Le Gabon roulé par la France

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Le Gabon roulé par la France
Accord franco-gabonais de co-développement
Le Gabon roulé par la France ?
Si les techniciens en charge du dossier avaient clairement expliqué les contours de cet accord au chef de l’Etat Gabonais, c’est sûr qu’Omar Bongo Ondimba,
aurait exigé que la copie soit revue avant de la faire signer par la France et ratifier par le Gabon.
P
endant que les autorités
préfectorales et sous-préfectorales françaises traquent les Gabonais du Sarkoland,
même ceux en situation régulière, comme cela a été le cas la
semaine dernière, avec l’expulsion de l’étudiante Raïssa
Mengue M’Ondo (et de l’expulsion dans des conditions indignes
de Lévy Mbira , il y a quelques
jours), dans son édition du vendredi 14 février 2008, le quotidien
gouvernemental annonçait que
le Gabon avait ratifié l’accord
franco-gabonais sur la gestion
des flux migratoires de juillet
2007. Et que de la bouche de son
plénipotentiaire à Libreville, la
France ratifiera ledit accord
dans un très proche avenir. Or, à
ce qui semble, le Gabon aurait
ratifié cet accord, comme si l’on
était encore à l’époque absurde
de la colonisation. Motif: on ne
sait par quel artifice la partie
gabonaise a été grisée pour ratifier un accord qui suscite non
seulement de nombreuses interrogations, mais également,
inquiétude, amertume, colère,
honte, incompréhension et indignation au sein de la communauté Gabonaise de France. On
comprend pourquoi, on refuse
de rendre publique l’entièreté
de cet accord au Journal officiel. Voire en pleine page dans
«L’Union». On en sait désormais
un peu plus sur l’affaire-là.
En juillet 2007, après la signature de l’accord entre le ministre français, Brice Hortefeux, en
charge du sinistre département
de l’Immigration, de l’Identité
nationale et du Co-développement et la partie gabonaise, à
Libreville, on a pratiquement
entonné le cocorico, arguant que
ledit accord était une victoire
diplomatique du président de la
République. Malheureusement,
du côté des ressortissants gabonais de France comme de l’association La Maison du Gabon de
Toulouse, on pense plutôt que le
chef de l’Etat Gabonais et les
Gabonais auraient été trompés.
Côté gabonais, les ressortissants français sont plus que des
privilégiés. Les citoyens français
qui arrivent au Gabon peuvent,
sans visa d’entrée préalablement délivré par une autorité
consulaire gabonaise, bénéficier
d’une autorisation d’entrée au
point de passage frontalier de
l’aéroport international Léon
MBA de Libreville. Le Gabon a
accordé 25000 visas aux ressor-
tissants français en 2006. Avec un
visa touristique, les ressortissants français, peuvent rechercher un emploi au Gabon et se
voir par la suite délivrer une
carte de séjour d’une validité de
deux ans renouvelable sur présentation d’un contrat de travail. Les citoyens français sont
exonérés de droit de cautionnement au moment de l’établissement de leur carte de séjour au
Gabon, alors que le versement
auprès du trésor français d’une
caution de rapatriement est obligatoire pour l’établissement de
la carte de séjour des citoyens
français qui ne rentrent pas dans
le cadre de la coopération. Pour
l’établissement de la carte de
séjour, les frais de dossier des
citoyens français s’élèveraient à
150 euros, alors qu’ils sont trois
fois plus chers pour les autres
étrangers, notamment pour les
grands amis du Gabon comme les
Chinois, les Américains du nord
ou les Marocains.
Pour sa part, très malin, le
Sarkoland tout en faisant croire
aux Gabonais qu’ils sont une
exception, a trouvé des subterfuges pour duper le pays d’OBO.
En effet, sur l’accord FranceGabon de la gestion des flux
migratoires de juillet 2007, les
gabonais ne sont vraiment pas
gâtés, comme on a tenté de le
faire croire. Car, sur les visas, les
détenteurs des passeports de
services en seront dispensés,
mais la France sous réserve de
ses
obligations
internationales, peut délivrer
des visas circulaires de deux ans
à entrées multiples pour des
motifs familiaux, médicaux, ou
professionnels. Mieux, pour montrer que l’on demeure l’arrièrecour du Sarkoland, le Gabon
s’engage à donner aux français
une carte de séjour de 5 ans
renouvelables donc 10 ans. La
réciprocité n’est pas autorisée
ici. Puisque pour les ressortissants gabonais, c’est la carte
temporaire d’une année.
