-668-5
2-87129-673-1
2-87129-882-3
Mots clés
Etats-Unis
Racisme
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Et après
37 I
Marc Védrines
Dargaud, 2006
52 p.
13 €
2-205-05801-0
Genre
Histoire
Fantastique
Mots clés
Islande
Nous sommes au XVIIe siècle. Lorsque Jacques, bientôt seize ans,
embarque à bord d’un navire de pêche en partance pour l’Islande, le
lecteur craint un instant une énième variation des Passagers du vent de
François Bourgeon. Mais il se trompe : après bien des péripéties, Jacques
arrive en Islande, pays dont il connaît la langue et les paysages, sans
jamais y avoir posé le pied ! Et le récit de prendre alors un tour
déconcertant… Car notre jeune héros possède de mystérieux pouvoirs,
qui lui vaudront bien des inimitiés.
Si le dessin n’est pas tout à fait abouti, sa maladresse (légère) est
largement compensée par une mise en page et un découpage des plus
réussis. La coloriste effectue par ailleurs un très bon travail. L’intérêt de
cette nouvelle série réside avant tout dans un scénario solide, mêlant
habilement données historiques et surnaturel. L’auteur se passionne
manifestement pour cette région du monde, dont il dépeint avec talent les
paysages sévères et cette période de l’histoire empreinte de superstition.
■ Éric Peltier
38 I
Fabien Vehlmann
Ill. de Frantz Duchazeau
Dargaud, 2006
72 p.
13,50 €
2-205-05779-0
Mots clés
Islam
Conte
Islandia :
Escale boréale, T.1
Les cinq conteurs de Bagdad
Il était une fois… cinq conteurs qui décident de s’associer et de parcourir
le monde pour trouver l’inspiration qui leur permettra de remporter le
concours du meilleur conteur, organisé par le calife de Bagdad.
Contre : Les quelques bonnes idées qui émaillent ce récit (celle
notamment de la voyante qui, dès le début du périple, révèle le destin de
chacun des protagonistes) ne suffiront malheureusement pas à passionner
tout à fait le lecteur. Les aventures s’enchaînent sans déplaisir, mais sans
grande originalité non plus. Les dialogues agacent plus qu’ils ne
séduisent (ton « forcément » décalé), tandis que le dessin, beaucoup trop
influencé par l’auteur d’Isaac le pirate (le coloriste est d’ailleurs le même),
se relâche parfois de façon inexplicable. Il y avait pourtant là matière à
raconter mais les auteurs, s’ils ne manquent pas de talents, ont préféré
céder à la facilité, glissant paresseusement leurs pas dans ceux des
grandes figures tutélaires du moment, les Sfar, Blain et autres Trondheim,
dont on ne compte plus les épigones.
■ Éric Peltier
Pour : Les meilleures histoires doivent-elles toucher l’âme ou le cœur,
avoir une dimension universelle ? Peut-on bouleverser l’ordre d’un récit
sans le détruire ? La traduction pervertit-elle le conte ou le recrée-t-elle ?
Autant d’interrogations sur lesquelles nos cinq conteurs, de traditions
diverses, sont amenés à réfléchir et nous avec eux. On aurait tort pourtant
d’imaginer que l’album de Vehlmann relève du cours de français !
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BD
L’humour et la dérision y côtoient sans cesse l’absurde et la tragédie, et
l’on s’attache à ces cinq conteurs sympathiques, haut en couleurs et
amoureux de leur métier au point d’en perdre la vie parfois. Le trait de
Duchazeau ne s’encombre pas toujours de détails, les décors,
notamment, sont à peine esquissés. Qu’importe, la magie l’emporte.
■ Anne Lanchon
39 I
Subaru danse vers les étoiles, T.4
Subaru est une petite fille différente des autres. Tous les soirs après l’école,
elle se rend à l’hôpital et raconte ses journées à son frère jumeau. Elle
danse pour lui et tente de lui rendre le sourire. Un jour, son frère meurt et
cette mort ouvre une plaie dans le cœur de Subaru.
Une série sur la danse ! Peut-être, mais sans niaiserie. Le lecteur, quel que
soit son sexe, prend un réel plaisir à voir évoluer Subaru dans son art
mais aussi dans sa construction personnelle. L’accent est mis sur les
réflexions et les émotions de l’héroïne. Le trait particulier du dessin traduit
à merveille la tension, la souffrance physique et intérieure de Subaru. Les
gros plans sur les visages sont un régal et permettent de vivre les moments
critiques au plus près. Le jeu du « clair-obscur » caractérise la personnalité
de cette jeune fille attachante mais jamais agaçante. La densité de
lecture, qu’elle soit visuelle ou textuelle, évite toute frustration et l’évolution
de Subaru se poursuit longtemps dans notre esprit. Après trois tomes déjà
parus (LJ n°119), la série ne lasse pas et promet d’être encore intense
pour les suivants. Un magnifique parcours initiatique à conseiller.
■ Sonia Seddiki
40 I
Masahito Soda
Trad. du japonais par
Yuko K.
Delcourt, 2006 (Akata)
211 p.
7,50 €
2-7560-0239-9
Genre
Manga-Josei
Mots clés
Danse
Les mystères de Taisho, T.1
Haruka Matsunomiya est détective privé à Tokyo dans les années 20.
Son quotidien se voit bouleversé par l’arrivée d’une nouvelle assistante,
Maya Takazono. La jeune fille se révèle mystérieuse et dotée d’une
grande intelligence pour son âge.
Les enquêtes s’enchaînent rapidement sans lien apparent entre elles, sauf
que le lecteur en apprend un peu plus sur l’étrange assistante. Le
suspense réside plus dans ce personnage, secondaire en apparence, que
dans les énigmes ou leur résolution. Le dessin, assez proche du croquis,
allie maladresse et élégance avec beaucoup de charme. Le personnage
de Maya Takazono rappellera à certains le trait de Nihei Tsutomu dans
sa série « Blame », sans l’aspect cyberpunk.
Ce manga policier revisite le genre, en recréant l’ambiance des années
20 et des polars classiques. Seul bémol : les histoires sont trop vites
résolues, mais l’intérêt est sans doute ailleurs, pour le moment en tout cas.
■ Sonia Seddiki
Lecture Jeune - mars 2007
Kei Toume
Trad. du japonais par
Tamako Kageyama
Delcourt, 2006 (Akata)
213 p.
7,50 €
2-7560-0254-2
Genre
Manga policier
Mots clés
Japon
Années 20
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Parcours de lecture
Et après Documentaires
41 I
Véronique
Antoine-Andersen
Actes Sud junior, 2006
95 p.
24 €
2-7427-6314-7
Mots clés
Architecture
L’auteur de ce documentaire, qui travaille à la Cité de l’Architecture,
répond ici à la problématique : à quoi sert l’architecture ? Les réponses
apportées seront différentes selon la fonction de l’ouvrage bien sûr, mais
aussi selon le contexte de la civilisation. Les quatre premiers chapitres
évoquent l’architecture de l’habitat et son aspect social (habiter,
protéger, guider), l’architecture religieuse (prier, protéger les morts,
soigner), l’architecture liée au travail (relier, transporter, travailler) et pour
finir celle liée aux loisirs (exposer, conserver, se distraire). Un dernier
chapitre emmène le lecteur dans des constructions originales, telles que
celle du facteur Cheval dans la Drôme. Chaque thématique est resituée
dans son contexte historique mais aussi mondial. Ainsi les châteaux forts
présentés vont du Xe siècle français au XVe siècle espagnol en passant
par le Japon du XIVe siècle.
Ce livre à la maquette agréable, didactique et très bien illustré, séduira
ceux qui s’intéressent au sujet. Un lexique très utile le complète, mais le
documentaliste ou le bibliothécaire aurait apprécié un index.
■ Laurence Guillaume
L’auteur a reçu le prix Sorcières documentaires en 2005 pour son
premier livre L’art pour comprendre le monde (Actes Sud junior, 2003).
ndlr
42 I
Chantal Gerbaud
Syros jeunesse, 2006
136 p.
10 €
2-7485-0418-6
Genre
Témoignage
Mots clés
Shoah
Seconde Guerre mondiale
Hongrie
Promenade en architecture
Irène Hajos, survivante
Témoignage d’une juive hongroise
Le témoignage d’Irène Hajos, rescapée d’Auschwitz, se compose de
quatre parties : avant, pendant, après la déportation et aujourd’hui. Née
en Hongrie en 1922 dans une famille juive non pratiquante, Irène vit une
enfance heureuse et insouciante. L’invasion allemande de 1944 va
bouleverser sa vie. Déportée en Pologne, elle survit au travail forcé et à
la « marche de la mort ». De retour dans son pays puis immigrée en
France, elle se mure dans le silence. Une rencontre avec d’anciens
déportés lui fait prendre conscience de l’importance de témoigner. Ce
livre permet de comprendre la déportation, mais aussi la difficulté de
survivre après un tel traumatisme, ainsi que le malaise et la culpabilité
des rescapés.
■ Sophie Gentier
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Réseau de lecture : sur le même thème, on pourra lire le roman de l’Italien
Primo Levi Si c’est un homme (Pocket, 1988) et les deux albums BD de
l’Américain Art Spiegelman Maus (Flammarion, 2004). ndlr
43 I
La peur au cinéma
L’auteur de ce documentaire est un spécialiste du cinéma et fait partie du
service pédagogique de la cinémathèque française. Il nous amène au
long de six chapitres à découvrir les mécanismes qui régissent la peur,
mais aussi à comprendre notre propre attirance pour les films effrayants.
Sa démarche s’inscrit dans une visée pédagogique. Il donne aux
adolescents les clés essentielles pour comprendre ce genre, et le désir
d’aller plus loin avec les références qui illustrent ses propos. Une focale
est mise sur un film emblématique : Les oiseaux d’Alfred Hitchcock, dont
il analyse l’univers d’auteur, la technique cinématographique et
l’empreinte dans l’histoire du cinéma.
