Lecture Jeune

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Lecture Jeune
33e année
trimestriel
Lecture Jeune
Revue de réflexion, d’information et de choix de livres pour adolescents
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mars 2011
N°137
I
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Lecture Jeunesse
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Sommaire
Éditorial
page 2
Rencontre avec…
Agnès Desarthe
page 3
Dossier
Les jeunes adultes et la littérature
page 7
Parcours de lecture
Livres accroche
Et après
Lecteurs confirmés
Ouvrages de référence
page 36
page 46
page 59
page 70
En savoir plus
page 73
Index
page 76
22
Édito de lecture
Parcours
Livres accroche
Sonia de Leusse
- Le Guillou Littératures
1 « Littérature pour jeunes adultes »,
décembre 2000. Pour approfondir la réflexion,
on pourra également consulter certains articles
du n° 96, Lecture Jeune, « Le marketing :
un savoir-faire au service de la lecture ? »,
septembre 2002.
2 Voir la notice critique
sur L’Enfance des loisirs p. 71.
3 Pour reprendre les termes d’Anne Besson
dans son article « Ensembles romanesques
et genres populaires : propositions de formalisation », La Revue des livres pour enfants,
n° 256, « Livres en série », décembre 2010.
4 Notamment évoquées lors de
la journée organisée par Livres Hebdo en
novembre 2010, « Editeur, libraire,
bibliothécaire : quels métiers dans 10 ans ? ».
1
Jeune s’interrogeait déjà sur l’existence d’une
Dans son n° 96, Lecture
littérature destinée aux young adults, lui reconnaissant « une manière
renouvelée de dire le monde, ses excès et ses espoirs » et l’émergence d’un
public spécifique. Christine Ferrand remarquait l’influence des séries
télévisées sur cette production, la « réinsertion de la fiction dans le social »
et soulignait le paradoxe de ce lectorat convoité par les éditeurs :
les études2 le confirment, en grandissant, les adolescents et jeunes adultes
délaissent les livres. Pourtant, publications, anglicismes et étiquettes
se multiplient.
Les romans dits cross-age, cross-over, ou « passerelles » seraient-ils
devenus la littérature populaire du XXIe siècle, voire une « locomotive
éditoriale3 » ? Pour Daniel Delbrassine, on peut en effet se demander si
la littérature jeunesse n’influencerait pas sa consœur, dite générale. Ainsi,
les frontières – que certains éditeurs tendent à brouiller –, deviennent
de plus en plus floues : des teenagers aux trentenaires, qui sont donc ces
« jeunes adultes » qu’ils prisent ? Olivier Galland propose trois grands
repères pour définir cette « nouvelle jeunesse » aux bornes élargies, tandis
que Claude Poissenot synthétise les grandes tendances de son rapport
aux livres, confirmant l’obsolescence de la lecture comme héritage des
générations passées. Les littératures dites de l’imaginaire profitent de
cet affranchissement des jeunes de la caution de leurs aînés. Mais quels
que soient les genres, les publications pour young adults pullulent. Si le
marketing joue un rôle non négligeable dans l’augmentation des ventes,
les stratégies mises en place par les maisons d’édition sont loin d’être
homogènes mais, comme le souligne Sandra Painbéni, les « clients » de ce
segment de marché sont bien au rendez-vous ! Confirmant le renouveau
de la profession4, le community manager semble ainsi un métier d’avenir
si l’on se réfère aux procédés de communication d’Hachette Jeunesse ou
Gallimard Jeunesse. La bibliothèque, elle, doit se passer de cross-age
manager pour l’aider à classer ces livres en rayon ! Quelques structures
ont choisi de centrer leur réflexion sur ces productions « passerelles »,
leur consacrant un espace ou une reconnaissance bibliographique.
Loin d’apporter des réponses définitives, ce numéro qui soulève nombre de
questions souhaite proposer pistes théoriques et pratiques pour réfléchir à
une notion aujourd’hui incontournable et sans cesse en redéfinition.
Lecture Jeune - mars 2011
Rencontre avec…
Agnès Desarthe
par Sonia de Leusse-Le Guillou
page 4 à 8
4
Rencontre avec…
Agnès Desarthe Auteur
Propos recueillis par
Sonia de Leusse-Le Guillou
« Je n’étais pas la même à trente ans. J’étais un être tout
à fait particulier à huit ans. Je considère mon adolescence
comme autonome en regard de la suite. La femme que je suis
aujourd’hui est déracinée, détachée, incompréhensiblement
solitaire. Je fus très entourée. Je fus très sociable. Je fus timide.
Je fus réservée. Je fus raisonnable. Je fus folle. »
Mangez-moi, Paris, Éditions de l’Olivier, 2006, p. 27.
Agnès Desarthe
Pour en savoir plus
et voir sa bibliographie complète,
consultez son site Internet :
http://www.agnesdesarthe.com/
A l’occasion de son stage sur les « romans passerelles », Lecture
Jeunesse a rencontré Agnès Desarthe, romancière qui écrit à la
fois pour les adultes, les adolescents et les enfants. Le registre
tragi-comique caractérise l’ensemble de sa production littéraire.
L’auteur, qui ne cesse de s’étonner de l’absurdité de la condition
humaine, revendique volontiers sa sympathie pour son jeune
lectorat dont elle apprécie la curiosité et la vigueur.
Lecture Jeune : Sur votre site Internet, on trouve une petite
biographie (http://www.agnesdesarthe.com/). Je dois avouer
que cela m’a étonnée : vos personnages ont toujours beaucoup
de mal à se définir. C’est une épreuve angoissante, presque
terrifiante pour eux. Ça ne l’a pas été, pour vous ?
Agnès Desarthe : Alors, cette biographie me coûte – vous avez tout à
fait raison – je l’ai écrite au départ pour une espèce de dictionnaire
de la littérature (dont je ne sais plus le titre). On sent effectivement
dans ce texte un côté « mauvais élève », un peu arrogant. Je la trouve
même complètement « adolescente », cette présentation. Elle me gêne
énormément parce que je ne m’y reconnais pas du tout. Mais qui
se reconnaîtrait dans sa biographie ? Je crois que c’est un exercice
périlleux. Vous commencez par le commencement… un problème !
LJ : Mais il est tout de même révélateur, ce texte : l’humour
qu’on y trouve est la grande constante de votre œuvre. C’est,
à mon sens, ce qui lie votre production jeunesse et adulte. Par
exemple, vous ménagez toujours des effets de surprise. Est-ce
pour dérouter le lecteur ?
Agnès Desarthe : Non, je dois avouer que je ne pense jamais au
lecteur quand j’écris. Si je pensais à lui, je crois que je ne parviendrais
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pas à écrire, parce que je serais comme une adolescente devant son
miroir, qui se regarde, qui se demande comment on va la voir… Il
ne faut pas penser au regard de l’autre. Il y a une phrase de Virginia
Woolf que j’aime beaucoup et qui est très libératrice : « à quoi bon
écrire si on ne se rend pas ridicule ? ». Si on s’interrogeait sur l’avis
du lecteur, la question du ridicule nous tuerait. Mais je pense à la
lectrice que je suis quand j’écris, et j’aime être dérangée, surprise,
bousculée. J’essaie donc, dans mes romans, de créer autant de
surprise que la vie nous en propose.
LJ : Certains de vos personnages se retrouvent dans des situations clownesques. Vous mêlez humour et gravité, personnages comiques et tragiques1.
AD : Cet équilibre précaire est emblématique de la condition humaine
qui me paraît complètement absurde. Bizarrement, cette tension me
rend joyeuse, parce que je me dis qu’il faut profiter de la vie ! Pour moi,
être vivante, c’est être un clown, mais un clown triste parce que nous
allons mourir. La tristesse et la joie sont simultanément présentes.
1 On peut penser à l’Écossaise de Dans la
nuit Brune, à certains comiques de situations
– Simone (Les Bonnes Intentions) qui apporte
à manger à M. Dupotier en montant sur une
échelle, parce qu’il est enfermé chez lui. On
peut évoquer Niniche également (Les Bonnes
Intentions), sorte de nouveau Schmürz de
LJ : C’est ce rapport ambigu au monde mais aussi au langage,
que vous explorez dans vos romans ? Dans La Plus Belle Fille du
monde, par exemple, la narratrice, Sandra s’est rendu compte
de la trahison des mots2. Cela reflète-t-il votre propre rapport
à l’écriture ?
AD : Oui, j’ai vraiment éprouvé ce sentiment de déception avec le
langage, notamment face à la beauté ; l’écrivain est toujours un peu
« en-dessous ». Avec la langue, il y a un grand risque de puiser des
clichés dans l’inconscient collectif et linguistique, d’associer des
pièces de lego déjà assemblées. Il faut fournir un effort d’imagination,
essayer de créer des réactions chimiques entre les mots.
Vian, dans Les bâtisseurs d’Empire.
2 « En grandissant on découvre que pour dire
les choses on dispose de très peu de moyens,
il faut mélanger plusieurs mots comme avec
les couleurs. Rouge + jaune = orange. Mais
en beaucoup plus compliqué, et surtout en
beaucoup plus décevant. La plupart du temps
on est à côté de la plaque, c’est même un
miracle qu’on puisse parvenir à se comprendre. », La Plus Belle Fille du monde, p. 68.
3 Agnès Desarthe, mon écrivain préféré,
LJ : Vous établissez des passerelles entre les mots, les émotions, en « cré[ant] des réseaux de sens inédits3 ». Dans Le
Principe de Frédelle, vous dressez cette fois des ponts entre
l’enfance et l’âge adulte4. Pouvez-vous revenir sur la notion
d’enfance et ce qu’elle évoque pour vous ?
L’École des loisirs, 2006, p. 85.
AD : L’enfance s’apparente à de la sauvagerie. L’éducation, que je
décris comme un chantier pharaonique, est une forme de répression
réussie. Mais que reste-t-il en nous de cette répression ? Nous fait-elle
glorieusement passer de l’état animal à l’état humain ou garde-t-on
des séquelles de l’animal blessé ?5 La croissance est un phénomène
gigogne, à la manière des poupées russes : le petit, emboîté dans le
moyen, puis dans le grand. La conscience de cet emboîtement me
permet de mener à bien ce travail de passerelles. Je mets en scène
les tensions entre des enfants et des adultes parce que, pour moi,
celles-ci sont dues au fait que l’une des poupées résiste à l’intérieur
de l’adulte.
sent pas leurs propres vêtements et envisagent
Lecture Jeune - mars 2011
4 « Les enfants, presque sans exception, sont
fous. […] De 0 à, mettons, 10 ans, les enfants
ont des attitudes de déments. […] [Ils] se
jettent à l’eau sans savoir nager, ne reconnaisde se marier avec leurs parents », Le Principe
de Frédelle, p. 10.
5 C’est un thème qu’Agnès Desarthe aborde
Dans la nuit brune (éditions de l’Olivier,
2010) avec le personnage de Jérôme, l’enfant
sauvage, qui est pour elle un « avatar de
n’importe quel enfant. N’importe quel enfant
est un enfant sauvage, trouvé par ses parents,
qui apprennent à le connaître ».
6
Rencontre avec Agnès Desarthe
6 La Plus Belle Fille du monde, p. 45.
7 Dans la nuit brune, p. 69.
8 Si l’on se réfère au sondage de l’AFEV
(Association de la Fondation Etudiante
pour la Ville) de mars 2010,
près d’un Français sur deux déclare avoir
une image négative de la jeunesse.
56 % des jeunes sont taxés
d’irresponsables et 62 % considérés
comme peu ou pas actifs, cité par
A. Piquard et S. Laurent, La Planète
« Jeunes », Dossiers et Documents,
LJ : À l’enfance succède l’adolescence que vous définissez
avec humour : « Les ados, c’est comme des enfants en pire, les
adultes détestent. Ils nous trouvent mous, paresseux, impolis,
insolents, idiots, bruyants, taciturnes6 ». Vous les comparez
aussi à des bonsaïs : « Les jeunes sont très fragiles, très sensibles. […] C’est un peu comme les bonsaïs : petits dehors,
grands dedans, et inversement. Cette démesure les fragilise
considérablement7 »…
AD : Lorsque j’ai écrit La Plus Belle Fille du monde, c’était le moment
où il y avait eu ce merveilleux fait divers aux États-Unis : un état très
conservateur avait décidé, pour lutter contre les vagues d’avortements,
de légaliser l’abandon quel que soit l’âge de l’enfant. Et des Américains
étaient arrivés d’autres États pour abandonner qui ? leurs ados ! Ça m’a
fait beaucoup rire ! Sandra, la narratrice, s’empare de cette affaire et
commence une enquête pour déterminer pourquoi les adultes détestent
les enfants !
Personnellement, je ne me reconnais pas du tout dans le discours
radical, massif, sans nuance, qui consiste à affirmer que les adolescents
« ne lisent pas, sont arrogants, croient qu’ils savent tout mais ne savent
rien »8... Ceux que je côtoie sont polis, agréables, fiables, beaux,
propres ! Cependant, l’adolescence est un passage compliqué et
déstabilisant pour les adultes qui se trouvent alors menacés dans leur
intimité, leur intériorité par ces jeunes. L’adulte n’est plus le pourvoyeur
absolu. Il devient invisible. C’est un moment très instructif et en même
temps extrêmement violent. Mais selon moi c’est quand même un
problème de représentation de l’adolescence franco-français, parce
que je n’ai pas vécu cela en Angleterre, en Suède, en Allemagne, ni
dans les pays méditerranéens.
Le Monde, n°404, janvier 2011.
Voir aussi l’article de M. Choquet,
« On a construit une image du jeune
qui fait peur aux adultes », ibid. p.5
9 La Plus Belle Fille du monde, p. 48 et 49.
LJ : Dans La Plus Belle Fille du monde, Sandra demande à sa mère :
« Ce que je veux savoir en fait, c’est si tu te rappelles à quel
moment ça s’est arrêté. – Quoi ma chérie ? – L’enfance. A quel
moment tu as su que c’était fini ? ». La réponse est intéressante :
« Je n’ai jamais pensé que c’était fini »9. Ce sont les poupées russes
que vous évoquiez tout à l’heure. Comment ce long passage
enfance-adolescence-adulte s’opère-t-il pour vos personnages ?
AD : Comme cette question de passage d’âges m’intéresse beaucoup,
je l’utilise pour créer des tensions chez les personnages. C’est-à-dire
que pour qu’une histoire ait une structure, une force, une trajectoire, il
faut mettre des obstacles en travers de la route des personnages et voir
comment ils se débrouillent. Comme si, pendant la nuit, on posait des
fils barbelés, des embûches sur leur chemin. Après, le matin se lève et
on regarde comment ils s’en sortent. En fait, ce sont surtout les adultes
qui ont des problèmes, les enfants assez peu. Dans la littérature de
jeunesse, les enfants ne sont pas menacés par leur appartenance à
un âge défini. Par contre, c’est plus problématique pour les adultes
car ils ont la sensation qu’être adulte, c’est savoir, être infaillible.
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Ce statut est pesant. J’aime les moments où les personnages doivent
lâcher prise, lorsqu’on a l’impression que l’individu émerge de son
costume. Je mets beaucoup en scène ce ressort tragi-comique.
LJ : J’ai presque envie de parler d’une inversion entre vos personnages adultes et adolescents. On dit des adolescents qu’ils
sont pris dans une espèce d’inertie. Or, ce sont plutôt les adultes qui sont dans cet état d’esprit dans vos romans.
AD : Tout à fait. Cela me fait penser à une question que me posaient
les journalistes sur « Comment faire lire les enfants ? » Je répondais
que la façon la plus simple, c’est qu’on lise soi-même. Si votre enfant
vous voit absorbé dans un livre, il aura peut-être la curiosité de le
faire aussi. Les journalistes me répondaient : « Mais si on n’aime pas
lire ? » Si vous n’aimez pas lire, pourquoi voulez-vous que votre enfant
aime ça ? La lecture, c’est le plaisir libre, individuel, volé, comme doit
être le plaisir. Par ailleurs, pour revenir à votre question, c’est vrai
que vous pouvez avoir cette impression d’inversion. C’est le souvenir
que j’ai de ma propre adolescence. Je me souviens de cette force, de
cet appétit. Le fait d’écrire pour les enfants radicalise ce phénomène,
la question « peut-on tout écrire pour les enfants ? » étant récurrente
en littérature jeunesse. Je crois que c’est l’inverse, on peut tout écrire
pour les enfants, mais pas pour les adultes.
LJ : Vous autocensurez-vous plus pour les adultes ?
AD : Je m’autocensure et on me censure. Il me semble qu’on retrouve ici
ce rapport d’inversion. Une des difficultés que j’éprouve lorsque je me
représente mon lectorat – quand il s’autoconvoque – une des choses
qui pour moi définit très clairement la frontière entre les enfants et les
adultes, c’est que les adultes savent, ou du moins sont censés savoir.
Quand on s’adresse à des enfants, ils demandent « Pourquoi ? ».
Les enfants veulent comprendre, posent des questions, savent qu’ils
ne savent pas. On peut donc tout dire, aborder tous les sujets. Par
exemple, si je décide d’écrire un livre sur la littérature ou la technique
littéraire et que je vais voir Olivier Cohen, aux Éditions de l’Olivier,
pour le lui annoncer, il me répondra que Marthe Robert a déjà travaillé
sur la question. Tandis que sans avoir prévenu mon éditeur de l’École
des Loisirs, je lui ai présenté un matin La Plus Belle Fille du monde – qui
porte sur les techniques littéraires, le roman, enfin, sur ma « cuisine
d’auteur » – eh bien c’est vraiment devenu un livre !
Il y a aussi la question des formats. Vous êtes un écrivain et avez écrit
un texte de cinquante-trois pages : personne ne le publiera. C’est un
problème marketing, il faut vendre des romans. En littérature jeunesse,
on nous encourage. Tous les formats sont possibles. Le lectorat est
curieux, a les oreilles et les yeux grands ouverts. Il est partant pour
parler de la mort ou de la beauté. J’ai donc l’impression qu’en
littérature jeunesse, on a beaucoup plus de liberté du point de vue
du format, du ton et des genres. C’est la raison pour laquelle je manie
l’édition jeunesse comme un lieu de privilèges et de contrebandes.
Lecture Jeune - mars 2011
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Rencontre avec Agnès Desarthe
On y jouit d’une plus grande ouverture, c’est pourquoi je ne trouve pas
que mes textes soient punis de se trouver en collection jeunesse. S’ils
n’y étaient pas, ils n’existeraient pas.
Bibliographie d’Agnès Desarthe
L’Ecole des Loisirs :
Albums
• Juanita le pingouin, illustré par Marjolaine Caron, (épuisé)
• L’Expédition, illustré par Willi Glasaeur, (épuisé)
• Les Pieds de Philomène, illustré par Anaïs Vaugelade, 1997
• Petit Prince Pouf, illustré par Claude Ponti. 2002
Dans la collection Mouche
• Abo, le minable homme des neiges, illustré par Claude Boujon,1991 (épuisé)
• La Fête des pères, illustré par Benoît Jacques, 1992
• Le Roi Ferdinand, illustré par Marjolaine Caron, 1992
• Benjamin, héros solitaire, illustré par Véronique Deiss, 1993
• La Femme du bouc émissaire, illustré par Willi Glasauer, 1993
• Les Grandes Questions, illustré par Véronique Deiss, 1999
• Les Trois Vœux de l’archiduchesse Von der Socissèche,
illustré par Anaïs Vaugelade, 2000
• Le Monde d’à côté, illustré par Anaïs Vaugelade, 2002
• A deux c’est mieux, illustré par Catharina Valckx, 2004
• Igor le labrador, illustré par Anaïs Vaugelade. 2004
• C’est qui le plus beau ?, illustré par Anaïs Vaugelade, 2005
• Les Frères chats, illustré par Anaïs Vaugelade, 2005
• Je veux être un cheval, illustré par Anaïs Vaugelade, 2006
• Mission impossible, illustré par Anaïs Vaugelade, 2009
Dans la collection Neuf
• Dur de dur, 1993 (épuisé)
• Tord ce qu’on ne dit pas, 1995
• Comment j’ai changé ma vie, 2004
Dans la collection Médium
• Je ne t’aime pas, Paulus, 1991
• Les Peurs de Conception, 1992
• Poète maudit, 1995
• Je manque d’assurance, 1997
• Je ne t’aime toujours pas, Paulus, 2005
• La cinquième saison, collectif, recueil de nouvelles, 2006
(textes de G. Brisac, A. Desarthe, A. Cathrine, O. Adam, J. Lambert)
• La Plus Belle Fille du monde, 2010
Editions de l’Olivier :
Nous vous invitons à lire
l’intervention d’Agnès Desarthe
« Pourquoi développer le goût de
la lecture » (colloque sur l’avenir
du livre, organisé par
Sophie Barluet pour le CNL,
22 février 2007) :
http://www.agnesdesarthe.com/
textes/colloque%20lecture.pdf
• Quelques minutes de bonheur absolu, roman,1993
• Un secret sans importance, roman, prix du Livre Inter 1996, 1996
• Cinq photos de ma femme, roman, 1998
• Les Bonnes Intentions, roman, 2000
• Le Principe de Frédelle, roman, 2003
• Mangez-moi, roman, 2006
• Le Remplaçant, récit, “figures libres”, 2009
• Dans la nuit brune, 2010
• Agnès Desarthe et Geneviève Brisac : V.W. ou le Mélange des genres,
essai (sur Virginia Woolf),2004
Lecture Jeune - mars 2011
Le dossier
Les jeunes adultes
et la littérature
Les 18-30 ans, la « nouvelle » jeunesse ?
par Olivier Galland
page 10 à 13
La lecture « détraditionalisée »
par Claude Poissenot
page 14 à 17
Les collections « jeunes adultes » :
un véritable segment de marché
et non une fantaisie d’éditeurs
par Sandra Painbéni
page 18 à 24
Les éditeurs jeunesse et les réseaux sociaux :
zoom sur Hachette et Gallimard Jeunesse
par Anne Clerc
page 25 à 27
Goncourt des lycéens et roman
adressé à la jeunesse : quels points communs ?
par Daniel Delbrassine
page 28 à 32
Les littératures « passerelles » en bibliothèques
par Lecture Jeunesse
page 33 à 34
10
Les
-30 ans,
Les18adaptations
Le Dossier
dossier littéraires
la « nouvelleau
» jeunesse
?
Cinéma
Olivier
Galland
Jean-baptiste
Coursaud
Olivier Galland
est un sociologue, directeur
de recherche au CNRS,
au Groupe d’études des méthodes
de l’analyse sociologique
de l’université Paris- IV. Il est aussi
chercheur associé au Laboratoire
de sociologie quantitative
(CRESTINSEE).
1 L’âge moyen des premières règles
est passé de 17 ans à 14 ans entre
le milieu du XIXe siècle et le milieu
du XXe siècle. Actuellement, il est de
12 ans en Italie, 12,6 ans en France,
13,5 ans en Allemagne, confirmant une
précocité croissante. Source : INSERM.
2 À ce sujet, voir l’article de
Sylvie Octobre « Nouvelles cultures et
institutions de transmission » in
Lecture Jeune n° 133, Culture numérique.
Nouveaux espaces d’expression
et de création adolescentes, mars 2010.
Sur Internet, la synthèse « Pratiques
culturelles chez les jeunes et institutions
de transmission : un choc de cultures ? »,
Sylvie Octobre :
http://www2.culture.gouv.fr/culture/
deps/2008/pdf/Cprospective09-1.pdf
Sociologue
Taiunique/Gaïa
Les 18-30 ans représentent-ils une nouvelle classe d’âge ? La
jeunesse semble aujourd’hui s’étirer à l’intérieur de bornes d’âge
à la fois de plus en plus précoces et de plus en plus tardives :
d’un côté, l’adolescence survient plus tôt, tant sur le plan physiologique (comme le montre le rajeunissement tendanciel de l’âge
aux premières règles1) que social – les adolescents ou même
les pré-adolescents bénéficiant aujourd’hui d’une « autonomie
relationnelle2 » qui leur permet de gérer leurs relations amicales
hors du contrôle de leurs parents. A l’autre extrémité, la jeunesse
se termine de plus en plus tard sous l’effet de facteurs multiples
– prolongation des études, stabilité professionnelle et vie en couple retardées3.
De la jeunesse aux jeunes adultes
Si l’on prend une définition large on peut considérer que la jeunesse
s’étend de 14 -15 ans à 30 ans. Elle se découpe en plusieurs phases qui
peuvent être résumées en trois séquences : l’adolescence – les années
collège et lycée – durant laquelle on reste évidemment dépendant
économiquement de ses parents, mais où la « socialisation horizontale »
du groupe des pairs a pris une importance grandissante au détriment
de la « socialisation verticale » s’effectuant par les générations aînées ; la
post-adolescence (les 18-25 ans) qui peut être définie comme une phase
où les jeunes gèrent des formes de semi-indépendance, en commençant
à s’éloigner de la famille tout en bénéficiant toujours de son soutien,
les étudiants étant le cas le plus typique de cette séquence ; enfin, une
dernière phase (les 25-30 ans) est celle que vivent les jeunes adultes qui
ont acquis la plupart des attributs de l’indépendance économique – un
emploi stable, un logement personnel – mais qui retardent le moment de
fonder une famille et d’avoir un enfant (l’âge moyen du premier enfant
est aujourd’hui de 30 ans).
Quelques idées reçues sur les « jeunes adultes »
Il faut cependant écarter beaucoup d’idées fausses qui ont cours sur
la recomposition de la jeunesse. L’une des plus tenaces associée au
film Tanguy serait que les jeunes Français repoussent délibérément le
moment d’acquérir leur autonomie en profitant à l’excès du confort
du domicile familial. Or ce cliché n’est pas confirmé par les données :
certes, les jeunes Français, dans les années 1980-1990, ont eu
tendance à quitter leurs parents plus tard, mais ce comportement
s’explique complètement par la prolongation des études et par les
difficultés d’accès à l’emploi. Le retard mis à quitter ses parents ne va
pas au-delà de ce qui est imposé par ces circonstances économiques
et sociales.
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aïa
11
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Une autre idée contestable est que cette redéfinition de la jeunesse
serait en réalité le résultat d’une recomposition générale du cycle de
vie qui ôterait à l’âge adulte tout caractère de stabilité et finalement
toute consistance dans sa définition. La théorie développée par
certains sociologues serait que, la précarité se généralisant, l’âge
adulte ne pourrait plus être considéré comme un repère solide auquel
les jeunes aspireraient à accéder. Là encore, cette hypothèse n’est pas
confirmée par les données empiriques. Certes, la précarité de l’emploi
s’est accrue, mais cet accroissement, dans un pays comme la France,
s’est effectué précisément au détriment presque exclusif des jeunes,
les adultes dans la force de l’âge restant remarquablement épargnés.
Cette situation tient au fonctionnement du marché du travail, organisé
autour de la dichotomie CDD-CDI4. Les jeunes sont donc cantonnés, de
quelques mois à quelques années selon leur niveau de diplômes, dans
des emplois temporaires5.
Cependant, au terme de cette phase de transition, la plupart
d’entre eux accède au fameux CDI (70 à 80 % à trente ans), dont la
possession signifie aujourd’hui l’entrée dans une nouvelle phase de
la vie, où des projets – résidentiels, de vie en couple, de fondation
d’une famille – peuvent commencer à se construire. Cette phase de
transition, angoissante pour beaucoup de jeunes, peut se révéler
périlleuse pour ceux d’entre eux qui ne bénéficient pas des soutiens
nécessaires, notamment familiaux, pour la clore de manière positive.
En réalité, la jeunesse française est polarisée en deux groupes dont
les destins sociaux s’écartent de plus en plus les uns des autres.
Cette fracture à l’intérieur de la jeunesse repose essentiellement
sur le niveau d’études. Les jeunes sans diplômes, qui restent très
nombreux en France à la fin des études initiales (près d’un jeune
sur cinq) connaissent des difficultés grandissantes pour s’intégrer
dans la société. Les thèses sur la « lutte des générations » doivent être
relativisées au regard de cette fracture à l’intérieur de la jeunesse qui
à bien des égards est plus grave.
Elles doivent l’être aussi en tenant compte du rôle d’accompagnement
que les parents jouent en France, pour une grande partie des jeunes,
durant cette phase de transition. Une solidarité intergénérationnelle
informelle s’exerce là, puissamment. Le problème est qu’évidemment,
les jeunes qui ont le moins d’atouts personnels pour s’en sortir sont
aussi ceux qui disposent des soutiens familiaux les plus faibles.
Les valeurs des jeunes adultes
Les repères qui constituent l’armature du statut adulte n’ont donc
pas disparu. Les jeunes n’ont pas non plus renoncé, dans leurs
représentations de l’avenir, à y adhérer. Les enquêtes montrent qu’ils
se rallient à des conceptions relativement classiques du statut adulte,
fondées sur le travail et la famille. Par ailleurs, les enquêtes montrent un
spectaculaire rapprochement des classes d’âge autour d’un socle de
valeurs commun. Dans les années 1970-1980, on constatait encore
une séparation assez nette entre les jeunes et les adultes autour des
valeurs de permissivité6. Les années 1990-2000 ont vu cette fracture
s’effacer largement et être repoussée au-delà de 60 ans. Autour de quel
Lecture Jeune - mars 2011
3 En 1982, 55 % des femmes de 20 à
24 ans vivaient en couple, contre 29 %
des hommes de cet âge. En 2006, 16 %
des hommes sont en couple, contre 31 %
des femmes. Source : INSEE.
4 « L’âge moyen d’entrée dans la vie active
est de 23 ans et ne cesse de reculer. Celui
du premier CDI, lui, est de 28 ans. Et la
situation empire encore en fonction de
l’origine sociale et géographique : dans les
zones urbaines sensibles, 43 % des jeunes
hommes sont au chômage », A. Piquard
et S. Laurent, La planète “Jeunes“,
Dossiers et Documents, Le Monde, n° 404,
janvier 2011.
5 Dans son ouvrage, Devenir adulte, sociologie comparée de la jeunesse en Europe
(PUF, 2008) Cécile Van de Velde a démontré
pour sa part que l’allongement de la jeunesse
est loin de revêtir transversalement les mêmes
traits en Europe occidentale : en fonction des
modes d’intervention de l’Etat, des systèmes
éducatifs et des cultures familiales, chaque
société tend à institutionnaliser différentes
formes de passage à l’âge adulte.
6 La tolérance en matière de mœurs
progresse. Les Français sont de plus
en plus nombreux à admettre l’idée que
chacun puisse choisir, sa manière de vivre.
Lorsqu’on examine l’évolution d’un score de
permissivité construit à partir des réponses
à plusieurs questions (sur l’homosexualité, le
divorce, l’avortement, etc.), la progression
du « libéralisme des mœurs » apparaît nettement. Elle est générale, mais s’effectue à des
rythmes différents suivant les classes d’âge :
la progression est modérée chez les jeunes
qui étaient les plus permissifs en 1981,
tandis qu’elle est beaucoup plus vive dans les
classes d’âge intermédiaires. De ce fait, les
positions des Français âgés de 18 à 60 ans
sont maintenant très proches les unes des
autres depuis la fin des années 1990.
