Quelle reconnaissance de la culture étudiante au sein de

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Quelle reconnaissance de la culture étudiante au sein de
Quelle reconnaissance de la culture étudiante au sein de
l'université ?
Comment permettre aux associations étudiantes de participer pleinement à la programmation
culturelle des universités?
- Françoise Mittelette, responsable du Service Universitaire d’Action Culturelle de Reims et viceprésidente d’A+U+C
- Laurence Martin, Chargée de mission au Ministère de la Culture, délégation au Développement
et aux Affaires Internationales du Ministère de la Culture et de la communication
Intervenants :
Laurence Martin, chargée de mission au Ministère de la Culture et de la Communication (MCC);
Françoise Mittelette, vice-présidente d'A+U+C;
Yann Migoubert, responsable du service culturel de l'université Paris 4
Animateur : Florian Prussak, président d'Animafac
Intervention de Laurence Martin:
Quelle reconnaissance de la culture étudiante à l'université ?
La question de la reconnaissance évoque la participation à la vie culturelle dans l'université, à
la programmation artistique... L'enjeu n'est pas seulement la reconnaissance symbolique ou
encore financière des initiatives artistiques et culturelles des étudiants. Ces derniers réclament en
effet une reconnaissance effective, qui se traduirait par une participation active à la
programmation, et une place au sein même de cette programmation.
La formulation de l'énoncé, qui pose de manière sous-jacente la question de la participation des
étudiants à la programmation culturelle des universités, laisse paraître une certaine frustration du
côté du milieu étudiant, qui a le sentiment d'être mis de côté dans cette programmation. Or cette
question a tout de même un revers positif : elle présuppose qu'il existe une programmation
culturelle dans toutes les universités.
Une programmation culturelle dans toutes les universités.
Ce sont des chargés de mission et des commissions spécifiques qui décident de cette
programmation culturelle à l'université. Quant aux associations étudiantes : sont-elles associées
d'une manière ou d'une autre à cette prise de décision ? Existe-t-il des espaces de concertation,
de dialogue avec l'administration de l'université?
Il est crucial que les associations étudiantes soient reconnues comme des partenaires. Le contenu
de la programmation culturelle universitaire doit reposer sur un équilibre nécessaire entre
propositions étudiantes et choix des chargés de mission.
Cependant, si les associations doivent avoir leur place, elles ne peuvent revendiquer toute la
place. La mixité entre associations et chargés de mission est intéressante.
Un lieu culturel universitaire
Le lieu culturel universitaire n'est pas un lieu culturel comme les autres, même s'il a vocation à
accueillir, au-delà des productions artistiques étudiantes, des productions professionnelles,
régionales, voire nationales. Les lieux culturels universitaires s'inscrivent dans des territoires
donnés, et ont vocation à être en réseau avec les autres lieux culturels de ces territoires. Ce
maillage est important car il amorce la reconnaissance de la création étudiante au-delà des
frontières de l'université.
Intervention de Yann Migoubert
Le responsable du service culturel de l'université Paris 4 s'inscrit dans le prolongement des propos
de Laurence Martin, et présente son expérience au sein du service culturel de la Sorbonne.
Le rôle et fonction des services culturels
Les services culturels des universités ont vocation à accueillir tous les types de projets. Ils ont une
fonction d'expertise, de conseil envers ces projets étudiants : l'analyse globale du projet, la
recherche de partenaires financiers... sont autant de questions abordées au quotidien avec les
porteurs de projets.
Un soutien financier est également accordé à certains projets, via les commissions « FSDIE »
(Fonds de Soutien au Développement des Initiatives Etudiantes).
Le service culturel développe aussi une programmation qui dépasse la production artistique
étudiante stricto sensu.
Le cas particulier de la Sorbonne
Dans le cas de la Sorbonne, l'ambiance des locaux, les contraintes techniques liées à ces locaux
ne conviennent pas à tous les spectacles. Cela a une répercussion sur la programmation culturelle
au sein de l'université, qui reste concentrée autour du théâtre, et des productions plus classiques
de manière générale... Cependant, des partenariats sont créés afin d'investir d'autres lieux.
