Le système bancaire islamique

Transcription

Le système bancaire islamique
LE SYSTÈME BANCAIRE
ISLAMIQUE
GUIDE À L’INTENTION DES
PETITES ET MOYENNES
ENTREPRISES
70 USD
ISBN 978-92-9137-385-7
No. de vente des Nations Unies F.09.III.T.10
© Centre du commerce international 2009
Le Centre du commerce international (ITC) est
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LE SYSTÈME BANCAIRE
ISLAMIQUE
GUIDE À L’INTENTION DES
PETITES ET MOYENNES
ENTREPRISES
Genève 2009
ii
RÉSUMÉ À L’INTENTION DES SERVICES D’INFORMATION COMMERCIALE
2009
F-04.01
ISL lf
Centre du commerce international (ITC)
Le système bancaire islamique : Guide à l’intention des petites et moyennes entreprises
Genève : ITC, 2009. x, 110 p.
Guide de l’accès à la finance islamique examinant le rôle de cette dernière dans le financement des
exportations des petites entreprises – met en exergue l’évolution du secteur de la banque islamique
et décrit les instruments de financement utilisés; donne un aperçu des principes fondamentaux et
des perspectives de la banque islamique pour les petites entreprises; donne une vue d’ensemble du
secteur de la microfinance islamique et recense les défis potentiels à sa croissance; explique comment
utiliser les instruments bancaires islamiques pour des transactions données; inclut une étude de cas
de la banque islamique destinée aux femmes en Malaisie.
Descripteurs : Opérations bancaires, Pays islamiques, PMEs, Microfinancement, Genre, Études
de cas.
Anglais, français, arabe (éditions séparées)
ITC, Palais des Nations, 1211 Genève 10, Suisse (www.intracen.org)
Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des données qui y figurent
n'impliquent de la part du Centre du commerce international aucune prise de position quant au
statut juridique des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs
frontières ou limites.
La mention de noms d’entreprises ou d’une marque commerciale ne signifie pas qu’elles ont l’aval
de l’ITC.
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données ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par tout moyen électronique, électrostatique, magnétique,
mécanique, ou autre, ou sous forme de photocopie, sans autorisation écrite préalable du Centre du commerce
international.
P236.F/BE/09-XI
ISBN 978-92-9137-385-7
No. de vente des Nations Unies F.09.III.T.10
Remerciements
Ce guide de la finance islamique a été préparé par le Centre du commerce
international, avec l’appui de REDmoney Group, une entreprise basée en
Malaisie spécialisée dans le marché mondial de la finance islamique.
Des auteurs de trois continents ont contribué à la préparation de la présente
publication, et le projet initial a été examiné par différents utilisateurs attendus
du guide – des institutions d’appui au commerce de six pays. Il a par la suite
été longuement passé en revue par l’équipe de l’ITC en charge du financement
du commerce et des publications pour finaliser le plan général et le contenu
du guide. L’ITC espère que cet ouvrage permettra de mieux comprendre
un système bancaire pouvant offrir une alternative pour la réalisation des
transactions financières à l’exportation des petites et moyennes entreprises de
pays en développement.
Un certain nombre d’auteurs, de banquiers, de professeurs et de journalistes
de renom ont contribué à la réalisation du présent guide. L’ITC souhaite tout
particulièrement saluer pour leurs contributions Abdulkader Thomas, SHAPE™
Financial Corp.; Shabnam Mokhtar; Nathalie Schoon, Bank of London and
the Middle East; Nimrah Karim, Michael Tarazi et Xavier Reille, Consultative
Group to Assist the Poor; et Jamelah Jamaluddin, RHB Islamic Bank.
Plusieurs études ont également fourni des informations générales utiles à la
préparation de la publication. L’ITC souhaite remercier les personnes suivantes
pour leur contribution : David Loundy, Devon Bank; David Testa, Gatehouse
Bank; Nathif Adam, First Community Bank; Global Investment House;
Badlisyah Abdul Ghani, CIMB Islamic; Mahmoud Abushamma, HSBC
Amanah Indonesia; Mohamad Nedal Alchaar, Organisation de comptabilité et
d’audit pour les institutions financières islamiques (AAOIFI); et Nik Norishky
Thani et Nik Norzrul Thani, Islamic Finance, Dubai International Financial
Centre.
La première version de cette publication a fait l’objet d’un examen par les
pairs dont Nabil Shalaby, Chambre de commerce et d’industrie de la province
orientale d’Arabie saoudite; Sabur Khan, Daffodil Group, Bangladesh;
Sailendra Narain, Centre for SME Growth and Development Finance
(CESMED), Inde; et Noor Yusoff, MNY Consulting. SDN Berhad de Malaisie,
qui a une grande expérience des applications bancaires islamiques, a conseillé
l’équipe de rédaction.
Un merci tout particulier à Andrew Morgan, Geraldine Chan et Melisa Melina
Idris, du REDmoney Group pour leur soutien, leur concours pour l’organisation
des recherches, la sélection des contributeurs et les contributions recueillies
pour le présent guide.
iv
Le guide a été conçu et dirigé par Roger A. Mégélas, responsable du programme
de l’ITC pour le financement du commerce des PME. Mme Aicha Pouyé,
Directrice de la Division du support aux entreprises et institutions, a inspiré
et encouragé le présent guide.
M. Mégélas a été secondé par Mauren Devolder, Conseiller en financement
du commerce pour les PME, et assisté par Uyanga Dorjgotov, assistant du
programme et Sirirat Kiatichaipaibul, stagiaire.
Natalie Domeisen s’est chargée de la gestion et de la promotion rédactionnelles.
Julie Wolf est intervenue en tant que Consultante en chef en édition, fournissant
des conseils et apportant de nombreuses modifications rédactionnelles
au texte. Leni Sutcliffe a également participé à la publication du guide.
Natalie Domeisen, Leni Sutcliffe et Michel Favre ont préparé l’ouvrage pour
l’impression de la version originale anglaise. La traduction vers le français a été
effectuée par Valérie Coutarel. La mise en forme définitive et la publication
assistée par ordinateur ont été réalisées par Isabel Droste.
Table des matières
Remerciements
iii
Introduction
1
Partie I : Comprendre la finance islamique
3
Chapitre 1
Principes de base de la banque islamique
Évolution de la banque islamique
Création de la banque islamique
Instruments basés sur la vente
Mourabaha
Salam
Istisna
Instruments basés sur le crédit-bail/location-vente
Instruments basés sur le partenariat
La Moucharaka
La Moudaraba
Observations finales
5
5
6
7
7
8
9
9
10
10
10
10
Chapitre 2
La banque islamique pour les PME
12
Contrats de partenariat
Coentreprise
Moucharaka décroissante
Partenariat passif
Instruments au rendement prévisible
Vente avec règlement différé
Crédit-bail/location-vente
Crédit à la production à court terme
Financement de la production à long terme
Autres instruments
Opération de change
Lettre de crédit
Garantie
12
12
13
14
15
15
16
17
18
19
19
20
20
vi
Promesse unilatérale
Dépôt de garantie
Contrat d’agence
Certificat d’investissement
Pour quel type de transaction opter?
Dans quel cas la finance islamique est-elle ou n’est-elle pas la meilleure solution possible?
Secteurs d’activité interdits
Considérations liées au type de transaction
Autres considérations d’ordre général
Coût
But
Informations
Prescriptions fiscales et juridiques
20
21
21
22
23
24
25
25
26
26
26
26
27
Chapitre 3
La microfinance islamique : un marché de niche émergent
Développement du secteur de la finance islamique
Expansion mondiale
Réglementation gouvernementale
Organisations internationales
Microfinance islamique
Demande
Promotion de la microfinance islamique par les pouvoirs publics
Indonésie
Pakistan
Les banques descendent en gamme et élargissent leur ligne de produit
Microfinance islamique : résultats de l’étude CGAP
Champ d’action limité
Microfinance islamique par type d’institution
Gros plan sur l’Indonésie
Obstacles potentiels à la croissance de la microfinance islamique
La question de l’authenticité
Renforcement des capacités
Diversité des produits
Tirer parti de la Zakat et des fonds islamiques
28
30
30
30
31
31
31
32
32
33
33
33
33
35
36
37
38
38
39
39
Chapitre 4
La banque islamique destinée aux femmes : étude de cas
Structure professionnelle
Habitudes des femmes en matière d’investissement
Besoins des femmes en matière de banque islamique
Rôle économique des femmes
Polyvalence
Planification financière
Les femmes entrepreneurs
Az Zahra Privilege Ladies Banking
Concept et stratégie
Profil de la clientèle
Produits et services offerts
Az Zahra Equity Home Financing-i
Az Zahra Mudarabah Current Account-i
40
41
43
43
43
43
44
44
44
45
45
46
46
46
vii
Az Zahra Mudarabah General Investment Account-i
Az Zahra Hire Purchase-i
La banque islamique destinée aux femmes dans d’autres pays
Masraty Bank, Bahreïn
Emirates Islamic Bank, Émirats arabes unis
Autres débouchés
47
47
47
47
48
48
Partie II : Utiliser la finance islamique
49
Introduction
51
Chapitre 5
Finance islamique : en quoi consiste-elle et où est-elle disponible
pour les PME?
Principales distinctions entre la banque islamique et la banque conventionnelle
Dépôts
Le prêt par opposition au crédit et à l’investissement
Observations finales
52
54
55
57
59
Chapitre 6
Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
60
Mourabaha (vente à prix majoré)
Principales distinctions
Mourabaha simple
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Autres utilisations possibles de la Mourabaha simple
Mourabaha d’agence
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Autre utilisation possible de la Mourabaha simple
Mourabaha sur commande
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Autre utilisation possible de la Mourabaha sur commande
Mousawama
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Autres utilisations possibles de la Mourabaha pour se procurer un fonds de roulement
Bai al Inah
Tawarruq
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Observations finales
Ijara – crédit-bail/location-vente
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Ijara Muntahiya Bi Tamleek – crédit-bail/location-vente débouchant sur la propriété de l’actif
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Cession-bail
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Ijara anticipée – crédit-bail anticipé
Autre utilisation possible de l’Ijara anticipée
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Observations finales
60
62
62
63
63
63
64
65
65
66
66
67
67
68
68
69
69
70
70
71
71
72
73
73
73
74
74
75
viii
Bai al Salam – contrat de vente à terme
Salam simple
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Salam parallèle
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Salam contre engagement
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Observations finales
Bai al Istisna (construction/fabrication)
Istisna simple
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Istisna parallèle
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Observations finales
Moucharaka (coentreprise/partenariat)
Moucharaka simple
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Moucharaka avec amortissement dégressif
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Autre utilisation possible de la Moucharaka avec amortissement dégressif
Moucharaka de financement à l’importation
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Observations finales
Moudaraba (partenariat géré)
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Moudaraba de dépôt
Wakala
Observations finales
75
76
77
77
77
78
78
78
79
79
80
80
80
81
82
83
84
84
85
85
85
86
86
87
87
88
89
90
Chapitres 7
Les fournisseurs de finance islamique
Banques islamiques à part entière
Guichets islamiques
Des offres de produits islamiques limitées
Le Groupe de la Banque islamique de développement
Observations finales
91
91
91
92
92
93
Chapitre 8
Accéder à la finance islamique
Recourir ou non à la finance islamique?
Choisir la finance islamique
Étape 1 : Avant de présenter la demande
Étape 1.1 : Avant de présenter la demande : comprendre les besoins financiers de l’entreprise
Étape 1.2 : Avant de présenter la demande : choisir l’instrument financier le plus adapté
Étape 1.3 : Avant de présenter la demande : trouver le financier et le fournisseur de service idoines
Étape 2 : Présentation de la demande : documentation et financement
Étape 3 : Approbation de la demande et phase postérieure à la conclusion de l’accord
Annexe : Liste de contrôle relative à la demande de financement et à la conclusion de l’accord
pour les micro-entreprises et les PME
94
94
96
96
97
97
97
98
99
101
ix
Chapitre 9
Rôle du jurisconsulte de la charia
104
Chapitre 10
Réglementation, incidences fiscales et directives juridictionnelles
Organismes de réglementation
Incidences fiscales
Questions de compétence
Conclusion
Appendice: Questions fréquemment posées
106
106
107
108
108
109
Tableaux
1.
Instruments de financement des banques islamiques
11
2.
Champ d’action de la microfinance islamique, par pays
35
3.
Champ d’action de la microfinance islamique, par type d’institution
36
4.
Malaisie : postes à responsabilités occupés par des femmes dans le secteur public, 2007
42
5.
Malaisie : postes à responsabilités occupés par des femmes dans le secteur privé, 2007
42
Figures
1.
Une transaction de type Moucharaka simple
13
2.
Moudaraba simple
14
3.
Mourabaha simple
15
4.
Crédit-bail opérationnel
16
5.
Crédit-bail de financement
16
6.
Salam simple
18
7.
Istisna simple
19
8.
Bai al Arboon simple
21
9.
Sukuk simple
22
10. Malaisie : population par strate et par sexe, 2007
40
11. Malaisie : répartition de l’emploi des hommes par profession, 2006
41
12. Malaisie : répartition de l’emploi des femmes par profession, 2006
41
13. Malaisie : employés du secteur public par groupe de service et par sexe, 2006
42
14. Relation entre la banque et le déposant dans une banque conventionnelle
55
9
15. Relation entre la Mudarabah et le CIPB dans une banque islamique
56
16. Murabahah simple
63
17. Mourabaha d’agence
64
18. Mourabaha sur commande
66
19. Mousawama
67
20. Bai al Inah
68
21. Tawarruq
69
22. Ijarah
71
x
23. Ijara Muntahiya Bi Tamleek – crédit-bail/location-vente débouchant sur la propriété de l’actif
72
24. Cession-bail
73
25. Ijara anticipée
74
26. Salam simple
76
27. Salam parallèle
77
28. Salam contre engagement
78
29. Istisna simple
80
30. Istisna parallèle
81
31. Moucharaka
83
32. Moucharaka avec amortissement dégressif
84
33. Moucharaka de financement à l’importation
86
34. Financement par Moudaraba
88
35. Moudaraba de dépôt
89
36. Étapes précédant la présentation de la demande
97
Encadrés
1.
Contrats de microfinance islamique de base
28
2.
Comment fonctionne l’épargne?
30
3.
Aperçu de la situation en République islamique d’Iran
34
Introduction
La crise financière de 2008 et l’assèchement du crédit qui a suivi ont eu des
conséquences particulièrement graves pour les petites et moyennes entreprises
(PME), en particulier dans les économies en développement.
Des débouchés à l’exportation réduits comme peau de chagrin et un système
bancaire affaibli sont venus s’ajouter aux difficultés traditionnellement
rencontrées par les PME pour accéder à des financements. Les banques se
sont montrées plus réticentes encore à prendre des risques pour les petites
entreprises. Celles-ci ont aussi été ébranlées par les incertitudes nées de la crise,
y compris toutes les interrogations soulevées par la solidité des institutions
financières existantes.
Même si la confiance devait être restaurée et la source du crédit être à nouveau
ouverte, la crise a mis en lumière la nécessité pour les petites entreprises d’en
savoir le plus possible sur les possibilités qui s’offrent à elles pour financer
leurs opérations. Les systèmes tels que la microfinance et la banque islamique
sont au nombre de ces possibilités qui s’offrent à elles, ces systèmes gagnant
aujourd’hui en importance et en ampleur.
La banque islamique ne date pas d’hier. Apparue dès le 8ème siècle, elle a conçu
des instruments financiers qui ont influencé le système bancaire européen du
Moyen-âge, comme par exemple les lettres de change, les premières formes de
partenariats, de sociétés en commandite, de chèques et de billets à ordre.
Un complément à la banque traditionnelle
La banque islamique a connu ces dernières années une croissance sans
précédent, ses avoirs atteignant plus de $E.-U. 580 milliards et $E.-U. 300
milliards ayant été investis dans des fonds communs de placement islamiques,
soit une progression annuelle d’au moins 20% en 2007 et 2008, laquelle devrait
selon toutes vraisemblances se poursuivre en 2009.
Ceci montre que nombreux sont ceux qui considèrent la banque islamique
comme une alternative ou un complément intéressant à la banque
traditionnelle. Pour certains, le recours à la finance islamique est étroitement
lié au désir de respecter les règles de la charia dans l’activité économique. Mais
d’autres aspects de la finance islamique peuvent présenter un attrait pour les
micro, petites et moyennes entreprises. La banque islamique met l’accent sur
la relation de partenariat dans le cadre de laquelle les succès sont récompensés
et les échecs partagés.
Le fait que les institutions financières classiques (UBS, Paribas, HSBC et
Citibank, pour n’en citer que quelques unes) aient ouvert des guichets de
2
Introduction
banque islamique est révélateur. S’ils servent principalement des clients du
Moyen-Orient, du Golfe et d’Asie du sud, ils comptent aussi des clients en
Europe, au Canada et aux États-Unis. La banque islamique a commencé à
répondre aux besoins bancaires particuliers des femmes chefs d’entreprises, et
les femmes sont aussi associées à la gestion de banques islamiques prospèrent.
Utilisation du présent guide
Le présent guide de la banque islamique s’inscrit dans le cadre du programme
de financement du commerce de l’ITC, lequel vise à aider les petites entreprises
des pays en développement à renforcer leurs capacités pour trouver leur place
sur les marchés mondiaux par le biais des exportations.
Ce guide est principalement destiné aux institutions d’appui au commerce
des pays en développement, ainsi qu’aux propriétaires ou aux responsables
financiers de petites entreprises. L’objectif est d’aider ces entreprises à se
prononcer sur la question de savoir si elles peuvent recourir à la banque
islamique, et dans l’affirmative comment l’utiliser.
Nombre d’ouvrages existants sur la banque islamique présentent brièvement
les principes sur lesquels repose la banque islamique ou expliquent ses
instruments financiers à l’intention des spécialistes. Le présent guide vise à
aider le profane à comprendre et à utiliser la finance islamique. La Partie I
– Comprendre la finance islamique – couvre les principes fondamentaux
de la banque islamique qui intéressent les petites entreprises. La Partie II –
Utiliser la finance islamique – consiste en un guide pratique de l’utilisation des
instruments de finance islamique pour des transactions données.
L’objectif est de décrire, d’étudier et de démystifier l’accès à la finance islamique.
L’ouvrage se penche aussi sur le rôle que peut jouer la banque islamique pour
aider les petites entreprises à exporter. L’ITC espère qu’il permettra de mieux
faire comprendre un système bancaire de nature à offrir de nouveaux moyens
de réaliser des transactions financières susceptibles de donner accès à de
nouveaux marchés d’exportation.
Partie I
COMPRENDRE LA
FINANCE ISLAMIQUE
Chapitre 1
Principes de base de la banque islamique
Pour simplifier, la banque islamique s’entend des opérations bancaires en accord
avec le droit musulman (la charia), lequel interdit l’intérêt ou ribâ. D’une manière
générale, la banque islamique est synonyme de banque sans intérêt.
Les prêts sont un pilier de la banque conventionnelle, les banques empruntant
aux déposants et prêtant à ceux qui ont besoin de financements. Les banques
conventionnelles gagnent donc de l’argent sur la différence entre le taux
d’intérêt moins élevé versé sur les dépôts et le taux d’intérêt plus élevé pratiqué
pour les clients. À l’inverse, les banques islamiques n’ont pas le droit de verser
ou de percevoir un intérêt. Les banques compatibles avec la charia n’accordent
pas de prêts et ont recours à d’autres opérations – vente, crédit-bail/locationvente, et instruments basés sur le principe du partenariat – pour gagner de
l’argent.
En plus de n’être pas autorisées à percevoir le ribâ, les banques islamiques ne
peuvent s’adonner à des activités haram interdites par la charia, notamment
celles en rapport avec le porc, l’alcool, la pornographie et les jeux de hasard.
Elles ne peuvent pas acheter des actions sur du vin pour les revendre à un
client, pas plus qu’elles ne peuvent louer une machine à sou à une société de
jeu, par exemple. En outre, ces banques doivent aussi minimiser le gharar (la
spéculation) dans leurs contrats. Pour ce faire, dans leurs transactions à la
vente ou à la location-vente, les banques islamiques doivent clairement établir
quatre éléments : le prix, la quantité, la qualité et le moment de la livraison.
Le présent chapitre retrace brièvement l’évolution du secteur de la banque
islamique, pour ensuite mettre en lumière les instruments utilisés pour
financer les clients.
Évolution de la banque islamique
Les économistes et les juristes islamiques ont commencé à critiquer les opérations
assorties d’intérêts des banques conventionnelles implantées dans des pays
musulmans dans les années 1900 et un certain nombre d’établissements
d’épargne ont été créées dans les années 60. Ce n’est cependant qu’en 1975
qu’a vu le jour la première banque commerciale islamique, à savoir la Dubai
Islamic Bank. Les années 80 ont été le théâtre d’une prolifération des banques
islamiques à travers le monde. On comptait en 2008 plus de 300 institutions
financières islamiques réparties dans plus de 50 pays.
Le Moyen-Orient et l’Asie sont deux des principaux marchés sur lesquels les
banques islamiques prospèrent. L’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes
6
Chapitre 1 – Principes de base de la banque islamique
unis, le Koweït et le Qatar, sont actifs au Moyen-Orient, suivis de près par
l’Égypte, le Liban, Oman et la République arabe syrienne.
En Asie, la Malaisie est dores et déjà dotée d’un système de finance islamique
pleinement développé (banques, Takaful, ou assurance, des opérations sur le
marché des capitaux et sur le marché monétaire). Parmi les autres protagonistes
de pays en développement figurent Brunei Darussalam, l’Indonésie, le Pakistan,
les Philippines et la Thaïlande.
La croissance de ces marchés est en partie alimentée par la demande naturelle
de la population musulmane de ces pays. Avec la plus grande prise de conscience
de la finance islamique et à mesure que les banques islamiques élargissent leurs
services, même des clients non musulmans se tournent vers ces établissements.
En Malaisie, par exemple, dans certains cas jusqu’à la moitié de la clientèle des
banques islamiques n’est pas musulmane. En occident, les banques sont aussi
en concurrence pour se tailler une part du gâteau lucratif que représente la
banque islamique.
Le premier établissement de finance islamique, la Islamic Finance House a été
créé au Luxembourg à la fin des années 70, suivi par la Islamic Finance House
du Danemark, la Islamic Investment Company de Melbourne, Australie, et la
American Finance House LARIBA aux États-Unis. La Islamic Bank of Britain
a été fondée au Royaume-Uni en 2004, et en 2008, cinq banques islamiques
avaient vu le jour dans le pays. Citibank, HSBC, Standard Chartered, ABN
Amro et Deutsche Bank sont quelques-unes des banques conventionnelles qui
ont fait leur entrée dans le secteur de la banque islamique.
Dans un premier temps, le secteur s’est concentré sur les activités de banque
de détail et commerciale alors que les activités liées au marché des capitaux,
comme la gestion de fonds islamiques et d’obligations islamiques (Sukuk) a
connu une envolée après les années 90. Avec le développement des activités sur
le marché des capitaux, de plus en plus de pays prennent le train en marche.
En 2007, Singapour a créé sa première banque islamique, The Islamic Bank of
Asia, et aspire à devenir la première place financière islamique en Asie. Hong
Kong (Chine) et le Japon affichent les mêmes objectifs. Le développement du
marché des capitaux permettrait à ces pays non-musulmans de tirer parti des
investisseurs aisés du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et de continuer
à jouer un rôle de premier plan sur les marchés internationaux des capitaux.
Création de la banque islamique
L’interdiction de l’intérêt contenue dans la charia signifie tout simplement
qu’il n’est pas possible de faire commerce de l’argent. L’argent peut toutefois
être utilisé pour acheter des marchandises qui pourront ensuite être vendues
ou louées. L’argent peut aussi être mis en commun dans une entreprise, les
partenaires se partageant les bénéfices dégagés. Les instruments financiers
offerts par les banques islamiques sont décrits ci-après.
Chapitre 1 – Principes de base de la banque islamique
7
Instruments basés sur la vente
Mourabaha
Il s’agit d’un contrat de vente dont le coût et la marge bénéficiaire sont
communiqués à l’acheteur. La Mourabaha est généralement considérée comme
une opération à coût majoré, la banque informant le client du coût exact ainsi
que du montant de la majoration. « J’ai acheté cette machine $E.-U. 10 000 et
je vous la revends à $E.-U. 15 000. Vous pouvez me rembourser dans un délai
d’une année. »
Dans une vente normale, le bénéfice réalisé par le vendeur n’est pas divulgué.
La vente normale dans le cadre de laquelle seul le prix de vente final est
divulgué est connue sous le nom de Mousawama. Dans ce type de vente,
la banque divulgue uniquement le prix de vente au client. « Je vends cette
machine $E.-U. 20 000 et vous pouvez payer dans un délai de 15 mois. Êtesvous intéressé? » L’acheteur peut accepter le prix ou le négocier jusqu’à trouver
un accord avec l’autre partie.
La Mourabaha est l’instrument le plus couramment utilisé par les banques
islamiques, même si certaines utilisent la Mousawama. Dans le cas de la
Mourabaha, la banque achète un actif sous-jacent pour le revendre ensuite. Il
y a donc échange d’un actif et d’argent, contrairement à un prêt qui suppose
un échange argent contre argent.
Les banques islamiques utilisent la Mourabaha de deux manières. Premièrement,
la Mourabaha est utilisée pour l’acquisition d’actifs lorsque le client souhaite
acquérir un actif corporel comme une machine, un bâtiment ou un stock.
On peut parler de Mourabaha pure, le client souhaitant posséder le bien
acquis par la banque. Cette Mourabaha ne peut être utilisée pour financer les
dépenses d’ordre commercial tels les salaires et les frais généraux, étant donné
que la banque ne peut pas les acheter et les vendre.
Dans le cas du Tawarruq (aussi appelé Mourabaha inversée), les banques
islamiques achètent des matières premières (métaux et huile de palme brute, par
exemple) auprès d’un courtier, pour les revendre ensuite en différé moyennant
profit. Étant donné qu’il s’agit d’une vente à crédit, le client n’est pas tenu de
payer immédiatement.
Toutefois, le client ne veut pas cette matière première. Ce qu’il veut ce sont
des liquidités. Le client vend donc la matière première (lui-même ou plus
communément par le biais de la banque agissant en son nom) à un autre
courtier en matières premières et reçoit des liquidités. Le client utilise ensuite
cet argent pour rembourser la banque du paiement différé dû.
Dans le cas du Tawarruq, le but du client n’est pas de posséder la matière
première achetée par la banque mais uniquement de trouver des liquidités.
Cet instrument financier est populaire au Moyen-Orient car il facilite le
financement en liquide. Le client peut utiliser les liquidités obtenues pour
alimenter sa trésorerie.
Bien que le Tawarruq soit autorisé par les spécialistes de la charia, ils le
désapprouvent car les parties n’ont pour seul objectif que d’obtenir des
liquidités. Les matières premières achetées ne les intéressent pas. C’est pour
la même raison que la Bai al Inah (vente et rachat) est interdite. La Bai al Inah
8
Chapitre 1 – Principes de base de la banque islamique
est toutefois autorisée en Malaisie sur la base du principe du Maslaha (profit
collectif).
Dans le cas du Tawarruq, la banque achète à un courtier et le client vend à
un autre courtier (plus de deux parties sont donc associées à la transaction).
Dans le cas de Bai al Inah, l’échange implique uniquement deux parties (la
banque et le client). La banque vend son actif (bâtiment, terrains, actions, etc.)
au client en différé (à $E.-U. 10 000 à payer dans six mois, par exemple). Le
client ayant acheté l’actif et en étant à ce moment là propriétaire, il revend le
même actif à la banque au comptant et obtient des liquidités ($E.-U. 8 000,
par exemple). Tout comme le Tawarruq est populaire au Moyen-Orient, le Bai
al Inah présente un attrait important en Malaisie car les deux instruments
permettent au client d’obtenir des liquidités.
En résumé, la Mourabaha est une vente qui peut, au jour d’aujourd’hui, prendre trois formes :
J Mourabah : la banque achète un actif corporel et le vend au client, lequel souhaite posséder l’actif en question.
J Tawarruq : la banque achète une matière première auprès d’un courtier puis la vend au client qui ne souhaite
pas la garder et la revend à un autre courtier pour obtenir des liquidités.
J Bai al Inah : la banque vend son actif au client (à crédit), lequel le revend immédiatement à la banque
(au comptant) et obtient en retour la somme souhaitée. Le bai al Inah n’implique que deux parties, alors le
Tawarruq en implique davantage.
La Mourabaha pourrait être utilisée pour financer l’achat d’un actif qui existe
déjà – une voiture, un bâtiment, une machine, etc. Pour financer un actif
qui n’existe pas encore (des produits agricoles qui doivent être cultivés ou des
immeubles en construction, par exemple), ce sont le Salam ou l’Istisna qui sont
utilisés.
Salam
Il s’agit d’un contrat de vente avec livraison différée de la marchandise. Le
Salam est une exception à la règle générale qui s’applique en cas de vente car
le vendeur est autorisé à vendre à terme, ce qui signifie que l’objet de la vente
n’existe pas au moment où elle est conclue. Le Prophète autorisait les fermiers
à vendre à terme un produit agricole non encore récolté, l’acheteur acquittant
le prix intégral le jour un et les parties convenant de la quantité à livrer et
du moment de la livraison. Les fermiers pouvaient ainsi utiliser l’argent payé
comme capital pour commencer à cultiver. À l’échéance, le fermier livrait la
quantité convenue de produits à l’acheteur.
Aujourd’hui, les banques islamiques peuvent utiliser cet instrument pour
financer les petits agriculteurs. Un producteur de blé peut vendre une tonne
(1 000 kg) de blé à une banque islamique, livraison dans six mois. La banque
acquitte le prix d’achat intégral ($E.-U. 10 000, par exemple). Après six mois,
l’agriculteur livre le blé à la banque, laquelle peut le vendre sur le marché libre
ou à toute tierce partie intéressée à un prix majoré. Le Salam n’est toutefois pas
populaire auprès des banques islamiques. Il est largement utilité au Soudan
mais pas ailleurs.
Chapitre 1 – Principes de base de la banque islamique
9
Istisna
L’Istisna est une extension du concept du Salam. Le Salam porte uniquement
sur des marchandises dont le paiement intégral doit être effectué d’avance. À
l’inverse, l’Istisna est un contrat utilisé pour la construction ou la fabrication de
biens uniques (conformément à un cahier des charges précis). Il se rapproche du
Salam en ce sens qu’il est utilisé pour financer des marchandises qui n’existent
pas encore; mais il n’exige pas le paiement intégral d’avance (les modalités de
paiements sont plus souples).
À titre d’exemple, une PME souhaite se lancer dans le transport maritime
et veut acheter un navire. Elle peut contacter une banque islamique pour lui
demander de financer l’acquisition, en lui demandant de construire le navire.
Dans la pratique, la PME achète le navire à construire à la banque islamique
(contrat d’Istisna).
La PME paye donc le prix d’achat à la banque (coût du navire plus marge
bénéficiaire pratiquée par la banque). Bien entendu, la banque n’est pas en
mesure de construire le navire et en passe donc commande à un chantier
naval. Il s’agit alors d’un nouveau contrat d’Istisna, en vertu duquel la banque
islamique achète le navire au constructeur.
Le deuxième volet de la transaction concerne le prix du navire payé par la
banque au chantier naval. Pour simplifier, au titre de cet Istisna parallèle, la
banque achète le navire en construction auprès d’un constructeur (coût pour
la banque) et le vend à la PME (prix de vente majoré d’un bénéfice). La PME
règle ensuite le montant dû en différé.
Instruments basés sur le crédit-bail/location-vente
Les banques islamiques peuvent aussi utiliser le crédit-bail/location-vente en
remplacement des instruments basés sur la vente. Tant les contrats de vente
que de crédit-bail/location-vente impliquent un échange. Dans le cas d’un
contrat de vente, la propriété est transférée au client, l’argent étant échangé
au moment de la vente. Dans le cas d’un contrat de crédit-bail/location-vente,
la propriété n’est pas transférée au client; l’argent est échangé avec le droit
d’utiliser un actif.
L’Ijara s’entend simplement d’un contrat de crédit-bail/location-vente. Dans
le cadre d’une opération semblable à la Mourabaha, la banque islamique
commence par acheter le bien auprès d’un fournisseur pour ensuite le donner
en location au client. Cependant, contrairement au contrat de Mourabaha, la
banque reste propriétaire du bien. À l’échéance du bail, le client rend le bien
à la banque.
Pour les islamiques, tout bail est un bail d’exploitation. Si le client souhaite
posséder le bien à l’échéance du bail, alors les parties doivent conclure un
contrat supplémentaire. À l’échéance du contrat, il y a généralement vente ou
donation, et donc transfert de propriété. On parle alors d’Ijara Muntahiyah Bi
Tamleek (bail débouchant sur la propriété). Certains marchés parlent d’Ijara
Thumma Bai (bail suivi de vente) ou d’Ijara wa Iqtina (bail et acquisition).
10
Chapitre 1 – Principes de base de la banque islamique
Instruments basés sur le partenariat
Contrairement aux contrats de vente et de bail qui supposent un échange,
la troisième catégorie d’instruments implique la mise en commun d’actifs. Il
s’agit de contrats basés sur le partenariat au titre desquels la banque islamique
investit des capitaux pour devenir partenaire du client. Pour la banque, le
rendement dépend des résultats du client. Il existe essentiellement deux
instruments de ce type.