12
Les 18 -30 ans, la « nouvelle » jeunesse ?
socle de valeurs jeunes et adultes se sont-ils rassemblés ? Celui-ci peut
être défini par l’expression « d’individualisation ». L’individualisation
signifie que doit être reconnu à chacun le droit de choisir sa façon
de vivre, dans le domaine privé, indépendamment des conventions
morales ou religieuses qui réglaient les mœurs autrefois. Dans
les années 1960, les jeunes étaient les pionniers du mouvement
d’individualisation. À cette époque, ces revendications prenaient un
tour générationnel très marqué : les jeunes et les adultes s’opposaient
par leurs façons de vivre. Cette phase est terminée. D’ailleurs, par
certains aspects, les jeunes des années 2000 paraissent plus « sages »
que leurs devanciers : le caractère anti-institutionnel et anti-autoritaire
des mouvements de jeunesse des années 1960 s’est presque totalement
effacé.
Conflits générationnels
7 Entre novembre 2008 et janvier 2009,
l’association Jeunesse ouvrière chrétienne
(JOC) a interrogé, sur leurs pratiques
culturelles, 7433 jeunes de 13 à 30 ans.
Plus de 51,3 % disent n’être pas intéressés
par le musée, le théâtre ou l’opéra, trop
chers. Seul rescapé culturel, le cinéma,
plébiscité par 94 % des jeunes interrogés.
Résultats complets de l’enquête
sur www.joc.asso.fr
8 « La génération des moins de 30 ans a
grandi au milieu des téléviseurs, ordinateurs, consoles de jeux et autres écrans
dans un contexte marqué par la dématérialisation des contenus et la généralisation de
l’Internet à haut débit : elle est la génération d’un troisième âge médiatique encore
en devenir. » Olivier Donnat, Les Pratiques
culturelles des Français à l’ère numérique.
Éléments de synthèse 1997-2008. http://
www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr
Cela signifie-t-il que les clivages générationnels ont totalement
disparu ? En fait, il n’en est rien mais ces divergences se sont
déplacés sur de nouveaux enjeux. On l’a dit, les valeurs générales
organisant la vie personnelle et les rapports entre les personnes
sont très largement communes aux jeunes et aux adultes. C’est
sur le terrain culturel que de nouvelles divisions sont apparues.
Plusieurs facteurs y ont contribué. Tout d’abord, l’émergence d’une
adolescence plus précoce et plus autonome à l’égard des parents
s’est accompagnée du développement d’une nouvelle culture de
classe d’âge, portée par les industries du loisir, des médias et des
biens de consommation destinés aux jeunes. Cette culture est à la fois
une culture de l’apparence (se construire un « style ») et une culture
communicationnelle (évidemment amplifiée par l’usage d’Internet, du
téléphone portable, etc. Cette « culture jeune » est différente par bien
des aspects de la « culture jeune » des années 1960. Elle n’a plus
de caractère anti-institutionnel. Elle est beaucoup plus qu’à l’époque
une culture de masse rassemblant tous les jeunes, quelles que soient
leurs origines (même si des clivages sociaux existent à l’intérieur
de la « culture jeune »)7. Comme le démontre Olivier Donnat dans
sa récente enquête sur Les Pratiques culturelles des Français à l’ère
numérique, les jeunes adultes privilégient la « culture de l’écran » au
détriment de pratiques plus classiques, dont la lecture8. Et surtout, elle
s’éloigne plus radicalement de la culture scolaire que valorisent les
parents et le monde adulte en général. Beaucoup de jeunes, et pas
seulement les « mauvais élèves », ressentent une distance croissante
entre leurs centres d’intérêts qu’ils partagent avec leurs pairs, et
ce que leur enseigne l’école. Le caractère très académique et très
sélectif de la méritocratie à la française n’arrange pas les choses. La
culture communicationnelle et horizontale que valorisent les jeunes
est à mille lieux de la culture verticale et unilatérale qui fonde la
conception traditionnelle de l’enseignement en France. Les jeunes
ressentent l’école comme un lieu de classement, très peu comme un
lieu de socialisation, surtout si on conçoit cette socialisation de façon
large comme le processus qui progressivement imprégnera les jeunes
des valeurs de la République et de la citoyenneté.
Lecture Jeune - mars 2011
13
Il y a donc dans la jeunesse française une sorte de repli identitaire qui va
de pair avec l’affaiblissement du sentiment d’appartenance collective.
Cette tendance n’est pas irrémédiable, mais il y a certainement beaucoup
à faire pour retisser des liens solides entre les jeunes et la société.
@
Sur notre blog (http://bloglecturejeune.blogspot.com),
rencontre avec Cécile Van de Velde, auteur de Devenir adulte. Sociologie
comparée de la jeunesse en Europe, PUF, 2008 (Le Lien social).
L’ouvrage de Cécile Van de Velde, sociologue,
analyse l’entrée dans la vie adulte en Europe
occidentale à partir de quatre pays. La comparaison
s’appuie sur une enquête statistique et une analyse
qualitative. L’hypothèse de travail parie sur
l’effet structurant des sociétés, à partir du mode
d’intervention de l’état, des systèmes éducatifs liés
au marché du travail, des normes d’indépendance
de la famille. Pour les jeunes Danois, l’essentiel est
« de se trouver », par la construction d’un itinéraire
individuel posant l’entrée dans l’âge adulte comme
horizon lointain. Les familles acceptent un départ précoce qui inaugure une
période d’expérimentations alternant études et emplois de courte durée,
célibat et union libre. L’état garantit l’indépendance financière des jeunes
à partir de 18 ans, sans tenir compte des revenus des parents. Le premier
enfant, un véritable emploi, marquent vers 30 ans la fin de cette période. Les
jeunes Britanniques, désireux de s’assumer au plus vite, affichent une logique
d’émancipation individuelle par étapes: indépendance résidentielle, études
courtes, emploi. Une forte pression financière pèse sur la durée des études :
les « petits boulots » complètent un système de prêts individuels garantis par
l’État, ce qui a pour résultat de rendre les étudiants moins dépendants de leur
famille. La recherche d’un emploi stable dès la sortie des études débouche sur
une entrée précoce dans la conjugalité et dans la parentalité. Pour les jeunes
Français, l’âge adulte est pensé comme l’âge du définitif. La jeunesse, associée
au temps des études et de l’insertion professionnelle, devient un investissement
plein d’embûches, scellant le destin social de l’individu. L’avenir vécu comme
inquiétant, le présent est ambigu, entre un rêve d’indépendance résidentielle
précoce et une dépendance financière envers les parents, que l’État renforce,
en attribuant des bourses en fonction des revenus de la famille. Quant aux
Espagnols, la cohabitation tardive avec la famille jusque vers trente ans est la
norme: partir serait vécu comme une trahison. L’installation dans la vie adulte
se prépare longuement, elle associe départ et mariage, suppose des études
souvent longues prises en charge par la famille et un passage presque obligé
par le chômage. L’ouvrage invite à questionner la conception de la jeunesse
comme classe d’âge: elle entraîne une grande ambiguïté des rapports entre
générations, entretenue par la politique des États, une fâcheuse tendance à lier
les aides à des critères d’âge sans considération de la continuité des parcours
individuels, une méconnaissance de la mobilité individuelle imposée par le
marché du travail.
Lecture Jeune - mars 2011
Quelques publications
d’Olivier Galland
Ouvrages
• Les Jeunes Français ont-ils raison
d’avoir peur ?, Armand Colin,
2009.
• Les Etudiants en France. Histoire
et sociologie d’une nouvelle
jeunesse, Presses universitaires
de Rennes, avec Louis Gruel et
Guillaume Houzel (eds), 2009.
Articles
• « Une nouvelle adolescence »,
Note critique, Revue française de
sociologie, 2008, 49-4, p. 819826, 2010.
• « Nouvelles adolescences »,
Ethnologie française, 1, janvier
2010.
• « Introduction : une nouvelle classe
d’âge ? » Ethnologie française,
2010, janvier, p. 5-10.
Sur Internet
• « Adolescence, post-adolescence,
jeunesse: retour sur quelques interprétations », Revue française de
sociologie, 42, 2001.
http://www.crest.fr/ckfinder/
userfiles/files/Pageperso/galland/galland_fichiers/ado_postado_vf.pdf
• « Une nouvelle adolescence »,
Note critique, Revue française de
sociologie, 49-4, 2008.
http://www.crest.fr/ckfinder/
userfiles/files/Pageperso/galland/
galland_fichiers/NC%20Galland_
2008.pdf
14
La lecture
Le dossier « détraditionalisée»
Claude Poissenot
Claude Poissenot
est maître de conférences en sociologie à l’IUT Nancy-Charlemagne
(Université Nancy 2). Il enseigne
notamment aux étudiants des filières
Métiers du livre. Depuis son doctorat sur les jeunes et la bibliothèque
municipale, il poursuit ses travaux
sur les publics des bibliothèques,
notamment à travers sa réflexion
sur la « nouvelle bibliothèque :
http://penserlanouvellebib.free.fr/
1 Signe d’un trouble caractéristique
de l’époque, le lien qui a longtemps été fait
dans les discours entre la lecture et la
littérature semble se défaire au point de rendre
problématique toute confusion entre les deux.
Synthèse
Une façon de penser la lecture (ou la littérature1) consiste à faire
prévaloir ses mérites. La lecture devient alors primordiale et
constitue un corpus précieux (un « trésor ») qu’il s’agit d’aborder
avec la déférence qui s’impose. Les textes forment un patrimoine
que chaque nouvelle génération se doit de recevoir en héritage.
En réalité, cette transmission ne s’opère pas de façon simple et
automatique2. Les parents ne peuvent pas transmettre ce qu’ils
ne détiennent pas. Et parmi les enfants qui pourraient hériter,
faut-il encore que ce patrimoine fasse sens à une époque où
leur autonomie de goûts prévaut. Parce qu’elle perd de son
influence, la tradition ne suffit plus à fournir la signification
à la lecture. La « détraditionalisation3 » ébranle en profondeur
nos sociétés4. Face à l’injonction d’« être soi-même », nos contemporains, et encore plus les jeunes qui sont à un âge qui
leur impose de se construire comme autonomes, ne peuvent
compter sur l’héritage automatique d’une « tradition ». Ils doivent bricoler leurs significations en sélectionnant des valeurs et
des récits de soi qui font (ou non) une place à des fragments
de traditions.
Dans ce contexte, l’image sociale de la littérature se trouve
dégradée, ce qui fragilise son passage d’une génération à la
suivante5. Par ailleurs, l’audiovisuel qui se développe sur de
multiples écrans influence l’imaginaire des jeunes. Le basculement des univers fictionnels, de l’écrit vers l’image, opère une
profonde mutation dans la manière dont nos contemporains
« s’évadent » et génère une « culture jeune6 ».
Cet environnement ne saurait laisser intact les pratiques de lecture et plus généralement le rapport des jeunes adultes à cette
activité. L’évolution de la lecture au cours de l’adolescence,
puis chez les jeunes adultes en témoigne, comme la nature de
leurs pratiques à cet âge.
2 F. de Singly l’avait bien montré
dans « Savoir hériter : la transmission
du goût de la lecture chez les étudiants »,
E. Fraisse (dir.), Les Etudiants et
la lecture, Paris, PUF, 1993, pp. 49-71.
3 À ce sujet, voir l’article de Sylvie Octobre,
« Nouvelles cultures et institutions
de transmission », Lecture Jeune, n° 133,
Culture numérique, nouveaux espaces
d’expression et de création adolescentes,
mars 2010.
L’évolution de la lecture à l’adolescence
Quand ils quittent l’adolescence pour devenir de jeunes adultes (nous
situerons ce passage autour de 18 ans), les jeunes ont déjà un parcours
de lecteurs. Dans le cadre scolaire et familial, ils ont été confrontés à
cette pratique. On peut donc reconstituer l’évolution qu’elle a connue
lors de la période de l’enfance et de la préadolescence.
L’enquête sur les 6-14 ans7 dévoilait une évolution contrastée de la
lecture entre l’entrée à l’école primaire et la fin du collège. Au primaire,
sa pratique quotidienne est bien installée puisqu’elle concerne presque
la moitié des enfants entre le CP et le CM2. L’entrée au collège se
Lecture Jeune - mars 2011
15
traduit par un premier repli de la lecture qui s’accentue nettement en
4e et en 3e (ils ne sont plus que 35 % et 28 %). L’activité s’efface des
pratiques personnelles. Entre le CM2 et la 3e, elle perd 8 places dans
la hiérarchie des passe-temps cités par les jeunes. Cette évolution
correspond à une montée en puissance de la sociabilité juvénile (qui
gagne 4 places) mais aussi de la musique (+12). Elle ne saurait être
réduite à une extinction de la lecture puisque progresse aussi le passetemps de l’informatique, ordinateur et Internet (+5).
L’imposante et récente enquête8 sur les 11-17 ans offre la possibilité
de saisir l’évolution de la lecture au cours de l’ensemble de la scolarité
secondaire. On repère immédiatement que la baisse de la lecture de
livres à la fin du collège se poursuit au lycée. Si 14,5 % des jeunes de
11 ans affirment ne jamais lire ou presque de livre, ils sont 46,5 %
parmi ceux de 17 ans. La bande dessinée n’échappe pas à ce
recul puisque les non lecteurs passent de 20 % à 60 %. La lecture de
magazines résiste mieux : la proportion de non lecteurs reste quasiment
stable. À un peu plus de dix ans d’intervalle, le constat dressé par
C. Baudelot, M. Cartier et C. Détrez9 selon lequel la poursuite de la
scolarité secondaire se traduit par un investissement plus faible dans
la lecture de livres est confirmé. La fréquentation des bibliothèques suit
une évolution comparable puisque s’ils étaient 44,5 % à 11 ans à avoir
franchi les portes d’une bibliothèque dans l’année, ils ne sont plus que
21 % à 17 ans.
En réalité, les adolescents délaissent le support papier pour les écrans
où ils développent probablement d’autres modalités de lecture. L’usage
quotidien d’un ordinateur passe de 14,5 % chez les jeunes de 11 ans
à 69 % à 17 ans (26 % à 13 ans et 57 % à 15 ans). C’est à la fin du
collège, au moment où la lecture de livres se replie fortement que se
déploient les usages des ordinateurs. Cet outil est davantage sollicité
car il permet de multiples utilisations. Le nombre moyen d’usages
déclarés passe de 2,6 à 11 ans à 4,6 à 15 ans et 4,9 à 17 ans.
L’ordinateur qu’on allumait surtout pour les jeux vidéo, sert de plus
en plus à communiquer (messagerie, chat, forum) à télécharger de la
musique ou des films, à créer (textes, dessins ou photos), mais aussi à
faire des recherches documentaires. Une enquête10 montre que, chez
les 12-18 ans, Internet surpasse les autres médias (télévision, radio,
magazines) lorsqu’il s’agissait de « choisir leurs sorties ou loisirs »
mais aussi pour les « rapprocher de ceux qui leur ressemblent », ainsi
que « pour l’école ». Cet outil s’impose pour satisfaire des dimensions
variées de l’identité juvénile. Internet se présente ainsi comme une
pratique culturelle qui séduit les adolescents par sa faculté à s’adapter
à la diversité des dimensions identitaires (scolaire, amicale et
personnelle), qui composent leur personne.
La lecture « papier » enregistre un repli quand on compare les jeunes
de 11 ans à ceux de 17 ans, mais le suivi des mêmes individus entre
les deux âges conduit à la même conclusion. L’enquête (L’Enfance des
loisirs) ne repère aucune évolution à la hausse de la lecture de livres
ou de bandes dessinées et au contraire, plus d’1/4 des jeunes de
11 ans ont suivi une trajectoire en baisse. La lecture de magazines
connaît des fluctuations variées sur une tendance globale stable.
Lecture Jeune - mars 2011
4 Sur cette notion et plus largement
sur l’analyse sociologique de l’individu,
voir X. Molénat, L’Individu contemporain,
Auxerre, Sciences Humaines Editions, 2006.
On peut aussi se reporter à la synthèse
de C. Le Bart, L’Individualisation, Paris,
Sciences Po, Les Presses, 2009.
5 On trouve des développements de
ces idées dans M.-C. Blais, M. Gauchet,
D. Ottavi, Conditions de l’éducation,
Paris, Stock, 2008.
6 Pour aller plus loin sur la question
des « cultures adolescentes », nous vous
invitons à relire l’article de Christine Détrez,
« Portraits d’adolescents : typologies de rapports aux pratiques culturelles »,
Lecture Jeune, n° 125,
Cultures adolescentes, mars 2008.
7 S. Octobre, Les Loisirs culturels
des 6-14 ans, Paris,
La Documentation française, 2004.
8 S. Octobre, C. Détrez, P. Mercklé,
N. Berthomier, L’Enfance des loisirs,
Ministère de la Culture
et de la Communication, Paris, 2010.
9 Et pourtant ils lisent..., Paris, Le Seuil,
1999.
10 J.-F. Barbier-Bouvet, « Les rapports
des adolescents avec la presse magazine »,
Parcours en bibliothèques : des
adonaissants aux jeunes adultes,
Congrès ABF, Reims, juin 2008.
16
La lecture « détraditionalisée »
Il reste que si les ados réduisent la lecture de livres et de bandes
dessinées, ceux qui maintiennent cette activité y demeurent autant
attachés à 17 qu’à 11 ans (41,5 % contre 44 %). À l’inverse, la
lecture de magazines qui se maintient mieux connaît un reflux de
l’investissement affectif dans la pratique (18,5 % déclarent qu’elle
leur manquerait beaucoup s’ils en étaient privés à 17 ans contre 31 %
à 11 ans). Cette forme de lecture paraît davantage inscrite dans les
pratiques banales alors que la lecture de livres ou de bandes dessinées
s’accompagne d’un engagement que seule une minorité de jeunes
parvient à conserver en avançant dans l’âge.
Évolution de la lecture des jeunes adultes
11 Résultats accessibles sur le site :
http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr
12 Nous utilisons ici les résultats
d’une enquête Livres-Hebdo/IPSOS
réalisée en septembre 2009.
Après le temps des études secondaires, comment évolue la lecture
chez les jeunes adultes ? Si on analyse l’évolution par âge, l’enquête
Pratiques culturelles des Français11 signale une légère érosion entre
les 15-19 ans et les 25-34 ans. Les non-lecteurs de livres passent
de 22 % à 28 % mais la proportion de personnes déclarant lire peu
ou pas reste stable à 55 %. La baisse paraît plus nette s’agissant
de la lecture de bandes dessinées puisque la proportion de nonlecteurs passe de 43 % à 60 %. Comme dans la période antérieure,
la lecture de magazines résiste bien puisque 48 % des 25-34 ans
déclarent en lire régulièrement (ils étaient 52 % avant 25 ans).
Mais si la période de l’adolescence tend à être homogénéisée
par le cadre scolaire, les jeunes adultes (ici entendus comme les
18-30 ans 12) voient au contraire leurs trajectoires se diversifier.
Certains poursuivent leurs études (24 %) alors que d’autres entrent
sur le marché du travail et sont célibataires (14 %), certains se
mettent en couple (21 %) et d’autres entrent dans la parentalité
(28 %). En quoi ces différents statuts influencent-ils les pratiques de
lecture ?
Les jeunes qui sont encore étudiants conservent une relation plus
soutenue avec la lecture que tous les autres : 95 % déclarent au
moins un genre de livre lu contre environ 3/4 chez les autres. Ce
résultat tient d’abord au fait que les étudiants se distinguent d’une
partie des autres jeunes adultes par une plus grande proximité
avec la lecture, encore d’actualité, du fait du contexte universitaire
qui est le leur. A contrario, la découverte du monde du travail, la
mise en couple comme l’entrée dans la parentalité conduit à un
recul de la lecture de livres. C’est la vie en couple sans enfant qui
s’accompagne d’une pratique la moins fréquente : le nombre moyen
de livres lus (y compris les bandes dessinées) est de 10 pour les
jeunes en couple sans enfant contre 17 chez les jeunes célibataires
actifs et de 12 chez les jeunes parents. La reformulation identitaire
des conjoints dans le cadre du processus de conjugalisation (c’està-dire par lequel les conjoints construisent leur appartenance au
couple et ajustent leurs comportements respectifs) se traduit par un
retrait de cette pratique personnelle. Elle peut se trouver remplacée
par d’autres pratiques culturelles (télévision, sorties, etc.). Ils sont
ainsi moins nombreux que tous les autres à déclarer lire le soir ou le
week-end c’est-à-dire à des moments de socialisation conjugale.
Lecture Jeune - mars 2011
17
Les jeunes adultes et la lecture
Globalement, la lecture prend une place secondaire dans les loisirs
des 18-30 ans. Seuls 6 % en font leur activité préférée et seul un quart
disent qu’ils ne pourraient pas s’en passer. Activité longtemps à part
dans la galaxie des loisirs, elle s’est banalisée : 2/3 des jeunes adultes
estiment que « le livre est un produit de consommation comme un
autre ».
Si 43 % déclarent avoir lu des livres pratiques, 38 % des bandes
dessinées, 35 % des romans policiers ou d’espionnages, 34 % des
romans de SF, fantastique ou heroic-fantasy, ils ne sont plus que 22 %
à dire avoir lu des œuvres de la littérature française ou étrangère13.
Il reste des traces de leurs pratiques souvent scolaires, celles que les
générations passées leur laissent en héritage. Mais d’autres lectures
ont pris une place autrement plus importante. Et l’écart est encore plus
net quand on observe non plus les pratiques mais les préférences. Si
c’est presque un tiers qui met en avant les romans de Science-Fiction,
fantastique ou heroic-fantasy mais aussi les romans policiers ou
d’espionnages ainsi que les livres pratiques, il ne s’en trouve plus que
13 % pour élire les classiques comme s’ils étaient trop chargés d’un
passé scolaire dont il s’agirait de s’émanciper.
La lecture reformulée
Les jeunes adultes élaborent leur relation à la lecture au fil de leur
adolescence. Leur pratique continue d’évoluer avec leur entrée
progressive dans l’âge adulte. Mais les enquêtes convergent vers le
constat d’une pratique reformulée. La lecture semble bien soumise à
la volonté des jeunes (« la lecture si je veux » pourrait-on dire !). Elle
s’incarne désormais davantage sur des écrans. A ce jour, aucune
enquête ne présente en détails les différentes pratiques de lecture des
adolescents et des jeunes adultes sur écran : lisent-ils des romans ? Des
articles de magazine ou sur Wikipédia, des blogs ? Se contententils de lire (et d’écrire) des mails, de publier des commentaires sur
les forums ? Les jeunes adultes reformulent donc largement la lecture
par son support, mais pour ce qui est de la lecture traditionnelle,
force est de constater la place modeste occupée par ce qui relève
de l’héritage des générations antérieures au profit de formes plus
« populaires » (romans policiers, Science-Fiction, fantasy, etc.) et en
phase avec des interrogations qui leur sont propres14. L’offre éditoriale
tient compte de cette évolution par la mise en avant de jeunes héros
devant surmonter des épreuves dans des univers imaginaires, mais
aussi par une plus grande proximité avec l’univers des images que
ce soit dans le graphisme des couvertures ou dans l’articulation avec
l’actualité cinématographique ou télévisuelle. Reste que le désarroi des
prescripteurs face à ces évolutions de la lecture ne se ressent pas sur le
marché éditorial, en surproduction, face à une jeunesse qui délaisse
la lecture… Reste aussi les succès des littératures dites de l’imaginaire,
au détriment d’une production littéraire diversifiée. Serait-ce la mort du
« don des morts15 » ? La lecture détraditionalisée…
Lecture Jeune - mars 2011
13 La catégorie utilisée dans cette enquête
est un peu floue car on ne sait pas s’il s’agit
uniquement de littérature contemporaine.
Par ailleurs, cette catégorie sous-entend que
la littérature française et étrangère, sont
des genres à part entière alors qu’il n’en
est rien.
14 C’est une des interprétations du succès
des « séries » et des « cycles » dans l’offre
romanesque pour les jeunes selon Anne
Besson (« Ensembles romanesques et genres
populaires : proposition de formalisation »,
Revue des livres pour enfants, n° 256,
décembre 2010, pp. 99-106.
15 En référence à l’essai de Danièle
Sallenave, Le Don des morts (1991),
Gallimard.
Quelques publications
de Claude Poissenot
• « Faire littérature : aux lecteurs
absents », Lecture Jeune n° 128,
« Des romans violents », décembre
2008.
• « L’effet bibliothèque.
Caractéristiques et fréquentation
des bibliothèques publiques », in
Argus, vol. 36, n° 1, Printemps-été
2007. http://archivesic.ccsd.cnrs.
fr/sic_00172648/fr/
• « Composantes de l’identité
juvénile et usages des BM et
des CDI » in 54e congrès de
l’Association des Bibliothécaires
Français, Reims, 12 juin 2008.
http://www.abf.asso.fr/fichiers/
media/IMG/pdf/poissenot.pdf.
• Voir aussi les articles sur le blog
de Livreshebdo.fr :
http://www.livreshebdo.fr/weblog/
claude-poissenot/23.aspx
Les collections « jeunes adultes » :
18
Le dossier
Sandra Painbéni
est consultante et enseignantchercheur en marketing de la
culture à l’ESC La Rochelle. Elle est
l’auteur d’une thèse sur le rôle de la
prescription littéraire dans le processus de décision d’achat de romans.
1 Le Livre d e Po che Jeunesse
propose également une "souscollection" estampillée "Jeunes
adultes", depuis janvier 2011.
»
2 À ce sujet, voir le site de la Fnac.com
qui propose désormais une sélection
estampillée « ados et young adults
www.fnac.com.
3 Christine Baker (« Scripto », Gallimard
Jeunesse), Tibo Bérard (« eXprim’ », éditions
Sarbacane), Natacha Derevitsky (« Pocket
Jeunes adultes », Pocket Jeunesse), Sylvie
Gracia (« DoAdo », Le Rouergue), Bénédicte
Lombardo (« Territoires », Fleuve Noir),
Thierry Magnier (« Babel J », Actes Sud).
4 La loi Haby est une loi française du 11
juillet 1975. Elle prévoit notamment la mise
en(lplace d’un « Collège pour tous » (le « secondaire ») en continuité de l’« École pour tous »
e « primaire »). C’est la raison pour laquelle
on parle dès lors de « collège unique ». Cette
loi poursuit le processus de démocratisation
un véritable segment de marché,
et non une fantaisie d’éditeurs
Sandra Painbéni Etude
Dans le secteur de l’édition littéraire en France, on observe depuis
une dizaine d’années la création de collections se situant à la frontière entre adolescents et adultes. Ces romans dits cross-age, crossover ou « passerelle » s’adresseraient en priorité aux adolescents et
« jeunes adultes », sans toutefois le mentionner sur la couverture
et réduire les lecteurs potentiels à une tranche d’âge. Ce mouvement initié par la collection « DoAdo » (1998) semble s’accélérer
ces dernières années avec des collections comme « eXprim’ » chez
Sarbacane (2006), « Black Moon » chez Hachette Jeunesse (2008)
ou encore le lancement de « Territoires » aux éditions du Fleuve
Noir (avril 2011)1. Cette offre éditoriale s’avère plus récente et
plus floue en France qu’aux États-Unis où la littérature young
adults a un rayon dédié en librairie2. Néanmoins, on compte
déjà de nombreux succès commerciaux à commencer par la série
Harry Potter de J.K. Rowling (Gallimard Jeunesse) et, plus récemment, Twilight de Stephenie Meyer (Hachette Jeunesse) ou Hunger
Games de Suzanne Collins (Pocket Jeunesse) qui ont su séduire
les adolescents comme les plus grands.
Ces collections comprennent des premières éditions, souvent en
grands formats et des collections de poche, rééditant des succès
de la littérature générale et/ou de la littérature jeunesse. Visentelles à élargir le lectorat et à prendre en compte ces jeunes adultes
ou s’agit-il de séduire les adolescents en leur donnant l’illusion
que l’on s’adresse à eux comme à des adultes ? Comment les textes
sont-ils choisis ? Y a-t-il des stratégies éditoriales adaptées aux
jeunes adultes ? Comment communique-t-on sur ces collections ?
Qui en sont les lecteurs ? Finalement, est-ce un véritable segment
de marché ou une offre existante, « marketée » différemment ?
Afin de répondre à ces questions, des entretiens semi-directifs ont
été menés avec un échantillon d’éditeurs de ces collections3. Voici
les enseignements que nous pouvons en tirer.
Des collections « jeunes adultes » pour combler un
manque sur le marché français
Les éditeurs des collections jeunes adultes visent un objectif commun :
combler un manque sur le marché éditorial français. Dans les années
1980, la massification scolaire (collège unique 4) fait émerger
l’adolescence comme une classe d’âge spécifique. Les éditeurs décident
d’adopter une stratégie de niche et de développer une offre éditoriale
pour cette jeunesse scolarisée, différente des collections jeunesse existant
depuis l’après-guerre. L’Ecole des Loisirs lance « Médium » en 1983 et
Gallimard Jeunesse « Page Blanche » en 1987. Auparavant, « le lecteur
passait presque directement de la Comtesse de Ségur et d’Enid Blyton
à Mauriac ou Camus, qu’il ne comprenait pas forcément », rappelle
de l’enseignement, initié par les lois votées
sous Jules Ferry dans les années 1880.
Lecture Jeune - mars 2011
s»:
19
Christine Baker, directrice éditoriale de Gallimard Jeunesse. « Page
Blanche » a permis de publier des histoires plus complexes que celles
présentes dans la collection « Folio Junior » et d’élargir le lectorat aux
plus grands des adolescents.
« Page Blanche » a disparu pour laisser place à « Scripto » et aux titres
hors séries en grands formats en 2002, afin d’être plus en phase avec
ce public. D’autres éditeurs suivront alors le mouvement5.
Les éditions du Rouergue ont lancé, en 1998, une collection dédiée
aux 13 ans et plus, « DoAdo », alors que cette maison publiait
exclusivement des albums. Cité nique-le-ciel de Guillaume Guéraud a
donné le ton d’une littérature jeunesse sans concession, moins affiliée
au monde scolaire6.
La collection « eXprim’ » vise un public un peu plus âgé (à partir de
14-15 ans) puisque son éditeur, Tibo Bérard, l’a voulue « ancrée dans
le réel, musicale, urbaine mais inscrite dans une vraie fiction » pour
se démarquer d’une « littérature plus sobre » et déclencher un choc de
lecture comme il l’a vécu lui-même en lisant l’œuvre de James Ellroy.
Mais il s’adresse avant tout à « une jeunesse d’esprit ». Dans l’ensemble,
ces éditeurs s’affranchissent de la tranche d’âge sociologique des « 1825 ans » et c’est à la lecture du manuscrit qu’ils savent d’emblée s’ils
répondent aux attentes de leur lectorat.
