Race et histoire

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Race et histoire
Sénéchal Gaspard______________________________________________________________HK3. 2012-­‐2013 Claude LEVI-STRAUSS
Race et Histoire
Gallimard, collection Folio essais, 1987, (première édition 1952)
Race et culture Le patrimoine culturel mondial n’est pas la somme des patrimoines culturels de chaque race qui composerait la population mondiale. Les races biologiques ne possèdent pas de caractéristiques psychologiques propres, ou pourrait-­‐on dire aussi que la culture n’est pas déterminée par les attributs biologiques : il n’y a pas de déterminisme génétique pour ce qui est de la culture. Celle ci relève bien plutôt de conditions géographiques, historiques et sociologiques. Plus encore, il existe « beaucoup plus de cultures humaines que de races humaines »1, et cette diversité est observable. Il se pose alors la question du pourquoi de cette diversité. Lévi-­‐Strauss, traite aussi dans ce premier chapitre, du cas de Gobineau. Arthur de Gobineau est un scientifique du XIXème, auteur de l’ouvrage « Essai sur l'inégalité des races humaines » (1853), dans lequel il commet ce que Lévi-­‐Strauss, appelle « le péché originel de l’anthropologie », à savoir la conception d’une relation mécanique entre les attributs biologiques et les attributs culturels. Il note que les thèses de Gobineau ne sont pas des thèses discriminatoires, contrairement à ce que la postérité retiendra, mais qu’elles permettent les considérations raciales qui suivront (notamment au moment de la colonisation). Diversité des cultures Pour expliquer la diversité des cultures, il convient d’abord d’en faire l’inventaire. Or, il se pose ici un problème : les civilisations à l’origine de cette diversité des cultures appartiennent au présent et au passé. Etant donné que l’écriture n’est pas un moyen de communication universel et naturel, nous n’aurons jamais accès à la totalité des cultures humaines. La diversité des cultures résulte d’un double processus : celui de l’accentuation des particularismes, et de rapprochement des cultures. Lévi-­‐Strauss émet ici, sans trop insisté, l’hypothèse d’un optimum de diversité entre les cultures (qui n’est pas normatif mais positif). Aussi, s’il existe des diversités culturelles entre les civilisations, il en existe aussi au sein des civilisations mêmes qui se développeraient (hypothèse) avec l’augmentation du volume de la société et son homogénéisation. La diversité n’est pas un phénomène statique, car les sociétés sont en contact les unes avec les autres. La diversité nait à la fois de l’isolement, où disons de la distance, mais aussi de la proximité qui entraine une forme d’altérité. 1 p.10 1 Sénéchal Gaspard______________________________________________________________HK3. 2012-­‐2013 L’Ethnocentrisme La diversité des cultures est un phénomène naturel, mais les progrès de la science n’ont jusqu’à lors pas fait reconnaître cette légitimité de la diversité. Notre ethnocentrisme nous pousse à considéré notre culture comme LA culture humaine, et donc à considérer les autres cultures comme étant « non conformes » à LA culture humaine (cultures barbares, cultures des sauvages…). Or, le paradoxe, c’est que ces sauvages que nous considérons, procèdent exactement de la même manière avec nous. La notion d’humanité est née tard, et elle n’est pas universellement répandue (ou acceptée), car la notion d’humanité est toujours défini à partir d’une culture donnée qui sert de référence, « d’étalon » : disons qu’il est difficile de se détacher de sa culture, et c’est l’absence de recul qui entraine le rejet de l’autre culture. Finalement, comme il est propre à toutes les civilisations de désigner comme barbare la culture de l’autre, « le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie »2 Enfin, le problème des pensées humanistes (philosophiques, religieuses, politiques…) c’est qu’elles énoncent une égalité entre les hommes qui oublie la diversité des cultures : elles pensent à partir d’une humanité abstraite. Enfin, il pose le problème du « faux évolutionnisme », qui vise à supprimer cette diversité culturelle, par la considération d’un développement unique, aboutissant à une humanité une et unique à elle même. Il convient de différencier l’évolutionnisme biologique (Darwin) et l’évolutionnisme culturel, ce dernier étant largement remit en question par Lévi-­‐Strauss. Cultures archaïques et cultures primitives On peut relever trois catégories