L'enjeu majeur actuellement est de montrer que la création étudiante est une création tout court.
La question de la reconnaissance des pratiques artistiques au sein du cursus, notamment par
le biais de l'attribution de crédits ECTS est encore difficile à faire admettre aux UFR.
Intervention de Françoise Mittelette
Présentation de l'association A+U+C (Art+Université+Culture).
Cette association est née, en 1990, de la volonté de militants de l'action culturelle à l'université.
Depuis 20 ans, des progrès ont été accomplis au niveau de la reconnaissance de l'action
culturelle à l'université, et A+U+C y a contribué. Cependant, ces avancées restent fragiles, et la
question de la légitimité de la culture étudiante est toujours posée.
Les services culturels sont mieux reconnus par les partenaires, par l'extérieur, que par l'université
elle-même. C'est pourquoi l'existence d'une fédération de ces services (A+U+C) apparaissait et
apparaît toujours vraiment nécessaire.
Un manifeste a été rédigé il y a 20 ans, affirmant le sens de travailler au sein d'un service culturel
qui agit pour les étudiants et avec les étudiants...
Le projet culturel de l'association mobilise l'ensemble des acteurs universitaires et culturels.
Concrètement, des rencontres entre professionnels et étudiants, une réflexion et des recherches
sur les pratiques culturelles sont amorcées.
Questions/ Réponses
Quels lieux de visibilité pour les productions artistiques étudiantes ?
>> Laurence Martin : Sur la question de la visibilité de la création étudiante, des projets tels que le
festival international du théâtre universitaire sont souvent associés à des personnes. Il y a une
question de volonté politique derrière la mise en place des différents dispositifs culturels. Le sujet
est complexe, il faut sans cesse réinventer de nouvelles formes d'expression.
Par ailleurs, les universités ne sont plus les déserts culturels qu'elles étaient, et les collectivités
locales montent en puissance. Il apparaît donc plus pertinent de développer des initiatives au
niveau régional que de se focaliser sur un événement national.
En filigrane se pose toujours la question de la reconnaissance symbolique de la culture étudiante.
Avec Animafac et le CNOUS, le MCC réfléchit à la construction d'un événement national adapté
pour valoriser la production artistique étudiante.
>> Françoise Mittelette : Par exemple, le théâtre universitaire de Reims, très actif dans les années
70-80, a vu naître plusieurs metteurs en scène devenus professionnels aujourd'hui. Ce théâtre
était porté par le service culturel du CROUS. Des ateliers de pratique théâtrale animés par ces
professionnels étaient proposés aux étudiants. Est-ce ce phénomène qui a tué la création
artistique étudiante ? C’est une possibilité, en effet, ces activités très encadrées ont peut-être mis
un frein à la créativité des étudiants.
À Nantes, il existe un théâtre universitaire (Acte), qui ne fonctionne pas uniquement avec des
professionnels. L'encadrement des activités est surtout réalisé par des amateurs de théâtre.
Au contraire, à Montpellier, le théâtre universitaire ne présente pas de productions étudiantes, et
les étudiants le déplorent.
>> Laurence Martin : Concernant la question des lieux culturels universitaires, leur première
mission devrait être d'accueillir des productions artistiques étudiantes, mais chaque lieu possède
sa propre histoire : certains ont été créés pour pallier à un désert culturel sur un territoire. Il faut
aussi que les associatifs montent au créneau et revendiquent plus de place dans la gestion de ces
lieux.
Quels moyens pour le développement de la création étudiante?
>> Françoise Mittelette : On peut observer un mouvement cyclique. Les étudiants ont porté des
choses nouvelles, puis les professionnels se sont engouffrés dans la brèche et ont accaparé les
espaces. Il faut redonner aux étudiants la possibilité et les moyens de porter ces lieux. Il y a parfois
une vraie question de volonté politique. Pour certains services culturels, les productions
étudiantes, ça ne coûte pas cher, et donc on ne met pas plus d'argent pour le développement de
ces projets.
>> Yann Migoubert : Plus les besoins techniques sont complexes, moins c'est facile de donner la
place aux associations. Par ailleurs, sur la question des moyens, le CROUS investit également
beaucoup pour soutenir les projets culturels, et prend parfois le relais des universités.