Des textes « coups de cœur »
Les éditeurs l’affirment, la publication d’un texte dans une collection
« jeunes adultes » fait nécessairement suite à un coup de cœur littéraire :
des œuvres que les éditeurs estiment importantes pour ce lectorat, car
elles abordent ses préoccupations quotidiennes (relations amoureuses,
rapports avec les parents, etc.) via des romans dits « miroirs » et/ou
des questions contemporaines auxquelles les jeunes sont sensibles
(environnement, télé-réalité, etc.). « eXprim’ » se positionne sur les romans
de culture urbaine. La collection « DoAdo », quant à elle, aborde ces
questions sous un angle souvent social (le monde rural, la scolarité…),
voire militant, alors que « Scripto » a une visée pédagogique : aider les
jeunes à comprendre leurs transformations et les évolutions de la société
à travers des histoires sentimentales ou fantastiques, écrites par des
auteurs français ou étrangers.
En effet, une autre caractéristique des collections jeunes adultes est
l’avènement des littératures dites « de l’imaginaire » pour la plupart
anglophones et produites en série. Depuis Harry Potter, on compte de
nombreux succès comme Uglies de Scott Westerfeld (2007, Pocket
Jeunesse). Dernièrement, Twilight a fait des émules et de nouvelles
collections renouvellent le genre du fantastique, de « Black Moon »
chez Hachette Jeunesse, à « Darkiss » aux éditions Harlequin ou
encore « Castelmore » chez Bragelonne. Dans la même maison que
Pocket Jeunesse (Editis), la nouvelle collection « Territoires » regroupe
quatre univers : SF-Fantasy, Fantastique, Bit-lit7, Thriller. Les collections
appartenant à des grands groupes d’édition ont la possibilité d’acheter
des manuscrits aux enchères8 comme Pocket, Hachette ou encore
Gallimard Jeunesse. L’achat de ces textes, principalement anglo-saxons,
ne constitue pas pour autant un gage de succès car les droits sont de
plus en plus acquis avant la publication à l’étranger et un éventuel succès
hors des frontières ne se répète pas toujours sur le marché français9.
Lecture Jeune - mars 2011
5 Le phénomène Harry Potter (le 1er tome
de la série a été publié en 1998 aux éditions
Gallimard Jeunesse) a engendré des
bouleversements notables dans le monde
de l’édition jeunesse, amorçant l’idée d’une
littérature cross-age, avec un personnage qui
a grandi avec son lectorat. Suite à ce succès,
les collections pour ados et jeunes adultes
n’ont cessé de fleurir en France.
6 La collection « DoAdo » sera la première
à s’affranchir de la loi de 1949 sur
les publications destinées à la jeunesse.
« La loi [de 1949] est imparfaite mais
sûrement nécessaire et rien n’empêche les
éditeurs qui pensent qu’on peut s’adresser à
des ados comme à des adultes de s’affranchir
de cette loi en ne s’y référant pas. C’est
ce que font déjà les éditions Sarbacane
pour la collection « eXprim’ » et les éditions
du Rouergue pour la collection « DoAdo ».
Aucune référence à la loi de 1949 n’est
mentionnée dans leurs ouvrages, ce qui dit
bien que le public visé n’est pas l’enfant
(petit ou grand et donc pas l’adolescent)
mais ceux qu’on peut nommer les jeunes
adultes. », Claude André, « Que faire de
la loi de 1949 ? » sur le blog de Citrouille,
l’Association des Librairies spécialisées
en jeunesse, 28 janvier 2008,
http://lsj.hautetfort.com
7 « Littérature mordante pour les jeunes
filles », soit un sous-genre de la Fantasy
urbaine inventé en France et correspondant
à la paranormal romance aux États-Unis.
8 En 2006, 16,5 % des 7000 nouveautés
jeunesse étaient des traductions – contre
19,5 % en 2005 –, dont 70 % de l’anglais,
Livres Hebdo, n° 682, 23 mars 2007.
9 Il ne faut cependant pas oublier d’évoquer
le succès des séries d’auteurs francophones
comme Pierre Bottero (L’Autre, La Quête
d’Ewilan, Le Pacte des Marchombres…)
ou encore Anne Robillard (Les Chevaliers
d’Emeraude). Ndlr.
20
Les collections « jeunes adultes » : un véritable
segment de marché, et non une fantaisie d’éditeurs
10 Par exemple, Les Cœurs fêlés
de Gayle Forman, publié initialement
aux éditions XO, la série Uglies de Scott
Westerfeld, L’Armée des ombres
de Joseph Kessel, L’Attrape-cœurs
de J.D. Salinger…
11 Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 : les
publications destinées à la jeunesse « ne
doivent comporter aucune illustration,
aucun récit, aucune chronique, aucune
rubrique, aucune insertion présentant
sous un jour favorable le banditisme, le
mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté,
la haine, la débauche ou tous actes
qualifiés crimes ou délits ou de nature à
démoraliser l’enfance ou la jeunesse, ou
à inspirer ou entretenir des préjugés
ethniques ou sexistes. Elles ne doivent
comporter aucune publicité ou annonce
pour des publications de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse ».
12 « La littérature jeunesse ne se cantonne
plus à une offre littéraire "classique".
Elle propose maintenant des titres grand
public, mainstream, et il me semble que
c’est une tendance globale du marché.
Les auteurs se sont emparés des catégories de fiction adulte qui séduisent les
adolescents et les ont intégrées à leur
propre univers fictionnel, sans que ce soit
une démarche marketing ou un travail
de commande de la part des éditeurs. »
Anne Coquet, « Darkiss », la collection
pour "ados" des éditions Harlequin »,
Lecture Jeune n°136, décembre 2010.
Certaines collections de poche puisent dans leur fonds éditorial les
titres qui seront à même de séduire des « jeunes adultes ». L’objectif
est d’élargir la cible des lecteurs potentiels. Avec un graphisme de
couverture ciblant ce public, la plupart des titres parus chez « Babel J »
font partie du catalogue d’Actes Sud. « Pocket Jeunes adultes » accueille
elle aussi des succès de la littérature générale et des collections jeunesse,
qu’il s’agisse de best-sellers ou de romans classiques10. Il en est de même
pour la collection de poche « Pôle Fiction » de Gallimard Jeunesse, qui
reprend des titres édités par « Scripto » ou des hors séries.
Quelles que soient les modalités d’acquisition, un manuscrit est accepté
à condition qu’il soit cohérent avec la maturité supposée de ces lecteurs
et avec l’univers propre à chaque collection.
Les particularités des romans « jeunes adultes »
Les entretiens avec les éditeurs de romans jeunes adultes révèlent
cependant des particularités au niveau du contenu.
Certains reconnaissent se fixer des interdits et se différencier en cela
de la littérature pour adultes, par responsabilité morale vis-à-vis des
jeunes. Natacha Derevitsky, directrice de Pocket Jeunesse, tout comme
Christine Baker (Gallimard Jeunesse) considèrent qu’il y a des évidences
et refuseraient d’éditer tout texte prônant le racisme, le militantisme, la
perversité ou toute autre forme d’instrumentalisation. D’autres, à l’instar
de Thierry Magnier (« Babel J »), dénoncent l’hypocrisie de la loi de
194911 : « si nous, éditeurs, décidons qu’un bouquin est bon pour les
adolescents, ce n’est pas de la provocation. Et puis un bouquin ne peut
pas être dangereux. On peut l’arrêter quand on veut ». Pourtant, Je reviens
de mourir d’Antoine Dole (« eXprim’ ») a suscité ce type de polémiques
dans la presse en 2008 : un roman pervertissant les femmes et ouvrant
l’horizon du suicide, qui n’a donc pas sa place au rayon jeunesse, ce à
quoi l’éditeur a répondu que ses livres étaient pour tous les publics.
Au sein des maisons d’édition, aucune ambiguïté n’apparaît entre
littérature jeunesse versus générale. Dès la lecture, chaque roman est
associé à l’une ou l’autre catégorie en fonction de son degré de complexité
et du style employé, puis publié dans la collection la plus adaptée. Si
aucune n’apparaît adéquate, une nouvelle collection peut être créée,
comme « Territoires ». Les titres à paraître seront plus adultes dans les
thématiques (notamment l’entrée dans la vie active, la sexualité) et l’âge
des personnages que chez Pocket Jeunesse, mais leur univers sera plus
accessible qu’au Fleuve Noir car il abordera l’imaginaire sous toutes ses
formes alors que les titres du Fleuve sont axés « SF-Fantasy » et répondent
ainsi à « des codes très précis », selon Bénédicte Lombardo, responsable
de cette nouvelle collection. La collection « Darkiss » aux éditions Harlequin
est née elle aussi de ce même constat : les auteurs proposent des romans
qui intègrent des qualités à même de séduire le public jeunes adultes12.
Certains éditeurs (Tibo Bérard et Natacha Derevitsky) soulignent également
l’importance du page turner dans les romans destinés aux jeunes adultes,
c’est-à-dire raconter des histoires assez captivantes pour tenir le lecteur en
haleine et lui donner envie de poursuivre sa lecture jusqu’à son terme.
Le langage employé dans la littérature pour jeunes adultes revêt
également des spécificités. Les références à la culture anglosaxonne sont nombreuses : les titres des collections « Black Moon »,
« Castelmore », « Darkiss » jouent sur les sonorités anglaises. Certains
Lecture Jeune - mars 2011
21
titres eux aussi sont en anglais comme Web-Dreamer d’Anne
Mulpas (« eXprim’ ») ou Hunger Games (Pocket Jeunesse), car
plus parlants pour le lectorat ; ou dans un français parfois familier
(notamment Barjo de Michaël Coleman, « DoAdo Noir » ; 15 ans.
Charmante mais cinglée de Sue Limb, « Scripto »), pour la même
raison. Bénédicte Lombardo a choisi le titre Un blog trop mortel
pour le roman de Madeleine Roux (« Territoires »), en écoutant des
stagiaires de la maison répéter devant leur écran : « Ah, ce blog il
est trop mortel ! ». Les textes comportent aussi parfois de l’argot ou
du verlan et de nombreuses références culturelles partagées par les
jeunes adultes. Ainsi, la collection « eXprim’ » propose une bande-son
au début de chacun de ses romans.
L’emploi d’un tel langage fait souvent l’objet de critiques de la part des
journalistes, considérant que les éditeurs ont une logique de séduction
pour attirer les jeunes. Tibo Bérard chez « eXprim’ » assume « le fait
d’agripper les jeunes » et aime bien « leur proposer des univers qui leur
ressemblent pour qu’ils découvrent des textes qu’ils ne connaissent pas,
mais qui devraient vraiment les fasciner ». Par conséquent, les références
culturelles (noms propres et marques cités dans les romans) sont un moyen
d’attirer ce public et non utilisées à des fins de communication marketing
du type name-dropping ou placement de produits (et/ou de marques).
Cette démarche relève du teasing, dans le but de sensibiliser le lecteur en
amont. La communication n’est donc pas dans le roman, mais autour du
roman car, comme le rappelle Laurence Santantonios, « un livre qui existe
quelque part, sans que personne ne le sache, est un livre mort »13.
Une communication multi-supports, mais de plus en
plus axée sur les médias sociaux pour atteindre les
« jeunes adultes »
L’ampleur de la communication sur les romans jeunes adultes varie
selon le budget des collections. Celles des maisons de grande
taille (Pocket Jeunesse, Hachette Jeunesse, « Territoires » et dans
une moindre mesure, « Scripto » chez Gallimard Jeunesse) ont un
budget communication et marketing élevé, des services dédiés et
au moins une attachée de presse, ce qui facilite la mise en place
de campagnes dans les médias traditionnels (principalement
la presse écrite généraliste et spécialisée comme Phosphore ;
l’affichage, spécifiquement pour les publications du groupe Éditis),
les opérations commerciales dans les librairies (en particulier lors
du lancement de nouveautés), les relais de prescription via les
bibliothécaires et les enseignants. De surcroît, l’émergence des
blogs et autres médias sociaux rend la communication sur Internet
d’autant plus nécessaire pour ces éditeurs qu’ils ont un public
« jeune adulte », fréquentant assidûment la Toile. Il n’est donc pas
rare qu’un webmaster ou community manager gère la présence de
ces collections sur les sites et les médias sociaux.
Les éditeurs de plus petite taille (« DoAdo », « eXprim’ ») communiquent avec
des moyens limités14. C’est d’autant plus difficile quand « on est réputé pour
publier des livres pas forcément faciles à vendre », explique Sylvie Gracia,
éditrice de « DoAdo » au Rouergue « et que l’on n’a pas les moyens de
certains éditeurs qui font du forcing auprès de l’Education nationale ».
Certes, les romans ne sont pas toujours adaptés au programme scolaire
Lecture Jeune - mars 2011
13 Santantonios L. (2005), in Lardellier P.
et Merlot M. (coll.) (2007), Demain, le livre,
Paris, L’Harmattan, p. 43.
14 À l’exception de « Babel J », qui ne
communique plus sur ses titres et ne prévoit
pas de nouveautés car la politique actuelle
d’Actes Sud vise à accorder la priorité
à d’autres projets éditoriaux.
22
Les collections « jeunes adultes » : un véritable
segment de marché, et non une fantaisie d’éditeurs
15 En particulier Le Figaro, Le Monde et
Télérama qui s’intéressent aux publications
de cette collection et chroniquent
en moyenne un à deux livres par an.
Une salariée du Rouergue a pour mission
d’entretenir des liens étroits avec ces deux
catégories de prescripteurs.
16 En cours de modernisation
jusqu’au printemps 2011.
17 Le Garçon qui volait des avions,
Elise Fontenaille.
et les bibliothécaires jouent un rôle prépondérant dans la promotion de
l’édition jeunesse. Mais elle déplore un manque de curiosité chez certains
enseignants vis-à-vis des nouveautés. C’est pourquoi « DoAdo » mise avant
tout sur la prescription des bibliothécaires, puis sur celle de la presse15.
« eXprim’ » bénéficie également du réseau des bibliothèques, mais d’une
plus forte présence dans les lycées (les auteurs étant régulièrement invités
pour des lectures), d’une plus grande visibilité dans la presse (généraliste
et spécialisée), ainsi qu’en librairie.
Malgré ces disparités, tous les éditeurs regrettent l’absence d’émissions
télévisées consacrées à la littérature jeunesse, subissent le recul de la
presse généraliste (diminution du nombre de pages littéraires et de
journalistes spécialisés en jeunesse) et la baisse de fréquentation des
librairies. Ils recherchent donc un contact direct avec leur lectorat,
d’où l’utilisation des médias sociaux. Gallimard Jeunesse a ouvert un
blog16 (http://onlitplusfort.com/) et une page Facebook associée « On
lit plus fort/Gallimard Jeunesse ». Parmi les autres éditeurs interrogés,
certains ont une page Facebook pour leur collection (« Pocket Jeunesse »,
« eXprim’ » chez Sarbacane) et/ou certains titres. C’est notamment de
cette façon que « DoAdo » a prévu de faire son entrée sur ce média à
l’occasion d’une prochaine publication17. « eXprim’ » a particulièrement
innové en diffusant des lectures et des bandes-annonces de romans
sur les sites Dailymotion ou Youtube. Elle a aussi proposé à des fans
rencontrés dans les salons de parler librement des romans sur leur
blog ou profil Facebook et de participer à des opérations ponctuelles
de street marketing (c’est-à-dire la distribution de flyers à la sortie des
cinémas et des lycées) pour le lancement de nouveautés. Ces nouveaux
prescripteurs littéraires sont notamment à l’origine du bouche-à-oreille
positif de La Mort, j’adore ! d’Alexis Brocas (vendu à près de 5 000
exemplaires) et contribuent, plus globalement, à accroître le lectorat.
Un lectorat mixte à partir de l’adolescence
et sans limite d’âge
Seules les « grandes » maisons ont les moyens de réaliser des études de
marché pour connaître précisément leur lectorat. Les « petits » éditeurs en
ont une connaissance empirique qu’ils estiment suffisante via les libraires
et les rencontres dans les festivals, salons, lycées.
Ces collections sont lues dès l’adolescence (à partir de 13-15 ans) et
sans limite d’âge car beaucoup d’adultes, jeunes et moins jeunes, les
choisissent par intérêt personnel pour les thématiques traitées ou les séries
paranormales. Les parents y voient aussi un moyen de mieux comprendre
leurs ados. Le cœur de cible regroupe les adolescents et les jeunes adultes,
mais les éditeurs refusent de mentionner un âge sur les romans sachant
qu’il fluctue selon la maturité et les attentes du lecteur.
Par ailleurs, ces collections attirent un public mixte quoique
majoritairement féminin, les filles étant historiquement plus lectrices que
les garçons d’après les études statistiques sur les pratiques de lecture
des Français. Quant à leurs goûts littéraires, « les filles sont toujours
dans le sentimental et les garçons dans l’action. Si, en revanche, il
y a de l’action et des sentiments, ça peut toucher les deux », constate
Natacha Derevitsky (Pocket Jeunesse).
En effet, Tibo Bérard a identifié « deux veines de la collection eXprim’ » :
d’un côté, le polar hip-hop (comme Sarcelles-Dakar d’Insa Sané) attirant
Lecture Jeune - mars 2011
23
plutôt les garçons à partir de 20 ans et, de l’autre, une « veine plus
solaire » (dont La Fille du papillon d’Anne Mulpas) plaisant aux filles
dès 16-17 ans, voire plus jeunes. Il n’y perçoit pas pour autant une
dichotomie entre sexes.
« Pôle fiction », première marque poche pour ados et jeunes adultes
lancée par Gallimard Jeunesse en juin 2010, se décline en deux genres :
« Filles », avec des séries comme Georgia Nicholson de Louise Rennison ;
ou « Fantastique », qui réédite entre autres Le Combat d’hiver de JeanClaude Mourlevat.
La littérature « jeunes adultes » : un véritable segment de
marché
Les entretiens menés auprès des éditeurs de collections jeunes adultes
permettent de conclure à l’existence d’un segment de marché. Ce
segment est né sous l’impulsion des auteurs car, historiquement, la
plupart de ces collections ont été créées pour offrir un espace à des
manuscrits jugés de qualité, mais inadaptés aux collections existantes.
À côté de ces nouveautés, « Babel J », « Pocket Jeunes adultes » et « Pôle
fiction » souhaitent donner une deuxième vie à des titres existants pour
les faire découvrir à un public plus jeune. Parmi l’abondance de romans,
il s’agit de rendre disponibles et visibles au sein d’une collection des
œuvres dignes d’intérêt pour les jeunes adultes. C’est donc plus qu’une
offre existante marketée différemment. Certes, ces livres sont relookés
pour attirer un lectorat différent. Par exemple, la réédition de Sous le
règne de Bone de Russel Banks (« Babel J ») montre en couverture « un
Jamaïcain avec des dreadlocks et torse nu », indique Thierry Magnier.
Mais selon lui « ce n’est pas un péché ». Il assume, comme la majorité des
éditeurs, la part de marketing dans l’objet livre dès lors que la cohérence
avec le contenu est maintenue.
Ainsi, ces collections n’ont rien d’une « fantaisie » d’éditeurs. Elles
répondent à une tendance du marché de l’édition jeunesse en France :
une explosion des auteurs français et anglo-saxons qui s’adressent à un
lectorat « jeunes adultes », de plus en plus de titres, divers prix littéraires
et manifestations dont le Salon du livre de Montreuil. Le prochain Salon
du Livre de Paris de mars 2011 met aussi à l’honneur les jeunes adultes
avec la programmation thématique « Serial Lecteurs ».
Ce mouvement positif pourrait être suivi plus massivement, d’après les
éditeurs interviewés. La presse généraliste y prête surtout attention lors
du Salon de Montreuil et un certain mépris persiste à l’égard de cette
littérature, comme en témoignent les propos récents de François Busnel18 :
« une invention marketing destinée à écouler une production souvent
mièvre »19. En librairie, les rayons dédiés aux jeunes adultes se limitent
à des initiatives individuelles. Selon leur taille et leur politique éditoriale,
les romans jeunes adultes sont placés en jeunesse, en littérature générale
ou dans les deux espaces20.
Ce segment gagnerait à être mieux considéré par les médias et valorisé
par les libraires afin d’éviter la situation d’hyperchoix en littérature
générale, ce qui risquerait de produire une « best-sellerisation »21 de l’offre
au détriment de la diversité. Gageons, comme Tibo Bérard, que « dans
dix ans, les tables des librairies seront beaucoup plus mixées » ! Mais
pour l’heure, a fortiori dans les grandes surfaces culturelles spécialisées
comme la Fnac et Virgin, « elles sont surtout beiges et jaunes ».
Lecture Jeune - mars 2011
18 Directeur de la rédaction du magazine
Lire, rédacteur en chef du service livres
de L’Express et animateur de l’émission
littéraire « La Grande Librairie » sur France 5.
19 Busnel F. (2010), « Lisez jeunesse ! »,
L’Express-Lire, 24 novembre.
20 À ce sujet, voir Charonna C. (2010),
« Jeunes adultes : une génération
convoitée », Livres Hebdo, n°843,
26 novembre, pp. 18-19.
21 Ndlr : un éditeur comme Hachette
Jeunesse assume exploiter au maximum
la « best-sellerisation » du secteur et devancer
les attentes des lecteurs.
24
Les collections « jeunes adultes » : un véritable
segment de marché, et non une fantaisie d’éditeurs
Publications
et communications
de Sandra Painbeni :
• « Les prix littéraires français
font-ils vendre des romans ? Le rôle
prescripteur de ces labels
d’après les professionnels de
l’édition et les consommateurs »,
11th International Conference on Arts
and Cultural Management (AIMAC),
Antwerp, Belgium, 3rd -6th July,
(à paraître en 2011).
• « La télévision fait-elle encore
vendre des romans ? Le rôle prescripteur des programmes littéraires
(ou culturels) post-”Apostrophes” »,
15e Journées de Recherche
en Marketing de Bourgogne Marketing des activités culturelles,
du tourisme et des loisirs,
novembre (2010).
• « L’impact de la prescription
littéraire dans le processus de
décision d’achat d’un roman »,
14e Journées de Recherche en
Marketing de Bourgogne - Marketing
des activités culturelles, du tourisme
et des loisirs, novembre (2009).
• « La publication du roman Les
Bienveillantes de Jonathan Littell :
un événement littéraire mondial »,
Cahiers de recherche de l’ESCE,
avril, n° 12 (2009).
• « “Chercher au cœur” d’Amazon »,
Futuribles, octobre, n° 323 (2006).
• « Former au marketing et
innover », Marketing Magazine,
décembre, supplément n° 82
(2003).
Nom de la collection
« Médium »
Année
de création
1982
« DoAdo »
1998
« Romans »
1998
« Romans ados »
2000
« Scripto » et hors séries
2002
« Wiz »
2002
« Pocket Jeunes Adultes »
(coll. poche)
« Macadam »
«15-20»
«eXprim’»
Publications hors séries
chez Pocket Jeunesse
« DoAdo noir »
« Babel J » (coll. poche)
Editeurs
L'école des Loisirs
éditions du
Rouergue
Editions Thierry
Magnier
Actes Sud Junior
Gallimard
Jeunesse
Albin Michel
Jeunesse
2003
Pocket Jeunesse
2004
2004
2006
Milan Jeunesse
éditions Intervista
éditions Sarbacane
2006
Pocket Jeunesse
2006
éditions
du Rouergue
2006 (plus de
parutions
depuis 2009)
« DoAdo Monde »
2007
« Black Moon »
« Grands Formats »
2008
2009
« Bliss »
2009
« eXprim’ noir »
2009
« La Martinière J.Fiction »
2010
« Darkiss »
« Castelmore »
« Pôle Fiction » (coll. poche)
« Territoires »
2010
2010
2010
2011
Actes Sud Junior
éditions du
Rouergue
Hachette Jeunesse
Thierry Magnier
Albin Michel
Jeunesse
éditions Sarbacane
éditions La Martinière
Jeunesse
éditions Harlequin
Bragelonne
Gallimard Jeunesse
Fleuve Noir
Ndlr : les principales collections ados et jeunes adultes en littérature jeunesse (en gras celles
qui ne sont pas sous la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse). Les formats
poches (rééditions de succès parus en grands formats en littérature générale et/ou en jeunesse) sont indiqués en couleur.
Lecture Jeune - mars 2011
Les éditeurs jeunesse et les
25
réseaux sociaux : zoom sur 25
Le dossier Hachette et Gallimard Jeunesse
Anne Clerc
Les blogs et les réseaux sociaux, outils dont se sont emparés massivement les adolescents et les jeunes adultes, ont influencé les
services marketing des maisons d’édition jeunesse. Les sociabilités
littéraires s’étant largement développées sur Internet, les éditeurs
doivent compter sur ces « e-prescripteurs » d’un nouveau genre :
tout à la fois lecteurs et critiques, ils se constituent en communautés influentes. Pour revenir sur ces changements, nous avons interviewé Céline Dehaine et Antoinette Rouverand, respectivement
responsables marketing jeunesse de Gallimard et d’Hachette.
Le cas de Lecture Academy et d’Hachette Jeunesse
Printemps 2008. Le tome 4 de la saga Twilight, Révélation, est
annoncé pour le mois d’octobre1. Les blogueuses2 sont nombreuses
à contacter Hachette Jeunesse pour en savoir plus sur cette parution
et le phénomène prend suffisamment d’ampleur pour que l’éditeur
accélère la mise en ligne de son site communautaire et participatif :
Lecture Academy3. La plateforme n’a cessé d’évoluer pour répondre
aux attentes des « internautes-lecteurs ». Outre un catalogue, il présente
des « actus » sur les titres à paraître, des films, etc. Lecture Academy
dispose également d’un forum (2009) où les adolescents peuvent
échanger sur leurs lectures, mais pas seulement : 30 % du trafic est
lié à la rubrique « Autres » où il est question de sujets plus personnels
(les problèmes amoureux, l’amitié, etc.). Comme le souligne Antoinette
Rouverand, « le site référence les livres mais nous voulions des
fonctionnalités plus participatives, des commentaires de lecteurs. Nous
avons mis en place des suggestions de lecture : « vous avez aimé (…),
vous aimerez aussi ». Dans le même registre, les romans peuvent être
sélectionnés à partir de critères qui peuvent sembler de prime abord
subjectifs : « Dis-nous de quelle humeur tu es aujourd’hui » ; « Dis-nous
en un peu plus sur toi… », etc. Le choix repose non seulement sur les
caractéristiques habituelles (auteur, date de parution, collection, etc.)
mais aussi sur ce qui définit l’adolescent. Fin 2010, le site a été relooké
et un « chat » privé a été mis en place, dépassant largement le simple
site d’éditeur.
Lecture Academy s’adapte aux pratiques des adolescents pour qu’ils
investissent le site et qu’ils soient fidèles 4. Dans les mois à venir,
Antoinette Rouverand souhaite augmenter encore le trafic sur le site, en
« recrutant un nouveau public, qui connaît moins la production et pour
cela, communiquer sur les sites fréquentés par les jeunes : www.ados.
fr, www.teemix.fr, www.melty.fr, etc. »
Du site à la page Facebook…
Il faut noter que le forum est investi par les plus jeunes des lecteurs
(12-15 ans), un public essentiellement féminin. Le site propose des
Lecture Jeune - mars 2011
Analyse
1 «Au début, nous ne saisissions pas tout ce qui
se passait sur Internet. Puis nous avons reçu des
réactions de lecteurs et repéré quelques blogs très
nourris, avec de nombreux commentaires. Ils m’ont
impressionnée, ils en savaient plus que nous! (…)
Nous ne voulions pas être intrusifs, nous avons
cherché une bloggeuse pour être notre ambassadrice aux USA, pour la sortie du tome 4. Via
un concours, Noémie a été choisie. Son blog est
étonnant, le nombre de visites sidérant! Elle est
allée à New York, a rencontré Stephenie Meyer
et a eu son livre à minuit. Le récit de son voyage a
reçu plus de 50 000 visites! Son blog (http://fascination50.skyrock.com) est devenu le site officiel
de Fascination, il est vivant, nourri, mieux qu’un
site institutionnel qui aurait été une pâle «copie»,
et Skyrock l’a promu.», Antoinette Rouverand, «Le
Succès de la série Twilight», Lecture Jeune n°128,
décembre 2008.
2 Selon Antoinette Rouverand, « les jeunes
adultes sont à l’origine du phénomène Twilight.
En 2008, les blogueuses qui nous ont contactées
avaient pour la plupart entre 20 et 25 ans »
3 www.lecture-academy.com. 40 000 visiteurs en 2008. Il faut noter que la collection
« Black Moon » a été lancée la même année.
4 Sur le forum, « nanou11 », 19 ans, en parle
en ces termes : « J’ai découvert le site au dos
d’un livre, Black Moon, et je suis venue par
curiosité. Au départ, j’ai apprécié les concours
et les actualités, je n’osais pas aller sur le forum.
J’aime beaucoup être au courant de ce qui se
passe dans le monde des livres, même si cela
concerne surtout Black Moon. Vous êtes ouverts
à beaucoup de choses et par exemple ma plus
belle surprise c’est quand vous avez parlé de
Final Fantasy XIII, là je me suis dit : c’est décidé
je pose mes bagages ici ».
26
Les éditeurs jeunesse et les réseaux sociaux :
zoom sur Hachette et Gallimard Jeunesse
5 Cette présence a des répercussions sur
la fréquentation du site Lecture Academy et
génère 4 % du trafic.
6 Une vidéo « bande-annonce » d’un livre.
sous-communautés : « Black Moon », « Fashonista » et « Aventures et
Frissons ». Si la première est fortement fréquentée (plus de 15 000
membres), le deux autres ne comptent que 3 000 membres chacune.
Cet échec relatif serait lié au refus des adolescents d’être « dans
des cases » là où la collection « Black Moon » est moins segmentée
et investie par les 15-25 ans. On retrouve ces jeunes adultes sur la
page « Facebook5 » (7 598 personnes « aiment » « Black Moon ») où
l’on peut en savoir plus sur les adaptations au cinéma, sélectionner
des couvertures, visionner des trailers6, des entretiens filmés d’auteurs,
etc. Les lecteurs peuvent même en savoir plus sur le travail des éditrices
qui communiquent sur l’avancement de leurs projets : « Et voilà ! Le
guide officiel illustré de la saga Twilight est fini, il ne reste plus qu’à
faire valider la couverture et tout sera prêt. Sans transition, Isabel V.
s’attaque à l’intégration des dernières corrections du Retour de
l’ange 1. Objectif : avoir bouclé avant 15h30 pour enchaîner sur la
couverture du Cercle Secret 3. Quelle journée ! »
… Et sans oublier les blogueurs !
7 Quelques blogs référents
sur les littératures « jeunes adultes » :
• http://oiseausecret.canalblog.com
• http://blogclarabel.canalblog.com
• http://www.autrecotedumiroir.net
• http://www.miladyevey.com
• http://www.place-to-be.fr
• http://www.blog-o-book.com
…
Au-delà des outils Internet mis en place par Hachette Jeunesse, la
communication sur le Web passe bien entendu par l’envoi de services
de presse aux blogueurs les plus influents sur la toile, pour la plupart
des jeunes adultes, devenant des partenaires privilégiés des attachés
de presse. Depuis deux ans, ces derniers les ont intégrés à leur plan de
communication, ciblant ceux qui ont le plus grand nombre de visites
et un réseau dense7. Ces partenariats, plus ou moins formels, reposent
sur un échange simple : un livre contre une critique, qu’elle soit ou non
positive… Les internautes sont d’autant plus nécessaires aujourd’hui que
les médias classiques sont réfractaires à cette littérature young adults.
