Intimée Commission-scolaire-des-Patriotes

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Intimée Commission-scolaire-des-Patriotes
Dossier no 34854
COUR SUPRÊME DU CANADA
(EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC)
ENTRE :
MARILYNE DIONNE
APPELANTE
(appelante)
- et COMMISSION SCOLAIRE DES PATRIOTES
INTIMÉE
(intimée)
- et COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES
INTIMÉE
(mise en cause)
- et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
et
FÉDÉRATION DES SYNDICATS DE L’ENSEIGNEMENT
INTERVENANTES
MÉMOIRE DE L’INTIMÉE
COMMISSION SCOLAIRE DES PATRIOTES
Henri A. Lafortune Inc.
Tél. : 450 442-4080
Téléc. : 450 442-2040
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2005, rue Limoges
Longueuil (Québec) J4G 1C4
www.halafortune.ca
L-3560-12
-2-
Me Denis Lavoie
Me Pierre Brun
Me Graciela Iris Barrère
Melançon Marceau Grenier et Sciortino
Bureau 300
1717, boul. René-Lévesque Est
Montréal (Québec) H2L 4T3
Me Marie-France Major
Supreme Advocacy SRL
Bureau 100
397, avenue Gladstone
Ottawa (Ontario) K2P 0Y9
Tél. : 514 525-3414
Téléc. : 514 525-2803
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Procureurs de l’appelante
Correspondante de l’appelante
Me René Paquette
Me Paule Veilleux
Me Julie Samson
Me Yann Bernard
Me Marie-Claude Pichette
Langlois Kronström Desjardins,
s.e.n.c.r.l.
28e étage
1002, rue Sherbrooke Ouest
Montréal (Québec)
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Me Pierre Landry
Noël et Associés s.e.n.c.r.l.
111, rue Champlain
Gatineau (Québec)
J8X 3R1
Tél. : 514 842-9512
Téléc. : 514 845-6573
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Tél.
819 771-7393
Téléc. : 819 771-5397
[email protected]
Procureurs de l’intimée
Commission scolaire des Patriotes
Correspondant de l’intimée
Commission scolaire des Patriotes
-3-
Me Marie-France Bernier
Me Claude Verge
Commission des lésions
professionnelles
Bureau 700
900, avenue d’Youville
Québec (Québec)
G1R 3P7
Me Alexandra Audet
Noël et Associés s.e.n.c.r.l.
111, rue Champlain
Gatineau (Québec)
J8X 3R1
Tél. : 418 644-9602
Tél. : 418 644-7776
Téléc. : 418 528-6063
[email protected]
[email protected]
Tél.
819 771-7393
Téléc. : 819 771-5397
[email protected]
Procureurs de l’intimée
Commission des lésions
professionnelles
Correspondante de l’intimée
Commission des lésions
professionnelles
Me Pierre Michel Lajeunesse
Vigneault Thibodeau Bergeron
Bureau 304
524, rue Bourdages
Québec (Québec)
G1K 7E2
Me Richard Gaudreau
Bergeron, Gaudreau
167, Notre-Dame de l'Île
Gatineau (Québec)
J8X 3T3
Tél. : 418 266-4900 poste 5002
Téléc. : 418 266-4922
[email protected]
Tél. : 819 770-7928
Téléc. : 819 770-1424
[email protected]
Procureur de l’intervenante
Commission de la santé et de la
sécurité du travail
Correspondant de l’intervenante
Commission de la santé et de la
sécurité du travail
-4-
Me Charles-David Brulotte
Barabé Casavant (Services juridiques
de la CSQ)
9405, rue Sherbrooke Est
Montréal (Québec)
H1L 6P3
Me Marie-France Major
Supreme Advocacy LLP
Bureau 1
397, avenue Gladstone
Ottawa (Ontario)
K2P 0Y9
Tél. : 514 356-8888 poste 2108
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Tél. : 613 695 8855 poste 102
Téléc. : 613 695-8580
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Procureur de l’intervenante
Fédération des syndicats de
l’enseignement
Correspondante de l’intervenante
Fédération des syndicats de
l’enseignement
-iTABLE DES MATIÈRES
MÉMOIRE DE L’INTIMÉE
COMMISSION SCOLAIRE DES PATRIOTES
PARTIE I
– EXPOSÉ CONCIS DE LA POSITION DE
L’INTIMÉE ET EXPOSÉ DES FAITS
PERTINENTS
Page
.........................................1
I.1
Exposé de la position de l’Intimée
........................................1
I.2
Les faits pertinents
........................................3
PARTIE II – EXPOSÉ CONCIS DES QUESTIONS EN
LITIGE SOULEVÉES PAR L’APPELANTE
.........................................9
PARTIE III – EXPOSÉ CONCIS DES ARGUMENTS
.......................................10
III.1 La norme de contrôle judiciaire
......................................10
III.1.1
Le test de détermination de la norme de
contrôle
......................................10
III.1.2
La norme de la décision raisonnable
s’applique à l’analyse d’une question fondée
sur la Charte ou inspirée du droit civil
......................................13
L’arrêt Doré
......................................14
III.1.3
III.2 L’application de la LSST à l’Appelante
......................................18
III.2.1
Objet de la LSST
......................................18
III.2.2
Champ d’application de la LSST
......................................19
III.2.3
Conditions d’admissibilité du droit au retrait
préventif de la travailleuse enceinte
......................................21
III.2.4
Interprétation de la notion de « travailleur »
au sens de la LSST
......................................22
- ii TABLE DES MATIÈRES
MÉMOIRE DE L’INTIMÉE
COMMISSION SCOLAIRE DES PATRIOTES
Page
III.2.5
Nécessité de détenir un « contrat de travail »
......................................24
III.2.6
Statut d’une « suppléante occasionnelle »
......................................28
III.3 Interprétation et application conforme aux droits et
libertés protégés par la Charte québécoise
......................................30
PARTIE IV – ARGUMENTS
À
L’APPUI
L’ORDONNANCE
DEMANDÉE
SUJET DES DÉPENS
.......................................40
PARTIE V
DE
AU
– ORDONNANCE DEMANDÉE
.......................................40
PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES
.......................................41
-1Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis de la position de l’intimée et
exposé des faits pertinents
MÉMOIRE DE L’INTIMÉE COMMISSION SCOLAIRE DES PATRIOTES
PARTIE I – EXPOSÉ CONCIS DE LA POSITION DE L’INTIMÉE
ET EXPOSÉ DES FAITS PERTINENTS
I.1
Exposé de la position de l’Intimée
1.
La Cour suprême du Canada doit déterminer si la décision rendue par la Commission
des lésions professionnelles (ci-après « CLP »), qui a interprété la notion de
« travailleur » définie à la Loi sur la santé et la sécurité du travail 1 (ci-après « LSST »
ou « Loi ») et décidé que l’Appelante n’avait pas fait l’objet de discrimination, est
raisonnable.
2.
La reconnaissance du statut de « travailleur » au sens de la LSST 2 constitue une
condition d’ouverture à l’ensemble des droits accordés aux travailleurs par cette Loi, y
compris le droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte.
3.
Cette Cour a d’ailleurs déjà analysé l’objet de la Loi et l’objectif poursuivi par le
législateur québécois et a conclu, sous la plume du Juge Beetz3 :
« Je ne pense donc pas que la Loi vise à protéger la santé et la
sécurité des personnes en général dans la province. Elle régit les
relations entre travailleur et employeur en tant que telles, sur les lieux
du travail ou à l’occasion du travail et dans les cadres d’un contrat de
travail (…). » (Nous soulignons)
4.
Ainsi, le législateur a fait des choix en délimitant le champ d’application de la LSST de
telle manière qu’il faut conclure que cette Loi ne vise clairement pas l’ensemble des
travailleurs au Québec 4.
1
2
3
L.R.Q., c. S-2.1 [LSST], Recueil des sources de l’Appelante (ci-après « R.S.A. »), vol. I,
onglet 8.
Ibid., art. 1 « travailleur ».
Bell Canada c. Québec (CSST), [1988] 1 R.C.S. 749, R.S.A., vol. I, onglet 20, par. 165.
[Bell Canada]
-2Mémoire de l’intimée CSP
5.
Exposé concis de la position de l’intimée et
exposé des faits pertinents
La qualification de « travailleur » au sens de la LSST repose sur l’existence d’un
« contrat de travail » entre un employeur et une personne. Comme le « contrat de
travail » n’est pas défini à la Loi, la CLP a eu recours aux règles générales de droit
commun prévues au Code civil du Québec 5 (ci-après « C.c.Q. ») pour cerner cette
notion.
6.
En l’espèce, l’Appelante est une personne inscrite sur une liste de « suppléants
occasionnels », ce qui ne lui confère aucun lien d’emploi avec l’Intimée et
conséquemment, ne lui permet nullement d’être assimilée à une « travailleuse » au
sens de la LSST. C’est à l’occasion de l’octroi de chaque contrat de suppléance qu’elle
est en mesure d’exécuter qu’un lien d’emploi se crée, et ce, uniquement pour la durée
prévue du contrat.
7.
C’est donc à bon droit que la CLP a conclu en l’instance qu’en aucun temps pertinent,
un contrat de suppléance n’a valablement été conclu et qu’en conséquence,
l’Appelante n’était pas une « travailleuse » au sens de la Loi. Cette décision est tout à
fait raisonnable et résiste au test de la norme de contrôle judiciaire comme en a décidé
la Cour d’appel du Québec.
8.
Prétendre, comme le fait l’Appelante, que ce droit doit répondre au besoin d’une
femme enceinte de bénéficier de revenus 6 est sans lien aucun avec l’objectif poursuivi
par le législateur lors de l’adoption de la LSST. En fait, cette Loi vise exclusivement
l’élimination à la source des dangers dans un milieu de travail 7. Il ne s’agit nullement
d’une loi compensatrice de remplacement de revenus. Il ne faut alors pas confondre la
LSST avec la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles8
(ci-après « LATMP »).
4
5
6
7
8
LSST, supra note 1
Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64.
Mémoire de l’Appelante (ci-après « M.A. »), p. 1, par. 3.
LSST, supra note 1, art. 2.
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001 [LATMP],
Recueil de sources de l’Intimée (ci-après « R.S.I. »), vol. I, onglet 2.
-3Mémoire de l’intimée CSP
9.
Exposé concis de la position de l’intimée et
exposé des faits pertinents
Or, le droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte a pour seul but de permettre à
celle-ci d’être réaffectée par son employeur, dans son propre milieu de travail, à des
tâches qui ne comportent pas de danger pour elle ou pour l’enfant à naître. L’exercice
du retrait préventif exige donc que la bénéficiaire de ce droit soit, au préalable,
détentrice d’un contrat de travail qui la lie à un employeur.
I.2
Les faits pertinents
10.
L’Intimée, la Commission scolaire des Patriotes, regroupe une cinquantaine d’écoles
sur son territoire.
11.
À tout moment pertinent au litige, l’Intimée est liée par une convention collective,
communément appelée « Entente nationale » (E-1-2005-2010)9 intervenue entre
le Comité Patronal de négociation pour les Commissions scolaires francophones
(le CPNCF) et la Centrale des syndicats du Québec (la CSQ) dont les sujets de
négociation sont déterminés par la Loi10.
12.
L’Intimée a aussi conclu une « Entente locale 11 » avec le Syndicat de l’enseignement
de Champlain. Les sujets de négociation de cette entente sont aussi prévus par la
même Loi12.
13.
L’Entente nationale spécifie qu’elle ne s’applique pas aux « suppléants occasionnels »,
sauf pour les seules clauses où ils sont expressément désignés 13, soit essentiellement
les dispositions encadrant la rémunération 14.