La Moucharaka
Au titre de ce mode de financement, tant la banque que le client investissent
dans le projet et en partagent les profits et pertes selon une clé de répartition
prédéfinie. Les « capitaux » investis ne s’entendent pas uniquement de liquidités
mais aussi d’apports en nature. Une banque islamique peut donc apporter du
capital en espèces alors que le client peut apporter dans le partenariat ses
actifs corporels. En tant que partenaire, la banque est habilitée à prendre des
décisions stratégiques et à intervenir dans la gestion du projet. La banque peut
aussi décider de n’être qu’un associé passif.
La Moudaraba
Au titre d’un contrat de Moudaraba, seule la banque (Rab al maal ou bailleur de
fonds) apporte des capitaux alors que le client (Moudarib ou entrepreneur) gère
le projet. La banque n’est pas habilitée à intervenir dans la gestion quotidienne
du projet. Les éventuels profits sont partagés, alors que la banque (Rab al maal
unique) assume les pertes (monétaires). Le client ne perçoit pas de salaire, et
s’il ne réalise pas de profit, le temps et les efforts consacrés à l’opération sont
perdus.
Observations finales
Les instruments basés sur un échange (vente et crédit-bail/location-vente)
débouchent sur des rendements prédéterminés pour les banques islamiques,
lesquelles ne sont pas exposées au risque commercial auquel est exposé le
client. En revanche, ces banques sont exposées à ce risque via les instruments
basés sur un partenariat (Moucharaka et Moudaraba). Par conséquent, dans la
pratique, les banques islamiques préfèrent financer leurs clients par le biais des
contrats de vente et de crédit-bail/location-vente. Elles peuvent ainsi limiter les
risques encourus au risque de défaut de paiement du client. Les instruments
basés sur le partenariat sont généralement réservés aux clients qui ont fait leurs
preuves au plan professionnel et dont la capacité de remboursement est avérée.
Le tableau 1 résume les caractéristiques des prêts sans intérêt (gracieux),
contrats d’échange et contrats hybrides utilisés pour financer les clients. Les
prêts sans intérêt ne sont pas utilisés aux fins de financement car il ne s’agit
pas d’un instrument à but lucratif. Les contrats d’échange sont la forme de
financement la plus populaire car ils limitent le risque encouru par la banque
islamique, alors que les contrats hybrides sont accordés de manière sélective
car ils exposent la banque au même risque que le client.
Chapitre 1 – Principes de base de la banque islamique
Tableau 1.
11
Instruments de financement des banques islamiques
Prêt sans intérêt
Contrats d’échange
Contrats hybrides
• Échange d’argent contre
argent
• Garantie du principal
• Aucun frais supplémentaire
autorisé
• Transaction sans but lucratif
(Tabarru)
• Contrats de vente et de
location (Mourabaha, Salam,
Istisna, Ijara)
• Échange d’argent contre bien
• Prix déterminé avant
l’échange
• Une fois le prix déterminé, le
rendement pour la banque
est certain
• Dette découle de la vente et
de la location
• Mise en commun de fonds
(capital) et ratio de partage
du profit déterminé à l’avance
• Contrats de partenariat
(Moucharaka, Moudaraba)
• Capital doit être investi
• Pas de garantie sur le
principal et le rendement
• Bénéfice incertain; dépend
des résultats de l’activité
Chapitre 2
La banque islamique pour les PME
Le monde de la finance islamique offre une large gamme d’instruments
financiers, chacun ayant une fonction bien précise. À l’heure d’envisager de
recourir à la finance islamique, il est important de s’assurer que l’instrument
utilisé est adapté à l’objectif économique visé par l’entreprise.
Il existe principalement deux types de transactions :
J
Les partenariats au titre desquels sont partagés les pertes et les profits,
comparables aux prises de participations; et
J
Les transactions dont la structure du rendement est prévisible ou définie
d’avance.
D’autres instruments financiers tels les opérations sur devises, les lettres de
crédit, les contrats d’agence et les garanties sont aussi disponibles. Dans le
présent chapitre sont abordées quatre catégories d’instruments : les contrats de
partenariat, les structures assorties de rendements prévisibles, d’autres types
de contrats et le Sukuk.
Contrats de partenariat
Il existe deux types de contrats de partenariat : la coentreprise (Moucharaka)
et le partenariat passif (Moudaraba). La principale différence entre les deux
concerne ce que les parties apportent dans le partenariat.
Coentreprise
En arabe « Moucharaka » signifie partage et est employé dans le domaine
de la finance pour définir les coentreprises ou les partenariats. Le nombre
des parties à la transaction peut être supérieur à deux, chacune apportant
généralement un savoir et des compétences ainsi qu’une partie du capital. Le
savoir et les compétences peuvent prendre la forme de services de gestion ou
consultatifs, voire même d’une participation au travail à réaliser à proprement
parler. Un des partenaires peut apporter uniquement du capital, auquel cas il
devient associé passif. La répartition des bénéfices est préalablement convenue
dans le contrat et est fonction de la somme de capital apportée, des efforts
déployés, du savoir et des compétences apportés par les partenaires. Les
pertes sont supportées par les partenaires en proportion du capital apporté.
Techniquement, la responsabilité des partenaires est illimitée.
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
Figure 1.
13
Une transaction de type Moucharaka simple
Partenaire 1
2. Profits
et pertes
Partenaire 2
1. Liquidités
et compétences
1. Liquidités
et compétences
2. Profits
et pertes
Projet
Une fois le contrat convenu entre les partenaires, la transaction se divise en
deux volets principaux :
J
Liquidités et compétences
Tous les partenaires apportent au projet ou à l’entreprise capital et
compétences. Ils ne sont pas tenus d’apporter la même somme en capital
ou la même somme de compétences.
J
Profits et pertes
Tout profit dégagé par la coentreprise est partagé entre les partenaires
selon la clé de répartition convenue dans le contrat initial. Les éventuelles
pertes sont supportées par les partenaires uniquement en proportion de
la somme de capital apportée. Un partenaire seul ne peut encaisser un
profit forfaitaire.
Moucharaka décroissante
La Moucharaka décroissante est une variante du partenariat en vertu de
laquelle les deux parties conviennent d’emblée qu’après une période donnée,
un des partenaires rachètera la part des autres à un prix unitaire préalablement
convenu. Au début de l’opération, le projet est divisé en plusieurs parts égales
achetées par l’un des partenaires pendant la durée de la transaction. Dans
le cas d’une Moucharaka décroissante, l’accord de rachat est inscrit dans le
contrat.
L’acquéreur acquiert peu à peu une part plus importante de la coentreprise et,
par voie de conséquence, sa part du capital augmente proportionnellement.
Avec cette augmentation du capital, l’acquéreur supporte, le cas échéant, une
part plus importante des pertes. La clé de répartition des bénéfices est révisée
à chaque rachat ou sur une base périodique convenue entre les parties.
14
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
Partenariat passif
La Moudaraba est un partenariat dans le cadre duquel un seul partenaire
apporte du capital (l’investisseur bailleur de fonds ou Rab al maal), l’autre
(gérant commandité ou Moudarib) apportant savoir et compétences.
L’investisseur n’a aucun droit de s’immiscer dans les opérations courantes
de l’entreprise, bien que les partenaires puissent convenir dans le contrat de
dispositions que le gérant sera tenu de respecter. La relation entre les partenaires
est fondée sur la confiance, l’investisseur étant tenu de s’en remettre en grande
partie au gérant, à ses capacités de gestion de l’entreprise et à son honnêteté
s’agissant du versement de la part des profits due.
Le partenariat passif peut être utilisé pour les prises de participations, mais
il est également souvent utilisé lorsque les clients déposent de l’argent auprès
d’une banque. Lorsqu’il est utilisé pour des dépôts, la banque apporte son savoir
et ses compétences pour recenser les possibilités d’investissement appropriées.
Figure 2.
Moudaraba simple
Investisseur
Rab al Maal
3. Profits
et pertes
Gérant
Moudarib
2. Savoir et
compétences
1. Liquidités
3. Profits
et pertes
Projet
Une fois le contrat convenu entre les deux parties, la transaction se présente
comme suit :
J
Injection de capital
L’investisseur apporte des fonds au projet ou à l’entreprise. En règle
générale, l’investisseur n’accepte de verser des fonds que si un plan
d’activité clair est établi. Dans le cadre de cette structure, l’investisseur
verse 100% du capital.
J
Savoir et compétences
Le gérant apporte au partenariat son savoir et ses compétences dans son
domaine d’activité.
J
Profits et pertes
Comme dans le cas d’une coentreprise, les profits sont répartis selon une
clé de répartition précédemment établie; les pertes sont distribuées en
proportion du capital apporté. Étant donné que seule une partie apporte
l’ensemble du capital, c’est cette partie qui supporte l’intégralité des
pertes.
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
15
En cas de perte, le gérant ne perçoit aucun dédommagement pour les efforts
déployés. Par ailleurs, s’il s’avère que le manager s’est rendu coupable de
négligence, il est tenu de supporter l’intégralité des pertes subies.
L’investisseur n’est responsable qu’à concurrence du capital apporté, ce qui
signifie que le Moudarib ne peut engager l’entreprise au-delà de la somme
investie.
Instruments au rendement prévisible
Ces transactions ont la faveur des banques et de leurs autorités de réglementation
car elles évitent le calcul de profits pour une tierce partie. Cette catégorie
compte quatre grands instruments : la Mourabaha, l’Ijara, l’Istisna et le Salam.
Vente avec règlement différé
Les ventes avec règlement différé ou à tempérament sont connues sous le nom
de Mourabaha. Elles sont principalement utilisées pour l’achat de biens avec
livraison immédiate dont le paiement intervient à une date ultérieure. Sous sa
forme la plus simple, cette transaction fait intervenir un vendeur et l’acheteur
du bien de la manière suivante :
Figure 3.
Mourabaha simple
1. Vente du bien
Vendeur
aujourd’hui
Acheteur
2. Paiement du bien
à une date ultérieure
Le prix du bien, la majoration de prix, la date de livraison et la date du paiement
sont convenus entre l’acheteur et le vendeur dans le contrat conclu entre eux.
Le vendeur prend immédiatement possession du bien, moyennant un paiement
ultérieur. L’acheteur connaît le prix et la qualité du bien acheté. Il connaît par
ailleurs aussi la majoration pratiquée pour pouvoir payer à tempérament. En
cas de négoce, l’avantage de cette transaction tient au fait que l’acheteur peut
utiliser le bien acheté pour dégager un profit qu’il utilisera ensuite pour régler
le vendeur.
Exemple de vente à tempérament
Asian Exlm importe en gros du linge de maison d’Italie et le vend à des boutiques locales de la région. Un de ses
client, la société Beds Inc. nouvellement créée, a acheté 500 jeux de linge de lit au prix unitaire de $E.-U. 25.
Beds Inc., qui existe depuis peu, doit dégager un profit de la vente du linge à ses clients et a demandé à régler Asian
Exlm dans trois mois. Asian Exlm accepte et majore le prix facturé à Beds Inc. de $E.-U. 160.
Asian Exlm livre le linge aujourd’hui et perçoit trois mois plus tard $E.-U. 12 500 pour le linge de lit fourni,
plus une majoration de $E.-U. 160. Beds Inc. Verse au total $E.-U. 12 660.
L’actif sous-jacent peut varier, il peut s’agir de matières premières ou de
marchandises destinées à la revente.
16
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
En finance islamique, la Mourabaha peut, par exemple, être utilisée pour
financer des opérations commerciales ou pour obtenir des fonds de roulement.
Crédit-bail/location-vente
L’Ijara est une transaction au titre de laquelle une partie (le bailleur) autorise
une autre partie (le preneur) à utiliser un bien moyennant paiement d’une
redevance locative. Comme dans le cadre d’une transaction traditionnelle, il
existe deux types de crédits-bails : le crédit-bail de financement et le crédit-bail
d’exploitation.
Dans le cas d’un crédit-bail de financement (Ijara wa Iqtina ou Ijara Muntahiya
bi Tamleek), le preneur prend un engagement d’achat au début de la transaction,
déclarant qu’il achètera l’actif à l’échéance du bail.
Dans le cas d’un crédit-bail d’exploitation, aucun engagement d’achat n’est pris
et le bail ne peut être subordonné à un engagement d’achat.
Tous les actifs ne peuvent pas se prêter à un crédit-bail. Il doit s’agir d’actifs
corporels, non-périssables, de valeur, identifiables et quantifiables.
S’agissant du crédit-bail (figure 4 ci-dessous), le bailleur loue l’actif au preneur
pour une durée prédéterminée, et le preneur acquitte périodiquement un
loyer prédéterminé. Le loyer ou la redevance locative peut être fixé pour
toute la durée du contrat ou être flottant et donner lieu à des réajustements
périodiques. Dans ce dernier cas de figure, il est généralement indexé sur un
indice classique tel le LIBOR (Taux interbancaire offert à Londres) qui reflète
le coût du capital.
Figure 4.
Crédit-bail opérationnel
1. Location d’actif
Bailleur
Preneur
2. Loyers périodiques
Au terme du bail, le preneur peut soit demander sa prorogation, soit remettre
l’actif au bailleur. Le bailleur établit la valeur résiduelle de l’actif au terme du
bail et assume le risque lié à la propriété. Lorsque l’actif est restitué au bailleur
au terme du bail, ce dernier peut le louer à une autre partie ou le vendre sur
le marché libre. En cas de vente, le bailleur peut proposer l’actif au preneur.
Comme le montre la figure 5, le crédit-bail de financement implique une
opération supplémentaire, à savoir la vente de l’actif au preneur au terme du
bail.
Figure 5.
Crédit-bail de financement
1. Location de l’actif
Bailleur
Preneur
2. Loyers périodiques
3. Vente de l’actif
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
17
Comme dans le cas d’un crédit-bail d’exploitation, les loyers sont déterminés
pour toute la durée du bail ou flottants et basés sur un étalon de référence. Au
titre du contrat de crédit-bail, le preneur s’engage unilatéralement vis-à-vis du
bailleur à acheter le bien à l’échéance du contrat à un prix prédéterminé.
Trois options sont possibles :
J
La remise à titre gracieux. Dans ce cas là, le bailleur a régulièrement
remboursé le bien pendant la location grâce à la redevance locative. Une
fois tous les loyers versés, le preneur peut obtenir le bien sans devoir
pour cela verser davantage d’argent.
J
L’achat à prix fixe. Au terme du bail, le preneur devient propriétaire du
bien moyennant paiement d’un prix d’achat convenu dans le contrat.
J
L’achat à la valeur du marché. Au terme du bail, le preneur devient
propriétaire du bien une fois acquittée la valeur du marché au bailleur.
Dans la pratique, les options 1 et 2 sont les plus courantes.
Dans les deux cas, le bailleur est propriétaire du bien et supporte tous les
risques associés à la qualité de propriétaire. Il doit en assurer la maintenance
et l’assurer.
Parce que le preneur utilise le bien au quotidien, il est souvent mieux placé pour
évaluer les besoins en termes de maintenance, et c’est lui qui est généralement
nommé agent de maintenance par le bailleur. Qui plus est, dans certains cas,
le bailleur délègue aussi l’assurance du bien au preneur.
En cas de perte totale du bien, le preneur n’est plus tenu d’en acquitter les
loyers. Le bailleur peut néanmoins faire jouer son assurance.
Exemple de location
Early Bird Transport cherche à élargir son réseau de distribution et souhaite investir dans de nouveaux camions de
livraison. Au lieu d’engager une somme significative dans l’achat de nouveaux camions, l’entreprise décide plutôt
de les louer auprès de Lease-A-Truck au titre d’un crédit-bail d’exploitation.
Lease-A-Truck fournit deux camions à Early Bird moyennant un loyer locatif mensuel couvrant les frais de
maintenance, l’amortissement et l’assurance. Lease-A-Truck reste propriétaire des camions tout au long de la
transaction, et indique à Early Bird le garage auquel confier la maintenance et les réparations des camions. LeaseA-Truck règle les factures directement au garage.
Au terme de la location, trois possibilités s’offrent à Early Bird :
J Proroger le contrat de location;
J Acheter les camions à Lease-A-Truck à la valeur du marché; ou
J Restituer les camions à Lease-A-Truck.
Crédit à la production à court terme
La production, la construction et la récolte de produits agricoles à court terme
peuvent être financés par le biais d’un contrat de type Salam.
Dans le cadre de ce type de contrats, l’institution financière verse d’avance les
montants correspondant à la livraison future d’un bien. Le financement ayant
pour but de construire ou de produire le bien en question puisque celui-ci
18
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
n’existe pas encore, et il n’est pas nécessaire que le vendeur en soit propriétaire.
Dans sa forme la plus simple, le Salam consiste en un contrat entre un acheteur
et un vendeur qui se présente comme suit :
Figure 6.
Salam simple
1. Paiement du prix
convenu aujourd’hui
Acheteur
Vendeur
2. Livraison ultérieure
du bien visé
Le contrat est généralement un contrat à court terme (de un à trois mois), mais
peut porter sur une période plus longue. Le type, la qualité et la quantité de
marchandise doivent être clairement précisés dans le contrat. Si le bien ne
peut être défini de la sorte, comme dans le cas de pierres précieuses, il ne peut
donner lieu à une transaction avec Salam.
Le vendeur a l’obligation contractuelle de livrer la quantité et la qualité à la
date de livraison convenue. Si le vendeur n’est pas en mesure de livrer à partir
de sa propre production, il est tenu d’acheter la quantité manquante pour
s’acquitter de son obligation contractuelle. Le contrat doit obligatoirement
porter sur des matières premières librement disponibles.
Le vendeur perçoit les fonds nécessaires à la production de l’actif sous-jacent,
alors que le l’acheteur obtient l’actif à une date ultérieure en escomptant que
le prix à terme sera supérieur au prix initialement payé.
Étant donné que l’acheteur assume un risque commercial, la transaction
n’est visée par aucune des interdictions qui s’appliquent généralement en cas
d’incertitude et de spéculation dans les transactions.
Exemple de financement de production à court terme
Le fermier Malik a constaté une augmentation significative de la demande de graines de courge et souhaite pénétrer
ce marché. Pour pouvoir récolter ses courges au mois de novembre de l’année suivante, en extraire les graines et les
conditionner, il a besoin d’une mise de fonds initiale de $E.-U. 2 500.
Malik conclut un accord avec les Supermarchés Tip-Top qui souhaitent acheter 100 kg de graines de courge de
qualité A, conditionnées en sachets de 100 g, au prix de $E.-U. 2 500, livraison en novembre. Malik perçoit les
$E.-U. 2 500 et se lance dans la préparation des sols pour y planter ses graines.
Arrive novembre, Malik récolte ses courges, en extrait 150 kg de graines, conditionne 100 kg de graines de qualité
A qu’il livre à Tip-Top. Les graines sont vendues au prix de $E.-U. 3 le sachet, dégageant ainsi un revenu de
$E.-U. 500 ($E.-U. 3 000 – $E.-U. 2 500) pour Tip-Top.
Les 50 kg restant vont de graines de qualité A à C, lesquelles sont vendues par Malik pour un montant total de
$E.-U. 1 000.
Financement de la production à long terme
À l’instar du contrat de Salam, l’Istisna est un contrat d’achat impliquant la
livraison d’un bien à une date ultérieure. Il échappe également aux conditions
qui s’appliquent à l’actif en matière de propriété et d’existence du bien.
Le contrat porte généralement sur une période plus longue, et le paiement du
bien au producteur ou à l’entrepreneur n’est pas obligatoirement versé dans son
intégralité à l’avance. Il s’effectue souvent en plusieurs versements à mesure
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
19
que la production avance, et se prête donc parfaitement au financement de
projets et de constructions.
Le bien doit généralement être fabriqué, construit ou transformé, être de taille
significative et impliquer des dépenses en capital de taille.
Dans le cadre de cette structure simple présentée en figure 7, on part du
principe que l’acheteur aura l’argent pour régler le bien pendant sa fabrication.
Ce n’est toutefois pas systématiquement le cas et un financier peut intervenir
pour financer la construction et ensuite vendre ou louer le bien à l’acheteur
pour une durée préalablement déterminée.
Figure 7.
Istisna simple
1. Paiement comme convenu au fur
et à mesure de la production
Acheteur
Vendeur
2. Livraison ultérieure
des marchandises visées
Comme dans le cas d’une transaction de type Salam, l’acheteur assume un
risque. La transaction n’est par conséquent pas visée par les interdictions liées
à l’incertitude et aux jeux de hasard dans la transaction.
Exemple de financement de la production à long terme
Build A Doll est une entreprise en pleine expansion qui a besoin d’une nouvelle usine de fabrication dont le coût
total atteint $E.-U. 500 000 et qui doit être construite par Considerate Builders Inc. Build A Doll négocie
l’échéancier des paiements suivant et rémunère Considerate Builders à l’achèvement de chaque phase :
$E.-U.
10% de la somme totale à titre de versement initial pour préparer le site .
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50 000,00
10% une fois les fondations bâties
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50 000,00
25% une fois les murs montés
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125 000,00
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100 000,00
15% une fois la plomberie et l’électricité installées .
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75 000,00
15% une fois la décoration intérieure achevée
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75 000,00
5% une fois tous les derniers détails réglés .
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25 000,00
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20% une fois le toit achevé et les fenêtres posées
Total versé au terme de la construction
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500 000,00
Autres instruments
Outre les instruments permettant de partager les profits et les pertes et les
options de financement offrant un rendement prévisible présentés plus haut,
il existe d’autres structures financières qui n’entrent pas nécessairement dans
l’une ou l’autre de ces catégories.
Opération de change
L’opération de change, ou Sarf, est une transaction dans le cadre de laquelle
une personne achète un montant d’une devise donnée contre son équivalent
20
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
dans une autre devise. Elle s’apparente aux contrats sur devises offerts par les
banques conventionnelles et les cambistes. En finance islamique, seules les
transactions au comptant sont autorisées, les opérations à terme et les options
étant assimilées à de la spéculation.
Lettre de crédit
La lettre de crédit islamique ressemble à la lettre de crédit conventionnelle et
s’entend d’un engagement pris par une banque d’effectuer un paiement au nom
d’une partie donnée contre présentation des documents exigés.
La lettre de crédit est souvent utilisée en combinaison avec les transactions
de type commercial telles la Mourabaha et le Salam. Selon la partie qui la
demande, la lettre de crédit donne la certitude que la marchandise sera livrée
avant versement du paiement, ou transfère le risque de défaut de paiement à
l’institution financière qui émet ou confirme la lettre.
Les lettres de crédit sont des instruments très normalisés et habituellement
soumis à une réglementation internationale. Cette réglementation est décrite
dans le détail dans les Règles et usances uniformes de l’ICC (Chambre de
commerce internationale) relatives aux crédits documentaires.
Il existe différents types de lettres de crédit telles les lettres irrévocables,
confirmées et stand-by.
Garantie
Une garantie financière est une garantie donnée par une partie (le garant) de
couvrir tout éventuel défaut de paiement d’une autre partie. À titre d’exemple
de garantie peut être cité le cas de parents qui se portent garants auprès de
la banque de leur enfant qui achète une maison. Si l’enfant n’effectue pas un
paiement, la banque se tourne automatiquement vers les parents pour obtenir
le paiement.
En finance islamique, contrairement à la finance conventionnelle, il n’est
pas possible d’utiliser des garanties pour s’assurer un profit ou garantir des
résultats commerciaux. Elles peuvent être utilisées uniquement en cas de
défaut de paiement ou de défaillance d’une contrepartie désignée.
En finance islamique, le garant ne peut facturer la fourniture d’une garantie.
Promesse unilatérale
Le Wa’d est une promesse unilatérale faite par une partie à une autre. Elle
peut, par exemple, se présenter comme suit : « Je promets de vous payer £15
la semaine prochaine si vous m’aidez à organiser la fête d’anniversaire de mon
frère. »
L’acceptation par l’autre partie n’est pas nécessaire étant donné qu’il ne s’agit
pas d’un contrat bilatéral. Pour la même raison, le caractère conditionnel
implicite de l’opération est également acceptable. Toutefois, pour que cette
promesse se transforme en contrat, l’autre partie doit donner son accord.
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
21
Dépôt de garantie
Le Bai al Arboon est un dépôt de garantie non remboursable versé par un
acheteur en règlement partiel d’un bien qu’il a l’intention d’acheter et qui porte
généralement sur des marchandises qui seront livrées à une date ultérieure. Sa
forme la plus simple est présentée en figure 8 ci-dessous.
Figure 8.
Bai al Arboon simple
Acheteur
1. Dépôt de garantie versé
2. Livraison
du bien
3. Règlement du reste du prix
d’achat dû
Vendeur
Le dépôt de garantie représente une partie du prix global convenu entre
l’acheteur et le vendeur mais il n’est pas remboursable si, par la suite, l’acheteur
ne prend pas livraison de la marchandise.
Pour simplifier, elle se présente comme suit :
J
Acheteur et vendeur se mettent d’accord sur un prix et l’acheteur verse
le dépôt de garantie (20% du prix d’achat, par exemple). Le bien visé est
défini et la date de livraison fixée;
J
Le jour de la livraison, le vendeur livre le bien à l’acheteur, ou l’acheteur
en prend possession auprès du vendeur;
J
Le jour de la livraison, une fois le bien contrôlé, l’acheteur verse le solde
du prix d’achat (80% du prix d’achat initial, par exemple).
Exemple de Bai al Arboon
Mon frère accepte d’acheter une moto à Biker’s Best, un spécialiste des motos, au prix de €4 995. La moto
n’est pas neuve et est en exposition au garage depuis plusieurs semaines. Le vendeur doit la contrôler avant que
l’acheteur en prenne possession, et s’assurer qu’elle est techniquement apte à prendre la route.
Bien que la transaction soit conclue, le vendeur veut une garantie, et ne souhaite pas, une fois sa part du contrat
remplie, se retrouver face à un acheteur qui a changé d’avis. Le vendeur demande donc un dépôt de garantie fixé,
d’un commun accord, à €995. Lorsque mon frère va récupérer la moto, il acquitte les €4 000 restant.
S’il avait renoncé à l’achat, le vendeur aurait conservé les €995 déposés par l’acheteur pour couvrir le coût du
travail lié à la préparation de la moto en vue de sa vente.
Contrat d’agence
Le Wakala désigne un contrat d’agence et de mandat entre deux parties aux
termes duquel une partie demande à une autre d’agir en son nom. La Wakala
peut prendre plusieurs formes qui vont de la désignation d’un agent (wakil)
chargé d’acheter ou de vendre un bien, à l’investissement fonds. L’agent perçoit
une rémunération en contrepartie des services rendus.
Il est, par ailleurs, habilité à conserver les éventuels profits dégagés au-delà
d’un niveau donné préalablement convenu. En finance islamique, le contrat
d’agence est souvent utilisé pour gérer les comptes de placement avec ou sans
restriction.
22
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
Certificat d’investissement
Le Sukuk est probablement l’instrument de finance islamique le plus connu qui
correspond très justement à un certificat d’investissement. Parce qu’il présente
des caractéristiques semblables à celles des obligations, il est souvent assimilé
à celles-ci.
Contrairement à l’obligation conventionnelle, le Sukuk confère à son détenteur
une part de propriété de l’actif sous-jacent au prorata de son investissement. Le
Sukuk n’est pas tant, en soi, un instrument à part mais plutôt une structure
facilitant le financement de projets d’envergure dont le financement ne serait
pas possible pour une personne seule ou un petit groupe d’investisseurs. Le
Sukuk peut être coté en bourse et est généralement, à quelques exceptions
près, négociable. Sous sa forme la plus simple, le Sukuk se présente comme
suit :
Figure 9.
Sukuk simple
3. Investissement
Investissement
compatible
avec la charia
Société
4. Revenu
1. Vente
de l’actif
2. Transfert
des fonds
6. Vente
de l’actif
7. Paiement
Détenteurs/investisseurs
Sukuk
1. Vente certificats de Sukuk
2. Paiement
5. Paiement du coupon
6. Vente de l’actif
7. Paiement
SAH
4. Revenu
La structure ad-hoc (SAH) achète l’actif à son propriétaire initial pour le
compte des détenteurs de Sukuk. La SAH fait souvent partie intégrante du
groupe d’entreprises qui vend le bien et collecte les fonds.
Dans l’intérêt du détenteur de Sukuk, il convient de s’assurer que la SAH est
hors d’atteinte du liquidateur en cas de faillite, et donc que l’insolvabilité du
vendeur du bien n’aura aucune incidence sur la SAH. Par ailleurs, la SAH ne
doit pas avoir d’incidence fiscale négative et devra être établie dans un pays à
la fiscalité attrayante.
Tout comme les obligations conventionnelles, les Sukuk peuvent être
achetés auprès de l’entité émettrice ou sur le marché secondaire. Cependant,
contrairement aux obligations conventionnelles, les Sukuk sont généralement
conservés jusqu’à échéance et le marché secondaire n’est pas très actif. Bien
que certains teneurs de marché les cotent, l’écart entre le cours acheteur et le
cours vendeur est très important et les émissions encore minimes.
Le détenteur du Sukuk possède une part de l’actif sous-jacent au prorata de
l’investissement consenti, et perçoit à ce titre un revenu.
Cependant, tel qu’indiqué plus haut, il supporte aussi à ce titre les éventuels
risques associés à l’actif sous-jacent. À l’inverse, dans le cas d’obligations
conventionnelles, c’est la responsabilité financière de l’émetteur qui est
engagée.
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
23
Le Sukuk repose toujours sur l’une ou l’autre des transactions suivantes :
J
Moudaraba
J
Moucharaka
J
Ijara
J
Salam
J
Istisna
La Moudaraba n’est généralement pas envisageable aux fins de titrisation car
elle équivaudrait alors à une opération sur dette.
On peut soutenir que l’instrument d’investissement islamique le plus connu,
à savoir le Sukuk, n’est peut-être pas adapté aux petites entreprises. Le coût
de création et de gestion de la SAH, les documents juridiques demandés et le
processus d’émission à suivre peuvent être prohibitifs dans le cas d’opérations
portant sur des sommes d’argent relativement modestes.
Pour quel type de transaction opter?
À l’exception du Sukuk, les exemples donnés dans la section précédente
présupposent l’intervention de deux personnes morales ou physiques. À
mesure que les entreprises se développent, leurs besoins financiers dépassent
les capacités des parties, et les institutions financières interviennent alors pour
fournir les fonds.
Pour chacune des transactions mentionnées, une banque ou une institution
financière peut intervenir, laquelle fait alors office d’intermédiaire pour
mobiliser les fonds et les investir dans des entreprises.
Les entreprises qui envisagent de se tourner vers la finance islamique pour
y chercher une source de financement alternatif doivent tenir compte des
exigences du marché. Quelques exemples de la manière dont les structures de
finance islamique peuvent être appliquées aux PME sont donnés ci-après :
J
Contrats de partenariat. Les coentreprises ou les partenariats passifs
peuvent être utilisés pour les prises de participation. La banque devient
propriétaire d’une partie de l’organisme et en partage les profits et les
pertes. Les transactions basées sur un partenariat ont la préférence des
jurisconsultes car elles sont conçues de manière à partager les risques et
les bénéfices, une pratique conforme à la pensée économique islamique.
Pour la banque, les inconvénients de ces transactions tiennent aux
efforts exigés pour s’assurer que la gestion du projet ou de l’entreprise et
sa rentabilité conviennent à tous les partenaires. Dans certains pays les
organismes de réglementation préfèrent que les banques ne prennent pas
de participations dans des entreprises du fait du risque supplémentaire
potentiel associé aux échanges commerciaux en condition de pleine
concurrence.
J
Transactions avec paiement différé. Lorsqu’une institution financière
est associée à une transaction avec paiement différé, la banque achète
l’actif sous-jacent au vendeur contre paiement comptant puis le revend
à l’acheteur moyennant un paiement différé du principal, majoré d’une
somme convenue au préalable, à verser à une date convenue au préalable.
24
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
La banque demande au vendeur de livrer l’actif directement à l’acheteur
bien que la propriété soit transférée à la banque avant que l’actif ne passe
à l’acheteur. Le financement des fonds de roulement et des exportations
se prêtent très bien à ce type de transaction.
J
Crédit-bail/location-vente. Les transactions de crédit-bail/locationvente sont indiquées lorsqu’il s’agit d’obtenir des véhicules ou des
équipements, mais que l’entreprise préfère louer l’équipement plutôt que
de l’acheter d’emblée, avec tous les risques connexes liés à la propriété
du bien. La banque achète le bien et fait office de bailleur. Le client est
preneur et paye pour pouvoir utiliser le bien.
J
Financement de la production. Les transactions de financement de
la production se prêtent au financement des actifs qui doivent être
fabriqués ou construits. La banque fait alors office d’intermédiaire entre
l’entrepreneur et l’acheteur et il facilite le paiement. Les transactions de
financement de la production à long terme sont généralement utilisées
pour les opérations de construction et le financement de projets de
grande envergure et sont généralement combinées à un crédit-bail.
Les trois derniers types de transactions susmentionnés peuvent aussi être
considérés comme des structures à rendement prévisible et sont préférés par
les banques et les organismes de réglementation car ils n’exigent pas un suivi
particulier pour s’assurer qu’ils perçoivent la part de profit due.
Le choix du mode de financement est, par ailleurs, régis par la fiscalité et la
réglementation légale en vigueur dans le pays dans lequel l’entreprise opère.
