1 MAITRISE ORTHOPEDIQUE

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1 MAITRISE ORTHOPEDIQUE
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
CHIRURGIE PLASTIQUE EN SITUATION PRÉCAIRE
Patrick KNIPPER
25, rue de Bourgogne - 75007 Paris — Hôpital Saint Antoine – 75012 Paris
[email protected]
INTRODUCTION
La chirurgie plastique en situation précaire est l’exercice de
cette spécialité en situation difficile. Elle se caractérise par la
pratique de la chirurgie plastique dans un environnement nouveau et pénible, par un lieu d’exercice précaire, par des pathologies rencontrées particulières et par la nécessité de connaître
de nombreux horizons de la chirurgie plastique (chirurgie de la
main, chirurgie des séquelles de brûlures, chirurgie orthopédique et traumatologie, chirurgie maxillo-faciale, etc…).
Vous allez partir pour la première fois et vous vous posez
diverses questions sur cette nouvelle aventure : quelles pathologies vais-je rencontrer ? Quelles seront les conditions opératoires ? Quelles techniques vais-je devoir utiliser ? Quel matériel vais-je devoir emporter ? etc…
Cet article va essayer de répondre simplement à vos questions
en vous apportant des solutions que nous avons trouvées dans
nos missions. Ce que vous allez lire aujourd’hui, vous pourrez
l’écrire demain et, nous l’espérons, en l’améliorant. Nous avons
voulu rassembler, dans ces quelques lignes, l’expérience de plusieurs missions de chirurgie plastique effectuées dans différents
pays : Congo, Togo, Bénin, Nigéria, Arménie, etc…
Une analyse rétrospective de 100 patients opérés en mission
nous a suggéré 6 techniques chirurgicales qui nous ont permis
de traiter 86 % des cas. Nous allons vous exposer, simplement,
ces six techniques avec des schémas thérapeutiques pratiques.
LE CONCEPT DE CHIRURGIE
PLASTIQUE EN SITUATION
PRÉCAIRE
1
Définition ?
La chirurgie plastique est une
spécialité chirurgicale bien
définie. Le terme “chirurgie
plastique” englobe l’aspect
reconstructeur, le pôle purement plastique et la dimension
esthétique d’une même spécialité. Par exemple, la reconstruction d’un sein, après son ablation pour un cancer, va être
qualifiée de chirurgie reconstructrice. Le traitement d’une
hypertrophie mammaire sera
nommée chirurgie plastique
puisqu’il modifie plus la plastique du sein. Mais un sein
reconstruit doit avoir une jolie
plastique voire une belle esthétique. La chirurgie plastique
c’est reconstruire l’esthétique. Si “l’esthétique c’est
déjà la fonction”, la fonction
devrait être esthétique.
En Europe, les services de chirurgie plastique prennent des
orientations différentes suivant
les pathologies qu’ils rencontrent. Par exemple, un service
qui va recevoir des traumatismes de la main sera plus
orienté vers la chirurgie plastique de la main et la microchirurgie. Un service qui prendra
en charge surtout des brûlés
sera plus spécialisé dans les
greffes de peau et le traitement
des séquelles de brûlures, voire
l’utilisation de l’expansion
cutanée.
La chirurgie plastique en
situation précaire est l’exercice de la chirurgie réparatrice en situation difficile. Elle
est plus couramment appelée
“chirurgie plastique humanitaire”. Nous préférons le
terme “en situation précaire”
puisqu’il est plus général et
plus réel. Le qualificatif
“humanitaire” donne souvent,
en mission, une connotation
triomphaliste (le grand blanc
qui vient faire de la grande
chirurgie…).
De surcroît, tout geste médical
d ev r a i t ê t r e h u m a n i t a i r e ,
quelque soit son lieu géographique. Le chirurgien n’a pas
besoin de partir en mission
pour faire de l’humanitaire. La
chirurgie plastique humanitaire est faite en France tous les
jours par des chirurgiens plasticiens. Nous pouvons être
humain sans faire de “l’humanitaire” mais, paradoxalement,
nous pouvons aussi faire
de l’humanitaire sans être
humain. En effet, il arrive que
certains “volontaires” confondent occupation humanitaire
et tourisme humanitaire.
La chirurgie plastique en
situation précaire se caractérise par plusieurs points :
- Un environnement nouveau et
difficile,
- Un lieu d’exercice précaire,
- Des pathologies rencontrées
particulières,
- L’application de tous les
champs de la chirurgie plastique (chirurgie de la main,
traitement des brûlures et de
leurs séquelles, séquelles
traumatologiques, chirurgie
maxillo-faciale, etc…)
@ L’environnement est insolite
puisque la mission chirurgicale
se fait dans un pays nouveau,
voire dans une structure inhabituelle (dispensaire…). L’exercice est, également, inaccoutumé
puisqu’il se fait en groupe avec
une équipe comprenant plusieurs personnalités, parfois
très différentes. L’équipe
regroupe des chirurgiens qui
peuvent parfois appartenir à des
“écoles” chirurgicales opposées, etc… L’environnement
sera particulier par son climat
et par les conditions de vie distinctes du quotidien.
@ Le lieu d’exercice est souvent
précaire tant par les conditions
réelles d’exercice (bloc opératoire peu performant, coupures
électriques fréquentes, stérilité
quasi inexistante, etc…) que
part le déroulement de la mission (patients non convoqués,
diagnostiques erronés, malades
non préparés, pansements non
faits, etc…).
@ Les pathologies rencontrées
sont peu communes et d’autres
sont observées à des stades
évolutifs que l’on n’observe
plus dans notre pratique quotidienne. Par exemple, le Noma
(cancrum oris) et l’ulcère de
Buruli n’existent pas en
Europe. Les séquelles de brûlures, que l’on rencontrent également en Europe, sont dans
ces pays très impressionnantes.
Les malformations congénitales ou tumorales observées
sont à des stades très avancés.
@ Le chirurgien plasticien
devra appliquer sa spécialité
dans des domaines très différents comme la chirurgie réparatrice de la main, la chirurgie
des brûlures et de ses séquelles,
la réparation des malformations
congénitales de la face, la
reconstruction maxillo-faciale
de certaines affections tropicales, le rétablissement fonctionnel des membres, la fermeture de la paroi abdominale
après une importante exérèse
tumorale, etc…
La chirurgie plastique, c’est
reconstruire l’esthétique et,
cela, même en “humanitaire”.
La chirurgie esthétique
humanitaire reste, pour beaucoup, un concept inconcevable.
Comment peut-on parler
d’esthétique dans une mission
humanitaire ? Le chirurgie
esthétique est, encore, qualifiée
de chirurgie superficielle pour
des patients non malades. A
l’opposé, le chirurgien dit
“humanitaire” fait de la “vraie”
chirurgie et sur des patients qui
en ont vraiment besoin.
Nous rappellerons, simplement,
qu’il ne nous appartient pas de
décider ce qui est important
pour un patient ou ce qui ne
l’est pas. Notre rôle est de
répondre à sa demande quelle
que soit sa provenance, quelle
que soit sa croyance. Il est, probablement, plus glorifiant pour
le chirurgien de dire que son
intervention à été indispensable
sur le plan fonctionnel, mais la
finalité de son intervention
devra être la satisfaction de ce
patient. Et si l’esthétique est
déjà la fonction, pourquoi la
fonction ne pourrait-elle pas
être esthétique ? Ce sont les
patients, en mission, qui nous
ont appris que l’esthétique
était, pour eux, aussi importante que la fonction ou qu’elle en
faisait entièrement partie et,
cela, quel que soit le pays.
Au cours d’une mission, nous
avons le souvenir de cette
jeune arménienne avec une
séquelle importante de brûlure
de la face dorsale de la main.
Il existait une grande cicatrice
hypertrophique sans réel retentissement fonctionnel. Nous
avons expliqué, avec l’aide du
traducteur, qu’il ne fallait rien
faire et que, si on enlevait cette
cicatrice, la peau dorsale serait
tellement tendue que la patiente ne pourrait plus fermer la
main. Notre explication était
claire et recevait l’approbation
du traducteur et de la patiente.
Le lendemain, la jeune fille
s’est présentée à la consultation. Elle voulait que nous lui
enlevions la cicatrice et elle
nous expliquait qu’elle avait
bien compris notre résistance
mais qu’elle préférait une
main plus jolie, même si elle
ne pouvait plus la fermer.
Nous avons, également, pu
observer une motivation esthétique dans la reconstruction
d’un coude chez un jeune
Béninois qui présentait des
séquelles de Buruli. L’ulcère
de Buruli (Mycobacterium
ulcerans) est au troisième rang
des infections à mycobactéries
chez le sujet sain après la
tuberculose et la lèpre. La plupart des malades sont des
femmes et des enfants qui
vivent dans des régions rurales
à proximité de cours d’eau ou
de terrains humides. L’ulcère
de Buruli sévit dans les
régions marécageuses des
régions tropicales et subtropicales d’Afrique (pays situés en
bordure du Golfe de Guinée),
d’Amérique latine, d’Asie et
d u P a c i fi q u e o c c i d e n t a l .
Atteignant surtout les
m e m b r e s , c e t t e a ff e c t i o n
détruit progressivement, et
sans douleur, la peau et le tissu
cellulaire sous cutané, voire
les tissus sous-jacents. Au
stade de séquelles, la maladie
présente des zones cicatricielles fibreuses, rétractées
avec de nombreuses déformations associées.
C’est une de ces déformations
que nous avons observée chez
ce jeune béninois. Il présentait
une rétraction du coude droit
avec une importante zone
fibreuse qui tapissait, surtout,
la face antérieure. Nous avons
entièrement libéré ce coude
par une exérèse chirurgicale
large. La perte de substance a
été “couverte” par un lambeau
musculo-cutané pédiculé de
grand dorsal. Nous avons
retrouvé une très bonne mobilité de ce coude et les suites
opératoires ont été simples.
Nous étions assez satisfaits
d’avoir rendu ce coude fonctionnel car, avec un coude
actif, ce jeune béninois pouvait
travailler au champ et, par
conséquent, pouvoir envisager
de créer une famille. Le symbole de cette intervention était
très fort pour l’équipe: nous
avions rendu la fonction au
coude de ce jeune garçon et
cela devait permettre la création d’une famille.
Mais le lambeau était encore un
peu gros et il n’était pas très
esthétique. Nous avons expliqué au patient que, avec le
temps, ce lambeau s’affinerait.
Mais comment expliquer
“l’atrophie secondaire” d’un
muscle. De plus, l’ulcère de
Buruli est indolore. Après
l’intervention, le patient ressentait forcément quelques douleurs. Si notre intervention
semblait réussie, nous étions
pour le patient un peu maudits.