L’ouvrage nous montre enfin que la peur est un gage d’humanité mais
que ce sont les techniques de son et d’images qui déclenchent en nous
tour à tour inquiétude et frayeur. Nous sommes les spectateurs que le
cinéaste désire : nous savons, entendons et voyons ce qu’habilement il
nous soumet ! Un vrai plaisir de lecture accessible, intelligent.
■ Michelle Charbonnier
Nouvelle collection : Cette nouvelle collection consacrée au cinéma
s’adresse à trois types de cinéphiles : ceux qui portent encore des culottes
courtes, les adolescents et les adultes ! Elle comble un manque évident
dans la production jeunesse et met enfin le septième art à la portée de
tous. Autres titres parus : Lanternes magiques d’Elodie Imbeau et
Grand/Petit de Nathalie Bourgeois. ndlr
Lecture Jeune - mars 2007
Emmanuel Siety
Actes Sud junior La Cinémathèque française,
2006
87 p.
18 €
2-7427-6311-2
Mots clés
Cinéma
Peur
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Parcours de lecture
Lecteurs confirmés Littératures
44 I
Gert Hofmann
Trad. de l’allemand
par Yasmin Hoffmann
et Maryvonne Litaize
Actes Sud, 2006 (Babel J)
166 p.
6,50 €
2-7427-6350-3
Mots clés
Antisémitisme
Nazisme
Lorsque le professeur de philosophie Veilchenfeld s’installe dans une
petite ville de Saxe, il entre naturellement dans le cercle des notables, et
à ce titre est invité à partager la table du médecin, son voisin. Hans, le
narrateur, est le jeune fils de ce dernier. Les nazis prennent le pouvoir et
peu à peu, l’enfant assiste à la mise à l’écart du philosophe. On lui
interdit de continuer à prendre des cours de dessin chez lui et même de
le saluer. Fasciné par la sagesse du personnage et son appartement
rempli de livres, Hans ne comprend pas l’attitude des habitants et encore
moins le silence gêné de ses parents. Que dire des maux étranges qui
tourmentent sa mère à chaque fois que l’on évoque ce problème… Le
drame se déroule en 1938 et le philosophe a le tort d’avoir « un nom qui
pue et un trop grand nez ». Les termes de national-socialisme et
d’antisémitisme ne sont jamais prononcés, pourtant c’est en leur nom que
se déroulera la tragédie, sous le regard de Hans et de sa petite sœur
Gretel, aux prénoms symboliques. Le père continuera malgré l’hostilité
de ses compatriotes à rendre visite à l’enseignant, condamné à vivre en
reclus dans l’attente imminente de son « transfert ». Le moment venu
pourtant, il ne prendra pas sa défense. L’aurait-il pu ?
La responsabilité reste la question fondamentale de ce roman,
d’inspiration probablement autobiographique. L’issue, plus dramatique
que prévisible, est racontée de manière distanciée, presque « clinique ».
Pour les plus âgés.
■ Cécile Robin-Lapeyre
45 I
Linda Hogan
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Danièle Laruelle
Editions du Rocher, 2006
(Terres étrangères)
288 p.
22 €
2-268-05902-2
Notre philosophe
Power
Il est difficile pour une adolescente en Floride de concilier traditions
indiennes et modernité. Linda pour les uns, Omishto pour les autres, se
sent marginalisée malgré sa réussite scolaire, à l’inverse de sa sœur
parfaitement intégrée au modèle américain. De plus, elle supporte mal
l’ambiance familiale depuis que sa mère a refait sa vie avec un homme
brutal et concupiscent. Linda se réfugie souvent chez Ama, sa tante, qui
habite une cabane au cœur de marécages infestés de serpents et
d’alligators. Vivant en symbiose avec la nature, Ama initie la jeune fille
au savoir traditionnel des Taigas : Omishto est « celle qui observe ». Un
ouragan violent va bouleverser leur existence. Echappant de peu à la
mort, Linda suit Ama sur les traces d’une panthère. Pourquoi l’Indienne
décide-t-elle de tuer l’animal, espèce protégée selon la loi américaine,
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animal totémique de la tribu ?
Ce roman d’apprentissage, qui s’avère être aussi un époustouflant récit
d’aventures, intéressera les jeunes curieux de la civilisation indienne et
tous ceux qui sont partagés entre deux cultures. Le récit des procès, justice
des Blancs puis jugement des Anciens, leur paraîtra certes un peu
fastidieux. Mais le texte recèle des images magnifiques : la jeune
indienne endormie dans une barque au milieu des marais hostiles,
l’ouragan parachevant le travail de sape de la civilisation américaine…
Un roman authentiquement écologiste, militant de la cause indienne.
■ Cécile Robin-Lapeyre
46 I
Genre
Roman d’aventures
Roman d’apprentissage
Mots clés
Interculturalité
Ecologie
Les sirènes de Bagdad
Yasmina Khadra clôt avec cet ouvrage sa trilogie sur les grandes
métropoles d’Orient (Kaboul pour Les hirondelles de Kaboul, Tel-Aviv
pour L’attentat (LJ n° 117), Bagdad et Beyrouth ici) gravement meurtries
par la guerre, le fanatisme et le terrorisme. Le narrateur est cette fois
l’apprenti terroriste, pari d’écriture plus redoutable que dans ses
précédents romans. Le récit débute et se termine à Beyrouth, présentée
comme une sorte de prostituée, métaphore du profond malentendu entre
l’Orient et l’Occident. L’auteur retrace l’itinéraire d’un jeune bédouin qui
vivait paisiblement, selon une tradition millénaire, aux portes du désert,
loin des fureurs guerrières de Bagdad. Son existence bascule dans
l’horreur après les sévices et les « bavures » de combattants américains
pour qui quelques vies, même arbitrairement abattues, ne comptent
guère. Humilié, plein de haine, il rejoint à Bagdad les groupes de
djihadistes, aux itinéraires variés mais soudés par le même sentiment
d’humiliation. Le lecteur découvre avec lui la difficulté de survivre dans
cette ville et les facettes d’une violence barbare et multiforme. Yasmina
Khadra ne se contente pas de ce portrait, si fouillé soit-il. Il traque les
compromissions, faiblesses et contradictions de chaque camp, essaie de
comprendre l’origine des conflits Orient-Occident et refuse tout
manichéisme simpliste, refus qui le conduit à imaginer un dénouement
inattendu : la tragédie n’éclate pas toujours sous la plus prévisible et la
pire des formes.
Cette fiction bien écrite, très nuancée, réussit à rendre compte de
l’extrême complexité d’une situation tragique au sens fort du terme.
Clairement engagée contre les intégrismes de tous bords, elle ne peut
laisser indifférents ses lecteurs, notamment les grands adolescents qui
souvent s’interrogent sur la violence du monde, les problèmes du
terrorisme et de l’intégrisme.
■ Marie-Françoise Brihaye
Lecture Jeune - mars 2007
Yasmina Khadra
Julliard, 2006
339 p.
19 €
2-260-01712-6
Mots clés
Terrorisme
Liban
Irak
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Lecteurs confirmés
47 I
Nicole Krauss
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Bernard Hoepffner,
avec la collaboration
de Catherine Goffaux
Gallimard, 2006
(Du monde entier)
356 p.
21 €
2-07-077308-6
Mots clés
Ecriture
Identité
Immigration
D’abord il y a Leo, vieil immigré juif polonais qui croupit dans la crasse et
la solitude de son appartement new-yorkais. Ses rares moments de joie,
au cours desquels il se remémore son pays, son amour de jeunesse (Alma),
et son premier manuscrit – tous trois perdus –, il les partage avec Bruno, un
voisin qui pourrait bien n’être qu’un fantôme.
Ensuite il y a Alma, 14 ans, New-Yorkaise elle aussi. Depuis la mort de son
père, sa mère traductrice est dépressive et son petit frère se prend pour le
Messie. Alma doit son prénom à l’héroïne du livre préféré de ses parents,
L’histoire de l’amour. A la demande d’un mystérieux commanditaire, la
mère d’Alma entame la traduction de ce chef-d’œuvre méconnu signé Zvi
Litvinoff, écrivain chilien d’origine polonaise, aujourd’hui disparu. Alma
entre dans l’âge où elle aimerait en savoir plus sur elle-même. Pour cela,
elle le sent, il faut qu’elle découvre la genèse de L’histoire de l’amour…
Un livre mystérieux est donc au cœur de cet ambitieux roman que Nicole
Krauss a construit comme un puzzle. A travers les souvenirs de Leo, le
journal d’Alma et les extraits de L’histoire de l’amour, le lecteur happé doit
deviner ce qui lie les personnages. Il savoure autant l’élaboration complexe
et l’originalité du récit que la justesse des voix : Alma a le mordant, l’humour
décalé et la fraîcheur des adolescents, et Leo nous bouleverse lorsqu’il
évoque sans concession ni pathos son quotidien de vieillard isolé. Attention,
talent !
■ Gaëlle Glin
48 I
Jhumpa Lahiri
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Bernard Cohen
Robert Laffont, 2006
(Pavillons)
354 p.
22 €
2-221-10064-6
Mots clés
Interculturalité
Identité
Famille
L’histoire de l’amour
Un nom pour un autre
Boston, fin des années soixante. Ashoke et Ashima Ganguli, un jeune
couple d’immigrés indiens, donnent naissance à leur premier enfant.
Comme le veut la tradition, la grand-mère d’Ashima choisira son prénom.
Mais les jours passent et le courrier n’arrive pas. Sommés par
l’administration américaine de lui trouver un prénom, les parents le
baptisent Gogol, en hommage à l’auteur russe et en écho à une histoire
douloureuse, longtemps tue par Ashoke. Gogol grandit comme un jeune
Américain. Peu à peu ce prénom l’embarrasse, tout comme lui pèsent la
culture de ses parents, leurs traditions et leurs attentes.