Dans quel cas la finance islamique est-elle ou n’est-elle pas la meilleure
solution possible?
Nombreux sont ceux qui établissent un parallèle entre la finance islamique et
l’investissement socialement responsable, aussi appelé investissement durable
ou éthique. L’investissement socialement responsable implique une stratégie
d’investissement visant à maximiser tant les rendements financiers que les
comportements socialement responsables ou éthiques. En règle générale, les
personnes qui prennent ce type de décisions d’investissement éthique le font
en leur âme et conscience.
Les investisseurs socialement responsables encouragent aussi les investissements
qui favorisent la bonne gestion environnementale, la protection des
consommateurs, les droits de l’homme et la diversité.
Par ailleurs, certains investisseurs évitent à tout prix d’investir dans des
entreprises dont l’activité est en rapport avec l’alcool, le tabac, les jeux de
hasard, les armes et la défense. La charia reconnaît le droit d’un individu
de créer de la richesse, mais elle décourage la thésaurisation, les activités
monopolistiques et le matérialisme excessif. D’une manière générale, la charia
encourage la justice sociale sans entraver l’entreprenariat.
Les investisseurs ne sont pas systématiquement musulmans. Les principes de la
charia conviennent généralement très bien aux investisseurs non-musulmans à
la recherche de possibilités d’investissement socialement responsable et offrent
une alternative viable aux autres instruments disponibles sur le marché. Il en
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
25
va de même des PME à la recherche de financements et qui n’appartiennent
pas obligatoirement à des musulmans. Il n’en demeure pas moins que les
principes relatifs à la solidité du plan d’activité et à la valeur des actifs sousjacents s’appliquent.
La présente section porte sur les considérations devant être prises en compte
par les PME qui envisagent de recourir à des services de finance islamique.
Secteurs d’activité interdits
La charia interdit un certain nombre de secteurs d’activité, et toute PME
associée à l’un ou l’autre de ces secteurs ne pourra pas prétendre bénéficier de
la finance islamique. Celle-ci n’est pas disponible dans les secteurs d’activité
suivants :
J
La banque et l’assurance conventionnelles. La banque et l’assurance
conventionnelles sont associées à l’intérêt et ne sont donc pas autorisées.
J
L’alcool et la production d’alcool. Sont englobées la distillation, la
commercialisation et la vente.
J
Les produits liés au porc et la production de denrées alimentaires
non conformes à la charia. La production de denrées alimentaires non
conformes à la charia renvoie à tout ce qui n’est pas préparé selon les
méthodes halal et inclut de la viande qui n’est pas abattue conformément
aux méthodes halal.
J
Les jeux de hasard. Sont inclus les casinos et les bureaux de paris, mais
aussi les salles de bingo et les jeux en ligne.
J
Le tabac. Comme pour l’alcool, sont englobés la production, la
commercialisation et la vente de tabac et des produits qui y sont associés.
J
Les loisirs pour adultes. Toute activité associée aux loisirs pour adultes,
y compris les services d’escort, les maisons closes et les films au contenu
explicitement sexuel, est interdite.
J
La production ou la vente d’armes.
Par ailleurs, les établissements de finance islamique n’investissent habituellement
pas dans le capital des entreprises très endettées sur la base d’instruments de
finance conventionnelle du fait de l’intérêt associé à l’endettement.
Considérations liées au type de transaction
De par leur taille, les PME n’ont généralement pas de très gros besoins de
financement, et l’émission d’obligations de sociétés, ou de leur équivalent
islamique le Sukuk, n’est généralement pas recommandée.
Les types de transactions de finance islamique les plus adaptés aux PME sont
expliquées plus haut dans le détail dans la section « Quel type de transaction? ».
L’idéal pour la PME serait une solution financière standard, occasionnellement
légèrement adaptée pour répondre aux besoins particuliers de l’entreprise.
Bien qu’il incombe à la banque de veiller à ce que le client dispose de toutes
les informations nécessaires pour pouvoir se prononcer en connaissance de
26
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
cause sur le type de transaction, le niveau de financement, le coût et autres
éléments, la PME doit aussi prendre ses responsabilités et s’assurer que la
solution financière recommandée est la bonne.
Tant que l’entreprise n’est pas satisfaite de la solution proposée, les informations
fournies ou l’un quelconque des éléments de la transaction ou de la relation,
elle doit s’efforcer de régler le problème avant de contracter un engagement.
Autres considérations d’ordre général
Lorsque la finance islamique s’avère ne pas être la solution idoine pour une
PME, ou toute autre entreprise, c’est bien souvent pour les mêmes raisons
qu’elle aura rejeté des produits conventionnels.
Coût
Le dispositif financier proposé par l’établissement financier, quel qu’il soit,
ne doit pas être prohibitif en termes de coût. Qu’il s’agisse d’un produit
islamique ou conventionnel, son coût doit être concurrentiel et fonction de
l’investissement, de l’ampleur de la transaction, du coût du financement de la
banque et du niveau de risque perçu. Les PME ayant généralement besoin de
solutions financières de plus petite envergure, généralement plus coûteuses que
les transactions de plus grande envergure, les frais bancaires pratiqués doivent
être compétitifs.
But
L’établissement financier a le devoir de s’assurer que l’instrument proposé
correspond au but et répond aux besoins de la PME.
Toutefois, si la PME estime que le produit proposé ne correspond pas à ce
qu’elle recherche, elle doit interroger l’établissement financier et s’assurer que
son objectif sera atteint.
À titre d’exemple, une banque qui proposerait à une PME d’émettre un
Sukuk pour lever $E.-U. 500 000 serait dans l’erreur. Le Sukuk se prête à des
transactions plus importantes de $E.-U 10 millions et plus. Non seulement
ce type de transaction ne correspond pas à l’objectif visé, mais il entraînerait
aussi une augmentation inacceptable du coût.
Informations
La relation entre la banque et le client est une relation à deux sens. Tout
comme la banque a besoin du client qu’il lui fournisse des informations sur
son entreprise, la banque doit elle aussi fournir des informations claires et
suffisantes sur les frais pratiqués, les structures et le type de transaction le
plus approprié. Si la banque refuse de fournir ces informations, le client doit
envisager de changer d’établissement financier pour en trouver un qui lui
conviendra davantage. Le fait qu’une PME soit de petite taille ne justifie pas
que la banque refuse de divulguer des informations.
Chapitre 2 – La banque islamique pour les PME
27
Prescriptions fiscales et juridiques
Les prescriptions fiscales et juridiques qui entraînent une augmentation inutile
du coût du financement sont à éviter à tout prix. La finance islamique étant
encore un secteur d’activité relativement nouveau, les cadres juridiques et
fiscaux ne répondent pas toujours à ses besoins. Si les cadres juridiques et
fiscaux ne facilitent pas ces transactions, la PME a tout intérêt à se tourner
vers les instruments financiers conventionnels.
Chapitre 3
La microfinance islamique : un marché de niche émergent1
On estime que 72% des personnes qui vivent dans des pays à majorité
musulmane ne recourent pas aux services financiers formels. Même lorsque
des services financiers sont disponibles, d’aucuns considèrent que les produits
conventionnels sont incompatibles avec les principes financiers de la loi
islamique. Ces dernières années, certaines institutions de microfinance (IMF)
ont commencé à offrir leurs services aux musulmans à faible revenu qui exigent
des produits compatibles avec les principes de la finance islamique – créant
ainsi un nouveau marché de niche pour la microfinance islamique.
La microfinance islamique est le fruit de la rencontre de deux secteurs d’activité
à la croissance rapide : la microfinance et la finance islamique. Elle peut
potentiellement non seulement satisfaire une demande jusqu’ici insatisfaite,
mais aussi conjuguer le principe qui veut que l’islam se préoccupe des moins
fortunés et le pouvoir de la microfinance pour permettre aux pauvres d’obtenir
des fonds. La microfinance islamique n’en est encore qu’à ses balbutiements et
ses modèles économiques sont tout juste en train de voir le jour.
L’offre de microfinance islamique se concentre dans quelques pays, les trois
premiers de la liste – Indonésie, Bangladesh et Afghanistan – représentant
80% de l’activité mondiale. Il n’en demeure pas moins que la demande de
ces produits de microfinance est vigoureuse. Des études menées en Jordanie,
en Algérie et en République arabe syrienne, par exemple, ont révélé que de
20% à 40% des personnes interrogées ne se tournaient pas vers la finance
conventionnelle pour des raisons religieuses.
Le présent chapitre propose un tour d’horizon de la microfinance islamique et
recense les possibles obstacles à sa croissance.
Encadré 1.
Contrats de microfinance islamique de base
La charia n’autorise qu’un type de « prêt »: le Qard-Hassan (prêt gracieux), prêt
sans intérêt souvent considéré comme un acte de charité car le prêteur renonce
généralement à obtenir son remboursement en cas de défaut de paiement. Tous les
autres mécanismes constituent des accords financiers, ou des contrats. Toutefois,
aux fins du présent chapitre, c’est le terme de « prêt » qui sera employé pour
évoquer les arrangements financiers conformes à la charia.
Les contrats de microfinance islamique les plus largement disponibles sont décrits
ci-après. Chacun peut être conclu seul ou en combinaison avec d’autres contrats
pour créer des instruments hybrides.
¯
1
Extrait de « Islamic Microfinance: An Emerging Market Niche », par Nimrah Karim, Michael
Tarazi et Xavier Reille. Chapitre 49. Washington, D.C. : CGAP, août 2008. Imprimé avec
l’autorisation de l’éditeur.
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
29
°
J Vente de type Mourabaha (coût plus marge bénéficiaire). La Mourabaha est le
contrat conforme à la charia le plus répandu, lequel implique la vente d’un actif
utilisée pour financer le capital d’exploitation. En règle générale, le client demande
l’achat d’un bien donné, que le financier se procure directement sur le marché
pour le revendre au client, en pratiquant un prix majoré d’une somme fixe pour
le service offert.
Le client peut être « mandaté » par l’établissement financier, lequel l’autorise
ainsi (sur la base d’un contrat) à acheter le bien directement sur le marché. Le
bien reste néanmoins la propriété du financier (qui assume aussi les risques sousjacents) jusqu’à ce que le client l’ait intégralement payé. Dans la plupart des cas
le client rembourse à tempérament.
La marge pratiquée n’est pas un intérêt car elle reste fixe, même si le client
rembourse au-delà de la date d’échéance. Pour que la vente de type Mourabaha
soit compatible avec la charia, les conditions suivantes doivent absolument être
réunies: i) le financier doit être propriétaire de l’actif avant de le vendre; ii) il doit
s’agir d’un bien corporel; et iii) le client doit être d’accord avec le prix d’achat et
le prix de vente.
J L’Ijara (contrat de crédit-bail/location-vente). Ce contrat est généralement utilisé
pour financer des équipements, comme des petites machines. La durée de la
location et les paiements connexes doivent être déterminés à l’avance pour éviter la
spéculation. Pour que la transaction soit compatible avec l’Islam (et ne soit pas en
fait une vente avec intérêt déguisé), l’Ijara doit préciser que c’est le financier qui
reste propriétaire du bien et est responsable de sa maintenance. L’Ijara peut être
suivie par un contrat de vente, auquel cas la propriété du bien est alors transférée
au preneur.
J Moucharaka et Moudaraba (partage des profits et des pertes). Les dispositifs de
partage des profits et des pertes sont les contrats de finance islamique les plus mis
en avant par les jurisconsultes de la charia.
La Moucharaka implique une prise de participations dans une entreprise, les
parties partageant les pertes et les profits selon une clé de répartition préalablement
convenue. Elle peut être utilisée pour des biens ou du capital d’exploitation.
La Moudaraba sous-entend un financement par mandataire, au titre duquel une
partie fait office de financier en fournissant les fonds, alors que l’autre partie
assure la gestion du projet. Les profits sont partagés selon une clé de répartition
déterminée au préalable; les pertes sont intégralement supportées par le financier.
Si l’opération de Moudaraba se solde par des pertes, le financier perd le capital
investi et le gestionnaire perd le temps et les efforts investis. Ces deux dispositifs de
partage des profits et des pertes exigent une grande vigilance dans la notification
et une grande transparence pour que les profits et les pertes soient équitablement
répartis. Ainsi, bien que fortement encouragées par la charia, ces opérations
entraînent des frais de gestion substantiels, en particulier pour les micro et les
petites entreprises dont la comptabilité n’est pas toujours très formelle.
J Le Takaful (assurance coopérative). Équivaut à l’assurance islamique. Le Takaful
s’entend d’un dispositif d’assurance coopérative qui tire son origine du mot arabe
« kafalah » qui signifie garantie réciproque ou conjointe. Chaque participant verse
des fonds qui sont mis en commun et utilisés pour soutenir le groupe en cas de
besoin, notamment en cas de décès, de perte des récoltes ou d’accident. Les primes
versées sont investies dans le respect de la charia pour éviter l’intérêt.
30
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
Encadré 2.
Comment fonctionne l’épargne?
Les produits d’épargne islamiques sont des dépôts investis dans le respect des
principes énoncés dans le présent chapitre. Un des produits d’épargne classiques
est une forme de Moudaraba, une opération au titre de laquelle l’épargnant
« investit » un dépôt dans l’activité de l’institution financière. L’institution
financière investit ses compétences en gestion et fait office de médiateur des dépôts/
investissements dans le respect de la charia. Les profits (ou les pertes) sont répartis
conformément à une clé de répartition préalablement convenue.
Ce type d’épargne pourrait être considéré comme une forme de Moucharaka
car d’autres déposants versent aussi des fonds investis dans la même institution
financière. Même le Takaful peut faire office de produit d’épargne car les primes
sont investies dans le respect de la charia et souvent distribués au terme d’un délai
établi, indépendamment de toute demande d’indemnisation.
Développement du secteur de la finance islamique
Expansion mondiale
Bien qu’originaire du Golfe, la banque compatible avec la charia a gagné en
popularité auprès des musulmans d’autres pays aussi, conduisant à l’apparition
de nouvelles banques islamiques en Afrique du Nord et en Asie. Sur un total
de $E.-U. 500,5 milliards que représente le marché mondial de la finance
islamique, 36% concernent les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG,
Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar), 35%
concernent des pays d’Asie du sud-ouest et d’Afrique du nord non membres du
CCG; et 23% des pays d’Asie (principalement la Malaisie, Brunei Darussalam
et le Pakistan).
Au fil du temps, les services financiers islamiques se sont aussi développés
bien au-delà des pays musulmans et ne sont aujourd’hui plus uniquement
proposés par des banques islamiques, mais aussi par des filiales islamiques
d’institutions financières internationales. Des services financiers islamiques
sont aujourd’hui disponibles en Inde, en Chine, au Japon, en Allemagne, en
Suisse, au Luxembourg, au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada.
Le Royaume-Uni, qui se classait en 2007 en dixième position sur la liste The
Banker des « 15 premiers pays en termes d’actifs compatibles avec la charia »,
a récemment annoncé qu’il souhaitait faire de Londres une place financière
mondiale pour la finance islamique.
Réglementation gouvernementale
À l’origine, les services financiers islamiques s’inscrivaient dans un cadre
réglementaire pour le moins flou. Cependant, avec leur expansion les
gouvernements ont pris conscience des difficultés réglementaires qu’ils
représentaient et se sont efforcés de les surmonter. Une des solutions adoptées
a consisté à … encourager, voire à prescrire, les services financiers islamiques
dans la loi.
À titre d’exemple, le Nord-Soudan s’est doté en 1984 de cadres réglementaires
compatibles avec la charia pour l’ensemble du secteur bancaire. L’Indonésie a
fait office de pionnier en matière de finance islamique en créant en 1992 un
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
31
secteur bancaire islamique officiel et réglementé parallèlement à son secteur
bancaire conventionnel, et pas en lieu et place de celui-ci. Les nouvelles
réglementations adoptées en Malaisie, à Brunei-Darussalam et au Pakistan
ont aussi favorisé l’expansion du secteur de la finance islamique au côté des
services financiers conventionnels.
D’autres ont décidé de réglementer séparément certains aspects uniques
de la banque islamique par le biais de Conseils de surveillance de la charia
(Charia Supervisory Boards ou SSB). À titre d’exemple, plusieurs pays tels le
Koweït, la Jordanie, le Liban et la Thaïlande ont réglementé les compétences
et la composition des SSB, et ont adopté des règles régissant la désignation, le
renvoi et les qualifications des membres des SSB.
Cependant, aucun pays ne réglemente la jurisprudence de la charia utilisée
par les SSB à l’heure de déterminer la conformité avec la charia (même si la
Jordanie et le Koweït imposent aux membres des SSB qu’ils se prononcent à un
vote à l’unanimité ou à la majorité).
Organisations internationales
Parallèlement à l’attention accrue suscitée par le finance islamique de la part
des autorités de réglementation, des organisations internationales ont été créées
pour élaborer des normes comptables et autres pour la finance islamique.
J
Islamic Financial Services Board (IFSB).
Basé en Malaisie, il adopte des normes prudentielles et des principes
directeurs pour la finance islamique. L’IFSB a publié à l’intention des
banques islamiques des lignes directrices sur la gestion du risque et
l’adéquation des fonds propres.
J
Organisation de comptabilité et d’audit pour les institutions financières
islamiques (AAOIFI).
Basée à Bahreïn, elle promeut les normes d’information financière pour
les institutions financières islamiques.
J
Banque islamique de développement (BID).
Institution multilatérale dont le siège se trouve en Arabie saoudite, elle lutte
contre la pauvreté et promeut le développement économique dans les pays
islamiques membres. Elle encourage les programmes de microfinance et
d’allégement de la pauvreté par le biais de son Fonds de solidarité islamique
pour le développement (IFSD), qui a récemment alloué $E.-U. 500 millions au
développement de la microfinance par le biais de son programme d’appui à la
microfinance.
Bien que ces institutions partagent les mêmes valeurs fondamentales islamiques,
elles divergent souvent des organismes nationaux de réglementation (et entre
elles) sur les règles de la charia. À titre d’exemple, les normes de l’AAOIFI ne
sont obligatoires que dans une poignée de pays et sont mises en œuvre de
manière sélective ailleurs.
Microfinance islamique
Demande
Les produits de la microfinance conventionnelle ont rencontré un succès
certain dans les pays à majorité musulmane. Un des premiers programmes de
32
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
microfinance a été mis en œuvre au Bangladesh avec la création de la Grameen
Bank, lancé par le Prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus. Dans les pays
islamiques tels que l’Indonésie et le Pakistan, le secteur de la microfinance est
dynamique; quelque 44% des clients de la microfinance conventionnelle dans
le monde résident dans des pays musulmans. Et pourtant, les produits de la
microfinance conventionnelle ne satisfont pas les besoins de nombreux clients
musulmans.
Tout comme il existe des clients de la banque conventionnelle qui exigent des
produits de finance islamique, nombreux sont aussi les pauvres qui insistent
pour bénéficier de ces produits. Dans certaines sociétés, le respect de la charia
est en effet moins un principe religieux qu’une pratique culturelle – et même
les moins pratiquants préfèrent parfois les produits compatibles avec la charia.
Un certain nombre d’études de marché réalisées à la demande de la Société
financière internationale (SFI) suggèrent qu’il existe une forte demande pour
les produits de la microfinance islamique. Qui plus est, le rapport 2000 de
la Banque d’Indonésie indiquait que 49% de la population rurale de l’Est de
Java estimaient que l’intérêt était interdit et préféreraient que leur banque soit
compatible avec la charia.
Bien qu’il existe un marché de clients pauvres qui n’acceptent que les
transactions qui respectent la charia, il existe aussi une catégorie de clients
musulmans qui recourent aux produits conventionnels tout en préférant les
produits de la finance islamique. Les spécialistes en microfinance des pays à
majorité musulmane indiquent qu’en Afghanistan, en Indonésie, en République
arabe syrienne et au Yémen, certains micro-emprunteurs conventionnels
ont tendance à se tourner vers les produits islamiques dès lors qu’ils sont
disponibles.
Promotion de la microfinance islamique par les pouvoirs publics
Tout comme elle peut avoir une influence considérable sur l’ensemble du
secteur de la banque islamique, la réglementation nationale peut grandement
contribuer à l’expansion de la microfinance compatible avec la charia.
Indonésie
Le gouvernement promeut activement la microfinance islamique. En 2002,
la Banque d’Indonésie a préparé un « Projet de développement de la banque
islamique en Indonésie » consistant en un plan de développement sur neuf ans
de la finance islamique, avec appui aux 105 banques rurales respectueuses de
la charia.
L’Indonésie s’est à présent dotée d’un cadre réglementaire favorable à la banque
islamique et a accordé une licence à 35 nouvelles banques islamiques rurales
au cours des cinq dernières années. La Banque d’Indonésie fait aussi œuvre de
pionnier en matière de renforcement des capacités avec la création à Medan
d’un centre de formation et de certification aux opérations de finance islamique
à l’intention du personnel des banques rurales respectueuses de la charia, de
leurs cadres et directeurs.
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
33
Pakistan
La Banque d’État du Pakistan, qui dispose déjà d’un cadre juridique et
réglementaire pour les IMF, s’est également dotée en 2007 de principes
directeurs pour l’expansion rapide de la microfinance islamique. Ces
principes directeurs définissaient quatre types d’arrangements institutionnels
permettant d’offrir des instruments de microfinance islamique : i) la création de
banques de microfinance islamique, ii) les banques islamiques, iii) les banques
conventionnelles, et iv) les institutions de microfinance conventionnelle.
Ces principes directeurs établissent les prescriptions qui régissent l’octroi de
licences, la désignation des jurisconsultes de la charia chargés d’évaluer la
compatibilité avec la charia, et la ségrégation des fonds de produits islamiques
(et documents connexes) par les banques et IMF offrant à la fois des produits
conventionnels et des produits compatibles avec la charia.
Les banques descendent en gamme et élargissent leur ligne de produit
Il est encourageant de constater que dans le cadre du développement de la
microfinance islamique, les banques commerciales islamiques ont commencé à
offrir des services de microfinance islamique. À titre d’exemple, la Tadhamon
International Islamic Bank du Yémen a ouvert fin 2006 une division micro et
petites entreprises. Par ailleurs, certaines banques islamiques envisagent de
proposer des produits de microfinance islamique autres que le microcrédit.
Le 20 janvier 2008, la Noor Islamic Bank et le Emirates Post Holding Group
ont annoncé qu’ils avaient l’intention de créer une entreprise offrant des
services bancaires compatibles avec la charia aux segments de la population
dont le revenu est le plus faible aux Émirats arabes unis. L’entreprise qu’ils
se proposent de créer offrirait une large gamme de produits de microfinance
islamique, y compris des microcrédits, des assurances, des cartes de débit et de
crédit, le change des renvois de fonds de l’étranger et le change de devises en
général, ainsi que le versement des salaires.
Toujours en janvier 2008, Allianz Life Indonésie a annoncé qu’après un
projet pilote de 18 mois, le produit de micro-assurance « Family Umbrella »
compatible avec la charia deviendrait un produit à part entière.
Microfinance islamique : résultats de l’étude CGAP
En 2007, le Consultative Group to Assist the Poor (CGAP, groupe consultatif
pour aider les pauvres) a réalisé une étude mondiale de la microfinance
islamique, recueillant des informations sur plus de 125 institutions et contactant
des jurisconsultes de 19 pays musulmans. La présente section contient les
principales constatations de cette étude mondiale sur les performances et le
champ d’action de la microfinance islamique.
Champ d’action limité
Le champ d’action de la finance islamique est limité. Selon l’étude CGAP,
les IMF islamiques servent 300 000 clients par le biais de 126 institutions
34
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
opérant dans 14 pays et quelque 80 000 clients par le biais d’un réseau de
coopératives indonésiennes. Selon l’étude, le Bangladesh est le plus actif
en termes de microcrédit islamique, avec plus de 100 000 clients et deux
institutions dynamiques. Cependant, c’est aussi dans ce pays que les produits
de microfinance conventionnelle sont les plus développés – près de huit millions
d’emprunteurs – et la microfinance islamique ne représente que 1% du marché
de la microfinance.
Dans les pays musulmans, la microfinance islamique ne représente encore
qu’une toute petite partie de l’ensemble du secteur de la microfinance. À titre
d’exemple, en République arabe syrienne et en Indonésie, les instruments de
finance islamique en représentaient, respectivement, en 2006 que 3% et 2% de
l’ensemble des encours des microcrédits.
L’offre de microfinance islamique se concentre dans quelques pays.
L’Indonésie, le Bangladesh et l’Afghanistan représentent 80% de l’ensemble
de la microfinance mondiale. Dans tous les autres pays, la microfinance
en est encore à ses balbutiements, aucune institution d’envergure n’offrant
ses services sur une base régionale et nationale. Pour la plupart des pays, le
montant moyen des microcrédits islamiques (essentiellement Mourabaha) est
semblable à celui des microcrédits conventionnels.
Tout comme pour la microfinance conventionnelle, la microfinance islamique
concerne principalement les femmes – selon l’étude CGAP, la majorité
des clients d’IMF islamiques étaient des femmes (59% en moyenne, mais
jusqu’à 90% au Bangladesh). Dans l’ensemble, le pourcentage de femmes qui
recourent à des produits de la microfinance islamique (59%) est comparable
au pourcentage des femmes qui recourent à des produits de la microfinance
conventionnelle (65,7% à l’échelle mondiale et 65,4% dans le monde arabe).
Pour finir, l’étude CGAP a révélé que plus de 70% des produits offerts étaient
des contrats de Mourabaha. Les IMF islamiques n’offrent généralement
qu’un ou deux produits compatibles avec la charia. Ses activités consistant
essentiellement en le financement d’actifs, le secteur n’est pas encore
Encadré 3.
Aperçu de la situation en République islamique d’Iran
Le Gouvernement iranien exige de toutes les banques commerciales du pays qu’elles offrent aux
populations à faible revenu des prêts sans intérêt compatibles avec la charia. Ces prêts sont
généralement accordés pour couvrir des dépenses personnelles telles les frais d’un mariage, le
remboursement de dettes, les loyers ou les frais de réparation d’un logement, les frais médicaux,
les frais de scolarité et l’achat de biens de consommation.
Le secteur d’activité est très développé. En mars 2008, la Banque centrale d’Iran estimait que
trois millions de familles bénéficiaient de quelque 6 000 Qard Hasan (« prêts gracieux » connus
dans le pays sous le nom de fonds Qarzul-Hassaneh), pour un encours total de RIs 50 trillions
($E.-U. 5,5 milliards).
Les fonds Qarzul-Hassaneh sont, cependant, dans la plupart des cas considérés comme une
œuvre de charité, et pas des IMF. Habituellement, en effet: i) ces prêts sont accordés pour
couvrir des dépenses ponctuelles importantes; et ii) l’institution financière renonce à son
remboursement en cas de défaut de paiement. En règle générale, ils ne sont pas considérés
comme une source de financement durable.
En dehors des fonds Qarzul-Hassaneh, en République islamique d’Iran, la microfinance est
informelle, même si un certain nombre d’organisations caritatives se seraient aujourd’hui
lancées dans la microfinance.
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
35
suffisamment diversifié pour répondre aux différents besoins financiers des
pauvres.
Le tableau 2 contient uniquement les données relatives au champ d’action des
institutions que le CGAP a réussi à contacter dans le cadre de son étude, à
l’exception des institutions indonésiennes (au sujet desquelles des données ont
été obtenues sur la base des statistiques 2007 de la Banque d’Indonésie) et de
celles de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza (au sujet desquelles des données
ont été obtenues auprès du programme DEEP d’autonomisation économique
des familles démunies. Le tableau ne tient pas compte de l’activité des 4 500
coopératives islamiques d’Indonésie. Cependant, selon les jurisconsultes
indonésiens, 60% seulement de ces coopératives islamiques seraient encore
actives, le nombre de leurs clients étant estimé à 80 000 clients.
Comme dans le reste du présent chapitre, une IMF s’entend d’une institution
qui cible les pauvres et dont le montant moyen des prêts est inférieur à 250%
du produit intérieur brut national par habitant.
Tableau 2.
Champ d’action de la microfinance islamique, par pays
Région
No. d'institutions
couvertes
% de femmes
(moyenne)
No. total
de clients
Total du
Solde moyen
portefeuille
des prêts
d'encours de prêts
($E.-U.)
($E.-U.)
Afghanistan
4
22
53 011
10 347.290
162
Bahreïn
1
n.d.
323
96.565
299
Bangladesh
2
90
111 837
34 490.490
280
Indonésie*
105
60
74 698
122 480.000
1 640
Jordanie
1
80
1 481
1 619.909
1 094
Liban
1
50
26 000
22 500.000
865
Mali
1
12
2 812
273.298
97
Pakistan
1
40
6 060
746.904
123
Cisjordanie et Gaza**
1
100
132
145.485
1 102
Arabie saoudite
1
86
7 000
586.667
84
Somalie
1
n.a
50
35.200
704
Soudan
3
65
9 561
1 891.819
171
République arabe
syrienne
1
45
2 298
1 838.047
800
Yémen
3
58
7 031
840.240
46
TOTAL
126
59
302 303
197 891.882
541
* Microcrédits et banques rurales uniquement.
** En Cisjordanie et à Gaza sept IMF ont accordé, grâce aux formations et aux facilités de financement offertes par la Banque islamique de développement, un
total de 578 prêts islamiques entre 2005 et 2006. Le tableau contient uniquement les données relatives à une de ces IMF, les six autres ayant accordé des prêts
islamiques d’un montant moyen supérieur à 250% du produit intérieur brut par habitant de la région.
Microfinance islamique par type d’institution
Parmi les institutions qui offrent des produits de microfinance islamique,
les organisations non gouvernementales (ONG) dominent le secteur,
14 institutions à peine couvrant 42% des clients. Les banques commerciales
(représentées par deux institutions seulement, la TIIB au Yémen et la Islami
36
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
Bank Bangladesh au Bangladesh) arrivent en seconde position avec plus de
87 000 clients.
Il est intéressant de constater qu’en Indonésie, 105 banques rurales compatibles
avec la charia représentent 25% de l’ensemble de la clientèle, mais 62% de
l’encours de prêts, le montant moyen des prêts accordés étant considérablement
plus élevé et l’accent étant mis sur le financement des petites et microentreprises.
Tableau 3.
Champ d’action de la microfinance islamique, par type d’institution
Type d'institution
No. d'institutions
No. total de clients
No.
Total du
portefeuille d'encours
de prêts (islamiques)
% du total $E.-U.
%du total
Montant moyen
des prêts
(islamiques)
$E.-U.
Coopérative
1
6 671
2
926 251.00
‹1
132
Banque de Village
(Rép. arabe syriennne)
1
2 298
1
1 838 047.00
‹1
800
ONG
14
125 793
42
41 421.58
21
303
Banque rurale
(Indonésie)
105
74 698
25
122 475.158
62
1 640
3
2
4 293
87 569
1
29
1 893.207
29 030.997
‹1
15
595
305
126
305 237
100
198 090.268
100
629
NBFI
Banque commerciale
TOTAL
Notes : Le présent tableau contient uniquement les données relatives aux institutions (mixtes et purement islamiques) ayant fourni des informations fiables au
CGAP dans le cadre de son étude mondiale de la microfinance islamique de 2007. Les données relatives aux 105 banques rurales d’Indonésie proviennent des
statistiques 2007 de la Banque centrale d’Indonésie. Les 4 500 coopératives indonésiennes n’ont pas été prises en considération. Comme dans le reste du chapitre,
une IMF s’entend d’une institution qui cible les pauvres et dont le montant moyen des prêts est inférieur à 250% du produit intérieur brut national par habitant.
Gros plan sur l’Indonésie
L’Indonésie donne une bonne idée de l’évolution de la microfinance islamique
grâce à son système mixte de micro-banques conventionnelles/islamiques,
qui comprend tant des banques rurales conventionnelles (Bank Perkreditan
Rakyat ou BPR) que des banques rurales compatibles avec la charia (Bank
Perkreditan Rakyat Syariah ou BPRS). Ces dernières sont des établissements
privés, réglementés et supervisés par la Banque d’Indonésie. Ils sont autorisés
à offrir des services bancaires (prêts et épargne, mais pas de services de
paiement) dans un district donné uniquement. En décembre 2006, les BPR
étaient au nombre de 1 880 et les BPRS au nombre de 105.
Les BPRS jouent un rôle plus social que les BPR. Leur mission consiste
à soutenir la communauté, en particulier les micro-entrepreneurs. Elles
entretiennent également des liens étroits avec les mouvements de masse
musulmans indonésiens tels le Nahdlatul Ulama ou Mohammedia. Chaque
BPRS est dotée d’un Conseil de surveillance de la charia chargé de veiller à la
conformité des produits et des principes islamiques. Les décisions du Conseil
ne sont cependant pas cohérentes et, par voie de conséquence, les produits
de la microfinance islamique peuvent considérablement varier selon la BPRS.
Les BPRS offrent principalement des produits de Mourabaha et des services
d’épargne basés sur le principe du partage des profits. Elles ont rencontré un
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
37
succès certain en mobilisant l’épargne pour la communauté, et leur ratio prêts/
dépôts est supérieur à 110%.
Les BPRS sont encore de jeunes institutions qui n’ont pas encore fait leurs
preuves. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur leur rentabilité.
Plusieurs facteurs pourraient toutefois expliquer leur rendement de l’actif
(RDA) inférieur, notamment leur mission sociale.