Comme le rappelle Antoinette Rouverand, « même la presse « grand
public » et féminine comme Biba ou Cosmopolitan ne chronique pas
nos romans ! ». Dans ces communautés web, la littérature adolescente
et jeunes adultes est évoquée et les frontières entre les publics et les
genres semblent abolies...
Gallimard Jeunesse et On lit plus fort
8 C’est la volonté de l’éditeur de
ne pas avoir des chroniqueurs âgés
de plus de 20 ans.
Les éditions Gallimard Jeunesse ont lancé le blog On lit plus fort en
janvier 2009, en s’appuyant sur un réseau de 200 chroniqueurs de
12 à 20 ans8, majoritairement féminin et préalablement « recruté ».
Lecteurs de romans en avant-première, blogueurs, ces jeunes
rédacteurs alimentent en partie le blog de On lit plus fort, installé
sur la plateforme Skyblog. Céline Dehaine revient sur la réflexion qui
a présidé au lancement du blog : « avant 2009, nous options pour une
stratégie marketing assez classique : de l’achat presse, de la publicité
dans la presse jeunesse (et parentale). Mais, nous nous sommes rendu
compte qu’il y avait beaucoup de blogs dédiés à la littérature et nous
voulions prendre la parole de manière moins institutionnelle. »
Le blog présente indifféremment les titres du catalogue « ados ». Sur
la colonne de droite, deux groupes sont néanmoins identifiés : « Harry
Potter/fantastique » et « Lectures filles », dans lesquels on peut lire les
avis critiques des adolescents. A l’heure actuelle, le blog ne bénéficie
pas d’une forte fréquentation (7 400 visites depuis son lancement),
Lecture Jeune - mars 2011
27
victime de son orientation généraliste, qui plus est sur une plateforme
investie par et pour les adolescents et dont les fonctionnalités sont
limitées.
Un blog délaissé et une page Facebook plébiscitée !
A contrario, la page Facebook On lit plus fort (créée en février 2010)
est l’une des plus actives, tous éditeurs confondus, avec 12 639 9
personnes qui « aiment ça » ! On retrouve, comme chez Hachette
Jeunesse, un public sensiblement différent entre le blog (plutôt des 1115 ans) et la page Facebook (entre 15 et 25 ans). Gallimard Jeunesse
bénéficiant d’une bonne image auprès des prescripteurs, ils seraient
nombreux parmi les membres. Récemment, sur le « mur » de la page,
un appel est lancé en direction des chroniqueurs : « @chroniqueurs_
olpf : venez poster sur le mur vos avis sur les derniers romans que vous
avez reçus ! ». Le réseau est sollicité. En retour, ils peuvent écouter, voir,
lire des interviews d’auteurs, participer à des concours, etc.
Un nouveau métier : le community manager
Qu’il s’agisse d’Hachette ou de Gallimard Jeunesse, cette présence
sur les réseaux sociaux a généré de nouveaux emplois se consacrant
exclusivement à la communication sur Internet. Ainsi, Céline Dehaine
a évoqué le rôle du community manager, chargé « d’identifier des
réseaux et de s’infiltrer dans les conversations sur les forums pour
parler d’un livre ». Par ailleurs, le prestige de la maison Gallimard est
tel que le secteur jeunesse, pour des publications plus « littéraires », peut
encore s’appuyer sur la presse pour prendre le relais. Par exemple,
La Douane Volante de François Place ou encore la série A comme
Association d’Erik L’Homme et Pierre Bottero ont été chroniqués dans
L’Express, Télérama, Lire, Le Figaro, etc. Les parents sont toujours
très prescripteurs, surtout sur les titres destinés aux plus jeunes. Par
conséquent, Gallimard Jeunesse communique sur des supports variés
afin de sensibiliser des cibles hétéroclites : adolescents, parents,
Education nationale…
D’autres éditeurs jeunesse s’appuient également sur ces réseaux
sociaux et repensent leur communication Web10. Les auteurs prennent
part eux aussi au mouvement. Fabrice Colin, pour son dernier opus,
Bal de givre à New York,11 a animé la page Facebook du roman
(2 500 membres), rencontré des blogueuses, publié, commenté les
critiques sur son blog et rédigé une préquelle12 « inédite » pour les
fans ! Cécile Roumiguière participe activement à la communication
des Blue Cerises, la série dont elle est directrice de collection, investit
la blogosphère, Facebook et proposera bientôt une application pour
IPhone.
Les réseaux sociaux tendent à modifier chaque maillon de la chaîne du
livre, de l’éditeur au lecteur, en passant par l’auteur ; tous commentent,
communiquent, émettent des opinions, se voient attribuer de nouvelles
qualifications. Enfin l’avis du lecteur « jeune adulte » – relativement
rare si l’on s’en tient aux pratiques culturelles13 – semble devenir
incontournable et « sacré ».
Lecture Jeune - mars 2011
9 « Voici le top 5 actuel des pages
d’éditeurs francophones les plus
importantes en terme de membres :
1. Gallimard jeunesse (On lit plus fort) :
12 639
2. Fluide glacial : 12 004
3. Larousse : 9 773
4. BD Gallimard : 6 502
5. Ankama éditions : 5 385 »
Livres Hebdo, « Les professionnels vont
pouvoir renouveler leurs pages Facebook »,
15 février 2011.
10 Albin Michel Jeunesse propose un
nouveau site consacré à la collection
« Wiz » offrant également une plus grande
interactivité : www.wiz.fr. Actes Sud Junior
consacre un site à sa collection « Romans
Ados » : http://www.actes-sud-junior.fr/collections/romans_ado/
11 Bal de Givre à New York, Fabrice
Colin, Albin Michel Jeunesse, « Wiz »,
2011.
12 Le terme « préquelle » est un anglicisme
désignant ici un texte réalisé après une
œuvre donnée, mais dont l’action prècède
celle de l’œuvre initiale .
13 Voir l’article de Claude Poissenot, « La
Lecture « détraditionnalisée » » p. 14 de ce
dossier.
Goncourt des lycéens et
28
roman adressé à la jeunesse :
Le dossier quels points communs ?
Daniel Delbrassine Analyse
Daniel Delbrassine
Enseignant en lycée technique et
titulaire du cours de Littérature pour
la jeunesse à l’Université de Liège.
Formateur des bibliothécaires
belges depuis 2000, il a publié
une thèse sur Le Roman pour
adolescents aujourd’hui : écriture,
thématiques et réception (SCERENCRDP de Créteil – La joie par les livres,
2006, coll. « Argos Références »).
Cet article commandé par
la rédaction de la revue
Lecture Jeune paraît
conjointement dans
Lectures, n°170, marsavril 2011, publiée par le
Ministère de la Culture de
la Communauté française
Wallonie-Bruxelles
(www.bibliotheques.be).
1 L’auteur estime en effet, que la majorité
des adolescents, membres du jury du
Goncourt des lycéens ont eu accès à la
littérature de jeunesse et aux collections
dédiées, de leur propre chef ou dans
le cadre du programme scolaire.
Après quelques années d’exposition aux romans pour adolescents1,
quels sont les choix des jeunes lecteurs au sortir du secondaire ?
Les six derniers romans élus dans le cadre du Goncourt des lycéens
nous donnent un échantillon de leurs préférences. S’inscrivent-ils
dans une logique de continuité ? Ces œuvres présentent-elles des
points communs avec celles adressées aux 12-16 ans qui constituent leurs premières expériences du roman ?
Né en 1988 sous les bons auspices de son grand frère, le
Goncourt des lycéens permet à un jury âgé de 16 à 18 ans de
distinguer un titre parmi les romans de la rentrée littéraire. Plus
de 1 500 lycéens2 concernés, une dizaine de titres en lice, (ceux
retenus par l’Académie Goncourt), et une décision finale rendue à
Rennes. Le label soutenu par la FNAC est aujourd’hui bien établi
et le bandeau rouge sur la jaquette de couverture agit comme argument de vente en librairie. Le palmarès offre quelques indications
sur les goûts et préférences des jeunes jurés, qui terminent leur
parcours de formation secondaire. À l’initiative de la rédaction de
Lecture Jeune, nous avons retenu les six derniers titres primés pour
les comparer avec les usages en vogue dans le domaine du roman
expressément adressé à la jeunesse. Les six auteurs élus entre
2005 et 2010 n’ont à peu près aucun lien avec la littérature de
jeunesse3 et ne pouvaient donc pas être connus de la plupart des
jeunes membres du jury. Cela devrait aussi éviter toute proximité
ou influence littéraire qui biaiserait la comparaison envisagée.
• Sylvie Germain, Magnus, Albin Michel, 2005.
• Léonora Miano, Contours du jour qui vient, Plon, 2006.
• Philippe Claudel, Le Rapport de Brodeck, Stock, 2007.
• Catherine Cusset, Un brillant avenir, Gallimard, 2008.
• Jean-Michel Guenassia, Le Club des Incorrigibles Optimistes,
Albin Michel, 2009.
• Mathias Enard, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants,
Actes Sud, 2010.
Des thématiques semblables
À la lecture de l’ensemble, l’impression qui domine est celle de romans
souvent très pessimistes, où la question du Mal hante des personnages
plongés dans la violence et la haine. Trois auteurs au moins proposent
des héros torturés, qui semblent écrasés par le poids d’un destin
tragique. La narratrice de Contours du jour qui vient ouvre son récit
sur la scène où elle doit être immolée par le feu, après avoir été rejetée
par une mère qui prétend voir dans sa fille de 9 ans la trace d’un
« esprit malin »… Épargnée mais chassée, elle est vendue et retenue
Lecture Jeune - mars 2011
29
afin d’être exploitée sexuellement… Le Rapport de Brodeck donne
un florilège de la violence et de la haine en tous temps et en tous
lieux : avant, pendant et après la guerre, dans une grande ville, un
petit village isolé, ou un camp de concentration. Le héros de Philippe
Claudel n’a d’autre alternative que de périr ou se soumettre et fuir,
presque toujours seul face aux sentiments les plus bas. Le Magnus de
Sylvie Germain est torturé par son passé, amnésique d’une enfance
marquée par un drame inconnu dont seul lui reste un ours en peluche.
Et la voix qui s’adresse au héros de Mathias Enard semble vouloir
résumer l’existence de tous : « La vérité, c’est qu’il n’y a rien d’autre que
la souffrance… ».
Le Club des Incorrigibles Optimistes est lui aussi un roman marqué
par les tragédies de l’Histoire, puisque les amis du jeune héros ont
tous souffert de la violence des régimes totalitaires d’Europe de l’Est.
Mais ce roman de 750 pages assume bien son titre, puisque le héros
adolescent trouve toujours sur sa route un adulte bienveillant, par
exemple pour lui rappeler que « …Tu es vivant, profites-en pour vivre »
(p. 98). Et le héros de conclure : « …Il faut bien commencer un jour,
se lancer, couper les fils, avancer sans les petites roues, se casser la
gueule, se relever et recommencer. » (p. 515).
On ne manquera pas de revenir ici sur une critique maintes fois
formulée à l’égard des romans adressés à la jeunesse : trop sombres,
désespérants, négatifs… On rappellera par exemple la polémique
initiée par Le Monde des livres en novembre 2007, lorsque Marion
Faure4 se demandait « Pourquoi les livres destinés aux adolescents sontils si noirs ? » Elle parlait d’une « surenchère de noirceur et de sensations
négatives », d’« univers sombres, voire malsains ». À aucun moment n’a
été posée la question de savoir si ces thématiques répondent à une
demande de la part des lecteurs. Lorsqu’ils choisissent de décerner leur
Goncourt à Philippe Claudel ou Sylvie Germain, les lycéens offrentils un démenti à tous ceux qui ont voulu les « protéger », alors même
qu’ils désirent sans doute voir le monde tel qu’il peut être et non tel
qu’on voudrait le leur montrer ? L’ensemble des textes choisis par le jury
lycéen témoigne d’une volonté de regarder l’Homme et le vaste monde
bien en face, sans euphémismes lénifiants ni silences protecteurs.
Voyages et initiation
Cette ouverture sur le « vaste monde », c’est par exemple le choc
brutal de l’Afrique avec Léonora Miano : au cœur des superstitions
et des sectes, avec l’Europe en point de mire, comme un eldorado
où « C’est pour faire le trottoir qu’elles partent toutes ». C’est aussi la
vie d’Elena/Helen, l’héroïne de Catherine Cusset qui se construit Un
brillant avenir peu à peu au gré des fuites et des exils, de Bessarabie
en Roumanie, en Israël puis aux États-Unis, en passant par l’Italie.
C’est encore cet univers indéterminé des Alpes germaniques créé par
Philippe Claudel, pour son Rapport de Brodeck : on y étouffe à la ville
comme à la campagne, sous le poids des mentalités imbéciles et des
haines primaires. C’est enfin l’Istanbul de 1506, avec la découverte du
monde ottoman par les yeux d’un artiste italien. Que de voyages dans
l’espace et dans le temps…
Lecture Jeune - mars 2011
2 Pour en savoir plus sur le Goncourt des
lycéens :
http://www.goncourt-des-lyceens-2010.
ac-rennes.fr/
3 Après consultation du catalogue Opale
Plus de la B.N.F. Il en va de même pour
leurs 17 autres prédécesseurs depuis 1988.
4 « Un âge vraiment pas tendre », Marion
Faure, Le Monde, 30 novembre 2007.
30
Goncourt des lycéens et roman adressé
à la jeunesse : quels points communs ?
5 Terme forgé par Jean Cayrol pour
désigner les récits des survivants qui
témoignent des camps de concentration et
d’extermination.
6 « La deuxième guerre mondiale dans
le littérature de jeunesse. Romans et
albums. », Daniel Delbrassine, Enjeux,
Namur, n° 79, 2010, p.97-118.
Et même un voyage pour nulle part, avec les fragments de récit
lazaréen5 qui s’intercalent dans le « rapport » de Brodeck revenu d’un
camp, ou avec les bribes de souvenirs qui remontent de la mémoire
de Magnus, orphelin rescapé de la destruction de Hambourg en
1943 et adopté par un « médecin » nazi de Bergen-Belsen. Le roman
de Sylvie Germain, avec son héros amnésique, fonctionne comme
le dévoilement progressif des soubresauts atroces de l’Histoire. Un
peu à la manière du Club des Incorrigibles Optimistes, dont le héros
adolescent découvre peu à peu, à travers les témoignages de ses
amis, les tragédies humaines engendrées par les régimes communistes
d’Europe orientale. C’est ici la mémoire historique qui se transmet,
selon un procédé typique du roman historique pour la jeunesse6, où
témoin et confident sont mis en scène dans la fiction. La révélation
donnée au héros s’opère simultanément chez le jeune lecteur, dans
un parallèle où l’on se demande à qui s’adressent les propos du vieux
Sacha : « Je t’ai choisi parce que tu es d’une génération qui a été
épargnée. (…) Tu sauras quoi faire pour conserver la mémoire de ceux
qui méritent d’être sauvés de l’oubli. » (p. 751)
Plusieurs textes choisis par les lycéens offrent une structure très fréquente
dans le roman adressé aux adolescents, celle d’un parcours initiatique.
Ainsi l’héroïne de Léonora Miano se donne-t-elle un projet clair : « Un
jour, je la mettrai au jour, ma vie » (p. 96). Après ses premières règles,
elle retrouve sa grand-mère, dont elle reçoit le récit de ses origines,
rétablissant le lien de la filiation avec ses ascendants. C’est alors
que le bananier planté à sa naissance porte pour la première fois
quelques fruits… Les 750 pages de J.-M. Guenassia sont rythmées
par les premières fois, qui scandent l’accession progressive du héros
au statut d’adulte (admis au club, accepté comme adversaire aux
échecs, introduit au ciné-club…), au long d’un parcours jalonné par
la découverte de la mort et du deuil, de l’amitié et de l’amour, de
la violence, de la lâcheté, du suicide… Tous les tabous sont là, mais
jamais affrontés sans le coup de pouce d’un adulte attentif.
Qu’en est-il de l’amour et de la sexualité ? Les six romans sont-ils
plus audacieux ? On trouvera quelques situations forcément peu
concevables dans le roman pour adolescents, comme le quatuor formé
par Magnus, May, son « mari » et l’amant de celui-ci, dans le roman de
Sylvie Germain. Chez Mathias Enard, l’attraction sensuelle du héros
pour la danseuse andalouse et l’homosexualité latente ou déclarée
auraient sans doute peu de chance d’être abordées ainsi dans un texte
pour la jeunesse. Mais la plupart des œuvres pourraient, de ce point
de vue, être conformes à la loi de 1949 sur les publications destinées
à la jeunesse. On remarquera par exemple la pudeur du récit de
Guenassia ou les nombreux non-dits chez Claudel et chez Miano.
Quatre récits mettent l’accent sur l’analyse psychologique très fine
des rapports entre les parents et leurs grands enfants. Catherine
Cusset montre ainsi comment Helen et sa belle-fille vont parvenir à
s’apprivoiser avec le temps. De même, chez Miano, Guenassia et
Germain, la question des relations entre les générations est un enjeu
central. Ce choix des lycéens ressemble une fois encore à ceux des
adolescents…
Lecture Jeune - mars 2011
31
Le choix du JE
On sait que le roman adressé aux adolescents est marqué par une
nette préférence pour le JE narrateur-héros qui s’exprime « Ici et
Maintenant », dans une forme de récit que les spécialistes dénomment
« énonciation de discours »7. Ce JE ne s’exprime pas avec une vision
des faits a posteriori, mais au moment des faits racontés, comme dans
un « direct » audio-visuel. On peut commencer par constater que ce
dispositif se trouve adopté dans la moitié des six textes retenus par le
jury des lycéens.
Léonora Miano donne la parole à une héroïne qui témoigne, au
présent, d’une enfance malheureuse et s’adresse sporadiquement à
sa mère (« Je t’aime, maman ») dans une espèce de dialogue chargé
d’émotions ambivalentes. Le héros de Jean-Philippe Guenassia est un
adolescent en conflit avec ses parents, et sa vision des événements
est celle de cet âge, à l’exception de quelques passages où surgit le
regard rétrospectif de l’adulte qu’il deviendra. Il s’exprime lui aussi
sur le mode du Je-Ici-Maintenant pour nous livrer toute sa vie intime.
Philippe Claudel met en scène un narrateur-héros qui s’adresse au
lecteur pour lui servir un récit qui semble s’élaborer au fur et à mesure.
Il témoigne dès le début de ses difficultés à prendre en charge ce
rôle : « Je vais essayer. Je ne promets pas que j’y arriverai. » (p. 14).
Brodeck ressemble à s’y méprendre à ces narrateurs bavards de
romans pour adolescents, qui partagent des confidences avec le
lecteur.
Catherine Cusset a choisi la forme plus classique du récit en IL avec
focalisation par les yeux du personnage principal, mais elle opte
parfois pour l’énonciation de discours en formulant certaines scènes
au présent. On remarquera qu’il s’agit toujours de moments-clés,
comme la description quasi-anatomique d’un premier baiser : « Elle
ferme les yeux, la tête levée comme les héroïnes de ces romans à
l’eau de rose qu’elle lisait à quatorze ans. Les lèvres de Jacob sont
contre les siennes. (…) » (p. 127). Cet usage préférentiel du discours,
tout comme la précision minutieuse du ralenti, s’apparente aux
usages du roman adressé aux adolescents lorsqu’il traite cette scène
souvent centrale dans l’intrigue. Chez Mathias Enard surgit parfois
un JE qui s’adresse au héros : ces monologues très intimes forment des
chapitres qui s’intercalent dans le récit principal.
Une observation s’impose : les auteurs primés et leurs collègues qui
s’adressent spécialement aux adolescents montrent des coïncidences
étonnantes en matière de choix narratifs : voix, perspective,
énonciation semblent marquées des mêmes préférences pour un JE
narrateur, qui s’exprime dans un contexte immédiat, celui de l’« Ici
et Maintenant ». Ces choix sont-ils motivés par les mêmes objectifs ?
S’agit-il de stratégies de séduction du lecteur, axées sur la mise en
place d’une tension propre au « direct » et d’une relation lecteur/
héros de nature à créer une sensation de proximité exceptionnelle ?8
Dans la mesure où ces moyens littéraires ne sont pas réservés à un
public donné, on est en droit de penser que les auteurs primés en ont
fait usage très spontanément.
Lecture Jeune - mars 2011
7 Le roman pour adolescents aujourd’hui :
écriture, thématiques et réception, Daniel
Delbrassine, SCEREN-CRDP de Créteil/
La joie par les livres, 2006, p. 125-132.
8 op. cit., 2006, p. 237-270.
32
Goncourt des lycéens et roman adressé
à la jeunesse : quels points communs ?
Au-delà des frontières, le goût de la littérature
9 Le Magazine littéraire, n° 409, mai 2002,
« Pourquoi l’autobiographie ? »,
Thomas Clerc, Le Monde, 2-11-2002.
10 « Des romanciers pour la jeunesse
qui ne le restent pas : circulation des
auteurs entre le champ de la littérature de
jeunesse et celui de la littérature générale »,
Daniel Delbrassine, L’Edition de
jeunesse francophone face à la mondialisation, L’Harmattan, 2010, p. 161-173.
Ce qui nous intéresse davantage, ce sont les préférences des lycéens.
Plusieurs questions se posent ici, auxquelles aucune réponse ne pourra
être apportée. Les membres du jury ont-ils – inconsciemment – retrouvé
avec plaisir des usages littéraires auxquels ils étaient habitués ? Ou
alors, peut-être le jury n’a-t-il opéré aucun choix significatif, parce que
les stratégies de séduction à l’œuvre dans le roman pour adolescents
sont devenues monnaie courante dans la littérature générale ? Cette
dernière hypothèse impliquerait une évolution concomitante des
romans pour la jeunesse et des romans pour les adultes vers une
écriture marquée par l’énonciation de discours. C’est sans doute le
moment de rappeler le succès des écritures du JE en littérature générale
depuis dix ou quinze ans au moins, à travers des formes comme
l’autofiction par exemple9. Quand on sait que beaucoup d’écrivains
pour la jeunesse deviennent, à terme, des auteurs pour les adultes10, on
est en droit de se demander s’ils n’importent pas dans le champ de la
littérature générale des usages littéraires éprouvés ailleurs. Ces auteurs
ne sont sans doute pas des « voyageurs sans bagages »…
Là où on attendra une différence notoire, c’est sans aucun doute dans
la complexité narrative des récits. Il est certain que les six romans
primés présentent des difficultés pour un lecteur littéraire en cours
de formation. Dans les incipit par exemple : le début de Contours
du jour qui vient est déroutant, nous laissant sans réponse face aux
questions canoniques (Où ? Qui ? Quand ?). Magnus ne nous donne
aucune mention précise du contexte historique et géographique
jusqu’à la page 33. Deux JE narrateurs sur trois pratiquent la rétention
d’information (Miano, Claudel). La structure de certains romans s’avère
complexe, comme Le Rapport de Brodeck, où trois récits coexistent :
le « rapport sur l’Ereignis », le témoignage sur les camps, et l’aventure
vécue au jour le jour qui forme la trame de l’intrigue. La chronologie est
bouleversée dans la plupart des récits, parfois après une justification
ex ante, comme chez Sylvie Germain. Deux récits (Enard et Germain)
sont entrecoupés d’extraits d’autres textes qui leur font écho, donnant
au roman l’apparence d’un modèle à construire. Le roman historique
de Mathias Enard fait surgir quelquefois un auteur-narrateur qui pousse
le lecteur à une distanciation critique, à travers des formules du genre
« On ignore…, appelons-le…, on connaît… » (p. 11).
Tous ces procédés ne sont pas absents du roman pour la jeunesse,
mais ne s’y trouvent évidemment pas aussi abondamment représentés :
il s’agit là d’une différence somme toute bien compréhensible, puisque
les deux publics n’en sont pas au même stade de leur formation à
la lecture littéraire. Il n’en reste pas moins que, tant du point de vue
des thématiques que des options narratives, les romans primés par les
lycéens ne se distinguent pas fondamentalement des textes proposés
à leurs cadets.
Lecture Jeune - mars 2011
Des espaces « passerelles »
Le dossier en bibliothèques
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retrouvez l’article en intégralité et des compléments d’informations.
Rencontre avec Claire Isnardon, bibliothécaire à Angers, Anne Marinet,
responsable de l’espace Intermezzo de Toulouse, Djamila Abdelmalek et
Fanny Fourrier, bibliothécaires d’Intermezzo.
Angers1
et sa sélection « Passerelle »
Le projet est né de la volonté de
faire découvrir au public adolescent
la littérature contemporaine et
inversement, faire connaître la
littérature jeunesse aux adultes. Afin
d’établir une sélection d’ouvrages, un
comité de lecteurs professionnels a été mis en place pour que chaque
titre lu soit validé par des représentants des deux secteurs : adulte et
jeunesse. Les critères étaient les suivants : « littérature non expérimentale
présentant des qualités sur le plan littéraire (écriture) et de lisibilité
(construction, style). »
Pour faire vivre cette sélection, le réseau des bibliothèques d’Angers
a travaillé en partenariat avec les lycées2 de la ville. Ces actions ont
rencontré un vif succès auprès des jeunes, qui ont eux aussi, présenté
des titres, au fil des rencontres en classe. En juin 2010, à l’issue de
l’année scolaire, une classe de 2nde a proposé un spectacle autour
de cette sélection : lectures, mises en scène de romans et des vidéos
ont été projetées3. Au-delà des actions en direction des groupes, les
romans « passerelles » sont empruntés4 dans les établissements de la
ville. Identifiés par un logo, chaque établissement valorise à sa manière
la sélection (tables de présentation).
Deux bibliographies5 ont été publiées, en 2008 et en 2011. Elles
comptent entre 44 et 48 titres se répartissant entre collections pour
adolescents et littérature générale. Les romans sont classés par thèmes
(5) : « Faits de société », « Mes amis, mes amours », etc. En 2011, la
bibliographie propose également des bandes dessinées. Actuellement,
les bibliothécaires d’Angers poursuivent leur réflexion sur cette sélection
« Passerelle », souhaitant l’améliorer encore et remarquant que « les
témoignages » sont plébiscités par le public. Enfin, l’équipe souhaite
investir encore plus les lycéens, en valorisant leur participation et leurs
créations.
Lecture Jeune - mars 2011
1 http://www.bm.angers.fr/
Le réseau des bibliothèques de la ville d’Angers
compte 10 établissements.
Une équipe de 7 personnes s’investit
régulièrement sur le projet « passerelle »
Budget : 2 626,28 € pour la réalisation et
l’impression de la sélection (3 000 ex.).
1 500 € pour la mise en valeur de l’action
« passerelle » les 9 et 10 juin 2011 : visionnage
de tous les clips réalisés par les lycéens au
cinéma « les 400 coups » (ateliers d’écriture,
prêts de caméra et montage réalisé en amont
avec une association locale, « Cinéma parlant »)
et intervention de l’auteur Matthieu Robin.
Entre 2007 et 2010 : 15 à 20 rencontres
annuelles dans les lycées ; 500 à 600 élèves
sensibilisés chaque année.
2 Claire Isnardon rappelle qu’après le collège,
les lycéens ont tendance à déserter la bibliothèque.
3 http://bm.angers.fr/animations/videos/
index.html?tx_angersvideos_pi1%5Bvideo_
id%5D=399
http://bm.angers.fr/animations/videos/
index.html?tx_angersvideos_pi1%5Bvideo_
id%5D=398
4 Essentiellement les adultes et notamment un
public féminin, entre 30 et 50 ans…
5 http://bm.angers.fr/lire-ecouter-voir/
passerelle-quand-la-frontiere-entre-romansjeunesse-et-adulte-n-existe-plus/index.html
34
Des espaces « passerelles » en bibliothèques
6 Le réseau des bibliothèques de Toulouse :
27 établissements.
http://www.bibliotheque.toulouse.fr/pole_
intermezzo.html
L’espace Intermezzo (500 m2) se situe
au 2ème étage de la médiathèque José
Cabanis. Les fonds (3 000 documents)
sont décloisonnés : la fiction (la littérature
ado, classique et contemporaine, chick lit,)
côtoie les documentaires adultes et jeunesse
mêlés, les DVD documentaires, les livres
audios, albums susceptibles d’intéresser les
ados voire les adultes, la presse (une trentaine d’abonnements), etc. Une douzaine de
postes Internet sont proposés.
L’espace compte 10 salariés. Budget
acquisition pour l’espace Intermezzo : 30 000 €.
La sélection Du9 a été réalisée par les services transversaux de la communication et de
l’action culturelle, gérée par un graphiste en
interne et éditée par l’imprimerie municipale.
7 L’espace Intermezzo propose un fonds
« d’albums sans frontières » s’adressant à
un large public.
8 http://www.lapreface.net/
9 Biba, Elle, Le Monde, Telerama,
Le Monde des ados, Phosphore…
10 Sur les romans les plus empruntés ces
2 dernières années, on compte 16 romans
fantastiques dans la lignée de Twilight
dont les lectrices – public majoritaire
– sont âgées de 20 à 35 ans. Intermezzo
compte néanmoins, 27 % d’adolescents.
11 21 groupes accueillis en 2009 dont
6 collèges, 2 lycées, 2 classes de BTS, etc.
12 L’option «Littérature et société » en
classe de 2nde a permis des rencontres
tout comme la participation de certaines
classes au Goncourt des Lycéens.
13 http://www.bibliotheque.toulouse.fr/
page_nos_publications_telecharger.html
14 http://blogapart.bibliotheque.toulouse.fr/
L’espace « Intermezzo » à Toulouse6
Cet espace « passerelle » a été pensé en amont
de la programmation de la médiathèque José
Cabanis (2004), pour les ados et les jeunes
adultes, mais aussi pour les «faibles lecteurs ».
L’équipe voulait un espace intimiste et convivial,
une sélection attractive et accessible, en donnant
priorité aux images. Une place importante est
accordée aux mangas, à la bande dessinée
mais aussi aux documentaires illustrés et aux
albums7. Les récits de vie, les témoignages sont
très demandés et ont été intégré aux romans.
Deux comités de professionnels, l’un pour la fiction et le second pour la
bande dessinée, se réunissent entre 5 et 7 fois par an (60 à 70 livres par
comité) pour choisir les ouvrages à présenter dans l’espace. Un partenariat
a été mis en place avec la librairie La Préface8, qui présélectionne les
romans en littérature générale et contemporaine. L’équipe d’Intermezzo
propose elle aussi des titres en repérant les nouveautés dans la presse9.
Qui fréquente cet espace ? S’il y avait essentiellement des adolescents (1218 ans) durant les premières années, les jeunes adultes (15-30 ans) s’y
sont substitués. Ces derniers relativement « autonomes », nécessitent une
médiation individuelle moindre10. En revanche, les accueils de groupes11
sont nombreux. Ceux des scolaires, portent sur des thématiques ou projets
littéraires12. Le 2ème aspect lié au projet « Passerelle » sera développé entre
2011 et 2012 et concerne les personnes en difficulté de lecture. Ainsi,
l’espace collabore déjà avec des associations de lutte contre l’illettrisme, de
soutien scolaire, etc. De même, Intermezzo s’interroge sur l’apprentissage
de la langue, l’emploi, l’accès à la formation de ce public, et se demande
comment proposer des livres faciles sans être enfantins.