9
10
11
12
13
Dispositions liant le CPNCF et la CSQ (E1-2005-2010), dossier de l’Appelante (ci-après
« D.A. »), pièce P-1, vol. II et III, p. 101 et s. [E1-2005-2010]
Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et
parapublic, L.R.Q., c. R-8.2, R.S.A., vol. I, onglet 7, art. 44-74, [Loi sur le régime de
négociation des conventions collectives]
Entente intervenue entre la Commission scolaire des Patriotes et le Syndicat de
l’enseignement de Champlain, D.A., pièce P-1, vol. III, p. 408 et s.
Loi sur le régime de négociation des conventions collectives, supra note 10.
E1-2005-2010, D.A., supra note 9, vol. II, p. 117, art. 2-1.01, art. 2-1.03.
-4Mémoire de l’intimée CSP
14.
Exposé concis de la position de l’intimée et
exposé des faits pertinents
L’Entente nationale définit un « suppléant occasionnel » de la façon suivante :
« 1-1.43
Suppléante ou suppléant occasionnel
Toute personne, sauf une enseignante ou un enseignant régulier, qui
remplace une enseignante ou un enseignant absent. » 15
15.
La convention collective ne définit donc pas le « suppléant occasionnel » comme étant
un « enseignant », car ce statut est réservé à des personnes qui détiennent un lien
contractuel avec une commission scolaire 16. Or, c’est donc à tort que l’Appelante
utilise, pour se qualifier, l’expression « enseignante suppléante », créant ainsi une
certaine confusion quant à son statut réel17.
16.
L’Entente locale encadre les modalités de remplacement des enseignants18. Cette
entente locale 19 prévoit qu’en cas d’absence d’un enseignant, le remplacement est
d’abord effectué par un « enseignant en disponibilité 20 ». Ce n’est qu’à défaut de
pouvoir combler le remplacement de cette façon que l’Intimée fera appel à un
enseignant détenant déjà un contrat à temps partiel dans l’école ou sinon, à une
« suppléante ou suppléant occasionnel » inscrit sur une liste confectionnée à cet effet
par l’Intimée.
17.
L’Intimée s’est dotée d’un centre d’appels pour pourvoir au remplacement ponctuel
d’enseignants. Ce centre peut référer à la liste de « suppléants occasionnels », sans y
être par ailleurs obligé. Cette liste constitue, ni plus ni moins, une banque de candidats
pouvant être appelés à combler un besoin ponctuel de remplacement 21.
14
15
16
17
18
19
20
21
Jugement dont appel, par. 62 à 65.
E1-2005-2010, D.A., supra note 9, vol. II, p. 115, art. 1-1.43.
Ibid., p. 114, art.1-1.19 à 1-1.26.
M.A., p. 2, par. 7 à titre d’exemple.
E1-2005-2010, D.A., supra note 9, vol. II, p. 208, art. 8-7.11.
Ibid., vol. III, p. 493, art. 8-7.11.
Ibid., vol. II, p. 114, art. 1-1.23.
Jugement dont appel, par. 62.
-5Mémoire de l’intimée CSP
18.
Exposé concis de la position de l’intimée et
exposé des faits pertinents
La preuve, tant documentaire que testimoniale, a révélé que pour être inscrite sur la
liste de « suppléants occasionnels », une personne n’a nul besoin de détenir un
baccalauréat en enseignement ni même d’être soumise à un processus de sélection
par l’Intimée 22.
19.
De plus, la Loi sur l’instruction publique prévoit que toute personne, sans être
légalement qualifiée, peut effectuer de la suppléance dans une école au Québec23.
20.
Les ententes précitées ne prévoient ni droit de rappel, ni même de priorité d’appel,
pour les « suppléants occasionnels ». Ainsi, la liste ne peut aucunement être assimilée
à une liste d’ancienneté, une liste de rappel ou de priorité d’emploi24. Ainsi,
contrairement à la conclusion du Juge Dalphond dans sa dissidence 25, la liste de
suppléance ne peut aucunement être assimilée à une liste de rappel qui serait
contraignante. C’est pourquoi le retrait du nom d’un candidat de la liste ou le défaut de
communiquer avec un candidat inscrit ne peut être contesté par voie de grief.
21.
Les « suppléants occasionnels » n’ont aucune obligation de disponibilité envers
l’Intimée. Ils n’ont pas davantage celle d’accepter une proposition de remplacement
offerte par l’Intimée 26. Ils peuvent même s’inscrire sur la liste de plusieurs commissions
scolaires et, conséquemment, effectuer de la suppléance pour plusieurs d’entre elles.
22.
L’Appelante a complété un baccalauréat en enseignement en décembre 2005 et s’est
inscrite en janvier 2006 sur la liste de « suppléants occasionnels », telle que constituée
par l’Intimée 27.
23.
Pendant le mois de septembre 2006, l’Appelante a effectué trois (3) contrats de
suppléance, totalisant deux jours et demi (2,5 jours), dans des écoles de l’Intimée 28.
22
23
24
25
26
27
Décision de la CLP du 5 juin 2008, D.A., vol. I, p. 4, par. 6 et 7.
Loi sur l’instruction publique, L.R.Q., c. I-13.3, art 23 (2), R.S.I, vol. I, onglet 3.
Jugement dont appel, par. 62.
Ibid., par. 9 et par. 30.
Décision de la CLP du 5 juin 2008, D.A., vol. I, p. 4, par. 10.
Jugement dont appel, par. 62.
-6Mémoire de l’intimée CSP
24.
Exposé concis de la position de l’intimée et
exposé des faits pertinents
Le 24 septembre 2006, l’Appelante apprend qu’elle est enceinte. Ce jour-là, elle
n’effectuait aucun remplacement, ne fournissait aucune prestation de travail et ne
détenait aucun contrat de travail qui la liait à l’Intimée 29.
25.
Le 25 septembre 2006, l’Appelante communique avec le centre d’appels pour les
aviser qu’elle n’est pas disponible pour effectuer des remplacements puisqu’elle attend
les résultats de ses tests d’immunité à l’égard de certaines maladies contagieuses
susceptibles de présenter un risque pour la santé de son enfant à naître 30.
26.
Le 23 octobre 2006, alors qu’elle n’effectue aucune suppléance, qu’elle ne fournit
aucune prestation de travail et qu’elle ne détient aucun contrat de travail la liant à
l’Intimée, l’Appelante obtient un certificat visant le retrait préventif et l’affectation de la
travailleuse enceinte ou qui allaite (ci-après « certificat de retrait préventif ») signé par
un médecin du CLSC lui indiquant un risque de contagion par exposition au Parvovirus
B-19 31 qui lui permettrait de cesser son travail, le cas échéant.
27.
Bien que l’Appelante ne fût liée par aucun contrat de travail avec l’Intimée, elle avait
identifié cette dernière comme « lieu de travail » sur le certificat qu’elle a soumis au
CLSC et qui a été transmis à la CSST par la suite. Rappelons que l’Appelante n’avait
effectué aucun remplacement depuis qu’elle connaissait son état de grossesse, soit
depuis le 24 septembre 2006.
28.
En se basant sur cette information erronée quant à l’identification de l’employeur, la
CSST conclut, dans sa décision du 3 novembre 2006, que la travailleuse est
admissible au programme Pour une maternité sans danger. La CSST assimile
erronément le statut de l’Appelante à celui d’une « travailleuse contractuelle » au
service de l’Intimée 32. Cette décision précise à l’Appelante que son « retrait préventif
28
29
30
31
32
Ibid., par. 66.
Ibid., par. 67.
Ibid.
Certificat de retrait préventif du 23 octobre 2006, D.A., pièce P-2, vol. III, p. 529.
Décision de la CSST du 3 novembre 2006, D.A., pièce P-3, vol. III, p.530.
-7Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis de la position de l’intimée et
exposé des faits pertinents
débutera le jour où vous serez appelée au travail par votre employeur pour effectuer
un contrat ». Cette décision est contestée par l’Intimée devant la CSST siégeant en
Révision administrative, qui la confirme dans sa décision du 20 décembre 2006 33.
L’Intimée conteste cette décision devant la CLP.
29.
Le 13 novembre 2006, le médecin traitant de l’Appelante complète un deuxième
certificat de retrait préventif en raison, cette fois, d’un risque de contagion par
exposition à la rubéole 34.
30.
À la suite de l’obtention de son certificat, l’Appelante communique elle-même avec le
centre d’appels pour se déclarer maintenant disponible malgré son incapacité réelle à
exécuter un contrat de suppléance dans une école. Puisque l’Appelante se déclare
alors disponible, l’Intimée lui offre un contrat de suppléance pour la même journée.
L’Appelante déclare accepter l’offre qui lui est faite puis signale immédiatement son
incapacité d’effectuer la prestation de travail requise en raison des dangers identifiés
par les certificats de retrait préventif 35.
31.
Entre le 13 et le 30 novembre 2006, elle répète le même stratagème en téléphonant
directement au centre d’appels pour solliciter d’autres offres de suppléance. Elle
déclare chaque fois accepter toutes les offres de suppléance qui lui sont faites, en
ajoutant aussitôt ne pas pouvoir fournir la prestation de travail requise en raison des
certificats de retrait préventif 36.
32.
L’Appelante communique ensuite avec la CSST pour l’aviser qu’elle a reçu des offres
de suppléance de l’Intimée et réclame le paiement des jours lors desquels elle n’a pas
travaillé. Le 27 novembre 2006, la CSST rend une décision déclarant qu’elle a le droit
de recevoir des indemnités pour la période comprise entre le 13 novembre 2006 et le
33
34
35
36
Décision de la CSST siégeant en révision administrative du 20 décembre 2006, D.A.,
pièce P-6, vol. III, p. 535.
Certificat de retrait préventif du 13 novembre 2006, D.A., pièce P-4, vol. III, p.532; Jugement
dont appel, par. 68.
Jugement dont appel, par 69.
Ibid., par. 70.
-8Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis de la position de l’intimée et
exposé des faits pertinents
28 avril 2007, soit la date prévue de son accouchement. Par la même décision, la
CSST ajoute que l’Appelante a droit à des indemnités tant qu’elle répondra aux critères
suivants : être enceinte, être au travail chez l’employeur actuel, ne pas être réaffectée
à d’autres tâches, mais être apte à les accomplir, le cas échéant 37.
33.
Cette décision, également contestée par l’Intimée 38, est confirmée par la CSST
siégeant en Révision administrative dans la décision rendue le 20 décembre 2006,
laquelle est contestée devant la CLP.
34.
La CLP infirme la décision rendue par la CSST, siégeant en Révision administrative, et
accueille la requête de l’Intimée. La CLP confirme, dans une décision finale et sans
appel, que l’Appelante ne peut bénéficier du droit au retrait préventif de la travailleuse
enceinte puisqu’elle ne peut se réclamer du statut de « travailleuse » au sens de la
LSST39.
35.
L’Appelante présente une requête en révision judiciaire de cette décision devant la
Cour supérieure, laquelle la rejette le 20 avril 2010 40. Elle interjette appel de ce
jugement devant la Cour d’appel du Québec qui le confirme le 2 avril 2012 41.
----------
37
38
39
40
41
Ibid., par. 72.
Ibid., par. 73 et 74.
Décision de la CLP du 5 juin 2008, D.A., vol. I, p. 4.
Jugement de la Cour supérieure du 20 avril 2010, D.A., vol. I, p. 15. [Jugement de la Cour
supérieure]
Jugement de la Cour d’appel du 2 avril 2012, D.A., vol. I, p. 36 [Jugement de la Cour d’appel].