Enfin, dans le Noma, la réparation de certaines mutilations
faciales garde une finalité
(souvent non avouée) esthétique bien que l’on utilise des
techniques de reconstruction
très sophistiquées. Le Noma,
ou Cancrum oris, est une gingivo-stomatite ulcéro-nécrotique d’origine infectieuse qui
touche, aujourd’hui, surtout
les enfants d’Afrique (“the
noma belt”) sur un terrain
associant dénutrition, mauvaise hygiène bucco-dentaire et
tares diverses. La mortalité a
été considérablement réduite
par les antibiotiques et l’apport
1
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
alimentaire. Au stade de
séquelles, cette terrible affection laisse d’importantes destructions du visage.
Nous avons le souvenir de
cette jeune togolaise, accompagnée par des religieuses du
nord du Nigeria, qui vivait
seule en dehors de son village
et qui était fréquemment
violée. Elle présentait des
séquelles faciales importantes
de Noma sous la forme d’une
fente béante et nauséabonde
qui progressait de la commissure labiale jusqu’à la région
temporale. Le pouvoir des
religieuses étant resté vain,
elles décidèrent de nous la
présenter.
Finalement, il n’y avait pas de
réel retentissement biologique
et physiologique hormis
l’atteinte de la mastication.
Elle s’alimentait parfaitement
avec une alimentation liquide
(à base de manioc) et elle ne
semblait pas présenter de
carence alimentaire. Pourquoi
l’avons-nous opéré ? Pour la
fonction ! Pour la reconstruction ! Nous croyons qu’elle a
été contente de pouvoir refermer un peu plus sa bouche et
de bouger, même timidement,
sa mandibule. Nous croyons,
surtout, qu’elle a été heureuse
de retrouver un visage qu’elle
n’aura, peut-être, plus besoin
de voiler… Nous croyons que
la guérison peut aussi être
l’objet de cette satisfaction.
Ces quelques expériences nous
ont incité à réfléchir sur la vraie
finalité de nos missions de chirurgie en situation précaire. La
chirurgie plastique n’est qu’un
remède dans un champ thérapeutique très vaste. Guérison,
fonction… sont probablement
les représentations de notre
propre satisfaction. Mais qu’en
est-il de la disparition d’une
douleur ? Qu’en est-il des viols
jugulés par un visage regagné ?
Qui peut donner la vraie définition de la guérison ?
La chirurgie esthétique humanitaire a su nous enseigner
que l’esthétique est une technique au service de la fonction réparation et qu’il était
inutile de justifier l’esthétique
par la reconstruction puisque
l’esthétique appartient, à part
entière, à cette reconstruction.
Est-ce que le traitement d’une
lèvre fendue, chez une petite
fille asiatique, est un geste
réparateur ou un geste esthétique ? Vous pensez, probablement, que cela sera un
geste réparateur parce que
c’est plus “porteur” ou parce
que vous allez reconstruire la
sangle musculaire. Cette
enfant voudra, probablement,
une lèvre plus belle, plus
esthétique. Ce sera alors une
intervention esthétique. Mais
peu importe la motivation
puisque votre technique sera
la même et que vous essayerez de la faire la mieux possible voire la plus esthétique
possible. Nous voyons bien
2
que seule la motivation première de l’intervention permet
de qualifier d’esthétique ou de
plastique cette intervention,
alors que votre geste technique sera identique. Tout
cela démontre que, finalement, nos définitions sont peu
importantes au regard de la
simple satisfaction de notre
petite asiatique qui, nous
l’espérons, sera une “belle”
satisfaction.
En pratique, et toujours paradoxalement, nous avons appris
à ne pas faire de la chirurgie
esthétique mais à être esthétique dans notre chirurgie et,
cela, même en mission dite
humanitaire.
2
Chirurgie plastique en
situation précaire :
Pourqoui ?
Parce que nous sommes dans
ce domaine bien précis de
l’offre et de la demande. Nous
pourrions nous demander si la
demande a précédé l’offre ou si
l’offre a suscité la demande.
Nous pensons que les pathologies observées dans ces pays
sont très anciennes et qu’elles
n’ont pas attendu la chirurgie
plastique pour exister.
D’autre part, la chirurgie
reconstructrice est fort ancienne puisque dans certains papyrus, datant de plusieurs siècles
avant Jésus Christ, des techniques de reconstruction faciale étaient déjà décrites. Par
exemple, nous avons retrouvé
dans l’Edwin Smith Papyrus
des descriptions de reconstructions nasales par des lambeaux jugaux. A cette époque,
l’adultère était puni par
l’amputation de la “pyramide”
nasale. Des chirurgiens éclairés ont, alors, proposé des
reconstructions par des lambeaux de peau environnante.
Aujourd’hui, ces procédés
sont encore utilisés. Tout cela
devrait renforcer notre humilité dans notre “humanitaire”,
dans notre "humanité"…
Alors pourquoi, aujourd’hui,
nous parlons beaucoup plus
de chirurgie plastique en
situation précaire ?
- En premier lieu, parce que
la chirurgie plastique semble
répondre parfaitement aux
pathologies rencontrées
dans les pays du tiers monde
: malformations congénitales de la face ou des
membres, séquelles tégumentaires à la suite de maladies tropicales ou après des
brûlures, pathologies tumorales diverses, séquelles
fonctionnels des membres
post-traumatiques, etc…
- En second lieu, parce que la
chirurgie plastique existe,
aujourd’hui, en tant que
spécialité bien individualisée. Auparavant, au cours
des missions humanitaires,
les chirurgiens appliquaient
les techniques qu’ils
connaissaient et les missions
chirurgicales restaient moins
bien définies dans leur
domaine d’application. Elles
n’en restaient pas moins
efficaces mais l’activité chirurgicale était plus large. Le
chirurgien opérait tous les
patients quand il connaissait
la technique adaptée. Tout
naturellement, les missions
humanitaires se sont spécialisées comme la chirurgie
s’est spécialisée.
- En troisième lieu, parce que
cette spécialité est facile à
“exporter” : l’instrumentation chirurgicale est peu
sophistiquée et facile à
transporter ; la chirurgie des
téguments est moins sensible
à l’infection ; le résultat est
rapidement visible et obéit
souvent à la loi du “tout ou
rien” : si un lambeau nécrose, c’est tout de suite et la
sanction sera immédiate; le
suivi des patients opérés
n’est pas très compliqué et
facile à gérer; l’enseignement des techniques est plus
aisé parce que le geste chirurgicale est plus “visible”
et, donc, plus accessible à sa
compréhension.
- En quatrième lieu, parce que
que il existe des équipes
bénévoles pour faire ce genre
de missions : infirmières,
anesthésistes et chirurgiens.
- Et pour finir, parce que nous
opérons beaucoup d’enfants
dans les missions de chirurgie plastique. L’enfance blessée est insupportable mais
elle semble inévitable. Les
rêves de ces enfants seraientils, définitivement, inconcevables ? La médecine peut
redonner des années à leur
vie, la chirurgie plastique va
redonner de la vie à ces
années. Redonner du rêve à
un enfant sans visage c’est,
peut-être, mettre un visage
sur nos rêves de chirurgien.
3
Chirurgie plastique
en situation précaire :
Pour qui ?
Les missions sont proposées à
tous les patients des pays ou
des institutions qui en font la
demande. Généralement, elles
s’adressent aux pays en voie
de développement (par
exemple, certains pays
d’Afrique) ou à certains pays
en difficulté économique (par
exemple, certains pays de
l’Est). Les équipes essayent de
traiter les patients dans tous
les domaines de la chirurgie
plastique ou elles orientent
leur mission sur une pathologie spécifique comme le
Noma au Nigéria, les fentes
labio-palatines en Asie, l’ulcère de Buruli au Bénin ou la
chirurgie de la main en
Arménie. Le but reste de soigner des patients qui, dans
tous les cas, n’auraient jamais
eu la possibilité d’accéder à de
tels soins dans leurs pays.
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Chirurgie plastique
en situation précaire :
Par qui ?
Une mission de chirurgie
réparatrice est organisée par
un chirurgien plasticien ou
par une organisation humanitaire. L’organisation bénévole
peut être spécialisée dans la
chirurgie plastique (comme
Interplast-France) ou elle
peut intégrer la chirurgie plastique dans ses différents projets (comme UMAF, Unions
des Médecins Arméniens de
France, ou Médecins du
Monde).
La composition des équipes est
variable en fonction des missions. Une mission peut comprendre un seul chirurgien si
la structure qui l’accueille
possède déjà l’environnement
chirurgical pour les interventions. Inversement, une mission peut être composée d’une
équipe complète pour être
entièrement autonome. Une
mission d’Interplast-France
est généralement composée de
deux chirurgiens, deux infirmières de bloc opératoire, un
anesthésiste avec son infirmière et un coach. La présence de deux chirurgiens permet
d’opérer sur deux blocs opératoires, de pouvoir s’aider
sur d’importantes interventions, de poser des indications
collégiales et de se relayer en
cas de problème (maladie,
etc…). La présence d’un
coach est relativement récente
dans nos missions mais se
révèle très précieuse. En effet,
le coach prend en charge tous
les problèmes d’intendance,
s’occupe de la logistique et
assure la coordination avec
les autorités qui reçoivent
l’équipe. Cela peut paraître un
peu luxueux d’avoir un coach
dans une mission dite humanitaire mais l’expérience nous
a montré que le temps consacré à la gestion de l’intendance et le temps passé à “discuter” avec les représentants
locaux est très important au
cours d’une mission. Nous
préférons préserver ce temps
pour les patients.
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Chirurgie plastique
en situation précaire :
Avec qui ?
Une mission de ce type concerne les patients locaux, nécessite
l’aide du personnel et des
médecins sur place et se pratique sous couvert d’une autorité locale. D’autres acteurs peu-
vent intervenir mais ils vont
différer suivant les pays.
- Le patient et sa maladie :
L’action chirurgicale n’est
possible que si il existe des
patients qui en expriment la
nécessité et si les chirurgiens
locaux en expriment le souhait. Une mission existe si les
patients subsistent.
La notion de “patient” reste une
entité bien européenne. En
effet, le concept de “patient”
fait fusionner, dans nos
contrées, l’être à sa maladie.
En Afrique, par exemple, le
malade et la maladie demeurent
bien distincts.
En Afrique, le malade appartient à une famille, à un village,
voire à une ethnie. Il ne sera
pas atteint par hasard. Le malade a une histoire qu’il faudra
apprendre à écouter. De plus, le
malade n’est pas toujours celui
que l’on voit ou que l’on croit.