Les étudiants gabonais qui ont
achevé leurs études en France
peuvent postuler pour une première expérience professionnelle en France, un emploi et
l’exercer pendant 9 mois ou 18
mois seulement. (Pour les autres
étrangers, c’est 6 mois uniquement); ce délai paraît avantager
les ressortissants gabonais mais
c’est complètement illusoire.
L’emploi que l’on souhaite exercer doit rentrer dans le cadre de
sa formation initiale, ce qui est
très difficile. Les entreprises sur
le territoire français engagent du
personnel à des postes qualifiés
que pour les longues périodes, 18
mois c’est trop court et il faudrait encore mettre dans ce
délai la période d’essai qui n’est
pas prise en compte ici.
Par ailleurs, si un ressortissant
gabonais trouve un travail en
rapport avec ses études, il faut
encore qu’il soit rémunéré à
hauteur d’une fois et demie le
SMIC (soit 1800 euros).
Comment ce ressortissant gabonais va-t-il imposer à son
employeur de lui payer ce salaire conséquent alors qu’il vient
d’achever ses études et qu’il n’a
pas d’expérience professionnelle
? C’est tout simplement impossible et utopique. Comment payer
un salaire si important à celui qui
rentrera chez lui dans 18 mois en
enlevant la période d’essai?
Comment un jeune gabonais
pourra-t-il dire à un employeur
de passer outre la convention
collective de la profession et lui
payer une somme d’argent qui
ne pourrait pas être justifiée
mais simplement parce qu’il est
gabonais ? De même, un accord
international peut-il imposer un
salaire à une entreprise privée
ou publique ? C’est impossible
puisque dans toute entreprise
lorsqu’il s’agit d’un cadre, le
salaire est négocié entre l’employé et l’employeur et non
dicté par un accord bilatéral.
Curieusement, ce qui est illusoi-
sence de visa pour les détenteurs
de passeports de service qui veulent rentrer en France. D’autant
plus que les visas de circulation
de deux ans pour les gabonais
prévus dans l’accord, ne seront
pas accordés de plein droit mais
sous réserve des obligations
internationales de la France.
Une autre façon de botter en
touche pour ne pas appliquer les
textes aux ressortissants gabonais. Aussi, dans cet accord de
co-développement, le pays
d’OBO ne gagnerait rien.
D’ailleurs, pour les jeunes gabonais, c’est une chimère dans la
mesure où les métiers peu qualifiés que les gabonais exercent
souvent pour financer leurs études ou payer leurs loyers sont
désormais interdits par la partie
française. Les ressortissants
gabonais sont persuadés que
c’est avec la bénédiction de leur
propre pays. Mieux encore, les
jeunes français, comme ils disent dans leur jargon, issus de
l’immigration ou les antillais ont
déjà du mal à pourvoir à des postes de haut niveau. D’où la
France incite ses jeunes à la
mobilité internationale et qu’elle parle de discrimination positive, d’égalité des chances, de
minorité visible, ou de CV anonyme, etc.
Dommage que les compatriotes
qui ont ratifié cet accord aient
été pris d’étourderie.
Source : La Maison du Gabon
Freddy-Richelieu Mughele
Le Préfet de Haute-Garonne a fait «sa» loi
F
ace aux critiques de la
communauté estudiantine gabonaise de Toulouse
et des articles des confrères du
cru, le très puissant Préfet de
la Haute-Garonne –il a réussi à
violer les accords pourtant
supérieurs à la loi interne française-, qui applique intégralement les recommandations –la
recherche de remplir le quota
des 25.000 reconduites à la
frontière- de son chef, Brice
Hortefeux, ministre français
de l’Immigration, de l’Identité
nationale
et
du
Codéveloppement, qui a
récemment déclaré à «Jeune
Afrique» que «La France a le
our la France,le Gabon reste et restera sa dépendance.On en veut pour preuve son œil très
regardant sur les actes d’état-civil,pour lesquels la France rechignerait désormais à prendre
en compte.Tout a été ficelé dans l’article 4 du chapitre 3 de l’accord de co-développement de
2007.Dans cet article,il est écrit clairement que les parties marquent leur accord sur le principe d’une
responsabilité partagée en matière de contrôle des flux migratoires irréguliers,s’engagent à réadmettre,dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes,ceux de leurs ressortissants
en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie –même si la partie française parquent des immigrés en situation irrégulière derrière des grands murs d’enceinte protégés par des barbelés,
cela fait
partie du respect de la dignité humaine.Toujours dans le même article à l’alinéa 3,les Etats s’engagent
à réadmettre les ressortissants d’Etat tiers pour lesquels est apportée la preuve d’un séjour sur son territoire.
