Le transsexuel français n`est plus malade mental

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Le transsexuel français n`est plus malade mental
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20.5.2009
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point de vue
Le transsexuel français n’est plus
malade mental
N
ous le savons tous : il n’est jaVoilà pour les faits. Les difficultés commais très simple de parler publimencent avec les extrapolations et les
quement des pratiques sexuelconfusions qui n’ont cessé, à cette occales. Et quand ces dernières sont majorision, d’être commises sur ce thème. Le
tairement qualifiées de «déviantes», le
«transsexualisme» est ainsi généralement
risque du quiproquo n’est jamais très
confondu avec le «travestisme», les «états
loin. Deux exemples éclairants viennent
intersexuels» quand ce n’est pas, chez cerde nous en être donnés ces derniers jours
tains avec l’«homosexualité». Et la confuen France. Résumons la première affaire.
sion est d’autant plus grande que se déveSamedi 16 mai, Roselyne Bachelot, miloppent le concept du «transgenre» et le
nistre de la Santé fait savoir que les pernouveau combat à la mode, celui du «ressonnes «transsexuelles» vivant en France
pect de l’identité de genre» ou, pour le dire
autrement le «refus de la transphobie».
ne seront bientôt plus considérées comOn ne redira pas ici qu’il faut impérame «des malades psychiatriques». Pour
tivement faire la part entre des personnes
ceux qui n’auraient pas saisi au plus vite
qui ont pleinement conscience d’apparteque politique rime avec communication, le
nir à leur genre (masministère de la Sanculin
ou féminin), et
té précise qu’il s’agit
«… ce qui peut être une
ce même si des trailà d’un «signal fort
pathologie et une souffrance
tements hormonaux
envoyé à l’ensemble
se transmute en un nouveau ont modifié leur asde la communauté»
droit …»
pect physique et les
à la veille de la Jour«transsexuels». On
née internationale
sait que ces derniers sont habités en percontre l’homophobie ; une journée dont
manence par le sentiment irrésistible, inle thème est la lutte contre la «transphovincible, d’appartenir au sexe opposé à
bie».
celui qui est génétiquement, physiologiPolitiquement correct oblige, applauquement et juridiquement le leur. On sait
dissements multiples et décision aussitôt
aussi que ces personnes vivent avec le
qualifiée d’«historique» par les associabesoin obsédant et constant de changer
tions réunissant les victimes de différend’état sexuel, anatomies génitales comtes formes de discriminations fondées sur
prises. Et une fois que les médecins et
les choix et les comportements sexuels.
les chirurgiens ont agi, ils n’ont bien éviQu’en est-il précisément ? Au-delà de sa
demment de cesse de changer d’état civil
portée symbolique, la vérité impose de
pour passer de M. à Mme ou de Mme à
dire que la décision ministérielle n’est que
M. C’est cette question qui, en France a
de nature administrative et d’une portée
souvent posé problème. C’est moins le
nettement plus modeste. Dans les faits,
cas aujourd’hui.
Mme Bachelot n’a fait que saisir la Haute
autorité française de Santé pour obtenir
Le «transsexualisme» est un phénoqu’à court ou moyen terme un décret soit
mène rare et qui, d’un point de vue mépublié pour modifier un simple formulaire.
dical, soulève de passionnantes et diffiEn pratique, les personnes transsexuelciles questions. Ces dernières restant pour
les peuvent bénéficier d’une prise en charpartie sans réponses, on peut comprenge totale, par la collectivité nationale, des
dre la tentation de le classer dans la sphèsoins nécessités par leur état. Mais cette
re psychiatrique. On peut aussi comprenprise en charge implique – comme pour
dre que les personnes concernées ne
de nombreuses autres affections chronicomprennent pas un tel classement ; et
ques – qu’on les considère comme étant
qu’elles en souffrent. Pour autant, on ne
atteintes d’une affection dite «de longue
peut pas ne pas observer que ces perdurée» (classifiée ALD n° 23) pour «trousonnes demandent à la médecine et à la
bles récurrents ou persistants» de natuchirurgie une prise en charge thérapeure psychiatrique.
tique. Et que médecins et chirurgiens ré«Les transsexuels ressentent cette adpondent bien en pratique à des demanmission en ALD23 comme stigmatisante
des hier inaudibles. De ce point de vue,
puisqu’elle peut introduire une confusion
on peut considérer que l’initiative admientre d’une part un trouble de l’identité du
nistrative du gouvernement est une nougenre et, d’autre part, une affection psyvelle preuve de la capacité que montre la
chiatrique», observe-t-on auprès du minissociété française à accepter des différences qui, hier encore, étaient tenues pour
tère français de la Santé. On ajoute que,
intolérables.
bien évidemment, la prise en charge méLà où les choses sont plus ennuyeudicale au titre des troubles de l’identité
ses, et sans doute plus dangereuses,
du genre continuera d’être assurée.
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Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 27 mai 2009
c’est lorsque l’on organise, volontairement
ou pas, la confusion des genres autour
du «transgenre». «Le terme "transgenre"
est la traduction la plus courante de l’anglais transgender qui tend à s’imposer
pour désigner des personnes qui contestent ou "transgressent" la bicatégorisation ordinaire des genres en proposant
des manières d’être et de se comporter
alternatives, associées éventuellement à
des transformations corporelles» résume
dans un texte passionnant sur ce thème
l’éthologue Laurence Hérault (Université
de Provence).1
Or c’est bien cette tentation globalisante qui génère la confusion. La plus
belle des démonstrations vient de nous
en être apportée par une tribune signée
de nombreuses personnalités de divers
horizons (juristes, philosophes, scientifiques, psychiatres, responsables politiques et associatifs, etc.). Ce texte a été
publié dans les colonnes du Monde à la
veille de la Journée internationale contre
l’homophobie.2 Si les objectifs visés apparaissent essentiels (lutter de diverses
manières à l’échelon international et onusien contre les discriminations parfois criminelles fondées sur des transgressions
de la «bicatégorisation ordinaire des genres») le manque de précisions dans les
termes apparaît plus que fâcheux. Sous
le terme «trans» on réunit «transsexuel(e)s,
transgenre, travesti(e)s et autres expressions culturelles qui explorent les frontières du genre».
La médecine a disparu ; place à l’exploration des frontières ! Ainsi donc ce qui
peut, parfois – souvent ? – être une pathologie et une souffrance se transmute
en un nouveau droit auquel des pouvoirs
obscurantistes s’opposeraient. Mais dans
le même temps, on réclame à l’OMS «la
promotion de l’accès à des soins adaptés aux demandes des personnes concernées». Comment comprendre ? Peut-être
en rappelant que, dans cette matière comme dans tant d’autres, les causes les plus
nobles sont encore mieux défendues
quand elles respectent la nosographie.
Jean-Yves Nau
[email protected]
Bibliographie
1 Dictionnaire du corps. Ouvrage collectif sous
la direction de Michela Marzano. Paris : Editions
Presses Universitaire de France, Collection Quadrige. ISBN 2 13 055058 4.
2 Refusons la transphobie, respectons l’identité
de genre ! Le Monde daté des 17-18 mai 2009.
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 5 janvier 2009
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