de cultures : La première contient les cultures définies dans l’espace : elle concerne les cultures qui sont contemporaines les unes des autres, qui coexistent, mais qui « ne cohabitent pas ». La seconde contient les cultures définies dans le temps : elle concerne les cultures qui se sont accumulées sur un même lieu, mais, là encore, sans « coexister ». La troisième contient les cultures qui n’ont ni coexisté spatialement, ni coexisté temporellement. En ce qui concerne la connaissance de ces groupes : La connaissance du troisième se réduit à la formulation d’hypothèses, qui restent invérifiables. Pour ce qui est du second groupe, la succession dans le temps, liée à la notion de progrès, peut permettre d’établir une certaine hiérarchie des valeurs et des pratiques. Par contre, il est dangereux d’appliquer ce mode de raisonnement au premier groupe. Les cultures contemporaines ne sont pas comparables (au sens de hiérarchisables). Lévi-­‐Strauss pointe ici une nouvelle fois du doigt l’évolutionnisme culturel, qui s’est plu à trouver des similitudes entre les cultures de nos ancêtres, et leurs pratiques qui sont pour nous archaïques, et les cultures de civilisations contemporaines à la notre, et que nous qualifions de « primitives ». Cela repose sur à la fois la prénotion et le préjugé (lié à l’ethnocentrisme), et sur le manque d’examen (lié à l’apparence) : nous 2 p.22 2 Sénéchal Gaspard______________________________________________________________HK3. 2012-­‐2013 usons de notre connaissance superficielle des cultures et pratiques ancestrales pour établir des hiérarchies entre les cultures contemporaines : ainsi l’apparence de ressemblance entre les cultures nous fait faire une analogie entre les « cultures primitive » et les cultures différentes de la notre, et nous conduit à penser une sorte de défaut d’évolution chez ces civilisations (jugée immobiles, sans histoire). Lévi-­‐Strauss termine sur une hypothèse à laquelle il reviendra dans les chapitres suivants : si toutes les civilisations auraient et feraient preuve d’innovations, d’activité, seules certaines seraient inscrite dans un processus d’accumulation par synthèse des innovations. L’idée de progrès Dans un premier temps, il s’agit de constater que il y a bien un progrès technique localisable dans l’Histoire (la révolution néolithique est un événement de l’Histoire des Hommes par exemple). Mais cette notion de progrès des civilisations peut déboucher sur des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être entre les cultures du premier groupe. Si l’idée d’un progrès de l’humanité apparaît nettement, et reste très difficilement contestable, la notion de progrès mérite d’être reconsidérée. Il ne s’agit en effet pas d’un progrès linéaire, qui fonctionnerait par accumulation d’innovation et de révolutions scientifiques, marquant le passage d’un âge révolu à un âge nouveau. Lévi-­‐
Strauss prend pour exemple le paléolithique : la période de la pierre taillée correspondait à trois industries (à nucléi – à éclats – à lame) que l’on pensait inscrite dans un processus de progrès historique unique, du paléolithique inférieur au paléolithique supérieur en passant par le moyen. Ces trois industries sont reconnues aujourd’hui comme ayant coexisté. On pourrait ici établir un caractère buissonnant du progrès technique. Ceci se retrouve sur le plan des races (sans bien sûr établir de lien entre culture et race, Cf : Chap. 1). Là encore, il convient de parler d’un caractère buissonnant de la lignée humaine, avec coexistence/cohabitation de différentes espèces (ex : Sapiens et Neandertal). Il n’y a donc pas de progrès linéaire, continu, unique et nécessaire. Le progrès est contingent, il procède par bonds, et peut prendre de multiples orientations. C’est donc, pour répondre à l’hypothèse posée en fin de chapitre 4, non pas une aptitude qui permet la commutativité des innovations, mais le hasard. Histoire stationnaire et histoire cumulative La distinction entre histoire cumulative et histoire stationnaire n’échappe pas à l’ethnocentrisme. « Nous considérons ainsi comme cumulative toute culture qui se développerait dans un sens analogue au nôtre, c’est à dire dont le développement serait doté pour nous de signification. Tandis que les autres cultures nous apparaissent stationnaires, non pas nécessairement parce qu’elles le sont, mais parce que leur ligne de développement ne signifie rien pour nous […] »3. Cette distinction entre les deux 3 p.43 3 Sénéchal Gaspard______________________________________________________________HK3. 