Le malade que l’on vous présente n’est peut-être que le
représentant d’une famille et
c’est peut-être la famille qui est
“malade”.
La maladie peut, aussi, appartenir à une famille ou à une
peuplade. La maladie n’est
probablement pas là par
hasard et elle a son histoire. Il
faudrait la comprendre mais
nous n’avons ni le temps ni
les facultés pour pouvoir
l’assimiler. En effet, il y a
toujours une “raison” à l’accident qui arrive au patient ou à
la maladie qui le touche. Le
patient a probablement traversé, à tort, le “lieu des génies”
ou bien il a mangé, toujours à
tort, de la viande de perdrix.
Dans certains villages, il existe des “lieux” où il est interdit
de passer à certaines heures
de la journée. Le fait de transgresser cette règle peut expliquer l’accident ou la maladie.
Certaines familles ne doivent
pas manger de la viande de
perdrix ou de cochon.
Transgresser la règle peut,
également, expliquer l’accident ou la maladie. Il y a toujours une raison aux choses et
cela peut expliquer cette allure “fataliste” que l’on peut
observer.
Nous ne restons que des techniciens de surface, alors que le
mal peut venir des “profondeurs” de la forêt. Comment
peut-on soigner avec une
simple greffe de peau le visage
d’un enfant qui est “mangé”
par sa grand-mère… La maladie, en Afrique, n’appartient
pas toujours au patient et le
malade n’est pas toujours le
patient.
Il est donc souvent difficile
d’opérer “la maladie” et il est
encore plus difficile, pour nous,
de soigner un mal que l’on ne
voit pas. Il serait très prétentieux de croire que l’on peut
vraiment traiter par un lambeau
un mal que l’on ne connaît pas.
Cependant, les familles accep-
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
tent de plus en plus les traitements occidentaux dits
modernes pour des pathologies
qu’ils “connaissent” depuis
toujours. Si leur point de vue a
“évolué”, nous devrions également apprendre à mieux “voir”
le patient et nous devrions
essayer de soigner son histoire
autant que sa plaie. Nous
devrions, surtout, témoigner un
peu plus de modestie car le flot
de nos techniques ne peut rien
contre les dieux des rivières.
Nous ne pouvons rien sans
l’aide de la famille, sans l’aide
du chef de village ou du guérisseur local. On ne touche pas le
corps sans l’accord. Et, ici,
l’accord de la famille, du
“groupe” ou du “guérisseur”,
est aussi précieux que l’indication thérapeutique d’une équipe
occidentale. Il vaut mieux respecter notre répertoire médical
et laisser le guérisseur composer ses gammes locales. Nous
sommes médecins et, en tant
que tels, nous devons agir en
médecin. C’est ainsi que le
patient nous voit et c’est ainsi
que l’on sera le plus efficace
pour lui. Pour traiter l’aspect
plus “transparent” de la maladie, c’est le guérisseur qui aura
le vrai pouvoir et qui saura
mieux appréhender le “zima”.
Pour mieux guérir, le traitement
devra être pluridisciplinaire et
le chef d’orchestre ne sera pas
toujours celui que l’on croit.
Par ailleurs, les patients font
preuve d’un grand courage en
acceptant nos pratiques qui
peuvent être, parfois, un peu
surprenantes voire intriguantes. En effet, imaginez la
scène que l’on peut proposer à
ces enfants venant d’un petit
village lointain et qui entrent,
pour la première fois, dans un
bloc opératoire. Imaginez leurs
pensées quand ils voient un
“scialitique” dirigé sur eux et
quand ils voient tous ces individus déguisés en bleu s’agiter
selon un rituel bien compliqué.
Imaginez leurs regards quand
ils voient le chef de cette secte
qui leurs parle dans un drôle
de dialecte et, surtout, avec
un “masque” d’une tribu
inconnue. Ce chef est appelé
chirurgien, mais quel est son
pouvoir ?
La mise en scène de certaines
thérapeutiques locales semblent folkloriques à nos yeux.
Acceptez l’idée que les scènes
que nous leur proposons
soient, également, originales.
Mais dans les deux cas, la
mise en scène est efficace dans
le traitement et, donc, pour le
patient. C’est pour cela que
nous acceptons une prise en
charge des patients avec
l’accord local et avec l’aide
des thérapeutiques locales. La
finalité reste la guérison du
patient. Peu importe si cette
guérison résulte d’une belle
greffe ou si les méchants dieux
de la forêt sont partis.
Rappelons, pour finir, qu’en
France, la fente labiale était
encore qualifiée, et il n’y a pas
si longtemps, de “bec de
lièvre”. Ce rapprochement
vient de nos campagnes ou l’on
pensait que la femme, qui avait
un enfant porteur d’une fente
labiale, avait croisé un “animal
maléfique”… Le dieu de la
rivière n’est pas plus ridicule
que le lièvre de nos campagnes.
Il nous semble important de
respecter l’influence de cet
environnement dans tout programme thérapeutique. Et
puis, n’oublions pas que
“l’influence peut guérir”.
peut être admis et enseigné
quel que soit le pays.
- Les médecins locaux :
Nous avons, également, appris
à modérer notre ambition dans
l’enseignement des techniques
chirurgicales. En effet, toujours
selon notre expérience, nous
préférons montrer une ou deux
techniques précises pour une
pathologie définie plutôt que de
vouloir enseigner tout un programme qui, finalement, reste
difficilement assimilable et
souvent plus théorique.
Comment voulez-vous qu’un
chirurgien, aussi doué soit-il,
puisse intégrer une spécialité
en si peu de temps ? Nous préférons cibler notre enseignement sur une ou deux techniques qui pourront être appliquées pratiquement et de
manière fiable. Par exemple,
pour traiter les séquelles de
brûlures au niveau de la main
nous privilégions l’utilisation
des greffes de peau totale associées à une plastie simple pour
les commissures. Il existe de
nombreuses techniques de
reconstruction très sophistiquées pour traiter ce type de
séquelles mais leurs enseignements et leurs applications
demeurent plus délicates. La
greffe de peau est une technique qui semble moins prestigieuse mais qui reste un geste
relativement simple à enseigner
et un traitement très efficace et,
cela, quel que soit le pays.
La présence des patients est
une condition nécessaire mais
non suffisante. En effet, il est
inconcevable de croire que l’on
peut traiter des patients dans un
pays sans l’accord et l’aide des
médecins locaux et, cela, pour
plusieurs raisons :
Premièrement, il serait inconvenant de traiter leurs patients
sans leur avis.
Deuxièmement, il paraît difficile d’arriver dans un pays sans
prévenir les médecins, de traiter leurs patients isolément et
de partir sans assurer le suivi
post-opératoire. Généralement,
une des premières difficultés
dans les missions est représentée par le recrutement des
patients. En effet, ce recrutement est d’abord soumis à
l’identification première des
cas difficiles à opérer et celui-ci
ne peut être assuré que par les
médecins qui travaillent sur le
terrain. Puis, quand une mission s’achève, il est indispensable que les médecins locaux
puissent assurer le suivi des
patients.
Troisièmement, le but d’une
mission de coopération étant
l’échange, voire la formation,
il paraît logique de travailler
en étroite coordination avec
les collègues qui habitent sur
place. Une des finalités dans
ce type de mission devrait être
la formation des collègues
étrangers aux techniques que
nous pratiquons. L’idéal serait
de leur enseigner des techniques chirurgicales bien précises pour qu’ils puissent les
appliquer ensuite. Il existe différentes voies dans les principes de cet enseignement chirurgical humanitaire. Selon
notre expérience, nous avons
évolué vers un enseignement
plus modeste mais plus ciblé
et nous avons favorisé
l’apprentissage des techniques sur place.
En effet, nous préférons former
les chirurgiens sur place car
l’enseignement local permet
d’appliquer des techniques parfaitement adaptées aux pathologies rencontrées et il permet de
voir si la technique enseignée
est immédiatement pratiquée.
Le fait d’être sur place permet,
de plus, d’adapter un geste chirurgical aux vraies conditions
d’exercice. Par exemple, l’utilisation d’un drainage dans une
intervention est un principe qui
Mais, en pratique, l’utilisation
du drainage conventionnel avec
le vide n’est pas applicable en
Afrique et, cela, pour des raisons économiques. Il convient,
donc, d’appliquer un drainage
plus manuel avec des seringues.
Cet exemple souligne le fait
qu’entre la théorie d’une technique et son application sur le
terrain, il existe parfois une distance que seule la pratique
locale pourra combler.
- Le personnel
paramédical local :
Il existe généralement beaucoup de gentillesse et de
dévouement dans le comportement des équipes qui nous
accueillent. Le personnel paramédical s’investit considérablement et il présente une grande
attention à toutes les techniques
de soins que nous présentons.
Cependant, un sentiment que
beaucoup d’entre nous ont déjà
ressenti est cette impression
d’avoir été parfaitement compris quand on donne des explications ou quand on montre
une technique alors qu’en pratique le message n’est absolument pas passé. Il est important
de le souligner car cela nous a
appris à ne rien négliger, et surtout, dans le suivi postopératoire. Plutôt que de déléguer un
pansement, nous préférons le
faire. Un pansement fait n’est
plus à faire.
Nous avons, également, appris
que le vol des médicaments et
des pansements était très fréquent dans certaines missions
et que le seul moyen pour
qu’un traitement prescrit soit
suivi était soit de le donner au
patient lui-même (en lui collant, par exemple, ses antibiotiques sur la peau avec un
adhésif pour qu’il puisse les
saisir tout seul), soit de le donner à la maman quand il s’agit
d’un enfant. Rien ne remplace
une maman. Cependant, un
jour nous aurions préféré
qu’une maman soit moins
“maman”. En effet, nous avons
opéré, au Togo, une petite fille
pour des séquelles de brûlure.
Après l’opération, nous avons
demandé à la maman de faire
des soins simples : laver simplement les plaies avec de
l’eau et mettre un pansement.
Forts de notre confiance en la
maman, nous lui avons fourni
le matériel nécessaire. Nous
avions raison d’avoir confiance
en elle car elle a suivi exactement ce que nous lui avions
demandé de faire. Elle a bien
lavé les plaies, et même deux
fois par jour. Le seul problème
fût notre manque d’expérience
et de perspicacité. En effet, le
grand problème, en Afrique,
c’est l’eau. N’ayant pas d’eau
courante, la maman lavait les
plaies depuis plusieurs jours
avec la même eau et cela avait
entraîné une infection locale.
Depuis, nous préconisons le
minimum de pansement en
postopératoire pour limiter
l’infection.
Quel que soit le pays, l’institution ou le bloc opératoire où
nous avons fait une mission,
nous avons toujours rencontré
un être exceptionnel en compétence voire en dévouement.