Les BPRS répondent à une demande croissante de produits de microfinance
compatibles avec la charia. Leur taux de croissance est impressionnant : de
mars à décembre 2007, les créances recouvrables de type Mourabaha ont
augmenté de 26%, le financement par Moucharaka a progressé de 27% et
le financement par Moudaraba a fait un bond de près de 50% (données de
la Banque d’Indonésie). Les BPRS peuvent être rentables mais, à l’instar de
nombreux fournisseurs de microfinance, n’en demeurent pas moins confrontées
à des difficultés pour parvenir à l’équilibre.
Obstacles potentiels à la croissance de la microfinance islamique
Grâce à la microfinance islamique, l’accès au financement pourrait être
considérablement amélioré et atteindre des niveaux sans précédent dans tous
les pays musulmans. Reste cependant au secteur à démontrer qu’il peut fournir
des services financiers qui répondent aux besoins des pauvres à grande échelle.
Des études de marché plus poussées et des modèles économiques avérés font
cruellement défaut. En dépit de ce potentiel, plusieurs obstacles pourraient
entraver le développement de la microfinance islamique.
Les modèles économiques de microfinance islamique ne sont pas encore au point
et aucun critère d’évaluation des performances n’a été établi. Deux facteurs
revêtent cependant une importance particulière : l’efficacité opérationnelle et
la gestion du risque.
J
Efficacité opérationnelle. Telle est la clef de la fourniture de services
financiers abordables pour les pauvres. La gestion des transactions de
petite envergure est coûteuse, et les IMF doivent innover pour abaisser
les coûts des transactions.
Dans le cas d’une Mourabaha ou d’une Ijara, le bailleur de fonds
achète un bien (équipement ou stock) pour le revendre ou le louer à
l’utilisateur moyennant une majoration du prix. Les IMF islamiques
peuvent bénéficier des prix plus bas sur le marché de gros, mais les coûts
associés à l’achat, à l’entretien, à la vente ou à la location d’un bien
(comme une machine à coudre, par exemple) sont élevés, et le surcoût
souvent répercuté sur le client. Certaines institutions ont toutefois
réduit les coûts liés aux transactions de type Mourabaha en exigeant de
l’utilisateur final qu’il cherche et trouve lui-même le bien demandé. Les
institutions islamiques devraient envisager d’adopter des techniques et
des pratiques tout aussi innovantes pour minimiser les coûts et offrir des
prix plus attrayants à leurs clients.
J
Gestion du risque. La gestion du risque est un autre élément important
de la durabilité des institutions financières. Le secteur de la microfinance
conventionnelle s’est doté d’un ensemble de bonnes pratiques relatives
à la gestion du risque de crédit, et les IMF se targuent de l’excellente
qualité de leur portefeuille.
38
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
Les IMF conventionnelles ne demandent généralement pas de
nantissement pour leurs prêts mais recourent plutôt aux pressions par les
pairs et imposent une discipline stricte pour obtenir leur remboursement.
Ces techniques devraient être adaptées aux principes du partage des
risques et du refus de l’intérêt inhérents à la finance islamique.
La question de l’authenticité
Bien que tout indique qu’il existe une demande réelle pour les produits de la
microfinance islamique, satisfaire cette demande exige que les clients soient
assurés que les produits offerts sont d’authentiques produits islamiques. Les
critiques des produits de la finance islamique laissent entendre que le prix
de certains des produits présentés comme conformes à la charia seraient trop
semblables aux prix des produits conventionnels.
À titre d’exemple, certaines institutions proposent des Mourabaha dans
lesquelles l’intérêt semble être déguisé en majoration de prix ou en frais
administratifs. La finance islamique souffre parfois du fait qu’elle donne
l’impression de n’être que de la finance conventionnelle « reconditionnée » et
qu’elle n’est pas le reflet fidèle des principes contenus dans la charia.
Pour les segments de la société dont le revenu est le plus faible, les dirigeants
religieux font souvent office de conseiller en finance islamique et sont donc en
mesure de se prononcer sur l’authenticité des produits financiers islamiques.
Des efforts supplémentaires devraient être déployés pour : i) accroître la
collaboration entre les experts financiers et les jurisconsultes de la charia
spécialisés en authenticité des produits; ii) encourager l’échange d’expériences
entre les dirigeants religieux (notamment ceux qui travaillent au côté des
populations pauvres) en ce qui concerne la compatibilité des produits de
la microfinance avec la charia; et iii) en collaboration avec les dirigeants
religieux locaux, former les populations à faible revenu aux produits financiers
compatibles avec la loi islamique.
Renforcement des capacités
Pour réaliser le plein potentiel de la microfinance islamique, les capacités
doivent être renforcées à tous les niveaux. Au niveau macro, la Banque
islamique de développement et les instances de normalisation financière
islamiques (telles l’IFSB ou l’AAOIFI) devraient envisager d’élaborer des
normes d’information financière mondiales adaptées à la microfinance afin
de favoriser la transparence du secteur de la microfinance islamique mondiale.
Ces normes obligeraient à la divulgation des principes comptables de la
microfinance islamique, ses procédures d’établissement des prix, ses audits
financiers et, ses services de notation.
Au niveau micro et des institutions, les bailleurs de fonds internationaux
peuvent grandement contribuer à l’élargissement de l’accès au financement
dans les pays musulmans en aidant les institutions existantes à parvenir à
l’échelle et en finançant des projets pilotes destinés à tester différents modèles
économiques. Par ailleurs, des efforts supplémentaires devraient être consentis
pour former les responsables et le personnel des IMF islamiques notamment,
par exemple, par la création d’outils et de manuels opérationnels (tels ceux mis
Chapitre 3 – La microfinance islamique : un marché de niche émergent
39
au point par la Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit, ou
l’Agence allemande de coopération technique, destinés à l’Indonésie).
Diversité des produits
Les IMF islamiques font énormément appel à la Mourabaha. Les pauvres ont
cependant des besoins financiers très divers et, pour nombre d’entre eux, il est
plus urgent d’obtenir des produits d’épargne ou d’accès au logement. Offrir
une palette de produits et services innovants et compatibles avec la charia
permettrait à un segment beaucoup plus large de clients de la microfinance
islamique d’accéder à des sources de financement.
Tirer parti de la Zakat et des fonds islamiques
Dans tout le monde musulman, la microfinance (islamique ou autre) reste
considérée comme une activité philanthropique plutôt qu’économique. Ainsi,
dans le contexte de la microfinance islamique, la tendance est de plus en plus
à considérer la zakat (argent devant être versé par tout musulman au titre de
l’obligation de faire l’aumône) comme une source de fonds.
En effet, l’objectif de la finance islamique étant de promouvoir le bien-être de
la communauté, les fonds découlant de la zakat peuvent sembler tout indiqués
pour la microfinance islamique. Mais trop s’en remettre à la charité n’est pas
nécessairement la meilleure solution pour développer un secteur à grande
échelle et durable, et des sources de financement plus fiables et à vocation plus
commerciale devraient être envisagées.
Chapitre 4
La banque islamique destinée aux femmes : étude de cas
Les femmes représentent plus de la moitié de la population Malaisienne, et les
statistiques montrent que les femmes ayant un diplôme universitaire sont plus
nombreuses que les hommes dans différents secteurs. Les femmes sont aussi
de plus en plus présentes à des postes professionnels et de gestion, notamment
dans le secteur public. Grâce aux politiques, programmes et stratégies du
gouvernement en faveur de l’intégration des femmes, ces tendances devraient
vraisemblablement se maintenir.
Dans le même temps, rien ou presque n’a été fait pour répondre aux besoins
financiers des femmes. Ce marché recèle donc des possibilités considérables.
Le présent chapitre commence par se pencher sur la proportion d’hommes
et de femmes dans la population, leur ventilation par profession en Malaisie,
pour ensuite étudier l’évolution des services bancaires destinés aux femmes.
Comme le montre la figure 10, la proportion d’hommes et de femmes résidant
dans les zones urbaines et rurales est semblable. Le taux de population urbaine
plus élevé est vraisemblablement le reflet des possibilités d’emplois offertes
dans les villes.
Figure 10.
Malaisie : population par strate et par sexe, 2007
Chiffres (000)
30 000
27 136,6 (100%)
25 000
20 000
(63.4%)
(100%)
17 221,6
15 000
(36.6%)
13 340,6
(63.1%)
9 952
10 000
(100%)
13 833
8 727
(63.7%)
(36.9%)
5 106
5 000
8 494,6
(36.3%)
4 846
0
Total
Hommes
Total
Zones
urbaines
Femmes
Zones
rurales
Source: Ministère de la femme, de la famille et du développement communautaire, Malaisie.
Chapitre 4 – La banque islamique destinée aux femmes : étude de cas
41
Structure professionnelle
Sur le marché de l’emploi, un nombre croissant de femmes occupent aujourd’hui
des postes professionnels et de gestion. Les figures 11 et 12 illustrent la
répartition de l’emploi entre hommes et femmes en Malaisie en 2006, par
profession.
Figure 11. Malaisie : répartition de l’emploi des hommes par profession,
2006
Employés de service,
de magasins et
de vente sur les marchés,
13,40%
Employés de bureau,
4,40%
Techniciens et
professionnels associés,
12,10%
Travailleurs qualifiés
de l’agriculture etde la pêche,
15,00%
Artisans et employés
de commerce liés à
l’artisanat,
15,10%
Professionnels, 4,80%
Législateurs, hauts
fonctionnaires et gestion,
9,60%
Opérateurs et assembleurs
machines et usines,
15,20%
Travailleurs élémentaires,
10,50%
Source: Ministère de la femme, de la famille et du développement communautaire, Malaisie.
Figure 12. Malaisie : répartition de l’emploi des femmes par profession,
2006
Artisans et employés
Employés de service, de magasins
et de vente sur les marchés,
19,40%
Travailleurs qualifiés
de l’agriculture et de la pêche,
9,40%
de commerce
liés à l’artisanat,
4,20%
Opérateurs et assembleurs
machines et usines,
11,00%
Travailleurs
élémentaires,
11,40%
Employés de bureau,
18,60%
Techniciens et professionnels
associés,
13,90%
Professionnels, 6,90%
Législateurs, hauts
fonctionnaires et gestion,
5,30%
Source: Ministère de la femme, de la famille et du développement communautaire, Malaisie.
Ces deux figures montrent que la proportion d’hommes et de femmes occupant
des postes de gestion et professionnels est aujourd’hui similaire, avec 26,5% et
26,1% pour les hommes et les femmes, respectivement.
Dans le secteur public, les femmes occupent 54,3% des postes professionnels
et de gestion, contre 45,7% pour les hommes (voir figure 13).
Les tableaux 4 et 5 montrent que les femmes sont aujourd’hui plus représentées
aux postes les plus élevés du secteur privé, même si des progrès sont encore
possibles.
42
Chapitre 4 – La banque islamique destinée aux femmes : étude de cas
Figure 13. Malaisie : employés du secteur public par groupe de service
et par sexe, 2006
Chiffres
371 032
400 000
Hommes
Femmes
331 540
350 000
300 000
250 000
200 000
132 227
111 392
150 000
100 000
50 000
1 259
425
0
Cadres dirigeants
Professionnels
et gestion
Appui
Groupe de service
Source : Ministère de la femme, de la famille et du développement communautaire, Malaisie.
Note : Les données ne couvrent pas les forces armées et les forces de police.
Tableau 4.
Malaisie : postes à responsabilités occupés par des femmes dans le secteur public, 2007
2007
Poste
Total
Hommes
Femmes
% femmes
Secrétaire général
27
23
4
14,8
Directeur général (fédéral)
68
60
8
11,8
Administrateur (organismes publics
fédéraux)
64
55
9
14,1
Source : Ministère de la femme, de la famille et du développement communautaire, Malaisie.
Notes : Au 25 juillet 2007. Bursa Malaysia.
Tableau 5.
Malaisie : postes à responsabilités occupés par des femmes dans le secteur privé, 2007
2001
2002
Poste
2003
2004
2005
2006
2007
% femmes
Membres de conseils d’administration
10,1
10,5
10,1
9,9
10,2
7,6
5,3
Président, Vice-président, Directeur,
Administrateur, Chef des opérations,
Directeur général, etc.
12
12.1
12,3
13,5
13,9
14,3
24
Source : Ministère de la femme, de la famille et du développement communautaire, Malaisie.
Notes :
1. Au 25 juillet 2007.
2. Basé sur une étude du Ministère de la femme, de la famille et du développement communautaire (MWFCD) portant sur 50 entreprises cotées à la Bursa Malaysia.
Les femmes étant plus nombreuses à occuper des postes de gestion et
professionnels, les services bancaires destinés aux femmes pourraient être
développés.
Chapitre 4 – La banque islamique destinée aux femmes : étude de cas
43
Habitudes des femmes en matière d’investissement
Les études menées par le Ministère de la femme, de la famille et du
développement communautaire en 2005 sur les pratiques des femmes en
matière d’investissement ont révélé que quelque 38,7% des investissements
étaient versés aux caisses de prévoyance professionnelle. Environ 69% plaçaient
leur argent dans des comptes épargne alors que 39,9% continuaient à investir
dans l’or, l’argent ou les bijoux.
Les femmes avaient aussi davantage tendance à verser leur salaire sur un
compte d’épargne (pour elles une forme de placement), afin de se prémunir
contre les aléas de la vie. Ce type d’épargne n’offre qu’un rendement modeste
en comparaison des investissements dans l’immobilier et l’achat d’actions
d’entreprises. Les études menées ont également montré que 66,1% des femmes
avaient tendance à dépenser aujourd’hui et à épargner plus tard. S’agissant des
achats importants, 27,3% environ épargnaient pour acheter un bien immobilier
et 26,8% pour acheter une voiture.
Il a aussi été démontré que LA priorité pour les femmes en termes d’épargne et
d’assurance (Takaful) est la santé et l’éducation de leurs enfants – elles-mêmes
passant au second plan. Les femmes restent aussi généralement vagues en ce
qui concerne leurs stratégies en cas de difficulté ou de catastrophe.
Les conclusions des études indiquent que les femmes assument fréquemment
des responsabilités financières, y compris la gestion du budget de la famille,
les financements par le crédit et la gestion de l’endettement propre et familial.
Elles sont cependant moins susceptibles de se lancer dans l’investissement, en
dépit des rendements possibles.
Besoins des femmes en matière de banque islamique
Rôle économique des femmes
Les femmes assument de plus en plus des rôles de premier plan dans les
entreprises, y compris dans les domaines traditionnels considérés comme des
bastions masculins. Les femmes sont, par ailleurs, un puissant moteur pour
l’économie. Selon les études menées, ce sont elles qui prennent la plupart des
décisions en matière de crédit et d’investissement.
Polyvalence
Les femmes étant chaque jour plus nombreuses à faire carrière et à occuper
des postes bien payés, la tradition qui veut que les femmes soient sous la
responsabilité financière de leur père, conjoint ou frère, n’est plus d’actualité.
À cette indépendance financière se sont néanmoins greffées de nouvelles
difficultés liées à la prise des décisions financières.
En règle générale, les femmes se préoccupent davantage de leur argent que les
hommes. Pour les banques, satisfaire aux besoins particuliers des femmes peut
être source de débouchés intéressants, notamment au regard de l’augmentation
44
Chapitre 4 – La banque islamique destinée aux femmes : étude de cas
du nombre de femmes ayant un fort pouvoir d’achat. Pour cela, il pourra être
nécessaire de mettre à disposition des femmes des consultants spécialisés en
finance pour répondre à leurs questions, non seulement en matière de gestion
de fortune personnelle mais aussi de crédit, d’investissement et liées aux
besoins des entreprises.
Planification financière
Bien que la notion de planification financière soit un peu nébuleuse, elle
renvoie essentiellement à la gestion des finances et à la planification des
investissements, et ce dans le but de consolider et de faire croître son patrimoine
à long terme. Elle doit donc, pour cela, débuter le plus tôt possible. À chaque
étape, de nouveaux défis doivent être relevés. Dans le cas d’une jeune femme
qui décroche son premier emploi, la priorité sera peut-être de s’acheter quelque
chose pour elle-même. D’autres pourront devoir aider à régler les factures du
ménage ou financer l’éducation de leurs frères et sœurs.
Lorsqu’une femme se marie, ses besoins et ses priorités peuvent changer.
L’arrivée d’une nouvelle personne au sein de la famille signifie aussi que le
couple devra procéder à des ajustements pour faire face à des besoins financiers
actuels et futurs accrus, tels d’éducation, de soins médicaux, d’assurance et
d’épargne pour faire face à d’éventuels imprévus.
Les plans financiers et d’investissement doivent être suffisamment souples
pour pouvoir anticiper les changements et s’y adapter.
Les femmes entrepreneurs
En Malaisie, tout comme dans d’autres pays en développement, les femmes
sont souvent l’épine dorsale des petites et moyennes entreprises.
Le Gouvernement malaisien a adopté des mesures pour faciliter l’implication
des femmes dans le monde des affaires en leur donnant accès au capital.
Le Women Entrepreneurs Fund, par exemple, a été créé en 1998 et doté de
RM 10 millions ($E.-U. 2,76 millions). Une banque a également été créée
pour les PME, banque qui dispose d’un guichet spécial destiné aux femmes
entrepreneurs.
Des cours de formation et de développement sont aussi proposés aux femmes
pour les aider à devenir des femmes d’affaires prospères. Il s’agit notamment de
formation en gestion des affaires, en marketing, à la vente, au conditionnement
et à l’étiquetage, ainsi qu’aux pratiques en matière de fabrication et à l’usage
des réseaux professionnels.
Az Zahra Privilege Ladies Banking
Consciente des besoins croissants des femmes d’aujourd’hui, la RHB Islamic
Bank a lancé en avril 2008 la Az Zahra Privilege Ladies Banking. Cet ensemble
de services bancaires privilégiés destinés aux femmes fortunées est le premier
service du genre en Malaisie. Baptisé du nom d’une des filles du Prophète
Mohammed, Saidatina Fatima Az Zahra RA, Az Zahra signifie « celle qui
brille ».
Chapitre 4 – La banque islamique destinée aux femmes : étude de cas
45
Concept et stratégie
Étant donné que les femmes sont de plus en plus présentes sur le marché, ce
concept permet à RHB Islamic Bank de répondre à leurs besoins financiers et
bancaires en constante augmentation. Une autre considération essentielle tient
au fait que dans de nombreux domaines, il y a ségrégation entre les hommes et
les femmes. Les services proposés aux femmes peuvent être conçus sur mesure
et elles peuvent être prises en charge par un personnel entièrement féminin.
En novembre 2007, RHB Islamic a étudié les banques des Émirats arabes unis,
en particulier celles de Dubaï et d’Abu Dhabi. Les conclusions de cette étude
menée sur la présence de services bancaires destinés aux femmes dans les
Émirats sont données ci-dessous :
Banques islamiques
Dubai Islamic Bank
Abu Dhabi Islamic Bank
Emirates Islamic Bank
Succursales réservées aux femmes
Oui
Oui
Non
Banques conventionnelles
Abu Dhabi Commercial Bank
First Gulf Bank
Emirates Bank
Succursales réservées aux femmes
Non
Non
Non
S’agissant des banques réservées exclusivement aux femmes, l’étude a révélé
que :
J
Les succursales ne sont pas réservées uniquement aux femmes fortunées.
J
Elles sont organisées comme les succursales ordinaires. Dans certaines
parmi les plus spacieuses, un salon est à la disposition des clientes et des
boissons y sont offertes. Un espace de jeu pour les enfants a même été
aménagé dans une des succursales.
J
Aucun homme n’est autorisé, pas même parmi les membres du personnel.
Si un membre du personnel de sexe masculin désire visiter la succursale,
il doit tout d’abord l’en informer.
J
Le personnel de ces succursales est uniquement composé de femmes et
elles sont toutes dirigées par des femmes.
J
Aucun uniforme n’est imposé au personnel.
Profil de la clientèle
À partir des études réalisées, RHB Islamic a élaboré son propre concept de
banque. Tout en s’adressant uniquement aux femmes, la banque s’est efforcée
dans un premier temps de travailler avec des femmes fortunées sélectionnées
dans le but, dans un deuxième temps, d’ouvrir une succursale destinée à toutes
les femmes.
La section de la banque réservée aux femmes cible des femmes cadres et
occupant des postes professionnels, ainsi que des femmes d’affaires et des
femmes fortunées. Les clientes actuelles de RHB Group susceptibles d’être
intéressées sont identifiées, notamment les détentrices de cartes Gold et
46
Chapitre 4 – La banque islamique destinée aux femmes : étude de cas
Platinum, celles qui ont contracté des crédits de taille pour l’achat de véhicules
ou d’un logement, ainsi que les détentrices de carte Infinite et les cadres de
sexe féminin.
Produits et services offerts
Au sein de la branche banque islamique du RHB Banking Group, Az Zahra
offre un éventail de produits et de services conçus sur mesure pour les femmes.
Ces clientes se voient offrir des services personnalisés et confidentiels, elles
ont accès au salon privilège réservé aux femmes de RHB Islamic, ainsi qu’à des
produits offerts à des taux préférentiels.
Parmi les nouveaux services financiers privilégiés offerts figurent :
J
Az Zahra Equity Home Financing-i (prêt immobilier sur la valeur nette
de la propriété);
J
Az Zahra Mudarabah Current Account-i (compte courant Moudaraba);
J
Az Zahra Mudarabah General Investment Account-i (compte de
placement Moudaraba);
J
Az Zahra Hire Purchase-i (location-vente).
Az Zahra Equity Home Financing-i
Selon le principe de la Moucharaka Mutanaqisa, ou Moucharaka décroissante,
ce service permet au client de conclure un accord de copropriété avec la banque
pour l’achat d’une maison. En tant que partenaire, le client voit sa part de la
propriété augmenter progressivement, jusqu’à ce devenir unique propriétaire.
Le montant minimum du prêt est de RM 250 000 ($E.-U. 70 000) sur une
durée de 30 ans, le coût d’acquisition étant nul. Parmi les avantages de ce
système figure l’assurance Takaful prolongée, des plans de remboursement
souples, des durées de remboursement plus longues et des facilités de paiement
dans plus de 196 succursales RHB Bank conventionnelles et islamiques et 540
distributeurs automatiques.
Az Zahra Mudarabah Current Account-i
Les fonds versés par le client sont investis dans des activités autorisées par
la charia. Les profits dégagés par ces investissements sont ensuite partagés
entre les deux parties selon une clé de répartition des bénéfices préalablement
établie. Le dépôt initial pour obtenir une RPP supérieure est de RM 50 000
($E.-U. 14 000).
Parmi les avantages de ce système figurent un dividende versé chaque mois
sur le solde quotidien selon la RPP préalablement déterminée, une assurance
accident personnelle Takaful gratuite à concurrence de RM 100 000
($E.-U. 28 000) ainsi qu’un rabais de 25% sur les commissions pratiquées par
la banque sur les chèques de voyage.
Chapitre 4 – La banque islamique destinée aux femmes : étude de cas
47
Az Zahra Mudarabah General Investment Account-i
Le capital versé par le client est investi pour une durée déterminée. Le profit
dégagé est partagé sous forme de dividende entre le client et la banque selon
une RPP préalablement déterminée.
Az Zahra Hire Purchase-i
Selon le concept d’Ijarah Thumma Bai (location- vente), le client peut louer
puis, par la suite, acheter, une voiture. Le client qui achète une voiture d’une
marque haut de gamme bénéficie de conditions de financement attrayantes et
d’une assurance Takaful spéciale. Le montant minimum du financement est
fixé à RM 150 000 ($E.-U. 41 543).
Chez Az Zahra, la section de la banque réservée aux femmes est équipée de
terminaux de bourse et Bloomberg, d’ordinateurs pour consulter Internet, offre
un accès aux médias, des magazines, des quotidiens et des revues, ainsi que de
nombreuses places assises. Qui plus est, les clients dont les dépôts atteignent
au moins RM 50 000 peuvent automatiquement devenir membres d’Az Zahra.
La Az Zahra Privilege Ladies Banking est ouverte à toutes les Malaisiennes.
RHB Islamic vise les RM 22 millions ($E.-U. 6,09 millions) et RM 24 millions
($E.-U. 6,64 millions) de financements de projets et de dépôts, respectivement,
pour la première année d’exploitation d’Az Zahra. Les salons Az Zahra se
trouvent dans ses succursales principales de Kuala Lumpur, Johor et Kelantan.
Des projets d’expansion à d’autres succursales sont à l’examen.
La banque islamique destinée aux femmes dans d’autres pays
Masraty Bank, Bahreïn
En juin 2006, la Bahrain Monetary Agency a autorisé la Abu Dhabi Investment
House (ADIH) à ouvrir la première banque d’investissement islamique
destinée aux femmes, établissement dont le capital social autorisé s’élève à
$E.-U. 1 milliard et le capital libéré à $E.-U. 500 millions.
La banque, qui devait être baptisée Masraty et être basée dans le Port financier
de Bahreïn, ciblait les femmes fortunées de la région, offrant des produits
bancaires et de services de gestion de fortune islamiques.
« Nombreuses sont les banques qui proposent des services bancaires aux
femmes de la région, mais aucune ne leur consacre des services et des produits
d’investissement conçus uniquement pour elles. Pour nous la Masrafy est la
première banque à le faire, laquelle sera dirigée par des femmes expertes en
services bancaires et hautement qualifiées, qui offriront aux femmes l’occasion
de prendre part à l’investissement régional », a déclaré Rashad Yousef Janahi,
Administrateur d’ADIH.
Masraty cible des femmes investisseuses qui ont tendance à s’abstenir d’investir
par manque de confidentialité. Son PDG a déclaré que Bahreïn avait était
choisi car le pays est considéré comme la plaque financière de la région et
48
Chapitre 4 – La banque islamique destinée aux femmes : étude de cas
le centre de la finance islamique. Et d’ajouter que ces dernières années, les
femmes ont joué un rôle de premier plan dans les secteurs financiers et dans les
milieux d’affaires, des études menées ayant montré que les femmes de la région
détenaient des fonds d’une valeur de $E.-U. 38 milliards.
Masraty s’est associée à des banques internationales pour offrir des services
de gestion d’actifs et d’autres services bancaires. La banque a aussi l’intention
de s’associer à d’autres institutions pour la gestion des risques et d’adopter des
pratiques de gouvernance d’entreprise. Les actionnaires de Masraty sont des
particuliers fortunés et des institutions financières telles la Qatar Islamic Bank
et la Kuwait Investment Company.
Emirates Islamic Bank, Émirats arabes unis
En juin 2007, la Emirates Islamic Bank (EIB) a lancé Al Reem, un service
bancaire spécialisé dédié aux femmes. Le personnel d’Al Reem est exclusivement
féminin, la banque offre des salons et des zones de service privés, un rabais sur
ses produits bancaires, des rabais dans ses points de vente de détail, une carte
de débit à puce, un chéquier personnalisé, un programme d’assistance routière
et des invitations à assister à des manifestations sociales réservées aux femmes.
Autres débouchés
Avec la demande croissante de finance islamique et l’augmentation du nombre
des femmes qui travaillent et ont de l’argent, la banque islamique destinée aux
femmes recèle encore des débouchés considérables.
Toutefois, pour aller de l’avant sur cette voie, l’accent ne devrait pas uniquement
être mis sur les populations les plus aisées. Les groupes aux revenus et à
l’épargne plus modestes offrent aussi des débouchés et pourraient suivre
l’exemple de la Banque Grameen, établissement pionnier du microcrédit dans
les pays en développement. Son fondateur, le Professeur Muhammad Yunus,
s’est vu décerner le Prix Nobel de la Paix en 2006. Le succès de la Banque
Grameen et de ses services financiers offerts aux pauvres des zones rurales a
conduit d’autres institutions financières à offrir des dispositifs semblables. La
plupart des emprunteurs de la Grameen étant des femmes, le potentiel offert
par les moins fortunés semble considérable pour les banques islamiques.
Partie II
UTILISER LA FINANCE
ISLAMIQUE
Introduction
La banque islamique, bien qu’encore modeste de par sa taille et son offre, est
en pleine évolution et enregistre une croissance rapide. Le marché des produits
financiers islamiques a progressé de plus de 20% par an2 en 2007 et 2008.
Le montant total des avoirs des banques islamiques était estimé à environ
$E.-U. 580 milliards3 fin 2007; $E.-U. 300 milliards supplémentaires étaient
investis dans des fonds de placement islamiques; et le marché des Sukuk et
des obligations islamiques représentait plus de $ E.-U. 100 milliards d’avoirs4.
La croissance de ce secteur est essentiellement due à deux facteurs.
Premièrement, l’augmentation de la population musulmane et le renouveau de
la foi qui ont tiré la demande interne vers le haut. Deuxièmement, le soutien
croissant de gouvernements clefs tels ceux du Bahreïn et de la Malaisie dont
les cadres réglementaires bien structurés ont permis l’incubation de nouveaux
instruments financiers islamiques pour répondre aux besoins des clients et des
entreprises dans le respect des règles de la charia.
À la fin du vingtième siècle, un certain nombre de banques ont commencé
à offrir des produits financiers islamiques dans des pays musulmans et
occidentaux. La finance islamique s’est toujours beaucoup attachée à soutenir
le financement des importations et des exportations. Un certain nombre de
banques conventionnelles dotées de guichets islamiques de même que des
institutions islamiques indépendantes proposaient ces services. Aujourd’hui, il
n’est pas rare que des banques conventionnelles de marchés clef tels le Bahreïn
ou la Malaisie offrent des services islamiques parallèlement à des produits
conventionnels pour satisfaire les exigences de leurs clients musulmans.
Au cours de la décennie écoulée, l’activité dans le secteur de la finance
islamique n’a cessé de s’intensifier dans les pays du CCG et en Asie du sud-est
(de manière notable au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est,
ANASE). Rien que dans le Golfe, plusieurs nouvelles banques islamiques ont
vu le jour et plusieurs banques conventionnelles se sont converties ou sont en
train de le faire5.
Cette partie de la publication propose une introduction aux produits bancaires
islamiques et une comparaison avec ses homologues. Elle passe en revue les
principes de la finance et de la banque islamiques, y compris les instruments
et méthodes actuellement utilisés par les institutions bancaires et financières
islamiques pour le financement du commerce. La publication se veut un guide
pour les dirigeants de micro, petites et moyennes entreprises à la recherche de
solutions alternatives pour répondre à leurs besoins de services bancaires.
2
3
4
5
« Gulf Islamic banks resilient amid global credit woes », www.moodys.com, 30 novembre 2008.
Asian Banker, 26 août 2009.
Les chiffres relatifs aux actifs bancaires et aux avoirs des fonds de placement proviennent de
Islamic Finance Briefing, présenté par PricewaterhouseCoopers le 11 décembre 2007 à Jakarta,
Indonésie; les données relatives aux avoirs en Sukuk se fondent sur des statistiques recueillies
par SHAPE™ et présentées sur www.ifis.com.
À titre d’exemple, la Bank Al Jazeera (Arabie saoudite), la Charia Islamic Bank, la Dubai
Bank et la Kuweit International Bank qui étaient toutes des banques conventionnelles sont
à présent devenues des banques islamiques. La Bank of Kuwait and the Middle East est en
train de se convertir à la banque islamique.
Chapitre 5
Finance islamique : en quoi consiste-elle et où est-elle
disponible pour les PME?
Les décideurs politiques et les banquiers du monde entier se concentrent
de plus en plus sur les micro, petites et moyennes entreprises. Dans le
secteur islamique, la Banque islamique de développement (BID) déploie des
efforts considérables pour favoriser le développement du secteur des micro
entreprises et des PME ainsi que de leurs exportations. Ces efforts passent
par la promotion de séminaires, de formations et de missions d’experts
destinés à renforcer les capacités du secteur. Elle finance aussi les garanties et
l’assurance à l’exportation. La BID compte trois filiales importantes au service
de ce secteur : la Société internationale islamique de financement du commerce
(SIFC), la Société islamique pour le développement du secteur privé (SID) et la
Société islamique d'assurance des investissements et des crédits à l'exportation
(SIACE). Chacune des filiales de la BID a lancé des programmes dans tous les
États membres de la BID.
En règle générale, la BID ne travaille pas en contact direct avec les entreprises.
Elle tire parti des institutions financières et caritatives existantes, y compris
des organismes publics, qui ont une connaissance de première main du marché
local. Ces institutions n’ont pas l’expérience de la finance islamique de la BID
et ont besoin de ses ressources financières pour servir leurs mandants et leurs
clients.
De nombreux intermédiaires sont associés à la fourniture de services de
finance islamique, et ils ne travaillent pas tous avec des organismes publics
ou la BID. Les établissements de microfinance et les coopératives spécialisés
constituent d’importantes sources de crédit pour de nombreuses économies
émergentes. Ces sociétés qui sont en première ligne sont bien placées dans les
pays tels que l’Égypte, le Maroc, le Nigéria et le Soudan. Les établissements
de microfinance et les coopératives manquent souvent de ressources en
comparaison des banques de plus grande taille6. Ils ont donc commencé à se
tourner vers les fonds Zakat et Sadaqat proposés par les ONG telle la GrameenJameel (www.grameen-jameel.com).
La Grameen-Jameel est une organisation unique qui fournit une assistance
financière aux entités œuvrant pour le développement en Égypte, au Maroc
et en Tunisie et avec elles. Les institutions financières autres que bancaires et
les banques commerciales sont aussi de plus en plus nombreuses. Bien que les
micro-entreprises et les PME clientes de nombreux marchés émergents soient
connues pour rembourser leurs dettes, ce n’est que récemment que le secteur
– importante source d’emplois et de richesse – a commencé à susciter l’intérêt
6
Les grandes banques ne financent souvent pas les micro-entreprises et les PME.