-9Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des questions en litige
soulevées par l’appelante
PARTIE II – EXPOSÉ CONCIS DES QUESTIONS EN LITIGE
SOULEVÉES PAR L’APPELANTE
36.
L’Appelante soulève la question de la norme de contrôle judiciaire applicable à la
décision de la CLP.
L’Intimée soumet que la norme de contrôle applicable est celle de la décision
raisonnable pour l’ensemble de la décision rendue par la CLP, même si la CLP doit,
dans le cadre de sa décision, appliquer la Charte des droits et libertés de la personne 42
(ci-après la « Charte ») ou s’inspirer du Code civil du Québec.
37.
L’Appelante soulève la question de savoir si elle a droit au « retrait préventif de la
travailleuse enceinte » prévu à la LSST.
La réponse est négative. Nous vous soumettons que l’Appelante ne détient aucun
contrat de travail la liant à l’Intimée et qu’elle n’est donc pas une « travailleuse » au
sens de LSST.
38.
L’Appelante soulève la question de savoir si elle a fait l’objet de discrimination fondée
sur la grossesse en vertu de la Charte.
La réponse est négative. Nous soumettons qu’elle n’a pas fait l’objet de discrimination.
D’abord, il n’y a pas eu conclusion d’un contrat. Ensuite, il y a un lien rationnel entre la
capacité d’effectuer sa prestation de travail et l’obtention d’un contrat dans un contexte
de suppléance occasionnelle. Finalement, constituerait une contrainte excessive
l’obligation faite à l’employeur de conclure un contrat avec une personne qui n’est
absolument pas en mesure d’effectuer le travail requis, afin de lui créer un poste sur
mesure.
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42
Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12. [Charte]
- 10 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
PARTIE III – EXPOSÉ CONCIS DES ARGUMENTS
III.1
La norme de contrôle judiciaire
III.1.1 Le test de détermination de la norme de contrôle
39.
Rappelons, d’entrée de jeu, le test de détermination de la norme de contrôle, tel
qu’exposé par cette honorable Cour, dans l’arrêt Dunsmuir 43 :
« [62] Bref, le processus de contrôle judiciaire se déroule en deux
étapes. Premièrement, la Cour de révision vérifie si la jurisprudence
établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence
correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second
lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend
l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de
contrôle. »
40.
Cette Cour a ainsi très clairement établi le test devant s’appliquer aux fins de
déterminer la norme de révision applicable à une décision rendue par un tribunal
administratif. Nous soumettons que l’arrêt Doré 44 n’a pas modifié ce test, malgré ce
que peut prétendre l’Appelante à ce sujet. Nous y reviendrons plus loin.
41.
La Cour propose donc un processus de détermination de la norme en deux étapes.
La première étape consiste à se demander si la jurisprudence a établi de manière
satisfaisante le degré de déférence applicable à cette catégorie de questions en
particulier. En l’occurrence, la Cour d’appel du Québec45 s’est déjà spécifiquement
prononcée sur la norme applicable à une décision de la CLP portant sur l’interprétation
de la notion de « travailleur » au sens de la LATMP. Elle a conclu que c’était la norme
de la décision raisonnable qui s’appliquait. Cette même conclusion sur la norme de
contrôle doit s’appliquer en l’instance.
43
44
45
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, R.S.A., vol. III, onglet 31, par. 62.
[Dunsmuir]
Doré c. Barreau du Québec, [2012] 1 R.C.S. 395, 2012 CSC 12, R.S.A., vol. II, onglet 29.
[Doré]
Agropur, Coopérative (division Natrel) c. Rancourt, 2010 QCCA 749, R.S.I., vol. I, onglet 5,
par. 16. [Agropur]
- 11 Mémoire de l’intimée CSP
42.
Exposé concis des arguments
Considérant que le plus haut tribunal du Québec a déjà établi la norme de contrôle
applicable au cas en l’espèce, cela devrait suffire à disposer de la question. Mais,
même en poursuivant l’exercice sur le deuxième volet du test et en appliquant
l’analyse contextuelle à la décision de la CLP, nous arrivons à la même conclusion.
43.
Dans cette analyse, on tient compte des éléments suivants :
(1)
l’existence d’une clause privative;
(2)
« un régime distinct et particulier dans le cadre duquel le décideur possède une
expertise spéciale (p. ex., la santé et sécurité au travail) »;
(3)
la nature de la question de droit, à savoir si elle revêt « une importance capitale
pour le système juridique [et qui est] étrangère au domaine d’expertise » du
tribunal administratif 46.
44.
En l’instance, tant la Cour supérieure que la Cour d’appel ont appliqué, à bon droit, la
norme de la décision raisonnable à la décision de la CLP.
45.
En application de ce test, une analyse relative à la norme de contrôle permet de
conclure à l’application de la norme de la décision raisonnable.
46.
Rappelons d’abord que la CLP est un tribunal administratif spécialisé qui a pour
mission de décider, à l’exclusion de tout autre tribunal, des contestations des décisions
rendues par la CSST en vertu de la LSST et de la LATMP 47. Elle possède ainsi le
pouvoir de décider de toute question de fait ou de droit nécessaire à l’exercice de sa
compétence. Ses décisions sont finales et sans appel et elles sont protégées par une
clause privative complète 48.
46
47
48
Dunsmuir, supra note 43, par. 55.
L.R.Q., c. A-3.001, Recueil de sources de l’intimée Commission des lésions professionnelles,
ci-après « S.I. CLP », p. 36 à 46. [LATMP]
Ibid., art. 369, 377, 429.49, 429.56, S.I. CLP, p. 29, 30, 33, 34 et 35.
- 12 Mémoire de l’intimée CSP
47.
Exposé concis des arguments
Deuxièmement, la question posée relève spécifiquement et exclusivement du champ
d’expertise spécialisée de la CLP, soit la détermination du statut de « travailleur » en
vertu de la LSST et du droit de l’Appelante de bénéficier ou non du retrait préventif
prévu à la LSST.
48.
En l’espèce, la question dont était saisie la CLP et, par la suite, la Cour supérieure puis
la Cour d’appel apparaît être d’abord et avant tout une question de fait. Ce n’est que
dans un second temps que l’on peut prétendre qu’il s’agit d’une question mixte de fait
et de droit amenant l’interprétation des dispositions de la LSST et l’application de la
Charte.
49.
En effet, la CLP devait déterminer, à partir de l’ensemble des faits présentés devant
elle, si effectivement l’Appelante était une « travailleuse » au sens de la LSST.
50.
Cette question ne peut être qualifiée que de question de fait et certainement pas d’une
pure question de droit d’une importance capitale pour le système juridique dans son
ensemble et étrangère au domaine d’expertise de la CLP.
51.
Ainsi, en appliquant le test élaboré dans l’arrêt Dunsmuir 49 et réaffirmé notamment
dans l’arrêt Newfoundland and Nurses’ Union 50, force est de conclure que la norme
applicable à cette décision est celle de la décision raisonnable, même si la question
soulevée comportait un volet touchant la Charte. En fait, ce n’est pas le volet
constitutionnel de la Loi ou des règlements qui est mis en cause, mais plutôt
l’application aux faits de la cause d’un droit protégé par la Charte.
49
50
Dunsmuir, supra note 43, par. 55.
Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor),
2011 CSC 62, R.S.I. (CLP), vol. II, onglet 20. Voir aussi, Syndicat canadien des
communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, ltée,
2013 CSC 34, R.S.I., vol. III, onglet 28, par. 7.
- 13 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
III.1.2 La norme de la décision raisonnable s’applique à l’analyse d’une question
fondée sur la Charte ou inspirée du droit civil
52.
Même si la CLP a eu à déterminer s’il y avait, en l’instance, discrimination à l’égard de
l’Appelante, elle est demeurée dans le cadre de son champ de compétence
spécialisée, car il est depuis longtemps reconnu, comme l’indique cette Cour dans
l’arrêt Nor-Man Regional Health Autority inc. 51, que les tribunaux administratifs (dans
cette affaire, il s’agissait d’un arbitre de relations de travail), « grâce à leurs larges
mandats légal et contractuel — et à leur expertise —, ont tous les outils nécessaires
pour adapter les doctrines » de droit civil « qu’ils estiment pertinentes dans les limites
de leur sphère circonscrite de créativité ».
53.
Nous soumettons que la CLP possède tous les outils nécessaires pour appliquer la
Charte aux questions soulevées dans le cadre de son mandat spécifique.
54.
Dans son arrêt Conway 52, cette Cour énonçait qu’un tribunal administratif a le pouvoir
de trancher des questions de droit et même des questions constitutionnelles se
rapportant à une affaire dont il est régulièrement saisi. Elle ajoute aussi que les
tribunaux spécialisés « doivent jouer un rôle de premier plan dans les questions reliées
à la Charte. » La CLP est donc compétente pour accorder des réparations demandées
en vertu de la Charte, puisqu’elle doit agir en conformité avec la Charte et ses valeurs.
C’est ainsi qu’on peut affirmer que la CLP possède conséquemment l’expertise requise
pour décider de la question soumise, soit une question dont elle est régulièrement
saisie et à l’égard de laquelle le législateur lui a confié le mandat exclusif d’en décider,
et ce, même si la question implique un droit protégé par la Charte.
51
52
Nor-Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals,
[2011] 3 R.C.S. 616; R.S.A., vol. III, onglet 36, par. 45. Voir également Toronto (Ville) c.
S.C.F.P., section locale 79, [2003] 3 R.C.S. 77, R.S.A., vol. VI, onglet 51, par. 68 à 78, [Ville
de Toronto], Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, R.S.I., vol. I,
onglet 9, p. 599-600; et Pushpanathan v. Canada (M.C.I.), [1998] 1 R.C.S. 982, R.S.I. vol. II,
onglet 23, par. 34 et 37 [Pushpanathan], Dunsmuir, supra note 43, par. 49 -50.
R. c. Conway, [2010] 1 R.C.S. 765, R.S.I. vol. III, onglet 26, par. 21, 22, 23 et 78.
- 14 Mémoire de l’intimée CSP
55.
Exposé concis des arguments
Nous ajoutons que même si la CLP applique une autre loi que sa loi constitutive et que
cette loi est reliée à la question principale à trancher, dans un tel cas, c’est la norme de
décision raisonnable qui doit s’appliquer 53.
56.
Ainsi, même si à l’occasion de l’analyse du statut de « travailleur », la CLP a eu à
référer au droit civil, la cour de justice chargée de réviser la décision appliquera le test
de la décision raisonnable. En effet, cette notion de « travailleur » est si étroitement
liée à son mandat spécialisé que la référence aux fins de cette interprétation à des
notions de droit civil ne modifie pas l’application de la norme de contrôle applicable à
l’occasion d’une révision judiciaire.
57.
De plus, cette Cour a aussi déclaré que même en situation de pures questions de droit,
« si d’autres facteurs de l’analyse pragmatique et fonctionnelle semblent indiquer que
cela correspond à l’intention du législateur », les tribunaux devront faire preuve de
déférence envers la décision du tribunal spécialisé 54.
58.
Au surplus, la CLP a rendu une décision sur une question qui, même si elle était
qualifiée avoir une importance primordiale pour le système de justice, n’est absolument
pas étrangère à son expertise.
III.1.3 L’arrêt Doré
59.
En terminant, nous devons aborder la question de l’arrêt Doré 55, sur lequel l’Appelante
s’appuie pour prétendre qu’il devrait y avoir deux normes de révision judiciaire
applicables à la décision de la CLP. Elle convient que sur la notion de « travailleur », la
norme de la décision raisonnable s’applique. Cependant, elle plaide que c’est la norme
de contrôle de la décision correcte qui devrait s’appliquer à la partie de la décision qui
concerne la Charte.
