Innovation Labs d`entreprise : innover
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Innovation Labs d`entreprise : innover
Innovation Labs d’entreprise : innover « pour de vrai » ? Qu’est-ce qui, en France, pousse de grandes entreprises à se lancer, toujours plus nombreuses, dans l’aventure d’un lab (open-, fab-, ideas-…) ? Quelle est la part de l’image (ça fait jeune et dynamique), du fantasme (le mammouth redevient un garage ou une start-up), et de la véritable stratégie d’innovation ? L’engouement pour les labs - et autres makerspaces, hackerspaces ou techshops - qui a notamment pris son essor aux États-Unis au début des années 2000 (la charte des Fablabs élaborée en 2001 par le MIT étant souvent citée comme un jalon important), est devenu clairement perceptible en France une décennie plus tard. Il a donné lieu à un foisonnement d’initiatives d’origines diverses (entreprises, mais aussi associations, institutions d’enseignement supérieur et de recherche, collectivités locales, hôpitaux…), qui se déploient selon un spectre très ouvert d’objectifs et de modalités d’organisation et de fonctionnement. Sans chercher ici à caractériser précisément cette diversité, on peut dire que les labs ont en commun, à des niveaux très variables : - - Une certaine ouverture sur « l’extérieur » (au-delà des porteurs de projet initiaux) : collègues dans d’autres directions ou départements de l’organisation concernée, partenaires, clients, usagers, étudiants, grand public… ; Des approches transversales, collaboratives et itératives de l’innovation, avec la mobilisation d’une diversité de compétences ; Une dimension expérimentale, avec le recours à des machines et outils (physiques et numériques) permettant d’aller jusqu’à du prototypage rapide. Vont de pair avec ces caractéristiques l’existence d’un lieu dédié, dont l’agencement, l’équipement et les modalités de gestion sont généralement soigneusement pensés, et la construction d’une communauté plus ou moins large et ouverte de membres plus ou moins actifs. Le i-Lab d’Air Liquide la liste des labs commence à être longue ; après les précurseurs (E-lab de Bouygues depuis 2001, réseau StelLab de PSA Citroën lancé en 2010 et qui continue de se développer à travers le monde), de nombreux lieux ont été ouverts depuis 2012 : Creative lab (Renault), Melt-in-Lab (Poult), i-Lab (Air Liquide), 3DS (Dassault), Seb Lab (Seb), I2R (Incubateur d’innovation de ruptures, EDF), Atelier Innovation Services (Snecma), Orange Fab France (Orange), la Fabrique (Systra), le Garage (Bell labs), ProtoSpace (Airbus), Terradeo (Adeo), Lab’Innovations (Capgemini)… La lettre FutuRIS – édition juillet 2015 D’autres labs sont des entreprises en tant que telles, créées pour mettre à la disposition des acteurs qui le souhaitent des moyens matériels et humains leur permettant de réaliser leur projet d’innovation, ou l’une de ses étapes : l’Usine IO, ICI Montreuil… Ces initiatives, tout comme celles qui sont portées par d’autres acteurs, bénéficient depuis deux ou trois ans d’une reconnaissance de plus en plus large, qui leur donne une meilleure visibilité et éventuellement leur confère des moyens supplémentaires. Ainsi, le ministère du Redressement productif avait lancé entre juin et septembre 2013 un appel à projet « Aide au développement des ateliers de fabrication numérique ». Les 14 lauréats (parmi 154 projets déposés, en provenance de 23 régions) ont bénéficié d’aides pour un montant de 70 000 à 200 000 euros. Un rapport commandé par la Direction générale des entreprises a fait le point sur les fab labs en 2014 : État des lieux et typologie des ateliers de fabrication numérique Le monde des labs commence à se structurer au niveau français, au-delà des principaux labels existants (Living labs du réseau européen ENOLL, Fab labs selon la charte du MIT…). Ainsi, à l’occasion du premier Fablab Festival français qui s’est déroulé à Toulouse du 6 au 10 mai 2015, une quarantaine de labs sur les 50 présents se sont inscrits sur une liste préfigurant une future fédération. Du côté des labs d’entreprise, on retrouve le même souci de rassemblement : une association nommée Fab&Co, en cours de création, réunit les fabmanagers de labs internes de grands groupes français. Participent à l’aventure Renault, Alcatel-Lucent, Airbus, SYStra, Snecma, Air Liquide, Seb, Poult, Dassault Systems, Bouygues, ICI Montreuil, l’Usine IO… qui devraient être rejoints par d’autres, français ou non. Cette structure leur permettra de mettre en commun des projets et des moyens, dans l’esprit des labs – et de parler d’une seule voix sur des sujets de politique publique en rapport avec les enjeux de l’association. FutuRIS, en partenariat avec l’ESG Management School, analyse depuis plusieurs mois le phénomène des labs, pour en caractériser plus précisément la nature et le déploiement, et surtout pour cerner la portée de leur action et leur impact sur les organisations publiques et privées qui les portent. Au terme d’une série d’auditions et d’entretiens avec des responsables de labs, dans le cadre d’une réflexion collective jalonnée par plusieurs réunions d’un groupe de travail, un Livre Blanc sera publié à l’automne sur le sujet. Il apportera des réponses aux questions posées en introduction concernant les labs d’entreprises, donc, mais aussi ceux qui sont portés par des institutions d’enseignement supérieur et de recherche, et par d’autres organisations. Les premières conclusions permettent déjà d’observer que, comme l’écrit Michel Lallement dans un ouvrage récent, ces communautés « ne sont pas des îlots d’illusion dans un océan de réalisme. Elles savent secouer les mondes qui les entourent et qui les traversent. » (L’Age du faire. Hacking, travail, anarchie, Seuil, 2015). La lettre FutuRIS – édition juillet 2015