Chapitre 5 – Finance islamique : en quoi consiste-elle et où est-elle disponible pour les PME?
53
des banques conventionnelles. Du fait de leur approche de la responsabilité
sociale, nombre de banques islamiques se sont spécialisées dans les microentreprises et les PME, ou se sont dotées de fonds à but caritatif destinés à ce
secteur. Pour finir, la clef du succès des nouvelles banques islamiques telle la
First Community Bank du Kenya tient précisément dans ce secteur.
Les principes qui régissent la banque islamique tirent leur origine du Coran (le
Livre saint de l’Islam) et des Sunna ou Hadith (paroles et actes du Prophète
Mahomet). La banque islamique renvoie à un système au sein duquel les
transactions financières sont menées conformément aux principes de la charia.
Bien qu’apparentée à un système juridique, la charia est appliquée comme
un système de valeur sur la plupart des marchés qui proposent des banques
islamiques. La plupart des pays appliquent en effet un code civil inspiré des
Français ou une adaptation de la common law britannique. Cette infusion
réussie des valeurs islamiques dans des systèmes juridiques établis est
importante, étant donné qu’elle atteste du fait que les pratiques décrites dans
ce livre peuvent, de toute évidence, être suivies dans quelque régime juridique
que ce soit, et pas uniquement dans les pays musulmans. La charia peut être
considérée comme un moyen de multiplier les activités commerciales déjà
présentes dans les systèmes juridiques hôtes, mais qui sont moins nombreuses
que celles qu’acceptent traditionnellement les banques et les banques
d’investissement. La finance islamique ne demande donc pas à jouir de plus de
droits que les banques conventionnelles, tout au contraire : elle accepte d’en
avoir moins.
Le système bancaire basé sur la charia et le système bancaire conventionnel
se distinguent essentiellement par le fait que le premier applique les principes
moraux de la charia aux transactions financières. La ligne de conduite morale
la plus importante est l’interdiction de l’intérêt ou ribâ. Il est entendu que
les dépôts et prêts traditionnellement porteurs d’intérêts sont interdits, et
que le change de devises est soumis à des restrictions très claires, y compris
l’interdiction des contrats de change différé.
Outre le ribâ ou intérêt, le concept de la gharar est à bannir ou à éviter dans
la mesure du possible. La gharar est une forme d’incertitude contractuelle ou
commerciale, une ambigüité qui sape les droits d’une des parties contractantes,
rendant difficile la prise de toute décision commerciale par la partie en
question. Dans les transactions financières islamiques, des contrats de vente
et de partage des profits et pertes sont utilisés. La volonté de réduire la gharar
pour la ramener à un niveau acceptable s’apparente aux prescriptions en
matière de divulgation imposées par de nombreux pays pour les prêts à la
consommation ou les ventes de titres.
Par ailleurs, les règles de la charia interdissent l’investissement dans les
marchandises ou les services prohibés par l’Islam. En général, un produit ou
un service est considéré comme haram (moralement répréhensible) s’il viole
une règle coranique claire. À titre d’exemple, le Coran interdit le commerce
de l’alcool, de stupéfiants, de porc, d’intérêts, de matériel pornographique, de
certaines formes de divertissement et d’accueil, etc. Le portefeuille d’activités
des institutions islamiques est, de ce fait, très différent de celui des banques
conventionnelles.
54
Chapitre 5 – Finance islamique : en quoi consiste-elle et où est-elle disponible pour les PME?
Pourquoi les responsables de micro-entreprises et de PME devraient-ils envisager de se tourner
vers la banque islamique?
Nombreux sont ceux qui pensent que le financement des micro-entreprises et des PME est un marché de niche
logique pour la banque islamique étant donné qu’il concerne l’économie réelle, crée des emplois, implique l’utilisation
productive des ressources, en particulier du capital et des finances, et qu’il contribue à l’allègement de la pauvreté.
Nombreux sont les investisseurs, y-compris non musulmans, qui sont attirés par la finance islamique parce qu’elle
défend des valeurs éthiques et morales. La finance islamique est souvent comparée à l’investissement socialement
responsable, aussi appelé investissement durable ou éthique. L’investissement socialement responsable vise à
maximiser tant les rendements financiers que les comportements socialement responsables ou éthiques. À titre
d’exemple, la finance islamique et l’investissement socialement responsable interdisent tous deux les opérations
commerciales en rapport avec la pornographie, les jeux de hasard, l’alcool et la fabrication d’armes.
La banque islamique prône aussi l’esprit d’entreprise et le partage des risques. Pour ce qui est du partage des
profits dans le cadre d’un projet financé, ce n’est pas uniquement l’entrepreneur qui assume les risques, le bailleur
de fonds et le bénéficiaire partageant les profits/pertes réels ou nets. Les principes de l’équité et de la justice exigent
que le fruit du projet soit équitablement partagé entre les deux parties. Si le bailleur de fonds escompte revendiquer
une partie des profits dégagés par le projet, il doit aussi assumer une partie équivalente des éventuelles pertes liées
au projet.
Pour les micro-entreprises et les PME à la recherche de financements, la banque islamique peut être une solution.
Principales distinctions entre la banque islamique et la banque
conventionnelle
La banque islamique est régie par des règles commerciales islamiques appelées
fiqh al Muamalat. Les interdictions énoncées dans ces règles ont une incidence
sur la gestion des opérations et de la trésorerie dans les banques islamiques. Cet
ensemble de règles fondamentales s’applique aux Sarf (échanges monétaires).
À titre d'exemple, si quelqu'un souhaite prêter de l'argent, la charia stipule
que le prêt est destiné à aider celui qui le contracte et ne doit pas dégager de
bénéfice pour celui qui l'accorde. Le prêt d'argent ne peut donc pas être porteur
d'intérêt.
Il en va généralement de même des garanties bancaires de paiement. En un
sens, une garantie est une promesse de verser de l’argent à une date ultérieure
et peut être interprétée comme un engagement de prêt. La commission prélevée
est alors considérée comme une forme d’intérêt. D’un autre côté, la garantie est
un moyen d’aider une tierce personne et ne devrait normalement pas donner
lieu à une compensation7.
Les activités de la banque conventionnelle impliquant des prêts étant prohibées
par les règles de base de la charia, le crédit et l’investissement sont offerts
aux clients par le biais de contrats de vente, de crédit-bail/location-vente,
de comptes d’agence et de partenariats. Dans le cas du premier groupe de
contrats – ventes et crédit-bail/location-vente – l’issue du contrat est prévisible
et permet de facturer un prix fixe au client. L’issue des contrats d’agence et
de partenariat est incertaine; ils permettent le partage des pertes et profits
7
Il n’en demeure pas moins que les garanties se prêtent à de nombreuses interprétations et
structures différentes qui débouchent sur des décisions variées selon les jurisconsultes de la
charia.
Chapitre 5 – Finance islamique : en quoi consiste-elle et où est-elle disponible pour les PME?
55
découlant de l’opération8. Tel que décrit plus bas, ces transactions peuvent
servir les micro-entreprises et les PME. Les règles du Sarf ont également pour
conséquence de limiter les ventes à terme de devises.
Du fait de ces différences conceptuelles entre la banque islamique et la banque
conventionnelle, la banque islamique a tout d’une institution de partage des
bénéfices, ou d’une banque d’affaires reposant essentiellement sur les contrats
de vente. Ces caractéristiques peuvent être attrayantes pour les clients des
banques, notamment pour le financement des transactions commerciales.
Dépôts
Dans une banque conventionnelle, les dépôts représentent l’emprunt de la banque
auprès de ses clients ou d’autres banques (voir figure 14). Parmi les instruments
de dépôt courants figurent les comptes chèque, les comptes d’épargne et les
comptes de marché monétaire, les comptes à terme et les certificats de dépôt.
L’intérêt à verser par la banque est fonction de la durée du dépôt. Normalement,
plus le dépôt est long, plus l’intérêt versé est élevé. Les comptes chèque et
les comptes de dépôt ne sont généralement pas porteurs d’intérêt. Certaines
institutions financières proposent malgré tout des comptes chèques porteurs
d’intérêt subordonnés au maintien d’un solde minimum donné. Les comptes
d’épargne et les dépôts à échéance (comptes à terme et certificats de dépôt) sont
porteurs d’un taux d’intérêt fonction de la durée du dépôt.
À l’inverse, le financement d’une banque islamique passe par des dépôts,
des quasi-dépôts et des comptes d'investissement avec partage des bénéfices
(CIPB). Un dépôt étant un prêt, il ne peut donner lieu à une rémunération
contractuelle. Les banques islamiques offrent généralement des comptes
wadiah qui incluent des comptes chèque et des comptes courants. Les comptes
wadiah individualisés ne sont porteurs d’aucun intérêt.
S’agissant des comptes d’épargne et à terme, certaines banques islamiques
reçoivent des dépôts en tant que wadiah, auquel cas ils ne sont porteurs
d’aucun rendement contractuel. Mais les banques islamiques demandent aux
Figure 14.
Relation entre la banque et le déposant dans une banque conventionnelle
Étape 2
Étape 1
Emprunteurs
Déposants
(prêteurs)
Assurance des dépôts
Dépôts garantis
Paiements
Nantissement
1. Les déposants effectuent un dépôt auprès de la banque et leur argent est garanti à l’aide d’une
assurance adossée à un système de cautionnement, lorsqu’il en existe dans le pays.
2. La banque investit ou prête l’argent à des emprunteurs, les deux relations étant indépendantes
l’une de l’autre.
8
Le partage des profits repose sur une clé de répartition des bénéfices convenue d’un commun
accord, les pertes étant supportées en proportion du capital initial versé.
56
Chapitre 5 – Finance islamique : en quoi consiste-elle et où est-elle disponible pour les PME?
déposants l’autorisation d’utiliser l’argent mis en dépôt pour faire travailler
la banque. Cette disposition est stipulée dans le contrat de dépôt. À partir de
là, si la banque réalisé un bénéfice, elle peut choisir de verser en retour une
somme d’argent au déposant sous forme de hiba ou don.
L’important est que le don n’est pas contractuel et le déposant n’a aucun droit
sur les bénéfices réalisés, même si la banque est très rentable. À l'inverse, si la
banque perd de l’argent, le contrat de wadiah est en substance un contrat de
conservation, et la banque doit restituer au client l’intégralité de la somme
déposée.
La Wakala ou les comptes d’agence sont une nouvelle tendance parmi les
banques islamiques. Ils s’apparentent aux dépôts en ce sens que le client
n’investit pas dans la banque, mais mandate la banque pour employer l’argent
du client dans des transactions rentables. Il peut s’agir de crédits-bails/locationsventes, de ventes ou d’autres opérations bancaires. Dans le cas de comptes
d’agence, l’argent appartient au client et doit lui être restitué. Ce dernier court
néanmoins un risque de perte si l’opération dans laquelle la banque a investi
l’argent subit des pertes. On peut donc estimer qu’il s’agit là qu’un quasi-dépôt.
Plusieurs banques centrales de premier plan, notamment celles de Bahreïn
et du Koweït ont approuvé les dépôts Wakala pour les consommateurs et les
entreprises.
Les banques islamiques utilisent habituellement une forme de dépôt appelée
Moudaraba. Il s’agit d’une technique de CIPB. Le client investit au côté de
la banque, laquelle assure la gestion de l’argent du client. La banque fixe
généralement une clé de répartition des bénéfices, lesquels, le cas échéant, sont
fonction des performances des fonds investis.
À titre d’exemple, un dépôt sur CIPB investi dans des opérations de crédit-bail/
location-vente peut dégager un rendement intéressant moyennant un risque
modéré. À l’inverse, le même dépôt investi dans l’achat et la vente de matières
premières dans un environnement dénué de risque peut dégager un rendement
Figure 15.
Relation entre la Mudarabah9 et le CIPB dans une banque islamique
Étape 1
Étape 2
Investissement
conjoint
Titulaires
de CIPB
RPP
Rendement
1. Le déposant investit au côté d’une banque islamique.
2. Les éventuels bénéfices sont partagés selon la clé de répartition établie.
CRÉDIT-BAIL/
LOCATION-VENTE
CRÉDIT-BAIL/
LOCATION-VENTE
Chapitre 5 – Finance islamique : en quoi consiste-elle et où est-elle disponible pour les PME?
57
très modeste et n’impliquer pour ainsi dire aucune perte. Ces comptes sont
très semblables à des prises de participation.9
La Wakala et le CIPB sont souvent garantis par les réserves spéciales des
banques islamiques. Ces réserves sont conçues pour protéger les déposants
contre le « risque commercial déplacé ». Elles sont souvent appelées provisions
pour égalisation des bénéfices (PER) et provisions pour risques liés aux
investissements (IRR). Dans les pays où cela est permis, la banque peut puiser
dans les PER pour améliorer les rendements si la banque islamique affiche
un rendement inférieur à celui du marché. Si la banque islamique affiche une
perte, elle peut alors puiser dans les IRR pour couvrir les titulaires de CIPB et
de comptes Wakala. Toutes les banques islamiques ne constituent pas ces types
de réserves. Cependant, lorsqu’elles le font, ces comptes de partage des risques
s’apparentent alors à des comptes de dépôt conventionnel du fait des réserves
constituées. Ces réserves étant limitées, en cas d’épuisement le titulaire de
compte court un risque de perte.
Les comptes qui financent une banque islamique et les dépôts des banques
conventionnelles étant structurés de manière très différente, le profil de
risque et de liquidité de la banque islamique diffère de celui d’une banque
conventionnelle. Le titulaire de compte d’une banque islamique peut, en effet,
être contractuellement exposé à un risque de perte de son capital. La banque
islamique se doit donc de redoubler de précautions dans sa prise de risque, faute
de quoi ses titulaires de comptes risquent de prendre la poudre d’escampette
lorsque les résultats seront médiocres ou que la banque essuiera des pertes.
Le prêt par opposition au crédit et à l’investissement
Contrairement à la banque conventionnelle, l’islam interdit le prêt d’argent
contre une somme d’argent majorée ou assortie d’un intérêt. Tout comme la
banque islamique diffère de la banque conventionnelle quant à la manière
dont elle obtient des fonds sur le marché, elle utilise également les fonds à
sa disposition de manière totalement différente. Au lieu de prêter l’argent
emprunté à un taux de rémunération ou à un taux d’intérêt fixe, la banque
islamique réalise des transactions commerciales basées sur des ventes, des
comptes d’agence ou des partenariats. Ainsi, la banque ne fait pas commerce
d’argent moyennant un bénéfice. Elle doit en revanche assumer un risque
industriel ou lié aux actifs sous-jacents à ses transactions. Ses clients potentiels
doivent donc viser un objectif précis. Les différentes méthodes clés de la
finance islamique pour les micro-entreprises, les PME et le financement des
exportations sont examinées au chapitre 6. Bien qu’essentiellement orientés
vers les micro-entreprises, les PME et le financement du commerce, les
exemples donnés peuvent aussi s’appliquer aux secteurs du commerce de détail
et aux grandes entreprises.
Les conditions d’octroi et la structure des opérations de crédit sont différentes
dans les banques islamiques et dans les banques conventionnelles. Dans
une banque conventionnelle, pour pouvoir prétendre bénéficier des services
offerts, l’emprunteur doit avoir une bonne cote de crédit. C’est la capacité
de remboursement du prêt (ratio d’endettement) qui détermine généralement
le montant du prêt (ligne de crédit). Des garanties ne sont pas toujours
nécessaires. La somme versée et les modalités de remboursement dépendent
9
Le résultat obtenu serait similaire avec un CIPB Wakala.
58
Chapitre 5 – Finance islamique : en quoi consiste-elle et où est-elle disponible pour les PME?
de la solvabilité et du risque que représente l’emprunteur. À titre d’exemple,
un emprunteur dont la cote de crédit est faible peut devoir acquitter un taux
d’intérêt plus élevé qu’un emprunteur dont la cote est meilleure et le ratio
d’endettement plus favorable.
En outre, le terme du prêt a une incidence sur le montant à rembourser par
l’emprunteur. Par ailleurs, le remboursement tardif donne lieu à des pénalités
et certains prêts permettent au prêteur de relever le taux d’intérêt pratiqué
pour l’emprunteur à mi-parcours dans certaines conditions. À titre d’exemple,
si un emprunteur rembourse une ligne de crédit de carte de crédit en retard, le
prêteur peut relever le taux d’intérêt et appliquer une pénalité, ce qui revient à
augmenter le capital nominal du prêt initialement accordé. Certaines banques
ont même des grilles de majoration des taux qui pénalisent les emprunteurs
en relevant régulièrement le taux d’intérêt si l’emprunteur manque un ou
plusieurs paiements.
Le tableau ci-dessous contient une comparaison de la notion de crédit en
vigueur dans les banques islamiques et dans les banques conventionnelles.
Banques islamiques et conventionnelles : comparaison de la notion de crédit
Notion de crédit
Banque islamique
Banque conventionnelle
Argent
Moyen de réaliser une transaction
Objet de la transaction
Marchandises ou bien
Objet de la transaction
Garantie
Ventes
Moyen de dégager un bénéfice
Sans objet
Partenariat
Moyen de réaliser un investissement, risque
de perte liée à la pratique normales des
affaires
Normalement sans objet
Agence
Moyen de réaliser un investissement, risque
de perte liée à la pratique normales des
affaires
Normalement sans objet
Bénéfice et partage des
bénéfices
Aboutissement d'une vente, d'un crédit-bail/
location-vente, d'un partenariat ou d'un
contrat d'agence
Interdit sauf si lié à un intérêt ou une
commission
Bénéfice ou intérêt garanti
Interdit
Visant le profit
Dans les banques islamiques, les critères retenus comprennent les analyses
de crédit classiques telles le taux d’endettement et la solvabilité du client.
Mais étant donné que la banque islamique ne prête pas d’argent, la relation
commerciale entre la banque et le client doit avoir un objectif précis. À titre
d’exemple, le client potentiel doit avoir besoin d’acquérir un actif (une voiture,
une activité commerciale, etc.) ou de se procurer un financement en rapport
avec cet actif. La banque islamique opte alors pour une transaction basée sur
une vente, un contrat d’agence, ou un partenariat pour financer le client. Ces
modes de financement, ancrés dans les pratiques de financement du commerce
préislamiques, diffèrent de manière significative des prêts conventionnels tant
dans leur approche que dans les risques qu’elles impliquent, même si leurs
résultats économiques sont assez similaires.
À titre d’exemple, si le financement demandé porte sur des marchandises
destinées à l’exportation, alors le financement peut reposer sur un instrument
appelé Istisna (financement de la fabrication ou de la construction d’un bien).
Au titre de cet instrument, la banque peut s’engager par contrat à fabriquer
et à vendre le bien au client. Les paramètres économiques peuvent être très
Chapitre 5 – Finance islamique : en quoi consiste-elle et où est-elle disponible pour les PME?
59
semblables à ceux d’un prêt à l’exportation, mais la banque assume un risque
bien plus grand en tant que vendeur du projet que dans le cas d’un prêt à
l’exportation conventionnel.
Observations finales
Les modèles de banque et de finance islamiques varient quelque peu selon les
régions, mais ces variations n’ont guère d’incidence sur la réelle différence qui
existe entre la banque conventionnelle et la banque islamique. Le principe qui
sous-tend la finance islamique est celui du partage des risques, des pertes et
des bénéfices. C’est en cela qu’elle est à l’opposé de la banque conventionnelle
dont les risques sont uniquement des risques de crédit.
Chapitre 6
Produits clés et comparaison avec leurs équivalents
conventionnels
Les produits couramment utilisés en finance islamique comprennent les
contrats de vente tels la Mourabaha (vente à prix majoré), le crédit-bail/locationvente (Ijara), le Salam (vente différée) et l’Istisna (contrat de construction ou
de fabrication). Ils incluent aussi la Wakala (contrat d’agence), la Moucharaka
(coentreprise ou partenariat), et la Moudaraba (partenariat géré). Ces
contrats sont utilisés pour gérer les processus de crédit et d’investissement.
Ils s’accompagnent souvent d’un engagement ou d’une promesse qui reflètent
la préférence pour le risque de crédit par opposition au risque lié à l’actif
sous-jacent. Le présent chapitre étudie chacun de ces instruments sur la base
d’exemples concrets, présentés sous forme de textes et d’illustrations, et montre
comment ils cadrent avec la banque islamique. Tous ces instruments ont été
testés dans des micro-entreprises et des PME et ils peuvent tous être utilisés
pour le financement d’opérations commerciales.
Mourabaha (vente à prix majoré)
Contrat le plus courant dans les banques islamiques, la Mourabaha est une
vente dans le cadre de laquelle le coût et le bénéfice du vendeur sont divulgués
à l’acheteur. Dans certains pays, cette pratique est autorisée par la législation
qui régit les banques islamiques. Dans d’autres pays, les banques y recourent au
titre de leurs attributions en matière de crédit à tempérament car il peut être
utilisé comme un contrat de vente à tempérament au titre duquel la banque
s’en remet au client qui agit en tant que mandataire chargé de l’achat.
Les banques islamiques modernes recourent à plusieurs variantes courantes
du contrat de Mourabaha. Il s’agit notamment de la Mourabaha simple, de
la Mourabaha d’agence, de la Mourabaha sur commande, du Tawarruq et du
Bai al Inah. Ces variantes sont largement utilisées pour le financement des
transactions commerciales et à l’exportation. La Mourabaha d’agence et la
Mourabaha sur commande sont couramment utilisées pour le financement
des transactions commerciales alors que la Mourabaha simple est souvent
utilisée pour le financement des exportations en compte ouvert. Chacun de
ces concepts est décrit dans le présent chapitre à l’aide d’exemples portant sur
des micro-entreprises et des PME en situation.
Dans toutes les transactions de Mourabaha, les parties sont le mandant ou
le vendeur de la marchandise (il s’agit généralement d’une banque islamique),
l’utilisateur final ou l’acheteur de la marchandise étant généralement un
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
61
client à la recherche d’un crédit. C’est habituellement le client qui s’adresse
à la banque islamique pour obtenir un financement. Cette dernière achète la
marchandise demandée par le client, lequel est informé du coût pour la banque
et accepte un prix d’achat à la banque qui inclut la marge bénéficiaire de la
banque et qui est communiquée au client.
En théorie, ces transactions s’accompagnent de garanties de manière à limiter
le risque de perte pour la banque. Bien que la banque soit habilitée à saisir les
marchandises ou autres garanties en cas de défaut de paiement, elle ne peut
pas – selon les règles de la Charia – appliquer une pénalité pour couvrir le coût
du financement en cas de remboursement tardif. Le contrat de Mourabaha
arrive à échéance lorsque le client a effectué tous les versements dus au titre du
remboursement au mandant (la banque islamique).
Bien que la Mourabaha « de base » puisse créer du crédit à terme, elle n’a
rien d’un prêt conventionnel au titre duquel le client reçoit des liquidités pour
acheter un bien. Dans le cadre d’une Mourabaha de base, l’intermédiaire
financier achète les marchandises et les revend au consommateur moyennant
un prix majoré et réglé à tempérament. La vente est immédiate, ni éventuelle
ni subordonnée à un événement futur. Le contrat de vente ne peut contenir
aucune disposition pour imprévu, pas même de réduction de prix en cas
de remboursement anticipé10. Cette intervention du financier en tant que
négociant dans l’achat et la vente permet de légitimer l’opération de crédit
aux yeux de la loi islamique dans le contexte bancaire. Contrairement à un
prêt conventionnel, le financier assume ici parfois certains risques entre l’achat
et la vente. De par sa nature, la Mourabaha est largement utilisée pour les
financements à l’importation et à l’exportation.
Pour qu’une vente soit valable, plusieurs conditions préalables doivent être
remplies. Pour commencer et avant tout, l’objet de la vente doit être autorisé
par la charia. Il doit aussi déjà exister au moment de la vente (à certaines
exceptions près abordées plus loin en ce qui concerne le Salam et sa cousine
l’Istisna) et appartenir au vendeur. Il peut être détenu par un mandataire ou
pour le compte du vendeur. Ensuite, il doit donner lieu à l’établissement d’un
contrat comprenant au minimum une offre à un prix donné, et une acceptation
de l’offre11. Comme pour la banque conventionnelle, un contrat écrit est établi
dont il peut exister de nombreuses variantes.
Si les marchandises sont définies et existent, la vente peut être assortie de
conditions raisonnables comme leur livraison à un endroit précis et dans un
délai donné. Dans ce cas là, la vente est immédiate, instantanée et absolue12.
Tous les contrats de vente islamiques s’accompagnent d’une disposition qui
permet à l’acheteur de contrôler l’objet du contrat. S’il constate un défaut, il
est en droit de rejeter la marchandise ou d’en renégocier le prix.
10 La question fait débat car, sur certains marchés, les organismes de réglementation exigent
que l’acheteur qui rembourse un crédit Mourabaha avant son terme soit informé du rabais de
prix qui en découle.
11 Le titre de propriété peut être enregistré comme cela est fréquemment le cas pour un bien
réel, une maison, une voiture et tout autre bien personnel de taille. Il peut aussi être en nuepropriété comme dans le cas d’une possession légitime.
12 Muhammad Imran Ashraf Usmani, Meezan Bank’s Guide to Islamic Banking (Karachi, Darul
Ishaat, 2002), p. 76.
62
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Principales distinctions
Le contrat de Mourabaha se distingue du prêt d’argent classique sur quatre
points :
J
Le banquier, en tant que vendeur au titre de la Mourabaha, doit, d’une
manière ou d’une autre, être de fait propriétaire du bien, en avoir la
possession de droit, physique ou matérielle;
J
La Mourabaha peut être prolongée. Cette extension ou ce renouvellement
ne peut pas entraîner une augmentation du prix ou du bénéfice pour le
vendeur. Il s’agit là de la règle de base du ribâ qui interdit au créancier
d’offrir un report supplémentaire du paiement contre davantage d’argent;
J
Si le paiement est effectué en retard, aucun intérêt de retard ne peut être
imposé par le créancier13;
J
La plupart des jurisconsultes de la charia n’apprécient guère les ventes
nettes, les rabais dans les ventes ou les escomptes pour paiement
anticipé lorsqu’ils sont prévus dans le contrat. Mais ils ne voient pas
d’inconvénient à ce que le financier décide d’accorder un escompte/
rabais14.
Mourabaha simple
Le propriétaire d’une petite entreprise qui exporte des denrées alimentaires
issues de l’agriculture biologique au Kenya a besoin de K Sh 6 millions (environ
$E.-U. 75 700) pour acheter une nouvelle moissonneuse. L’entreprise possède
10 moissonneuses, toutes couvertes par un prêt hypothécaire, ainsi qu’un
garage, lui aussi grevé d’hypothèque. Le propriétaire est en activité depuis
plus de 10 ans et bénéficie d’une bonne cote de crédit pour avoir toujours
effectué les remboursements dus aux fournisseurs et grâce à la valeur de son
patrimoine, mais ses réserves liquides sont faibles (il n’a pas suffisamment
d’argent pour acheter une moissonneuse supplémentaire).
Si le propriétaire de l’entreprise s’adresse à une banque islamique, il peut
conclure un contrat de Mourabaha, et ce de la manière suivante :
J
La banque achète la moissonneuse directement auprès du négociant.
J
La banque propose la moissonneuse au client.
J
Le client contrôle la moissonneuse et accepte l’offre.
J
La banque livre la moissonneuse.
J
Le client rembourse à tempérament moyennant une hypothèque sur ses
biens personnels ou un autre type de mise en gage.
13 Bien que certaines banques islamiques imposent des pénalités de retard, celles-ci sont
reversées à des œuvres caritatives pour le compte du client. Elles ne constituent pas pour
la banque une forme de revenu, mais un moyen d’encourager les clients à payer en temps et
heure.
14 Usmani, op. cit., p. 130.
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Figure 16.
63
Murabahah simple
Entrepreneur
Étape 1 : L’entrepreneur cherche
un financement auprès d’une
banque islamique
Étape 3 : La banque islamique vend
la moissonneuse à l’entrepreneur
à un prix majoré d’un bénéfice et
moyennant des remboursements
à tempérament et une mise en gage
Banque
islamique
Étape 2 : La banque
islamique achète
la moissonneuse
K Sh 6 millions
Coût majoré: K Sh 6 millions
plus le bénéfice de la banque
Négociation
et achat
Coût divulgué au client
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
La Mourabaha simple est un instrument attrayant pour les
entreprises. Pour l’entrepreneur, elle possède en effet la même
dynamique que le prêt conventionnel en termes de crédit. Le
crédit prend la forme d’un contrat de vente inconditionnelle,
ce qui signifie que la banque ne peut en modifier le prix si
elle décide d’accorder un délai de remboursement plus long
au client, pas plus qu’elle ne peut lui appliquer de pénalité de
retard.
Inconvénients : Pour de nombreuses entreprises exportatrices, cette méthode ne
permet pas d’obtenir des liquidités et elle porte nécessairement
sur un actif.
Autres utilisations possibles de la Mourabaha simple
Dans certains cas, le client peut obtenir des fonds en vendant sa production à
la banque au moment de la récolte. Le client dispose alors de liquidités, et la
banque revend la récolte à l’acheteur à l’exportation du client. Ce procédé ne
permet pas d’obtenir un financement à l’exportation, mais permet effectivement
de créer un financement économiquement équivalent à l’escompte de créances
à recevoir. Dans ce cas là, la banque peut demander au client de garantir le
paiement de l’acheteur en l’absence de lettre de crédit import ou d’un autre
nantissement pour la vente à terme de la banque. La banque peut demander
une garantie du crédit à l’exportation auprès de la Société islamique d’assurance
des investissements et des crédits à l’exportation (SIACE).
Mourabaha d’agence
La Mourabaha d’agence est fréquemment utilisée pour le financement des
importations. Une relation acheteur- vendeur a, en effet, été créée, qui fait que
la banque peut plus facilement offrir un crédit au client plutôt qu’à l’acheteur
principal, la banque n’obtenant pas nécessairement des conditions aussi
attrayantes que celles obtenues par le client.
64
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
À titre d’exemple, un entrepreneur souhaite acheter du matériel pour son
entreprise de fabrication de luminaires. Ce matériel sera utilisé pour fabriquer
des supports pour panneaux solaires destinés à l’exportation. L’opération
s’apparente à une Mourabaha simple en termes de risque de crédit et en ce qui
concerne le risque général lié à la transaction, mais les différentes étapes qui la
composent sont différentes :
J
Le client s’adresse à une banque islamique pour obtenir un crédit et sa
demande est approuvée.
J
La banque islamique désigne le client en qualité de mandataire, ou
wakeel, pour l’acquisition du matériel.
J
Le client signe alors une promesse d’achat du matériel une fois que la
banque l’aura acheté.
J
Le client, en tant que mandataire de la banque, contrôle et achète la
marchandise directement au négociant. La banque est l’acheteur.
J
La banque propose alors la marchandise au client.
J
Le client renonce à contrôler la marchandise puisqu’il vient de la
contrôler en sa qualité de mandataire pour la banque, et le client accepte
la marchandise.
J
La banque vend la marchandise au client moyennant un prix majoré ou
un bénéfice divulgué.
J
Le client rembourse la banque à tempérament.
Figure 17.
Mourabaha d’agence
Entrepreneur
Banque
islamique
Achats, coût
déterminé
Wakeel
(Entrepreneur)
Négociation et achat
de la marchandise
Entrepreneur
La banque vend la marchandise
au client, le client rembourse
à tempérament
Banque
islamique
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Tout comme dans le cas d’une Mourabaha simple, la
Mourabaha d’agence est un instrument de crédit utile
présentant des caractéristiques semblables à celles d’un prêt
conventionnel pour l’entrepreneur. Là encore, le crédit repose
sur un contrat de vente inconditionnelle, ce qui signifie que la
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
65
banque n’est pas autorisée à modifier le prix si elle accorde un
délai de remboursement plus long au client, pas plus qu’elle ne
peut imposer d’intérêt de retard.
Inconvénients : Pour nombre d’entreprises exportatrices, ce procédé ne permet
pas d’obtenir de trésorerie et porte nécessairement sur un actif.
Autre utilisation possible de la Mourabaha simple
Dans certains cas, le client peut obtenir un financement en vendant sa
récolte à la banque. Le client dispose alors de liquidités, et la banque revend
la récolte à l’acheteur à l’exportation du client. Cette transaction ne permet
pas d’obtenir un financement à l’exportation, mais elle crée un financement
économiquement équivalent à l’escompte de créances à recouvrer. Dans ce cas
là, la banque peut demander au client de garantir la vente. Elle peut obtenir une
garantie de crédit à l’exportation auprès de la Société islamique d’assurance
des investissements et des crédits à l’exportation (SIACE).
Mourabaha sur commande
Certaines banques islamiques sont en relation avec des fournisseurs. Ces
banques peuvent choisir de recourir à une Mourabaha sur commande,
également communément utilisée pour le financement du commerce. Pour
certaines banques islamiques, il s’agit de la méthode de choix pour financer
le commerce car le prix de vente peut permettre de couvrir tous leurs frais
courants liés à l’opération commerciale. Ces frais comprennent les frais
de change et l’émission de lettres de crédit, des frais non autorisés à titre
indépendant.
Les différentes étapes de la Mourabaha sur commande diffèrent de celles de la
Mourabaha d’agence :
J
Le client s’adresse à la banque islamique pour présenter une demande de
crédit qui est approuvée.