53
54
55
CSST c. Albert Pouliot inc., 2011 QCCA 2178, R.S.I., vol. I, onglet 11, par. 2 et 4.
Pushpanathan, supra note 51, R.S.I. vol. II, onglet 23, par. 34 et 37.
Doré, supra note 44.
- 15 Mémoire de l’intimée CSP
60.
Exposé concis des arguments
En fait, sa position peut se résumer à dire que puisque des valeurs consacrées par la
Charte sont en cause dans le cadre de la révision judiciaire, un examen selon la norme
de la décision correcte doit se substituer sur cette question à celui de la norme de la
décision raisonnable. Nous soumettons que cette façon de voir est fondamentalement
erronée.
61.
Dans l’arrêt Doré 56, la Cour énonce qu’un décideur administratif, exerçant son pouvoir
discrétionnaire conféré par la loi et analysant la constitutionnalité d’une loi, est soumis
à la norme de contrôle de la décision correcte. Elle distingue cet exercice du décideur
administratif de l’exercice où il a à interpréter une disposition d’une loi habilitante dans
le respect des valeurs consacrées par la Charte. Dans cette deuxième situation, la
norme de la décision raisonnable doit s’appliquer.
62.
Dans un premier temps, nous devons rappeler les propos du Juge LeBel dans l’arrêt
Toronto (Ville) 57 selon qui il peut arriver que la question à trancher se scinde en deux
questions distinctes et faire l’objet de deux normes de contrôle différentes, mais que
cette occurrence est rare. Habituellement, la décision du tribunal administratif forme un
tout :
« (…) Les divers éléments qui sous-tendent une décision ont plus
de chance d’être inextricablement liés les uns aux autres, en
particulier dans un domaine complexe comme celui des relations de
travail, de sorte que la Cour de justice chargée du contrôle doit
considérer que la décision du tribunal forme un tout. »
63.
En l’instance, ce n’est ni la constitutionnalité de la loi ni l’interprétation d’un article de la
Charte qui est en cause, mais simplement l’application de la Charte, aux faits de
l’espèce. Ici, la question portant sur la détermination de la notion de « travailleur »
dans le contexte d’une suppléance occasionnelle à durée déterminée et la question de
la discrimination forment un tout indissociable et doivent être considérées comme un
ensemble et non selon deux normes de contrôle distinctes.
56
57
Doré, supra note 44.
Ville de Toronto, supra note 51, par. 76.
- 16 Mémoire de l’intimée CSP
64.
Exposé concis des arguments
Nous soumettons que l’arrêt Doré ne modifie pas la jurisprudence déjà bien établie par
cette Cour 58 quant à la norme de contrôle applicable en l’instance. En effet, la norme
de contrôle applicable à une décision d’un tribunal administratif qui statue sur sa loi
constitutive ou sur une loi sur laquelle il possède une expertise particulière et exclusive
est celle de la norme de la décision raisonnable.
65.
Par ailleurs, l’arrêt Doré ajoute le test de la mise en balance des valeurs consacrées
par la Charte lors de la révision judiciaire de décisions administratives discrétionnaires
où une question fondée sur les Chartes59 est soulevée.
66.
Or, les enseignements de cette Cour ont été énoncés dans un contexte légal et factuel
bien particulier et fort différent de celui du dossier à l’étude. L’appel portait sur la
décision d’un comité de discipline qui avait réprimandé un avocat en raison du contenu
d’une lettre qualifiée d’injurieuse qu’il avait écrite à un juge. L’appelant attaquait la
constitutionnalité de la décision elle-même, au motif qu’elle contrevenait à l’article 2 b)
de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne 60. Cette Cour a décidé
que la Cour de justice agissant en révision judiciaire devait appliquer la norme de la
décision raisonnable et aussi s’assurer que le tribunal administratif avait tenu compte
des valeurs consacrées par la Charte dans sa décision.
67.
Notre affaire est d’une tout autre nature et s’inscrit dans un tout autre contexte. Tel que
mentionné précédemment, la question fondée sur la Charte a été plaidée de façon
subsidiaire à la question principale et ne constitue pas la véritable question en litige. La
question du statut de l’Appelante était la question déterminante à être tranchée par le
tribunal. Ainsi, comme le Juge Wagner l’a bien exprimé :
« [116] (…) Je suis d’avis que la première détermination du statut de
l’Appelante scelle le sort de son moyen d’appel subsidiaire selon
lequel elle a souffert de discrimination en violation des dispositions de
la Charte ».
58
59
60
Notamment Dunsmuir, supra note 43 et Ville de Toronto, supra note 51.
Charte canadienne des droits et libertés de la personne, 1982, ch. 11, L.R.C. (1985), APP. II,
no 44 [Charte canadienne] et Charte, supra note 42.
Charte canadienne, supra note 59.
- 17 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
« [117] La preuve ne permet pas de conclure sérieusement que
l’Intimée a refusé d’embaucher l’Appelante en raison de sa
grossesse. (…) »
68.
Considérant ce contexte fort différent de celui de l’arrêt Doré, nous soumettons que le
test de la mise en balance des valeurs consacrées dans la Charte ne trouve pas
application en l’instance.
69.
Finalement, même l’Appelante admet qu’en essayant d’appliquer le test de l’arrêt Doré
à la présente affaire, elle rencontre des difficultés 61. Cela démontre bien, selon nous,
que ce test ne trouve pas application en l’espèce.
70.
Par ailleurs, même si on devait soumettre la décision de la CLP à ce test de
« proportionnalité », il nous faudrait conclure que considérant l’expertise spécialisée de
la CLP à l’égard de la LSST et en raison de sa proximité avec les faits, ce tribunal
administratif était particulièrement bien au fait des considérations opposées en jeu
dans la mise en balance des valeurs consacrées par la Charte et en a tenu compte
dans sa décision. La détermination de la notion de « travailleur » et le statut de
l’Appelante sont des questions de fait ou mixtes de fait et de droit et la CLP était
définitivement la mieux placée pour évaluer les valeurs en cause.
71.
En définitive, l’interprétation que la CLP donne à la notion de « travailleur » est
raisonnable, eu égard au contexte, et tient raisonnablement compte de la valeur
fondamentale en cause.
72.
Ainsi, la décision de la CLP dans la présente affaire doit, sous tous ses volets, être
soumise au test de la décision raisonnable. Voyons maintenant l’application de cette
norme aux faits en l’espèce.
61
M.A., par. 37 et 42.
- 18 Mémoire de l’intimée CSP
III.2
Exposé concis des arguments
L’application de la LSST à l’Appelante
III.2.1 Objet de la LSST
73.
La LSST est le résultat d’un vaste chantier entrepris par le gouvernement du Québec
en 1978, visant à élaborer une réforme de toute la politique québécoise en matière de
santé et sécurité au travail et énoncée dans le Livre Blanc sur la santé et la sécurité du
travail 62. On peut y lire que : « Pour atteindre le but poursuivi, il faut s’attaquer à
l’ensemble des risques qui existent sur les lieux du travail. »
74.
Cette réforme a mené à la mise sur pied de la CSST, organisme où sont représentés
les travailleurs et les employeurs du Québec. Cet organisme assume l’entièreté des
responsabilités
en
matière
de
prévention
et
d’indemnisation
des
lésions
professionnelles. Pour ce faire, la CSST applique deux lois principales, soit la Loi sur la
santé et la sécurité au travail 63 et la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles 64, ainsi que divers règlements.
75.
Alors que la LATMP a comme objectif de réparer les conséquences d’une lésion
professionnelle pour les travailleurs qui en sont victimes, la LSST a comme objectif de
les prévenir en éliminant à la source différents dangers pour la santé, la sécurité et
l’intégrité physique des travailleurs. Pour atteindre cet objectif de prévention, la LSST
prévoit des droits, des obligations et divers mécanismes de participation pour les
travailleurs et employeurs, ainsi que leurs associations respectives 65.
76.
Quant aux droits des travailleurs qui y sont prévus, ils constituent de véritables
conditions de travail 66. D’ailleurs, ces conditions s’intègrent dans toute convention
62
63
64
65
66
Ministre d’État au développement social, Livre Blanc sur la santé et la sécurité au travail,
Éditeur officiel du Québec, 1978, R.S.I. vol. III, onglet 37, p. 193.
LSST, supra note 1.
LATMP, supra note 47.
Les articles 2 et 166 de la LSST prévoient que la CSST peut élaborer des politiques pour
assurer une meilleure qualité du milieu de travail, R.S.I. vol. I, onglet 4, art. 2 et 166.
Bell Canada, supra note 3, par. 133.
- 19 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
collective qui ne peut y déroger, sous peine de nullité, en raison du caractère d’ordre
public de la Loi67.
77.
La LSST prévoit, par exemple, qu’un travailleur peut exercer un droit de refus
d’exécuter un travail, s’il a des motifs raisonnables de croire que ce travail l’expose à
un danger pour sa santé 68. Un travailleur peut aussi demander d’être réaffecté à des
tâches qui ne comportent pas d’exposition à un contaminant pouvant être source de
danger, sur présentation d’un certificat qui l’atteste 69.
78.
La LSST prévoit aussi qu’une travailleuse enceinte peut fournir un certificat attestant
que ses conditions de travail comportent un danger physique pour elle ou pour son
enfant à naître et demander alors d’être affectée à des tâches ne comportant pas de
tels dangers, sur présentation d’un certificat dûment complété à cet effet par un
médecin 70. À défaut de pouvoir obtenir une modification de ses tâches, elle pourra
alors recevoir des indemnités de remplacement du revenu versées par la CSST.
79.
Cette mesure préventive s’inscrit dans le cadre du programme Pour une maternité
sans danger qui est administré par la CSST, mais financé par l’ensemble des
employeurs du Québec par le paiement de leur cotisation annuelle 71.
III.2.2 Champ d’application de la LSST
80.
Pour atteindre son objectif de prévention, le législateur a défini le champ d’application
et a clairement précisé que cette Loi devrait s’appliquer à un « travailleur », tel qu’il l’a
défini72. Ainsi, la LSST n’a pas pour objectif de viser la protection de la santé et de la
sécurité de tout individu habitant sur le territoire du Québec, mais bien celle des
« travailleurs » au sens de la LSST.
67
68
69
70
71
72
LSST, supra note 1, art. 4.
Ibid., R.S.I. vol. I, onglet 4, art. 12 à 31.
Ibid., art. 32 à 39.
Ibid., R.S.A., vol. I, onglet 8, art. 40 à 48.
Ibid., art. 45.
Ibid., art. 1.
- 20 Mémoire de l’intimée CSP
81.
Exposé concis des arguments
Certes la LSST est une loi à caractère social, qui doit être interprétée de façon large et
libérale. Toutefois, la portée sociale d’une loi ne peut justifier d’élargir son champ
d’application en ajoutant aux termes clairement exprimés par le législateur et, ce
faisant, modifier les conditions d’accessibilité aux droits qui y sont prévus.
82.
Cette Cour nous rappelle, dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. 73, qu’il faut lire les
termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical
qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Plus le
libellé d’une disposition est précis et plus « le sens ordinaire joue un rôle primordial
dans le processus d’interprétation 74. »
83.
En raison de l’importance de la question, la CLP a formé un banc de trois
commissaires 75 qui se sont déjà penchés sur l’interprétation à donner aux dispositions
traitant du droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte prévu à la LSST. Ce
tribunal spécialisé a conclu qu’il faut interpréter ce droit dans un contexte de prévention
et qu’il doit s’analyser en parallèle avec les autres droits prévus à la LSST76.