Qu’il s’agisse d’un infirmier
très doué ou d’une infirmière
très maternelle, je crois avoir
toujours eu le sentiment de
voir quelqu’un de bien. On ne
le trouve pas toujours immédiatement, mais il est là et il
faut savoir l’identifier car il
sera précieux pour toute la
mission et il restera le point de
transmission fondamental entre
l’équipe et les patients. Dans le
même ordre d’idée, nous avons
toujours rencontré un médecin
brillant, voire un chirurgien
étonnant qui savait appliquer
des techniques surprenantes
mais tellement efficaces. On
apprend beaucoup de ses frères
de sang.
- Les autorités
et les formalités locales :
Généralement, les missions
sont organisées sous le couvert du Ministère de la Santé
du pays hôte. Même quand la
mission est entièrement financée par des dons privés et
qu’elle est organisée dans une
structure non hospitalière, il
est de bon ton de la faire sous
l’autorité locale. Cela présente cependant quelques avantages : facilité dans l’obtention
des visas, des autorisations
locales, voire dans la simple
exécution du geste chirurgical.
En effet, ne soyez pas choqués
quand le Ministère de la Santé
de certains pays du tiers
monde vous demandera vos
diplômes, voire votre curriculum vitae complet, pour vous
autoriser à opérer. Par
exemple, dans un pays de
l’océan indien, j’ai dû présenter mon CV complet, un certificat de l’ordre des médecins
français certifiant que j’étais
autorisé à exercer et, même,
une photocopie de mon baccalauréat. Initialement, cela
m’avait légèrement agacé mais
finalement les autorités locales
devaient avoir des raisons
louables. Effectivement, certains médecins européens,
interdits d’exercice dans leur
pays, profitent de la couverture
humanitaire pour venir se
“chauffer” dans un pays du
Sud (Comores) et certains
médecins originaires d’un pays
du tiers monde profitent d’une
mission spécialisée pour rentrer “au pays” avec une spécialité usurpée (Croix rouge,
Médecins du Monde).
En plus du Ministre de la
Santé et de ses collaborateurs
(ils sont parfois nombreux), le
directeur de l’hôpital, qui
reçoit l’équipe étrangère, est
un personnage “très important”. Il serait fort désobligeant de ne pas le saluer
comme il faut savoir se présenter au chef des institutions
religieuses locales, aux chefs
de district, voire à toute une
série de représentants qui
représentent… Vous comprenez immédiatement l’intérêt
d’un coach dans nos équipes.
En rencontrant toutes ces
autorités locales, il soulagera
l’équipe médicale d’un temps
précieux. Néanmoins, ces rencontres restent indispensables
puisqu’elles obéissent à une
courtoisie internationale de
salutations et puisqu’elles permettent parfois de nouer des
liens qui favoriseront d’éventuelles nouvelles missions.
Dans le même ordre d’idée,
nous avons compris qu’il
existe certaines “formalités”
locales qui permettent de faciliter les missions humanitaires
dans ces pays. Sans trahir de
grands secrets, il est admis
que les “cadeaux” sont toujours les bienvenus. Le cadeau
peut être le “supplément” que
l’on donne au douanier pour
qu’il nous laisse récupérer
notre matériel chirurgical en
zone de dédouanement. Cela
peut être du matériel chirurgical que l’on “offre” au fameux
directeur de hôpital pour le
remercier de nous laisser opérer. Le cadeau peut être tout
simplement de l’argent que
l’on offre à un chef de district
pour qu’il nous autorise
l’accès à son territoire, etc…
Nous croyons que le respect de
ces règles locales et de ces institutions est indispensable.
Sans les favoriser, nous devons
les accepter car nous n’avons
aucun pouvoir pour les combattre et aucun droit. Notre
3
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
seul objectif est de traiter le
mieux possible et le maximum
de patients pendant la durée de
notre séjour. Nous devons
accepter la règle. Si, pour traiter un enfant, il faut l’opérer,
nous l’opérerons. Si, pour pouvoir opérer cet enfant, il faut
faire un “cadeau”, nous devons
le faire si nous en avons les
moyens. De toutes façons, le
matériel chirurgical que l’on
va donner à un hôpital, même
s’il est orienté dans une clinique, restera dans le pays et
sera, par conséquent, un
cadeau au pays. Nous n’avons
pas la compétence pour changer les “règles” locales qui
existent depuis si longtemps et
qui font partie d’une tradition
locale.
Nous avons également appris,
surtout en Afrique, que tout a
un prix même s’il est modique
et que tout se paye même si
c’est avec quelques fruits ou
avec un poulet. Cela est peutêtre mieux. D’une part, le
patient garde ainsi une certaine
dignité : il peut vous remercier
et c’est important de pouvoir
dire Merci. Et d’autre part,
nous savons que “l’investissement” dans un traitement participe fortement à son efficacité,
et cela quel que soit le pays…
ORGANISATION
DE LA MISSION
- J-2 mois : contrôle du matériel, visa. Prévoir une dernière
petite réunion avant le départ,
si possible.
- J-1 mois : Contrôler les
billets d’avion et contacter la
compagnie aérienne pour
commencer à négocier la prise
en charge des excédents.
Certaines compagnies offrent
les excédents à titre humanitaire. Si les excédents ne sont pas
offerts, essayer de répartir les
charges sur les différents
membres de l’équipe. De plus,
certains produits d’anesthésie
(comme les morphiniques)
peuvent poser des problèmes à
la douane. Les arrivées étant
souvent facilitées par un représentant local et le passage de la
douane étant plus “fluide”,
nous vous conseillons de garder sur vous les produits “délicats”. A l’opposé, le dédouanement secondaire étant un service différent et fait généralement le lendemain, les négociations seront plus difficiles…
- J-1 semaine : Faire envoyer
les colis à destination par la
compagnie aérienne ou par un
transporteur (Par bateau, c’est
moins onéreux). Vérifier, sur le
site des affaires étrangères, les
dernières données politiques
sur le pays. Définir les derniers
rendez-vous avant le départ et
faire les ultimes préparatifs…
Surgical Check list
■ Pour la consultation :
1
La mission, avant :
Avant de partir en mission,
un minimum de préparation
s’impose.
Une mission peut s’envisager
réellement quand les autorités
du pays concerné ont accepté
de recevoir une équipe étrangère, quand le financement est
trouvé et quand l’équipe médico-chirurgicale est définie.
Nous avons appris des équipes
humanitaires allemandes la
rigueur du “time schedule
check list”. Un compte à
rebours, ponctué de réunions,
démarre 12 mois avant le
départ. Sans démarrer si tôt,
nous vous conseillons, toutefois, de vraiment commencer à
envisager les préparatifs vers le
sixième mois avant le départ.
Time schedule check list
- J-6 mois : composition de
l’équipe, vérification du financement de la mission et des
accords passés avec le pays.
- J-4 mois : réunion de l’équipe, contrôle de la liste du
matériel nécessaire (en anesthésie et en instruments chirurgicaux) et du consommable.
Définir les rôles : qui s’occupe
des produits pour l’anesthésie
? Qui fait les boîtes de chirurgie ? Qui va à l’ambassade
pour les visas ?, etc…
4
- Un carnet d’observation +
stylo (s). L’idéal est d’avoir
un carnet avec des pages à
deux feuillets. Cela permet de
laisser, dans le dossier du
patient, un exemplaire avec
une trace de votre passage…
- Un appareil de photographie
et/ou un polaroïd qui permet
de faire, dès la consultation,
une prise de vue immédiate et
de l’agrafer à l’observation.
Le polaroïd a plusieurs avantages :
- Il permet de reconnaître les
patients secondairement. En
effet, à l’étranger les patients
se “ressemblent” beaucoup.
Par exemple, dans le nord du
Nigeria, rien ne ressemble
plus à un Noma qu’un autre
Noma, surtout si les enfants
sont du même âge et de la
même ethnie.
- Il permet d’apprécier réellement l’importance des
lésions, ce qui permettra de
faire une programmation plus
précise du temps opératoire
quand, le soir, l’équipe se
réunit pour programmer la
journée suivante. En effet,
pendant la consultation,
l’enthousiasme chirurgical
agrémenté d’une certaine
euphorie de la découverte, ne
permet pas d’apprécier sereinement les choses. Nous
avons souvent tendance à dire
: “là, il y aura un grand dorsal”, “ici, nous ferons une
ostéotomie et un lambeau
local”, etc… En fait, les
temps opératoires sont plus
précis et il n’est pas rare de
devoir ajouter un geste, ou
deux, ce qui peut allonger
l’intervention d’une heure.
En fin de journée, certains
patients devront être reportés.
- Feutres (pour les dessins et
pour écrire le nom des
patients), règle (ruban mesureur),
nalinée, seringues + aiguilles
pour l’infiltration, lames
de bistouri, antibiotiques,
champs opératoires stériles
(mais onéreux et, surtout, très
volumineux à transporter) ou
champs locaux (mais souvent
de mauvaise qualité car
usés…), fils de sutures résorbables (n’oubliez pas le
Vicryl‚ rapide pour les
enfants) et non résorbables,
canules d’aspiration, redons et
flacons mais volumineux (on
peut remplacer le flacon de
vide par une seringue bloquée
en aspiration avec une pince à
champ), compresses stériles et
non stériles, tulles gras, sparadrap, Elastoplast, pommade
ophtalmique +/- antibiotiques,
antiseptique buccal (pour la
chirurgie maxillo-faciale),
antalgiques pour la période
post-opératoire, etc…
- Petite lampe pour l’examen
endonasal, endobuccal, etc…
Matériel Chirurgical :
- Il restera dans le dossier
médical. L’idéal serait de
laisser, également, un polaroïd du post-opératoire.
- Enfin, il permet d’offrir à certains patients leur photographie
et cela est, parfois, plus important pour eux que tout votre
investissement chirurgical.