J
La banque islamique reçoit une promesse du client ou un bon de
commande qui oblige le client à acheter la marchandise que la banque
va se procurer.
J
La banque achète la marchandise et la propose au client.
J
Le client contrôle la marchandise et l’accepte.
J
La banque annonce son bénéfice au client.
J
Le client rembourse la banque à tempérament dans les délais convenus.
66
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Figure 18.
Mourabaha sur commande
La banque achète
la marchandise,
en établit le coût
Le client passe
commande auprès
de la banque
Banque
islamique
Entrepreneur
La banque vend
la marchandise
au client, et le
client rembourse
à tempérament
Fournisseur
La banque reçoit
la marchandise
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
À l’instar des autres formes de Mourabaha, la Mourabaha
sur commande est un crédit à tempérament présentant les
caractéristiques économiques d’un prêt. Tel qu’indiqué, les
contrats de Mourabaha reposent tous sur le recours à un contrat
de vente inconditionnelle. Le vendeur, dans le cas d’espèce la
banque, ne peut donc pas modifier le prix s’il prolonge la durée
du remboursement, et il ne peut pas imposer d’intérêts de
retard en cas de paiement tardif.
Inconvénients : Pour nombre d’entreprises tournées vers l’exportation,
ce contrat ne permet pas d’obtenir de la trésorerie et est
nécessairement lié à un bien.
Autre utilisation possible de la Mourabaha sur commande
Tout comme avec d’autres formes de Mourabaha, la Mourabaha sur commande
permet à l’exportateur de vendre sa marchandise par le biais de la banque un
peu comme dans le cas d’un escompte. La Mourabaha sur commande a ceci
d’unique que le client vend son produit à la banque au comptant et cède le bon
de commande de l’importateur à la banque. Celle-ci vend alors la marchandise
à l’importateur et donne instruction au fabricant à l’exportation d’expédier la
marchandise. Une fois encore, l’exportateur reçoit des liquidités et la banque
assume le risque de crédit de l’importateur. Comme précédemment, la banque
peut parvenir à atténuer le risque de paiement de l’importateur par le biais
d’une garantie de crédit à l’exportation de la SIACE.
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
67
Mousawama
Il arrive que la banque bénéfice d’un rabais accordé par le vendeur et ne souhaite
pas en informer le client. Dans ce cas là, elle a recours à une Mousawama, un
concept semblable à la Mourabaha si ce n’est qu’avec la Mousawama le prix
de revient n’est pas divulgué à l’acheteur. Pour le reste, les modalités sont les
mêmes que pour la Mourabaha simple ou la Mourabaha sur commande15.
Pour donner un exemple, un fabricant a besoin de chariots élévateurs pour
son usine qui vient d’être agrandie et suite à l’augmentation de sa production
destinée à l’exportation. La Mousawama se déroule presque de la même
manière que la Mourabaha sur commande, à savoir :
J
Le client s’adresse à une banque islamique et présente une demande de
crédit qui est approuvée.
J
La banque islamique reçoit une promesse du client ou un bon de
commande qui oblige le client à acheter les chariots élévateurs.
J
La banque achète les chariots élévateurs et les propose au client.
J
Le client les contrôle et les accepte.
J
Le prix pratiqué par la banque est un prix unique « tout compris » pour
le client.
J
Le client remboursement la banque à tempérament sur la période
convenue.
Figure 19.
Mousawama
Entrepreneur
Étape 1 : L’entrepreneur cherche
à obtenir un financement auprès
d’une banque islamique
Étape 3 : La banque islamique vend
à l’entrepreneur à un prix majoré d’un
bénéfice contre remboursement différé
Coût plus bénéfice
$
Banque
islamique
Étape 2 : La banque islamique
procède à l’achat sur la base
d’un billet à ordre de
l’entrepreneur
Négociation
et achat
Le coût pour la banque et son
bénéfice ne sont pas divulgués
au client
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Le contrat de Mousawama présente les mêmes avantages et les mêmes
inconvénients que la Mourabaha.
15 La Mousawama ne pourrait s’appliquer en cas de Mourabaha d’agence car le client connaîtra
toujours le coût pour la banque avec un achat pour compte de tiers.
68
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Transactions sur devises
Dès lors que la Mourabaha et d’autres transactions islamiques sont des transactions d’import-export, des
questions de couverture et d’opération sur devises se posent. Le client peut alors être appelé à effectuer un achat
dans une devise, sachant que son revenu lui est versé dans une autre devise. Dans l’Islam, les règles applicables
au change de devises permettent au client d’acheter comptant la devise étrangère contre la devise locale. Tout le
problème consiste alors à couvrir les obligations de paiement à terme en devise. Les transactions sur devises doivent
en effet se faire au comptant.
Pour couvrir l’opération, il n’est pas rare que la banque islamique achète une matière première dans la devise
locale, puis la vende sur la base d’une Mourabaha avec paiement différé contre la devise étrangère. Dans ce cas là,
la banque islamique reçoit une somme en devise étrangère donnée au moment où le client doit effectuer le paiement.
À cette date là, il y a vente au comptant de la devise. Il s’agit là d’une des rares opérations de couverture qui
reposent sur la Mourabaha.
Autres utilisations possibles de la Mourabaha pour se procurer un fonds
de roulement
Il existe deux autres formes de Mourabaha utilisées pour trouver des liquidités
pour les entreprises et le crédit à la consommation. Il s’agit de la Bai al Inah,
utilisée en Malaisie, et du Tawarruq16, courants dans les pays du CCG. Ces
méthodes ne sont généralement guère appréciées des jurisconsultes de la Charia
qui préfèrent que les entreprises et les consommateurs aient recours à des
méthodes de financement moins alambiquées pour financer leur activité. Ces
deux formes de crédit se rapprochent plus clairement des prêts conventionnels
et peuvent être structurées de manière à permettre la modification des « taux »,
les emprunts de consolidation et le recouvrement des paiements tardifs.
Bai al Inah
Un
exportateur
kenyan
de
denrées
alimentaires
biologiques a besoin d’un
financement à l’exportation.
Sur la base d’un contrat de Bai
al Inah, l’entreprise peut vendre
un de ses actifs (un camion
par exemple) à la banque pour
K Sh 6 millions et trouver
ainsi la trésorerie nécessaire.
Elle devrait toutefois pour cela
accepter de racheter le camion
au prix de K Sh 6,6 millions
livraison
comptant
mais
paiement différé. Les deux
contrats de vente pourraient
être considérés comme valables
s’ils étaient indépendants.
Mais dans le cas d’espèce, les
deux sont liés pour constituer
Figure 20.
Bai al Inah
Société kenyane
d’alimentation
biologique
Étape 1
Banque
islamique
Étape 2
Société kenyane
d’alimentation
biologique
16 Le Tawarruq est aussi appelé « Mourabaha inversée », « Mourabaha double » et « Mourabaha
sur matière première » sur le marché.
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
69
un prêt synthétique et la banque n’a ni intérêt ni l’intention de posséder le
camion si ce n’est en tant que garantie.
Étape 1 :
La société kenyane d’alimentation biologique vend un camion
à la banque islamique au prix de K Sh 6 millions.
Étape 2 :
La banque islamique revend le camion à la société kenyane
pour K Sh 6,6 millions livraison comptant et paiement différé.
Tawarruq
Avec un instrument tel que le Tawarruq, le processus est un peu plus compliqué.
Les règles qui s’appliquent sont celles du contrat d’agence et de la Mourabaha
pour dégager des liquidités pour le client. L’opération se déroule comme suit :
J
Le client mandate la banque pour acheter et vendre les matières
premières.
J
En tant que mandataire, la banque achète une matière première contre
une promesse d’achat du client.
J
La banque vend la matière première pour le compte du client à une
tierce partie et porte le produit de la vente au compte du client.
J
Le client règle la banque conformément à la promesse d’achat faite à la
banque.
Figure 21.
Tawarruq
Étape 1
Étape 2
Client
Le client promet
d’acheter une
matière première
La banque paye
la matière première
Étape 3
Étape 4
Comme promis,
le client règle
la banque
Compte du client
En tant que mandataire,
la banque vend la matière
première et verse l’argent
sur le compte du client
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Bien que le Tawarruq présente les mêmes caractéristiques de
crédit qu’un prêt, il permet aussi de dégager des liquidités pour
l’exportateur, débouchant ainsi sur un escompte. L’opération
s’inscrivant dans le droit fil de la vente, la banque n’est
pas autorisée à modifier le prix si elle prolonge le délai de
remboursement, pas plus qu’elle ne peut imposer de pénalités
de retard en cas de remboursement tardif.
70
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Contrairement aux autres instruments de vente, la Mourabaha
et la Mousawama, le Tawarruq permet de lever des fonds sans
qu’il y ait vente effective de l’actif sous-jacent sur le marché libre.
Inconvénients : Le Tawarruq repose sur l’échange d’un actif et ne peut être
mis en œuvre sans que soient respectées un certain nombre
d’étapes en plus de celles d’un prêt conventionnel.
Observations finales
Les contrats de vente Mourabaha se rapprochent, en effet, en certains points
des prêts conventionnels. C’est la raison pour laquelle la Mourabaha est la
forme de crédit la plus largement utilisée par les banques islamiques. Le
concept n’en présente pas moins quelques difficultés :
J
Le délai de remboursement de la dette découlant de la vente à
tempérament de type Mourabaha peut être prolongé, mais sans que cela
n’entraîne de modification du prix;
J
Aucune pénalité ne peut être appliquée en cas de retard de paiement; et
J
La dette créée s’apparente à de l’argent et ne peut donner lieu à un
escompte.
Le contrat de Mourabaha étant rigide, en dépit de sa facilité d’utilisation, les
banques islamiques recourent souvent à la location-vente. Si la Mourabaha
est vraisemblablement l’instrument le plus utilisé pour le financement des
importations, la méthode peut aussi être proposée aux exportateurs pour
leur permettre d’accéder à des fonds avant que leur client ne commence à les
rembourser.
Ijara – crédit-bail/location-vente
« Ijara » signifie en arabe contrat de rémunération à forfait ou de crédit-bail/
location-vente. Dans les contrats d’Ijara, le propriétaire d’un actif permet
l’utilisation d’actifs conformes à la charia dans un but conforme aux principes
de la Charia. L’utilisateur ou preneur paye un loyer au propriétaire (bailleur)
pour pouvoir utiliser l’actif. En cas de perte, l’actif retourne au bailleur. En cas
d’Ijara, la propriété ne passe pas du bailleur au preneur. La charia a tendance à
considérer les contrats d’Ijara comme des crédits-bails opérationnels.
Au terme du contrat d’Ijara, quatre choix s’offrent à la banque et au client :
J
Renouveler le contrat;
J
Mettre un terme au contrat et restituer l’actif au bailleur;
J
Le bailleur peut vendre l’actif à l’ancien preneur; ou,
J
Le bailleur peut donner l’actif au preneur.
En cas de crédit-bail opérationnel, ces choix sont faits à l’échéance du bail.
Prenons l’exemple d’un exportateur qui a besoin de deux chariots élévateurs
supplémentaires pour ses entrepôts. L’exportateur contacte la banque islamique.
Le banquier propose une Ijara (location) pour en assurer le financement. La
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
71
banque achète les chariots élévateurs et les loue à l’exportateur pour une durée
déterminée. La banque gagne un profit et couvre ses frais de maintenance,
d’assurance et les taxes à acquitter dans le loyer facturé.
Figure 22.
Ijarah
Cherche un financement
pour se procurer des
chariots élévateurs
Exportateur
Banque
islamique
Versement des loyers
Ijarah
(crédit-bail/
location-vente)
Achète les
chariots
élévateurs
Étape 1 : Le client s’adresse à la banque pour demander un crédit.
Étape 2 : La banque approuve sa demande et accorde le crédit sous la forme de chariots élévateurs.
Étape 3 : La banque achète les chariots élévateurs et les loue au client.
Étape 4 : À l’échéance, le client restitue les chariots élévateurs à la banque.
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Le client a accès au crédit et peut améliorer ses opérations, mais
sans investissement en capital, ce qui lui permet de conserver
ses liquidités. Si le client enregistre un ralentissement de son
activité vers la fin du bail, il n’est pas obligé de conserver
et d’entretenir ces chariots élévateurs supplémentaires. À
l’échéance du bail, le client peut les restituer à la banque.
Inconvénients : Le soutien accordé au client sous forme de crédit pour ses
activités à l’exportation est indirect. Le client ne dispose pas
d’un actif supplémentaire susceptible d’être mis en gage et de
dégager des liquidités pour soutenir son activité à l’exportation.
Ijara Muntahiya Bi Tamleek – crédit-bail/location-vente débouchant sur
la propriété de l’actif
L’approche du crédit-bail/location-vente en finance islamique reposant sur des
crédits-bails opérationnels, les crédits-bails de financement posent problème.
Les deux principaux problèmes qui se posent tiennent au fait que les créditsbails de financement ne permettent pas nécessairement au bailleur de
conserver la propriété de l’actif sous-jacent et, étant donné qu’il est possible de
combiner l’équivalent d’une location et d’un contrat de vente, ils présentent les
caractéristiques d’un prêt d’argent.
Les banques islamiques compatibles avec la charia établissent un parallèle
économique avec le crédit-bail de financement conventionnel par le biais du
72
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
crédit-bail débouchant sur la propriété ou Ijara Muntahiya Bi Tamleek17 (IMBT).
Il s’agit d’un processus en deux étapes impliquant un contrat de crédit-bail/
location-vente et la promesse par le preneur d’acheter l’actif sous-jacent au
terme du bail. Ce concept se fonde sur le principe de la charia qui veut qu’un
contrat est une relation entre deux parties qui lie les deux parties, alors qu’une
promesse n’engage que la personne ou la partie qui fait la promesse, et pas la
personne à laquelle la promesse a été faite.
Comme dans l’exemple donné pour l’Ijara, le client a besoin de chariots
élévateurs supplémentaires pour améliorer l’exploitation de son entrepôt.
Cependant, le client souhaite aussi à long terme devenir propriétaire des
chariots élévateurs. Dans ce cas là, la banque et le client optent pour une
structure qui diffère du simple contrat de crédit-bail opérationnel.
Figure 23.
Ijara Muntahiya Bi Tamleek – crédit-bail/location-vente débouchant sur la propriété
de l’actif
Contrat de crédit-bail/location-vente
Financement des besoins
Fabricant
Paiements des loyers
2ème
transaction :
vente
Promesse d’achat
1ère transaction :
Ijara
1ère transaction (Ijara):
2ème transaction :
Banque
islamique
Achète les
chariots élévateurs
Étape 1: Le client s’adresse à la banque
pour demander un crédit.
Étape 2: La banque approuve la demande et
accorde le crédit sous la forme de
chariots élévateurs.
Étape 3: La banque achète les chariots
élévateurs et les loue au client.
Étape 4: Le client promet d’acheter (ou
s’engage à acheter) les chariots
élévateurs à l’échéance du bail
(la promesse est signée en même
temps que le contrat de location.
Étape 5: À l’échéance du bail, le client
achète les chariots élévateurs à
leur valeur nette, à la valeur du
marché ou à leur valeur résiduelle.
La banque conserve la propriété de l’actif.
Le contrat de vente basé sur la promesse du client d’acheter est
exécuté à l’échéance du bail.
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Tout comme en cas de crédit-bail/location-vente opérationnel,
le client peut améliorer ses opérations et accéder au crédit. Le
client n’a aucune liquidité à sortir (prix d’achat et frais annexes
liés à la mise en exploitation, comme les frais de livraison, les
taxes, l’installation et terrassement), mais il ne dispose pas de
liquidités fraîches.
Inconvénients : Le soutien accordé au client sous forme de crédit pour ses
activités à l’exportation est indirect. Le client ne dispose pas
d’un actif supplémentaire susceptible d’être mis en gage et de
dégager des liquidités pour soutenir son activité à l’exportation.
Si le client enregistre un ralentissement de son activité, il
est malgré tout obligé d’honorer sa promesse et d’acheter les
chariots élévateurs qu’il loue.
17 Cette structure est nommée de différentes manières en arabe comme Ijara thumma al bai
(location suivie de vente) et Ijara wa iqtina (location et acquisition). Le terme ici employé est
celui qu’emploie l’Organisation de comptabilité et d’audit pour les institutions financières
islamiques (AAOIFI).
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
73
Cession-bail
Il arrive que pour des questions de gestion de bilan, fiscales ou de trésorerie,
le client soit contraint d’essayer de vendre un actif en sa possession et ce bien
qu’il en ait besoin. Dans ce cas là, le client vend l’actif à la banque pour ensuite
le lui louer. La règle qui s’applique en cas de cession-bail de ce type veut que la
banque devienne propriétaire enregistré de l’actif.
Là encore, il ne s’agit pas d’un soutien direct du financement à l’exportation.
Cette solution peut néanmoins être un moyen utile de libérer des liquidités
immobilisées au bilan de l’exportateur sous la forme de biens immobiliers ou
d’équipements. Ces contrats de cession-bail peuvent ainsi offrir un financement
à l’exportation en obtenant des liquidités du bilan pour un financement à
l’exportation en amont.
Figure 24.
Cession-bail
Étape 1 : Le client
vend l’actif à la banque.
Étape 2 : La banque loue
l’actif au client. La banque
est propriétaire du bien.
Paiements des loyers
Client
Client
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Le client a le choix entre plusieurs moyens d’améliorer ses
opérations. Étant donné que le client a accès au crédit sous
forme de liquidités, il peut choisir d’acheter un nouveau chariot
élévateur ou d’utiliser l’argent pour financer ses activités à
l’exportation.
Inconvénients : Deux solutions uniquement s’offrent au client : utiliser les
fonds obtenus pour financer ses activités d’exportation ou
acquérir de nouveaux actifs. Les fonds peuvent être utilisés
pour le financement d’activités non liées à l’exportation ou
être retirés de l’entreprise.
Ijara anticipée – crédit-bail anticipé
Tant avec la Mourabaha qu’avec l’Ijara, la règle veut que quelqu’un détienne
la propriété de l’actif sous-jacent sur lequel repose le contrat et le possède
directement ou par le biais d’un mandataire. Il existe néanmoins une
interprétation créative des règles du crédit-bail (acceptée par les jurisconsultes
de la charia), à savoir le crédit-bail anticipé ou Ijara Mawsufa Fi al Dhimma. Dans
le cadre de cette structure, le bailleur accepte la location avant la livraison de
l’actif sous-jacent. La location peut être partielle ou intégrale et porter sur
toute la durée de vie de l’actif.
74
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Deux exceptions sont autorisées :
J
L’actif peut raisonnablement être livré conformément au contrat; et
J
Si l’actif ne peut être livré, le loyer versé est remboursé.
Cette structure a été utilisée pour la construction de projets d’envergure en
Arabie saoudite dans les secteurs de l’accueil et de la pétrochimie.
Figure 25.
Ijara anticipée
Actif futur
Paiement des loyers anticipés
Preneur
Bailleur
Preneur
Étape 1 : Le preneur verse
des loyers anticipés avant
de recevoir l’équipement.
Étape 2 : Si l’actif n’est pas livré alors
le bailleur doit rembourser le preneur
des loyers versés par anticipation.
Autre utilisation possible de l’Ijara anticipée
Bien que les crédits-bails anticipés aient été principalement utilisés pour le
financement de projets de grande envergure et de projets immobiliers, le
concept s’applique aussi à toute forme de bien d’équipement. L’exportateur
peut ainsi opter pour un montage inhabituel et louer un équipement en cours
de fabrication. L’opération se déroule alors comme suit :
J
Le preneur donne le cahier des charges de l’équipement à fabriquer;
J
Le preneur verse les loyers anticipés;
J
Le bailleur fabrique l’équipement;
J
Le bailleur livre l’équipement et le preneur effectue des paiements
périodiques tel que convenu dans le contrat.
Le fabricant intervient souvent dans le crédit-bail anticipé avec une
banque islamique. Cette dernière conclut alors un crédit-bail parallèle avec
l’importateur, assumant alors le risque de crédit de l’importateur pour le
compte de l’exportateur.
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
L’Ijara anticipée permet à l’exportateur d’obtenir un
financement avant exportation. Le paiement prenant la forme
d’un loyer, l’exportateur n’assume aucun frais de financement,
et le seul actif sous-jacent est l’équipement. Lorsque l’opération
est structurée par une banque islamique, le client s’en remet à
la banque pour obtenir un crédit, plutôt qu’à l’importateur.
Contrairement aux contrats de Mourabaha ou de Mousawama,
les modalités du crédit-bail peuvent être modifiées par
consentement mutuel, ce qui permet à l’exportateur de gérer
les retards de production ou de livraison.
Inconvénients : Si l’exportateur ne livre pas l’équipement à temps ou si
l’équipement livré ne correspond pas au cahier des charges,
alors il peut être contraint de rembourser 100% des loyers
versés par anticipation.
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
75
Observations finales
Le crédit-bail/location-vente est un instrument financier d’une souplesse
exceptionnelle utilisé par les banques islamiques. Contrairement à un contrat
de vente (Mourabaha ou Mousawama), le contrat de crédit-bail/location-vente
peut être prorogé ou modifié d’un commun accord. Les changements apportés
au contrat ne compromettent en rien la capacité du bailleur de percevoir un
loyer, de maintenir le loyer ou d’adapter le loyer. Contrairement aux actifs sur
lesquels reposent les contrats de vente, l’actif sur lequel repose l’Ijara peut être
vendu au rabais ou à un prix plus élevé de sorte que le loyer, les risques et les
bénéfices passent à l’acheteur. Pour les banques islamiques, l’Ijara est de ce
fait une structure de choix pour l’investissement dès lors qu’il concerne un
milieu fortuné. L’approche islamique du crédit-bail/location-vente est comprise
sans difficulté par les spécialistes du crédit-bail/location-vente conventionnel
et offre un potentiel de financement considérable pour les micro-entreprises
et les PME.
Bai al Salam – contrat de vente à terme
Bien qu’en cas de vente la règle veut, en finance islamique, que le vendeur
possède le bien objet de la vente, le contrat de Bai al Salam est une exception
accordée par le Prophète18 pour faciliter l’accès des agriculteurs au crédit. La
méthode remonte à l’époque préislamique.
Il s’agit d’un contrat à terme personnalisé, négocié en privé et portant sur des
matières premières, agricoles ou minérales. Ce contrat peut être utilisé pour
le financement du commerce, des opérations en amont de l’extraction/de la
plantation des matières premières, et même pour les fusions et acquisitions
dans le secteur des matières premières. Selon les règles du Sarf qui régissent
les échanges monétaires, les vente de type Salam peuvent porter sur toute
matière première à l’exception de l’or, de l’argent ou des devises. Les matières
premières sous-jacentes doivent être librement négociables, ou distinctes les
unes des autres. L’acheteur peut assurer l’engagement de livraison du vendeur
à l’aide d’une hypothèque, d’une garantie, d’une lettre de crédit ou de toute
autre forme de sûreté ou de nantissement.
Le Bai al Salam repose sur un paiement anticipé de 100% du prix convenu
contre livraison à terme de la matière première visée. La date de livraison peut
être approximative. La qualité et la quantité sont précisés dans le contrat de
Salam. Toute variation de qualité ou de quantité est susceptible d’entraîner
une renégociation ou une annulation du contrat si la qualité ou la quantité
livrée est inférieure à celle prévue dans le contrat. En cas de livraison anticipée,
le contrat ne peut être révisé. Cependant, en cas de livraison tardive, le contrat
peut être résilié et l’argent déjà versé restitué.
En plus d’être un moyen de financement, le contrat de vente Salam constitue
une couverture qui permet au fournisseur/vendeur d’être certain du prix et de
la vente. L’acheteur est lui aussi certain du prix et de la quantité.
Dans quelques rares cas de figure, les banques sont disposées à assumer le
risque lié à la matière première dans la structure de Salam. En d’autres termes,
18 Usmani, op. cit., p. 133.
76
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
la banque reçoit la matière première et la vend au prix du marché à l’instant t.
Cependant, la plupart des banques ne souhaitent pas assumer le risque lié à la
matière première.
Les banques disposent donc de deux structures courantes pour les financements
de type Salam :
J
Conclusion d’un contrat de Salam parallèle;
J
La banque achète des matières premières au client sur la base d’un
Salam et obtient l’engagement d’une tierce partie d’acheter les matières
premières à un prix préalablement déterminé à livraison à la banque.
La banque désigne périodiquement une tierce partie spécialiste ou une
chambre de compensation pour que la banque n’ait plus à supporter le
risque lié à la matière première.
Pour les micro-entreprises et les PME qui travaillent beaucoup avec des produits
primaires ou des matières premières transformées, le contrat de Salam est un
moyen efficace d’obtenir un financement.
Salam simple
Le client est une coopérative de producteurs d’arachides en Ouganda. La
coopérative escompte une production de 10 tonnes métriques. Elle espère
les vendre sur le marché au prix de U Sh 1 900 ($E.-U. 0,96) le kilo ou
U Sh 19 millions (environ $E.-U. 9 500). Cependant, la coopérative a besoin
d’environ U Sh 10 millions ($E.-U. 5 050) pour engager des ouvriers, irriguer
les plantations, et acheter les plants et les engrais. La banque islamique peut
acheter cinq tonnes métriques d’arachides en vertu d’un contrat de Salam et
au prix de U Sh 9,5 millions ($E.-U. 4 800).
Dans ce cas là, la banque verse les U Sh 9,5 millions ($E.-U. 4 800) à la
signature du contrat et escompte recevoir les cinq tonnes métriques de la
récolte dans les délais convenus dans le contrat. À réception des arachides, la
banque s’efforce de les revendre en dégageant un profit.
Figure 26.
Salam simple
Étape 2
É
t
a
p
e
Coopérative
1
Étape 3
Banque
islamique
Grossiste
Étape 4
Étape 1 : La coopérative s’adresse à la banque islamique et obtient des liquidités pour récolter ses arachides (la banque
paye cinq tonnes métriques d’arachides pour livraison différée).
Étape 2 : La coopérative utilise les fonds pour récolter les arachides.
Étape 3 : La coopérative livre les arachides à la banque.
Étape 4 : La banque vend les arachides au grossiste et enregistre un profit.
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
77
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Cette méthode permet à la coopérative d’obtenir un
financement anticipé à 100%, ce qui lui permet de financer
les activités en amont de la plantation et de la production. La
coopérative est certaine de vendre sa récolte.
Inconvénients : Parce que la banque assume le risque lié à la matière première,
elle est tentée de payer un prix considérablement inférieur.
Salam parallèle
Dans le cas d’un contrat de Salam parallèle, l’opération est exactement la
même si ce n’est que la banque trouve un utilisateur d’arachides disposé à
les acheter au titre d’un contrat de Salam parallèle. L’acheteur verse 100% du
prix convenu, disons U Sh 1 950 ($E.-U. 0,98) le kilo à la banque à l’avance,
ce qui permet à la banque de dégager un profit comptant de U Sh 250 000
($E.-U. 126).
Figure 27.
Salam parallèle
Étape 2
É
t
a
p
e
Coopérative
1
Étape 3
Banque
islamique
Étape 1
Islamic bank
Étape 2
Grossiste
Étape 1 : La banque achète la récolte d’arachides à la coopérative pour livraison différée au titre d’un contrat de Salam.
Étape 2 : La banque vend la récolte non encore récoltée à un grossiste au titre d’un contrat de Salam parallèle.
Étape 3 : La banque enregistre un profit sur la différence entre les deux contrats de Salam.
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Le Salam parallèle présente les mêmes avantages que le Salam
pour la coopérative, si ce n’est qu’il devrait lui permettre
d’obtenir un prix plus attrayant que le Salam simple.
Inconvénients : Étant donné que le Salam parallèle exige de l’acheteur qu’il
règle 100% du prix, il est souvent difficile de trouver un
acheteur final. La structure n’est donc pas simple à mettre en
œuvre.
78
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Salam contre engagement
Le Salam parallèle est souvent difficile à organiser étant donné que la plupart
des grossistes en matières premières sont soit eux-mêmes à la recherche d’un
crédit, soit ils ne sont pas disposés à régler à l’avance 100% du prix de la matière
première. Il convient de noter que les marchés conventionnels acceptent des
niveaux de marge considérablement inférieurs pour les achats de matières
premières à terme.
Le Salam contre engagement est la structure la plus fréquemment utilisée.
Dans ce cas de figure, la banque trouve un utilisateur d’arachides disposé à
s’engager à les acheter à un prix prédéterminé lors de leur livraison.
À titre d’exemple, l’acheteur règle 100% d’un prix convenu, disons U Sh 1 950
($E.-U. 0,98) le kilo, à la banque à la livraison, ce qui signifie pour la banque
un profit de U Sh 250 000 ($E.-U. 126) ou 10,5% par an si l’achat intervient
dans les 90 jours (financement).
Figure 28.
Salam contre engagement
Étape 1
Banque
islamique
Coopérative
Étape 2
Grossiste
1. Disposé à s’engager
2. Règle 100% sous 90 jours
à la banque
Étape 1 : La banque achète la récolte d’arachides à la coopérative au titre d’un contrat de Salam.
Étape 2 : La banque reçoit un engagement d’achat du grossiste.
Étape 3 : À réception de la récolte, la banque fait valoir l’engagement d’achat et vend la récolte au grossiste.
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Le Salam contre engagement présente les mêmes avantages
pour la coopérative que les autres types de Salam. L’acheteur
bénéficiant de conditions plus favorables, pour la banque ou
la coopérative les prix devraient être plus favorables et les
possibilités de vendre les arachides plus nombreuses.
Inconvénients : Le Salam contre engagement exige de la banque qu’elle assume
le risque lié à la livraison et à la matière première à la place de
la coopérative ainsi que le risque de crédit et de résultat à la
place de l’acheteur.
Observations finales
La structure du Salam est largement utilisée dans plusieurs économies
émergentes dans le secteur agricole, le secteur de l’exportation des matières
premières, et de plus en plus dans les secteurs de la pétrochimie et des métaux
industriels. Le contrat est pratique mais présente certaines limites communes
à celles de la Mourabaha.
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
79
À titre d’exemple, le contrat de Salam représente une obligation de livrer, ce
qui en fait une forme de dette. Le contrat ne peut donc pas donner lieu à un
escompte. Il peut être prolongé sans changement de prix ou de quantité. Son
application se limite donc aux matières premières et exige une attention toute
particulière quant au calcul des quantités, qualités et livraisons escomptées.
Contrairement aux contrats à terme conventionnels, le contrat de Salam ne
peut être utilisé que pour des matières premières non monétaires et exige le
paiement anticipé de 100% du prix ou de la marge. Dans le cas d’un contrat de
vente à terme conventionnel, le paiement de la marge serait minime et assorti
d’appels de marge et pourrait être utilisé pour acheter pour ainsi dire tout ce
qui peut se vendre, y compris des devises.
Bai al Istisna (construction/fabrication)
La charia permet d’adapter le concept du Salam pour la construction et la
fabrication. On parle alors de Bai al Istisna. Cette méthode permet d’effectuer
des versements progressifs au fur et à mesure de la construction d’un projet ou
de la fabrication d’un produit.
Avec le Salam, le prix doit être intégralement acquitté à l’avance, mais avec
l’Istisna, il peut ne l’être qu’en partie, sur la base de rapports sur l’évolution
des travaux ou d’inspections. Comme dans le cas du Salam, le contra d’Istina
offre une certaine souplesse en ce qui concerne le moment de la livraison. Mais
l’Istisna est plus stricte en ce qui concerne la qualité et la quantité de produits
ou le bien à construire.
Dans un contrat d’Istisna, la banque vend en fait au client. Elle assume donc
le risque de construction ou de fabrication. Comme avec le Bai al Salam,
la banque va chercher à atténuer le risque assumé par le biais d’un contrat
d’Istisna parallèle.
À titre d’exemple, la banque va conclure un contrat avec le client, puis elle va
chercher à conclure un contrat avec le fabricant ou le constructeur adéquat
mais à un prix inférieur. La banque peut régulièrement mandater le client pour
suivre les travaux avec la société du projet ou inversement.
De par sa souplesse, en comparaison de la Mourabaha et du Salam, l’Istisna est
fréquemment utilisée pour le financement avant exportation.
Istisna simple
Un fabricant sud-africain (micro, petite ou moyenne entreprise) a besoin d’un
financement pour exécuter une commande d’un montant de R 1,2 millions,
mais il ne dispose pas de l’intégralité de la somme pour produire l’équipement
demandé. La banque islamique locale est disposée à commander la
marchandise et à la payer par tranches. La banque s’engage par contrat à
acheter les marchandises au prix de R 1,15 millions et à prendre livraison de la
marchandise dans trois mois. La banque paye au fur et à mesure de l’avancement
de la fabrication et mandate l’exportateur pour vendre la marchandise en son
nom à l’entreprise qui a passé commande. Elle peut aussi demander au client
de fournir une garantie.
80
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Figure 29.
Istisna simple
Étape 2
Étape 1
Client
Banque islamique
Paiements périodiques
La banque vend
à l’importateur
1. Le client s’adresse à la banque pour lui demander un financement avant exportation.
2. La banque islamique conclut un contrat d’Istisna et s’engage à acheter la marchandise au client avec livraison dans
3 mois.