Ce très beau roman d’apprentissage dit la difficulté à être et à se construire
dans une double culture. Le récit, qui se déroule de 1968 à 2000, nous
permet d’accompagner intimement Gogol-Nikhil et d’appréhender les
conflits et les doutes qui l’envahissent face à son identité. On est touché par
l’évocation des relations entre un fils et ses parents, qu’il ne parvient pas
toujours à aimer et comprendre. L’auteur pose en filigrane la question de
l’intégration dans une Amérique sûre d’elle. Ce destin trouvera un écho
certain auprès de nombreux jeunes lecteurs.
■ Hélène Sagnet
Mise en réseau : Sur une thématique proche on pourra voir le film de Ken
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Littératures
Loach, Just a kiss, qui met en scène la communauté pakistanaise à
Glasgow. ndlr
49 I
L’histoire de Chicago May
À la fin du XIXe siècle, May fuit l’Irlande en emportant les maigres
économies familiales et embarque pour le Nouveau Monde. Tour à tour
danseuse de revue, prostituée, arnaqueuse et braqueuse, elle se fait
connaître sous le célèbre nom de Chicago May, arpentant le territoire des
frères Dalton au rythme des épopées du Far West.
Après avoir consacré un ouvrage à son autobiographie, On s’est déjà vu
quelque part ? (10/18, 2005), Nuala O’Faolain se penche sur le destin
de la jeune rebelle en s’inspirant des mémoires de celle-ci, d’archives, de
lettres, d’articles de journaux, de photos et d’affiches. L’auteur nous fait part
de ses interrogations et rend compte de la difficulté de l’historien face à ses
sources. Sans nul doute, Nuala O’Faolain tente de rétablir l’image de cette
fugitive au destin contestable. Elle trouve dans l’histoire de la jeune
Irlandaise des concordances avec la sienne et porte beaucoup d’estime à
cette femme qui ose la transgression et refuse la condition qu’on lui impose.
Avec une écriture simple, l’auteur s’empare d’une façon singulière du destin
de cette jeune femme hors norme. Un très beau portrait.
■ Elise Hoël
L’histoire de Chicago May a obtenu en 2006 le prix Femina du meilleur
roman étranger. ndlr
50 I
Nuala O’Faolain
Trad. de l’anglais (Irlande)
par Vitalie Lemerre
Sabine Wespieser éditeur,
2006
443 p.
25 €
2-84805-043-8
Genre
Biographie
Mots clés
Anticonformisme
Vol
Condition féminine
Grand frère
En danger moral, Dag est placé dans une nouvelle famille d’accueil qui
lui fait place avec une spontanéité, une confiance et une empathie
remarquables. Son professeur de norvégien lui confie une caméra pour
filmer la fin de l’année scolaire. Mieux encore : Dag tombe amoureux
d’une fille paumée elle aussi et qui le comprend. Il finit par trouver « la
lumière » grâce à cet environnement et à sa volonté de lutter contre ses
peurs. Il se débarrasse enfin de son sentiment de culpabilité, lié à sa
responsabilité dans l’incendie qui causa la mort du fils de sa précédente
famille d’accueil.
Un roman réaliste, très juste, très fort, bien construit et bien traduit. Le
drame de Dag transparaît au travers de non-dits, de comparaisons et de
métaphores inattendues, qui vont de Shakespeare aux séries télévisées,
en passant par la mythologie !
■ Gilberte Mantoux
Nouvelle collection : Grand frère paraît chez Panama dans une nouvelle
collection de fiction destinée aux 13-16 ans, qui comporte en majorité
des auteurs étrangers. ndlr
Lecture Jeune - mars 2007
Harald Rosenlow Eeg
Trad. du norvégien
par Céline Romand-Monnier
Panama, 2006
206 p.
13 €
2-7557-0055-6
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Famille
Culpabilité
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Lecteurs confirmés
51 I
Bernhard Schlink
Gallimard, 2006
(Folio bilingue)
171 p.
8€
2-0703-0972-X
Mots clés
Amour
Jalousie
Secret
L’autre fait partie d’un recueil de nouvelles précédemment paru sous le
titre Amours en fuite (Gallimard, 2001), mais la longueur et
l’aboutissement du récit permettent une lecture autonome. La présentation
du livre est soignée, dans une édition de poche bilingue où l’on trouve
habituellement peu de textes contemporains. Le thème : un homme veuf
depuis peu découvre que son épouse, décédée d’un cancer, menait une
vie secrète. Musicienne de renommée internationale, elle entretenait au
cours de ses déplacements une relation avec un homme, selon toute
vraisemblance son amant. La lecture de sa correspondance plonge le
mari dans un état dépressif, où se mêlent jalousie, chagrin et révolte,
puisqu’il l’avait accompagnée au bout de sa maladie. Il décide alors de
répondre à la dernière lettre, pour entrer dans le jeu de « l’autre ».
Auteur de romans policiers, Bernard Schlink manie habilement le
suspense psychologique et ne laisse rien deviner de la fin. La narration à
la troisième personne marque une distance et place le lecteur en position
d’observateur. Derrière le pessimisme apparent du sujet (tromperie et
mensonge), une vérité nouvelle éclate dont le mari sort lucide et somme
toute vainqueur, puisqu’elle lui permet de se remettre en question. Ce
roman haletant et inclassable, initiation sentimentale et philosophique,
permettra de faire découvrir l’auteur du Liseur (Gallimard,1996) aux
adolescents. L’écriture est sobre, sans difficultés.
■ Cécile Robin-Lapeyre
52 I
Odön von Horvath
Trad. de l’allemand
par Rémy Lambrechts
Gallimard, 2006
(L’imaginaire)
154 p.
6,90 €
2-0707-7969-6
Genre
Roman historique
Mots clés
Armée
Nazisme
L’autre/Der Andere
Un fils de notre temps
Fin des années 30 en Allemagne. Un jeune chômeur s’engage dans
l’armée. L’uniforme, la discipline, l’exaltation de la patrie l’enflamment
et le réhabilitent à ses propres yeux. Il vénère son capitaine, un « père
idéal », mais méprise son propre père, pacifiste depuis son retour de la
guerre de 14. L’armée envahit sans déclaration préalable un petit pays
et procède à un « nettoyage » systématique. Blessé en voulant sauver son
capitaine, médaillé mais devenu invalide, le jeune soldat est lâché par
l’armée. Tout s’effondre pour lui lorsqu’il apprend par une lettre posthume
de son capitaine les vraies raisons de la mort de ce dernier.
Ce roman précurseur nous plonge dans un avant-guerre de mensonges,
froid, normatif, idéologique, où l’individu n’a plus sa place. Seuls
quelques résistants rasent les murs. Le héros acerbe, profiteur et
misogyne, présente néanmoins une faille dans sa carapace
d’inhumanité, en construisant un amour imaginaire pour une jeune
femme à peine entrevue. Ce monologue grinçant et cinglant d’un homme
désabusé est écrit dans un style incisif et percutant. A lire absolument.
■ Brigitte de Bergh
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Littératures
Lecture croisée
53 I
Contours du jour qui vient
Quelque part aujourd’hui en Afrique, une ancienne colonie française se
remet difficilement de la guerre. La vie d’une femme s’effondre à la mort
de son compagnon dont elle a une petite fille, Musango, qu’elle chasse
pour avoir apporté le malheur dans sa vie. Le roman raconte l’aventure
poignante de la fillette livrée à elle-même. Autour d’elle gravitent les
figures attachantes d’une humanité qui, même dévoyée, reste battante.
Le roman affiche une structure musicale optimiste en prenant appui sur
un cri qui revient comme une vague « Et toi, mère, qu’as-tu fait de mon
souvenir ? ». Les deux premières parties liquident le passé empoisonné
dans un retour en arrière. L’interlude central évoque la rencontre
symbolique du personnage avec la vieille dame apaisée qu’elle sera un
jour. Les deux dernières parties reprennent une chronologie normale et
affrontent le présent et l’avenir. Le propos du récit est double : rendre
compte d’une souffrance privée et montrer à quel point celle-ci est
intriquée dans la souffrance politique d’un peuple asservi longtemps par
la colonisation. L’auteur dénonce la faute collective qui consiste à fuir
dans la religion ou le rêve d’aller en France, au lieu de compter sur ses
forces et d’affronter l’avenir. La narratrice voit tout du haut de ses douze
ans. Mais elle se fait l’écho des idées de l’auteur, au point que sa
crédibilité de narratrice enfant est mise à mal. Journal, récit, lettre, le livre
est tout cela à la fois. Roman d’apprentissage, puisque l’héroïne finit par
trouver sa voie, roman d’apprentissage politique, dont le message est
clair : c’est en s’appuyant sur les forces de ceux qui ne se replient pas sur
eux-mêmes que ce pays peut survivre. La narration au présent donne au
texte la proximité d’une confession et d’un reportage : peu de
descriptions, des faits rapportés au plus près à partir de phrases courtes.
Le texte brûlant s’appuie sur tous les signes visibles de l’émotion en évitant
les dangers du voyeurisme. Ce livre attachant fait confiance à la nature
humaine et à ses capacités à rebondir. Il devrait toucher des adolescents
et les sensibiliser à l’urgence de la question africaine. ■ Nicole Wells
Autre avis : La voix qui nous happe est celle de Musango. Dans un
long monologue intérieur, elle s’adresse à sa mère qui l’a chassée,
l’accusant d’être un esprit malin, source de son malheur. Jetée à la rue,
enlevée et revendue, la petite fille côtoiera pendant trois années le
désespoir en servant des femmes recluses en partance pour l’Europe. Làbas, elles devront se vendre pour rembourser la dette du voyage : ces
femmes, dit-on, vont « faire l’Europe »… Musango s’enfuit. Elle veut revoir
sa mère et tenter de comprendre. En ville, elle retrouve les proxénètes
sous les traits d’hommes d’église qui manipulent leurs fidèles.
Lecture Jeune - mars 2007
Léonora Miano
Plon, 2006
275 p.
18 €
2-259-20396-5
Genre
Roman initiatique
Mots clés
Afrique noire
Génocide
Résilience
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Lecteurs confirmés
Le récit s’organise autour de quatre mouvements, quatre étapes du
parcours intérieur de Musango vers l’affirmation de soi. « Je veux toujours
écrire une chanson », confie l’auteur. La musicalité est effectivement bien
là. Au fil de l’histoire, alors que Musango pose ses choix et développe
son individualité, le rythme de l’écriture ralentit, s’apaise. La densité
étouffante du monologue du « Prélude » cède la place aux dialogues.