Si dans cet accord sur la gestion des flux migratoires,le premier point consiste en la mise en place
de la coopération des Etats sur la lutte contre l’immigration clandestine par le principe de la réadmission des sans-papiers nationaux ou des étrangers qui seraient passés par l’un des deux Etats,
le second
point consiste à la fraude documentaire consignée dans l’article 5.Lequel déclare que le gouvernement
français s’engage dès 2008 à apporter son expertise afin d’améliorer la fiabilité du fichier d’état-civil et
de l’adapter aux évolutions technologiques les plus récentes.Un meilleur boulevard offert aux français
?
D’où, pour remettre à plat tout le fichier de l’état-civil gabonais,il faut par conséquent déclarer
comme douteux tous les actes existants et qui n’auront plus de reconnaissance de plein droit en France.
Voilà une position surprenante qui n’a même pas suscité une réserve des jouissifs Parlementaires
gabonais,ni de la très regardante Gardienne de la loi,la Cour Constitutionnelle,puisque derrière l’expertise de la France,il y a des questions qui touchent de la souveraineté d’un pays libre et indépendant.
Au fait :un Etat étranger peut-il maîtriser le fichier des actes d’état-civil d’un autre pays
?
4 Le Nganga
collective qui régit le métier
envisagé n’est pas possible, cela
viole également l’accord francogabonais d’établissement du 11
mars 2002 qui dit à son article 5
alinéa 2 que : «Les ressortissants gabonais bénéficient de
la législation du travail dans
les mêmes conditions que les
ressortissants
français».
Pourquoi alors écarter les gabonais de la convention collective
qui réglemente les secteurs d’activités ou les métiers en fixant un
taux de rémunération et les
conditions de travail alors que
cela n’est pas exigé pour les
français en France et au Gabon
? Qu’est-ce qui explique que les
gabonais soient écartés de la
législation des conventions collectives alors qu’ils doivent
pourtant en bénéficier dans les
mêmes conditions que les français ?
Cet accord vient confirmer ce
que la partie française affirme
depuis 2003, que les gabonais
n’ont plus le droit de travailler
en France sans autorisation et
lorsqu’ils sont autorisés, ils
devront à compter de la ratification de cet accord, le faire dans
une période de 18 mois seulement et s’engager à rentrer chez
eux, ce qui n’est pas le cas des
ressortissants français résidant
au Gabon ou pour les futurs jeunes professionnels français car
l’accord parle dans leur cas
d’expatriation.
En définitive, le seul avantage
gagné par le Gabon reste l’ab-
Expulsion de Mengue Ondo Raïssa
Autorisée à fouiller sous nos lits…
P
re aux jeunes gabonais est possible aux jeunes français au
Gabon.
L’accord sur la gestion des flux
migratoires viole les accords
ACP/UE. En ce sens que cet
accord permet aux étudiants
gabonais qui ont terminé leurs
études de travailler dans un
métier en rapport avec leur formation et d’être payés une fois
et demie le SMIC (1800 euros,
environ 1.200.000 FCFA). Fixer
une rémunération précise et audelà du SMIC dans un accord bilatéral c’est dire ouvertement que
cet accord ne s’appliquera pas.
En signant cet accord, le Gabon
va permettre aux pouvoirs
publics français d’exiger à ses
ressortissants de pourvoir seulement à des postes dont le salaire
est de 1800 euros minimum,
sinon, ils rentreront au pays sans
travailler.
Les accords ACP/UE prohibent
les discriminations sur la rémunération (Article 13 al 3, Egalité
de traitement en matière de travail et de rémunération les travailleurs ressortissants d’un Etat
ACP exerçant légalement une
activité sur le territoire d’un Etat
membre bénéficient d’un traitement caractérisé par l’absence
de toute discrimination fondée
sur la nationalité par rapport à
ses propres ressortissants, en ce
qui concerne les conditions de
travail, de rémunération et de
licenciement).