Les coups de cœur des bibliothécaires de cet espace – régulièrement
actualisés sur l’OPAC – font l’objet d’une sélection annuelle, Du9 sous la
couv’13. Enfin, un blog14 présente l’actualité d’Intermezzo, les coups de
cœur des bibliothécaires, qu’ils s’agissent de romans, films, spectacles,
etc. Le blog est peu fréquenté et sera repensé en 2011.
Intermezzo a évolué au fil des ans, s’adaptant aux pratiques culturelles des
adolescents et des jeunes adultes. Ainsi, depuis avril 2010, la Wii est mise
à disposition du public suite à une demande émanant des adolescents
(On y retrouve 73 % d’adolescents et 21 % d’adultes). Intermezzo fait des
émules, comme à la médiathèque square Paul Lafond de Pau, qui dispose
d’un espace similaire depuis avril 200915.
Les romans les plus empruntés dans l’espace Intermezzo
ces deux dernières années :
1. Eternels. Evermore, T.1, Alyson Noel, Michel Lafon, 2009
2. Le Baiser du vampire, T.4, Melissa de la Cruz,
Albin Michel Jeunesse, « Wiz », 2009
3 et 4. Le Journal d’un vampire, T.1 et T.2, LJ Smith,
Hachette Jeunesse, « Black Moon », 2009
5. Midnighters. Le Long Jour bleu, T.3, Scott Westerfeld,
Pocket Jeunesse, 2009
15 http://mediatheques.agglo-pau.fr
Lecture Jeune - mars 2011
35
Parcours de lecture
Livres accroche
Littératures
Bandes dessinées
Documentaires
page 36 à 40
page 41 à 43
page 44 à 45
Et après
Littératures
Bandes dessinées
Documentaires
page 46 à 53
page 54 à 55
page 56 à 59
Lecteurs confirmés
Littératures
Bandes dessinées
Documentaires
Ouvrages de référence
Lecture Jeune - mars 2011
page 59 à 65
page 66 à 67
page 68 à 69
page 70 à 72
36
36
Parcours de lecture
Livres accroche
accroche Littératures
Livres
1I
Gilles Abier
Actes Sud Junior, 2010
(D’une seule voix)
72 p.
7,80 €
978-2-74279-237-5
Genre
Monologue
Mots clés
Humour
Mensonge
Star
Le Jour où je suis devenue mytho
Tessa n’en peut plus ! Joanna passe son temps à raconter sa vie en
attirant l’attention de tout le monde. L’adolescente prétentieuse
présente ses nouveaux escarpins dans les détails, évoque ses projets
de tournage et décrit ses prochaines vacances aux Antilles. En un mot,
Joanna est insupportable. Pour lui clouer le bec, Tessa, sans savoir
pourquoi, déclare soudainement avoir couché avec Robert Pattinson,
le célèbre acteur des films Twilight. Et pour assumer son mensonge, la
jeune fille est prête à tout…
Chacun connaît dans son entourage une jeune femme exaspérante et
vantarde, à l’image du personnage de Joanna. Dès le début, le lecteur
s’identifie donc à Tessa, jeune fille banale, qui a bien l’intention de
remettre cette pimbêche à sa place. Le rythme de ce récit très drôle et le
suspense s’intensifient au fil des pages, faisant s’enchaîner les surprises
pour le plus grand bonheur des lecteurs.
■ Déborah Mirabel
2 I iBoy
Kevin Brooks
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Sabine Boulongne
La Martinière Jeunesse, 2011
(La Martinière J. Fiction)
282 p.
12,90 €
978-7-32 44-486-4
Genre
Roman fantastique
Mots clés
Violence
Bandes d’adolescents
Internet
Tom, 16 ans, vit avec sa grand-mère dans une cité de la banlieue
de Londres où les gangs font la loi. Sa vie bascule quand il reçoit sur
la tête un iPhone jeté du haut d’une tour. Lorsqu’il se réveille, après
17 jours passés dans le coma, il découvre qu’il a de minuscules
particules de téléphone dans le cerveau, lui conférant des pouvoirs
immenses : il peut, par la seule force de son esprit, surfer sur Internet ; il
a accès à tous les portables et bases de données du monde entier, peut
intercepter toutes les communications et se revêtir à volonté d’une sorte
d’armure électromagnétique qui lui permet aussi d’envoyer des chocs
électriques très violents. Tom va devenir « iBoy » et se servir de ses
nouveaux pouvoirs pour venger son amie Lucy, atrocement agressée
par un gang de la cité.
A la lecture de ce résumé, on pourrait croire que Tom va devenir le
Superman de l’ère numérique, mais le roman est beaucoup plus subtil
que cela et développe une vraie réflexion sur la violence et le mal.
Le héros, un adolescent tout à fait ordinaire, est vite dépassé par ses
nouveaux pouvoirs et se rend compte qu’ils peuvent se retourner contre
lui. Il réalise aussi que la vengeance n’apaise pas la douleur et qu’elle
ne rendra pas la vie à son amie... L’écriture limpide et les thématiques
traitées pourront plaire aux garçons, même faibles lecteurs. Son extrême
violence le destine aux plus âgés (à partir de 14 ans). La fin ouverte
laisse penser que l’auteur envisage peut-être une suite... ■ Soizik Jouin
Lecture Jeune - mars 2011
37
Réseau de lecture : Interface de M.T. Anderson (Gallimard Jeunesse
2004, « Scripto ») évoque un futur où chacun a, implanté dans le
cerveau, une « interface », qui permet d’être connecté en permanence
et de communiquer, mais aussi d’être manipulé par une société de
consommation qui dévore l’individu.
3 I Derrière les volets
Benoît a ses rituels : chaque matin, il ouvre ses volets en même temps que
Viviane qui vit en face de chez lui, de l’autre côté de la cour. Lorsqu’un
jour, les volets restent clos, Benoît s’inquiète et décide de mener l’enquête.
Le jeune garçon est contraint de sortir de sa réserve et de ses habitudes,
lui qui ne supporte pas le moindre écart à son emploi du temps, au point
de téléphoner à sa mère quand elle a cinq minutes de retard !
Même s’il ne s’agit pas d’un véritable roman policier, le jeune lecteur se
laissera prendre au jeu. Ainsi verra-t-il défiler les voisins, personnages
aussi variés qu’emblématiques de nos sociétés individualistes : de
la vieille dame qui vit seule au couple marginal, en passant par
« l’inévitable » jeune fille, nouvellement arrivée dans l’immeuble. Cette
dernière ne laisse pas le héros insensible et l’aidera à sortir de ses
habitudes. Tour à tour témoin et observateur, le lecteur se régale à
chaque ligne, entre deux rais de volet de cette enquête jubilatoire.
■ Laurence Guillaume
Eléonore Cannone
Rageot, 2010 (Heure noire)
160 p.
7,10 €
978-2-7002-3611-8
Genre
Roman policier
Mots clés
Mystère
Amitié
4 I Echecs et but !
Le jeune narrateur, passionné d’échecs, semble promis à un grand
avenir. Monsieur Martini l’a repéré au cours d’une partie et l’entraîne
désormais jusqu’à ce que ses connaissances ne soient plus suffisantes
pour en faire un champion. L’adolescent quitte alors sa grand-mère
pour vivre en ville et loge désormais au-dessus du bar « Le Paradis »,
qui abrite les supporters de football de l’équipe des « Rouges »…
Le héros se passionne vite pour ce sport. Grâce à son nouvel ami
Mickey, fils de "Dieu", le tenancier du bar, il fait l’expérience de
l’excitation et la joie de soutenir une équipe victorieuse.
Ce troisième roman d’Axl Cendres confirme son goût pour les
univers singuliers où l’humour est omniprésent. Les personnages
fantaisistes et au verbe gouailleur donnent au roman une couleur
particulière. Le narrateur, introverti, découvre l’univers tonitruant des
supporters, démontrant ainsi qu’échecs et sport d’équipe peuvent
faire bon ménage ! L’auteur réussit à entraîner le lecteur dans l’univers
du football, métaphore de la passion. Au fil des pages, le roman
gagne en intensité et la ferveur sportive laisse place à la violence,
présentant une autre facette de cet univers. Le sport est rarement traité
en littérature de jeunesse si ce n’est via des stéréotypes masculins ; ce
récit se démarque donc dans la production actuelle !
■ Colette Alves
Lecture Jeune - mars 2011
Axl Cendres
Sarbacane, 2010 (Exprim’)
184 p.
13,50 €
978-2-84865-423-2
Mots clés
Échecs
Football
Passion
38
Livres accroche
5 I Quelle mouche nous pique ?
Hervé Giraud
Thierry Magnier, 2010 (Nouvelles)
183 p.
9,80 €
978-2-884420-859-0
Genre
Nouvelles
Mots clés
Amitié
Humour
Adolescence
Eyup, Joseph et le narrateur de ces nouvelles construisent au fil du
livre de petits moments de vie du haut de leurs 13 ans : une boum, un
business de films pornographiques, des bandes dessinées échangées
ou encore des histoires de filles… Douze courts récits plantent les
décors classiques d’une jeunesse attachante et pleine d’humour.
Ces nouvelles proposent des situations dans lesquelles les adolescents
peuvent reconnaître leurs travers et leurs audaces, leurs faiblesses
ou leurs coups de cœur. Elles ont aussi l’avantage de mélanger les
caractéristiques de jeunes gens très contemporains, avec d’autres dont
on soupçonne qu’elles appartiendraient plus aux propres souvenirs
de l’auteur. Chaque nouvelle se suffit à elle-même et possède un ton
propre. L’ensemble constitue une chronique attentive du quotidien
adolescent sur un ton direct, réaliste et drôle.
■ Sophie Lartigue
Réseau de lecture : Les personnages nous renvoient à l’univers du film
Les Beaux Gosses (2009) de Riad Sattouf.
6 I Le Pierrot infernal
Claire Mazard
Oskar, 2010
176 p.
7,95 €
978-2-3500-0609-3
Genre
Roman policier
Mots clés
Crime
Enquête
Les premiers jours de l’été bercent l’amour naissant entre Simon et
Capucine. Cafés en terrasse, promenades main dans la main, les deux
jeunes étudiants profitent d’un Paris nonchalant. Ce matin-là, à l’aube,
ils se retrouvent à la foire du Trône encore déserte avant que Simon
ne se rende au fast-food où il travaille. La découverte du cadavre
d’une jeune femme défigurée met fin brutalement à leur insouciance.
Et, quelques jours plus tard, lorsqu’ils sont à nouveau témoins d’un
autre crime similaire, les soupçons du commissaire Palmero se tournent
vers Simon. Les meurtres s’enchaînent et les preuves compromettantes
s’accumulent. Malheureux hasard ou réelle culpabilité ?
« On joue encore à Pierrot et Colombine ? » L’introduction de ce court
roman pose rapidement le ton et invite le lecteur à participer à un jeu
de piste haletant. L’enquête bien ficelée s’amuse avec les émotions
des personnages, tour à tour apeurés, suspicieux, déterminés. Se fier
aux évidences ou croire celui que tout accuse, écouter son cœur ? Les
théories et les certitudes se tissent aussi rapidement que le récit les
piétine. Indices trop grossiers pour être vrais, détails trop insignifiants
pour y prêter attention, le lecteur hésite et revoit son jugement au fil des
pages, pour mieux être surpris par le dénouement.
■ Amélie Mondésir
7 I Un flingue et du chocolat
Otsuichi
Trad. du japonais
par Patrick Honnoré
Milan Jeunesse, 2010
384 p.
Lindt, un jeune garçon d’une dizaine d’années, vit seul avec sa mère
depuis le décès de son père survenu quelques mois plus tôt. Par le
biais de la presse, il suit au quotidien les aventures de Royce, célèbre
détective lancé à la poursuite du non-moins célèbre cambrioleur
Goddiva, qui dérobe de manière spectaculaire les biens les plus
Lecture Jeune - mars 2011
Littératures
précieux des personnes riches. Même s’il rêve de rencontrer Royce et
de devenir son assistant, Lindt est forcé d’affronter la dure réalité de la
misère dans laquelle il vit. Mais son univers bascule lorsqu’il découvre
par hasard, cachée dans la reliure d’une bible offerte par son père,
une mystérieuse carte qui semble appartenir à Goddiva...
C’est une enquête policière originale, centrée sur un jeu de fauxsemblants, les héros ne se révélant pas forcément être ceux que l’on
croit. Il est question de la mise en scène de l’information opérée par les
médias, qui peuvent créer de toutes pièces un héros taillé pour plaire
au plus grand nombre. En outre, l’auteur aborde des sujets sensibles
tels que la pauvreté, les relations entre pairs et le regard des autres
(notamment le regard sur les immigrés). Il est également question de
deuil puisque le jeune héros doit faire face au décès soudain d’un
père dont il était très proche. Au final, le lecteur suit avec plaisir les
découvertes de Lindt à travers un récit riche et divertissant.
■ Delphine Lacoste
39
15,90 €
978-2-7459-3586-1
Genre
Roman policier
Mots clés
Amitié
Deuil
Racisme
8 I Jake Ransom et l’ombre
du Roi Squelette
Jake et Kady, frère et sœur, sont orphelins depuis que leurs parents
archéologues ont disparu mystérieusement trois ans auparavant. Jake
pense qu’il doit suivre leurs traces pour les retrouver. Un jour, les deux
adolescents sont conviés à l’exposition des vestiges mis à jour par leurs
parents, au British Museum. Pendant la visite, un incident va les projeter
dans un monde parallèle peuplé de dinosaures et de civilisations
disparues depuis des millénaires (néanderthaliennes, mayas, romaines,
ou encore vikings). Toutes ces tribus vivent paisiblement dans une cité
nommée Calypsos, à l’ombre d’une étrange pyramide qui les protège
et leur permet de parler la même langue : « le tout le monde ». Jake et
Kady vont chercher à rentrer chez eux et combattre l’énigmatique Roi
Squelette qui veut s’accaparer les pouvoirs de la pyramide.
Les personnages, que tout opposait au départ, vont peu à peu se
découvrir des liens fraternels forts et enfin échanger sur la disparition
de leurs parents. L’auteur montre comment des personnages tant
masculins que féminins peuvent se dépasser face au danger. C’est
en définitive un livre très plaisant, au rythme palpitant, qui fait passer
un message de tolérance et renseigne sur des civilisations à présent
disparues.
■ Nicolas Beaujouan
James Rollins
Trad. de l’anglais par Leslie Boitelle
Pocket Jeunesse, 2010
308 p.
13,50 €
978-2-266-18272-2
Genre
Roman fantastique
Mots clés
Civilisations disparues
Paix
Relation frère/sœur
9 I Malice, T.1
Seth, Kady et Luke sont inséparables, jusqu’au jour où ce dernier
disparaît mystérieusement. Ses deux amis décident de mener l’enquête
et découvrent que Luke s’est procuré le dernier livre à la mode : Malice.
D’après la rumeur qui se répand au lycée, il suffirait d’invoquer le
mystérieux Tall Jack pour être emporté et fait prisonnier dans cette
Lecture Jeune - mars 2011
Chris Wooding
Ill. de Dan Chernett
Trad. de l’anglais par Faustina Fiore
Casterman, 2009
408 p.
40
Livres accroche
14,95 €
978-2-203-02434-2
Genre
Roman fantastique
Mots clés
Amitié
Horreur
bande dessinée d’horreur. Se pourrait-il que les bruits qui courent
correspondent à la réalité ?
Chris Wooding nous emporte dans une fiction bien construite à cheval
entre l’horreur et le fantastique. Les dangereuses aventures de Seth
et Kady tiennent le lecteur en haleine. Le monde de Malice s’élargit
peu à peu, au rythme du parcours des héros, dont le regard sur cet
univers-prison évolue au fil du temps. L’écriture est simple, dynamique
et ponctuée de nombreux dialogues. Autre intérêt de l’ouvrage : les
insertions de bandes dessinées servant la mise en abîme originale de
la narration. Ces passages établissent une connexion entre les lecteurs
réels du roman et les personnages du récit, qui, en lisant la bande
dessinée, suivent sans le savoir les aventures de leurs petits camarades
piégés dans le monde de Malice. Malgré le graphisme peu esthétique
de la couverture et des passages en bande dessinée, on ne lâche pas
facilement ce bon livre accroche.
■ Marianne Toqué
Réseau de lecture : Le tome 2, Ravage, est disponible chez Casterman.
Pour en savoir plus sur l'auteur, nous vous invitons à consulter son site
Internet : www.chriswoodin.com
Lecture Jeune - mars 2011
41
Parcours de lecture
Livres accroche BD
10 I Enid. Quatre sœurs, T.1
Les cinq sœurs Verdelaine vivent seules dans un grand manoir délabré,
depuis la mort de leurs parents. L’aînée, Charlie, âgée de 23 ans,
joue la mère de substitution tentant tant bien que mal de subvenir aux
besoins de la fratrie. Les jeunes filles n’en oublient pas pour autant
l’insouciance et le bonheur de leur adolescence. Charlie, Geneviève,
Bettina, Hortense et Enid connaissent les émois amoureux, les disputes
et les fous rires entre sœurs, le bonheur des balades le long de la plage
et les jeux dans le jardin au pied du sycomore « grinçant ».
Cati Baur, sous le charme de la série de Malika Ferdjoukh, rêvait
d’adapter le roman en bande dessinée. Les lecteurs de la revue Je
Bouquine connaissent déjà les saynètes illustrées de Lucie Durbiano
sous la forme d’un feuilleton mensuel. Ici, l’adaptation, fidèle au
roman, s’en détache néanmoins en proposant, outre l’humour, un
univers empreint d’onirisme, de tendresse et de chaleur. Le dessin de
Cati Baur, rond et coloré, s’attarde sur les détails et les ambiances et
s’émancipe de l’œuvre de Malika Ferdjoukh. Fidèle à la série publiée
à L’Ecole des Loisirs, ce premier volume porte pour sous-titre Enid, la
benjamine du clan, effrayée par les bruits dans les maisons et à la
recherche de fantômes. Les opus suivant mettront en avant chacune des
sœurs, aux caractères si proches et différents à la fois. Ce bel univers
séduira les plus jeunes lectrices, qui se délecteront de (re)découvrir ces
Quatre sœurs.
■ Anne Clerc
Malika Ferdjoukh
Ill. de Cati Baur
Delcourt, 2011
160 p.
13,95 €
978-2-7560-2008-2
Mots clés
Sœur
Amour
Humour
11 I Garance
Cette année encore, Léopold retrouve Garance le temps des vacances
d’été. Ils pêchent et s’amusent comme tous les enfants de leur âge.
Mais Garance a un secret : son père, que tout le monde croit mort,
vivrait sur une île au centre de l’océan et serait à l’origine des vagues
qui s’échouent sur la plage. Pour le lui prouver, Garance s’embarque
avec Léopold sur une petite barque, direction le centre de l’océan…
Le lecteur découvre ici un conte onirique empreint de magie et de
poésie. Cette bande dessinée enchantera même ceux qui sont peu
enclins à ce genre. Économe en paroles, l’ouvrage laisse toute leur
ampleur aux aquarelles. La douceur du monde de l’enfance est
omniprésente. Et bien que ce livre soit publié en jeunesse, la subtilité du
scénario et le graphisme abouti sauront emporter l’adhésion des plus
jeunes comme des plus grands !
■ Thomas Bailly
Lecture Jeune - mars 2011
Séverine Gauthier
Ill. de Thomas Labourot
Delcourt, 2010 (Jeunesse)
30 p.
9,40 €
978-2-75602-097-6
Mots clés
Conte
Amour
Séparation
42
Livres accroche
12 I Nanja Monja, T.1
Shizuka Ito
Trad. du japonais
par David Deleule
Glénat, 2011 (Shonen)
223 p.
6,90 €
978-2723-4814-6-5
Genre
Shonen
Mots clés
Ruralité
Magie
Taro est un orphelin vivant seul dans le paisible village de Hananoki.
Cet adolescent, passionné d’astronomie, fut recueilli bébé au pied d’un
grand arbre consacré : le Nanja Monja. Une nuit, alors qu’il observe
les étoiles, il aperçoit une jeune fille en dégringoler. Accourant au
secours de l’accidentée, Taro ne trouve que des vêtements au pied du
gigantesque végétal. Plus tard dans la nuit, un agent de police vient à
son domicile avec la photo de la jeune fille qui semble être recherchée.
A nouveau seul, Taro remarque d’étranges traces de pas dans sa
cuisine. Il découvre rapidement la jeune fille cachée dans un pot,
réduite à la taille d’une souris ! Pour les deux adolescents commence
alors une aventure rocambolesque qui leur permettra de percer les
secrets du majestueux Nanja Monja.
Shizuka Ito retranscrit admirablement l’ambiance bienveillante mais
sans chaleur humaine d’un village coupé du monde. L’utilisation
d’éléments fantastiques s’immisce à merveille dans le quotidien
tranquille des habitants. Doté d’un trait tout en douceur, l’auteur esquisse
une galerie de personnages pittoresques et attachants. Première série
traduite du mangaka, l’histoire de Nanja Monja rappelle celle des
Chapardeurs de Mary Norton, adaptée actuellement au cinéma par
les studios Ghibli sous le titre Arrietty. Cependant, les deux œuvres ne
partagent que leur influence initiale et chacune s’attache à raconter
une histoire bien distincte. Voici donc le premier des six tomes d’une
série accessible à tout type de lecteur avide de fable bucolique et de
mystères.
■ Pierre Pulliat
Nouvelle collection : L’univers de Nanja Monja n’est pas sans rappeler
l’œuvre de Timothée de Fombelle, Tobie Lolness, publiée aux Editions
Gallimard Jeunesse en 2006.
13 I Cat Street, T.1
Yoko Kamio
Trad. du japonais
par Elodie Lepelletier
Kana, 2010
184 p.
6,25 €
978-2-5050-0832-3
Genre
Shojo
Mots clés
École active
Hikikomori
Depuis ses 9 ans, Keito vit recluse chez elle et ne voit jamais personne.
Elle ne va plus à l’école et ne parle même pas aux membres de sa
famille. Autrefois, Keito était une enfant enjouée mais après un
choc émotionnel, elle est tombée en dépression. Le hasard l’amène
cependant à découvrir l’école active « El Liston », dont la vocation est
de réintégrer les adolescents dans la société.
Le phénomène de l’Hikikomori, forme de dépression qui consiste à
se replier sur soi-même et à n’avoir aucun contact avec l’extérieur, est
un sujet sensible au Japon car il touche de plein fouet la jeunesse.
Yoko Kamio nous fait découvrir cet aspect de la culture japonaise et les
solutions qui sont mises en place pour soigner ces jeunes, notamment
grâce à des écoles spécialisées qui basent leur enseignement sur
le développement de la créativité et l’expérimentation. Loin de la
mièvrerie de certains shojo, cette série riche en émotions et au scénario
subtil, dresse des portraits extrêmement réalistes d’adolescents
en pleine reconstruction. Cat Street aborde donc un sujet difficile
avec beaucoup de justesse et donne une autre dimension au shojo.
Lecture Jeune - mars 2011
BD
À noter aussi la particularité des dessins, car si le style est propre
au shojo, l’intention du mangaka est d’attribuer des caractéristiques
spécifiques à chacun de ses personnages.
■ Frédéric Leray
14 I Monster Soul, T.1 et T.2
Il y a longtemps, une terrible guerre opposa les monstres et les humains
et ces derniers furent les vainqueurs. Depuis, les monstres vivent cachés
dans des labyrinthes souterrains comme celui où demeurent Aki,
Touran, James, Mamii et Joba, connus sous le nom des « Blacks Hairs ».
Qui pourrait penser que ces individus un peu déjantés mais pacifistes
sont recherchés ? En effet, ils ont plutôt le cœur sur la main et ne se
battent qu’en dernier recours…
Hiro Mashima est un petit génie du manga ! Auteur des séries
devenues cultes Rave et Fairy Tail, il démontre, encore une fois, qu’il
est capable d’inventer des personnages incroyablement attachants,
pourvus d’une véritable épaisseur, d’un caractère, d’un passé riche et
évidemment tragique. L’humour et le développement des personnages
constituent les atouts majeurs de cette série. Le style d’Hiro Mashima
est reconnaissable au premier coup d’œil. On peut ne pas apprécier
ces personnages, mais il est impossible de nier son grand talent de
dessinateur, capable de trouver la bonne accroche, le bon découpage
des scènes. Certes, on retrouve des monstres et des combats violents,
mais ce manga relève aussi de la farce, le rendant accessible à toutes
les tranches d’âge. Une série « accroche » sans la moindre difficulté de
lecture et qui se compose de deux tomes.
■ Frédéric Leray
Lecture Jeune - mars 2011
Hiro Mashima
Trad. du japonais
par Taro Ochiaï
Pika, 2010
192 p.
6,95 €
978-28116-0294-9
978-28116-0295-6
Genre
Shonen
Mots clés
Fantastique
Humour
Monstre
43
44
Parcours de lecture
Livres accroche
15 I
Elisabeth Combres
et Florence Thinard
Gallimard Jeunesse,
(Demain, le monde) 2010
112 p.
19,95 €
978-2-07-063431-6
Mots clés
Guerre
Paix
Monde contemporain
Documentaires
Pourquoi la guerre ?
Comment la paix ?
Ce documentaire est le deuxième de la collection « Demain, le monde »
qui s’adresse à la sensibilité et l’intelligence des jeunes lecteurs pour
les inciter à se poser des questions comme des citoyens éclairés. La
guerre a toujours existé mais aujourd’hui, les conflits ont changé de
nature, de mobiles et d’échelle. L’ouvrage est composé de trois parties,
précédées d’une courte problématique : « Voir », « Comprendre »,
« Agir ». La première partie décline 76 entrées telles que le métier de
photographe de guerre, l’utilisation des images, ce qui déclenche un
conflit, la place des civils, l’intervention des associations humanitaires,
etc. Chaque entrée est accompagnée d’un texte qui informe et
questionne. Dans la partie « Comprendre », des réponses sont fournies,
étayées par des exemples contemporains : « communication politique
et propagande », « l’espionnage », « le terrorisme », « les armes qui
menacent l’humanité », « les génocides », « l’ONU bafouée mais
indispensable », « comment construire la paix ? ». La troisième partie
de 6 pages fournit des suggestions d’actions à l’échelle individuelle et
des informations concernant le pacifisme, la non-violence, les instances
internationales : ONU, Unesco, Unicef, UA, OSCE, Croix-Rouge,
l’Union européenne, le prix Nobel de la paix. Les textes sont concis,
la présentation aérée, l’œil guidé par des icônes et un code couleur.
Le lecteur se repère facilement dans l’ouvrage grâce à un sommaire,
un index, un glossaire. C’est un excellent documentaire dont il faut
recommander la lecture.
■ Colette Broutin
16 I Sang pour sang vampires
Alain Korkos
La Martinière Jeunesse, 2010
184 p.
14,90 €
978-2-7324-4202-0
Mots clés
Vampire
Cinéma
Littérature
Alors que la production regorge d’ouvrages documentaires sur les
vampires, pour la plupart médiocres, ce reportage se démarque et
démontre brillamment aux adolescents que bien avant Twilight, ces
dangereux séducteurs faisaient déjà des ravages dans la littérature
et au cinéma ! Le mythe est ici traité dans son ensemble, Alain
Korkos abordant autant les sources folkloriques que littéraires ou
cinématographiques.
L’ouvrage constitue une véritable somme de connaissances exposées
aux néophytes du genre. Le documentaire décline la thématique du
vampire – chauve-souris, mort-vivant, et autres attributs – sans employer
un ton trop didactique. Après les « incontournables », Alain Korkos
analyse le personnage de Buffy, et les différentes séries télévisées
Lecture Jeune - mars 2011
45
qui reprennent le genre, en montrant comment la figure effrayante a
évolué peu à peu pour devenir un personnage bienveillant. Le choix
iconographique est en parfait accord avec le texte, et la maquette
soignée. Superbement illustré, ce documentaire s’adresse à tous, pour
le plaisir de voir et revoir ces images accompagnées d’un commentaire
plein d’humour. Cependant, une bibliographie et une filmographie
auraient complété avantageusement le glossaire intitulé « Petit précis
vampirique ».
■ Cécile Robin-Lapeyre
Réseau de lecture : A consulter, pour développer le sens critique des
lecteurs plus âgés, les analyses d’images d’Alain Korkos dans le blog
laboiteaimages.blog.lemonde.fr
Lecture Jeune - mars 2011
46
Parcours de lecture
Et après
Littératures
17 I Petites histoires de quartiers
Julia Billet
Océan Editions, 2010
(Océan ados)
200 p.
11 €
978-2916-533-99-5
Genre
Nouvelles
Mots clés
Inégalités
Quotidien
Ces 17 nouvelles nous présentent des inégalités sous toutes leurs
formes, inégalités qui sont le quotidien de certains. En s’appuyant
sur les travaux de l’Observatoire des inégalités (www.inegalites.fr),
le recueil met en scène les petites et grandes différences encaissées,
surmontées ou combattues, dans des situations plus ou moins
banales, plus ou moins graves ou absurdes. Le handicap physique,
l’exclusion sociale ou encore les souffrances psychologiques sont ainsi
finement abordées. Les récits décrivent ces différences dues au sexe,
aux origines... Chacun y réagit à sa manière et l’écriture invite au
questionnement.
Ce cinquième titre de la collection présente un objectif pédagogique
affiché : « informer pour savoir où agir pour changer le monde ».
L’auteure séduira ses lecteurs en s’engageant dans cette démarche
avec beaucoup d’originalité et de talent. Pédagogie et vrai plaisir de
lecture sont réconciliés !
■ Sophie Lartigue
18 I Yvon Kader, des oreilles à la lune
Jean-Pierre Cannet
48 p.
6€
978-2-211-20353-1
Genre
Théâtre
Mots clés
Handicap mental
Différences
Dès les premiers mots, le personnage d’Yvon ne laisse guère parler
les autres – ses parents, son frère, tous ceux qu’il croise – et domine la
pièce. La tension monte en quatre scènes : Yvon Kader, que l’on voit
naître puis devenir adolescent, veut juste être comme tout le monde,
aimer, travailler, avoir des enfants. Mais sa révolte gronde, entre
dérision et violence verbale – il est laid, il n’est pas normal, face de
lune – jusqu’à ce que cela soit enfin dit : il est mongolien. Dans les
cinq scènes suivantes, ne restent que ses tentatives pour être comme
les autres. Mais comme l’oiseau qui se fracasse contre la vitre chaque
fois qu’il croit voir le ciel, il se heurte à sa différence, qui l’exclut,
malgré la bienveillance qui l’entoure d’ordinaire. Son souhait final
ouvre des abîmes : il demande une ceinture de dynamite à Ben Laden
découvert à la télévision, et devenu pour lui le Père Noël des laisséspour-compte.
Les répliques fusent, les jeux de mots mettent la souffrance à distance,
les images poétiques disent la rage de vivre. Mais ce qui l’emporte,
c’est un sens sûr du suspense qui tient le lecteur en haleine jusqu’à
la fin. Une fin qui devrait toucher un jeune public adolescent par sa
retenue et sa force dans l’évocation de la différence et de la solitude.