L’espoir s’installe.
L’Afrique nous apparaît à travers le regard d’une enfant de douze ans,
confrontée à la violence et à la haine. Ceux qu’elle rencontre ne
semblent avoir d’autres alternatives que partir en Europe ou rejoindre
des groupes religieux sectaires aliénants. « Ici on ne croit pas vraiment.
On mise. On tente le coup (…) ce peuple qui ne peut croire en rien,
puisqu’il ne croit pas en lui. Tout doit venir d’ailleurs, d’en haut, d’en
bas, peu importe, pourvu que ce ne soit pas de l’intérieur ». Ce que
dénonce l’auteur, par le personnage de la mère notamment, c’est « une
conscience de soi très dégradée ». Musango, elle, s’affirme et dessine
les Contours du jour qui vient.
■ Hélène Sagnet
Autre avis : Amour et haine sont pareillement mis à l’honneur dans ce
superbe livre qui nous fait partager tout le paradoxe de l’Afrique noire.
Par le biais de Musango, mal aimée et malgré tout si vivante, nous
découvrons la tragédie des populations africaines dévastées par les
guerres et incapables de s’occuper de leurs enfants. La jeune narratrice
nous bouleverse par l’amour indéfectible qu’elle porte à sa cruelle
génitrice et par la capacité qu’elle a d’avancer malgré l’adversité
et la cruauté des siens. Il s’agit d’un chant d’amour, d’un chant de
résilience et de pardon. Quelle belle écriture pour dire l’indicible et
l’innommable ! Léonora Miano a su conquérir la sensibilité des lycéens,
elle a conquis la mienne par la parole universelle de cette enfant et sa
posture de reine.
■ Michelle Charbonnier
Contours du jour qui vient a obtenu le prix Goncourt des lycéens en
2006. Les jeunes lecteurs avaient déjà couronné en 2000 un romancier
africain, Ahmadou Kourouma pour son roman Allah n’est pas obligé
(Seuil, 2000) sur la thématique des enfants soldats. ndlr
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Littératures
54 I
61
Code Cool
Hunter, 17 ans, gagne son argent de poche en traquant les nouvelles
modes dans New York pour le compte de grandes marques. Bien qu’il
joue le jeu avec plaisir, il a conscience des mécanismes de l’univers
mercantile dans lequel il évolue et en connaît la hiérarchie : au sommet,
les innovateurs, inventeurs d’un style, puis les initiateurs qui le propagent.
Viennent ensuite les investisseurs, qui l’achètent à prix d’or avant les
simples consommateurs en bas de la pyramide. Mais un élément vient
perturber la routine d’Hunter. Il s’appelle Jennifer, c’est une innovatrice et
elle lui plaît. Hunter l’invite à une séance de « testing » organisée par sa
patronne Mandy, où l’esprit affranchi et le goût de la jeune fille font
fureur. C’est le début d’une tornade d’événements, qui conduisent les
deux jeunes gens sur les traces de Mandy, disparue, et d’une mystérieuse
organisation qui mène de grandes campagnes de publicité pour
détourner les codes du marketing et semer le trouble dans l’esprit des
consommateurs « moutonnants ».
Dans un style percutant, Scott Westerfeld signe un roman accrocheur,
palpitant, plein de références culturelles et historiques. Le thème principal,
nos codes de consommation, est très bien servi par ses personnages.
Hunter est intégré dans cet univers de « branchitude » consumériste, mais
perçoit les ressorts de la carapace sociale qu’il s’est construite, vaine
béquille de ses faiblesses. Plutôt que de présenter une vision
manichéenne du marché de la mode, l’auteur l’étudie de l’intérieur. Il en
ressort une ironie permanente, qui loin de jeter le discrédit sur les
personnages, en accentue les reliefs et aspérités. Ils sont à l’image de
notre société contemporaine : futiles mais conscients.
L’omniprésence des marques au fil des pages - jamais citées, toujours
évoquées par leurs signes distinctifs - peut lasser jusqu’à la nausée. Là
encore, Westerfeld reflète les outrances du marketing qui rassasie le
consommateur de possessions inutiles. Humour, références et
rebondissements se mêlent avec brio et le roman emporte l’adhésion.
■ Cécile Burgard
Lecture Jeune - mars 2007
Scott Westerfeld
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Fanny Ladd et Alice Cotin
Panama, 2006
287 p.
15 €
2-7557-0090-4
Mots clés
Culte de l’apparence
Consommation
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Parcours de lecture
Lecteurs confirmés BD
55 I
Inio Asano
Trad. du japonais
par Thibaud Desbief
Dargaud/Kana, 2006
(Made in)
202 p.
10 €
2-50500-009-3
2-50500-010-7
Mots clés
Japon
Société
Quotidien
Ces recueils de courtes nouvelles, reliées entre elles par la dernière
image, abordent des thèmes qui parleront aux adolescents à savoir la
précarité, la mort, le difficile équilibre entre rêve et réalité et les
difficultés du quotidien. Tel une abeille, le lecteur butine de nouvelles
en nouvelles des informations sur la société japonaise contemporaine,
plus précisément sur la vie des étudiants et le malaise de la jeunesse
urbaine. Les dessins réalistes au trait fluide et les plans
cinématographiques en longues cases horizontales facilitent la lecture,
qui oscille entre légèreté et profondeur psychologique. Le leitmotiv de
ce manga semble être la question « Pourquoi je vis ? ». Attention,
l’auteur ne cherche nullement à apporter des solutions et c’est tant
mieux. Sa lucidité, son ironie et son cynisme poussent le lecteur à ne
pas perdre de vue ses propres aspirations. Il existe bien sûr autant de
réponses que de personnes et de situations. À chacun sa vie, à
chacun ses réponses !
■ Sonia Seddiki
56 I
Kris
Etienne Davodeau
Ill. d’Etienne Davodeau
Futuropolis, 2006
64 p.
15 €
2-75480-010-7
Genre
Documentaire
Histoire
Mots clés
Monde ouvrier
Engagement
Un monde formidable !,
T.1 et T.2
Un homme est mort
« Heu… y’a un homme qui est mort… Edouard Mazé qu’il
s’appelait… » En 1950 à Brest, les ouvriers employés à la
reconstruction de la ville se mettent en grève. Lors des manifestations,
les affrontements avec la police sont violents. Les blessés sont
nombreux et le 17 avril, le jeune Edouard Mazé est tué. René Vautier,
cinéaste engagé, est contacté par les grévistes. Assisté de Désiré et Ti
Zef, il filme les événements qui agitent la ville. Chaque nuit, le film
réalisé est projeté sur les chantiers en grève et le poème d’Eluard, Un
homme est mort, lu à l’assemblée.
Le documentaire de René Vautier n’a pas résisté à ses multiples
projections, c’est la raison pour laquelle est né le projet de cette
bande dessinée. Kris, son instigateur, mène une importante recherche
documentaire dès 2003. Il rencontre des témoins, repère les lieux…
Puis il s’agit d’écrire les parties « manquantes ». Le résultat est une
réussite. On est happé par le récit et en complète empathie avec les
personnages. On ressent également la sincérité et l’envie des auteurs
de servir cette histoire-là. Ils livrent un récit éminemment politique et
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tout simplement bouleversant.
■ Hélène Sagnet
La bande dessinée est suivi d’un dossier documentaire très complet
qui éclaire utilement le propos des auteurs. ndlr
57 I
S.
Gipi consacre son dernier ouvrage à son père décédé. Comment
parvient-il à évoquer cet homme, que nous dit-il de lui et de leur
relation ? Il compose un voyage au fil de ses propres souvenirs et
d’histoires racontées par son père. Ainsi le lecteur est-il transporté de
la Seconde Guerre mondiale vécue par les parents de Gipi à l’enfance
de l’auteur.
Une fois encore, l’artiste italien nous livre avec talent une histoire, celle
de son père. La raconter semble être une façon pour lui de revivre et
de comprendre la relation qui fut la leur. Il interroge par ailleurs les
notions de mémoire et de transmission : qu’est-ce que le souvenir ? Les
instants racontés sont-ils les instants vécus ? Il installe peu à peu le
lecteur dans une forme d’incertitude nécessaire à son propos.
L’ouvrage se distingue des précédents par une narration totalement
éclatée. Pas de repères ici, on passe d’une époque à l’autre, d’un
souvenir à l’autre au gré des mots et des sensations. La poésie et la
force de l’écriture en sont renforcées. La gamme chromatique se fait
aussi plus douce et chaleureuse qu’à l’accoutumée : « J’ai souhaité des
couleurs accueillantes pour les personnages », explique l’artiste. S. est
un ouvrage intime et exigeant, dont la réflexion tend à l’abstraction. Il
est à proposer à de très bons lecteurs.
■ Hélène Sagnet
Nous vous invitons à lire la rencontre avec Gipi en page 4. ndlr
58 I
La cité de Dieu
A l’occasion d’un projet de reportages croisés lancé par l’Institut
Goethe de Berlin, trois illustrateurs israéliens se sont rendus en
Allemagne, et trois illustrateurs allemands en Israël. Jens Harder est
l’un d’entre eux. Reportage, récit journalistique et carnet de voyage
en bandes dessinées : cet ouvrage est inclassable. C’est avant tout
un livre d’images, qui donne à voir les trois religions dans
le microcosme de Jérusalem. Ici, l’expression des « marchands du
temple » prend tout son sens ! Parmi les pèlerins venus du monde
entier, les mystiques se mêlent aux touristes, les prêtres se prennent en
photo, un rabbin téléphone devant le Mur des Lamentations…
Beaucoup d’humour et d’ironie dans ces dessins si finement croqués,
à l’esprit laïque et plutôt critique. En page de gauche, une scène en
gros plan d’un gris brun alterne avec un récit en bande dessinée très
Lecture Jeune - mars 2007
Gipi
Trad. de l’italien
par Hélène Dauniol-Remaud
Vertige Graphic-Coconino Press,
2006 (Moby Duck)
112 p.