84.
Dans le même sens, les auteurs du Traité de droit de la santé et de la sécurité au
travail 77 s’exprimaient déjà comme suit :
« Ce droit ne s’adresse en effet qu’à la femme enceinte qui est au
travail, et seulement si ses conditions de travail comportent des
dangers physiques pour elle-même ou pour l’enfant à naître. Ce droit
est donc intimement lié aux conditions de travail et participe, de ce
fait, davantage du régime de santé et sécurité au travail que d’une
73
74
75
76
77
Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, R.S.A., vol. IV, onglet 42.
Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, R.S.I. vol. II, onglet 19,
par. 10.
LATMP, supra note 47, art. 422. Un banc de trois commissaires est désigné par le président
de la CLP pour entendre un recours en raison de sa complexité ou de son importance.
Desjardins et Commission scolaire des Draveurs et al., C.L.P., 2006 CanLII 68774 (QCCLP),
R.S.I. vol. I, onglet 13, par. 59. [Desjardins et Commission scolaire des Draveurs].
CLICHE, Bernard et al, dans le Traité de droit de la santé et de la sécurité au travail,
Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1993, p. 238, R.S.I. vol. III, onglet 35. Voir sur le même sujet,
VEILLEUX, Paule, Les maladies infectieuses et le retrait préventif, Cowansville (Qc),
Yvon Blais. Développements récents en droit de l’éducation (1999) du Service de la formation
permanente du Barreau du Québec, R.S.I. vol. III, onglet 38.
- 21 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
politique sociale, bien que le premier relève en grande partie de la
seconde. » (Nous soulignons)
85.
Ainsi, c’est à juste titre que le Juge Wagner 78, s’exprimant pour la majorité de la Cour
d’appel du Québec, a énoncé :
« Cela dit, même si une loi telle que la LSST doit être interprétée de
façon généreuse et qu'il serait, dans un monde idéal, permis à toutes
les citoyennes de bénéficier d'indemnités de remplacement de
revenus lorsque leur occupation présente des risques pour l'enfant à
naître, je ne peux me convaincre que les conclusions de la CLP,
confirmées par la Cour supérieure, sont déraisonnables. »
III.2.3 Conditions d’admissibilité du droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte
86.
Pour être admissible au retrait préventif de la travailleuse enceinte, il faut remplir trois
conditions :
1.
Être une « travailleuse » au sens de la LSST.
2.
Présenter à son « employeur », dont la notion est aussi définie à la LSST, un
certificat qui atteste que les conditions de son travail comportent des dangers
physiques pour l’enfant à naître ou pour elle-même, en raison de son état de
grossesse.
3.
Demander d’être affectée à des tâches ne comportant pas de tels dangers et être
raisonnablement en mesure de les accomplir 79.
87.
Seulement si la troisième condition ne peut être remplie, la travailleuse enceinte pourra
cesser de travailler 80. Nous soumettons que les termes choisis par le législateur font
ressortir de façon évidente son intention de traiter de la situation d’une personne étant
déjà en relation contractuelle d’emploi et non d’une candidate à une telle relation.
78
79
80
Jugement dont appel, par. 111.
LSST, supra note 1, art. 40.
Ibid., art. 41.
- 22 Mémoire de l’intimée CSP
88.
Exposé concis des arguments
L’admissibilité au retrait préventif de la travailleuse enceinte doit s’analyser au moment
du dépôt du certificat auprès de l’employeur, puisque le dépôt du certificat équivaut à
une demande de réaffectation 81. Force est d’admettre qu’à cette date, l’Appelante ne
détenait aucun contrat de travail, ce qui devrait sceller le sort du litige.
III.2.4 Interprétation de la notion de « travailleur » au sens de la LSST
89.
Au sens de la LSST82, la notion de « travailleur » se définit comme suit :
« 1. (…) « travailleur »: une personne qui exécute, en vertu d'un
contrat de travail ou d'un contrat d'apprentissage, même sans
rémunération, un travail pour un employeur, y compris un étudiant
dans les cas déterminés par règlement, à l'exception :
1° d'une personne qui est employée à titre de gérant,
surintendant, contremaître ou représentant de l'employeur
dans ses relations avec les travailleurs;
2° d'un administrateur ou dirigeant d'une personne
morale, sauf si une personne agit à ce titre à l'égard de
son employeur après avoir été désignée par les
travailleurs ou une association accréditée. » (Nous
soulignons)
90.
La LSST prévoit que les personnes visées par ces exceptions jouissent toutefois de
certains droits, dont celui au retrait préventif de la travailleuse enceinte 83. Le texte de
cette disposition est clair et s’interprète restrictivement. Cette disposition n’a pas pour
effet de conférer aux personnes qui y sont visées le statut de « travailleur » concernant
les autres dispositions prévues à la LSST84.
81
82
83
84
Alexandra Lymberopoulos et CPE St-Mary, [2005] AZ-50308032 (C.L.P.), R.S.I., vol. I,
onglet 6. [Alexandra Lymberopoulos]
LSST, supra note 1, art. 1.
Ibid., art. 11.
Fédération québécoise des massothérapeutes et Jacquart, 2009 QCCLP 1241, R.S.I. vol. II,
onglet 16, par. 32.
- 23 Mémoire de l’intimée CSP
91.
Exposé concis des arguments
Il est pertinent de rappeler que le législateur a retenu une définition différente de la
notion de « travailleur » pour l’application de la LSST et de la LATMP 85. Toutefois, les
deux définitions exigent la présence d’un contrat de travail.
92.
Selon la définition retenue, une personne pourrait être qualifiée de « travailleur » au
sens de la LATMP et être indemnisée par la CSST à la suite d’une lésion
professionnelle, sans que le même statut lui soit reconnu au sens de la LSST.
Par exemple, une travailleuse autonome peut répondre à la définition de « travailleur »
au sens de la LATMP, mais ne pas être admissible aux droits consentis par la LSST.
93.
La CLP a d’ailleurs déjà reconnu que les travailleuses autonomes ne pouvaient
bénéficier du droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte 86 :
« [57] Une étude de la Loi permet de constater qu’elle ne contient
aucune définition de la notion de travailleur autonome contrairement
à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Cette dernière Loi prévoit d’ailleurs plusieurs dispositions spécifiques
relatives à ce concept de travailleur autonome et contient même à
son article 9 une présomption permettant à un travailleur autonome
d’être considéré comme un travailleur au sens de cette Loi. Force est
de constater que tel n’est pas le cas dans le cadre de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail.
[…]
[60] Il est donc manifeste que le législateur n’a pas voulu octroyer
le droit au retrait préventif à une travailleuse autonome. »
85
86
LATMP, supra note 47, art. 2. Voir aussi LAFONTAINE, Serge, Le retrait préventif de la
travailleuse enceinte ou qui allaite : qui décide quoi?, Cowansville (Qc), Yvon Blais,
Développements récents en droit du travail (1991) du Service de la formation permanente du
Barreau du Québec, R.S.I. vol. III, onglet 36.
LSST, supra note 1, R.S.A.; vol. I, onglet 8, art. 7; Bédard et Coifferie des Bouleaux, [2002]
AZ-02300476 (C.L.P.), R.S.I. vol. I, onglet 7, par. 57 et 60. Voir aussi : Fondation Canadienne
Espoir Jeunesse et Le Groupe d’Entraide Janik inc. et Jessica Gauvin, 2011 QCCLP 638,
R.S.I. vol. II, onglet 17, par. 20 et 21.
- 24 Mémoire de l’intimée CSP
94.
Exposé concis des arguments
La Cour d’appel du Québec s’est déjà exprimée quant à ce rôle du législateur de
définir les termes utilisés dans une loi. Avant de traiter de la question spécifique qui
était soulevée dans ce pourvoi, elle rappelle ceci en regard de la définition de
« travailleur » au sens de la LATMP 87 :
« [18] (…) D'abord, la LATMP est une loi sociale et d'ordre public qui
vise à procurer à tous les accidentés du travail une indemnisation
adéquate. Elle doit donc être interprétée largement de manière à ce
qu'elle atteigne son objectif. Deuxièmement, il faut noter que le
législateur a non seulement régulièrement ajouté de nouveaux statuts
à la LATMP comme celui de domestique, conjoint, travailleur
étudiant, travailleur bénévole, etc., mais a aussi périodiquement
modifié la définition de travailleur, tout cela afin que soient prises en
compte les réalités changeantes du monde du travail. Ainsi, si en
1964, l'article 1 de la LATMP faisait état de l'« ouvrier » et de
l'« ouvrier indépendant », ces notions se sont aujourd’hui étendues et
développées en celles de :
-
travailleur;
-
travailleur autonome;
-
travailleur autonome considéré comme un travailleur salarié.
[19] Dès lors, la prudence et la réserve s’imposent dans l’usage de
la jurisprudence élaborée sur la notion de salarié, d’employé ou
d’entrepreneur en application d’autres lois, notamment du Code
civil. »
III.2.5 Nécessité de détenir un « contrat de travail »
95.
La définition de « travailleur » au sens de la LSST nous renvoie à la notion de « contrat
de travail », qui n’est pas elle-même définie à la LSST. Il faut donc s’en remettre aux
règles de droit commun prévues au Code civil du Québec qui complète et supplée à la
LSST, comme à toute autre loi en matière d’emploi ou de conventions collectives.
87
Agropur, supra, note 45, R.S.I., vol. I, onglet 5.
- 25 Mémoire de l’intimée CSP
96.
Exposé concis des arguments
L’article 2085 du C.c.Q. 88 définit ainsi le « contrat de travail » :
« Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié,
s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer
un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne,
l'employeur. » (Nous soulignons)
97.
De plus, l’article 1385 du C.c.Q. prévoit quatre (4) conditions nécessaires à l’existence
et à la validité de tout contrat. Outre l’échange de consentement entre personnes
capables de conclure un contrat, le contrat doit avoir une « cause » et un « objet » 89.
En l’espèce, la « cause » du contrat découle de la nécessité de pourvoir au
remplacement ponctuel d’un enseignant, alors que son « objet » est la fourniture d’une
prestation de travail moyennant une rémunération 90. Cette prestation doit être possible
et déterminée et ne doit être ni prohibée par la loi, ni contraire à l’ordre public 91.
98.
En l’espèce, l’objet de l’obligation contractuelle de l’Appelante était de fournir la
prestation de travail requise afin de remplacer un enseignant absent ce jour-là. Comme
l’Appelante était incapable de fournir cette prestation de travail, il n’a pu y avoir eu
formation d’un contrat de travail en l’espèce sans cette condition essentielle.
99.
C’est à juste titre que la majorité de la Cour d’appel du Québec92 retenait que :
« [105] On mesure bien ici l’importance de l’objet d’une obligation qui
est la prestation de travail elle-même. La proposition de l’Appelante
selon laquelle un contrat de travail est créé dès l’instant où une offre
de suppléance lui est soumise relève d’une gymnastique intellectuelle
désincarnée. En effet, il faudrait conclure que dès que l’Intimée offre
à l’Appelante une période de suppléance et que cette dernière
l’accepte, il y a alors création d’un lien et d’un contrat d’emploi même
si l’Appelante refuse immédiatement l’offre en raison de l’exercice du
droit au retrait préventif. Même une interprétation généreuse de la loi
ne peut mener à une telle conclusion. » (Nous soulignons)
88
89
90
91
92
Code civil du Québec, supra note 5, R.S.I., vol. I, onglet 1, art. 2085.
Ibid., art. 1385.
Ibid., art. 1410 et 1412.
Ibid., art. 1373.
Jugement dont appel, par. 105.
