Le transsexuel français n`est plus malade mental
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Le transsexuel français n`est plus malade mental
34189_1232.qxp 20.5.2009 8:12 Page 1 point de vue Le transsexuel français n’est plus malade mental N ous le savons tous : il n’est jaVoilà pour les faits. Les difficultés commais très simple de parler publimencent avec les extrapolations et les quement des pratiques sexuelconfusions qui n’ont cessé, à cette occales. Et quand ces dernières sont majorision, d’être commises sur ce thème. Le tairement qualifiées de «déviantes», le «transsexualisme» est ainsi généralement risque du quiproquo n’est jamais très confondu avec le «travestisme», les «états loin. Deux exemples éclairants viennent intersexuels» quand ce n’est pas, chez cerde nous en être donnés ces derniers jours tains avec l’«homosexualité». Et la confuen France. Résumons la première affaire. sion est d’autant plus grande que se déveSamedi 16 mai, Roselyne Bachelot, miloppent le concept du «transgenre» et le nistre de la Santé fait savoir que les pernouveau combat à la mode, celui du «ressonnes «transsexuelles» vivant en France pect de l’identité de genre» ou, pour le dire autrement le «refus de la transphobie». ne seront bientôt plus considérées comOn ne redira pas ici qu’il faut impérame «des malades psychiatriques». Pour tivement faire la part entre des personnes ceux qui n’auraient pas saisi au plus vite qui ont pleinement conscience d’apparteque politique rime avec communication, le nir à leur genre (masministère de la Sanculin ou féminin), et té précise qu’il s’agit «… ce qui peut être une ce même si des trailà d’un «signal fort pathologie et une souffrance tements hormonaux envoyé à l’ensemble se transmute en un nouveau ont modifié leur asde la communauté» droit …» pect physique et les à la veille de la Jour«transsexuels». On née internationale sait que ces derniers sont habités en percontre l’homophobie ; une journée dont manence par le sentiment irrésistible, inle thème est la lutte contre la «transphovincible, d’appartenir au sexe opposé à bie». celui qui est génétiquement, physiologiPolitiquement correct oblige, applauquement et juridiquement le leur. On sait dissements multiples et décision aussitôt aussi que ces personnes vivent avec le qualifiée d’«historique» par les associabesoin obsédant et constant de changer tions réunissant les victimes de différend’état sexuel, anatomies génitales comtes formes de discriminations fondées sur prises. Et une fois que les médecins et les choix et les comportements sexuels. les chirurgiens ont agi, ils n’ont bien éviQu’en est-il précisément ? Au-delà de sa demment de cesse de changer d’état civil portée symbolique, la vérité impose de pour passer de M. à Mme ou de Mme à dire que la décision ministérielle n’est que M. C’est cette question qui, en France a de nature administrative et d’une portée souvent posé problème. C’est moins le nettement plus modeste. Dans les faits, cas aujourd’hui. Mme Bachelot n’a fait que saisir la Haute autorité française de Santé pour obtenir Le «transsexualisme» est un phénoqu’à court ou moyen terme un décret soit mène rare et qui, d’un point de vue mépublié pour modifier un simple formulaire. dical, soulève de passionnantes et diffiEn pratique, les personnes transsexuelciles questions. Ces dernières restant pour les peuvent bénéficier d’une prise en charpartie sans réponses, on peut comprenge totale, par la collectivité nationale, des dre la tentation de le classer dans la sphèsoins nécessités par leur état. Mais cette re psychiatrique. On peut aussi comprenprise en charge implique – comme pour dre que les personnes concernées ne de nombreuses autres affections chronicomprennent pas un tel classement ; et ques – qu’on les considère comme étant qu’elles en souffrent. Pour autant, on ne atteintes d’une affection dite «de longue peut pas ne pas observer que ces perdurée» (classifiée ALD n° 23) pour «trousonnes demandent à la médecine et à la bles récurrents ou persistants» de natuchirurgie une prise en charge thérapeure psychiatrique. tique. Et que médecins et chirurgiens ré«Les transsexuels ressentent cette adpondent bien en pratique à des demanmission en ALD23 comme stigmatisante des hier inaudibles. De ce point de vue, puisqu’elle peut introduire une confusion on peut considérer que l’initiative admientre d’une part un trouble de l’identité du nistrative du gouvernement est une nougenre et, d’autre part, une affection psyvelle preuve de la capacité que montre la chiatrique», observe-t-on auprès du minissociété française à accepter des différences qui, hier encore, étaient tenues pour tère français de la Santé. On ajoute que, intolérables. bien évidemment, la prise en charge méLà où les choses sont plus ennuyeudicale au titre des troubles de l’identité ses, et sans doute plus dangereuses, du genre continuera d’être assurée. 1232 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 27 mai 2009 c’est lorsque l’on organise, volontairement ou pas, la confusion des genres autour du «transgenre». «Le terme "transgenre" est la traduction la plus courante de l’anglais transgender qui tend à s’imposer pour désigner des personnes qui contestent ou "transgressent" la bicatégorisation ordinaire des genres en proposant des manières d’être et de se comporter alternatives, associées éventuellement à des transformations corporelles» résume dans un texte passionnant sur ce thème l’éthologue Laurence Hérault (Université de Provence).1 Or c’est bien cette tentation globalisante qui génère la confusion. La plus belle des démonstrations vient de nous en être apportée par une tribune signée de nombreuses personnalités de divers horizons (juristes, philosophes, scientifiques, psychiatres, responsables politiques et associatifs, etc.). Ce texte a été publié dans les colonnes du Monde à la veille de la Journée internationale contre l’homophobie.2 Si les objectifs visés apparaissent essentiels (lutter de diverses manières à l’échelon international et onusien contre les discriminations parfois criminelles fondées sur des transgressions de la «bicatégorisation ordinaire des genres») le manque de précisions dans les termes apparaît plus que fâcheux. Sous le terme «trans» on réunit «transsexuel(e)s, transgenre, travesti(e)s et autres expressions culturelles qui explorent les frontières du genre». La médecine a disparu ; place à l’exploration des frontières ! Ainsi donc ce qui peut, parfois – souvent ? – être une pathologie et une souffrance se transmute en un nouveau droit auquel des pouvoirs obscurantistes s’opposeraient. Mais dans le même temps, on réclame à l’OMS «la promotion de l’accès à des soins adaptés aux demandes des personnes concernées». Comment comprendre ? Peut-être en rappelant que, dans cette matière comme dans tant d’autres, les causes les plus nobles sont encore mieux défendues quand elles respectent la nosographie. Jean-Yves Nau [email protected] Bibliographie 1 Dictionnaire du corps. Ouvrage collectif sous la direction de Michela Marzano. Paris : Editions Presses Universitaire de France, Collection Quadrige. ISBN 2 13 055058 4. 2 Refusons la transphobie, respectons l’identité de genre ! Le Monde daté des 17-18 mai 2009. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 5 janvier 2009 00