■ Nicole Wells
Lecture Jeune - mars 2011
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19 I La Foule, elle rit
La scène se passe dans un pays où, pour trouver du travail, il faut
s’exiler et traverser la mer au péril de sa vie. La vieille mère aimante,
usée par la vie, a trois fils, Frère-Frère, Frère-Frère Second Du Nombre
et Zou le plus jeune qui a un vrai talent de clown, pour la plus grande
joie de son entourage. Les deux aînés sont déjà partis et Zou s’apprête
à faire la même chose. Dans cette famille, il n’y a pas vraiment de
frontière entre le monde des morts et celui des vivants. C’est ainsi que
Zou apprend de la voix même de ses frères les circonstances terribles
de leur mort et reçoit leurs conseils. Clandestin, il passe la frontière
en faisant rire la police au lieu de se cacher. Mais trouver un emploi
dans un cirque minable n’est pas faire fortune et la mère de Zou
meurt avant qu’il puisse la rassurer et l’aider.
Cette histoire pourrait être désespérante. Ce n’est pas le cas : aucun
des personnages ne se lamente devant la dureté de son destin. Leur
échec malgré leur courage et l’amour indéfectible qui les lie font
de leur histoire une tragédie. Mais la mort n’est pas une séparation
définitive ; le dialogue, la tendresse continuent à tisser des liens entre
eux. Le lecteur se surprend à sourire et à espérer.
■ Nicole Wells
Jean-Pierre Cannet
L’Ecole des loisirs, 2010 (Théâtre)
47 p.
6€
978-2-211-20194-0
Genre
Théâtre
Mots clés
Famille
Exil
20 I La Maison du pont
Jan, 17 ans, a une crise de « vagalame » qui le pousse à tout quitter
– sa famille, sa copine Gill, ses études – et à devenir gardien d’un pont
à péage. Aidé de Tess, la fille de son patron qui devient sa meilleure
amie, il reprend lentement pied dans la vie. Mais ce fragile équilibre
est rapidement bouleversé par l’arrivée d’Adam, un vagabond au
passé flou qui s’installe un peu de force avec lui. Qui est réellement cet
adolescent fascinant ? Et d’où vient-il ?
Publié en Angleterre en 1992, le roman analyse l’étrange cohabitation
d’un trio en quête identitaire, vacillant entre bonheur et angoisse,
violence et désir de l’autre. Aiden Chambers décrit cette atmosphère
trouble dans un style qui jongle avec l’humour, l’angoisse et la
poésie, en mêlant les voix des trois principaux protagonistes aux voix
extérieures de Gill et des parents inquiets de Jan. La réussite de ce
magnifique roman tient non seulement à la retranscription précise des
questionnements existentiels propres à l’adolescence, mais aussi à sa
fin inattendue qui donne un nouvel éclairage à tout le récit.
■ Marianne Joly
Aiden Chambers
Trad. de l’anglais
par Elodie Leplat
Thierry Magnier, 2010
(Grands Formats)
432 p.
18,50 €
978-2-84420-856-9
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Dépression
Folie
Amitié
21 I Gone. Mensonges, T.3
Depuis six longs mois, les enfants tentent de survivre, enfermés dans
une énorme bulle alors que tous les adultes ont disparu. Orsay,
surnommée la prophétesse, affirme que les adultes attendent leurs
enfants de l’autre côté du mur et qu’il suffit de la suivre dans cet audelà. L’étrange Nerezza et Jill à la voix magique l’accompagnent.
Lecture Jeune - mars 2011
Michael Grant
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Julie Lafon
Pocket Jeunesse, 2010
442 p.
48
Et après
19 €
978-2-266-18423-6
Genre
Roman d’anticipation
Mots clés
Science-fiction
Prophétie
Mais cet appel enchanteur ne cache-t-il pas la volonté monstrueuse
du Gaïaphage d’anéantir les enfants ? Pour enrayer cette tentation du
suicide collectif, Astrid, qui veut instaurer des lois et craint la dictature,
choisit de mentir aux enfants. Un désastre se prépare. En effet, la
bande des Humains, conduite par Zil, noue une alliance avec Caine
pour prendre le pouvoir sur les mutants. De nouveaux mensonges et
trahisons déchaînent la violence dans la ville. Sur la petite île de SaintFrançois de Sales, cinq orphelins, confrontés à Caine, tentent de lui
échapper par un subterfuge mais y parviendront-ils ? Enfin, qui se cache
derrière l’apparence de Brittney devenue un affreux zombi ? Est-ce un
ange revenu pour tuer Drake ou est-ce Drake lui-même, incarnation
du mal absolu ? Cependant, Sam et ses compagnons résistent encore,
ce qui laisse présager le quatrième tome prévu pour fin 2011, intitulé
L’Epidémie.
La narration enchaîne les situations dramatiques sur un rythme rapide,
sans transition, quitte à piéger le lecteur hésitant dans l’interprétation
des événements. Mais dans un volume qui s’intitule Mensonges, il n’est
pas étonnant que le lecteur soit manipulé par l’écrivain !
■ Colette Broutin
22 I Menteuse
Justine Larbalestier
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Alice Marchand
Gallimard Jeunesse, 2010
313 p.
13,50 €
978-2-07-063113-1
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Mensonge
Loup-garou
Micah a 17 ans et raconte sa vie avant et après l’assassinat de Zach,
un garçon de son lycée qu’elle rencontrait presque tous les jours
en secret à Central Park. Mais est-ce bien vrai ? Car Micah est une
menteuse compulsive qui ment à ses amis, à ses parents et même au
lecteur. Elle a besoin de ces mensonges pour cacher un très grand
secret qu’elle va dévoiler peu à peu. Ce roman très original et assez
dérangeant malmène notre confort de lecture car Micah ne cesse
de nier ses propos, hésitant entre vérité et mensonge. D’ailleurs, les
trois parties du livre s’intitulent « Où je dis la vérité », « Où je dis la
vraie vérité », et « La vérité authentique et véritable ». La fin du roman
n’apporte pas vraiment de réponse : Micah est-elle victime d’une
malédiction familiale ou une adolescente extrêmement perturbée qui
vit mal sa féminité et ses différences ? A-t-on basculé du réalisme au
fantastique ? On ne le saura jamais ! C’est au lecteur de construire sa
propre histoire. Ce récit tout à fait passionnant permet de s’interroger
sur le pacte implicite passé entre le narrateur, censé dire la vérité, et le
lecteur, qui en principe le croit… Mais ce roman s’adresse à de bons
lecteurs car sa construction complexe et sa fin ouverte peuvent être
déstabilisantes, voire frustrantes.
■ Soizik Jouin
Autre avis : Justine Larbalestier investit un thème qu’elle avait déjà
abordé dans un précédent roman paru à l’époque chez Panama (Audelà de la porte. Dans les griffes de la sorcière, T.1). La présence du
paranormal n’est jamais loin, mais accompagnée d’un questionnement
sur la réalité et la véracité des événements surnaturels. Le doute est
omniprésent, car les éléments fantastiques peuvent être expliqués soit
par la folie, soit par le mensonge, le lecteur placé dans une délicate
position où il doit démêler le vrai du faux. Le récit s’accompagne d’une
Lecture Jeune - mars 2011
Littératures
réflexion sur la nature de la vérité, la façon dont se crée le mensonge,
sur les raisons qui nous poussent à mentir. Mais il est aussi question des
bénéfices que l’on tire de la confiance, du pouvoir de la parole – à la
fois outil de manipulation et de création – portes ouvertes sur d’autres
univers où tout est possible.
■ Aurélie Forget
23 I Le Bout du monde
Nash habite la planète Oméga, sur laquelle la technologie règne en
maître ; une planète où tout est contrôlé, aseptisé. L’adolescent possède
un esprit rebelle et s’ennuie ferme. Après une ultime incartade, il est
envoyé dans un camp pour adolescents sur Toy, planète où vivent des
« primitifs », des humains qui ne connaissent pas la technologie. Mais
le vaisseau qui transporte Nash s’écrase avant d’arriver à bon port et
l’adolescent est le seul survivant. Il est recueilli par un habitant de la
planète Toy, éleveur d’animaux. Nash découvre alors un tout autre
mode de vie, basé sur l’entraide et la communion avec la nature.
Ce roman de science-fiction aborde des thématiques intéressantes :
il est question du développement à outrance de la technologie qui
peut aboutir à une déshumanisation des individus. L’auteur dénonce
également une vision ethnocentriste des peuples considérant ceux qui
ont fait un choix de vie différent comme des sous-hommes. Les valeurs
de solidarité et d’altruisme sont mises en avant et sont notamment
illustrées par la relation amoureuse de Nash avec une adolescente
de Toy malgré leurs différences culturelles. Par ailleurs, en vivant dans
la nature, le héros découvre également la spiritualité qui lui ouvre
d’autres mondes, infinis ceux-là. C’est d’ailleurs cet aspect que tente
de retranscrire (assez maladroitement) la couverture du livre (peu
attractive), mais il faut passer outre pour se laisser emporter par ce
roman au suspense haletant.
■ Delphine Lacoste
Loïc Le Borgne
Syros, 2010 (Soon)
336 p.
15,90 €
978-2-74850-984-7
Genre
Science-fiction
Mots clés
Technologie
Amitié
Solidarité
24 I Mal-morts
Avec ce titre intriguant, Jean-Marc Ligny centre son récit sur la source
du mal dont souffre son héroïne, Elodie, une jeune adolescente
« pas comme les autres ». Ces mal-morts (fantômes d’accidentés,
d’assassinés, de suicidés…) hantent, à l’insu de tous, le monde des
vivants et s’attaquent à toute personne vulnérable pour lui pomper
sauvagement son énergie vitale. Elodie est une de leur proie depuis
longtemps, mais elle a réussi à ne pas succomber. A ce combat
épuisant et apparemment désespéré s’ajoute celui – fort courant
dans les romans pour adolescents – qui l’oppose à ses parents qui
internent finalement leur fille dans une clinique psychiatrique. Cet
événement central déclenche chez l’adolescente des désirs de fugue,
des sentiments de solitude, d’angoisse et d’incompréhension.
Assez noir par certains thèmes évoqué avec retenue (l’anorexie,
la tentation du suicide, la mort), le récit est tempéré par la chaleur
d’amitiés inattendues, la présence de la musique et une passion
Lecture Jeune - mars 2011
Jean-Marc Ligny
L’Atalante Jeunesse, 2010
(Le Maèdre)
282 p.
12 €
978-2-84172-518-2
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Solitude
Angoisse
Mort
49
50
Et après
pour un chanteur comme en rêvent nombre d’adolescentes ! Cette
petite touche de mièvrerie après beaucoup de tension n’altère
pas la qualité du roman. Jean-Marc Ligny ne donne pas seulement
la parole à Elodie mais multiplie les points de vue. Jouant sur une
tension entre psychiatrie et fantastique, il évite les clichés fréquents
dans les récits de fantômes. Au fil de ce livre à l’écriture fluide, le
lecteur adolescent (surtout pas trop jeune) s’attache à une héroïne
émouvante et peut laisser courir son imagination après un dénouement
surprenant.
■ Marie -Françoise Brihaye
25 I Face de lune
Jack London
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Louis Postif
Phébus, 2010 (Libretto)
185 p.
11 €
978-2-7529-0481-2
Genre
Roman fantastique
Mots clés
Surnaturel
Mort
Vengeance
Alors que l’œuvre de Jack London est lue dans le monde entier, que
les mots « aventure » et « révolte » reviennent toujours pour la résumer,
il semble que l’on puisse encore redécouvrir cet auteur. Ces huit
nouvelles envoûtantes, réunies ici pour la première fois dans une
édition française, dévoilent en effet une nouvelle facette de l’écrivain
et son goût pour l’étrange. Ces récits dérangent et laissent souvent
planer un sentiment d’inquiétude qui ravira les amateurs de sueurs
froides. Des meurtres prémédités (Face de lune, L’Homme-léopard)
ouvrent ce recueil, avant que nous ne soyons entraînés dans d’autres
situations tout aussi angoissantes, entre duels acharnés (L’Ombre et
l’éclair, Un canyon tout en or) et spiritisme (Planchette). Le tout dans
un décor américain (la Californie ou Chicago), à la charnière des
XIXe et XXe siècles.
Très accessibles, ces nouvelles mettent au jour un Jack London au
registre inhabituel. Si la tonalité parfois très sombre de certains textes
peut dissuader un jeune public, les adolescents adeptes d’atmosphères
étranges découvriront des histoires passionnantes. La parution de ce
nouveau tome des œuvres de Jack London est l’occasion de saluer
le travail de réédition mené par les éditions Phébus depuis plus de
dix ans.
■ Benoît Petit
26 I Zone tribale
Pascale Maret
Thierry Magnier, 2010 (Romans)
171 p.
9€
978-2-84420-838-5
Genre
Roman social
Mots clés
Banlieue
Violence
Amour
Dans une cité parisienne, Souf, 16 ans, vit au rythme des bagarres
entre les bandes du quartier. Il fait aussi partie de « la première tribu »,
groupe dans lequel il se sent exister et reconnu, ce qui est loin d’être le
cas lorsqu’il est à l’école ou en famille. Cette société secrète est dirigée
par Chaka, petit trafiquant charismatique, qui prône un discours
raciste, antisémite et revendique la supériorité des Noirs. La vie de
Souf va changer le jour où les jumeaux Angie et Fred viennent habiter
dans la cité. Souf tombe immédiatement amoureux d’Angie, sentiment
qui est loin d’être réciproque car Angie est pour sa part amoureuse de
Maxime. Poussé par la jalousie et galvanisé par les discours antisémites
de Chaka, Souf souhaite se venger du jeune homme. Une occasion se
présente qui l’entraînera bien au-delà de ce qu’il désirait et mettra son
humanité à rude épreuve. L’aventure se finira dans le sang…
Lecture Jeune - mars 2011
Littératures
51
Cette histoire n’est pas sans nous rappeler le fait divers du Gang des
barbares qui a coûté la vie à Ilan Halimi en 2006. Le personnage de
Chaka est clairement inspiré de leur chef, Youssouf Fofana qui lui-même
s’inspirait du leader de la tribu Ka prônant la suprématie du peuple noir
descendant des kémites d’Égypte. Pascale Maret a choisi de traiter un
sujet difficile : comment un adolescent peut être pris dans une spirale
infernale alors qu’il n’est pas mauvais mais profondément perdu. Avec
simplicité, cet auteur arrive comme toujours à faire réfléchir le lecteur,
sans jamais alourdir le texte de clichés. Un roman coup de poing par
son sujet mais au texte simple et vivant grâce à l’alternance des points
de vue (un narrateur omniscient et la voix d’Angie). Zone tribale ne
peut pas laisser indifférent.
■ Marilyne Duval
27 I Vampire Academy.
Sœurs de sang, T.1
La société des vampires qui, on le sait depuis Twilight, vit sans se faire
remarquer à côté de celle des humains, est très hiérarchisée. Au lycée
Saint-Vladimir, chacun apprend à tenir son rôle. Celui de Rose, une
jeune Dhampir, est de protéger son amie Lissa, princesse vampire, des
monstrueux Strigoï. Mais Lissa, qui a des pouvoirs très particuliers, a
bien d’autres ennemis et Rose devra aller très loin pour la sauver …
« Castelmore » est la toute nouvelle (et première) collection de littérature
pour ados de l’éditeur Bragelonne, spécialisé dans la fantasy
et le fantastique. Ce titre est une très bonne surprise car il réussit à
renouveler le thème vampirique, exploité jusqu’à plus soif ces derniers
temps. L’auteur réussit à créer un monde cohérent et à mettre en place
une société violente, sans pitié et profondément inégalitaire. Certaines
scènes sont très fortes comme celles décrivant les « sources », des
humains complètement accros à la salive des vampires et qui laissent
ces derniers boire leur sang chaque jour. L’écriture est beaucoup plus
mature que dans d’autres collections de ce genre (Richelle Mead a
écrit plusieurs titres de fantasy pour adultes) et s’adresse plutôt aux
plus de 13 ans. L’intrigue est originale, les personnages attachants et
complexes : on attend la suite avec impatience ! Ne vous laissez surtout
pas arrêter par la couverture, peu avenante…
■ Soizik Jouin
Réseau de lecture : On pense beaucoup à Patricia Briggs dont la série
Mercy Thompson (4 volumes parus chez Milady) décrit avec humour
les aventures d’une sympathique héroïne dans un monde où vampires,
loups-garous et autres créatures cohabitent à côté des humains.
Richelle Mead
Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par
Karen Degrave
Castelmore, 2010
308 p.
12,90 €
978-2-36231-000-3
Genre
Roman fantastique
Mots clés
Vampire
Ecole
28 I Chenxi et l’étrangère
1989. Anna, une adolescente australienne, passe ses vacances à
Shanghai pour apprendre la calligraphie. Un jeune homme, Chenxi,
recruté par son père, va lui servir de guide et d’interprète dans la ville.
Très vite, la jeune fille est attirée par ce garçon qui parle peu et ne
Lecture Jeune - mars 2011
Sally Rippin
Trad. de l’anglais
par Marie Cambolieu
Mijade, 2010
52
Et après
288 p.
12 €
978-2-87423-055-4
Mots clés
Chine
Amour
Culture
laisse rien transparaître de ses émotions. Au fur et à mesure qu’elle
découvre la vie et les mœurs des Chinois, elle comprend que Chenxi a
une vie bien plus complexe qu’il ne veut bien le montrer. Opposant au
régime communiste, il doit bientôt fuir.
Anna, elle, pense surtout à sa peinture et à l’amour, et l’auteur parvient
à trouver les mots justes pour décrire les sentiments de l’adolescente et la
relation qu’elle construit peu à peu avec Chenxi. La jeune Australienne
paraît donc bien naïve face aux problèmes politiques qui la dépassent.
Pourtant, le choix de l’année 1989 n’est pas banal dans l’histoire de la
Chine, puisque le massacre de la Place Tian’anmen aura lieu en juin.
Les éléments historiques sont clairement exposés et le point de vue d’une
étrangère sur la ville permet d’avoir un regard distancié. En refermant le
livre, il est certain que le lecteur souhaitera en savoir plus sur l’Histoire de
la Chine et sa culture.
■ Déborah Mirabel
29 I J’ai le vertige
Jennifer Roy
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Emmanuèle Sandron
Alice Jeunesse, 2011
256 p.
12,90 €
978-2-87426-129-9
Genre
Témoignage
Mots clés
Shoah
Nazisme
Seconde Guerre mondiale
Le 1er septembre 1939, l’invasion de la Pologne par les forces armées
nazies marque le début de la Seconde Guerre mondiale. Jusqu’à la fin
du conflit, les Juifs de la ville de Lodz (en Pologne) vont être entassés
dans un ghetto, le plus grand après celui de Varsovie. Syvia, qui vient
d’avoir 5 ans, partage le quotidien tragique de ces quelques deux
cent soixante-dix mille prisonniers, touchés par la faim, les maladies
et la violence des nazis. Avec sa famille, son père, sa mère et sa
grande sœur Dora, Syvia va mener un long combat pour survivre, en
échappant notamment aux rafles menées contre les enfants. Parmi les
huit cents survivants libérés par les troupes russes le 19 janvier 1945,
on ne compte que douze enfants…
Le témoignage de Syvia est d’autant plus poignant que Jennifer Roy
trouve ici le ton juste, tout à la fois naïf et lucide, sans fioriture, en
choisissant pour narratrice une enfant confrontée au déchaînement de
la violence et à l’incompréhensible. En s’appuyant sur les souvenirs
de sa tante, Syvia Perlmutter, l’auteur célèbre la mémoire des millions
de victimes des camps de la mort, Juifs ou non, par les yeux de ceux
qui ont, d’une certaine manière, porté l’espoir pendant la guerre :
les enfants. Une chronologie insérée à la fin du livre permet par
ailleurs de retrouver les dates essentielles. Ce récit a été plusieurs
fois récompensé aux Etats-Unis depuis sa sortie en 2006 sous le titre
Yellow Star.
■ Benoît Petit
Réseau de lecture : Sur le même sujet, nous vous invitons à (re)voir
l’excellent film Le Pianiste réalisé par Roman Polanski (2001).
30 I Dis-lui
Rémi Stéfani
Casterman, 2011
un CD inclus (10 chansons et 1 clip)
216 p.
15,95 €
C’est dans un lieu incertain, entre fleuve et mer, que se nouent les
relations entre ces personnages à la dérive. D’un côté Albertine, 17
ans, qui a plaqué l’école (et sa mère) pour devenir serveuse dans un
bistrot en attendant le retour de son père, capitaine au long cours. De
l’autre Carmen, échouée dans le bar d’à-côté après avoir fui l’atrocité
Lecture Jeune - mars 2011
Littératures
des violences familiales et enfin il y a Dan, le marin écorché vif, dans
les bras duquel Albertine va trouver refuge. Sur fond d’embruns et de
vent iodé, les protagonistes s’ouvrent les uns aux autres, révélant leurs
blessures secrètes et leur passé trouble. Car Albertine découvre, au fur
et à mesure, la sombre histoire qui les lie : c’est sur le bateau commandé
par son père, Lukas, que Mathieu, le frère de Dan, a mystérieusement
disparu. Quel rôle le patibulaire Steel, employeur d’Albertine et ami de
longue date de Lukas, a-t-il joué dans ce drame ?
L’intrigue, au dénouement tragique, est servie par une écriture poétique
et limpide, suscitant de nombreuses émotions chez le lecteur. Enfin,
l’originalité de ce roman réside dans sa bande-son : Albertine, tout au
long du récit, ne quitte jamais sa guitare et compose plusieurs chansons,
que l’on retrouve sur le CD accompagnant l’ouvrage et dont les paroles
sont retranscrites au fil des chapitres. Un texte très poignant soutenu par un
concept original, mêlant littérature et musique.
■ Marianne Joly
978-2-203-03750-2
Mots clés
Amour
Musique
Famille
31 I Marina
Le narrateur, Òscar Drai, entreprend le récit d’un épisode de sa vie
d’adolescent qui l’a marqué à jamais. C’était un garçon solitaire, élève
dans un collège de Jésuites, à Barcelone, en 1980. Un jour, sa curiosité
l’amène à rencontrer, dans une splendide demeure à l’abandon, un
père et sa fille, Marina. Il est d’emblée fasciné par ce couple et suit la
jeune fille dans l’exploration de la ville, du cimetière de Sarrìa, à une
vaste maison en ruines, en passant par les vieux quartiers délabrés
noyés de brume. Les deux adolescents sont ainsi lancés dans une quête
dangereuse pour découvrir la vérité concernant un mystérieux docteur
Kolvenik. Plus leur enquête progresse, plus ils sont menacés par des
êtres monstrueux aux relents de pourriture sur lesquels plane la marque
d’un papillon noir.
Ce récit passionnant s’inspire du roman de Mary Shelley,
Frankenstein, et reprend les codes du genre : amour, haine, défi
à la mort, atmosphère fantomatique. Les péripéties s’enchaînent
et le suspense atteint son paroxysme dans une scène grandiose
d’incendie très cinématographique. Car une des qualités du récit
tient à l’évocation d’une Barcelone hivernale et brumeuse, aux
ruelles oubliées, aux grandes demeures bourgeoises en ruines, à
ce gigantesque Théâtre royal, écrin d’un amour perdu. C’est un
livre facile à lire mais plein de charme car il parle aussi d’amour
romantique et de mort.
■ Colette Broutin
Autre avis : Amours passionnées, sombres histoires d’argent et de
pouvoir, vengeance et transformations : tous les ingrédients sont
réunis pour faire monter le suspense dans ce thriller se déroulant
dans une somptueuse ambiance gothique. Si Marina n’est peut-être
pas un des meilleurs romans de Zafón, on se laisse tout de même
emporter dans le tourbillon de l’intrigue.
■ Marianne Joly
L’ouvrage paraît en même temps aux éditions Robert Laffont et chez
Pocket Jeunesse ; si le texte est le même, les couvertures diffèrent,
le premier s’adressant aux adultes et le second aux adolescents.
Ndlr.
Lecture Jeune - mars 2011
Carlos Ruiz Zafòn
Pocket Jeunesse, 2011
334 p.
19 €
978-2-266-21302-8
Genre
Roman fantastique
Mots clés
Amour
Mort
Barcelone
53
54
Parcours de lecture
Et après
BD
32 I Le Petit Livre des Beatles
Hervé Bourhis
Dargaud, 2011
160 p.
19,90 €
9782205063493
Genre
Biographie
Mots clés
Beatles
Rock
Hervé Bourhis résume la vie du groupe de rock au plus grand nombre
de superlatifs dans une biographie dessinée en noir et blanc de
160 pages. Un pari osé mais largement remporté. La progression
chronologique est claire, chaque double-page est composée de cases
renfermant une anecdote ou un événement majeur de la carrière des
Beatles. Ludique et formellement lisible, cet ouvrage esthétiquement
soigné nous fait (re)découvrir l’histoire riche du groupe de musiciens
le plus marquant des années 1960. Tout commence à Liverpool en
1940 avec la naissance du messianique Lennon et continue de nos
jours avec les membres restants. En prime, l’auteur livre une chronique
pour chaque enregistrement du groupe, un exercice rafraîchissant
mené avec un ton décalé et sans fanatisme aveugle. Car si la plume
de Bourhis trahit sa propre passion pour les Fab’four, elle n’oublie
jamais de présenter leurs excès. Que l’on soit admirateur ou non du
groupe, ce livre renferme une multitude d’histoires folles et offre un
regard amusé sur les 50 dernières années musicales.
Cet opuscule constitue une passerelle idéale pour lancer une
animation ou un débat sur le rock. À ranger au côté du Petit Livre
Rock, l’encyclopédie dessinée des musiques amplifiées, tout aussi
indispensable et du même auteur.
■ Pierre Pulliat
33 I Mattéo, deuxième époque
(1917-1918)
Jean-Pierre Gibrat
Futuropolis, 2010
80 p.
16 €
978-2-7548-0114-0
Mots clés
Révolution russe
Anarchisme
Bolchevisme
On a laissé Mattéo, déserteur malgré lui et on le retrouve militant
anarchiste, volontaire pour participer à la Révolution russe. Il
embarque pour Petrograd avec son copain Gervasio, exaltés à l’idée
de participer aux combats pour un monde nouveau. Il est chargé d’en
faire le reportage photographique et assiste aux affrontements entre
Bolcheviks, Russes blancs, Socialistes révolutionnaires et Anarchistes.
Dans ce contexte, il rencontre Léa, jeune femme moderne, aux mœurs
libres, dévouée à la lutte révolutionnaire pour instaurer le bolchevisme,
quitte à devoir éliminer ses adversaires. Il croise Lénine, mais perd ses
illusions en découvrant la Tchéka, police politique, et la propagande
idéologique qu’il sert par ses photos. Mattéo est un sentimental au
grand cœur facilement manipulé par Léa jusqu’au moment où il préfère
rejoindre Juliette, son grand amour inaccessible. Totalement désabusé,
il se livre à la gendarmerie française et se voit condamné à vingt ans
de bagne. Une fois de plus, on est en admiration devant la qualité du
Lecture Jeune - mars 2011
55
trait et la palette des couleurs qui donnent vie à tous ces hommes et
femmes, dans le quotidien des combats et le tumulte de la Révolution
d’octobre. C’est une bande dessinée qui invite aussi à une relecture de
l’Histoire et, à ce titre, peut passionner les adolescents.
■ Colette Broutin
34 I La Marche du crabe.
La Condition des crabes, T.1
Toutes les espèces ont évolué depuis leur apparition. Toutes ? Sauf
une... celle du Cancer Simplicimus Vulgaris. Ce pauvre crabe de
Gironde marche toujours en marge de l’Histoire. Son destin est tout
tracé ; il naît avec un itinéraire défini et mourra sans avoir jamais pu en
changer ! S’il lui venait l’idée incongrue de modifier sa trajectoire, de
tyranniques tourteaux le rappelleraient à sa condition : le Simplicimus
Vulgaris a toujours suivi la même direction et doit continuer à filer droit.
Seulement voilà, 3 énergumènes risquent de révolutionner l’écosystème
grâce à une découverte de taille : la solidarité ! Et oui, l’union pourrait
bien faire la force des crustacés rebelles et varier leurs parcours. Mais
dans cette deuxième moitié du XXe siècle, les obstacles sont nombreux
sur le chemin de la libération : entre l’invasion des vacanciers, les
tortures d’enfants sadiques ou la pollution, les plages charentaises ne
sont pas de tout repos pour les crabes...
Si l’on doit probablement la justesse de certaines scènes ou
personnages à des souvenirs d’enfance de l’auteur, il est inutile d’avoir
passé ses étés dans les rochers girondins ou bretons pour parcourir cet
album avec une réjouissance non dissimulée ! Arthur de Pins adapte et
développe avec brio La Révolution des crabes, son court-métrage primé
en 2004 au festival d’Annecy. Ses illustrations jonglent très habilement
avec les points de vue, transformant le lecteur en géant, un seau à la
main, ou lui coinçant les pattes dans le sable la seconde d’après...
Style, netteté des dessins, choix de la mise en page, tout concourt à
servir l’humour de cette bande dessinée originale qui distille sa critique
sociale de la marche des hommes et de l’oppression sous toutes ses
formes. Osons-le, j’en « Pins » pour cette bande dessinée à mettre sur
la trajectoire de tout lecteur vulgaris ou évolué !
■ Sonia de Leusse-Le Guillou
Réseau de lecture : Le site sur lequel vous pouvez visionner le court
métrage : http://www.lamarcheducrabe-lefilm.com/
Lecture Jeune - mars 2011
Arthur de Pins
Éditions du Soleil, 2010
(Noctambule)
120 p.
17,95 €
978-2302-01266-0
Mot clès
Humour
Critique sociale
Animal
56
Parcours de lecture
Et après
Documentaires
35 I Chico Mendes :
« Non à la déforestation »
Isabelle Collombat
Actes Sud, 2010
(Ceux qui ont dit non)
95 p.
7,80 €
97-827-4279218-4
Mots clés
Déforestation
Engagement
Aujourd’hui, beaucoup ignorent qui fut Chico Mendes et le combat
qu’il a mené afin de préserver la forêt amazonienne. A l’heure où
les voix pour la sauvegarde de la planète se font de plus en plus
nombreuses, cet homme apparaît comme un précurseur. Né dans une
famille de seringueros (ceux qui récoltent le caoutchouc), autodidacte
et syndicaliste, il s’est imposé comme le rassembleur des habitants de
la forêt qui se sont élevés contre la déforestation. Il fut assassiné en
1988 par des propriétaires terriens.
Cet ouvrage poignant nous fait découvrir un homme dont la
vie, mais surtout la mort, força ses concitoyens et la communauté
internationale à prendre conscience de la catastrophe écologique
liée à la déforestation en Amazonie. Depuis sa création en 2008,
la collection « Ceux qui ont dit non » poursuit son engagement :
proposer aux lecteurs une réflexion sur des sujets encore brûlants
d’actualité en mettant en scène des personnalités fortes qui ont eu
un jour le courage de se révolter pour faire triompher la liberté ou la
justice. La collection possède désormais un site Internet (http://www.
ceuxquiontditnon.fr).