- 26 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
100. L’Appelante a donc cherché à se créer un droit dont elle ne jouissait pas, en faisant
des demandes au centre d’appels et en sollicitant du travail, tout en sachant qu’elle ne
pouvait effectuer la prestation de travail selon un avis médical. La Cour supérieure 93
posait à ce sujet une question bien pertinente dans son jugement:
« [52]
Comment quelqu’un peut-il, de bonne foi, offrir ses services à
un éventuel employeur en sachant à l’avance qu’il ne pourra
aucunement exécuter le travail qu’il offre pourtant d’accomplir et puis
exiger, dans l’instant de raison qui suit, d’être rémunéré pour ce
travail qu’il n’effectuera pas, mais pour lequel il s’est offert sans
pouvoir le faire? C’est pourtant ce que Mme Dionne a fait. »
101. Dans la décision Syndicat de l’enseignement de la région de Québec c. Ménard 94, la
Cour d’appel du Québec rappelle que « l’exigence de la bonne foi participe de l’ordre
public dans le contexte du contrat de travail. » Cette bonne foi aurait dû gouverner
l’Appelante, tant au moment où elle communique avec le centre d’appels pour se
déclarer disponible, malgré l’obtention de ses certificats de retrait préventif, qu’au
moment de déclarer accepter l’offre qui lui est faite.
102. Dans l’exercice de sa compétence exclusive, la CLP doit interpréter la notion de
« travailleur » de façon quotidienne, comme condition d’accessibilité aux différents
droits prévus tant à la LSST qu’à la LATMP. Chaque fois, elle doit recourir aux règles
prévues au Code civil du Québec 95.
103. L’Appelante tente de contourner cette nécessité d’être capable de fournir la prestation
de travail visée par le contrat, soit le remplacement ponctuel de l’enseignant absent, en
invoquant le fait qu’elle était disponible pour effectuer d’autres tâches, sans risque pour
sa santé 96. Rappelons toutefois à nouveau que ce droit d’être réaffecté dans le cadre
d’un retrait préventif présuppose qu’on occupe déjà un travail chez l’employeur.
93
94
95
96
Jugement de la Cour supérieure, supra note 40, D.A., par. 52.
2005, QCCA 440, R.S.I., vol. III, onglet 30, par. 49.
À titre d’exemple, voir : 9114-7058 Québec inc. et Commission de la santé et de la sécurité au
travail, 2013 QCCLP 296, R.S.I., vol. III, onglet 34, par. 34 à 39.
M. A., p. 11, par. 38.
- 27 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
104. Retenir l’argument de l’Appelante équivaudrait à obliger l’Intimée à former un contrat
fondé sur une tout autre cause que celle de pourvoir au remplacement ponctuel d’un
enseignant absent. Selon l’Appelante, alors que l’Intimée avait un besoin urgent et
ponctuel de remplacer un enseignant, elle aurait dû plutôt affecter l’Appelante à
d’autres tâches au cours de la journée pour laquelle ses services auraient été retenus,
et ce, sous prétexte qu’un contrat aurait été conclu malgré tout. Un tel argument ne
peut être retenu.
105. L’Appelante tente aussi de contourner la nécessité d’un « contrat de travail » afin de se
qualifier à titre de « travailleuse ». Elle invoque que la volonté réelle du législateur est
d’étendre le droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte à des personnes, et ce,
même en l’absence d’un élément essentiel à la formation d’un « contrat de travail» 97.
L’Appelante s’appuie ainsi sur l’opinion émise par le Juge Dalphond dans sa
dissidence, lequel prétend que le législateur a exclu la notion de « salarié » pour
retenir celle de « travailleur », car il a voulu conférer largement ce droit, et ce, même
dans des cas où il n’y avait pas de « contrat de travail 98 ». Nous vous soumettons
respectueusement que cette position ne peut être retenue en présence d’un texte clair
et d’une définition qui requiert, comme condition essentielle, la présence d’un « contrat
de travail ». L’application de la notion de « travailleur » aux autres situations
spécifiquement énumérées à l’article 1 de la LSST n’y change rien. Au surplus, aucune
de ces situations ne saurait s’appliquer à l’Appelante.
106. L’exigence de détenir un « contrat de travail » au moment de présenter son certificat
de retrait préventif est d’autant plus manifeste lorsqu’on tient compte de l’article 43 de
la LSST 99 qui prévoit que l’employeur doit réintégrer la travailleuse enceinte dans son
emploi, avec les mêmes avantages, à la fin du retrait préventif. Est-ce à dire que
l’Intimée serait obligée de donner des contrats de suppléance à l’Appelante à
l’expiration de son retrait préventif alors qu’il n’existe aucune obligation de conclure un
contrat avec quelque suppléant que ce soit?
97
98
99
Ibid., p. 25 par. 67.
Jugement dont appel, par. 34 à 39.
LSST, supra note 1.
- 28 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
107. À l’évidence, une réponse négative à cette question s’impose.
108. Non seulement l’existence d’un contrat de travail est nécessaire au moment de
déterminer son admissibilité au retrait préventif de la travailleuse enceinte, mais le lien
d’emploi ainsi créé doit exister pendant toute la durée du retrait préventif. En effet, la
jurisprudence de la CLP a confirmé à maintes reprises que la terminaison du lien
d’emploi pendant l’exercice du droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte
mettait fin à celui-ci ou aux indemnités qui en découlent, puisque le danger qui est au
cœur de ce droit d’être réaffecté n’existe plus100.
109. Il en va de même dans tous les cas où ce n’est que la prestation de travail qui est
suspendue, sans que le lien d’emploi soit rompu, comme lors d’une suspension, d’une
mise à pied ou d’un lock-out. Ces situations ont aussi pour effet, pour les mêmes
motifs, de mettre fin au retrait préventif de la travailleuse enceinte ou aux indemnités
qui en découlent 101.
110. À maintes reprises, la CLP a d’ailleurs réitéré que le droit au retrait préventif de la
travailleuse enceinte des enseignantes sous contrat avec une commission scolaire
était suspendu pendant la période estivale 102.
111. En effet, l’objectif de la Loi n’est pas d’indemniser une travailleuse enceinte, mais
d’empêcher qu’elle soit exposée à des dangers que pourrait comporter son travail.
L’existence d’un lien d’emploi est donc indissociable de l’objectif du retrait préventif de
la travailleuse enceinte.
III.2.6 Statut d’une « suppléante occasionnelle »
112. Enfin, l’Appelante prétend à une fiction basée sur un prétendu « continuum » qui ferait
en sorte de créer un « rapport d’emploi » avec l’Intimée pouvant être assimilé à un lien
100
101
102
Provigo Distribution inc. et Blanchet et CSST, [1992] C.A.L.P. 1246, R.S.I., vol. II, onglet 22,
p. 5.
Alexandra Lymberopoulos, supra note 81, vol. I, onglet 6, par. 16 et s.
Desjardins et Commission scolaire des Draveurs, supra note 76, R.S.I. vol. I, onglet 13,
par. 65.
- 29 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
contractuel103. L’Appelante invente un concept qui n’a aucune assise légale, surtout
que l’Entente nationale négociée entre les parties n’a jamais prévu un lien contractuel
entre les « suppléants occasionnels », qui ne sont pas chargés d’une tâche, et les
commissions scolaires, et ce, contrairement aux différentes autres catégories
d’enseignants.
113. La Cour d’appel du Québec s’est d’ailleurs déjà prononcée sur le statut d’un
« suppléant occasionnel » offrant ses services à une commission scolaire en analysant
une situation factuelle très similaire à la nôtre et a conclu que 104 :
« Enfin, il faut retenir que la liste de suppléants occasionnels tenue à
jour par la Commission scolaire Intimée ne constitue par un contrat
d'emploi. Cette liste n'est, à toutes fins utiles, qu'une banque de noms
disponibles dans laquelle la Commission scolaire doit puiser pour
requérir des suppléants. Elle ne crée cependant aucune obligation de
fournir du travail, aucun droit de rappel et il n'y a aucune priorité à
l'intérieur de la liste, le choix d'un remplaçant étant laissé à la
discrétion de l'Intimée.
[…]
Ces constatations de faits ne se retrouvent pas en l'espèce. Il ressort
de la preuve que les deux suppléantes inscrites sur la liste n'ont
aucune obligation de maintenir une disponibilité. Elles peuvent se
déclarer disponibles auprès de plusieurs employeurs et elles peuvent
refuser tout contrat de suppléance qui leur est offert. D'autre part,
elles n'ont aucun droit de réclamer un contrat de remplacement et
elles ne peuvent s'attendre à obtenir des contrats de suppléance;
d'ailleurs plusieurs suppléants n'en obtiennent aucun. Les contrats
qui les lient à l'employeur sont véritablement de nature temporaire.
Que des besoins de remplacement reviennent à chaque année ne
change rien à la situation. Elles ne sont, en effet, pas embauchées
comme remplaçantes pour répondre à d'éventuels besoins, pour
combler des absences prévisibles d'enseignants, mais pour
remplacer un enseignant spécifique pour une durée limitée. C'est le
lien d'emploi et non seulement l'exécution du travail qui est
interrompu à la fin de chaque contrat. »
103
104
M. A., par. 75-76.
Commission des normes du travail c. Commission des écoles catholiques de Québec, J.E.
95-1527 (C.A.), 1995 CanLII 4648 (QC CA), R.S.I. vol. I, onglet 10, p. 6, 7 et 8.
- 30 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
114. Nous sommes tout à fait d’accord avec l’Appelante lorsqu’elle mentionne, dans son
mémoire, que les Ententes nationale et locale définissent un régime particulier dans
« lequel coexistent diverses formes d’emplois, les modalités du contrat de travail
variant d’une catégorie d’emplois à l’autre 105 ». Ce qui amène la conclusion inévitable
que précisément, ces Ententes nationale et locale n’ont jamais voulu créer de lien
d’emploi entre
les « suppléantes
occasionnelles », même enceintes, et les
commissions scolaires. Preuve en est notamment que toutes les dispositions
concernant
les
droits
parentaux
ne
s’appliquent
pas
aux
« suppléantes
occasionnelles106 ».
115. La Cour d’appel du Québec était bien fondée en concluant que la décision de la CLP
est raisonnable et que l’Appelante ne pouvait revendiquer le statut de « travailleur » au
sens de la Loi. Cette décision constitue une des issues possibles et acceptables de
l’instance.
III.3
Interprétation et application conforme aux droits et libertés protégés par la
Charte québécoise
116. Après avoir prétendu qu’il y avait formation d’un contrat et qu’elle était une
« travailleuse » au sens de la LSST, l’Appelante plaide aussi qu’elle fait l’objet de
discrimination à l’embauche en raison de son état de grossesse.
117. Dans le contexte de cet appel, il importe de rappeler la portée de la demande de
l’Appelante pour en comprendre tous les effets et en apprécier les impacts sur la mise
en œuvre du droit à l’égalité.
118. L’Appelante n’a pas fait l’objet de discrimination, mais si nous venons à en discuter, il
faut remettre le tout dans le contexte factuel général, soit que c’est l’Appelante qui a
sollicité l’Intimée, par son centre d’appels, afin de se voir octroyer une suppléance,
alors qu’elle se sait dans l’impossibilité totale d’effectuer la prestation de travail qui en
105
106
M. A., p. 28, par. 73.
E1-2005-2010, supra note 9, D.A, art. 5-13.01 et s.
- 31 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
découle, et ce, pour toute la durée de l’emploi sollicité. L’Intimée ne peut, dans ces
circonstances, être taxée de faire de la discrimination envers l’Appelante.