3. Après inspections, la banque effectue des paiements périodiques au fur et à mesure de l’évolution de l’avancement
de la fabrication
4. La banque mandate le client pour livrer la marchandise à l’importateur au nom de la banque.
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Le client reçoit le financement au fur et à mesure de
l’avancement de la production. C’est la banque qui assume le
risque lié à l’importateur à la place du client.
Inconvénients : La banque est exposée au risque lié à l’importateur et doit être
en mesure d’évaluer la capacité de l’exportateur de fabriquer
correctement la marchandise.
Istisna parallèle
Autre scénario : la banque est disposée à assumer le risque lié à l’importateur
et a peut-être fourni un crédit à l’exportation. Dans ce cas là, la banque peut
conclure un contrat d’Istisna parallèle avec l’importateur, au titre duquel elle
s’engage à accepter la marchandise de l’exportateur au prix de R 1,15 millions
pour ensuite la revendre à l’importateur au prix de R 1,25 millions. Lorsque
la banque demande un versement initial puis les versements périodiques
ultérieurs, une partie de l’argent est reversée à l’exportateur, lui fournissant
ainsi un financement avant exportation.
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Le client reçoit le financement au fur et à mesure de
l’avancement de la production. C’est la banque qui assume le
risque lié à l’importateur à la place du client.
Inconvénients : La banque est exposée au risque lié à l’importateur et à
l’exportateur et doit être en mesure d’évaluer la capacité de
l’exportateur de fabriquer correctement la marchandise.
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Figure 30.
81
Istisna parallèle
Étape 1
Étape 2
Banque
islamique
Contrat d’Istisna
Étape 3
Banque
islamique
Banque islamique
Étape 4
Contrat
d’Istisna
Importateur
1. Le client s’adresse à la banque pour lui demander un financement avant exportation.
2. La banque islamique conclut un contrat d’Istisna avec l’exportateur.
3. Après inspections, la banque effectue des paiements périodiques au fur et à mesure de l’avancement
de la fabrication.
4. La banque conclut un contrat d’Istisna parallèle avec l’importateur et enregistre un profit sur la différence
entre les deux contrats.
5. Après inspections, la banque effectue des paiements périodiques au fur et à mesure de l’avancement
de la fabrication.
6. L’exportateur livre la marchandise à la banque trois mois plus tard et la banque livre l’importateur. La banque
règle intégralement l’exportateur.
7. L’importateur règle intégralement la banque.
Observations finales
Comme dans le cas du Bai al Salam, le cahier des charges, les options de
livraison, les conditions de paiement et le prix doivent être détaillés dans le
contrat d’Istisna. La commande peut être annulée avant le lancement de la
production, et il n’est pas indispensable de préciser la date exacte de livraison
pour autant qu’un délai maximum soit fixé. Les contrats offrent ainsi toutes
les garanties possibles.
La dette découlant de l’Istisna n’est pas, stricto sensu, une relation financière,
mais plutôt l’obligation de livrer une marchandise fabriquée ou un bien
construit. Les possibilités d’escompte s’en trouvent limitées mais le contrat
offre davantage de souplesse. En règle générale, dans le cas d’un contrat
d’Istisna la dette de la banque envers des tiers est assez importante, et les
banques islamiques recourent aux crédits-bails anticipés, à la Wakala et à la
Moucharaka pour gérer ces risques.
Tout comme la Mourabaha, l’Istisna est un contrat de vente qui présente
certaines caractéristiques économiques et de procédure du financement avant
exportation, et du financement de construction et de projet. Il n’en demeure
pas moins que ses caractéristiques à la vente font de ce contrat une structure
unique du point de vue du risque et de son cheminement.
82
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Moucharaka (coentreprise/partenariat)
La Moucharaka est une relation entre au moins deux parties, dont chacune
investit dans une entreprise ou une activité commerciale. Elles concluent
ensemble un contrat aux termes duquel les bénéfices dégagés seront partagés
selon une clé de répartition donnée. Les éventuelles pertes sont subies
proportionnellement au montant investi. La Moucharaka est souvent utilisée
pour le financement du commerce, de projets, pour l’obtention de liquidités
et pour l’achat de biens immobiliers. Chacune des parties qui apporte une
contribution a le droit de participer à la gestion de l’opération, mais ce n’est
pas une obligation.
Cette structure présente une grande souplesse en termes d’organisation des
intérêts commerciaux des différents partenaires. En règle générale, les contrats
impliquant des partenaires multiples prévoient des modalités et conditions
variables et se rapprochent davantage des produits des banques d’affaires et du
prêt en synthèse mais avec un niveau de risque et des bénéfices potentiels plus
élevés pour la banque. Deux formes de Moucharaka sont généralement utilisées
pour le commerce islamique : shirkat al milk et shirkat al aqd. Il existe aussi des
instruments dérivés du concept mais axés sur le crédit, tel le partenariat avec
amortissement dégressif. Bien que la Moucharaka moderne soit généralement
utilisée essentiellement pour les sociétés à responsabilité limitée, le concept
sous sa forme traditionnelle concerne les entités commerciales à responsabilité
illimitée.
Le Shirkat al milk désigne la propriété conjointe d’un bien par deux (ou
plus de deux) parties, un partenariat structuré de telle sorte qu’il n’est pas
possible de savoir quel partenaire possède quelle partie du bien. Cette forme de
partenariat peut être créée sans un contrat particulier, comme dans le cas d’un
bien obtenu par héritage. La principale limitation de ce concept tient au fait
que le bien n’est pas divisé et constitue un tout, ce qui en limite l’utilisation
ou la division.
À l’inverse, le Shirkat al aqd désigne un partenariat établi de façon contractuelle.
Cette forme de Moucharaka est largement utilisée par les banques islamiques
modernes. Bien que chacun des partenaires puisse apporter sa contribution en
nature ou sous forme de services, il s’agit généralement d’apports en capitaux
estimés à la valeur au pair et indépendamment vérifiable. Les différentes
composantes du capital peuvent être évaluées différemment.
Quel que soit le type de Moucharaka, la règle de base veut que le capital soit
quantifié et précisé, et que la clé de répartition des bénéfices soit déterminée
au préalable.
Même si les bénéfices ne peuvent être structurés de manière à offrir à une
partie un rendement garanti, l’investisseur et le bénéficiaire de l’investissement
peuvent convenir d’établir la clé de répartition des bénéfices sur la base des
ventes brutes par opposition au revenu net19. En effet, si la clé de répartition
permet un retour sur investissement pour les investisseurs, ceux-ci sont autorisés
à accorder un bonus au client pour autant que le client soit le responsable.
Cette approche reflète le principe du partenariat de la charia et permet aux
partenaires de ne pas gérer eux-mêmes la Moucharaka s’ils ne le souhaitent
pas. Ils peuvent engager une tierce partie indépendante ou un des partenaires,
généralement le client, pour gérer le projet ou l’activité. Ces dispositions
19 Cette pratique n’est pas acceptée par l’AAOIFI mais a été autorisée par le Mufti Muhammad
Taqi Usmani en cas d’incertitude comptable et pour les marchés présentant un niveau de
risque moral élevé. Le Mufti Usmani est président du conseil de surveillance de la charia
de l’AAOIFI. Voir Usmani, Muhammad Taqi, An Introduction to Islamic Finance (Karachi :
Idaratul Ma’arif, 1998), p. 66.
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
83
contractuelles permettent de recréer le risque de crédit qu’acceptent souvent
plus volontiers les banques et les clients.
Dans le cadre de contrats de Moucharaka type, la relation est présumée
indéfinie et sert un objectif semblable aux fonds propres pour les entreprises
modernes. Il est généralement entendu que le partenariat ne peut être dissout
sans que les parties en soient informées. Dans une entreprise moderne, on
pourrait assimiler la chose à un avis de faillite.
La Moucharaka s’est avérée un important instrument de financement des
importations et des exportations sur les marchés islamiques. Sont concernées
tant les micro-entreprises que les PME et les grandes entreprises.
Moucharaka simple
En Angola, la société de Joao fabrique de petites génératrices utilisées pour la
production d’électricité pour les bâtiments résidentiels et les petits bureaux. Son
usine fonctionne à 50% de sa capacité et il pense que son carnet de commandes
nationales est le reflet du niveau de risque de crédit et industriel qu’il est disposé
à assumer. Renseignements pris, il apprend qu’il existe une demande dans les
pays voisins, émanant notamment d’ONG et de gouvernements locaux, et que
cette demande lui permettrait d’utiliser ses installations jusqu’à 75% ou 80%
de leur capacité. Il décroche sa première commande, évaluée à $E.-U. 150 000,
mais sa trésorerie est limitée et il a besoin d’un financement avant exportation
en devises locales de Kz 5 500 000 ($E.-U. 75 000). Il s’adresse à la banque
islamique locale qui lui propose un contrat de Moucharaka. Lui-même et ses
frères investiront en temps et en ressources dans la coentreprise et la banque
investira Kz 5 500 000. La clé de répartition des bénéfices sera de 95:5 entre
Joao et la banque sur la base de sa commande à l’exportation.
Figure 31.
Moucharaka
Contrat
Joao
Les deux parties consentent un
investissement en capital en espèces
ou en nature (alors estimé en terme nominal)
Banque
islamique
Part en pourcentage fonction de
l’apport en capital ou des
compétences professionnelles
Coentreprise
Profits et pertes,
le cas échéant
Profits distribués
selon la clé de
répartition établie
en fonction de
l’apport en capital
Profits et pertes,
le cas échéant
84
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Dans l’exemple, Joao est désigné gérant de l’entreprise par la banque. Le
partenariat peut durer suffisamment longtemps pour que la banque récupère
le capital investi plus un bénéfice. Quant à Joao, il peut bénéficier de primes
au résultat en cas de rendement important. Une fois que l’importateur a réglé
le matériel, le partenariat est dissout, ou peut se lancer dans une nouvelle
transaction à l’exportation. Cette forme de Moucharaka est souvent décrite
comme un contrat d’exploitation ou de service.
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Cette méthode permet à Joao d’accéder au capital nécessaire
pour la fabrication avant exportation et lui permet de décrocher
la commande. En tant que gérant désigné, il conserve la
maîtrise du processus de fabrication, comme auparavant.
La clé de répartition des bénéfices garantit à Joao le type de
rendement auquel il est habitué. Elle permet aussi à la banque
de se dédommager des services fournis et traditionnellement
associés aux contrats à l’exportation dans les limites de la
charia.
Inconvénients : Étant donné qu’il s’agit d’une forme de partenariat, la législation
locale peut, dans certains cas, entraver la bonne marche du
partenariat. Les partenariats impliquent par ailleurs souvent
des risques non traditionnels pour la banque.
Moucharaka avec amortissement dégressif
Dans l’exemple précédent, Joao préférera vraisemblablement une relation plus
claire avec la banque et effectuer des paiements progressifs à la banque de
manière à pouvoir faire crédit à son acheteur ou à mieux gérer sa trésorerie.
Figure 32.
Moucharaka avec amortissement dégressif
Banque
islamique
Joao
Joao et la banque sont
copropriétaires de
l’activité à
l’exportation
Achat d’unités de l’activité
d’exportation par Joao
grâce à sa part
des bénéfices
Part du bénéfice utilisée
pour acheter les unités
du partenariat auprès
de la banque
Accords de partage
des profits et
d’achat de capital
entre les partenaires
et Joao
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
85
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Cette méthode permet à Joao d’obtenir un financement avant
exportation et de garantir la commande. En tant que gérant
désigné, il conserve la maîtrise du processus de fabrication,
comme auparavant. Il peut aussi accorder des conditions de
paiement plus souples à son acheteur et gérer sa trésorerie plus
efficacement. La clé de répartition des bénéfices garantit à
Joao le type de rendement auquel il est habitué. Elle permet
aussi à la banque de se dédommager des services fournis et
traditionnellement associés aux contrats à l’exportation dans
les limites de la charia.
Inconvénients : Étant donné qu’il s’agit d’une forme de partenariat, la législation
locale peut, dans certains cas, entraver la bonne marche du
partenariat. Les partenariats impliquent par ailleurs souvent
des risques non traditionnels pour la banque.
Autre utilisation possible de la Moucharaka avec amortissement
dégressif
La Moucharaka avec amortissement dégressif est souvent utilisée pour financer
les actifs immobilisés et les projets. À titre d’exemple, Joao souhaite financer
l’agrandissement de son usine et acquérir des biens d’équipement. Dans ce
cas là, la Moucharaka va différer sur un point. Au lieu d’être partenaires dans
une entreprise à vocation commerciale, la banque et Joao sont conjointement
propriétaires des actifs – l’usine et son équipement. Le contrat est dont un
contrat de copropriété. Les partenaires vont ensuite louer l’usine et son
équipement à Joao pour un laps de temps donné pendant lequel il versera des
loyers et racheter les parts de la banque partenaire dans son entreprise.
Moucharaka de financement à l’importation
La Moucharaka est souvent utilisée pour le financement des importations.
Prenons l’exemple d’Umm Abdul Rahman qui est dans l’industrie automobile.
Elle possède un atelier à Kano et achète des pièces détachées pour des pickup de modèle Toyota Hilux populaires dans la région. Chaque mois elle a
besoin d’importer pour une valeur de Naira 3 135 000 de pièces détachées
(environ $E.-U. 25 000). Elle dispose généralement de Naira 800 000 pour
s’approvisionner et a besoin d’un crédit pour le reste.
Umm s’adresse à sa banque islamique locale et conclut un contrat de
Moucharaka. La banque apporte à l’entreprise des liquidités et des services
pour une valeur de Naira 3 135 000 (les services peuvent inclure une lettre
de crédit et des devises étrangères à un coût fixe incorporé dans la valeur des
unités du partenariat) et Umm apporte Naira 800 000 en espèces ainsi que
ses compétences.
Bien qu’Umm soit partenaire chargée de la gestion et de la commande des
pièces, la banque apporte pour sa part les services nécessaires à l’achat de la
marchandise, y compris des yens japonais et les lettres de crédit qui pourraient
être nécessaires. Lorsque la marchandise arrive à Kano, Umm peut choisir
86
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
de l’acheter comptant ou à terme au partenariat, ou elle peut être désignée
mandataire du partenaire pour vendre les pièces détachées sur le marché.
Figure 33.
Moucharaka de financement à l’importation
Umm Abdul
Rahman
S’approvisionne
en marchandises
Achète les pièces
détachées par le biais
du partenariat ou agit
en tant que mandataire
du partenariat pour
vendre aux clients
Partenariat
contractuel
Banque
islamique
Apport des services
Profits et pertes,
le cas échéant
Profits et pertes,
le cas échéant
Pièces détachées
importées
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Cette méthode permet à Umm Abdul Rahman d’accéder au
capital dont elle avait besoin pour financer ses importations et
effectuer ses paiements. En tant que gestionnaire désigné, elle
conserve comme auparavant la maîtrise de la distribution des
pièces détachées. Elle peut aussi faire crédit à ses acheteurs et
gérer sa trésorerie plus efficacement. La clé de répartition des
bénéfices garantit à Umm le type de rendement auquel elle est
habituée. Elle permet aussi à la banque de se dédommager des
services fournis et traditionnellement associés aux contrats à
l’exportation dans les limites de la charia, à savoir le coût de la
lettre de crédit et des devises.
Inconvénients : Étant donné qu’il s’agit d’une forme de partenariat, la législation
locale peut, dans certains cas, entraver la bonne marche du
partenariat. Les partenariats impliquent par ailleurs souvent
des risques non traditionnels pour la banque.
Observations finales
Les Moucharaka commerciales et les partenariats avec amortissement
dégressif sont largement utilisés par les banques islamiques. Des Moucharaka
générales ont récemment été introduites qui s’accompagnent de contrats de
gestion solides et présentent d’autres caractéristiques qui permettent d’isoler
les risques qui s’apparentent davantage au risque de crédit conventionnel.
Nombreux sont les membres de la communauté islamique qui estiment que les
structures participatives telle que la Moucharaka correspondent à l’esprit de
la finance islamique. Dans le même temps, l’expérience récente des banques
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
87
islamiques atteste du fait que les structures de type Moucharaka peuvent être
gérées pour contrôler le risque de façon intéressante pour la banque. Cette
dernière observation ne doit néanmoins pas faire oublier que les structures de
Moucharaka sont des montages financiers qui se rapprochent plus de la prise
de participation que de l’endettement. Ainsi, en cas d’échec de la transaction,
les risques ne sont pas du tout les mêmes qu’avec un prêt conventionnel et la
banque peut perdre de l’argent.
Moudaraba (partenariat géré)
Le concept de la Moudaraba se rapproche de celui de la Moucharaka, si ce
n’est que dans la première, un des partenaires (le Rab al maal, ou investisseur)
apporte un capital et s’engage à dédommager un entrepreneur ou un gérant
(le Moudareeb) en partageant les bénéfices. Le financier finance l’entreprise
et l’entrepreneur apporte ses compétences. Dans ce type de partenariat, le
bailleur de fonds supporte le risque financier et l’entrepreneur investit son
temps et ses efforts. L’investisseur et le gérant conviennent d’une clé de
répartition des recettes dégagées.
La Moudaraba est communément utilisée dans trois cas de figure : pour
alimenter la trésorerie d’une entreprise, comme compte d’investissement avec
partage des bénéfices pour une banque et pour structurer des fonds. Les deux
premiers cas de figure sont étudiés dans la présente section.
Dans le premier cas, pour alimenter la trésorerie d’une entreprise, le Moudareeb
s’adresse à la banque pour obtenir un financement. Au terme d’une vérification
approfondie de la situation de l’entreprise, la banque consent un investissement
compatible avec la charia dans l’entreprise du client. Les profits sont partagés
suivant une clé de répartition convenue dès la signature du contrat. En cas
de perte, la banque en sa qualité de Rab al maal perd son argent et le client,
en tant que Moudareeb, perd le temps et les efforts investis. À l’échéance du
contrat de Moudaraba, les mêmes règles de partage des profits et des pertes
s’appliquent. La Moudaraba peut être continue ou limitée dans le temps.
Si nous revenons à l’exemple de Joao à Luanda, au lieu d’un contrat de
Moucharaka, la banque peut lui proposer un contrat de Moudaraba. Dans
ce cas là, la banque investit Kz 5 500 000 avec Joao au titre du contrat. Joao
agit en tant que Moudareeb ou gérant de l’investissement. Les deux parties
conviennent d’une clé de répartition des bénéfices. Mais à présent, la banque
assume l’intégralité du risque financier et Joao ne risque de perdre que le
temps et les efforts investis.
Avantages et inconvénients pour les micro-entreprises et les PME
Avantages :
Cette méthode permet à Joao d’obtenir un financement avant
exportation et de garantir la commande. En tant que gérant
désigné, il conserve la maîtrise du processus de fabrication,
comme auparavant. Il peut aussi accorder un crédit à son
acheteur et gérer sa trésorerie plus efficacement. La clé de
répartition des bénéfices garantit à Joao le type de rendement
auquel il est habitué. Elle permet aussi à la banque de se
dédommager des services fournis et traditionnellement associés
aux contrats à l’exportation dans les limites de la charia.
88
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Figure 34.
Financement par Moudaraba
Évaluation du projet
Détermination de la
clé de répartition
Banque
islamique
Joao
Temps et efforts
Fabrication des
génératrices (Joao
utilise l’argent pour
sa trésorerie)
PERTES
Le Moudareeb perd le
temps et les efforts investis
PROFITS
Moudareeb et Rab al
maal se partagent les bénéfices
selon la clé de répartition convenue
Le Rab al Maal perd l’argent investi
Inconvénients : Étant donné qu’il s’agit d’une forme de partenariat, la législation
locale peut, dans certains cas, entraver la bonne marche du
partenariat. Les partenariats impliquent par ailleurs souvent
des risques non traditionnels pour la banque.
Tout comme dans le cas d’un contrat de Moucharaka, les parties qui
concluent un contrat de Moudaraba jouissent d’un certain nombre de libertés
contractuelles. Le Moudareeb peut décider de limiter les bénéfices qu’il va
engranger, ou le Rab al maal peut accorder une prime au Moudareeb s’il
atteint l’objectif fixé. Le Moudareeb peut aussi constituer des réserves qui
permettent de répartir le revenu sur plusieurs périodes de déclaration, lorsque
la loi le permet, de manière à garantir un certain niveau de rentabilité aux
investisseurs.
Moudaraba de dépôt
À l’origine, les dépôts sur CIPB passaient par une Moudaraba de dépôt. Il s’agit
en effet d’une forme de Moudaraba sans restriction par le biais de laquelle
l’argent du déposant est mis en commun avec celui de la banque. La banque
adopte généralement une clé de répartition des bénéfices et peut annoncer un
bénéfice possible en fonction des résultats passés ou du type d’instrument
utilisé dans le cadre de la Moudaraba (la Moudaraba peut, par exemple, être
utilisée pour financer les activités de financement du commerce de la banque
grâce à un revenu fixe et prévisible).
Dans le cadre de ces dépôts, la banque n’est pas obligée d’indiquer au déposant
comment ses fonds seront utilisés.
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Figure 35.
89
Moudaraba de dépôt
Détermination de la clé de répartition
Bénéfice indicatif annoncé
Client et banque
Banque
islamique
Client
Temps et
efforts
Activités générales
et de financement
de la banque
PERTES
Le Moudareeb perd le temps
et les efforts investis
Le Rab al maal perd
l’argent investi
PROFITS
Moudareeb et Rab al
maal se partagent les
bénéfices selon la clé
de répartition convenue
Wakala
Les banques islamiques se tournent depuis peu vers les contrats de Wakala, ou
d’agence, tant pour les opérations de financement que de dépôt. Si la Wakala
ressemble étrangement à la Moudaraba, elle diffère de cette dernière sur un
point essentiel : le Wakeel, ou le mandataire, ne fait que représenter la partie
qui apporte les fonds.
À titre d’exemple, si la banque nommait Joao Wakeel plutôt que Moudareeb,
alors Joao pourrait percevoir un salaire, et pas uniquement une part des
bénéfices. En tant que mandataire de la banque, Joao utilise l’argent de la
banque, mais doit le lui restituer (sauf en cas de perte). La dynamique financière
se rapproche ici davantage de celle du prêt.
À l’inverse, si après de nombreuses années fructueuses Joao souhaite confier
ses fonds à la banque, il peut les placer sur un compte de dépôt Wakala. Il s’agit
aussi d’un compte d’investissement avec partage des bénéfices, si ce n’est que
les fonds appartiennent à Joao et sont utilisés par la banque. La banque peut se
verser un honoraire semblable à une marge. Si la banque perd de l’argent, Joao
risque d’en perdre aussi. Dans le cas contraire, la banque doit lui restituer son
argent à l’échéance de la Wakala.
Outre ce concept d’honoraire, la principale différence tient au fait que la
Wakala est soit un contrat de partenariat formel, soit un contrat d’exploitation
commerciale. Selon les règles, il doit être officiellement mis fin à la Moudaraba et
le partenariat doit être dissout ou racheté. La Wakala s’achève néanmoins sans
que l’opération commerciale prenne fin ou qu’un partenariat soit officiellement
dissout. La Wakala prend simplement fin avec le remboursement des fonds.
90
Chapitre 6 – Produits clés et comparaison avec leurs équivalents conventionnels
Observations finales
Comme dans le cas du contrat de Moucharaka, les structures de Moudaraba et
de Wakala présentent souvent les mêmes profiles de risque et de bénéfices que
les prêts et dépôts. Il n’en demeure pas moins que ces structures financières
sont plus proches des prises de participation que de la dette (voir tableau ciaprès). En cas d’échec de la transaction, les risques ne sont de ce fait pas du
tout les mêmes que dans le cas d’un prêt conventionnel, et la banque ou le
« déposant » risquent de perdre de l’argent.
Comparaison entre les structures de prise de participation et d’agence
Moucharaka
Moucharaka avec
amortissement dégressif
Moudaraba
Wakala
Prise de
participation ou
dette
Prise de participation
Prise de participation
présentant quelques
caractéristiques d’une dette
Prise de participation
Dette présentant
quelques caractéristiques
d’une prise de
participation
Partage des
bénéfices
Selon clé de répartition
Selon clé de répartition, à
moins que l’un des partenaires
ne loue les actifs, alors le
partage des bénéfices est
reporté jusqu’à l’échéance du
partenariat ou du bail
Selon clé de répartition
Non exigé
Partage des pertes
Selon le capital investi
Selon le capital investi
Selon le capital investi,
le gérant perd temps et
efforts investis
Le mandataire n’est pas
exposé au risque de
perte de capital
Honoraires
Interdits
Interdits
Minimes
Autorisés
Chapitres 7
Les fournisseurs de finance islamique
Les banques islamiques connaissent une expansion rapide. Aujourd’hui, les
services de finance islamique peuvent être offerts aux clients de trois manières :
par le biais d’institutions financières islamiques à part entière; par le biais de
guichets islamiques dans les banques conventionnelles; par le biais de banques
conventionnelles offrant quelques services islamiques limités. Chaque modèle
a fait ses preuves selon le marché, en fonction de la place que les autorités de
réglementation sont prêtes à accorder aux banques islamiques à part entière
et de la disposition des actionnaires à accepter les propositions des banques
islamiques.
Dans toute l’Afrique ces solutions se répandent de plus en plus. L’essor des
alternatives islamiques est particulièrement notable au Kenya, au Nigéria et en
Afrique du Sud. Des institutions financières islamiques ayant pignon sur rue
opèrent dans la plupart des pays membres tant de l’Organisation de l’Unité
africaine que de la Ligue arabe, et sont bien établies au Soudan.
Banques islamiques à part entière
Les banques qui proposent exclusivement toute la palette de produits de dépôt,
d’investissement et financiers compatibles avec la charia peuvent être considérées
comme des banques islamiques à part entière. Le nombre de ces banques est
en augmentation, étant donné que les banques islamiques sont établies sur de
nouveaux marchés, que de nouvelles banques islamiques pénètrent des marchés
bien établis et que les banques conventionnelles se convertissent à la banque
islamique. On trouve aujourd’hui des banques islamiques dans plus de 70 pays.
Guichets islamiques
Reconnaissant l’importance du marché islamique, les institutions financières
conventionnelles ont ouvert des guichets islamiques. Ces derniers sont une
division de la banque qui fournit exclusivement des produits compatibles avec
la charia. En règle générale, le guichet a son propre bilan, compte de résultat,
personnel et back-office. Le guichet doit être régi par son propre Conseil de
surveillance de la charia.
Le guichet a pour objectif premier de permettre à la banque de préserver sa
part de marché face à une offre de services islamiques en pleine expansion sur
les marchés tels que ceux de la Malaisie et de l’Arabie saoudite. Il permet aussi
aux banques de répondre aux besoins d’une clientèle musulmane unique sur
un marché majoritairement non-musulman.
92
Chapitres 7 – Les fournisseurs de finance islamique
C’est au cours de la décennie écoulée que les banques conventionnelles ont
ouvert des guichets islamiques. Parmi elles figure le « HSBC Amanah » unique
en son genre. Ces guichets offrent à leurs clients un éventail concurrentiel de
produits compatibles avec la charia. En tant que banque conventionnelle offrant
des produits islamiques, leur champ d’application reste généralement limité en
comparaison de l’offre des institutions financières islamiques à part entière.
Des offres de produits islamiques limitées
Les banques conventionnelles pénètrent souvent le marché islamique en
proposant un seul produit. À titre d’exemple, la University Bank aux ÉtatsUnis a commencé par proposer un produit de type Ijara Muntahiyah Bi
Tamleek pour l’acquisition d’un logement. En l’espace de trois ans, la banque a
ajouté de nouveaux produits ponctuels à son offre, en fonction de la demande
des consommateurs. En 2006, University Bank a lancé son guichet islamique
sous la forme d’une filiale, la University Islamic Financial Corporation.
L’offre de produits ponctuels est pour la banque un moyen utile de tester le
marché, et la pratique est encouragée par la plupart des jurisconsultes de la
charia. Ce modèle a été appliqué par de nombreuses banques sur des marchés
aussi divers que la Malaisie, les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni.
Le Groupe de la Banque islamique de développement
Le Groupe de la BID s’est engagé à soutenir les initiatives de financement
à l’exportation et du commerce en faveur de ses États membres et de leurs
agents économiques. La BID offre une série d’enceintes solides qui permettent
aux gouvernements, ONG et agents économiques de se constituer en réseau,
de renforcer leurs capacités et d’obtenir des financements. Le financement du
commerce représente depuis toujours de 20% à 25% du revenu du Groupe de
la BID. Trois filiales de la BID se consacrent au financement du commerce :
J
La Société islamique pour le développement du secteur privé (SID). La
SID offre, entre autres, des services de financement, d’investissement
participatif et consultatifs. Il s’agit de la principale filiale de renforcement
des capacités de la BID.
J
La Société internationale islamique de financement du commerce (SIFC).
Dernière née de la famille de la BID, la SIFC offre des financements
pour des transactions commerciales spécifiques et développe nombre des
programmes existants de la BID afin d’offrir davantage de financements
à un plus grand nombre d’exportateurs dans les domaines couverts par
son mandat. Il s’agit de la principale filiale de financement du commerce
de la BID.
J
La Société islamique d'assurance des investissements et des crédits à
l'exportation (SIACE). La SIACE offre des produits compatibles avec
la charia dans les domaines du crédit et de l’assurance à l’exportation,
de l’assurance et de la réassurance des investissements à ses 35 pays
membres. Ces 35 pays sont membres de l’Organisation de la conférence
islamique et se trouvent au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie centrale et
en Asie du sud-est. La SIACE soutient trois groupes de consommateurs
ayant des besoins très spécifiques, et ce en :
Chapitres 7 – Les fournisseurs de finance islamique
93
–
Protégeant les exportateurs et les banques contre le risque de nonpaiement des créances à l’exportation.
–
Proposant aux investisseurs trois types de polices d’assurance des
investissements étrangers.
–
Protégeant la banque confirmatrice d’une lettre de crédit contre le
risque de non-paiement par la banque émettrice.
Les programmes de la BID sont proposés en partenariat avec les gouvernements,
des ONG et des banques. Pour pouvoir en bénéficier, le demandeur et la
transaction doivent avoir un lien commercial avec un pays membre de la BID.
Observations finales
La capacité du secteur de la finance islamique connaît une croissance rapide
dans le monde entier, même après la crise mondiale du crédit. Ce phénomène
s’explique notamment par le fait que les banques islamiques sont en mesure
d’aborder le monde de la finance sous un angle nouveau susceptible de réduire
les risques systémiques. Par ailleurs, les organisations multilatérales comme la
BID sont spécialisées dans la promotion des connaissances et des ressources qui
permettent l’accès à la finance islamique. C’est ainsi que davantage de banques
de l’OUA proposent aujourd’hui de la finance islamique ou sont disposées à
se lancer dans ce secteur, ce dont se félicitent les autorités de réglementation.
Au plan pratique, comme le montre l’exemple de la University Bank aux ÉtatsUnis, une offre limitée peut conduire la banque à ouvrir un guichet islamique.
Avec le temps, celui-ci peut conduire à l’établissement d’une banque islamique
à part entière.
L’évolution rapide du marché de la banque islamique a conduit à l’apparition
d’un nombre croissant de ressources qui permettent de trouver le meilleur
fournisseur de services financiers islamiques ou le plus proche. Les trois
plus utiles sont :
Conseil général pour les banques et institutions financières islamiques
www.cibafi.org
Ce groupe fournit des études et des données sur le marché et la situation
actuelle du marché des services financiers islamiques. Son site web fournit
des informations en arabe et en anglais.
Islamic Finance Information Service
www.securities.com/ifis
Ce site web spécialisé regorge de données de recherche en rapport avec les
services financiers islamiques. Il fait partie du Euromoney Institutional
Investor Group.
Islamic Finance News
www.islamicfinancenews.com
Ce site web est spécialisé dans les nouvelles, tendances du marché et
analyses des services financiers islamiques. Sa publication hebdomadaire
en ligne brosse un tableau complet de l’évolution la plus récente du marché,
alors que le site web offre de nombreux travaux de recherche très fouillés.
Chapitre 8
Accéder à la finance islamique
L’accès à la finance islamique est, à certains égards, le même que pour
la finance conventionnelle, étant donné que la banque islamique suit les
mêmes procédures d’évaluation du crédit et des garanties que la banque
conventionnelle. En revanche, le processus diffère sur un grand nombre de
détails majeurs. Le plus notable tient au fait que, étant donné que la finance
islamique suit les règles du Coran, la banque islamique ne pourra pas prendre
part à certaines activités commerciales, même indirectement.
De l’importance de la compatibilité avec la charia
Il est important de souligner qu’il n’est pas nécessaire d’être musulman ou de posséder une entreprise à 100%
compatible avec la charia pour faire affaire avec une banque islamique ou prendre part à une relation financière
islamique. Dès lors qu’une banque islamique fait affaire avec une entreprise qui n’est pas totalement compatible
avec la charia, c’est à la banque islamique qu’il incombe de prendre les mesures qui s’imposent. En d’autres
termes, les institutions financières islamiques sont autorisées à travailler ave des entreprises non islamiques, des
entreprises qui ne sont pas régies par la charia. Mais la banque islamique doit s’assurer que ses fonds seront
utilisés dans le respect des règles de la charia.
En d’autres termes, l’objet de la transaction doit être compatible avec la charia, même s’il s’agit d’une entreprise
neutre « au plan religieux » comme dans l’exemple de l’entreprise de pièces détachées pour l’automobile d’Umm
Abdul Rahman évoquée au chapitre 6. Cela signifie aussi que la forme du contrat et les différentes étapes du
financement doivent être scrupuleusement respectées et faire l’objet d’audits réguliers par le jurisconsulte de la
charia et le Conseil de surveillance de la charia de la banque. Cette étape permet de s’assurer que la banque et ses
partenaires respectent les préceptes religieux en vigueur.