17 €
2-84999-042-6
Genre
Roman graphique
Autobiographie
Mots clés
Relation père/fils
Deuil
Mémoire
Jens Harder
Trad. de l’allemand
par Jean-Paul Jennequin
Editions de l’An 2, 2006
61 p.
17,50 €
2-84856-066-5
Genre
Reportage
Carnet de voyage
Mots clés
Israël
Jérusalem
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Lecteurs confirmés
vivant sur la ville. En page de droite, le lecteur a rendez-vous avec
l’histoire et le quotidien. On retient surtout la vie trépidante de la cité,
la foule, ses bruits, ses odeurs, la paix des communautés qui tient du
miracle. A la fois document sociologique et caméra cachée, le
reportage s’attarde sur les différents quartiers, lieux de culte et de
pèlerinage, sur la place réservée aux religieux, les fiefs des
commerçants… Cette lecture plaisante apportera beaucoup aux
adolescents, pour peu qu’ils soient réceptifs aux détails savoureux des
illustrations.
■ Cécile Robin-Lapeyre
59 I
Takao Saito
Trad. du japonais
par Anne-Sophie Thévenon
Glénat, 2006 (Seinen)
1328 p.
20 €
2-7234-5215-8
Genre
Seinen Manga
Manga Gekika
(manga dramatique
des années 1960-1970)
Policier
Mots clés
Politique
Années 70
Best 13 of Golgo 13
Golgo 13, alias Duke Togo, est un tueur à gages hors pair. Cet
homme mystérieux, craint et respecté de tous accomplit le sale boulot
dans le monde politique complexe des années 1970. Il parcourt le
monde entier pour accomplir sa mission : maintenir un certain
équilibre.
Un mot sur cette série culte pour mieux apprécier l’initiative de ce best
of. « Golgo 13 » est une série fleuve qui compte à ce jour 142
volumes ! Dans les années 1960, son auteur Takao Saito s’entoure de
nombreux assistants afin d’impulser une nouvelle manière de travailler
en créant son studio. Il impose la loi de l’exactitude comme Hergé
avec ses « Aventures de Tintin ». La documentation devient et reste une
marque de fabrique de la série « Golgo 13 ». Ce James Bond noir,
modèle d’anti-héros au Japon, permet d’aborder de manière
ingénieuse le contexte international, les courants économiques et les
dernières technologies de l’époque. Sous ses apparences de « gros
dur », Duke Togo est un personnage complexe comme le prouve le
mystère autour de son identité, que l’auteur aime à brouiller en
multipliant les fausses pistes. Il incarne l’idéal de l’accomplissement
de soi, ce vers quoi tendent tous les héros de Shonen.
Pourquoi ce best of ? L’initiative venue du Japon a donné la possibilité
aux lecteurs d’élire leurs treize histoires favorites pour en faire une
compilation. Le résultat, un pavé qui pèse près de deux kilos, réjouira
les fans de « Golgo 13 » et les amateurs d’ambiances sombres. Les
bibliothécaires et documentalistes apprécieront de posséder un
échantillon conséquent de cette série culte indispensable.
■ Sonia Seddiki
Lecture Jeune - mars 2007
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BD
60 I
Le chat du rabbin :
Jérusalem d’Afrique, T. 5
Quel plaisir de retrouver les truculents personnages du Chat du
Rabbin ! L’épicurien rabbin Sfar, sa fille la pulpeuse Zlabya, qui mérite
mieux que son austère de mari, le chat surtout qui retrouve ici la
parole et nous régale de ses aphorismes et commentaires, à la
manière d’un chœur antique. Plus inspiré que dans son précédent
album, Joann Sfar leur adjoint de nombreux personnages tout aussi
pittoresques : un peintre juif ashkénaze débarqué de Russie dans une
caisse de livres, un Russe blanc décadent qui a fui comme lui le
régime soviétique, enfin le cheikh Sfar, musicien, cousin du rabbin et
cependant musulman. Tout ce petit monde décide de partir à la
recherche de la Jérusalem d’Afrique, en Ethiopie. Commence alors
une expédition digne de la Croisière noire, où nos protagonistes
rencontrent successivement l’intégrisme musulman dans un campement
de Touaregs (les juifs d’Ethiopie ne vaudront guère mieux), le racisme
primaire chez un Français réfugié en Ouganda, la bêtise au Congo
belge en la personne d’un reporter prétentieux (excellente parodie de
Tintin !), l’amour pour finir entre notre peintre et une splendide jeune
femme noire.
Joann Sfar délivre ici un message de tolérance qui s’adresse à tous,
avec un talent et un humour d’une grande finesse. Le second degré est
omniprésent, dans les illustrations souvent référentielles (le peintre
russe ressemble au Petit Prince) et le texte savoureux. Le trait se fait
tour à tour luxuriant, dépouillé, parodique ou érotique selon les
situations. Les grands adolescents devraient adorer. ■ Anne Lanchon
Autre avis : Nous voici repartis avec le chat du rabbin, qui pour
l’occasion a retrouvé la parole. Toujours iconoclaste et irrévérencieux,
il parvient dans cet épisode à dédramatiser des situations ou des
discours d’intolérance, car il s’agit bien de cela : les intolérances
religieuses (chacun s’y reconnaîtra !) et leur absurdité. Les
personnages nous sont connus : les vieux sages pas si loin d’une
certaine philosophie de la vie, le jeune rabbin extrémiste, son épousée
qui se languit. Le nouveau venu est un juif de Russie qui les mène vers
la Jérusalem d’Afrique puisque telle est la quête. Il sera le catalyseur
de toutes les dérives du culte.
Les gros plans sont superbes et les couleurs choisies chaudes, le trait
tremblant de Joann Sfar nous montre des visages floutés mais des
regards qui en disent long. Le chat, omniscient tel un garde-fou, nous
renvoie sans arrêt à notre humanité. Un grand bonheur de lecture, pas
facile en raison de la densité du texte et du dessin, mais à conseiller
vivement !
■ Michelle Charbonnier
Lecture Jeune - mars 2007
Joann Sfar
Dargaud, 2006
(Poisson pilote)
84 p.
12,50 €
978-2205-05868-0
Mots clés
Afrique
Intolérance
Racisme
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Lecteurs confirmés
61 I
Lewis Trondheim
Delcourt, 2006
(Shampooing)
128 p.
11,50 €
2-7560-0411-1
Genre
Autofiction
Mots clés
Ecriture
Les petits riens de Lewis
Trondheim : La malédiction
du parapluie, T.1
Tour à tour voyageur hypocondriaque, père de famille dépassé et
Attila des espaces verts, Lewis Trondheim, scénariste et illustrateur
prolifique, poursuit sa quête aux confins du quotidien et de
l’insignifiance.
Ce premier volume d’une nouvelle série, « Les petits riens de Lewis
Trondheim », se lit comme la suite naturelle des quatre volumes de ses
« Carnets de bord » parus précédemment à l’Association. Une
différence de taille est à noter : ses chroniques sont dorénavant en
couleurs et à l’aquarelle. On retrouve donc ici le personnage
d’autofiction cher à Trondheim, son homme à la tête d’oiseau,
paranoïaque, désabusé et facétieux, attiré par les petits détails que
personne ne remarque.
L’auteur manie avec brio la forme courte de la planche dessinée. La
couleur, elle aussi très maîtrisée, est à l’image des anecdotes qu’il
nous livre, feutrée, un brin nostalgique, pleine de finesse. Du sourire
amusé à l’éclat de rire, le recueil propose une jolie palette d’humour.
Les lecteurs confirmés apprécieront l’autodérision du narrateur, ses
aventures d’anti-héros aux quatre coins du globe, ses casquettes
multiples : illustrateur reconnu, père déboussolé, être humain bourrelé
de doutes, éternel adolescent. Ce personnage, qui fait du décalage
une forme de poésie, est aussi attachant pour ses forces que pour ses
failles. Il devient vite un complice indispensable.
■ Cécile Burgard
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Parcours de lecture
Lecteurs confirmés Documentaires
62 I
Dico des signes
et symboles religieux
Auteur de romans historiques et de documentaires sur la religion, Patrick
Banon étudie les sciences religieuses et les systèmes de pensée à l’École
pratique des hautes études. Dans cet ouvrage, il montre que la plupart
des signes religieux sont partagés par l’ensemble des croyances, et
appartiennent au patrimoine spirituel mais aussi culturel et social. L’étude
se penche sur toutes les religions, mais développe surtout les exemples
puisés dans les trois grands monothéismes. Au lecteur profane, Patrick
Banon explique la différence entre signe et symbole religieux. Le premier
est porteur de plusieurs sens, il possède un pouvoir spirituel et il est
destiné à produire un effet, tandis que le deuxième exprime seulement
l’appartenance à une communauté. A la différence du symbole décidé
par les hommes, le signe religieux émane directement d’un ordre divin,
ce qui ne l’empêche pas d’avoir une valeur profane.
Après cette introduction détaillée, l’auteur analyse la polysémie des
signes et symboles : les éléments naturels (ciel, étoiles, arc-en-ciel, feu)
mais aussi les vêtements, les couleurs, les signes du corps (chevelure,
barbe, tatouage), les objets spirituels (crucifix, anneau), les animaux. La
plupart des symboles ont évolué avec le temps, et parfois totalement
changé de sens, telle la swastika, symbole religieux hindou évoquant la
régénération de la vie, devenue avec les nazis symbole de destruction
et de mort (croix gammée).