- Un champ bleu pour faire un
fond pour les photographies,
- Badges pour l’identification
de l’équipe auprès des
patients et du personnel local,
- Piles de secours (pour les
appareils de photographie,
lampes d’examen, etc…)
- Divers : en fonction de vos
habitudes et des spécialités,
etc…
■ Pour les interventions :
- Valise ou sac adapté pour
transporter le matériel médico-chirurgical,
- Gants stériles et non stériles,
- Lunettes de protection,
- Tenues de bloc personnelles :
trois tenues en coton, avec
protection pour les chaussures
ou sabots de bloc, masques,
calots (nous vous conseillons
le “bandana” en coton qui
absorbe mieux la sudation
frontale), etc…
- Témoins de stérilisation,
- Savon chirurgical ou savon de
Marseille, brosses chirurgicales, etc…
- Sarraus : les sarraus à usage
unique sont chers et lourds à
transporter ; préférez les sarraus locaux,
- Envisagez une lampe frontale,
avec les piles de rechange (les
coupures d’électricité sont
fréquentes dans certains hôpitaux d’Afrique),
- Prévoir, si possible, un tensiomètre avec gonflage
manuel qui servira de garrot
pour des gestes sur la main
et une bande pour vider le
membre,
- Bétadine, Dakin (pour les
piqûres per-opératoires) +/- kit
de test sérologique HIV +/traitement contre une contamination éventuelle, etc…
Matériel Consommable :
- Bétadine ou Chlorexidine,
rasoirs, feutres ou crayon
blanc (pour les peaux très
sombres), Xylocaïne adré-
- Boîtes de chirurgie plastique
de base : au moins trois boîtes
seront nécessaires pour
l’enchaînement des interventions (prévoyez vos propres
témoins de stérilisation),
- Boîtes de chirurgie spécifique à la spécialité : boîte
de chirurgie de la main avec
moteur, broches, ciment,
etc… si la mission présente
un nette orientation pour le
membre supérieur (n’oubliez
pas une main de plomb ou
équivalent plus léger) ou
boîte maxillo-faciale avec
écarteur spécifique, scie
adaptée (mais la scie de
Gillies reste superbe), etc si
le programme est orienté sur
la face (par exemple, sur le
Noma).
- Trousse personnelle de médicaments : antalgiques, antiseptiques, antibiotiques,
antispasmodiques et antiseptiques intestinaux. N’oubliez
pas la protection et les
lunettes solaires, et une
lotion contre les moustiques. Pensez aux sachets
“d’hydratation”, riches en
sels minéraux, que nous
vous conseillons de prendre
systématiquement dans les
pays très chauds.
- Trousse de toilette personnelle. Si l’hébergement sur place
n’est pas dans un hôtel, prévoyez : deux serviettes de
taille moyenne plutôt qu’une
seule plus grande (avec deux
clous et une corde pour la
suspension des serviettes),
une moustiquaire (prévoir
quelques clous pour l’accrocher), un spray contre les
moustiques, un petit flacon
d’eau de Javel‚ pour un petit
nettoyage local, etc…
- Tenue vestimentaire habituelle pour les pays chauds :
léger en coton, etc… Deux
remarques : pour les pays de
l’Europe de l’Est, prévoyez
une veste pour les rencontres
officielles et pour les pays
dits “chauds”, évitez, si possible, le look baroudeur avec
les tenues type “guerre du
golf”… En Afrique, les rencontres dites officielles
n’imposent pas la veste aux
étrangers mais une tenue correcte soulignera votre respect
à l’égard de vos hôtes.
Personal Check list
- Prise électrique internationale
+/- kit de connection internet
international si vous prévoyez
votre ordinateur portable
(mais attention au matériel
informatique dans les pays
très chauds et humides),
- Passeport en cours de validité
avec le visa,
- Appareil de photographie de
petite taille,
- Carnet de vaccination (voir
les consignes pour chaque
destination),
- Lampe de poche,
- Photocopie des papiers
civils,
- Lettre d’invitation par les autorités locales (en cas de contrôle, dans un pays “militarisé”,
ce type de lettre peut faciliter
les déplacements ou le passage des contrôles routiers),
- Assurance personnelle (accident, rapatriement…) : pensez à payer votre billet
d’avion avec votre carte bancaire,
- Vérifier que votre assurance
professionnelle couvre votre
activité humanitaire, qui reste
professionnelle, dans le pays.
Demandez une confirmation
écrite.
- Permis de conduire international. Pour une location, préférez une compagnie internationale (même si cela est plus
cher) à une petite compagnie
locale. Suivant les pays, ne
pas hésiter à prendre un
chauffeur local.
- Montre avec alarme,
- Petit kit de voyage pour le bricolage (tournevis, pince…) ou
un bon couteau suisse,
- Livres, musique, autres effets
personnels, etc…
- Devises locales,
- Petits cadeaux pour les
enfants (ballons, stylos,
crayons de couleurs, etc…)
2
La mission, pendant :
Ce chapitre existe mais il est
laissé, volontairement, vide
parce que nous pensons qu’il
vaut mieux rêver sa mission
plutôt que de la vivre. Vous
décrire le déroulement d’une
mission serait vous priver de
ces quelques moments de rêve.
Chaque mission est singulière.
Une mission ne se raconte pas ;
elle se prépare, elle se vit (souvent, trop vite) mais elle ne
peut pas être entièrement retra-
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
cée. Seul votre imaginaire
saura remplir, aujourd’hui, la
distance qui vous sépare du
lointain dispensaire.
Alors, commencez à rêver votre
prochaine mission…
3
La mission, après :
Au retour, la mission ne se
raconte pas mais elle va
s’exprimer par quelques récits
et quelques anecdotes. Sa principale expression restera photographique. En effet, seule la
photographie signera votre
voyage, seule la cicatrice signera votre passage.
Un compte rendu est demandé
à l’équipe pour permettre à la
mission suivante de prévoir
les prochaines interventions.
En effet, de plus en plus, nous
privilégions des missions dans
le même pays pour favoriser
le suivi des patients et assurer
une formation locale continue
du personnel médical et paramédical. De plus en plus,
nous essayons d’équiper
l’équipe locale d’un appareil
photographique numérique
pour pouvoir recevoir les
résultats post-opératoires et
pour pouvoir les conseiller,
par internet, sur des cas précis
qu’ils ont sur place et qu’ils
nous présentent avec leurs
images numériques.
L’analyse scientifique de la
série effectuée est souvent
“biaisée” par le nombre de cas,
la disparité des pathologies rencontrées, la diversité des stades
observés, la variété des techniques exposées, le faible recul,
etc… Toutefois, la publication
scientifique aura l’avantage de
nous obliger à faire une analyse
avec une certaine rigueur scientifique, à faire une certaine
autocritique et à remettre en
question, parfois, notre réelle
efficacité, etc…
4
La mission, en pratique :
Avant de partir en mission
dans un pays en voie de développement, les premières
interrogations se focalisent le
plus souvent sur le type de
pathologies que l’on va rencontrer. Cependant, après
l’énumération des classiques
et diverses pathologies tropicales observées, le chirurgien
ne sait toujours pas répondre à
sa propre interrogation :
Comment vais-je faire quand
je serai là-bas et quelle type
de technique vais-je utiliser ?
Nous allons essayer de
répondre, pratiquement, en
proposant 6 techniques chirurgicales qui nous ont permis de
traiter 86% des patients en
mission. Le reste des pathologies rencontrées répondront
aux autres techniques classiques de chirurgie réparatrice. Le but, ici, n’est pas
d’exposer toutes les techniques chirurgicales mais, seulement, d’énoncer les plus
utiles et les plus fiables.
Une analyse rétrospective de
100 patients opérés en mission
de chirurgie plastique humanitaire nous a suggéré 6 techniques chirurgicales :
- 1) Les plasties d’allongement
cutané type “plastie en Z” (et
dérivés) : 32%,
- 2) la technique de J. Delaire
pour le traitement des fentes
labio-maxillaires et leurs
séquelles : 26%,
- 3) les greffes de peau : 14%,
- 4) le lambeau pédiculé du
muscle grand pectoral : 9%,
- 5) le lambeau pédiculé du
muscle grand dorsal : 4%
- 6) et, le lambeau pédiculé
inguinal : 1%.
Nous avons utilisé ces différentes techniques dans des
conditions, parfois, difficiles
tant au niveau des conditions
locales qu’au niveau des
patients. La pratique de ces
procédés nous ont orienté vers
le concept des 4F pour une
technique chirurgicale appliquée en situation difficile.
- F comme Faisabilité : une
intervention doit être faisable
dans des conditions précaires et
par un seul chirurgien.
- F comme Fiabilité : une technique doit être fiable. L’échec
est mal vécu, surtout par
l’entourage tant professionnel
que familial.
- F comme Familiarité : le procédé doit être familier à l’opérateur. Il est mieux appliqué
quand la situation est difficile.
- F comme Facilité : une technique doit rester facile à enseigner : Travail en coopération =
Transmission de l’information.
Les techniques chirurgicales
présentées, ici, nous ont semblé
répondre à ce concept.
Conseils Pratiques
Un des buts de la chirurgie
reconstructrice est de reconstruire l’étui cutané en fermant
les pertes de substance. Quand
il n’y en a pas, le chirurgien
plasticien s’arrange souvent
pour en créer une. C’est un
peu cela la chirurgie reconstructrice : “boucher” des trous
en créant d’autres trous qu’il
faudra également “boucher”,
en produisant d’autres trous…
Devant une perte de substance cutanée, nous conseillons
différentes propositions thérapeutiques en allant, générale-
ment, du plus “simple” au plus
“compliqué” :
■ Du plus simple
au plus compliqué :
1) l’abstention thérapeutique
(il faut savoir dire non quand
les conditions locales contreindiquent la réussite thérapeutique : l’échec est mal vécu en
mission et, surtout, difficilement justifiable)
2) la cicatrisation dirigée,
3) la greffe de peau,
ment fixés sur la réussite de
l’intervention et nous pouvons
ainsi reprendre le patient en
proposant une autre solution.
A l’opposé, un lambeau pédiculé peut être magnifique en
post-opératoire immédiat
mais il peut, également, se
nécroser secondairement. Une
peau “colorée” étant plus clémente, la souffrance veineuse
sur un lambeau restera plus
discrète et laissera le temps au
chirurgien de prendre son
avion du retour, sans grande
souffrance…
4) le lambeau.
■ Quand on fait un lambeau :
LES TECHNIQUES
CHIRURGICALES
1) lambeau local (plastie
d’allongement cutané),
2) lambeau régional (lambeau
pédiculé de la même région ;
par exemple, un lambeau hétéro-digital),
3) lambeau à distance, qui peut
être pédiculé comme le lambeau inguinal ou qui peut être
libre comme le lambeau de
grand dorsal transféré microchirurgicalement.
Pour finir sur ces modestes
conseils (que je vous conseille
d’oublier rapidement), nous
rappelons qu’une cicatrisation
dirigée peut être compliquée à
réaliser et qu’un lambeau libre
peut parfois être plus simple
dans son exécution. Il est,
parfois, plus facile de faire
une technique compliquée.