■ Juliette Buzelin
36 I Mordechaï Anielewicz :
« Non au désespoir »
Rachel Hausfater
Actes Sud, 2010
(Ceux qui ont dit non)
95 p.
7,80 €
9782742790821
Mots clés
Shoah
Ghetto
Les ouvrages sur la Shoah ne manquent pas mais le destin de
Mordechaï Anielewicz est méconnu du grand public. Ce jeune homme
est pourtant le meneur de la révolte du ghetto de Varsovie. Si le combat
était perdu d’avance, c’était un moyen pour Mordechaï Anielewicz
de rendre aux Juifs leur honneur, leur dignité en leur donnant la liberté
de choisir leur propre mort. Son suicide ainsi que celui de son état
major marquera la fin de l’insurrection. Le choix de cette personnalité
peu connue pour traiter de la résistance au désespoir est tout à fait
opportun.
■ Juliette Buzelin
Mise en réseau : Le Pianiste (livre de Wladyslaw Szpilman et film de
Roman Polanski).
Lecture Jeune - mars 2011
57
37 I La Fabrique de filles
Naît-on fille ou bien est-on conditionnée à le devenir ? C’est la
question que se pose ce nouvel ouvrage de la collection « Femmes ! »,
aux éditions Syros. Après une courte introduction interrogeant les
stéréotypes féminins dans notre société, l’auteur retranscrit plusieurs
témoignages de femmes s’exprimant sur la famille, la maternité,
l’éducation, etc. Suit un dossier très fourni qui analyse la manière
dont sont « fabriquées » les filles tant dans le milieu familial que
médiatique, professionnel ou politique. On comprend notamment que,
contrairement aux idées reçues, une fille ou un garçon ne naissent
pas avec un cerveau différent, mais que c’est la manière sexuée
dont nous sommes élevés qui permet au cerveau de développer tel
ou tel hémisphère. L’ouvrage se termine par une série d’entretiens
passionnants (avec deux anthropologues, une sociologue et une
historienne) dressant un état des lieux des recherches en cours : on y
apprend, entre autres, avec Françoise Héritier, que ce sont les femmes,
à l’ère préhistorique, qui ont inventé l’agriculture.
Ce documentaire très complet, qui ne sombre jamais dans un
militantisme aveugle, amène le lecteur (et pas seulement les lectrices,
on l’espère !) à prendre conscience du conditionnement perpétuel
auquel nous sommes sujettes et rappelle, à juste titre, que les droits
acquis par les femmes sont récents et encore fragiles.
■ Marianne Joly
Réseau de lecture : La Domination masculine de Bourdieu et le film
éponyme de Patric Jean (2007). On pourra également (re)voir Notre
univers impitoyable de Léa Fazer (2008). Enfin, soulignons le travail
des éditions Talents Hauts qui défendent la lutte pour l’égalité des sexes
et s’adressent principalement aux enfants et aux adolescents (www.
talentshauts.fr).
Laure Mistral
Syros/Amnesty International, 2010
(Femmes !)
256 p.
13,50 €
978-2-74-850835-2
Mot clès
Condition féminine
38 I Cranach. Le pouvoir des images.
Ce précieux petit livre a été publié dans le cadre de l’exposition
« Cranach et son temps », présentée au musée du Luxembourg, à
Paris, du 9 février au 23 mai 2011. On y découvre un des plus
grands artistes allemands de la Renaissance. Il naît en 1472, en
Franconie, et meurt en 1553, à Weimar, après avoir servi pendant plus de cinquante ans les trois électeurs de Saxe. Il est connu
comme un des plus grands portraitistes de son temps et comme
graveur remarquable, à la tête d’un atelier très productif. Il offre
ses services à de grands prélats catholiques, mais, comme ami de
Luther, il conçoit, au moment de la Réforme, toute une imagerie protestante illustrant la Bible. Ainsi réalise -t-il plus de cinquante variantes d’Adam et Eve. Il traite aussi de thèmes mythologiques, comme
cet Hercule chez Omphale, où il ridiculise le héros ! Conscient du
pouvoir des images, il peint un certain nombre d’allégories porteuses de significations morales parfois sophistiquées. Enfin, ses
Lecture Jeune - mars 2011
François-René Martin
Découvertes Gallimard/Réunion
des Musées nationaux, 2011
48 p.
8,40 €
978-2-07-013261-4
Mot clès
Renaissance allemande
Lucas Cranach l’ancien
58
Et après
personnages féminins, au charme délicat et à la grâce virginale,
unissent le sensuel au spirituel. Le format de cette collection permet,
en dépliant les pages, de découvrir de grandes reproductions
accompagnées de commentaires indispensables à la compréhension. En fin d’ouvrage, toutes les oeuvres sont répertoriées avec les
dates, dimensions, supports, techniques, provenances et sources
photographiques. C’est un documentaire de très grande qualité à
conseiller vivement !
■ Colette Broutin
39 I La Liberté
Cyril Morano et Eric Oudin
Eyrolles, 2010
(Petite philosophie
des grandes idées)
186 p.
23,90 €
978-2-212-54733-7
Genre
Essai
Mots clés
Liberté
Philosophie
Etre libre, c’est faire ce qu’on veut. Mais la liberté de notre volonté
est-elle réelle, ou ne serait-elle qu’une illusion ? De l’Antiquité à nos
jours, d’Epicure à Sartre, les auteurs de cet ouvrage se proposent
d’expliquer simplement les idées essentielles de 12 philosophes
célèbres qui ont abordé ce thème. L’exposé théorique alterne avec
de courts extraits d’œuvres du penseur et avec de brefs exemples
tirés de la vie quotidienne.
Le propos est intéressant ; les auteurs, professeurs de philosophie,
s’expriment dans un langage aussi simple et clair que possible,
mais quelques passages restent tout de même un peu ardus.
■ Jean Ratier
Lecture Jeune - mars 2011
59
Parcours de lecture
Lecteurs confirmés Littératures
40 I
Le Cœur régulier
A l’annonce du décès de son frère, Nathan, la narratrice, Sarah, quitte
brusquement son mari et ses deux enfants. Elle tente de retrouver la trace
du disparu dans une petite station balnéaire japonaise tout en sombrant
dans la dépression. Le récit alterne l’évocation de leur vie d’avant,
l’amour complice entre le frère et la sœur, leur goût pour la nature à
l’écart des conventions, puis leurs divergences. Elle a choisi le mariage,
une vie confortable, un métier lucratif en abandonnant ses idéaux alors
que Nathan, lui, a voulu devenir écrivain, quitte à vivre misérablement
de petits boulots, tout en condamnant une société capitaliste sans âme.
Sarah est persuadée que Nathan s’est suicidé mais, dans ce village
japonais, elle découvre un petit groupe d’hommes et de femmes qui lui
délivre peu à peu une autre image de son frère, celle d’un homme ayant
retrouvé le goût de vivre. Dans ce microcosme se reconstruisent des êtres
brisés et le personnage de Sarah, en les côtoyant, prend la mesure de
ce qui vaut la peine d’être aimé. Au sein de cette atmosphère liquide,
brumeuse et grise, elle « exécute un léger pas de côté » pour saisir le sens
de sa propre vie. Dans un temps qui semble suspendu, elle observe,
avec la distance d’une étrangère, les rituels quotidiens japonais et cet
homme, Natsume Dombori, qui consacre sa vie à retenir, au bord de la
falaise, les désespérés. Grâce à lui, elle trouve l’apaisement, « le cœur
régulier », et la force de retrouver sa famille pour bâtir une nouvelle vie.
Olivier Adam réussit à renouveler ses thèmes de prédilection en situant
une partie du récit au Japon. C’est un beau roman même si, dans les
passages situés en France, les personnages, les antagonismes sociaux
et les conflits familiaux manquent d’originalité.
■ Colette Broutin
Réseau de lecture : Je vais bien, ne t’en fais pas, roman d’Olivier Adam
(2000) a été adapté au cinéma en 2006 par Philippe Lioret.
Olivier Adam
Editions de l’Olivier, 2010
232 p.
18 €
978-2-87929-746-0
Genre
Roman
Mots clés
Deuil
Suicide
Relation frère/sœur
41 I Princesse des os
Sous le règne d’Hadrien, la Rome antique est plus que jamais un lieu
où les intrigues et les complots sont omniprésents. Lucretia grandit dans
une famille patricienne et vit très mal la disparition de son père, mort
en campagne, et le remariage de sa mère avec son beau-frère. Alors
qu’elle s’oppose à son oncle qui veut la marier, son jeune cousin,
devenu presque un frère, est enlevé. Face à son oncle crédule et à
un centurion corrompu, elle va faire surgir la vérité : son cousin a été
enlevé par des adoratrices d’Hécate, chargées de le sacrifier pour
assouvir les fins vengeresses d’une famille aristocratique déchue.
Ce roman très sombre met en place un récit policier au cœur de
l’Empire romain et décrit avec précision les rapports hiérarchiques de
Lecture Jeune - mars 2011
Charlotte Bousquet
Gulfstream Éditeur, 2010
(Courants noirs)
288 p.
13,50 €
987-2-35488-081-1
Genre
Polar historique
60
Lecteurs confirmés
Mots clés
Rome
Antiquité
Sorcellerie
cette société, tout en traçant le parcours d’une jeune fille éprise de
liberté. En outre, les évolutions de la société romaine, confrontée au
nombre toujours croissant des chrétiens, sont également évoquées.
Comme dans ses autres titres, la collection pédagogique propose de
manière ingénieuse et non rébarbative des annexes et un glossaire
permettant au lecteur d’approfondir ses connaissances. Ce roman vaut
par son cadre et le rendu fantastique qu’a su en donner l’auteur, mais
également par la profondeur et la psychologie de ses personnages
attachants, ou monstrueux. L’angoisse monte au fil des pages : le petit
Titus survivra-t-il à ses monstrueux ravisseurs ?
■ Nicolas Beaujouan
42 I Nicholas Dane
Melvin Burgess
Trad. de l’anglais
par Laetitia Devaux
Gallimard jeunesse, 2010
(Hors série)
14 €
978-2-0706-2421-8
Genre
Roman social
Mots clés
Pédophilie
Violence
Délinquance
Muriel se shootait de temps en temps à l’héroïne. Son fils l’ignorait jusqu’au
jour où elle est morte dans la cuisine de leur petite maison de Manchester.
Pour Nicholas Dane, cet adolescent des années 1980, la perte de sa mère
n’est que la première épreuve à surmonter. Lorsqu’il est placé par une
assistante sociale trop zélée dans un foyer pour délinquants, sa vie bascule
dans les ténèbres : détresse morale, perversion, bestialité, sévices sexuels
pédophiles deviennent son quotidien dans cet enfer où il faut apprendre
à survivre. Comment Nicholas Dane peut-il reconstruire sa vie après les
séquelles physiques et mentales laissées par le foyer de Meadow Hill ?
Son avenir semble scellé : fils d’une junkie, orphelin, considéré comme un
rebelle dont il faut se méfier, Nicholas n’est-il pas prédestiné à tomber à
son tour dans la délinquance et dans l’engrenage odieux de la brutalité ?
Avec son tempo narratif soutenu, on se laisse facilement happer par ce
roman très structuré dont on peut souligner la complexité des personnages.
On pénètre leur intimité avec une grande acuité : l’auteur a finement
retracé la psychologie des bourreaux et des victimes, dont parfois, les
rôles risquent de s’inverser. Le suspense maintient le lecteur à la frontière
entre empathie et voyeurisme. Comme à la parution de chacun des livres
de Melvin Burgess, la violence de son univers ne laisse pas indifférent : ses
détracteurs diront qu’il s’y complaît, ses lecteurs salueront son réalisme
et son analyse sociale acerbe. L’éditeur, lui, ne prend pas de risque en
précisant sur sa 4e de couverture que le roman « ne convient pas aux
jeunes lecteurs ». Certes, il faut une certaine maturité pour se confronter
à cet ouvrage pourtant sans difficulté de lecture. Mais l’amplification de
certaines scènes permet une distance salutaire et rappelle que – même très
documentée – il s’agit bien d’une fiction.
■ Sonia de Leusse-Le Guillou
Réseau de lecture : Le film Sleepers de Barry Levinson (1996). Pour ceux
qui aimeraient en savoir plus sur Melvin Burgess, nous vous invitons à
consulter son site Internet : www.melvinburgess.net
43 I Plaguers
Jeanne-A Debats
L’Atalante, 2010
(La Dentelle du cygne)
334 p.
Les Plaguers sont apparus dans une société post-apocalyptique et
totalitaire vers 2105, après la grande Extinction (disparition des
espèces vivantes à l’exception de l’être humain à cause d’une pollution
prégnante). Ces jeunes adolescents souffrent de plaies, d’anomalies
Lecture Jeune - mars 2011
Littératures
génétiques (don ou malédiction selon le point de vue). Ils peuvent
faire réapparaître des espèces disparues, manipuler les éléments
(eau, terre, feu, air), faire pousser différentes formes de végétation,
etc. Haïs et rejetés pour leurs singularités, ils sont regroupés de
force dans des réserves, sortes de domaines non pollués, isolés et
paradoxalement paradisiaques. Quentin, le narrateur, raconte
son apprentissage de la vie avec son amie Ilya dans cette société
protégée, structurée et hiérarchisée même si souplesse et tolérance
sont la règle. Cette réserve a ses rites, ses conflits, ses secrets, ses
tragédies, d’autant plus qu’elle est en partie constituée d’adolescents
perturbés, aux problèmes identitaires complexes. En outre, ces
jeunes mutants ne sont aucunement coupés du fonctionnement du
monde et les inquiétantes perturbations énergétiques de « l’extérieur »
constituent une menace tout aussi grave pour eux que pour le reste
de l’humanité.
Dans ce roman ambitieux et atypique, Jeanne A-Debats propose une
science-fiction pleine de sensations et d’émotions. Ses personnages,
très inattendus pour certains, évoluent et se métamorphosent dans
un univers hors du commun mais qui fait écho à des préoccupations
contemporaines – l’environnement, l’épuisement des ressources
naturelles, le renouvellement des sources d’énergie, la montée des
inégalités et la violence de l’exclusion. Plaguers a été sélectionné
pour le prix Bob Morane 2011.
■ Marie-Françoise Brihaye
18 €
978-2-35832-053-5
Genre
Science-fiction
Roman initiatique
Mots clés
Exclusion, identité
Energie quantique
44 I Petite sœur, mon amour
Skyler est le fils aîné de Betsey et Bix Rampike, nouveaux riches portés
par la réussite professionnelle de Bix. La relation entre les parents est
compliquée, ce qui rejaillit forcément sur les enfants. Dès son plus jeune
âge, Skyler, peu à l’aise socialement, est pris en charge par divers
médecins qui lui diagnostiquent tous les troubles psychiques possibles
et imaginables et lui prescrivent toutes sortes de médicaments. Bliss, la
cadette, Edna Louise de son vrai prénom, fait les frais des rêves brisés
de sa mère qui a toujours voulu être patineuse artistique. Un matin de
janvier 1997, le jour de ses 7 ans, Bliss est retrouvée au fond de la
chaufferie, le crâne fracassé, dans une position étrange et légèrement
aguicheuse. Un pervers sexuel, Gunther Ruscha, obsédé par Bliss, finit
par avouer le crime et se suicide peu de temps après en prison. Pour
Skyler, l’enfer commence. Entre établissements scolaires spécialisés et
centre de désintoxication à cause de tous les médicaments qu’il ingère,
Skyler, abandonné par ses parents, passe dix ans dans une espèce de
brouillard psychique et affectif.
S’emparant d’un fait divers qui a passionné l’Amérique, Joyce Carol
Oates nous livre sa version des faits dans un roman sombre, tragique et
fascinant. On y retrouve les thèmes qu’elle affectionne particulièrement :
la famille dysfonctionnelle, la perversion de la religion, la bêtise des
médecins et psychologues, l’obsession de l’argent et de la célébrité.
C’est un véritable document à charge contre tous les excès américains,
contre ces modes de vie outranciers érigés comme modèles mais qui
basculent dans l’absurde, et dont les premières victimes sont forcément
Lecture Jeune - mars 2011
Joyce Carol Oates
Trad. de l’anglais (États-Unis)
par Claude Seban
Philippe Rey
672 p.
14 €
978-2848761695
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Fait divers
Tragédie
61
62
Lecteurs confirmés
les enfants. C’est une lecture passionnante mais qui ne laissera pas le
lecteur indemne. L’aventure en vaut la peine, tant il est rare d’assister au
dépeçage minutieux et méthodique de l’âme humaine, dans ce qu’elle
a de plus détestable et de plus touchant. Un roman bouleversant.
■ Cécile Chartres
Autre avis : A travers l’œuvre de Joyce Carol Oates, que ce soit en littérature
générale ou dans les romans qui s’adressent au public adolescent,
apparaissent de manière récurrente des personnages adolescents
tourmentés, filles ou garçons, ne rentrant pas dans les normes de la
société américaine. La « religiosité » imprègne les familles bien-pensantes,
et le sport - avec l’importance que lui confèrent les médias - devient une
sélection suprême. L’auteur montre une certaine empathie avec ces êtres
sacrifiés par leurs parents, qui ont subi un traumatisme dans l’enfance,
victimes d’adultes manipulateurs. Rongés par la douleur et la culpabilité,
les héros de Petite sœur, mon amour tout comme dans le roman Un endroit
où aller (Albin Michel Jeunesse, 2010) trouvent refuge dans l’absorption à
outrance de calmants. Ces enfants, éprouvés par la violence, deviennent
des témoins borderline, chroniqueurs de cellules familiales qui volent en
éclat. Malgré sa longueur, le roman touchera un public de jeunes adultes,
les 15-25 ans, non seulement par sa thématique, mais aussi par sa forme :
un journal, entrecoupé de fac-similés et par le procédé d’interpellation
directe du lecteur.
■ Cécile Robin-Lapeyre
45 I Bifteck
Martin Provost
Phébus, 2010 (Roman)
128 p.
11 €
978-2-7529-0476-8
Genre
Conte
Mots clés
Voyage
Bretagne
Etats-Unis
André est l’héritier d’une longue lignée de bouchers bretons. Il a
14 ans et vit à Quimper avec ses parents, juste au dessus de l’échoppe
familiale où il mène une vie plus que paisible, à peine ébranlée par
les débuts de la Première Guerre mondiale. Alors que les époux
sont partis au front, André devient l’objet de convoitises de toutes
les Quimpéroises qui se pressent chaque jour plus nombreuses à la
boucherie, dans l’espoir de recevoir ses faveurs. Mais voilà, tout a une
fin, y compris la guerre : le retour des maris interrompt les jouissances
d’André ainsi que la bonne santé de l’entreprise familiale. Lorsqu’un
jour un nourrisson est abandonné devant les marches de la boutique,
les parents d’André sont aussi courroucés qu’André est ému. Mais
quand le septième enfant arrive, les grands-parents mettent fin à leurs
jours de manière rocambolesque. André, poursuivi par un mari jaloux,
décide de quitter la Bretagne pour l’Amérique sur une petite coquille
de noix et avec sa jeune progéniture !
Si dans un premier temps le livre tient du conte plus ou moins réaliste,
le texte largue ensuite les amarres et vire au fantastique. L’auteur, par
ailleurs réalisateur du film Séraphine, livre non sans humour un récit
d’initiation où le jeune André, précocement père, devient un adulte
fasciné par ses enfants qui s’émancipent avant même d’avoir été
élevés. Le lecteur regrettera un dénouement décevant, sans rapport
avec ce qui précède. Bifteck demeure néanmoins une histoire drôle
et originale, servie par une narration sans temps mort. Un roman
alléchant qui saura séduire les jeunes adultes.
■ Nicolas Beaujean
Lecture Jeune - mars 2011
Littératures
Réseau de lecture : Les Aventures d’Arthur Gordon Pym, d’Edgar Allan
Poe, semble avoir été une source d’inspiration pour Martin Provost
lorsqu’il décrit les conditions difficiles du voyage transatlantique de
son héros et l’île qu’il découvre. Les Mamelles de Tirésias, Apollinaire,
1917 (drame surréaliste).
46 I Wendy et Lucy
Deux nouvelles de ce recueil ont fait l’objet d’adaptations à l’écran par
la réalisatrice Kelly Reichardt ; peu de points communs entre elles, si ce
n’est le cadre, l’Ouest américain, et des personnages qui veulent aller
jusqu’au bout de leur quête. L’auteur décrit les problèmes sociaux d’une
Amérique qui tente de se définir dans un espace ni urbain ni sauvage.
Chaque texte possède cependant un univers propre et une thématique
différente : la violence des relations entre les enfants, la difficulté de
communication entre jeunes et adultes, l’ami d’enfance qui a mal
tourné, un homme qui malgré sa réussite sociale se retrouve seul…
Dans la dernière nouvelle, qui donne son titre au recueil, une jeune
fille quitte avec sa chienne le Sud des Etats-Unis et l’ouragan Kathrina,
pour chercher du travail dans une conserverie d’Alaska. Mais le roadmovie s’interrompt lorsque sa voiture tombe en panne. Arrêtée pour
un petit larcin dans un supermarché, elle perd sa chienne et l’équipée
tourne court. Wendy sacrifie ce qu’elle a de plus cher – l’amour de
sa chienne – et reprend la route seule : le voyage symboliserait-il ce
passage douloureux vers l’âge adulte ? Beaucoup d’émotion dans
les portraits de gens ordinaires, de jeunes qui partent à la dérive, de
losers, et de solitaires. Un recueil idéal pour faire découvrir aux lycéens
l’art de la short story, en comparant les nouvelles et les films qui en ont
été adaptés.
■ Cécile Robin-Lapeyre
Réseau de lecture : Nous vous invitons à (re)voir le film Wendy et Lucy
réalisé par Kelly Reichardt (2008).
Jon Raymond
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Nathalie Bru
Albin Michel, 2010 (Terres
d’Amérique)
283 p.
22 €
978-2-226-21513-0
Genre
Nouvelles
Mots clés
Etats-Unis
47 I Vivement l’avenir
Comme dans La Tête en friche, Marie-Sabine Roger porte une nouvelle
fois son attention sur des « cabossés » de la vie. Au départ, un cadre
un peu glauque, une bourgade du Nord, grise, avec son canal,
son élevage industriel de volailles, ses lotissements, le tout sur fond
de crise. Deux narrateurs, Alex, une jeune femme désabusée, qui
parcourt la France de CDD en CDD, se voulant libre de toute attache et
Cédric, 28 ans, amoureux rejeté, sans vrai travail, sans rêve, résigné,
passant son temps au bord du canal. Alex loge chez un couple qui vit
chichement et doit s’occuper d’un handicapé lourd.
Le récit pourrait tourner au tragique et à l’ennui mais Marie-Sabine
Roger évite le sordide avec beaucoup de naturel. Au contraire, elle
fissure ces situations de solitude, propose des rencontres qui auraient
semblé improbables. Ainsi Alex, presque malgré elle, se prend
de compassion pour « Roswell », l’handicapé auquel elle a donné
Lecture Jeune - mars 2011
Marie-Sabine Roger
Rouergue, 2010 (La Brune)
302 p.
19 €
978-2-8126-0144-6
Mots clés
Crise
Handicap
Solidarité
63
64
Lecteurs confirmés
ce surnom, certes maladroit et laid, mais débordant de candeur et
de gentillesse. Ils s’apprivoisent et s’adoptent petit à petit au prix
d’un long apprentissage. C’est un même élan de solidarité envers
le « monstre » qui animera bientôt Cédric et son copain Olivier,
un obèse plus fin qu’on ne le croit. Si l’on excepte un dénouement
proche du conte, l’auteur n’édulcore pas la réalité. Sa sensibilité et
sa tendresse pour ses personnages les rendent très attachants. Elle
sait capter leur intimité au quotidien, leurs failles, leur sensibilité. Son
roman plein d’humour (jusque dans le choix des titres de chapitres)
sonne juste et dégage une énergie communicative. Sa langue assez
gouailleuse, riche de sentences fortes et souvent détournées, réjouit le
lecteur. Marie-Sabine Roger a le sens de la formule et sème son récit
de néologismes poétiques. Un titre émouvant qui saura ravir les plus
grands adolescents.
■ Marie-Françoise Brihaye
Réseau de lecture : Son roman La Tête en friche (Le Rouergue, 2009) a
été adapté au cinéma par Jean Becker en 2010.
48 I Daddy est mort… Retour à Sarcelles
Insa Sané
Sarbacane, 2010 (Exprim’)
280 p.
15 €
978-2-84865-422-5
Genre
Roman noir
Mots clés
Banlieue
Délinquance
Vengeance
Ce quatrième roman d’Insa Sané succède à Sarcelles-Dakar et on
y retrouve un certain nombre de protagonistes de cette « Comédie
Urbaine ». Daddy vit à Sarcelles. Ce Noir de 20 ans va bientôt être
père, ce qui lui donne l’espoir de construire, enfin, une vie heureuse.
Abandonné par sa mère, Eléonore, prostituée et droguée, il a été
élevé par son grand-père, ancien champion de boxe. Mais le passé le
rattrape quand sa mère lui révèle l’identité de son père, scellant ainsi
sa mort certaine et déclenchant de sanglantes opérations punitives
entre bandes de Sarcelles et du 19e arrondissement de Paris.
Ce roman policier est écrit comme un drame romantique, en cinq
épisodes, qui mêle le sang, l’amour, les larmes et le rire dans le
contexte des bas-fonds urbains de 1995 ! Il s’agit bien d’un récit où
le conteur, maître de la parole, entraîne son lecteur en brossant une
large fresque où il manipule ses acteurs. Les rôles sont distribués dans
le « casting » préliminaire et chacun joue sa partition dans le ton de son
personnage : d’un côté l’Ogre et ses flics pourris, de l’autre le Pasteur,
insaisissable chef de gang et trafiquant de drogue. Difficile d’échapper
au déterminisme social pour ces jeunes de banlieue. Comment
exister, si ce n’est en trafiquant soi-même et en commettant bien des
folies par amour, car il n’est pas question de travailler comme leurs
parents, usés à la tâche. Certes les « pourris » sont éliminés grâce à
l’obstination de l’honnête policier noir mais, au fond, c’est une morale
bien conformiste qui sous-tend le récit : les rôles féminins se limitent,
encore une fois, essentiellement à la maman et la putain, et le salut
reste la famille traditionnelle. Quant à la verve de l’auteur, imprégnée
du rythme du slam, elle n’échappe pas aux outrances faciles et
caricaturales, multipliant les citations littéraires et l’autopromotion.
Est-ce indispensable pour légitimer ce texte ? A trop vouloir rappeler
des contextes historiques – Commune de Paris, émeutes des banlieues
de 1995 –, et l’actualité politique, le risque existe de verser dans le
démonstratif, quitte à agacer le lecteur.
■ Colette Broutin
Lecture Jeune - mars 2011
Littératures
65
49 I La Couleur des sentiments
En 1962, à Jackson, Mississipi, trois femmes racontent leur vie.
Aibileen et Minny sont noires et bonnes dans des familles blanches.
Skeeter, jeune fille blanche, rejoint ses parents, propriétaires d’une
plantation de coton, après quatre années d’université. Dans cette
société conservatrice, la perspective de se marier et de mener la vie
de ses amies, occupées par leurs toilettes, les invitations à prendre le
thé et les parties de bridge, ne la tente guère. Elle voudrait devenir
écrivain et parvient à convaincre les deux bonnes de témoigner
de leur vie quotidienne au service des Blancs. Dans un contexte
ségrégationniste, l’entreprise est dangereuse. Cependant, malgré la
peur de perdre leur travail, de subir la violence du Ku Klux Klan, elles
unissent leur courage et leur énergie pour rédiger ces témoignages
bouleversants.
Ce livre vaut par le choix d’une écriture en prise directe avec le
quotidien des bonnes dans cette société blanche dominante et sûre de
son bon droit. Presque entièrement dialogué, il restitue les humiliations
racistes et les propos méprisants que doivent encaisser Aibileen et
Minny mais aussi leur dévouement et leur amour pour ces enfants
blancs dont elles ont la charge. Au-delà des péripéties et des multiples
obstacles qui entravent leur projet, c’est toute une société qui est
évoquée avec ses comportements, ses clivages, ses refus de remettre
en cause un ordre qui assure le pouvoir de la bourgeoisie blanche. Ce
livre est à conseiller vivement car il permet de comprendre comment
s’est construit, et s’est maintenu, le racisme et combien il est difficile
d’oser s’en libérer.
■ Colette Broutin
Kathryn Stockett
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Pierre Girard
Jacqueline Chambon/Actes Sud,
2010
526 p.
28,80 €
978-2-7427-9291-7
Mots clés
Mississipi
Racisme
Maître et serviteur
50 I Francesca de Rimini
Pour mettre un terme à la guerre qui oppose les Guelfes et les Gibelins,
Guido Polenta, gouverneur de Ravenne, est prêt à marier sa fille,
Francesca, au fils aîné de Malatesta de Verrucchio, Giovanni, puissant
chef des Guelfes. Mais celui-ci est affecté d’une jambe difforme et le
père hésite à sacrifier sa fille, si belle, à la raison d’état. Alors qu’une
mauvaise blessure retarde la cérémonie et compromet la paix, il se
décide à célébrer un mariage par procuration. Paolo, le frère cadet
de Giovanni, prêtera serment à sa place. Le destin tragique des jeunes
gens est scellé quand leurs regards se découvrent dans le miroir
dévoilé. Dante, dans le 5e chant de la Divine Comédie, évoque, en
quelques lignes, les ombres de ces damnés voués aux flammes de
l’Enfer pour avoir commis l’adultère. Il faut garder en mémoire que
Dante, bouleversé par leur sort, s’évanouit au récit de leurs malheurs.
Jacques Tournier fait revivre le contexte du drame, l’évolution des
sentiments de Francesca et de Paolo pleins de noblesse et de poésie,
la sombre jalousie de Giovanni qui les poignarde sauvagement. Les
paysages, les couleurs, les variations de la lumière, les sons, les odeurs,
tout invite à imaginer l’atmosphère sensuelle dans laquelle les amants
se rejoignent. C’est un excellent roman, écrit dans une langue simple,
dotée d’un charme puissant.
■ Colette Broutin
Lecture Jeune - mars 2011
Jacques Tournier
Editions du Seuil, 2010
118 p.
14 €
978-2-02 102242-1
Genre
Roman historique
Mots clés
Italie médiévale
Amour
Adultère
Crime
66
Parcours de lecture
Lecteurs confirmés
BD
51 I Les Larmes de l’assassin
Anne-Laure Bondoux
Ill. de Thierry Murat
Futuropolis, 2011
128 p.
18 €
978-2-754-80360-1
Mots clés
Enfance
Chili
Assassin
« Ici, personne n’arrive par hasard. Car ici, c’était le bout du monde, le
sud extrême du Chili où la côte fait de la dentelle dans les eaux froides
du Pacifique. » Ainsi débute l’album de Thierry Murat qui nous propose
une adaptation originale du roman d’Anne-Laure Bondoux, Les Larmes
de l’assassin. Angel, meurtrier en cavale rejoint ces terres reculées,
où vit un couple de paysans qu’il tue sans scrupule. Il épargnera leur
jeune garçon, Paolo. Commence alors une cohabitation improbable
entre ces deux êtres, laissant deviner qu’Angel pourrait s’attacher à
cet enfant solitaire. Luis Secunda, un écrivain cultivé, viendra briser cet
équilibre précaire, en s’installant lui aussi, dans ces lieux isolés.