Si la micro-entreprise ou la PME non-musulmane respecte les modalités de son contrat, la procédure n’est pas
invasive et ne prend guère de temps pour organiser l’examen des documents ou une visite des installations par le
jurisconsulte de la charia.
Le présent chapitre se penche sur le processus de demande de finance islamique,
envisagé sous l’angle d’une micro, petite ou moyenne entreprise. Il traite des
conséquences de la compatibilité avec la charia, définit les différentes étapes de
la présentation des demandes aux banques islamiques et étudie les avantages
potentiels du recours à la finance islamique.
Recourir ou non à la finance islamique?
Il existe deux façons d’accéder à la finance islamique en étant en conformité
avec la charia. Première solution : l’entreprise cherche simplement à accéder aux
services d’une institution financière islamique ou s’efforce d’être entièrement
compatible avec la charia. L’autre solution exige l’adoption d’une stratégie très
différente qui a un coût, et exige un engagement à long terme.
Chapitre 8 – Accéder à la finance islamique
95
Dans le deuxième cas de figure, l’entreprise doit inscrire le respect des principes
de la charia dans ses statuts. L’entreprise s’engage ensuite, dans l’exercice de
son activité professionnelle, à suivre les décisions de son conseiller en charia,
lequel peut être interne ou extérieur à l’entreprise. L’entreprise accepte aussi
de se soumettre périodiquement à des audits de conformité avec la charia
qui consistent en un contrôle de son comportement, de ses activités et de ses
procédures d’entreprise. Il est entendu que l’entreprise ne doit pas vendre ou
fabriquer des biens interdits par la charia et ne loue pas de locaux destinés à
des activités interdites. En outre, l’entreprise s’engage à faire en sorte que la
structure de son capital soit compatible avec la charia.
Même si la compatibilité avec la charia varie sur certains points d’une région
à l’autre, les différentes étapes à franchir pour l’entreprise qui souhaite
faire affaires avec une banque islamique sont presque toujours les mêmes.
Les procédures en matière de crédit et d’investissement, par exemple, sont
identiques. L’entreprise qui s’adresse à une banque islamique pour obtenir
un financement doit pouvoir prouver que l’argent sera utilisé conformément
aux principes directeurs compatibles avec la charia de la banque islamique.
Ces principes régissent les différentes étapes de l’opération, l’utilisation qui
peut être faite de l’argent et la suite à donner à la transaction. La banque
islamique et le client doivent de temps à autre se mettre en conformité avec la
législation locale en vigueur, la législation fiscale et les lois qui n’autorisent pas
explicitement l’utilisation des instruments de finance islamique décrits dans la
présente publication. Ces adaptations sont généralement pratiques.
Respecter les obligations découlant de la finance islamique exigera des efforts
supplémentaires du gérant de la micro-entreprise ou de la PME. Il s’agit
essentiellement de prescriptions supplémentaires en matière de notification
et, périodiquement, d’étapes supplémentaires à franchir dans le cadre de la
transaction. Qui plus est, la documentation différera de la documentation
exigée dans le cas de prêts conventionnels. À titre d’exemple, un prêt de
trésorerie pour le financement avant exportation peut n’exiger qu’une
convention de prêt. Mais une Mourabaha pour approvisionner l’exportateur
peut exiger toute une série de documents, y compris un contrat de vente, des
récépissés d’entrepôt et des titres de propriété.
Heureusement, la plupart des transactions islamiques bénéficient des systèmes
bancaires modernes, ce qui garantit l’utilisation de formulaires et de contrats
types. Il n’en demeure pas moins que les différentes étapes du processus peuvent
entraîner des coûts différents des frais liés à la conclusion d’un prêt, et sont
parfois considérablement plus élevés. Ils reflètent alors les étapes supplémentaires
inhérentes à la conclusion du contrat ou le fait que la transaction porte sur la
vente, la location ou l’établissement d’un partenariat ou d’un contrat d’agence.
Ces différences appellent tout naturellement des changements aux plans de la
comptabilité, du financement et des informations financières après clôture. Les
structures des transactions islamiques ont ceci d’unique qu’elles débouchent
sur des flux de trésorerie et des profils de risque distincts de ceux des banques
conventionnelles. De la même manière, la comptabilité et le traitement du
risque dans les montages, dépôts et institutions islamiques doivent être gérés
différemment. Ces différences de base, touchant tant au fond qu’à la forme,
signifient que les banques islamiques ont besoin de méthodes comptables et
de gestion du risque spéciales. C’est la raison pour laquelle sont apparus des
organismes spécialisés tels l’Organisation de comptabilité et d’audit pour les
institutions financières islamiques (AAOIFI) et le Islamic Financial Services
Board (IFSB).
96
Chapitre 8 – Accéder à la finance islamique
Choisir la finance islamique
En temps d’incertitude financière parmi les institutions conventionnelles,
les caractéristiques des banques islamiques les ont protégées, elles et leurs
clients, de l’ambiguïté ambiante. Ainsi, le principal avantage pour les microentreprises et les PME tient au fait que la banque islamique offre de nouvelles
ressources financières et possibilités qui pourraient s’avérer plus solides aux
heures les plus troubles pour les banques conventionnelles. Il s’ensuit que de
nouveaux marchés et de nouvelles possibilités pourraient s’offrir aux micro,
petites et moyennes entreprises exportatrices qui décideraient de se tourner
vers la finance islamique.
L’étude du déroulement type d’une opération de crédit révèle en quoi la
finance islamique s’apparente ou se distingue de la finance conventionnelle.
Ce processus financier se divise en quatre étapes distinctes :
Étape 1 : Avant de présenter la demande
Comprendre les besoins financiers de l’entreprise
Choisir l’instrument financier le plus adapté
Avant de présenter la demande : trouver le financier et le fournisseur
de service idoines
Étape 2 : Présentation de la demande
Documentation et financement
Étape 3 : Approbation de la demande et phase postérieure à la conclusion
de l’accord
Les sites web des institutions islamiques de financement du commerce
contiennent parfois une liste de contrôle des informations à réunir sur les
projets aux différentes étapes du processus de financement. Une liste de
contrôle type est donnée dans l’annexe au présent chapitre.
Étape 1 : Avant de présenter la demande
S’assurer que l’entreprise est en position d’accéder à un financement se fait, peu
ou prou, de la même manière quel que soit le type de financement demandé.
Préparer des états financiers en ordre, se doter d’un plan d’activité bien structuré
et démontrer que l’on est en mesure de gérer ou d’adapter l’entreprise, sont
autant d’éléments clés de toute demande de crédit. Démontrer que les garanties
de l’entreprise ou ses opérations ont de la valeur est un atout. Cependant, la
finance islamique exige une, voire deux, étapes supplémentaires :
J
L’activité ou l’actif à financer doit être compatible avec la charia.
J
La nature de l’activité ou de l’actif doit rester compatible avec la charia.
Par principe, les micro-entreprises ou les PME doivent être en mesure de
démontrer que l’actif ou le procédé est compatible avec la charia et viable,
et il est absolument indispensable qu’il le reste pendant toute la durée du
financement islamique. Un audit de conformité avec la charia sera ainsi
nécessaire d’entrée de jeu et tout au long de la relation.
Chapitre 8 – Accéder à la finance islamique
Figure 36.
97
Étapes précédant la présentation de la demande
Comprendre
les besoins
financiers de
l’entreprise
Déterminer
l'instrument
financier le plus
adapté
Trouver le
financier et le
fournisseur de
service idoines
Étape 1.1 : Avant de présenter la demande : comprendre les
besoins financiers de l’entreprise
La partie qui sollicite un financement islamique (à l’exportation ou avant
l’exportation, pour sa trésorerie ou des dépenses d’équipement) procède comme
pour un prêt conventionnel. Elle doit commencer par comprendre exactement
ses besoins financiers, ainsi que les avantages qu’elle peut raisonnablement
escompter de l’obtention d’un financement islamique pour répondre à ces
besoins. Parce que les instruments islamiques sont uniques, celui qui sollicite
le financement doit savoir s’il devrait opter, par exemple, pour un contrat de
vente comme la Mourabaha sur commande, ou pour un autre instrument.
Étape 1.2 : Avant de présenter la demande : choisir l’instrument
financier le plus adapté
À titre d’exemple, une dépense d’équipement est-elle mieux financée par une
location-vente, sachant qu’elle permet de libérer de la trésorerie pour financer
les activités avant exportation? Ou alors, l’exportateur devrait-il travailler avec
le financier pour louer la marchandise devant être produite à l’utilisateur final
par le biais d’un crédit-bail anticipé? S’il s’agit d’exporter des matières premières,
par exemple, un contrat de Salam devrait-il et pourrait-il être l’instrument le
plus adapté? Un contrat d’Istisna conviendrait-il pour des matières premières
transformées telle l’huile d’arachide?
En fonction de la réponse à chacune de ces questions, l’exportateur pourra
choisir un instrument de financement différent. Dans chaque cas, des choix
clairs et bien définis devront être faits pour comprendre les documents et la
diligence requise par l’institution financière islamique.
Étape 1.3 : Avant de présenter la demande : trouver le financier et
le fournisseur de service idoines
Un nombre croissant de banques islamiques internationales et spécialisées
proposent des services bancaires islamiques et peuvent être trouvées sur
Internet ou par le biais de banques locales. Dans certains pays, il est par ailleurs
possible de passer par des courtiers ou des agences pour trouver des services
financiers islamiques. Pour les opérations d’exportation et commerciales, les
meilleurs sites web sont ceux de la Banque islamique de développement (BID) :
J
J
J
www.itfc-idb.org
www.icd-idb.com
www.iciec.com
98
Chapitre 8 – Accéder à la finance islamique
La BID a lancé un certain nombre de programmes importants, tous destinés
à aider les micro-entreprises et les PME à trouver des partenaires locaux et à
s’informer sur les conditions à remplir pour pouvoir prétendre bénéficier du
soutien de la BID. Certains programmes de la BID permettent la présentation
de demandes en ligne.
Étape 2 : Présentation de la demande : documentation et financement
Une fois l’instrument de financement idoine sélectionné, l’exportateur doit
présenter sa demande de financement.
Au-delà des prescriptions contenues dans les programmes de la BID, les facteurs
qui font qu’une proposition tient la route pour une banque islamique sont les
mêmes que ceux suivis par les banques conventionnelles, si ce n’est sur les points
liés au respect de la charia. Il s’agit notamment de s’assurer que les marchandises
négociées sont autorisées par la charia et qu’elles seront utilisées dans le respect
des principes islamiques. Pour chaque marchandise un montage unique sera
envisagé. Les demandes de financement sont les mêmes que dans le cas de
crédits conventionnels, mais la convention de prêt et les documents d’exécution
différeront selon le montage financier retenu et les prescriptions de la charia.
Selon le programme, des formulaires types sont disponibles pour certains
produits de finance islamique, notamment ceux offerts dans le cadre des
programmes de la BID. Des contrats standards sont généralement aussi prévus
pour ces mêmes programmes. Néanmoins, la finance islamique étant nouvelle
dans de nombreux pays, les micro-entreprises et les PME devront dans certains
cas négocier des conventions de prêt de A à Z, voire les modifier ou les adapter
pour les transactions suivantes.
Dès lors que des documents non standards sont utilisés, le coût de la
documentation évolue avec l’apparition de nouveaux documents sur le marché
visé. Ceux-ci peuvent prendre de trois à quatre semaine pour voir le jour si un
avis juridique de novo est requis.
Le gérant d’une micro-entreprise ou d’une PME ne devrait se tourner vers la
finance islamique que s’il est disposé à franchir toutes les étapes supplémentaires
et à assumer les coûts supplémentaires qu’elle implique. Les avantages offerts
par ces nouvelles ressources financières et ces nouveaux marchés devraient
compenser ces inconvénients. Lorsque l’on opte pour la finance islamique
il peut être avantageux de s’attacher les services d’une personne ou d’une
entreprise possédant une grande expérience de la charia.
Le gérant pourra ainsi comprendre les activités interdites aux financiers
islamiques; à titre d’exemple, pourquoi la banque islamique peut conclure un
contrat de Salam pour des arachides, mais pas pour du porc ou de l’alcool. Les
conseillers en charia aideront aussi le gérant à trouver l’instrument de finance
islamique le mieux adapté. À ce stade, le gérant devrait être prêt à s’adresser
à l’institution financière locale de son choix pour lui soumettre sa demande.
La micro-entreprise ou la PME devrait anticiper la procédure de crédit
conventionnel, dans le cadre de laquelle la banque cherche à évaluer le risque
de crédit de l’entreprise, son besoin d’argent, le risque de pertes pour la banque
et les perspectives de bénéfices pour la banque ou l’entreprise.
Si les mesures du risque et du crédit ne sont pas concluantes, la demande de
l’entreprise sera rejetée et la procédure devra être reprise depuis le début. Mais
si l’entreprise et la banque parviennent à un accord, elles peuvent passer à
l’étape suivante.
Chapitre 8 – Accéder à la finance islamique
99
Mourabaha sur commande
Se préparer pour la finance islamique et présenter une demande de crédit de la micro-entreprise ou de la PME
L’entrepreneur doit se concentrer sur l’actif et expliquer de manière détaillée comment l’opération commerciale
débouchera sur un résultat positif pour l’entreprise en tant qu’acheteur – dans le cas d’une Mourabaha sur
commande – et pour la banque en tant que vendeur. Chaque instrument islamique, avec ses caractéristiques
particulières, exigera de passer d’une analyse de crédit simple de l’entreprise à une analyse plus détaillée des actifs
à acheter et à vendre, ou à louer, ou de l’opération commerciale à mettre en œuvre.
Dans le cadre d’un prêt conventionnel, les prescriptions en matière de documentation sont souvent beaucoup plus
simples que pour une transaction islamique. Cependant, une Mourabaha sur commande exige plusieurs documents
uniques représentant les différentes étapes de l’achat et de la vente des marchandises à l’exportateur. Une fois
validés, la banque n’accorde pas nécessairement un prêt et prend une garantie.
Au lieu de cela, la banque reçoit une promesse ou une commande ayant force obligatoire, puis enregistre les
éventuels nantissements ou garanties. Ensuite, la banque achète la marchandise pour son propre compte, la
propose au client, puis la vend. Ces différentes opérations sont souvent réalisées avec efficacité, mais exigent parfois
des documents supplémentaires et un souci plus grand du détail. L’élément potentiellement le plus important tient
au fait que le « financement » porte sur la livraison de marchandises par opposition au versement de liquidités.
Étape 3 : Approbation de la demande et phase postérieure à la conclusion
de l’accord
Dans le cadre d’un contrat de Mourabaha sur commande, une fois que la
banque a réalisé la vente au client, le client a acquis la marchandise mais ne l’a
pas encore payée. À ce stade de la relation de crédit, différents facteurs peuvent
avoir une incidence sur les risques pour l’entreprise et liés à la transaction :
J
Le client s’acquitte de ses obligations et respecte l’échéancier des
paiements.
J
Le client dégage un revenu plus rapidement que prévu et souhaite
rembourser sa dette par anticipation. La dette découlant d’une vente
et non d’un prêt, le vendeur (dans le cas présent, une banque) n’est
pas tenu par la charia d’abaisser le prix. Nombre de banques islamiques
décident cependant de le faire en cas de remboursement anticipé, et ce
afin de garder de bonnes relations avec le client.
J
Le client est en mesure de s’acquitter de ses obligations, mais pas
comme prévu. Dans ce cas là, la banque peut choisir de rééchelonner les
remboursements et d’accorder au client un délai plus long. Si la banque
opte pour cette solution, elle ne peut pratiquer un prix plus élevé ou
imposer des pénalités de retard. En effet, si la banque accorde davantage
de temps au client, elle peut uniquement maintenir la dette à valeur
constante, ou la réduire.
J
S’il n’y a aucune chance que le client honore ses obligations, la banque
peut chercher à faire valoir les garanties, saisir le nantissement, le cas
échéant, ou reprendre possession de l’actif sous-jacent.
Annexe
Liste de contrôle relative à la demande de financement
et à la conclusion de l’accord pour les micro-entreprises
et les PME
La société de finance islamique du commerce peut fournir sur son site web
la liste de contrôle suivante utile contenant les informations requises sur le
projet :
1. Informations générales
J
Structure juridique et législation qui régit l’activité de l’entreprise
J
Licence exigée pour réaliser l’activité envisagée
J
Année de création
J
Coordonnées des personnes à contacter
2. Propriétaires/promoteurs
J
Nom, nationalité et part en pourcentage des principaux actionnaires
J
Expérience dans le secteur, la branche industrielle ou les lignes de
produits
J
Partenaire technique
J
Expérience en gestion des entreprises
3. L’entreprise
J
Bref rappel de l’histoire de l’entreprise
J
Produits ou services
J
Technologie employée
J
Main-d’œuvre
J
Évolution de la production et des ventes (sur cinq ans)
J
Distribution des ventes (nationales/à l’étranger; segments de marché,
etc.)
J
Informations sur le marché (offre, demande, prix, stratégie de
distribution, principaux concurrents)
J
Principaux fournisseurs et clients
J
Avantages comparatifs et compétitifs
J
Informations financières historiques (états financiers vérifiés des trois
dernières années)
102
Chapitre 8 – Accéder à la finance islamique
4. Le projet
J
Description détaillée du projet
J
Études de faisabilité du projet : technique, de marché et financière
J
Avantages comparatifs et compétitifs
J
Origines principales de la concurrence
J
Arrangements technologiques
J
Emploi (prévisionnel)
J
Génération de devises (prévisionnel)
5. Coûts d’investissement
J
Coûts du projet ventilés
J
Bases d’estimation des coûts
J
Sources potentielles d’équipements/machines locales et importées
6. Prévisions financières
J
États financiers pro-forma sur cinq ans pour le projet, et bilan consolidé
de l’entreprise (trésorerie, bilan et compte de résultats)
J
Postulats utilisés pour établir les prévisions financières
J
Coût des marchandises vendues et analyse du coût unitaire
7. Mise en œuvre
J
Mode d’approvisionnement
J
Calendrier mensuel/annuel de mise en œuvre du projet
J
Risques envisagés
8. Plan financier
$E.-U. ’000
%
FONDS PROPRES
Propriétaires/promoteurs
Autres investisseurs
Sous-total
ENDETTEMENT À LONG TERME
Banques locales
Banques étrangères
Autres sources
Sous-total
TOTAL
9. Financement d’exploitation et de la trésorerie
J
Financement commercial/de matière première/de récole, etc.
J
Lignes de crédit à court terme pour les besoins en trésorerie (créances
plus stocks moins crédit fournisseur)
Chapitre 8 – Accéder à la finance islamique
10. Garanties proposées
J
Hypothèque/mise en gage des actifs sous-jacents du projet
J
Assurance
J
Garanties des promoteurs
J
Garanties d’achèvement du projet
J
Compte bloqué à l’étranger
J
Cautionnement conjoint avec d’autres financiers
103
Chapitre 9
Rôle du jurisconsulte de la charia
Le fait que les institutions financières offrant des produits de finance
islamique soient conseillées par des jurisconsultes de la charia est un élément
important de la croissance et de l’évolution rapides de la banque islamique.
Les connaissances et la capacité de ces jurisconsultes à prodiguer des conseils
s’améliorent. Un certain nombre d’institutions (telle l’AAOIFI) proposent des
formations spécialisées aux jurisconsultes modernes, lesquels peuvent prendre
part à tout un éventail de colloques sur la doctrine et la réglementation et se
spécialiser en audit de conformité avec la charia. Ces jurisconsultes toujours
plus pointus peuvent conseiller les clients, les banques et les responsables de la
réglementation dans un environnement adapté aux entreprises. Ces experts et
conseillers aident les banquiers et les clients à concevoir de nouveaux produits
tout en s’assurant que les activités de l’entreprise et ses transactions sont
compatibles avec la charia.
En ce qui concerne la conception de nouveaux produits, le client et la banque
islamique procèdent par itération avec les jurisconsultes de la charia. Ils
commencent généralement par une description du produit en précisant l’intérêt
de sa création, son utilité, son fonctionnement et les considérations juridiques
connexes. Lorsqu’un accord est trouvé sur la description initiale du produit,
les juristes peuvent passer à l’établissement des documents et des réunions
peuvent être organisées avec les responsables de la réglementation pour régler
les derniers détails clés. Parfois le concept et la proposition initiale seront
amplement testés sur le marché, pour aboutir à un livre blanc du produit final,
un jeu de documents types, voire un test en situation réelle.
Le jurisconsulte rend alors une fatwa (décret religieux) définitive approuvant ou
rejetant le produit. Si le produit satisfait aux normes de l’AAOIFI, la procédure
a toutes les chances de suivre son cours sans problème, les normes de l’AAOIFI
étant le fruit d’un consensus entre les jurisconsultes islamiques modernes.
Dans le cas contraire, la procédure peut se compliquer car le jurisconsulte
de la charia devra déterminer sur quels points le produit s’écarte des normes
convenues par ses pairs.
En ce qui concerne la conformité avec la charia, le jurisconsulte vérifie la
comptabilité des produits et services de la banque ou de l’entreprise. Il s’en
remet au service ou au conseiller de la banque ou de l’entreprise en charge
des questions de conformité pour garantir la compatibilité avec les lois et la
réglementation en vigueur. Le jurisconsulte s’assure que l’entreprise respecte
la précédente fatwa qui régit ses opérations, et qu’elle reste en tout temps
conforme à la charia. Un conseil de surveillance de la charia intervient alors
pour réaliser les audits nécessaires.
Chapitre 9 – Rôle du jurisconsulte de la charia
105
La conception de produits a ceci d’unique qu’elle exige de régler des problèmes
de droit, de procédure ou d’ordre commercial. Les nouveaux produits exigent
souvent une attention toute particulière de la part des jurisconsultes de la
charia et leur création est un processus de longue haleine. La conformité avec
la charia passe par l’existence et la mise en œuvre de produits et de procédures
de la charia, et elle se vérifie donc par le biais de contrôles et par la certification.
En conclusion, les jurisconsultes et groupes d’experts de la charia effectuent
des recherches pour consolider les opérations compatibles avec la charia et
en découvrir de nouvelles. Ils prodiguent des conseils sur la conception de
produits et interviennent en tant que vérificateurs de la compatibilité avec
la charia. Pour les micro-entreprises et les PME, les jurisconsultes sont une
source d’informations précieuse permettant de comprendre en quoi les règles
de la charia affectent les entreprises et quels sont les types de transaction
autorisés.
Chapitre 10
Réglementation, incidences fiscales et directives
juridictionnelles
Les activités des banques islamiques étant axées sur le commerce et le partage
des bénéfices, la réglementation et la gouvernance de ces institutions de même
que leurs montages financiers diffèrent de ceux des banques conventionnelles.
Des questions de fiscalité se posent aussi dans les pays qui imposent des
taxes sur la valeur ajoutée, des droits de timbre et des taxes sur les transferts
d’avoirs. Qui plus est, selon les régions et les pays, l’attitude adoptée vis-àvis des banques et de la finance islamique a été très différente. Pour cette
raison, les gérants de micro-entreprises ou de PME et leur banquier peuvent
être confrontés à des coûts de transaction plus élevés. En outre, la banque
islamique n’offre peut-être pas autant de services aux gérants d’entreprises que
la banque conventionnelle.
Organismes de réglementation
Il n’existe pas un seul organisme de réglementation de la banque et de la
finance islamiques modernes. La Banque des règlements internationaux (BRI)
et l’Organisation internationale des commissions de valeurs mobilières (OICV)
ont constitué des groupes spéciaux sur la banque et les valeurs mobilières
islamiques. Il n’en demeure pas moins que la réglementation reste nationale.
Les pays tels que le Bahreïn et la Malaisie se sont dotés d’une réglementation
nationale approfondie et assurent un accès facile aux données sur les sites
web des organismes de réglementation compétents (voir plus bas). La Banque
centrale du Soudan règne aussi sur un secteur de la banque islamique très
actif.
Bank Negara Malaysia
http://www.bnm.gov.my
Commission des valeurs et des changes de Malaisie http://www.sc.com.my/
Banque centrale du Bahreïn
http://www.cbb.gov.bh
Banque centrale du Soudan
http://www.bankofsudan.org/
Afin d’orienter la communauté internationale et les organismes de
réglementation nationaux, le secteur s’est doté de ses meilleures pratiques,
lesquelles peuvent être considérées comme un cadre réglementaire émergeant
de finance islamique. L’Organisation de comptabilité et d’audit pour les
institutions financières islamiques (www.aaoifi.com) et le Islamic Financial
Services Board (www.ifsb.org) pilotent ce processus. L’AAOIFI et l’IFSB sont
des organismes de gouvernance indépendants dotés de leurs propres groupes
Chapitre 10 – Réglementation, incidences fiscales et directives juridictionnelles
107
d’experts en charia, généralement dirigés par les jurisconsultes les plus
expérimentés et reconnus au service des institutions financières. Ces deux
organismes établissent des normes pour les produits et les services offerts par
les institutions financières islamiques, les guichets islamiques des banques
conventionnelles et les banques conventionnelles qui proposent des services
islamiques.
L’AAOIFI est une organisation panislamique à but non lucratif basée au Bahreïn
et qui offre à ses membres des normes comptables, d’audit, de gouvernance,
éthiques et compatibles avec la charia. L’AAOIFI compte plus de 150 membres
de plus de 40 pays au nombre desquels figurent des banques centrales, des
institutions de finance islamique et des représentants des secteurs des services
financiers, juridiques, comptables et autres secteurs connexes.
La plupart des micro-entreprises et PME appliquent les normes comptables
locales ou les Normes internationales d’information financière (IFRS), lesquelles
ne conviennent pas nécessairement exactement aux transactions islamiques.
Les normes de l’AAOIFI fournissent le support idoine pour la comptabilité des
transactions islamiques en employant une terminologie compatible avec les
normes IFRS. Cette approche peut aider les gérants d’entreprises à faire face
aux questions fiscales et autres.
L’IFSB, basée à Kuala Lumpur, est une organisation panislamique dont les
membres établissent des normes pour le secteur des services de finance
islamique (bancaires, marchés des capitaux et d’assurance). Il s’agit d’une
organisation à but non lucratif qui se concentre sur la définition des risques
et des prescriptions en matière d’adéquation des fonds propres pour les
institutions et transactions islamiques. Si elle met essentiellement l’accent sur
les normes Bâle II20, son mandat couvre des questions de gouvernance et de
gestion des risques plus vastes. Parmi ses quelque 150 membres figurent plus
de 35 autorités responsables de la réglementation et du contrôle du secteur de
pays islamiques, de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement
économiques) et d’autres pays. Le Fonds monétaire international (FMI), la
Banque mondiale et la Banque islamique de développement en sont aussi
membres.
Incidences fiscales
Divers contrats islamiques utilisés en France soulèvent deux problèmes
de taille. Le premier tient au fait que nombre des instruments de finance
islamique sont des contrats de vente. Selon les juridictions, ils peuvent exiger
le paiement de la TVA et de taxes sur les transactions financières et de capital.
De nombreux pays, tels la Malaisie et le Royaume-Uni, ont adopté des mesures
d’exonération fiscale pour certains types de transactions islamiques, et ce afin
de préserver leur neutralité fiscale. Dans quelques cas, comme aux États-Unis,
certaines structures islamiques, y compris la Mourabaha et l’Ijara Mountahiya
Bi Tamleek (bail débouchant sur la propriété), sont exonérées de certaines
taxes, la réglementation les considérant comme des structures de prêt. Dans
20 Le Cadre Bâle II, établi par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, fixe les mesures
prudentielles de base. Celles-ci visent entre autres objectifs à aligner les prescriptions
réglementaires relatives aux fonds propres sur les risques sous-jacents encourus par les
banques.
108
Chapitre 10 – Réglementation, incidences fiscales et directives juridictionnelles
les pays qui n’ont pas adopté ce type d’exonérations ou de règles, la Mourabaha
ou d’autres structures islamiques peuvent donner lieu au versement de taxes
considérablement plus élevées que dans le cas d’un prêt.
Ensuite, le revenu tiré des modes de financement avec partage des bénéfices
peuvent donner lieu à un impôt sur les plus-values de cession ainsi qu’à un
impôt sur les dividendes. Ces mesures peuvent avoir une incidence sur la
disponibilité et le coût des structures de type Moucharaka et Moudaraba dans
certains pays.
Questions de compétence
En règle générale, les banques islamiques opèrent dans des juridictions de
droit civil ou de common law. Seules les banques islamiques d’Arabie saoudite
opèrent dans une juridiction appliquant uniquement la charia.
Les transactions islamiques sont généralement plus faciles à exécuter dans les
pays de common law, étant donné que les concepts tels que le titre bénéficiaire
ou les services fiduciaires y existent déjà. Comme le prouve la Mourabaha
d’agence et les dépôts Wakala, la propriété bénéficiaire est un instrument
important de la finance islamique. À l’inverse, les pays de droit civil doivent
se doter de nouvelles lois qui autorisent explicitement la finance islamique. À
l’exception du Bahreïn (droit civil) et de la Malaisie (common law), la plupart
de ces questions de compétence sont au jour d’aujourd’hui uniquement
abordées sur les marchés clés. Il en résulte que les produits décrits dans le
présent ouvrage ne sont pas toujours disponibles.
Conclusion
Les questions réglementaires, fiscales et juridiques liées à la finance islamique
commencent à peine à être examinées dans de nombreux pays. Les meilleures
pratiques établies par l’AAOIFI et l’IFSB sont des guides importants pour
le marché international et le développement des pratiques comptables et
réglementations applicables aux banques islamiques et à leurs montages
financiers uniques. Ces organisations fournissent donc d’utiles ressources pour
l’ensemble du marché sur les meilleures pratiques en matière de réglementation
et de taxation des transactions islamiques, ainsi qu’une idée claire du cadre
juridique le plus adapté. En attendant, étant donné que dans l’ensemble les
questions réglementaires, fiscales et juridiques que posent la finance islamique
sont encore sans réponse, les produits sont parfois moins nombreux et les coûts
plus élevés pour les gérants de micro-entreprises et de PME désireux de se
tourner vers la finance islamique.
Appendice
Questions fréquemment posées
Q : Les banques islamiques travaillent-elles uniquement avec des
musulmans?
R : Non. Les banques islamiques travaillent avec toute personne ou entreprise
disposée à respecter les règles et à appliquer les structures des banques
islamiques. Comme indiqué dans le présent ouvrage, celles-ci impliquent tant
des règles morales que des règles commerciales.
Q : Une banque islamique va-t-elle systématiquement assumer une partie
des pertes subies par mon entreprise?
R : Non. Certaines formes de finance islamique passent par des ventes ou des
locations-ventes, auquel cas la banque se concentre sur le risque de crédit et lié
à l’actif sous-jacent.
Q : Mes dépôts dans une banque islamique sont-ils exposés à un risque
de perte?
R : Non. Certains investissements dans les banques islamiques ont pour but de
protéger le déposant contre le risque de perte. D’autres peuvent être couverts
par des réserves spéciales détenues par la banque pour vous protéger contre le
risque de contre-performance ou de perte, et leur répercussion sur vous.
Q : Les organismes de réglementation de mon pays doivent-ils modifier
la loi pour autoriser les instruments financiers islamiques?
R : Dans certains cas, les lois et la réglementation fiscale d’un pays peuvent
pénaliser les différents instruments islamiques. Il n’en demeure pas moins que
bien souvent, les institutions islamiques disposent d’une marge de manœuvre
limitée sans que le pays n’ait à modifier ses lois et réglementations. Les
performances des banques islamiques sont maximales lorsqu’elles disposent
d’un cadre réglementaire et fiscal qui leur accorde un traitement identique à
celui réservé aux banques conventionnelles et à leurs montages financiers.
Q : Les banques islamiques ont-elles le droit de prendre des garanties?
Dans l’affirmative, ont-elles le droit de garder plus que l’obligation dont
je suis redevable en cas de saisie de la garantie?
R : Non. Dans nombre de transactions, comme le contrat de Mourabaha, la
banque islamique exige une garantie. Si elle se trouve contrainte de la saisir,
elle a le droit de récupérer uniquement le montant qui lui est dû ainsi que les
frais y relatifs, tels les frais juridiques, par exemple.
110
Appendice – Questions fréquemment posées
Q : Les banques islamiques internationales peuvent-elles opérer dans les
pays dans lesquels elles n’ont pas de filiales ou de succursales?
R : Au fil des ans, les banques islamiques sont intervenues en différentes
qualités en tant que financiers offshore, investisseurs de fonds et gestionnaires
d’actifs dans des pays dans lesquels elles n’avaient pas de présence physique.
Q : Les banques conventionnelles peuvent-elles me proposer des services
et des produits de finance islamique?
R : Depuis l’apparition des banques islamiques modernes, les grandes banques
internationales telles Citibank, HSBC, Deutsche Bank, et la Development
Bank of Singapore, proposent des produits de finance islamique sur le marché
mondial. Les jurisconsultes islamiques sont heureux que ces établissements et
de nombreuses banques conventionnelles plus modestes offrent ces services
qui contribuent à la croissance du marché.
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LE SYSTÈME BANCAIRE
ISLAMIQUE
GUIDE À L’INTENTION DES
PETITES ET MOYENNES
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