En effet, l’avantage d’un lambeau libre (bien qu’étant une
solution thérapeutique très
sophistiquée) est qu’il résout
immédiatement les grosses
reconstructions pluri-tissulaires et qu’il évite les différents temps opératoires de certains lambeaux pédiculés. Il
obéit surtout, en cas d’échec, à
la sanction immédiate. Nous
sommes, donc, instantané-
1
Les plasties
d’allongement cutané
Indications
Si il n’y avait qu’une technique à connaître en chirurgie plastique, ce serait la
plastie en Z. Plus généralement, tous les gestes qui permettent d’allonger une rétraction, voire une réelle bride
cutanée, sont bien indiqués en
chirurgie plastique humanitaire. En effet, nous rencontrons
beaucoup de séquelles de brûlure avec leurs inévitables
rétractions cutanées. Les
rétractions concernent toutes
les parties du corps. Elles peuvent être spectaculaire en
périarticulaire. Leur traitement
en sera d’autant plus efficace.
Les rétractions peuvent être
post-traumatiques (surtout sur
les membres), post-infectieuses ou secondaires à des
infections tropicales comme le
Noma (notamment au niveau
du visage).
Plastie d’avancement simple pour traiter une rétraction commissurale :
Schéma d’un lambeau d’avancement commissural,
associé à deux petits lambeaux de rotation:
Schéma d’un lambeau d’avancement simple (en haut). Quand l’avancement du lambeau est plus important,
la traction cutanée produit latéralement un excès de peau. Vous pouvez exciser cet excédent de peau pour
ajuster la suture finale (en bas).
5
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
Plastie d’avancement type VY :
Plastie d’avancement type YV :
Schéma d’une
plastie en VY :
L’incision cutanée représente
un V.
Sous l’effet de la
traction cutanée,
le V se transforme en Y.
Cela permet un
allongement
cutané.
Schéma d’une plastie en YV sur une bride cutanée de la
première commissure (lambeau 5), associée à des petits
lambeaux de rotation (lambeaux 1, 2, 3 et 4) :
L’incision initiale a la forme d’un Y. L’avancement du
lambeau 5 transforme ce Y en V. Cela permet un allongement latéral de la cicatrice. Pour améliorer cet allongement, on associe une rotation de deux lambeaux latéraux
(1 et 2 ; 3 et 4) comme une plastie en Z.
Traitement de plusieurs brides rétractiles des doigts et du poignet (après une brûlure accidentelle) par des plasties en YV et des plasties en Z
Plastie par rotation type plastie en Z :
Exemples
Schéma de la plastie en Z
Le schéma de base propose
un “Z” avec des traits de
longueur égale et un angle,
entre le trait central et les
traits latéraux, d'environ 60
degrés. Cela reste variable
en fonction de chaque environnement cutané et vous
pouvez faire un angle de 30
degrés ou un angle de 90
degrés. En théorie : plus
l'angle est grand, plus la
cicatrice s'allongera. Le
trait central du “Z” représente la cicatrice à enlever
ou la bride à corriger.
Quand vous avez dessiné le
trait central, vous tracez
deux traits équivalents sur
les côtés (haut).
Après l'incision, et si votre
indication est bonne, la traction cutanée va placer spontanément les deux lambeaux
cutanés dans leur nouvelle
position. Ils se croisent par
un mouvement de rotation
(milieu).
En fin d'intervention, les
lambeaux cutanés initiaux
se sont croisés et donnent la
forme d'un “Z” inversé ou
“en miroir”. La peau est
“relâchée” dans le sens de
l'ancienne cicatrice (bas).
Traitement d’un mal perforant plantaire par un simple lambeau de rotation plantaire.
Traitement d’une rétraction commissurale par une plastie en Z
6
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
Plasties d’allongement
Séquelles de brûlure avec une bride rétractile de la région axillaire gauche limitant l'abduction du bras. La bride est sectionnée et la perte de substance axillaire est couverte
par un lambeau cutané de rotation. Le lambeau cutané, venant de la région parascapulaire, va effectuer une rotation pour venir sur la région axillaire homolatérale.
En pratique
Il s’agit d’une plastie cutanée
d’allongement qui permet
d’agrandir une cicatrice ou une
bride responsable d’une rétraction sur la peau.
Le principe de base est d’utiliser la peau saine environnante
pour l’interposer dans une
bride (ou une cicatrice) quand
elle est coupée. Cela permet
d’allonger la bride (ou la cicatrice) et, par conséquent, de
diminuer la traction qu’elle
engendrait.
Mais quelle que soit la spécificité du dessin de la plastie
réalisée, le principe de base
reste identique : la palette de
peau emprunte un mouvement de rotation sur le côté
pour venir combler la perte
de substance (exemple : la
plastie en Z qui associe la
rotation de deux lambeaux
en même temps).
Quel que soit le dessin du lambeau, n’oublions pas qu’il
s’agit de lambeau cutané dit
“au hasard”, à savoir qu’il
En fonction des schémas proposés, une plastie d’allongement cutané prend un nom différent : plastie en Z si le schéma représente un Z, plastie en
VY si la forme de l’incision
cutanée passe de la forme d’un
V à la forme d’un Y, etc…
n’est pas vascularisé par une
artère bien individualisée.
Alors, il faut rester prudent et
respecter le ratio 2/1 c’est-àdire que la longueur de la
palette cutanée ne doit pas être
supérieure à deux fois la largeur de la base du lambeau. Ici
aussi, la clinique vient moduler
la théorie. Ainsi, une zone bien
vascularisée comme la face
permettra un ratio de 3/1 alors
qu’une région cicatricielle
demandera plus de précaution
et préfèrera un ratio de 1/1.
2
Les greffes de
peau
Indications
Au cours des missions, la
demande de reconstruction
concerne, le plus souvent, des
pathologies au stade de
séquelles. Dès que le traitement
engendre une grande perte substance cutanée ou que les
conditions ne permettent pas
l’utilisation d’une plastie cuta-
née locale, il existe une très
bonne indication aux greffes de
peau. Qu’il s’agisse d’une greffe de peau totale ou d’une greffe de peau mince, le bénéfice
pour le patient reste irremplaçable. Contrairement aux idées
reçues, la greffe de peau est
une technique sophistiquée qui
devrait garder tout le respect
que l’on accorde, généralement, à une vraie technique
chirurgicale. Trop souvent, le
chirurgien plasticien se lance
dans une reconstruction par un
Exemple
Les schémas de la littérature
sont souvent compliqués mais
ils peuvent être parfaits sur le
plan mathématique. Ils sont
souvent peu réalisables
en pratique voire faux.
Cependant, le tissu cutané est
plus clément avec l’opérateur
et plus facile à travailler. Le
chirurgien doit, toutefois, bien
repérer avant la peau saine
environnante qu’il va pouvoir
utiliser. En effet, l’application
des schémas géométriques
reste souvent utile mais il est
encore plus efficace de palper
la zone opératoire pour chercher, avec le toucher, la peau
saine qui sera la plus mobilisable autour de la bride. La
chirurgie plastique est avant
tout un geste plastique.
Ulcère de Buruli de la face
antérieure du pied chez un
jeune homme originaire du
Bénin. L’ulcère est excisé
laissant une importante perte
de substance. Celle-ci est
greffée par une greffe de peau
mince prélevée, par un dermatome manuel, sur la cuisse
homolatérale.
Nous simplifierons ainsi les
données classiques en proposant deux types de plastie
d’allongement cutané :
- la plastie par avancement
quand la peau est simplement
décollée et avancée (exemple :
la plastie en VY),
- la plastie par rotation quand
le lambeau de peau décollée
est déplacé sur la perte de
substance par un mouvement
de rotation. Dans la littérature les plasties par rotation
peuvent prendre différentes
qualifications : plastie de
translation, plastie de transposition, plastie en IC, etc…
Greffes de peau
Brûlure importante du membre inférieur. Parage et couverture par une greffe de peau mince. L'importance de la surface à couvrir nous a
conduit à utiliser des greffes “en filet”. Pour cela, nous prélevons des greffes de peau mince et nous les transformons en filet (avec un
“expanseur” de greffe) pour augmenter leur surface de couverture.
7
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
Greffe de peau totale :
■ Sites de prélèvement
■ Prélèvement de la greffe de peau totale
■ Pansement avec un "Bourdonnet" :
Une greffe de peau totale est prélevée “en totalité”. Sa dimension est adaptée à la perte de substance
à couvrir. Sa texture doit être appropriée à la région receveuse. Le prélèvement cutané doit permettre
une fermeture simple du site donneur.
■ Préparation de la greffe de peau totale :
Le dégraissage de la greffe est un
geste capital et qui doit être minutieux. Il s’agit du temps le plus important de la technique. Chaque lobule
graisseux oublié sera un obstacle à la
colonisation de la greffe par les
“bourgeons” vasculaires. Le dégraissage s’effectue tangentiellement
jusqu’au derme qui doit laisser apparaître une couleur blanc nacrée. Un
coup de ciseau trop prononcé incisant
la greffe n’est pas grave. Il est préférable d’inciser ponctuellement une
greffe plutôt que laisser de la graisse
sur la face profonde du derme.
Plus le site receveur est de mauvaise
qualité, plus la greffe est “dégraissée”. Mais plus la greffe est dégraissée plus elle est fine et, par conséquent, plus elle risque de se rétracter.
A l’opposé, sur un site receveur de bonne qualité, une greffe de peau totale “prend” plus facilement.
Donc, Il n’est pas nécessaire de trop l’affiner ; par conséquent, elle ne se rétractera pas.
En pratique, une commissure chez un enfant est une excellente indication pour une greffe de peau
totale : “sous-sol” de bonne qualité, greffe souple qui ne se rétractera pas et qui n’entraînera pas de
rétraction secondaire de cette zone périorificielle.
8
Une greffe de
peau totale vit,
initialement,
avec l’eau que
vous lui aurez
donnée (par
imbibition). La
greffe étant
colonisée par
sa face profonde, elle ne
devra pas bouger et devra
rester bien
appliquée.
Cela est possible par la
technique du
bourdonnet :
appliquer un
tulle gras sur
la greffe,
mettre une
compresse
dépliée et bien
mouillée en la
moulant sur la
zone receveuse, serrer les
fils de suture
périphériques
pour maintenir
la compresse
sur la greffe.
Le bourdonnet
est laissé en
place trois
jours. Son
ablation doit
être minutieuse : il faut éviter de soulever
la greffe qui
peut adhérer à
la compresse.
Le bourdonnet
est indispensable quand la zone receveuse est concave. Le pansement moulant permet d’appliquer la greffe sur la concavité. En
revanche, une zone receveuse convexe maintient plus facilement
une greffe de peau et ne rend pas indispensable un bourdonnet.
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
Exemple
Patient congolais présentant des séquelles
de brûlure de la main droite avec une
“disparition” complète des commissures.