Le lien entre culture et université n'est pas forcément évident. Pour les dirigeants, l'université est
d'abord un lieu de cours. S'il y a une vie étudiante tant mieux mais ça n'est pas leur priorité. Pour
lui, les universités ne peuvent pourtant pas se contenter de leur simple mission d'éducation.
Quelles relations entre associations étudiantes et administrations des universités ?
>> Laurence Martin : Il est vrai que la culture dans l'université reste pour beaucoup tributaire de la
volonté présidentielle. Là aussi il y a des cycles, et les contextes nationaux et locaux sont
importants pour comprendre les différences de positionnement par rapport à cette question.
Par ailleurs, si les relations avec le président d'université sont conflictuelles, il ne faut pas hésiter à
s'appuyer sur les autres instances (CEVU, CA).
>> Florian Prussak : Il faut savoir trouver les leviers pour faire bouger les choses, pour ouvrir des
brèches, créer le débat... Dans ces cas, le vice-président étudiant est particulièrement important.
Dans certaines villes (comme Bordeaux) il n'y a aucune structure ou service pour
accompagner le développement de la création étudiante. Quelles initiatives les associations
étudiantes peuvent-elle prendre quand le dialogue avec les administrations est
interrompu ?
>> Françoise Mittelette : Toutes les parties doivent mener un travail constant afin de parvenir à
mener des projets communs. Les questions de reconnaissance, de respect mutuel sont ainsi
centrales. Quand on veut qu'un projet se pérennise, il faut faire des efforts pour que tous
convergent vers le même objet. Les associations étudiantes, les services culturels, les instances
dirigeantes, tous peuvent et doivent prendre part à cette réflexion. Quand la fragilité s'installe, c'est
qu'on a peut-être oublié de travailler de manière partenariale.
Ne serait-il pas important de parvenir à une harmonisation des universités à ce niveau-là ?
Si les universités ne s'engagent pas, il semble difficile de continuer à impulser des
initiatives…
>> Françoise Mittelette : Une commission Vie étudiante existe au sein de la Conférence des
Présidents d'Université (CPU) et il est question de monter une commission Vie culturelle.
>> Laurence Martin : Par ailleurs, un projet de charte sur la vie culturelle à l'université est en cours
de rédaction. Ce projet a reçu un accueil favorable à la commission vie étudiante de la CPU. Audelà du principe d'autonomie des universités, il est également bon de pouvoir produire des textes
de cadrage nationaux.
Qu'est-ce qu'un événement étudiant ?
>> Laurence Martin : Au sein de la commission Culture Actions du CROUS, la question du
caractère étudiant de certains projets s'est parfois posée, du fait de l'ampleur et du niveau de
professionnalisation de ces derniers.
Par ailleurs, il faut bien distinguer les événements relevant de la culture et ceux relevant de la vie
étudiante (les galas par exemple).
La question du financement
>> Laurence Martin : Il y a une vraie variété des projets présentés en commission d'attribution de
financements, et les budgets examinés varient entre 500 et 100 000 €.
>> Françoise Mittelette : La question à se poser est celle du choix des projets financés.
Auparavant, le FAVE (ancien nom du FSDIE) servait souvent à soutenir deux ou trois grosses
associations, qui captaient tous les fonds. Les services culturels se sont employés à faire savoir
que même des petites initiatives pouvaient être financées. Il faut trouver le bon équilibre entre le
saupoudrage et le soutien massif à des gros projets.
La constitution des services de vie culturelle est-elle obligatoire ?
>> Laurence Martin : Non, il s'agit d'une recommandation mentionnée dans la loi sur le soutien à la
vie culturelle à l'université et non d'une obligation légale.
>> Avec A+U+C, des avancées considérables ont été réalisées en faveur de la constitution de ces
services. Au sein d'A+U+C, ce sont 50 services culturels qui s'unissent.
Cependant, ces services ne sont pas forcément bien dotés en termes de moyens, ou bien
reconnus. Il faut que les étudiants se mobilisent pour qu'ils prennent de l'ampleur, et que tous les
efforts soient mis en œuvre pour continuer à valoriser la culture étudiante.

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