Fixer d’avance un salaire sans
tenir compte de la convention
droit de choisir qui elle veut
accueillir sur son territoire»,
cherche à se donner bonne
conscience. Pour sa défense
quant à l’expulsion sans ménagement de l’étudiante gabonaise, le Préfet de la HauteGaronne met en avant une
«loi» française inconnue des
étudiants étrangers: «La loi
prévoit toutefois que l’étranger qui séjourne en France en
qualité d’étudiant doit justifier du sérieux de ses études,
c’est-à-dire d’une progression significative validée par
l’obtention d’un diplôme. Or,
Melle MENGUE ONDO a produit en 2007, pour l’université, une septième inscription
en licence de droit, formation
normalement diplômante au
terme de trois années d’études.» En clair, le Préfet n’aime
pas les cartouchards dans les
universités de sa région. Voilà
un fait dont la compétence
revient à l’université, qui est
tranchée à la Préfecture. C’est
comme si, le gouverneur de
l’Estuaire, Ndzé Thomas
Débouillon, sonnait la chasse à
tous les cartouchards qui usent
leur fond de culotte à l’UOB.
Alors que les redoublements et
autres dérogations pour tripler
sont du ressort du rectorat. Le
flou persiste dans le fait que le
Préfet n’a même pas reproduit
l’article de cette «loi» qui
recommande du «sérieux des
études» de l’étudiant étranger.
Or, selon l’article 1er de l’accord de coopération en matière d’enseignement supérieur
entre la République française
et la République gabonaise du
17 août 1960 : «En vue de
[email protected]
faciliter le rayonnement de la
culture française dans la
République gabonaise, les
deux parties contractantes
faciliteront aux nationaux
gabonais, notamment par
l’octroi de bourses d’études,
de prêts d’honneur et de
bourses de recherche, par
l’organisation de stages et,
éventuellement, par des
nominations à des emplois
d’assistants, l’accès des établissements universitaires et
des instituts de recherche
scientifique ou relevant de
leur autorité». Et l’accord
cadre du 30 avril 1971 en
matière d’enseignement supérieur conclut entre la France et
le Gabon dit en son article 2
alinéa 2 ceci : « Le gouvernement gabonais facilitera
l’admission des étudiants et
chercheurs français dans ses
universités et centres de
recherches ainsi que l’organisation de stage et cycles d’études spéciaux dans ses établissements ». Ces différentes
stipulations conventionnelles
permettent bien aux étudiants
français comme gabonais d’accéder dans les universités ou
écoles dans chacun des deux
pays. Nulle part on ne parle de
l’intervention de la Préfecture.
Le Conseil d’Etat, en interprétant l’article 5 des conventions franco-africaines d’établissement (CE 8 juillet 1998,
Abatchou, Rec. n° 177487) a
estimé que les titres de séjour
prévus par les conventions
internationales ont des effets
équivalents à la carte de résident. Ainsi, lorsque la loi prescrit qu’un étranger doit se voir
attribuer de pl
ein droit un
titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu’il
puisse légalement être l’objet
d’une reconduite à la frontière
(CE 10 décembre 2004, YOUNESSE req n° 265629). Ce qui
n’est pas la tasse de thé du
Préfet de la Haute-Garonne.
Par conséquent, la reconduite forcée au Gabon de Raïssa
est manifestement illégale,
non seulement face aux
accords franco-gabonais et la
jurisprudence du Conseil
d’Etat, mais l’autre illégalité
provient du fait que cette dernière n’a pas été mise en
mesure de se défendre. Malgré
les justifications du Préfet de
Haute-Garonne.
Enfin, suite à l’expulsion de
Lévy Mbira dans la suite logique
de celle de Raïssa mengue
Ondo, le ministère des Affaires
étrangères a finalement réagi.
Elles promettent la “réciprocité”. Ah bon ? N’est-ce pas, à
l’occasion de l’interpellation
du gouvernement en juin 2006
au Palais Léon Mba, réagissant
déjà à la violation récurrente
par la France des accords
signés avec le Gabon, un certain ministre des Affaires
étrangères avait déclamé sous
le regard ahuri des députés,
que le Gabon était incapable
d’appliquer la “réciprocité”.
Car dans son entendement, la
France est plus puissante que
le Gabon.
Bon, comme il y a du nouveau
aux Affaires étrangères, on
espère que cela ne s’arrêtera
pas aux bonnes intentions.
Ivan-Christ KOMBILA
Jeudi 06 Mars 2008