Les commissures interdigitales sont
recrées en respectant les éléments vasculo-neuro-tendineux et les pertes de substance sont couvertes par des greffes de
peau totale.
lambeau trouvant dans le terme
de “lambeau” toute la justification de son intervention. Dans
la réparation d’une perte de
substance, l’on devrait toujours
proposer les techniques les plus
simples avant d’envisager des
techniques plus compliquées.
La greffe de peau appartient,
donc, aux propositions thérapeutiques dites simples mais
elle demeure une technique
dont les détails dans sa réalisation en font une véritable technique chirurgicale.
Quand les surfaces à couvrir
sont importantes et/ou que le
“bourgeon” (tissu de granulation) est de qualité médiocre, la
greffe de peau mince est une
bonne indication. Il est également possible de transformer
une greffe de peau mince en
une greffe mince dite “en filet”
pour augmenter la surface de
couverture. Une greffe de peau
mince “prend” plus facilement
mais présente le désavantage de
se rétracter à long terme.
l’épaisseur du prélèvement
cutané. Au cours du prélèvement, si vous apercevez de la
graisse, voire du muscle, vous
êtes trop profond. Si votre greffe se présente comme du papier
de cigarette et qu’elle se déchire, vous êtes trop superficiel.
L’idéal est d’apercevoir un
“piqueté” rouge sur un fond
blanc. Vous êtes, alors, dans le
bon plan : le plan dermique.
Après la prise de greffe, la zone
donneuse est hémorragique ; il
convient, alors, d’appliquer
rapidement un pansement gras
légèrement compressif.
■ Pansement sur la zone
donneuse :
Appliquer un corticotulle ou
des compresses vaselinées et
faire un pansement humide,
légèrement compressif sur la
zone donneuse.
Mettre la greffe dans du sérum
physiologique.
■ Mise en place de la greffe :
La greffe est appliquée sur la
zone receveuse en faisant bien
attention de ne pas se tromper
de côté ! Elle est “découpée”
sur mesure et fixée par des fils
ou des agrafes en périphérie.
Le pansement associera tulle
gras, compresses très humides,
compresses sèches au dessus
voire un pansement moulant
(cf pansement avec bourdonnet
plus bas).
3
La technique de
J. Delaire pour le
traitement des fentes
labiales
Indications
Au cours de chaque mission,
il n’est pas rare de voir des
fentes labio-palatines congénitales. Il n’est pas rare, également, de voir des fentes
Points de repères
Courage : ne vous laissez pas impressionner par ces quelques repères en apparence
compliqués. Il y a des passages difficiles dans l’apprentissage d’une technique opératoire. Ici, la seule difficulté est de se concentrer sur ces quelques repères anatomiques
pendant 15 minutes. Vous les appliquerez avec assiduité la première fois et, ensuite,
cela vous paraîtra beaucoup plus facile.
Pour atteindre l’art il faut savoir surpasser, voire oublier, la technique. Vous connaîtrez, alors, le bonheur de faire une jolie lèvre à ces enfants…
Alors courage ! ! !
a : Angle supérieur de la narine du côté sain.
a’ : Angle supérieur de la narine du côté fendu.
b : base de la columelle du côté sain.
c : jonction cutanéo-muqueuse au milieu du philtrum.
d : jonction cutanéo-muqueuse, en regard de la crête philtrale, du côté sain.
1 : point situé dans le prolongement du bord de la columelle, du côté fendu, à une distance de a’ égale à
b-a.
2 : point situé dans le prolongement de b-1, à la jonction cutanéo-muqueuse.
3 : point situé à la jonction cutanéo-muqueuse du côté fendu, à une
distance de c égale à d-c.
4 : point situé à la jonction du vermillon et de la muqueuse humide à une distance du frein médian de la
lèvre supérieure égale à c-3.
5 : point situé à l’union du bord de l’aile narinaire et de la lèvre, du côté fendu.
6 : point situé à la jonction cutanéo-muqueuse, la ligne 5-6 étant perpendiculaire à celle-ci.
7 : point situé à l’endroit où l’ourlet cutanéo-muqueux commence à décroître (à environ 2 à 3 mm de e).
8 : point situé à la jonction du vermillon et de la muqueuse humide en regard du point 7.
A l’opposé, quand la perte de
substance est dotée d’un “beau
sous-sol” (tissu bien vascularisé ou bourgeon de bonne qualité) et/ou quand la greffe ne doit
pas se rétracter secondairement
(zone périarticulaire ou périorificielle), la greffe de peau totale
sera préférée.
En pratique
Greffe de peau mince :
Libération des muscles naso-géniens
Incisions cutanéo-muqueuses
■ Installation et prélèvement
de la greffe :
- La difficulté dans la prise
d’une greffe de peau mince
reste l’appréciation de l’épaisseur de la greffe. Avec l’habitude, le réglage de la lame sur le
dermatome permet de choisir
l’épaisseur de sa greffe. Mais,
au début, l’opérateur ressent
une certaine difficulté à doser
➞
- Position sur la table : le
patient est sur le dos. Nous prélèverons la greffe sur la face
interne et/ou antérieure de sa
cuisse. On “graisse” la zone de
prélèvement avec du tulle gras.
Une main du chirurgien passe
sous la cuisse et “pince” la
peau par dessous pour la tendre
la partie antérieure de la cuisse.
Avec son autre main, l’opérateur prélève la greffe avec un
dermatome manuel.
L’incision cutanéomuqueuse suit le
tracé décrit.
Nous conseillons
un tracé comportant un petit triangle externe audessus de l’ourlet
cutanéo-muqueux
( ➞ ) quand les
berges cutanées sont très rétractées et que l’ourlet est peu accentué.
La taille de ce triangle sera adaptée à la différence de hauteur entre
le côté fendu et le côté sain.
La libération s’effectue en sous périostée, depuis les os
propres du nez et le rebord orbitaire inférieur(au dessous du
trou sous-orbitaire) au sommet de l’os malaire et à l’apophyse pyramidal du maxillaire.
9
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
Repérages des muscles
Exemple
1 : représentation schématique du muscle transverse du nez
2 : représentation schématique du muscle releveur superficiel
2’ : représentation schématique du muscle releveur profond
3 : septum cartilagineux
4 : extrémité inférieure du muscle transverse exposé lors de
la dissection
5 : chef externe de l’orbiculaire
6 : muscle myrtiforme
7 : chef interne de l’orbiculaire
Sutures cutanéo-muqueuses
Pour finir, nous vous conseillons :
- de traiter une fente unilatérale partielle
comme une fente complète.
- de traiter une fente bilatérale selon les
mêmes principes que le traitement d’une
forme unilatérale mais de façon bilatérale.
Cependant, il n’existe pas de muscle sur le
bourgeon médian.
Exemple
Fente labiale droite chez un
enfant du Togo (Mission
Interplast-France). Résultats
avant et après une plastie labiale selon la technique de
J. Delaire qui est une adaptation de la technique de
R. Millard (grand lambeau de
rotation-avancement).
déjà opérées avec tout leur
cortège de séquelles tant
fonctionnels qu’esthétiques.
La demande des parents,
paradoxalement, se fait ici
surtout dans un but esthétique. Suivant les pays, cette
malformation congénitale
peut côtoyer un certain animisme traditionnel local.
La réparation esthétique est
donc importante mais l’aide
du "guérisseur" nous semble,
également, très précieuse dans
certains cas. Nous entendons
encore aujourd’hui, en France,
parler de "bec de lièvre". Les
mythes sont finalement plus
résistants que certains germes
hospitaliers.
Le chirurgien, tout en conservant cette dimension "spirituelle" à la réparation, doit
quand même penser à la fonction en essayant de rendre un
bon équilibre physiologique
aux muscles naso-labiaux. La
réinsertion des muscles sur la
ligne médiane permettra de
10
remodeler la face pendant la
croissance. Il n’existe pas de
perte de substance au sens
propre du terme. En effet, les
"soudures" médianes musculaires n’ont pas pu se réaliser
pendant la croissance, un peu
comme une voile dont l’écoute lâche et qui se rétracte sous
l’action du vent. Le but de
l’intervention chirurgicale sera
de réinsérer les muscles sur la
ligne médiane comme le
marin borde sa voile pour que
son bateau puisse avancer.
En pratique
Le principe de cette réparation
repose sur :
- Un tracé des incisions cutanéo-muqueuses que nous
empruntons à l’excellente et
très pratique technique de
J. Delaire. Cette technique
est une adaptation de la
technique de R. Millard
(grand lambeau de rotationavancement),
- Un repérage des muscles, de
part et d’autre de la fente, et
du pied du septum sur lequel
seront insérés les muscles,
- Une libération des muscles
naso-géniens de leurs insertions profondes sur le maxillaire, ceci pour permettre leur
bon déplacement en dedans et
leur suture (sans tension) au
septum nasal, au périoste de
l’épine nasale et aux muscles
du côté opposé.
- Reconstitution des plans
muqueux, musculaire et cutané par des sutures fines.
4
Le lambeau pédiculé
du muscle grand
pectoral
Indications
La principale indication de ce
lambeau, en mission, est la
reconstruction faciale. Qu’il
Séquelles naso-labio-palatines
chez une jeune indienne opérée
dans l’enfance et d’une fente
labio-palatine gauche. Résultats
avant et après une reprise chirurgicale selon la technique de
J. Delaire.
En pratique : Dessin du lambeau et repères anatomiques
L’ i n t e r v e n t i o n
s’effectue en décubitus dorsal.
Pour repérer la
projection du pédicule principale,
nous vous proposons de tracer une
ligne entre l’acromion et la xyphoïde. Puis vous pouvez dessiner une
ligne perpendiculaire (à cet axe
acromio-xyphoïdien) qui passe par
le milieu de la clavicule. Cependant,
le vrai repérage
s’effectue en peropératoire quand
vous aurez soulevé
la palette cutanée
et que vous aurez
abordé la face profonde du muscle
grand pectoral. Vous percevrez alors le véritable trajet du pédicule et vous pourrez envisager l’incision du muscle de part et
d’autre de ce pédicule avec plus de précision.
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
Dissection du lambeau
Dissection du pédicule
"Tunnélisation" du lambeau
Après l’incision de la palette cutanée, repérez le bord
inférieur du muscle et passez dessous. La dissection est
facile à faire avec le doigt entre le muscle et le grill costal. Il faut voir le pédicule, sur la face profonde du
muscle. Il convient, également, d’exposer la face antérieure du muscle qui est un plan facile à exposer.
Quand le pédicule est individualisé, le muscle est
sectionné de part et d’autre, en créant une bande
musculaire jusqu’à la clavicule (qui sera le point de
rotation). La bande musculaire est extériorisée par
une incision cutanée, le long de la clavicule.