2012-­‐2013 histoires prend aussi place aussi au sein d’une même culture, en fonction du rapport que nous entretenons avec (par exemple, une personne âgée pourra avoir un regard plus pessimiste sur le présent, le considèrent comme « statique » comparativement au présent de sa jeunesse, tandis que le jeune adulte lui aura un point de vue plus positif sur ce présent qui est celui de sa jeunesse à lui). Tout est une question de point de vue, de position dans l’espace et dans le temps, puisque de là dépendent notre socialisation, notre éducation d’où résulte notre culture, nos valeurs, nos jugements, et cetera. C’est ce bagage qui nous empêche de bien voir, voir même de voir le mouvement des autres cultures. L’écart initial entre deux cultures réduit la « quantité d’information » susceptibles d’être transmise entre les deux groupes, car chacun ne donnera que très peu, voir pas du tout de sens à la culture de l’autre. L’apparence d’immobilisme d’une culture résulte de l’ignorance que l’on a d’elle. Le niveau de développement d’une civilisation comparativement à une autre est une question de critère : par exemple, si le critère la puissance mécaniques, on considérera la civilisation occidentale comme étant la plus développée. Mais si l’on considère la capacité d’adaptation au milieu géographique, les eskimos, par exemple, seront les plus développés. Enfin, s’il existe des particularismes culturels propres à chaque civilisation, tous les hommes possèdent un langage, des techniques, un art… Plus qu’un inventaire, l’ethnologie moderne cherche à en déceler les origines. Place de la civilisation occidentale Dans un premier temps, Lévi-­‐Strauss formule une opinion très répandue dans nos société occidentale : la supériorité de la civilisation occidentale est exprimée par le fait que toutes les autres civilisations lui confèrent une position de supériorité, et s’inscrivent dans un processus d’occidentalisation (par adoption de ses techniques, de son mode de vie…) : « ce que les pays ‘‘insuffisamment développés’’ reprochent aux autre dans les assemblées internationales, n’est pas de les occidentaliser, mais de ne pas leur donner assez vite les moyens de s’occidentaliser »4. Cette vision des choses est, encore une fois, biaisée, à cause, bien entendu, de l’ethnocentrisme. Ainsi, s’il est de fait un phénomène d’universalisation de la civilisation occidentale, il nous est impossible d’en juger la portée et l’accomplissement. De plus, l’adoption de la culture occidentale par les autres civilisations n’est pas un phénomène spontané, issu d’un choix fait par ces civilisations qui auraient reconnue une quelconque supériorité dans la civilisation occidentale. Elle résulte bien plutôt d’une absence de choix. En effet, les multiples processus d’acculturation et toute la période colonisatrice ont détruit les modes d’organisation de ces sociétés, ainsi que leur cultures, et rien n’a été fait sans arme. C’est l’inégalité des rapports de force qui a permit à la civilisation occidentale de s’imposer dans le monde. Mais il se pose encore le problème : l’inégalité des forces entre les civilisations s’est traduite dans les fait, et l’on à pu l’appréhender de manière objective. Y a-­‐t-­‐il là une marque de la supériorité occidentale ? Bien entendu, Lévi-­‐Strauss réfute cette thèse. Il se penche pour cela sur la civilisation occidentale, dont il présente les deux valeurs les plus manifestes : 4 p.52 4 Sénéchal Gaspard______________________________________________________________HK3. 2012-­‐2013 accroissement de la quantité d’énergie disponible par tête d’habitant – protection et prolongation de la vie humaine. Il montre alors qu’elle n’est pas la seule civilisation à s’être adonnée à la réalisation de ces tâches : « Toutes les sociétés humaines, depuis les temps les plus reculés, ont agit dans le même sens ; et se sont des sociétés très lointaines et très archaïques, que nous égalerions volontiers aux peuples ‘‘sauvage’’ d’aujourd’hui, qui ont accompli, dans ce domaine, les progrès les plus décisifs »5. Nous n’avons apporté que des perfectionnements aux découvertes de la révolution néolithique. Hasard et civilisation Lévi-­‐Strauss écarte tout d’abord la conception d’un passé préhistorique où les innovations se firent par hasard, ou avec la plus grande simplicité, car celle ci ignore toute la complexité et la diversité des opérations impliquées dans les techniques les plus élémentaires (connaissance des matériaux, fabrication d’outils précis, techniques appropriées…). Le hasard ne donne par lui même aucun résultat. Il s’agit bien d’inventions issues de la combinaison imaginée, expérimentée, d’opérations complexes. Si la transmission des innovations entre les générations se fait toujours bien plus facilement que l’innovation ou l’amélioration c’est à cause que ces dernières supposent l’imagination. Pourtant, les mutations culturelles dont il est questions ne sont pas explicables par le seul biais du psychologique. En effet, l’innovation dépend de facteurs historiques, économiques, et sociologique (par exemple, l’interaction est absolument indispensable). Cette multiplicité des causes limite grandement l’exactitude du travail de l’ethnologue. « La complexité des découvertes modernes ne résulte pas d’une plus grande fréquence ou d’une meilleure disponibilité du géni chez nos contemporain »6. En effet, Lévi-­‐Strauss montre que ce que nous considérons comme notre richesse actuelle est en grande partie un héritage. Dans le temps de l’Histoire, toutes les principales découvertes se concentrent dans un laps de temps infime appartenant à un passé très proche de notre présent. La civilisation occidentale ne s’est pas montrée plus cumulative que les autres. Dans le temps de l’Histoire, la paternité de la Révolution Industrielle que nous accordons aujourd’hui à la civilisation occidentale n’a aucun sens. Révolution néolithiques et révolution industrielle sont deux processus uniques dans l’histoire de l’humanité. Or, cela ne veut pas dire qu’il n’y a eu d’autres révolutions, dans un autre domaine que l’activité humaine, mais qui, pour les raisons misent en évidence dans les chapitres précédents, n’ont aucun sens pour nous, et donc sont invisibles pour nous. De plus, la question de la paternité doit s’effacée devant le phénomène de simultanéité : « la simultanéité d’apparition des mêmes bouleversements technologiques (suivis de près par des bouleversements sociaux), sur des territoires aussi vastes et dans des régions aussi écartées, montre bien qu’elle [la révolution néolithique] n’a pas dépendu du génie d’une race ou d’une culture, mais de conditions si générales qu’elles se situent en dehors de la conscience des hommes »7. 5 p.55 6 p.63 7 p.65 5 Sénéchal Gaspard______________________________________________________________HK3. 2012-­‐2013 Enfin, aucune histoire n’est stationnaire. Cependant il se pose alors le problème de la rareté relative de cultures « plus cumulatives » par rapport aux cultures « moins cumulatives ». Là encore cette distinction doit être balayée par la considération d’un caractère buissonnant de l’évolution de l’humanité : « l’humanité n’évolue pas dans un sens uniques »8. Retenons cette conclusion : « Ainsi le progrès n’est jamais que le maximum de progrès dans un sens prédéterminé par le goût de chacun »9. La collaboration des cultures. Dans le temps, le hasard joue un rôle dans la cumulativité d’une culture. Ainsi, les Hommes du paléolithique n’étaient pas moins intelligents et inventifs que les Hommes du néolithique, non seulement parce que la révolution néolithique n’est pas un évènement « isolé » dans le temps : les Hommes du néolithique sont des héritiers des Homme du paléolithique, ces derniers n’étant pas les représentant d’une époque statique. Dans l’espace, la cumulativité d’une culture dépend du nombre et de la diversité des cultures avec qui elle interagit, créant ainsi de manière très souvent involontaire une stratégie commune. Ainsi, considérer qu’une culture soit supérieure n’a pas de sens, car l’importance de la cumulativité dans l’histoire d’une culture dépend de ses interactions avec les autres cultures : sans coalition, pas de cumulativité. Une histoire est d’autant plus cumulative que les interactions sont longues, et variées (autrement dit, que les cultures qui interagissent ont un fort écart différentiel entre elles). Ainsi, prenant l’exemple de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492, Lévi-­‐Strauss montre que l’établissement d’une domination européenne et l’extinction de nombreuse civilisation (exemple, les Taïnos de l’île San Salvador) n’est en rien due à une supériorité de la civilisation occidentale en terme de culture (les Arawaks étaient des peuples néolithiques), mais bien plutôt à un hasard historico géographique : l’Europe de la Renaissance était un lieu de rencontre de nombreuses influences culturelles (arabe, chinoise) qui à permit