119. La Cour d’appel du Québec a par ailleurs bien saisi le contexte de cette affaire, comme
l’a fort justement mentionné le Juge Wagner dans la décision faisant l’objet du présent
appel 107 :
« [116] Ici, l'Appelante n'a aucun contrat de travail entre les périodes
de suppléance et ne peut prétendre que l'Intimée a fait preuve de
discrimination à son égard. Je suis d'avis que la première
détermination du statut de l'Appelante scelle le sort de son moyen
d'appel subsidiaire selon lequel elle a souffert de discrimination en
violation des dispositions de la Charte.
[117] La preuve ne permet pas de conclure sérieusement que
l'Intimée a refusé d'embaucher l'Appelante en raison de sa
grossesse. Accepter la théorie de l'Appelante implique que l'Intimée
avait l'obligation de retenir ses services pour ne pas commettre de
discrimination au sens de la Charte, alors qu'en d'autres
circonstances, si l'Appelante n'avait pas été enceinte, elle n'aurait eu
aucune obligation à son égard. La proposition est intenable. Ce
moyen doit être écarté. »
120. La réalité de ce dossier est la suivante : le contrat de travail revendiqué par l’Appelante
est en fait une suppléance à durée déterminée, soit d’une journée. Cette suppléance
ne dure que le temps du remplacement effectué. Comme nous l’avons déjà exprimé
ci-dessus 108, il n’existe aucun lien d’emploi entre deux suppléances.
121. L’argument subsidiaire de l’Appelante nous oblige à procéder à l’examen du test
portant sur la validité de la norme particulière en cause, soit la capacité pour un
suppléant d’effectuer la suppléance.
122. L’Intimée est d’avis qu’elle est justifiée de demander au suppléant d’effectuer la
prestation de travail qui découle d’une suppléance. Obliger l’Intimée à conclure un
contrat avec l’Appelante alors qu’elle est dans la totale et définitive incapacité
107
108
Jugement dont appel, par. 116 et 117.
Mémoire de l’Intimée, partie II, par. 6.
- 32 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
d’exécuter le travail de suppléance visé par le contrat constitue une contrainte
excessive pour l’Intimée.
123. Comme mentionné dans l’arrêt CUSM c. Syndicat des Employés de L’HGM 109,
l’obligation d’accommodement en milieu de travail naît lorsqu’un employeur cherche à
appliquer une norme qui cause préjudice à l’employé en raison de caractéristiques
particulières protégées par la législation sur les droits de la personne.
124. Comme le mentionne la Juge Deschamps dans la décision précitée 110, il est bien établi
que l’employeur doit justifier la norme qu’il cherche à appliquer en démontrant :
(1)
qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en
cause;
(2)
qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était
nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;
(3)
que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au
travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut
démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes
caractéristiques que le demandeur, sans que l’employeur subisse une contrainte
excessive.
125. Qu’en est-il dans le cas en espèce?
126. D’entrée de jeu, nous précisons que le second critère selon lequel l’employeur doit
sincèrement croire que la norme était nécessaire pour réaliser le but légitime lié au
travail n’a plus d’application au Québec depuis la modification apportée en 1983 par le
109
110
CUSM c. Syndicat des employés de L’HGM, [2007] 1 R.C.S. 161, R.S.I., vol. I, onglet 12,
par. 11. [CUSM]
Ibid., par. 13.
- 33 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
législateur à l’article 20 de la Charte 111. Ainsi, la notion de « qualités exigées de bonne
foi pour un emploi » a été remplacée par celle de « qualités requises par un emploi ».
En conséquence, l’analyse doit porter sur le premier et le troisième critère uniquement.
127. Comme la Cour d’appel du Québec l’a décidé dans une autre affaire concernant aussi
la Commission scolaire des Patriotes (ci-après « CSP-1 ») 112, l’employeur est en droit
d’imposer des exigences en regard des aptitudes requises pour l’exercice d’un emploi,
mais ces exigences doivent être raisonnables et avoir un lien rationnel avec l’emploi.
Dans le cas à l’étude, l’exigence de disponibilité et/ou de capacité à faire le travail a
certainement un lien rationnel avec l’emploi.
128. Il est obligatoire, pour la formation du contrat d’emploi, que l’employé soit en mesure
d’effectuer sa prestation de travail. La norme de disponibilité est le minimum exigible
dans les circonstances.
129. Il existe un lien rationnel entre cette norme et l’exécution du travail. L’employeur ne
peut composer avec des suppléants absents. Cette norme est nécessaire à l’exécution
du travail en raison de la nature même du travail de suppléant. Il est impossible
d’assurer une suppléance en étant absent. Le fait de demander à un suppléant d’être
capable d’effectuer une tâche de suppléance est une norme acceptable, logique et qui
rencontre l’objet même du travail demandé.
130. Comme mentionné par le Juge Rochette dans la décision Syndicat des infirmières,
inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur du Québec (SIIIACQ) c. Centre
hospitalier régional de Trois-Rivières 113, l’employeur est en droit d’imposer des
111
112
113
Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur du Québec
(SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, 2012 QCCA 1867, R.S.A., vol. V,
onglet 49, par. 69. [Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du
Cœur du Québec]
Syndicat de l’enseignement de Champlain c. Commission scolaire des Patriotes, 2010 QCCA
1874, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée le 21 avril 2011, 33985, R.S.I., vol. III,
onglet 29, par. 82.
Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur du Québec,
supra note 111.
- 34 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
exigences en regard des aptitudes requises pour l’exercice d’un emploi, mais ces
exigences doivent être raisonnables et avoir un lien rationnel avec l’emploi.
131. L’Appelante réclame de l’Intimée qu’elle l’embauche alors qu’elle est dans
l’impossibilité totale d’effectuer la prestation de travail qui découle de l’emploi sollicité,
et ce, pour toute la durée envisagée. Faire droit à la demande de l’Appelante consiste
à imposer une contrainte excessive à l’Intimée en forçant cette dernière à créer un lien
d’emploi avec l’Appelante qui sait, dès le départ, ne pas être en mesure de fournir la
prestation de travail.
132. La jurisprudence reconnaît 114 qu’un employeur n’a pas l’obligation de garder à son
emploi des employés incapables d’exercer leurs fonctions. Il a été décidé qu’un
employeur pouvait rompre le lien d’emploi d’un employé et ainsi le priver de toutes les
conditions de travail reliées à son statut dans le cas où l’employé ne pourrait effectuer
sa prestation de travail dans un avenir prévisible. A fortiori, l’Intimée soumet qu’elle
peut forcément refuser de créer un lien d’emploi avec un employé définitivement
incapable d’effectuer la prestation de travail demandée au cours de la période
d’emploi.
133. Dans la décision CUSM c. Syndicat des Employés de L’HGM 115, cette Cour a été
appelée à examiner la portée d’une clause d’une convention collective prévoyant la
perte de l’emploi en cas d’absence pour invalidité. Dans cette affaire, l’employeur était
lié à une employée en vertu d’un contrat d’emploi. La convention collective régissant
les relations de travail entre l’employeur et l’employée comportait une clause prévoyant
la rupture du lien d’emploi en cas d’absence se prolongeant au-delà d’une période
déterminée.
114
115
CUSM, supra note 109, R.S.I., vol. I, onglet 12, Hydro-Québec c. SCFP-FTQ, [2008] 2 R.C.S.
561, [Hydro-Québec], R.S.I., vol. II, onglet 18. Voir aussi, Syndicat des employées et
employés professionnels-les et de bureau, section locale 571, CTC-FTQ (SEPB) c. Barreau du
Québec, 2007 QCCA 64, R.S.I., vol. III, onglet 31.
CUSM, supra note 109.
- 35 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
134. Après avoir indiqué que la jurisprudence ne conclut à l’applicabilité d’une telle clause
que si celle-ci satisfait aux exigences applicables en matière d’accommodement
raisonnable, particulièrement celle requérant que la mesure soit adaptée aux
circonstances individuelles du cas en litige, cette Cour conclut que l’arbitre n’a pas
commis d’erreur en décidant qu’il était difficile de concevoir une obligation
d’accommodement avec l’employée dans les circonstances116.
« [36] L’arbitre ne s’est donc pas limité à appliquer de façon
automatique une clause de la convention collective. Il était conscient
de l’étendue de l’obligation d’accommodement de l’employeur, mais
ne pouvait prévoir le retour au travail de l’employée dans un avenir
prévisible. Il a donc eu raison de conclure que l’employeur ne pouvait
garder à son service une employée déclarée invalide pour une
période indéterminée. »
135. Dans cette dernière affaire, cette Cour a décidé que malgré le lien d’emploi existant
entre les parties, l’employeur était justifié de mettre fin à ce lien considérant qu’une
période d’incapacité à durée indéterminée « sans expectative de retour au travail »
constituait pour l’employeur une contrainte excessive.
136. L’affaire Hydro-Québec c. SCFP-FTQ 117 a porté à nouveau sur les règles protégeant
l’employée qui s’absente pour un motif non fautif et celles régissant le contrat de
travail, particulièrement sur l’interaction entre l’obligation de l’employeur d’accommoder
une employée malade et l’obligation de l’employée de fournir une prestation de travail.
137. Dans cet arrêt, la Juge Deschamps, rendant jugement pour cette Cour, a conclu que
l’arbitre de grief n’avait commis aucune erreur de droit en décidant que l’employeur
pouvait, en l’espèce, mettre fin au contrat de travail qui le liait à la plaignante. La Cour
a reconnu le bien-fondé de la position de l’employeur dans la mesure où ce dernier
pouvait faire la preuve qu’au moment où fut prise cette décision administrative, la
plaignante ne pouvait, dans un avenir raisonnablement prévisible, remplir la prestation
de travail soutenue et régulière prévue au contrat.
116
117
CUMS, supra note 109, par. 36.
Hydro-Québec, supra note 114.
- 36 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
138. La Juge Deschamps rappelle aussi118 que l’obligation d’accommodement d’un
employeur est étroitement liée aux obligations fondamentales rattachées à la relation
de travail.
« [19] L’obligation d’accommodement est donc parfaitement
conciliable avec les règles générales du droit du travail, tant celle qui
impose à l’employeur l’obligation de respecter les droits
fondamentaux des employés que celle qui oblige les employés à
fournir leur prestation de travail. L’obligation d’accommodement qui
incombe à l’employeur cesse là où les obligations fondamentales
rattachées à la relation de travail ne peuvent plus être remplies par
l’employé dans un avenir prévisible. »
139. Ainsi, en appliquant le raisonnement exposé dans l’affaire Hydro-Québec c.
SCFP-FTQ 119, l’Intimée rencontrerait une contrainte excessive si on lui imposait,
comme le souhaite l’Appelante, l’obligation de créer un lien d’emploi avec cette
dernière, alors qu’elle est manifestement dans l’incapacité de fournir une prestation de
travail pour la durée complète de la suppléance faisant l’objet du contrat de travail.
140. Par ailleurs, la Juge Deschamps 120, citant la Juge L’Heureux Dubé dans la décision
Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c.
Montréal (Ville) 121, rappelle que le but des mesures d’accommodement est de
permettre à l’employé capable de travailler de le faire.
« [14]
Comme le dit la juge l’Heureux-Dubé, les mesures
d’accommodement ont pour but de permettre à l’employé capable de
travailler de le faire. En pratique, ceci signifie que l’employeur doit
offrir des mesures d’accommodement qui, tout en n’imposant pas à
ce dernier de contrainte excessive, permettront à l’employé concerné
de fournir sa prestation de travail. L’obligation d’accommodement a
pour objet d’empêcher que des personnes par ailleurs aptes ne
soient injustement exclues, alors que les conditions de travail
pourraient être adaptées sans créer de contrainte excessive.