L’ouvrage manifeste la volonté de clarifier les sujets polémiques, comme
le voile. Il sera utile aux adolescents pour les initier aux religions,
absentes des programmes scolaires. La seule réserve concerne le titre,
absolument trompeur : il ne s’agit pas d’un dictionnaire alphabétique l’éditeur aurait-il imposé ce titre accrocheur ? - mais d’un ouvrage plus
riche, à lire en continu même s’il est possible d’en faire une lecture
« zapping ». Les plus pressés peuvent se référer à la précédente
publication de Patrick Banon, Signes et symboles religieux, parue en
2005 chez Flammarion (ABCdaires). Elle a servi de base à la rédaction
de celle-ci. Par ailleurs, l’illustration introduit une distanciation
– simplification, humour – par rapport au sujet, fort appréciable. Pour
tout public.
■ Cécile Robin-Lapeyre
Lecture Jeune - mars 2007
Patrick Banon
Ill. d’Anne-Lise Boutin
Actes Sud junior, 2006
(Les petits nécessaires
de culture)
93 p.
13,80 €
2-7427-6254-X
Mots clés
Religion
Sémiologie
Symbole
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Lecteurs confirmés
63 I
Jean-Baptiste Charcot
Postface de Pierre Escudé
José Corti, 2006
(1ère édition : 1906)
365 p.
20 €
2-7143-0927-5
Genre
Carnet de voyage
Mots clés
Explorateur
Antarctique
Belle idée que cette réédition du « récit anecdotique » publié par JeanBaptiste Charcot à son retour de l’expédition qu’il conduisit dans
l’Antarctique de juin 1903 à mai 1905. Ce récit se compose
principalement de son journal de bord, qu’il enrichit d’une longue
introduction où nous découvrons les objectifs et les acteurs de cette
formidable aventure. Il s’agit, écrit-il, d’une curiosité de savant - découvrir
des terres nouvelles, les cartographier, inventorier la faune, étudier la
météorologie… -, mais aussi d’une envie de damer le pion aux Anglais et
aux Nordiques déjà bien engagés dans ces mers.
Le Français au Pôle Sud est un journal écrit pour soi, où Charcot relate ses
difficultés et ses joies avec sobriété et modestie. Durant ces vingt-deux mois
d’héroïsme permanent, c’est toujours ses compagnons qu’il met en avant,
qu’il s’agisse de pomper après une énorme avarie ou de pousser la
baleinière embourbée dans la glace fondante. Malheureusement, le lecteur
a beaucoup de mal à le suivre en raison d’un cruel défaut de cartes. Il se
perd dans ses allées et venues, le récit en devient répétitif. Et pourtant ! La
langue est belle, claire, souvent comique quand Charcot évoque ses
démêlés avec les pingouins ou les icebergs. Elle se fait lyrique et
chaleureuse dès qu’il est question d’homme.
■ Michelle Brillatz
Réseau de lecture : on complétera ce témoignage avec le beau
documentaire de Serge Kahn, Jean-Baptiste Charcot, explorateur des mers,
navigateur de pôles (Glénat, 2006), illustré avec des documents de la
famille Charcot. A noter que l’Année polaire internationale débute en mars
2007. Elle comportera une traversée terrestre de l’Antarctique dont Charcot
aurait rêvé. ndlr
64 I
Catherine Clément
André Lewin
Liana Lévi, 2006
(L’autre guide)
179 p.
16 €
2-86746-424-2
Genre
Guide touristique
Mots clés
Inde
Le Français au Pôle Sud
L’Inde des Indiens
Famille, condition des femmes, religions et castes, économie, histoire,
politique, littérature… : tous les aspects de cet immense pays sont passés
en revue dans cet « autre guide ». Laissant de côté la description touristique
des villes et monuments, les auteurs se proposent de donner un tableau
vivant et coloré de l’Inde d’aujourd’hui avec ses richesses, ses atouts et ses
faiblesses. L’ouvrage, bien rédigé et bien présenté, est abondamment
illustré. Il s’achève par une section « Repères », où l’on trouve entre autres
une filmographie, une bibliographie, un choix de sites web, un bref aperçu
des institutions politiques, une chronologie, un petit glossaire et un index.
Cet ouvrage est idéal pour un premier contact avec le pays de Gandhi. Il
expose l’essentiel sous une forme attrayante, alors que dans les guides
classiques ces sujets souffrent souvent d’une présentation limitée et austère.
■ Jean Ratier
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Parcours de lecture
Ouvrages de référence
65 I
Pourquoi j’aime la bande dessinée ?
Une soixantaine d’auteurs, réunis par l’éditeur Delcourt à l’occasion de
son vingtième anniversaire, expriment avec des mots et des images leur
amour pour la bande dessinée. Le résultat est surprenant, tantôt sérieux,
tantôt léger. Il mêle avec bonheur bulles et prose, car lorsqu’il s’agit
d’évoquer des souvenirs d’enfance, certains auteurs préfèrent la plume.
On notera l’intrusion de Vincent Ravalec, qui frustré de n’avoir jamais su
dessiner trouve le moyen de nous exposer ses premières ébauches.
« J’aime la bande dessinée parce qu’elle est un art mineur, adolescent »,
écrit Jean-Claude Denis. Ce plaidoyer a retenu notre attention dans
cet album en apparence promotionnel, il nourrira la réflexion des
médiateurs : lire des bandes dessinées, n’est-ce pas conserver une part
d’adolescence ? Cet ouvrage singulier offre aux plus réticents l’occasion
de comprendre ce qui unit autour d’une même passion lecteurs et auteurs.
■ Elise Hoël
66 I
Collectif
Delcourt, 2006
94 p.
9,80 €
2-7560-0442-1
Genre
Témoignage
Mots clés
Bande dessinée
Le roman pour adolescents
aujourd’hui : écriture,
thématiques et réception
Daniel Delbrassine a soutenu en 2005 à l’université de Liège une thèse
intitulée « Le roman contemporain adressé aux adolescents ». Elle est à
l’origine de cet ouvrage, qui repose sur l’analyse d’un corpus de 247
livres parus entre 1997 et 2000 (L’école des loisirs, Gallimard jeunesse,
Seuil jeunesse, Flammarion jeunesse).
L’auteur s’intéresse dans une première partie à la réalité éditoriale du
roman pour adolescents. Il démontre la constante recherche de légitimité
littéraire, puis à partir de 1995 - année de lancement de la collection
« Chair de poule » et publication du premier tome d’Harry Potter en
1998 -, alors qu’un champ autonome semble s’être constitué,
la polarisation de l’offre. Un chapitre passionnant consacré aux
influences étrangères – littérature anglo-saxonne, suédoise, allemande –
sur le roman francophone nous donne l’occasion de revenir sur des
œuvres fortes et pas toujours traduites.
L’auteur s’interroge dans un second temps sur les rapports entre la
Lecture Jeune - mars 2007
Daniel Delbrassine
CRDP de l’académie
de Créteil - La Joie par
les livres, 2006
(Argos références)
444 p.
23 €
2-86918-191-4
2-86918-191-5
Mots clés
Littérature de jeunesse
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Ouvrages de référence
littérature générale et celle destinée aux adolescents. Le corpus étudié
montre en effet une forte proportion d’auteurs « mixtes ». Daniel
Delbrassine mène une analyse comparative des textes de ces auteurs,
puis d’ouvrages remaniés pour la jeunesse, dans une démarche où il
questionne les spécificités linguistiques, narratives et littéraires. Il ne
constate aucun abaissement du niveau linguistique ou narratif dans les
romans adressés aux adolescents.
Dans une dernière partie enfin, le corpus est analysé sous l’angle des
stratégies de séduction du lecteur et du traitement des sujets tabous, et
pose la question de l’autocensure.
Cet ouvrage offre un panorama brillant et inédit du roman contemporain
destiné aux adolescents. Il éclaire et nourrit notre réflexion par une étude
littéraire approfondie et structurée. Ajoutons qu’il se lit avec un grand
plaisir, grâce à sa clarté et son accessibilité. Sans aucun doute un
ouvrage indispensable.
■ Hélène Sagnet
67 I
Evelyne Duret
Autrement, 2006
(Généalogies)
96 p.
10 €
978-2-7467-0892-2
Mots clés
Généalogie
Famille
Guider les jeunes
sur la piste de leurs ancêtres
Devenue une véritable mode, la généalogie ne cesse de faire des
émules : on ne compte plus le nombre de « cousinades » et de
retrouvailles qui passionnent les familles en France. Ce livre se présente
comme un guide pour les adolescents mais s’adresse en priorité aux
médiateurs. L’ouvrage définit le rôle et l’utilité de la généalogie, et - point
fort - explique comment l’introduire en milieu scolaire ou comme activité
de loisirs. C’est un manuel pratique, qui propose par exemple un modèle
de lettre pour une demande d’actes auprès de l’Etat civil. Il suggère
également des idées pour insérer les arbres généalogiques au sein des
cours d’histoire, de géographie ou d’éducation civique. L’auteur,
historienne, anime un atelier de généalogie dans un collège du Vald’Oise. Chaque page est émaillée de témoignages qui offrent deux
niveaux de lecture : une lecture approfondie de la méthodologie, et une
lecture-zapping des différentes démarches.
La généalogie peut jouer un rôle important dans la construction de la
personnalité, mais aussi dans l’intégration des jeunes. L’adolescent
devient l’historien de sa famille, il découvre en même temps la
démographie et l’onomastique (science des noms de famille), s’ouvre aux
différents médias (film, site Internet…). Ce documentaire offre de
nombreuses pistes. Il est regrettable que la bibliographie et les adresses
ne soient pas reprises en fin d’ouvrage. Un oubli, probablement !
■ Cécile Robin-Lapeyre
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En savoir plus
Formations
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Informations
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En savoir plus
Formations Lecture Jeunesse Programme
Premier semestre 2007
Nos stages et journées d’études se déroulent à Paris à des dates prédéterminées. Ils sont également
proposés sur site à la demande des bibliothèques municipales, bibliothèques départementales de prêt,
IUFM, associations… Notre catalogue de formations est disponible sur simple demande.
Stages : Savoirs de base
● Les romans à l’adolescence
niveau « repères »
Problématique
Comment se repérer dans la production d’ouvrages
de fiction pour proposer aux jeunes des livres adaptés
à leurs parcours de lecteurs ?