L’illustrateur n’a conservé que l’essence de l’œuvre, préférant laisser
toute sa place au dessin. Les textes courts encadrent les images et les
dialogues sont limités, donnant toute son intensité au lien indicible qui
unit Angel, Paolo et Luis. Les pleines pages sont nombreuses et les
planches, découpées en deux ou trois cases uniquement, donnent à
voir des personnages noyés dans des panoramas hostiles. Le contraste
entre le roman et les illustrations est saisissant. Les couleurs sombres,
les ombres sur les visages donnent toute sa gravité au récit, destiné
initialement à un lectorat jeunesse. Les paysages arides font écho
aux personnalités sombres d’Angel et de Paolo, seuls face à leurs
destinées. Sur la dernière page, Paolo, devenu adulte, revient sur les
terres de son enfance, espérant enfin trouver « de la lumière ». Une
belle adaptation publiée aux éditions Futuropolis qui sera l’occasion,
pour les plus grands des adolescents, de découvrir l’œuvre d’AnneLaure Bondoux.
■ Anne Clerc
52 I L’Île aux 100 000 morts
Fabien Velhmann
Ill. de Jason
Glénat, 2011 (1000 feuilles)
56 p.
15 €
978-2723476799
Mots clés
Piraterie
Humour noir
La jeune Gweny scrute l’océan chaque matin dans l’espoir de trouver
une bouteille flottant dans la mer. Une curieuse manière d’essayer de
retrouver son père qui l’a abandonnée après avoir découvert une carte
au trésor dans l’un de ces contenants insubmersibles. Un jour, et ce
malgré la faible probabilité de voir son vœux s’accomplir, Gweny
repêche un flacon renfermant une carte. Déterminée, elle se rend
dans une taverne pour enrôler dans son périple une bande de pirates
avides de faire fortune. Cap pour l’Île aux cent mille morts, promesse
de richesse et de vérité ! Dès leur arrivée les événements prennent une
tournure désagréable pour tout l’équipage. L’île abrite en effet une
curieuse école de bourreaux et les bouteilles servent à ferrer les plus
cupides afin de fournir des cobayes pour les Travaux Pratiques des
Lecture Jeune - mars 2011
67
élèves… Preuve que l’esprit est plus fort que le muscle, le personnage
de Gweny se montre effroyable en usant de ruses alambiquées pour
manipuler à sa guise sa bande de soiffards sanguinaires.
La rencontre entre le dessinateur norvégien Jason (Attends…, Low
Moon) et le conteur Velhmann (Spirou, le Marquis d’Anaon) est une
célébration pour les amateurs de périples décalés et d’humour noir
savoureux. Le dessin épuré, parfaitement exécuté, est en rupture avec
les habituels récits de pirateries réalistes ; de même que la mise en page
privilégie une structure simple. Loin d’être une faiblesse, le parti pris
graphique offre plus d’espace aux dialogues proprement truculents.
Cette histoire complète offre un moment de lecture unique à réserver
toutefois aux lecteurs aguerris.
■ Pierre Pulliat
Lecture Jeune - mars 2011
68
Parcours de lecture
Lecteurs confirmés
Documentaires
53 I Marguerite Duras à 20 ans.
L’amante
Marie-Christine Jeanniot
Au Diable Vauvert, 2011
(À 20 ans)
168 p.
12 €
978-2-84626-286-6
Genre
Biographie
Mots clés
Amour
Humiliation
Famille
Les photos les plus connues de Marguerite Duras sont celles d’une
vieille femme aux traits marqués, celles d’un écrivain tel un sphinx
énigmatique. Aussi lit-on avec un grand intérêt ce petit livre consacré à
la jeune femme, de sa jeunesse indochinoise à ses années de formation
parisienne. On y découvre les blessures, les humiliations mais aussi
le désir, le projet irréductible d’échapper à sa famille et de devenir
écrivain. C’est une jeune fille très séduisante, aux mœurs libres,
voire vénales, qui étudie l’économie et le droit à Paris puis devient
fonctionnaire au Ministère des colonies. Comme il est intéressant
de lire ses propos dans Les Cahiers du cinéma : « Si j’avais fait des
études littéraires, Sorbonne et compagnie, ou Normale Sup, je ne
serais jamais devenue un écrivain. Je serais devenue une confiture
d’écrivain, un professeur écrivain ». Marguerite Donnadieu a toujours
écrit, mais il lui faut surmonter le refus de son premier roman, La Famille
Taneran, par Raymond Queneau, lecteur chez Gallimard, en 1941.
Ce n’est qu’au bout de dix années, après avoir vécu l’Occupation,
qu’elle réussit à percer dans le milieu littéraire parisien. Elle fréquente
écrivains et hommes politiques avec lesquels elle tisse des relations
amoureuses ou amicales qui traverseront toute son existence. Il faut
donc recommander ce petit livre tout en le complétant, bien sûr, par la
lecture de son œuvre.
■ Colette Broutin
Réseau de lecture : Marguerite Duras. Vérité et légendes. Photographies
inédites d’Alain Vircondelet, Éditions du Chêne, 1996.
54 I Gallimard. Un éditeur à l’œuvre
Alban Cerisier
Gallimard, 2011
(Découvertes Gallimard)
176 p.
14,30 €
978-2-07-044169-3
Mots clés
Edition
Gallimard
Histoire
Publié sous une élégante couverture ivoire à titre rouge, L’Otage
de Paul Claudel inaugure en mai 2011 le comptoir d’édition de la
de la Nouvelle Revue Française (NRF), revue littéraire créée deux
ans plus tôt par André Gide, Jean Schlumberger et quelques amis.
A sa tête un jeune homme qui a du goût, des relations, de la fortune :
Gaston Gallimard. Ainsi débute une formidable aventure intellectuelle,
éditoriale et familiale !
Le documentaire, richement illustré, revient sur les succès mais aussi
les déconvenues de la maison Gallimard qui a su traversé un siècle
d’Histoire : comment édite-t-on sous l’Occupation ? Comment conserver
son indépendance dans un secteur qui a connu des crises majeures ?
Le catalogue compte aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers de titres,
Lecture Jeune - mars 2011
69
des collections mythiques (la Blanche, La Bibliothèque de la Pléiade,
Du Monde entier, Série noire, folio…), des auteurs devenus classiques :
Camus, Sartre, Aragon, Kafka – le fonds représente 60 % du chiffre
d’affaires de la maison…. En 1972, Gallimard crée un département
jeunesse et le succès d’Harry Potter dans les années 2000 lui permet
aujourd’hui encore de conserver son autonomie. Qu’en est-il de l’avenir
de la maison ? Elle « doit de donner les moyens de prolonger son
action dans un nouveau contexte technologique induisant de nouvelles
pratiques culturelles… Il faut avoir la foi dans les valeurs civilisatrices
de la lecture pour tenir sa place à l’ère des écrans. » Un ouvrage
passionnant pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’édition.
■ Anne Clerc
Réseau de lecture : De nombreux événements auront lieu tout au long
de l’année pour fêter le centenaire des éditions Gallimard. La BnF
accueille l’exposition « Gallimard, 1911-2011 : un siècle d’édition »,
du 22 mars au 2 juillet 2011.
Lecture Jeune - mars 2011
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Parcours de lecture
Ouvrages de référence
55 I Les Princes, les princesses
et le sexe des anges
Dossier spécial : actes
du colloque du Salon
du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis
Editions Erès (La lettre de l’enfance
et de l’adolescence. Revue du
GRAPE. Numéro 82), 2010
130 p.
19,95 €
978-2-7492-1336-1
Genre
Actes de colloque
Mots clés
Merveilleux
Fantastique
Adolescence
Ce dossier spécial rassemble les interventions des universitaires,
chercheurs, écrivains, sociologues, psychanalystes qui ont participé au
colloque organisé, les 27 et 28 mai 2010, au Conservatoire national
des arts et métiers, par le Salon du livre et de la presse jeunesse en
Seine-Saint-Denis. En fin de volume, on trouve leurs présentations, une
sélection bibliographique ainsi que le résumé de leurs interventions,
toutes passionnantes. Ces communications sont regroupées dans
deux grands thèmes : « Merveilleux, rêves et enfance », « Fantastique,
fantasmes et adolescence ». Pierre Péju analyse la figure de la jeune
fille merveilleuse « révélatrice parfaite des divers systèmes idéologiques
ou économiques qui ont caractérisé la société occidentale et l’ordre
socioculturel dominant », des contes traditionnels à la presse people.
Elle se doit d’être belle, objet des désirs et possède une puissance
magique qui, dans la société postmoderne, lui est conférée par les
marques. Elle est sommée de ne plus avoir aucun tabou, d’être « sexy »,
« porno-chic », « déjantée », emblème de la société de consommation.
Mais dans ces conditions, possède-t-elle encore une face cachée et
subversive ?
Anne Defrance dresse un historique des contes merveilleux français
(Charles Perrault, Mme d’Aulnoy, Mme Leprince de Beaumont…)
et propose une typologie des princes et des princesses, synthèse fort
utile pour se repérer dans la forêt des contes. Du côté du fantastique,
il faut souligner l’exposé de Françoise Dupeyron-Lafay consacré au
personnage de Lilith, « femme fatale et princesse vampire » dans le roman
de George MacDonald paru en 1895, traduit en français en 2007.
Cet auteur anglais dont les œuvres ont largement inspiré C. S. Lewis,
G. K. Chesterton ou Tolkien, mérite d’être mieux connu par les lecteurs
français. Elle suit l’évolution fascinante du personnage, des origines
bibliques à la fiction littéraire et picturale de la fin du XIXe siècle.
Mais qu’en est-il des héros et héroïnes dans la littérature
contemporaine ? Isabelle Smadja analyse ces personnages dans les
romans de fantasy et constate que garçons et filles, dont les aspirations
se sont diversifiées, occupent des rôles relativement stéréotypés et que
les mutations les plus décisives sont du côté des objets merveilleux. Ces
nouvelles technologies numériques et les avancées neuroscientifiques
véhiculent désirs et angoisses. Christine Détrez se livre à une analyse
semblable dans un corpus de dix romans au succès confirmé.Elle pose
la question de la perception de ces héros par les adolescents et des
représentations qu’ils peuvent incarner aujourd’hui.
Lecture Jeune - mars 2011
71
Quant aux psychanalystes, ils montrent le rôle joué par ces contes et
récits dans la construction inconsciente des sujets et confèrent, comme
Benoît Virole, la fonction initiatique de passage à l’âge adulte à
l’utilisation massive de jeux vidéo en ligne par les adolescents. Enfin,
Tristan Garcia-Fons interroge la figure de l’ange-adolescent, très
présente dans la création contemporaine, en analysant une sélection
de films où les héros incarnent ce douloureux passage à l’âge adulte et
l’abandon des illusions infantiles.
■ Colette Broutin
56 I L’Enfance des loisirs.
Trajectoires communes et parcours individuels
de la fin de l’enfance à la grande adolescence
Cet essai revient sur la diversité des pratiques culturelles des
adolescents, en suivant environ 4 000 enfants, depuis l’âge
de 11 ans (en 2002) jusqu’à leurs 17 ans (en 2008). Un outil
précieux qui vient compléter l’ouvrage d’Olivier Donnat sur Les
Pratiques culturelles des français à l’ère numérique. Les chercheurs
se sont penchés sur l’ensemble des activités qui font le quotidien
des jeunes : Internet, télévision, écoute de la radio, pratiques
sportives et culturelles, lecture, etc. Et nous nous rendons compte
qu’au fil du temps, de nombreuses transformations surgissent.
Par exemple, si 33,5 % des 11 ans déclarent lire, ils ne sont
plus que 9 % à 17 ans, tandis que l’ordinateur est devenu leur
première activité quotidienne (69 % contre 14,5 % à 11 ans).
Les grands adolescents, plus autonomes, plus libres dans leurs
emplois du temps, reconfigurent leurs usages et leurs agendas
délaissant la lecture. La deuxième partie de l’étude analyse ces
usages en prenant en compte la part du genre et de l’origine
sociale qui influence fortement encore le rapport des adolescents à la culture. La troisième partie de l’essai questionne la
transmission et la filiation. Là encore, la famille, l’école, les
institutions culturelles et les copains jouent un rôle déterminant
dans l’accès aux pratiques culturelles. Le dernier chapitre
s’intéresse à des parcours « atypiques », mettant en évidence le jeu
croisé des déterminations (poids de la famille, effets de l’école,
des copains) sur les trajectoires de loisirs des adolescents.
En effet, certaines filles profitent de tous les « avantages » favorisant
une consommation culturelle forte qu'elles délaissent pourtant au
terme de l’adolescence. Et à l’inverse, des garçons cumulant de
nombreux handicaps sont pourtant très investis culturellement. Il
s’agit d’un ouvrage nécessaire et complexe qui interroge les
médiateurs du livre à une époque où la lecture est délaissée.
Les portraits qui ponctuent l’enquête confèrent une certaine
« humanité » à une étude statistique rigide et sérieuse et rappellent
que chaque individu suit un parcours propre, au-delà des chiffres
et des principes sociologiques… A l’issue de cet essai, une
interrogation demeure : à quand une étude évoquant les pratiques
de lecture des adolescents sur écran ?
■ Anne Clerc
Lecture Jeune - mars 2011
Sylvie Octobre, Christine
Détrez, Pierre Mercklé et
Nathalie Berthomier
La Documentation française, 2010
(Questions de culture)
427 p.
20 €
978-2-11-097545-4
Mots clés
Pratiques culturelles
Adolescence
72
Ouvrages de référence
57 I Le Pouvoir fascinant des histoires
Marie Saint-Dizier
Editions Autrement, 2009
(Mutations)
239 p.
21 €
978-2-7467-1340-6
Genre
Essai
Mots clés
Littérature de jeunesse
Marie Saint-Dizier choisit de parler de la littérature de jeunesse du
point de vue de l’écrivain, qui est le sien. A quoi servent les livres
de jeunesse ? A rendre possible une rencontre, dont l’auteur décline
les modalités en trois chapitres. Elle est d’abord une rencontre
organisée par les adultes qui ont leur vision de ce que doit être
le monde des enfants. Ils sélectionnent des œuvres destinées à
les protéger. L’univers de leurs livres, pétri de bonnes intentions,
se partage entre des héros qui se plient aux normes adultes et
d’autres, au contraire, en rébellion. Elle est surtout la rencontre de
l’enfant lecteur avec des histoires, des personnages. Parmi une offre
hétéroclite, entre livres et images de bandes dessinées ou de films,
il sait se frayer sa voie, trouver ce qui prend sens pour lui, avec le
plaisir, qui en découle, d’inventer ses propres histoires à partir de
dialogues ou d’images tirées des livres. Il y a des classiques que l’on
revisite toute sa vie parce que leur message se renouvelle chaque
fois. La réalité de cette rencontre est confirmée par les écrivains
qui acceptent de parler de leur rapport vivant à la littérature de
jeunesse, dans le dernier chapitre.
De cette lecture, le prescripteur potentiel sort revigoré. Au-delà
des répartitions par tranches d’âge, on affirme que le lecteur
adolescent glane son bien, en fonction de ses élans, de ses besoins,
d’influences imprévisibles. Et aussi que la littérature de jeunesse
reste la référence à laquelle chacun revient avec émotion pour
constater qu’elle parle tout au long de la vie et nourrit une existence
adulte. Ce livre chaleureux se présente comme un témoignage de
ce que la lecture a représenté pour l’auteur : un espace de rencontre
vital, dont l’évocation fait naître, à son tour, des souvenirs de
lectures fondatrices chez l’adulte.
■ Nicole Wells
Lecture Jeune - mars 2011
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Formations
page 74
Index
page 76
74
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Formations Lecture Jeunesse Programme
Premier semestre 2011
Nos stages et journées d’étude se déroulent à Paris à des dates prédéterminées. Les rencontres
d’auteurs et d’éditeurs sont organisées dans le cadre de nos formations et sont désormais ouvertes
à un large public. Les journées d’étude abordent des problématiques professionnelles et de société,
croisant les regards de spécialistes de la jeunesse et de la lecture, ainsi que les créateurs. Les
programmes détaillés seront annoncés sur notre site Internet : www.lecturejeunesse.com
Stages
● Les mangas
Découvrir un genre plébiscité
par les jeunes
niveau « repères »
Problématique
La France est le second pays lecteur de mangas
après le Japon. Les jeunes se sont emparés de ces
livres dont les héros et valeurs, étonnamment, leur
ressemblent. Comment mieux appréhender la qualité
littéraire et graphique de ces ouvrages ? Comment
se repérer dans les courants et les genres pour être à
même de conseiller les lecteurs adolescents ?
Dates : 23-24-25 mars 2011
Clôture des inscriptions : 23 février 2011
● Les littératures graphiques
Romans graphiques, albums,
bandes dessinées, mangas…
Problématique
Les adolescents d’aujourd’hui ont une culture de
l’image très étendue. Ils sont lecteurs de mangas
et de bandes dessinées. On voit se développer
dans le secteur de l’édition des formes hybrides :
romans graphiques, récits illustrés, albums…
Fondées sur la force et la singularité du rapport
entre le texte et l’image, elles offrent des pistes
d’entrée dans la lecture riches et étonnantes.
Comment leur faire découvrir et apprécier ces
nouvelles formes visuelles dans le domaine du
livre ? Quels liens tisser entre ces littératures
graphiques ?
● Les documentaires
Quelle place pour les ouvrages
documentaires dans la construction
des savoirs à l’heure d’Internet ?
Problématique
Pour leurs recherches scolaires, les adolescents
utilisent Internet avant de se tourner vers le livre
documentaire, oubliant qu’il peut constituer une
étape du repérage tout en suscitant le plaisir
de la lecture. Comment prendre en compte la
demande de renseignements scolaires et le
besoin de découvertes personnelles dans la
constitution d’un fonds qui soit à la fois cohérent
et repérable ?
Dates : 25-26-27 mai 2011
Clôture des inscriptions : 25 avril 2011
● Les romans. Accompagner
les parcours de lecture des jeunes
niveau « repères »
Problématique
Comment se repérer dans la production
d’ouvrages de fiction, pour proposer aux jeunes
des livres adaptés à leurs parcours de lecteurs ?
Dates : 6-7-8 juillet 2011
Clôture des inscriptions : 6 juin 2011
Dates : 11-12-13 mai 2011
Clôture des inscriptions : 11 avril 2011
Lecture Jeune - mars 2011
75
Inscriptions
Tarifs des stages
Catherine Escher
405 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
305 € TTC (Prise en charge personnelle)
Renseignements pédagogiques
65 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
35 € TTC (Prise en charge personnelle)
15 € TTC (étudiants)
Tél. : 01-44-72-81-50
[email protected]
Sonia de Leusse-Le Guillou
Tél. : 01-44-72-81-52
Anne Clerc
Tél. : 01-44-72-81-53
Tarifs des journées d’étude
Tarifs des rencontres
25 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
20 € TTC (Prise en charge personnelle)
10 € TTC (étudiants)
Tarifs des formations sur site
Nos formations peuvent être organisées sur sites
(devis à la demande).
● Le théâtre et les adolescents
Les spécificités du texte théâtral :
de l’écrit à la mise en scène
Problématique
On assiste à un véritable renouveau du
répertoire théâtral contemporain jeune public.
Quelles pistes d’entrées singulières en lecture
peut-on trouver dans ces textes et leurs mises en
scène pour le public adolescent ?
Dates : 22-23-24 juin 2011
Clôture des inscriptions : 22 mai 2011
Journée d’étude
Le tour d’un genre, la fantasy
Comment expliquer l’engouement des jeunes
lecteurs pour la fantasy ? Nous vous proposerons
lors de cette journée des éléments de définition
théorique, des repères historiques, des analyses
d’œuvres, ainsi que les éclairages concrets
d’auteurs, d’éditeurs, de médiateurs et de lecteurs
« fans ».
Dates : 17 mars 2011
● Conduite de projets
Accueillir des adolescents
en bibliothèque
Espaces, collections, services,
médiations
Problématique
L’adolescence est un moment de passage à prendre
en compte et à accompagner. La fréquentation
des bibliothèques par ce public constitue une
problématique singulière. Comment considérer ses
besoins pour en améliorer l’accueil et répondre à
ses attentes ?
Dates : 8-9-10 juin 2011
Clôture des inscriptions : 8 mai 2011
Lecture Jeune - mars 2011
76
Index Auteurs
A
notice
B
notice
Abier, Gilles
Adam, Olivier
Berthomier, Nathalie
Billet, Julia
Bondoux, Anne-Laure
Borgne (Le), Loïc
Bourhis, Hervé
Bousquet, Charlotte
Brooks, Kevin
Burgess, Melvin
C
Cannet, Jean-Pierre
Cannone, Eléonore
Cendres, Axl
Cerisier, Alban
Chambers, Aiden
Collombat, Isabelle
Combres, Elisabeth
1
40
56
17
51
23
32
41
2
42
notice
18, 19
3
4
54
20
35
15
D
notice
E
notice
Debats, Jeanne-A
Détrez, Christine
Ferdjoukh, Malika
G
Gauthier, Séverine
Gibrat, Jean-Pierre
Giraud, Hervé
Grant, Michael
43
56
10
notice
11
33
5
21
H
notice
I
notice
J
notice
K
notice
L
notice
Hausfater, Rachel
Ito, Shizuka
Jeanniot, Marie-Christine
Kamio, Yoko
Korkos, Alain
Larbalestier, Justine
Ligny, Jean-Marc
London, Jack
36
12
53
M
notice
O
notice
P
notice
R
notice
S
notice
T
notice
V
notice
W
notice
Maret, Pascale
Martin, François-René
Mashima, Hiro
Mazard, Claire
Mead, Richelle
Mercklé, Pierre
Mistral, Laure
Morano, Cyril
Oates, Joyce Carol
Octobre, Sylvie
Otsuishi
Oudin, Eric
Pins (de), Arthur
Provost, Martin
Raymond, Jon
Rippin, Sally
Roger, Marie-Sabine
Rollins, James
Roy, Jennifer
Ruiz Zafòn, Carlos
Saint-Dizier, Marie
Sané, Insa
Stéfani, Rémi
Stockett, Kathryn
Thinard, Florence
Tournier, Jacques
Velhmann, Fabien
Wooding, Chris
26
38
14
6
27
56
37
39
44
56
7
39
34
45
46
28
47
8
29
31
57
48
30
49
15
50
52
9
13
16
22
24
25
Lecture Jeune - mars 2011
77
Index Titres
B
notice
C
notice
Bifteck
Bout du monde (Le)
Cat Street, T. 1
Chenxi et l’étrangère
Chico Mendes :
« Non à la déforestation »
Cœur régulier (Le)
Couleur des sentiments (La)
Cranach. Le Pouvoir des images.
45
23
13
28
35
40
49
38
D
notice
E
notice
F
notice
Daddy est mort… Retour à Sarcelles 48
Derrière les volets
3
Dis-lui
30
Echecs et but !
Enfance des loisirs (L’)
Enid. Quatre Sœurs T. 1
Fabrique de filles (La)
Face de lune
Flingue ou du chocolat (Un)
Foule, elle rit (La)
Francesca de Rimini
G
Gallimard. Un éditeur à l’œuvre
Garance
Gone. Mensonges, T. 3
I
iBoy
Île aux 100 000 morts (L’)
J
J’ai le vertige
Jake Ransom
et l’ombre du Roi Squelette
Jour où je suis devenue mytho (Le)
4
56
10
37
25
7
19
50
notice
54
11
21
notice
2
52
notice
29
notice
M
notice
Maison du pont (La)
Mal-morts
Malice T. 1
Marche du crabe,
La Condition des crabes, T. 1 (La)
Marguerite Duras à 20 ans. L’amante
Marina
Mattéo,
deuxième époque (1917-1918)
22
14
36
N
notice
P
notice
Nanja Monja, T. 1
Nicholas Dane
Petit Livre des Beatles (Le)
Petite sœur, mon amour
Petites histoires de quartiers
Pierrot infernal (Le)
Plaguers
Pouvoir fascinant des histoires (Le)
Pourquoi la guerre ?
Comment la paix ?
Princes, les princesses
et le sexe des anges (Les)
Princesse des os
12
42
32
44
17
6
43
57
15
55
41
Q
notice
S
notice
V
notice
Quelle mouche nous pique ?
Sang pour sang vampires
Vampire Academy.
Sœurs de sang, T. 1
Vivement l’avenir
5
16
27
47
W
notice
Y
notice
Z
notice
Wendy et Lucy
Yvon Kader, des oreilles à la lune
Zone tribale
46
18
26
8
1
L
Larmes de l’assassin (Les)
Liberté (La)
Menteuse
Monster Soul, T. 1 et T. 2
Mordechaï Anielewicz :
« non au désespoir »
51
39
20
24
9
34
53
31
33
Lecture Jeune - mars 2011
78
Index Genres et mots clés
Genres
A
notice
B
notice
Actes de colloque
Biographie
C
55
32, 53
notice
Conte
45
E
notice
Essai
39, 57
M
notice
N
notice
Monologue
Nouvelles
P
Polar historique
R
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
1
5, 17, 46
notice
41
notice
40, 49
d’anticipation
21
fantastique 2, 8, 9, 25, 27, 31
historique
50
initiatique
43
noir
48
policier
3, 6, 7
psychologique 20, 22, 24, 44
social
42
S
Science-fiction
Shojo manga
Shônen manga
T
Témoignage
Théâtre
notice
23, 43
13
12, 14
notice
29
18, 19
Mots clés
A
notice
Adolescence
5, 55, 56
Adultère
50
Amitié
3, 5, 7, 9, 20, 23
Amour
10, 11, 28, 30, 31, 50, 53
Anarchisme
33
Angoisse
24
Antiquité
41
Assassin
51
B
notice
C
notice
Bandes d’adolescents
Banlieue
Barcelone
Beatles
Bolchevisme
Bretagne
Chili
Chine
2
48
31
32
33
45
51
28
Cinéma
Civilisations disparues
Condition féminine
Conte
Crabe
Crime
Crise
Critique sociale
Culture
16
8
37
11
34
6, 50
47
34
28
D
notice
Déforestation
Délinquance
Dépression
Deuil
Différences
35
42, 48
20
7, 40
18
E
notice
Echecs
Ecole
Ecole active
Edition
Energie quantique
Enfance
Engagement
Enquête
Etats-Unis
Exclusion
Exil
4
27
13
54
43
51
35
6
45, 46
43
19
F
notice
Fait divers
Famille
Fantastique
Folie
Football
44
19, 30, 53
14, 55
20
4
G
notice
H
notice
Gallimard
Ghetto
Guerre
Handicap
Handicap mental
Hikikomori
Histoire
Horreur
Humiliation
Humour
Humour noir
54
36
15
47
18
13
54
9
53
1, 5, 10, 14, 34
52
I
notice
L
notice
M
notice
Identité
Inégalités
Internet
Italie médiévale
Liberté
Littérature
Littérature de jeunesse
Loup-garou
Lucas Cranach l’ancien
Magie
Maître et serviteur
Mensonge
Lecture Jeune - mars 2011
43
17
2
50
39
16
57
22
38
12
49
1, 22
Merveilleux
Mississipi
Monde contemporain
Monstre
Mort
Musique
Mystère
55
49
15
14
24, 25, 31
30
3
N
notice
P
notice
Nazisme
Paix
Passion
Pédophilie
Philosophie
Piraterie
Pratiques culturelles
Prophétie
29
8, 15
4
42
39
52
56
21
Q
notice
R
notice
Quotidien
Racisme
Relation frère/sœur
Renaissance allemande
Révolution russe
Rock
Rome
Ruralité
S
Science-fiction
Seconde Guerre mondiale
Séparation
Shoah
Sœur
Solidarité
Solitude
Sorcellerie
Star
Suicide
Surnaturel
T
Technologie
Tragédie
V
Vampire
Vengeance
Violence
Voyage
17
7, 49
8, 40
38
33
32
41
12
notice
21
29
11
29, 36
10
23, 47
24
41
1
40
25
notice
23
44
notice
16, 27
26, 48
2, 42
45
79
Ours
Lecture Jeune
190, rue du Faubourg Saint-Denis - 75010 Paris
Tél. : 01 44 72 81 50 - Fax : 01 44 72 05 47
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Comité de rédaction
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Audrey Messin, Bernadette Seibel, Véronique Soulé, Jean-Claude Utard
Conception
Réalisation
Isabelle Dumontaux
Correction
Maud Simonnot
Photographie de couverture
© Dorothy Shoes
Ont collaboré à ce numéro
Colette Alves, Thomas Bailly, Nicolas Beaujean, Cyrielle Bonnot, Marie-Françoise Brihaye,
Colette Broutin, Anne Clerc, Tiphaine Desjardin, Marilyne Duval, Sébastien Féranec,
Aurélie Forget, Laurence Guillaume, Elise Hoël, Marion Jagu, Marianne Joly, Soizic Jouin,
Delphine Lacoste, Sophie Lartigue, Frédéric Leray, Amélie Mondésir, Déborah Mirabel,
Elsa Pellegri, Benoît Petit, Pierre Pulliat, Charlotte Plat, Jean Ratier, Cécile Robin-Lapeyre,
Sonia Seddiki, Marianne Toqué, Nicole Wells
Impression
L’ARTESIENNE - Dépôt légal : mars 2011
Tél. : 03 21 72 78 90
I.S.S.N. 1163-4987
C.P.P.P. n° 1107G79329
Revue éditée par l’association Lecture Jeunesse
Association de loi 1901 déclarée le 4 janvier 1974
Agréée par le Secrétariat d’Etat Jeunesse et Sport le 27/01/1977 – N° 94.155
Cette revue est publiée avec le concours de la Mairie de Paris,
du Centre national du livre et de la Direction du livre et de la lecture
(Ministère de la culture).
L’Association reçoit le soutien de la Fondation Blancmesnil.
Lecture Jeune - mars 2011
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Fonction : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Organisme : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Code postal : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Email : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2011 - Abonnement pour 4 numéros
(Numéros 137 à 140)
France : 42 € TTC (41,14 € HT)
Autres pays et DOM TOM : 46 € TTC (45,05 € HT)
Vente au numéro : 14 € TTC (13,71 € HT)
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La fantasy,
le tour d’un genre
N° 138 – Juin 2010
Actes de la journée d’étude du 17 mars 2011
organisée par Lecture Jeunesse
Comment expliquer le succès de la fantasy auprès
des jeunes lecteurs ? Nous vous proposerons dans ce numéro
des éléments de définition théorique, des repères historiques,
quelques particularités de ce genre qui se décline
sur une pluralité de supports, ainsi que des éclairages
concrets d’auteur et d’éditeurs
Lecture Jeune
Les derniers numéros
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Culture numérique
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Portraits d'adolescents
en littérature jeunesse
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Le théâtre
et les adolescents
N°136
L'amour à
l'adolescence
Photographie de couverture © Dorothy-Shoes
N°131

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