118
119
120
121
Ibid., par. 19.
Hydro-Québec, supra note 114.
Hydro-Québec, supra note 114, par. 14 et 15.
Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal
(Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c.
Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665, R.S.I., vol. II, onglet 24.
- 37 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
[15]
L’obligation d’accommodement n’a cependant pas pour objet
de dénaturer l’essence du contrat de travail, soit l’obligation de
l’employé de fournir, contre rémunération, une prestation de travail.
(…) » (Nos soulignements)
141. En l’espèce, aucune mesure d’accommodement par l’employeur n’est possible afin de
permettre à l’Appelante d’effectuer sa prestation de travail de suppléance.
142. Nous soumettons respectueusement que c’est contrairement aux enseignements de
l’arrêt Hydro-Québec c. SCFP-FTQ 122 que le Juge Dalphond, dans CSP-1 123, a décidé
que d’accorder à une enseignante à temps partiel, invalide pour une durée
indéterminée, les contrats qu’elle choisit ainsi que le versement des prestations
d’assurance salaire pour la période de cent quatre (104) semaines prévue à la
convention collective, ne constitue pas une contrainte excessive pour l’employeur.
143. De plus, il nous apparaît important de rappeler que dans cette affaire CSP-1,
l’enseignante concernée bénéficiait d’une liste de priorité ou de rappel, ce qui obligeait
l’employeur à lui offrir un contrat de travail en fonction de son ancienneté et de ses
qualifications, ce qui n’est absolument pas la situation de l’Appelante qui, étant sur la
liste des suppléants, ne bénéficie d’aucun droit de cette nature, ce qui constitue une
distinction fondamentale.
144. Par contre, le Juge Dalphond, dans la décision précitée 124, rejoint l’opinion de cette
Cour dans la décision Hydro-Québec c. SCFP-FTQ lorsqu’il précise que bien que la
convention collective interdise de mettre fin au lien d’emploi d’une enseignante en
raison de son invalidité tant que cette dernière peut bénéficier de prestations
d’assurance salaire, il peut en être autrement après la fin des cent quatre (104)
semaines d’invalidité, s’il y a des indications que l’enseignante ne sera jamais en
mesure de fournir une prestation de travail régulière.
122
123
124
Ibid.
Syndicat de l’enseignement de Champlain c. Commission scolaire des Patriotes, 2010 QCCA
1874, supra note 112.
Ibid., par. 52.
- 38 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
« [52]
En ce faisant, il confond lien d’emploi et indisponibilité. Rien
ne justifiait alors de mettre fin au lien d’emploi. Au contraire, la
convention (art. 5-10.28) interdit de mettre fin au lien d’emploi d’une
enseignante en raison d’une invalidité tant que cette dernière peut
bénéficier de prestations d’assurance salaire. Il peut en être
autrement après la fin des 104 semaines d’invalidité, s’il y a des
indications que l’enseignante ne sera jamais en mesure de fournir
une prestation de travail régulière, comme dans l’affaire HydroQuébec, précitée. Mais tel n’est pas le cas ici où l’enseignante s’est
avérée capable de reprendre le travail en 2006. »
145. Rappelons que la clause 5-10.28, dont il était question dans la citation précédente,
ne s’applique pas aux personnes inscrites sur la liste de suppléance, ce qui distingue
encore cette affaire du cas à l’étude.
146. Par analogie, lorsque l’Intimée est informée du fait que l’Appelante ne sera
aucunement en mesure d’effectuer la prestation de travail demandée, elle peut, à bon
droit, prétendre qu’il n’y a pas eu formation de contrat. Dès lors, l’Appelante n’a pas été
victime de discrimination à l’embauche.
147. Il importe aussi de s’attarder sur les agissements de l’Appelante avant l’obtention de
son certificat de retrait préventif. Le 25 septembre 2006, se sachant alors enceinte,
l’Appelante
s’est
elle-même
déclarée
non
disponible
pour
effectuer
des
remplacements, puisqu’elle attendait les résultats de ses tests d’immunité.
148. L’incapacité d’effectuer de la suppléance, déclarée par l’Appelante avant l’obtention de
son certificat de retrait préventif, est la même incapacité soulevée par l’Intimée en
novembre 2006, au moment de lui refuser la suppléance.
149. Comment l’Appelante peut-elle soutenir qu’en novembre 2006, elle est devenue apte à
effectuer le travail sollicité du seul fait d’avoir obtenu son certificat de retrait préventif?
Que ce soit en septembre ou en novembre 2006, la situation est la même : il ne peut
être reproché à l’Intimée d’agir avec discrimination à l’égard de l’Appelante pour une
situation où cette dernière, en septembre 2006, s’est elle-même reconnue dans
l’impossibilité d’effectuer la prestation de travail demandée.
- 39 Mémoire de l’intimée CSP
Exposé concis des arguments
150. Il est impossible pour l’Intimée d’accorder à l’Appelante ce qu’elle réclame. Conclure
qu’il y a eu formation de contrat alors qu’elle était dans l’impossibilité d’effectuer la
prestation de travail qui en découle consisterait à obliger l’Intimée à contracter avec
l’Appelante dans le seul but de lui permettre d’être admise au régime public en vertu
de la LSST.
151. Autrement dit, le seul accommodement possible afin de faire droit à la demande de
l’Appelante, laquelle réclame le droit d’accès à un régime public sans être employée de
l’Intimée, serait de lui accorder un contrat de travail bien qu’elle ne puisse aucunement
exécuter le travail de suppléance occasionnelle.
152. Conclure autrement reviendrait à contredire la jurisprudence de cette Cour en forçant
la création ou le maintien d’un lien contractuel d’emploi pour la durée totale d’un
contrat de travail à durée déterminée, au cours duquel non seulement il n’y a pas
d’expectative de retour au travail, mais même une certitude d’absence.
153. Ainsi, la position de l’Appelante est non fondée, car elle signifierait que, sous le couvert
de la discrimination en raison de son état de grossesse, l’employeur devrait accorder
un retrait préventif à une personne qui n’est pas son employée. Ce serait dire que l’état
de grossesse d’une personne oblige l’employeur à lui offrir un contrat d’emploi à titre
de suppléante, même s’il n’a aucune obligation de l’engager.
154. En terminant, nous soumettons que les moyens d’appel de l’Appelante ne font voir
aucune erreur de droit ou de fait manifeste et dominante de la Cour d’appel du Québec
ni d’ailleurs aucune autre erreur. En conséquence, la Cour d’appel du Québec était
bien justifiée de décider que la décision de la CLP constitue une des issues possibles
et acceptables en l’instance et peut se justifier au regard des faits et du droit.
----------
- 40 Mémoire de l’intimée CSP
Ordonnance demandée
PARTIE IV – ARGUMENTS À L’APPUI DE L’ORDONNANCE DEMANDÉE
AU SUJET DES DÉPENS
155. L’Intimée n’a pas d’argument particulier à soumettre à cette Cour à l’appui de
l’ordonnance qu’elle demande au sujet des dépens.
---------PARTIE V – ORDONNANCE DEMANDÉE
156. Pour les motifs énoncés précédemment, plaise à la Cour de :
REJETER l’appel.
LE TOUT avec dépens.
Québec, le 25 juin 2013
_______________________________
Me Paule Veilleux,
Me René Paquette,
Me Julie Samson,
Me Yann Bernard,
Me Marie-Claude Pichette
Langlois Kronström Desjardins, S.E.N.C.R.L.
Procureurs de l’intimée
Commission scolaire des Patriotes
- 41 Mémoire de l’intimée CSP
Table alphabétique des sources
PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES
Jurisprudence
.............Paragraphe(s)
Agropur, Coopérative (division Natrel) c. Rancourt, 2010
QCCA 749
............................ 41,94
Alexandra Lymberopoulos
AZ-50308032 (C.L.P.)
et
CPE
St-Mary,
2005,
.......................... 88,109
Bédard et Coifferie des Bouleaux, C.L.P. 177952-31-0202, le
16 avril 2002
................................. 93
Bell Canada c. Québec (CSST), [1988] 1 R.C.S. 749
.............................. 3,76
Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554
................................. 52
Commission des normes du travail c. Commission des écoles
catholiques de Québec, J.E. 95-1527 (C.A.), 1995 CanLII
4648 (QC CA)
............................... 113
CSST c. Albert Pouliot inc., 2011 QCCA 2178
................................. 55
CUSM c. Syndicat des employés de L’HGM, [2007] 1 R.C.S.
161
... 123,124,132,133,134
Desjardins et Commission scolaire des Draveurs et al., 2006
CanLII 68784 (QCCLP)
.......................... 83,110
Doré c. Barreau du Québec, [2012] 1 R.C.S. 395, 2012 CSC
12
... 40,59,61,64,65,68,69
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190
............. 39,43,51,52,64
Fédération québécoise des massothérapeutes et Jacquart,
2009 QCCLP 1241
................................. 90
Fondation Canadienne Espoir Jeunesse et Le Groupe
d’Entraide Janik inc. et Jessica Gauvin, 2011 QCCLP 638
................................. 93
Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques
professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section
locale 2000 (SCFP-FTQ), [2008] 2 R.C.S. 561
Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601
... 132,136,137,138,139
................. 140,142,144
................................. 82
- 42 Mémoire de l’intimée CSP
Table alphabétique des sources
Jurisprudence (suite)
Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-etLabrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62
................................. 51
Nor-Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba
Association of Health Care Professionals, [2011] 3 R.C.S. 616
................................. 52
Provigo et Blanchet et CSST, C.A.L.P., [1992] 1246
............................... 108
Pushpanathan v. Canada (M.C.I.), [1998] 1 R.C.S. 982
............................ 52,57
Québec (Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse) c.
Boisbriand (Ville) [2000] 1 R.C.S. 665
............................... 140
R. c. Conway, [2010] 1 R.C.S. 765
................................. 54
Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27
................................. 82
Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du
papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, ltée, 2013
CSC 34
................................. 51
Syndicat de l’enseignement de Champlain c. Commission
scolaire des Patriotes, 2010 QCCA 1874
.......... 127,142,143,144
Syndicat de l’enseignement de la région de Québec c.
Ménard, 2005 QCCA 440
............................... 101
Syndicat des employées et employés professionnels-les et de
bureau, section locale 571, CTC-FTQ (SEPB) c. Barreau du
Québec, 2007 QCCA 64
............................... 132
Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières
auxiliaires du Cœur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier
régional de Trois-Rivières, 2012 QCCA 1867
........................ 126,130
Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, [2003] 3 R.C.S.
77
....................... 52,62,64
9114-7058 Québec inc. et Commission de la santé et de la
sécurité du travail, 2013 QCCLP 296
............................... 102
- 43 Mémoire de l’intimée CSP
Table alphabétique des sources
Doctrine
CLICHE, Bernard et al., dans le Traité de droit de la santé et
de la sécurité au travail, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1993
................................. 84
LAFONTAINE, Serge, Le retrait préventif de la travailleuse
enceinte ou qui allaite : qui décide quoi?, Cowansville (Qc),
Yvon Blais, Développements récents en droit du travail (1991)
du Service de la formation permanente du Barreau du Québec
................................. 91
Québec, ministre d’État au développement social, santé et
sécurité au travail, Politique québécoise de la santé et sécurité
des travailleurs, Éditeur officiel du Québec, 1978
................................. 73
VEILLEUX, Paule, Les maladies infectieuses et le retrait
préventif, Cowansville (Qc), Yvon Blais, Développements
récents en droit de l’éducation 1999 du Service de la formation
permanente du Barreau du Québec
................................. 84
____________