- Maîtriser le fonctionnement narratif et graphique
de ces ouvrages
- Choisir et comparer les titres en vue d’une politique
d’acquisition raisonnée
Dates : 28-29-30 mars 2007
et 27-28-29 juin 2007
● La presse et les adolescents
Objectifs
- Définir les enjeux de la lecture à l’adolescence
- Identifier les collections « pour » adolescents ainsi
que des titres de littérature générale pouvant susciter
leur intérêt
- Découvrir des univers d’auteurs
- Analyser et critiquer un livre, en dépassant le simple
jugement de valeur personnel, en gardant à l’esprit
le public auquel le roman est destiné
Dates : 21-22-23 mars 2007
Problématique
La lecture, lorsqu’elle parvient à se faire l’écho
de centres d’intérêts que les adolescents choisissent
librement, bénéficie d’un nouvel engouement :
c’est le cas de la presse magazine. Que lisent les
adolescents ? Comment cette presse s’adresse-t-elle
à eux ? Comment utiliser ce support en bibliothèque
et le relier à d’autres ?
Objectifs
et 20-21-22 juin 2007
● Les mangas
niveau « repères »
Problématique
La France est le second pays lecteur de mangas après
le Japon. Les jeunes se sont emparés de ces livres dont
les héros et valeurs, étonnamment, leur ressemblent.
Comment mieux appréhender la qualité littéraire et
graphique de ces ouvrages ? Comment se repérer
dans les courants et les genres pour prendre une place
de conseil auprès des jeunes ?
- Appréhender le fonctionnement et les enjeux
de la presse quotidienne nationale et régionale
et de la presse magazine
- Identifier les grands groupes de presse
et les titres destinés aux jeunes
- Analyser et mettre en perspective
(forme, discours, …) les titres de presse « ado »
Dates : 6-7-8 juin 2007
Objectifs
- Acquérir des clés de compréhension de la société
japonaise
- Situer les grands courants, les genres, les auteurs
incontournables
- Identifier les éditeurs, les collections, les séries
●
P
P
I
o
t
c
b
c
r
O
-
-
D
●
P
L
g
d
d
l
O
-
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Inscriptions
Chantal Viotte
Tél. : 01-44-72-81-50 - [email protected]
Renseignements pédagogiques
Hélène Sagnet - Michelle Charbonnier
Tél. : 01-44-72-81-52
Tarifs des stages
Tarifs de la journée d’étude
405 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
305 € TTC (Prise en charge personnelle)
60 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
30 € TTC (Prise en charge personnelle)
Journée d’étude
● Les documentaires et les adolescents
● Le documentaire dans tous ses états
Problématique
Littérature, bande dessinée, photographie,
cinéma, télévision…
Pour leurs recherches scolaires, les adolescents utilisent
Internet avant de se tourner vers le livre documentaire,
oubliant qu’il peut constituer une étape du repérage
tout en suscitant le plaisir de lire. Comment prendre en
compte la demande de renseignements scolaires et le
besoin de découvertes personnelles dans la
constitution d’un fonds qui soit à la fois cohérent et
repérable ?
Objectifs
- Développer une politique d’acquisition qui prenne
en compte les programmes scolaires, les ressources
d’Internet et la place des documentaires « plaisir »
- Identifier les collections jeunesse ainsi que certaines
collections généralistes accessibles aux adolescents
- Comparer les documentaires portant sur un même
thème et évaluer leur qualité
Dates : 30-31 mai et 1
er
Interroger le rapport au réel.
Le genre documentaire suscite un regain d’intérêt.
Ses formes se diversifient et de nouveaux médias
s’en emparent. Le succès des docu-fictions dans le
domaine télévisuel en est une juste illustration.
Comment expliquer cet essor nouveau et l’engouement
du public ? Quelles sont aujourd’hui les frontières
du genre ?
Date : 24 mai 2007
juin 2007
● La bande dessinée
Problématique
La bande dessinée est une forme littéraire d’une
grande créativité. Fondée sur la force du rapport
du texte et de l’image, elle offre des pistes d’entrée
dans la lecture riches et singulières. Comment
la valoriser et l’utiliser en bibliothèque ?
Objectifs
- Identifier les titres et collections susceptibles
d’intéresser un public adolescent
- Découvrir des univers de création singuliers
- Comprendre le fonctionnement narratif
(et notamment le rapport texte / image)
- Analyser, critiquer et conseiller une bande dessinée
Dates : 13-14-15 juin 2007
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En savoir plus
Informations
Conférences
• « Editer avec Internet ? » : La BNF organise le
15 mars dans le cadre des « Ateliers du livre » une
journée d’étude pour débattre de l’évolution du métier
d’éditeur, depuis la parution de L’Encyclopédie de
Diderot jusqu’à l’encyclopédie en ligne Wikipédia.
Entrée libre. Site : www.bnf.fr
• « Ecritures sans frontières » : L’association Lignes
d’écritures et l’INS-HEA (Institut national supérieur de
formation et de recherche pour l’éducation des jeunes
handicapés et les enseignements adaptés) organisent
du 20 au 22 avril à Suresnes (92) un cycle de
conférences autour de la création littéraire, les lieux
et ateliers d’écriture.
Site : www.lignesdecritures.org
Exposition
• Le 13e Festival du livre jeunesse d’Annemasse aura
lieu du 31 mai au 2 juin sur le thème « D'où je viens ? ».
Site : www.mairie-annemasse.fr
Prix
• Le 34e Festival de la BD d’Angoulême a décerné le
Prix du meilleur album à l’auteur de mangas Shigeru
Mizuki pour NonNonBâ (Cornélius) et le Prix jeunesse
9/12 ans à l’album de Fabien Vehlmann et Bruno
Gazzotti, La disparition, premier tome de la série
« Seuls » (Dupuis).
Site : www.bdangouleme.com
Revues
• La revue InterCDI n°208 (juillet-août) publie un
numéro spécial sur les nouvelles pratiques de lecture.
Site : www.intercdi-cedis.org
• « BD reporters » : Croquis, planches et photos
invitent à découvrir une bande dessinée proche du
reportage ou du carnet de voyage. Jusqu’au 23 avril
au Centre Pompidou, de 11h à 19h.
Site : www.centrepompidou.fr
Sélections
Festivals et salons
• Tirelivre n°11. L’édition 2006 des livres analysés
par la bibliothèque de Caen est accessible sur le site
ville-caen.fr/tirelivre
• Le 27e Salon du livre de Paris ouvre ses portes du
23 au 27 mars avec l’Inde comme invitée d’honneur.
Site : www.salondulivreparis.com
• Le 2e Festival du multimédia jeunesse. Organisé par
l’association Multimédia jeunesse, cet événement
familial et gratuit se tiendra les 23 et 24 mars à
Joinville-Le-Pont (94).
Site : www.festival-multimédia-jeunesse.fr
• La 8e Fête du livre jeunesse de Villeurbanne aura
lieu les 28 et 29 avril. Sa thématique, "Je me
souviens… de demain", aborde l’avenir de la
planète, de la paix et de la société.
Site : www.mairie-villeurbanne.fr
• La sélection 2006 de l’association Arple est
disponible par correspondance.
Contact : [email protected]
Divers
• Le projet « Passerelle » de la médiathèque de SaintCloud et de l’espace Jeunes-Cadr’à Bulles (92) propose
aux 14-20 ans un choix de livres « passerelle »,
exposés sur des présentoirs qui circuleront d’un lieu
à l’autre. Une bibliographie correspond
à cette sélection.
Contact : [email protected]
• Le Festival du livre de jeunesse et de bande
dessinée de Cherbourg-Octeville fête ses 20 ans du
24 au 27 mai sur le thème "les Mots".
Site: www.festivaldulivre.com
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Index
Auteurs
p. 76
Titres
p. 77
Genres et mots clés
p. 78
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Index Auteurs
A
notice
B
notice
Abouet, Marguerite
Achile
Adachi, Mitsuru
Allemand, Sylvain
Antoine-Andersen, Véronique
Asano, Inio
Banon, Patrick
Barraqué, Gilles
Beddor, Franck
Blanchard, Anne
Bottero, Pierre
Boutin, Anne-Lise
Boyne, John
C
Casanave, Daniel
Cerisier, Emmanuel
Chaine, Sonia
Charcot, Jean-Baptiste
Charon, Séverine
Cizo
Clément, Catherine
Collins, Luke
Collombat, Isabelle
D
Dana, Jean-Yves
Daniel Raby, Lucy
Davodeau, Etienne
Delbrassine, Daniel
Desbiolles, Maryline
Dodier, Alain
Dorfman, Joaquin
Duchazeau, Frantz
Duffet, Sophie
Duret, Evelyne
Duvivier, Marianne
33
12
9
16
41
55
62
1
23
17
2, 24
62
25
notice
35
17
18
63
19
15
64
22
26
notice
20
32
56
66
27
10
28
38
21
67
34
E
notice
F
notice
G
notice
Etienne, J.
Flint, James
Fonteneau, Jean-Louis
Gerbaud, Chantal
Gipi
Giroud, Frank
Giulivo, Romuald
H
Harder, Jens
Hofmann, Gert
Hogan, Linda
Horvath, Odön von
J
Jarry, Nicolas
11
22
11
42
57
34
3
notice
58
44
45
52
notice
12
K
notice
L
notice
M
notice
N
notice
O
notice
P
notice
R
notice
S
notice
T
notice
V
notice
W
notice
Kerr, Philip B.