une forte diversification de la culture occidentale, tandis que les civilisations précolombiennes, plus jeunes, ont eu moins le temps de diverger, et les cultures en furent moins diversifiée et moins articulées (et non moins développées ou moins connectées!). « Il n’y a donc pas de société cumulative en soi et par soi. L’histoire cumulative n’est pas la propriété de certaines races ou de certaines cultures qui se distingueraient ainsi des autres. Elle résulte de leur conduite plutôt que de leur nature. Elle exprime une certaine modalité d’existence des cultures qui n’est autre que leur manière d’être ensemble »10. Les contributions culturelles à la culture humaine sont répartie en deux groupes : celles qui offrent un caractère limité, en tant qu’elles en sont pas absolument indispensables pour les civilisations – celles qui offrent un caractère de système, qui donc qui sont indispensables pour les sociétés qui les ont adoptées. Ainsi la mixité 8 p.68 9 p.68 10 p.73 6 Sénéchal Gaspard______________________________________________________________HK3. 2012-­‐2013 civilisationnelle ne débouche pas nécessairement sur l’abandons de sa culture et l’adoption de l’autre par une des deux civilisations, mais sur la formation d’une troisième culture qui offre elle aussi un caractère de système. Il n’existe pas de civilisation mondiale, celle ci relève seulement d’une notion abstraite dotée d’une valeur morale ou logique. Elle n’est que schématique, et il faut se garder de la prendre comme étalon pour mesurer les contributions culturelles de chaque société à l’humanité. « Il ne peut y avoir de civilisation mondiale au sens absolu que l’on donne souvent à se terme, puisque la civilisation implique la coexistence de cultures offrant entre elles le maximum de diversité, et consiste même en cette coexistence »11. « La véritable contribution des cultures ne consiste pas dans la liste de leurs inventions particulières, mais dans l’écart différentiel qu’elles offrent entre elles »12. Le double sens du progrès Le progrès culturel dépend d’une coalition entre les cultures, et est d’autant plus important que la coalition s’établi entre des cultures diversifiées. Mais, cette coalition est à l’origine d’une homogénéisation des cultures en interaction, ce qui va, en affectant la diversité, à l’encontre du progrès. Il existe deux remèdes à cela, qui visent à recréer et conserver la complexité et la diversité. Le premier est une diversification interne, qui historiquement, s’est réalisé par le moyen du capitalisme. Cela consiste à créer des écarts différentiels dans la société par diversification et hiérarchisation du corps social. Cela s’observe avec les deux révolutions, néolithiques et industrielle. Le second est une diversification et complexification externe, qui historiquement, peuvent prendre le nom de colonialisme et d’impérialisme. Pourtant, ces solutions ne permettent qu’un ralentissement provisoire du processus. En effet, même si les relations entre les membres de ces coalitions sont unilatérales, l’interaction et les rapports de forces conduisent à une réduction des écarts différentiels. « On peut concevoir qu’une diversification, se renouvelant chaque fois sur un autre plan, permette de maintenir indéfiniment, à travers des formes variables et qui ne cesseront jamais de surprendre les hommes, cet état de déséquilibre dont dépend la survie biologique et culturelle de l’humanité »13. Il convient donc de se garder de tout particularisme, et de prévenir toute uniformisation. Cela relève du rôle, selon Lévi-­‐
Strauss, des institutions internationales qui ont une double tâche : permettre à l’humanité de modifier, changer, ses formes de collaboration archaïques pour de nouvelles – empêcher que ces nouveaux modes, possédant la même valeur fonctionnelle que les précédant, soient bâtis sur le même modèle. Enfin, préserver la diversité ne correspond en rien à un sauvetage d’un contenu historique, ou d’une tradition locale (patrimonialisation ?). Il s’agit bien plutôt 11 p.77 12 p.76 13 p.82 7 Sénéchal Gaspard______________________________________________________________HK3. 2012-­‐2013 d’être « prêt à envisager sans surprise, sans répugnance et sans révolte ce que toutes ces nouvelles formes sociales d’expression pourront offrir d’inusité »14. Il est bien question d’une tolérance ici, en tant qu’elle est une position dynamique, non contemplative, « qui consiste à prévoir, à comprendre et à promouvoir ce qui veut être »15. 14 p.85 15 p.85 8