Khadra, Yasmina
Konigsburg, E.L
Krauss, Nicole
Kris
Lahiri, Jhumpa
Larcenet, Manu
Lewin, André
McGruber, Aaron
Maret, Pascale
Meurisse, Catherine
Meyer, Stephenie
Miano, Léonora
Mistral, Laure
Morgan, Ben
Mowll, Joshua
Murat, Thierry
Novi, Nathalie
O’Faolain, Nuala
Oubrerie, Clément
Piquemal, Michel
Rascal
Rosenlow Eeg, Harald
Saito, Takao
Schlink, Bernhard
Sfar, Joann
Shadow, Nick
Shakespeare, William
Siety, Emmanuel
Soda, Masahito
Tezuka, Osamu
Toume, Kei
Trondheim, Lewis
Vantal, Anne
Védrines, Marc
Vehlmann, Fabien
Westerfeld, Scott
Winshluss
Witchalls, Clint
Woodford, Chris
4
46
31
47
56
48
35
64
36
29
1
30
53
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22
5
13
7
49
33
7
13
50
59
51
60
6
7
43
39
14
40
61
8
37
38
54
15
22
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Index Titres
A
Aïzan
Alice en exil
Année douce amère (Une)
Art à travers les âges (L’)
Autre (L’)/Der Andere
Aya de Yopougon, T.2
B
Best 13 of Golgo 13
Boondocks (The) : T.1 à 5
Brüssli le conquérant
C
Cent pour cent technologique
Chien dans un jeu de quilles (Un)
Cinq conteurs de Bagdad (Les)
Cité de Dieu (La)
Code Cool
Comme un poisson dans l’eau !
Contours du jour qui vient
D
Dans la peau des arbres
Développement durable (Le)
Dico des signes
et symboles religieux
Djinn bleu de Babylone (Le)
E
Echarde (L’) : T.1 et T.2
Elfe du Grand Nord (L’)
Escale boréale
Eté outremer (Un)
Explorateurs racontés
par les peintres (Les)
notice
27
23
29
18
51
33
notice
59
36
11
notice
22
10
37
58
54
13
53
notice
26
16
62
4
55
40
N
notice
O
notice
P
notice
Nom pour un autre (Un)
Notre philosophe
Opération Zoridium
Opération Typhon
Pacte des Marchombres (Le)
Peur au cinéma (La)
Plus un mot
Pourquoi j’aime
la bande dessinée ?
Power
Promenade en architecture
R
48
44
5
5
2
43
31
65
45
41
notice
notice
T
notice
W
notice
52
35
63
25
50
17
67
H
notice
I
notice
J
notice
J’ai vécu la guerre d’Espagne
Jérusalem d’Afrique
61
S
notice
Inde des Indiens (L’)
Irène Hajos, survivante
notice
Malédiction du parapluie (La)
Monde formidable (Un) !,
T.1 et T.2
Mystères de Taisho (Les), T.1
19
G
Hato, toujours plus haut !, T.1
H2 : T.1, T.2
Histoire de l’amour (L’)
Histoire de Chicago May (L’)
Homme est mort (Un)
M
3
1
34
32
37
8
notice
Garçon en pyjama rayé (Le)
Grand frère
Grand livre des sciences
et inventions arabes (Le)
Guider les jeunes sur la piste
de leurs ancêtres
notice
Là-bas
Loi du roi Boris (La)
Rachel vit à Jérusalem, Nasser à
Bethléem
Roman pour adolescents
aujourd’hui (Le) : écriture,
thématiques et réception
Roméo et Juliette
notice
F
Fils de notre temps (Un)
Fléau de Dieu (Le)
Français au Pôle Sud (Le)
L
S.
Sang sur le sable (Du)
Sirènes de Bagdad (Les)
Souffle de la hyène (Le)
Subaru danse vers les étoiles, T.4
Tentation
Trafic de fées
Trop parfait pour être honnête
Wizz et Buzz, T.1
21
66
7
57
6
46
24
39
30
12
28
15
14
9
47
49
56
64
42
20
60
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78
Index Genres et mots clés
Genres
A
Album
Autobiographie
Autofiction
Aventure
B
Biographie
C
Carnet de voyage
Chronique
Mots clés
notice
7
57
61
11
notice
49
notice
58, 63
33
A
notice
Adolescence
9, 13, 24, 26, 33
Adoption
3, 8, 32
Afrique
33, 60
Afrique noire
53
Algérie
8
Amitié
23, 24, 25, 28, 31, 32
Amour
7, 30, 51
Années vingt
40
Années soixante-dix
59
Antarctique
63
Anticonformisme
49
Antisémitisme
44
Architecture
41
Armée
52
Art
18, 19
D
notice
E
notice
B
notice
notice
C
notice
Documentaire
Enquête
F
Fantasy
Fantastique
G
Guide touristique
H
Heroic fantasy
Histoire
Humour
M
Manga
Manga-Gekika
Manga-Josei
Manga policier
P
Policier
R
56
12
4, 12
6, 32, 37
notice
64
notice
2
34, 37, 56
1, 15
notice
14
59
39
40
notice
10, 59
notice
Reportage
Roman d’aventures 2, 4, 5, 24, 32,
Roman d’apprentissage
Roman fantastique
Roman graphique
14,
Roman historique
29,
Roman illustré
Roman intime
Roman initiatique
2, 8, 23, 28,
Roman policier
Roman psychologique 3, 26, 31,
S
Seinen manga
Shonen manga
T
Témoignage
58
45
45
30
57
52
1
27
53
31
50
notice
59
9
notice
20, 42, 65
Bande dessinée
Base-ball
Cinéma
Condition féminine
Consommation
Conte
Culpabilité
Culte de l’apparence
D
Danse
Dépression nerveuse
Deuil
Développement durable
Dictature
Dieu
Différence
Divorce
E
Ecologie
Ecriture
Enfance
Engagement
Environnement
Etats-Unis
Explorateur
F
Famille
Famille recomposée
Filiation
G
Gémellité
Généalogie
Génocide
Guerre
Guerre d’Espagne
65
9
43
49
54
38
50
54
notice
39
3, 35
57
16
1
35
24
13
Jalousie
Japon
Jérusalem
L
Langage
Liban
Liberté
Littérature de jeunesse
Loup-garou
M
Magie
Mai 1968
Maltraitance
Mémoire
Mensonge
Monde ouvrier
Mondialisation
Mort
Mythologie
N
notice
4
67
53
35
20
I
notice
18
42
47, 48
27
27, 47
64
45, 48
60
46
Lecture Jeune - mars 2007
51
14, 40, 55
58
notice
1
46
23
66
30
notice
4
34
10
57
28
56
16
7
14
notice
Orphelin
2, 12
O
P
Paranormal
Paris
Peur
Politique
Power
Prison
Q
Quotidien
S
48, 50, 67
31
28
notice
44, 52
notice
45
47, 61
25
56
16
36
5, 19, 63
17, 38
37
58
21
Nazisme
R
notice
Identité
Imaginaire
Immigration
Inde
Interculturalité
Intolérance
Irak
J
notice
H
Histoire
Hongrie
Islam
Islande
Israël
Israël-Palestine
Racisme
Relation mère/fille
Relation mère/fils
Relation père/fils
Religion
Résilience
Résistance
notice
notice
6
10
6, 43
59
45
31
notice
55
notice
36, 60
26
3
57
62
53
29
notice
Science
5, 17, 22
Seconde Guerre mondiale
29, 42
Secret
51
Sémiologie
62
Shoah
25, 34, 42
Société
55
Symbole
62
T
notice
V
notice
Technologie
Terrorisme
Théâtre
Vampire
Vol
Voyage
22
46
7
30
49
8
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79
Ours
Lecture Jeune
190, rue du Faubourg Saint-Denis - 75010 Paris
Tél. : 01 44 72 81 50 - Fax : 01 44 72 05 47
Courriel : [email protected]
Hélène Sagnet (81-52)
Anne Lanchon (81-53)
Chantal Viotte (81-50)
Françoise Ballanger, Patrick Borione, Nathalie Carré, Madeleine Couet-Butlen,
Annick Lorant-Jolly, Bernadette Seibel, Véronique Soulé, Jean-Claude Utard
[email protected]
Jean-François Barbier-Bouvet, Brigitte de Bergh, Evelyne Bevort, Marie-Françoise
Brihaye, Michelle Brillatz, Sandrine Brugot-Maillard, Cécile Burgard, Juliette
Buzelin, Michelle Charbonnier, Christelle Crumière, Agnès Donon, Sébastien
Féranec, Sophie Gentier, Gaëlle Glin, Laurence Guillaume, Elise Hoël, Anne
Lanchon, Marie-Christine Lipani-Vaissade, Gilberte Mantoux, Valérie Médiano,
Eric Peltier, Charlotte Plat, Jean Ratier, Cécile Robin-Lapeyre, Albert du Roy,
Hélène Sagnet, Sonia Seddiki, Olivia de Villeneuve, Nicole Wells, Maryon
Wable-Ramos
L’ARTESIENNE - Dépôt légal : mars 2007
Tél. : 03 21 72 78 90
I.S.S.N. 1163-4987
C.P.P.P. n° 1107G79329
Revue éditée par l’association Lecture Jeunesse
Association de loi 1901 déclarée le 4 janvier 1974
Agréée par le Secrétariat d’Etat Jeunesse et Sport le 27/01/1977 – N° 94.155
Cette revue est publiée avec le concours de la Mairie de Paris,
du Centre national du livre et de la Direction du livre et de la lecture (Ministère de
la culture)
Lecture Jeune - mars 2007
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Abonnement
19:14
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Bulletin
de commande 2007
Nom, Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Organisme : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Adresse :
......................................................................
Code Postal :
Ville :
................................................................
...........................................................................
Email :
.........................................................................
2007 - Abonnement pour 4 numéros
(Numéros 121 à 124)
France : 40 €
■
Autres pays et DOM TOM : 44 €
■
Vente au numéro : 13 €
Paiement par chèque joint
Pour les organismes, facture en ….. exemplaires
■
■
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Pour adhérer à l’association
Lecture Jeunesse
Je désire adhérer à l’association Lecture Jeunesse et soutenir
son action en qualité de :
Membre adhérent : 25 €
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Membre bienfaiteur : 45 € et +
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Date et signature
Chers lecteurs,
Lecture Jeunesse vous invite à découvrir
son catalogue de formations
du 1er semestre 2007 :
Les romans à l’adolescence, niveau “repères”
Les mangas, niveau “repères”
La presse et les adolescents
Les documentaires et les adolescents
La bande dessinée
Ainsi que la journée d’étude
“ Le documentaire dans tous ses états”
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