Le lambeau chemine sous la peau cervico-faciale pour atteindre la face. Attention au risque de
compression du pédicule, à ce niveau, si le "tunnel" est trop petit.
s’agisse de séquelles traumatiques, carcinologiques ou de
séquelles de Cancrum oris (ou
Noma), le lambeau de grand
pectoral est un lambeau fiable
qui peut apporter du muscle et
de la peau. Dans sa version
sous-cutanée, il laissera un
minimum de cicatrices sur la
face antérieure du thorax (ce
qui n’est pas négligeable en
Afrique au vue de la grande
fréquence des chéloïdes). La
palette cutanée peut être prélevée dans le sillon sous-mammaire ce qui diminuera, de
surcroît, la rançon cicatricielle. Il s’agit d’un lambeau
pédiculé. Nous devons donc
faire "glisser" son pédicule
sous la peau cervicale et faciale (dans la plan du lifting).
Certaines équipes extériorisent
ce pédicule pour augmenter la
fiabilité du lambeau en limitant la compression sur le
pédicule. Il s’agit d’un lambeau relativement facile à
enseigner mais qui nécessite
une bonne vision du pédicule
en peropératoire et, donc, un
bon éclairage (attention à la
qualité de l’éclairage dans certains blocs et prévoyez une
lampe de poche en cas de coupure électrique ! ).
5
Le lambeau pédiculé
du muscle grand
dorsal
Indications
Le lambeau de muscle grand
dorsal est d’une grande fiabilité dans sa version pédiculé
et son "champ" d’action est
assez large. Il peut apporter
beaucoup de muscle et une
Arc de rotation du lambeau du muscle grand pectoral
Exemple
Jeune fille togolaise présentant
des séquelles de Noma au
niveau de la face. La perte de
substance jugale a été reconstruite par un lambeau musculocutané pédiculé de muscle grand
pectoral (Mission InterplastFrance).
grande palette cutanée. Il
peut atteindre la région faciale mais son pédicule peut parfois "brider" et nécessite,
alors, une dissection souscutanée importante pour le
passage du pédicule. Il peut
également atteindre très facilement la face antérieure du
thorax, la partie supérieure de
l’abdomen, le dos et le
membre supérieur (jusqu’au
coude).
Installation
Décubitus dorsal avec un drap
roulé sous l’épaule et sous la
fesse. Vous pouvez garder le bras
dans le champ opératoire ou le
maintenir sur un repose bras. Il
faut bien dégager le creux axillaire pour la dissection du pédicule
thoraco-dorsal.
Ici, le schéma montre un lambeau
de grand dorsal dans sa version
musculo-cutanée avec la représentation de sa palette cutanée.
Sa version libre (nécessitant
des anastomoses microchirurgicales) reste réalisable, même
en situation dite précaire, avec
11
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
des lunettes grossissantes
(3,5). Le lambeau libre présente l’avantage d’un apport
pluri-tissulaire sur mesure
mais les aléas de tout geste
microchirurgical, d’autant
plus que la fréquence de la
drépanocytose rend un peu
plus risqué le transfert libre
(dans ce cas, l’anoxie est très
mal vécue par le lambeau).
Dissection du lambeau
Section du muscle
Incisez en regard du bord antérieur du muscle grand dorsal.
Allez chercher ce bord antérieur. Exposez la face antérieure du
muscle. Le décollement est facile au doigt et permet de visualiser le pédicule du muscle que l’on voit "courir" sous le fascia.
Quand le pédicule est individualisé, vous pouvez sectionner le
muscle pour isoler le lambeau autour de son pédicule vasculaire.
Le schéma représente, sur le thorax, le pédicule du muscle
grand dentelé qui peut être prélevé en même temps que le lambeau du muscle grand dorsal.
En pratique
Le lambeau de muscle grand
dorsal peut être musculaire
pur ou musculo-cutané. Dans
les deux cas, la dissection est
identique. Cependant, dans la
version musculo-cutanée, il
faut prendre une palette de
peau en regard du muscle.
Dissection du pédicule
Pour pouvoir mobiliser
au maximum le lambeau, vous devez libérer le pédicule en le
disséquant le plus haut
possible.
Arc de rotation du lambeau de muscle grand-dorsal
Il faut lier le pédicule
du muscle grand dentelé. Ce schéma montre
que le pédicule du
muscle grand dorsal et
le pédicule de muscle
grand dentelé sont unis
par un tronc commun.
Pour augmenter la mobilisation du lambeau,
vous pouvez sectionner
l’insertion tendineuse du
muscle sur l’humérus.
Exemple
6
Jeune homme nigérien présentant des séquelles de brûlure au niveau du coude droit. Après la
libération du coude, la perte de substance est couverte par un lambeau musculo-cutané de muscle
grand-dorsal homolatéral.
Exemple
Homme du
nord du Togo
(Afagnan)
présentant
une importante tumeur
abdominale.
La fermeture
de la perte
de substance
a nécessité
un lambeau
pédiculé de
m u s c l e
grand-dorsal
homolatéral.
Le lambeau pédiculé
inguinal
Indications
C’est un lambeau qu’il faut,
absolument, connaître. Avec la
plastie cutanée en Z et le lambeau du muscle grand dorsal,
c’est "le" lambeau qu’il faut
maîtriser. Il permet surtout, de
manière fiable, de couvrir
toutes les pertes de substance
de la main et de l’avant-bras,
et cela, même en présence de
surinfection locale. Il présente, cependant, l’inconvénient
d’un deuxième temps chirurgical de sevrage. Ce temps, réalisé 15 à 20 jours après, est
relativement facile à expliquer
à l’équipe locale qui reste.
Nous conseillons, toutefois, de
faire ce genre de lambeau en
début de mission pour pouvoir
en assurer le sevrage personnellement.
En pratique : Installation
Décubitus dorsal avec un petit champ sous la fesse homolatérale. La palette cutanée sera prélevée en regard du pédicule.
12
MAITRISE ORTHOPEDIQUE
Repères anatomiques
"Tubulisation" du lambeau inguinal
Commencez la dissection par l’extrémité distale
de la palette. Il est plus facile de repérer le plan
de dissection qui passe sur l’aponévrose musculaire. Ensuite, nous vous conseillons de passer
sous l’aponévrose du muscle couturier pour garder le pédicule dans le lambeau. Nous vous suggérons, également, de ne pas poursuivre la dissection jusqu'à l’artère fémorale pour éviter de
sectionner le pédicule.
Tubulisation : Le but est de créer un pédicule en
forme de "trompe", et cela plaît énormément en
Afrique ! Le pédicule ainsi créé permettra une
mobilisation plus aisée de la main et il facilitera
les pansements. Il s’agit, toutefois, d’une technique impressionnante pour le patient et pour
l’entourage tant paramédical que familial. C’est
une technique qui nécessite beaucoup d’explications.
Repères :
1) Artère circonflexe
iliaque superficielle ;
elle naît de l’artère
fémorale, 1 à 3 cm sous
l’arcade crurale.
2) Artère épigastrique
superficielle.
3) Epine iliaque antérosupérieure.
4) Epine du pubis.
2
3
Dissection du lambeau inguinal
1
4
En pratique, vous pouvez tracer une ligne
entre l’épine iliaque
antéro-supérieure et
l’épine du pubis. Un
tiers de la palette cutanée sera dessinée au
dessus de cette ligne et
deux tiers seront dessinés au dessous.
CONCLUSION
Pansement
Nous ne suggérons pas de bandage particulier. Nous préférons laisser le bras libre.
Nous expliquons, seulement, au patient (et à
l’équipe soignante) que "c’est solide" et que
le lambeau ne va pas "s’arracher" pendant le
sommeil. Il faut rassurer le patient sur la solidité des sutures. Nous ne faisons plus de pansement compliqué qui entoure le bras et la
main. Nous ne conseillons pas les gros points
de suture entre la peau de l’abdomen et la
main pour soulager une éventuelle traction de
la main sur les sutures. La meilleure contention reste une bonne explication sur le principe de l’intervention et sur le "montage".
Nous favorisons, au contraire, un petit pansement pour permettre une mobilisation quotidienne du poignet, du coude et le l’épaule. Nous avons le souvenir de cette patiente qui, terrorisée
par cette intervention, avait gardé son bras "figé" pendant une quinzaine de jours. Ses ongles étaient
enfoncés dans la peau de l’abdomen et son épaule avait perdu sa mobilité.
La chirurgie plastique en situation précaire est l’exercice de la
chirurgie réparatrice en situation difficile et dans un pays dit
en voie de développement.
Tous les champs d’application
de la chirurgie plastique sont
concernés et ils nécessitent, par
conséquent, une connaissance
assez large de cette spécialité.
Cependant, après plusieurs
missions, quelques techniques
nous ont semblé être très utiles.
Elles ne pourront pas tout
résoudre mais elles nous ont
permis de traiter la plupart de
Exemple
Femme togolaise présentant des séquelles
d’infection de la face
dorsale du poignet
droit. Dans l’enfance,
et suite à une lésion, le
guérisseur local a
appliqué des "herbes"
responsables d’une
importante infection
locale. Depuis, elle a
grandi avec cet "accolement" complet de la
main sur l’avant-bras.
Nous avons libéré
l’articulation du poignet par une exérèse de
la rétraction cutanée
dorsale et par une
arthrolyse. La perte de
substance cutanée dorsale a été couverte par
un lambeau inguinal
homolatéral.
nos patients. Avant de partir,
nous vous conseillons donc de
connaître, surtout: la plastie
cutanée dite en Z, la technique
de la greffe de peau, le lambeau
du muscle grand pectoral, le
lambeau du muscle grand dorsal et le lambeau inguinal.
La chirurgie plastique est une
spécialité facile à exporter et elle
s’adapte bien quelles que soient
les circonstances. Une mission
s’effectue en équipe et en coopération totale avec tous les acteurs
locaux. La finalité de cette
coopération reste la formation.
Vous donnerez autant que vous
recevrez, et vous recevrez beaucoup. Vous aurez, toutefois,
souvent l’impression de faire
peu devant le grand nombre de
patients à traiter. Mais n’oubliez
pas que “le peu qui reste va au
delà de ce qui passe”…
Bonne Mission.
SITES INTERNET
■
■
■
■
■
■
■
■
Site de l’association Interplast –
France : http//monsite.wanadoo.fr/interplast
Site pour les conseils
météorologiques :
www.meteo.fr/meteonet
Site pour les conseils
diplomatiques : www.diplomatie.gouv.fr/voyageurs
Site pour les conseils santé :
www.traveling-doctor.com
Site du S.O.S Mains de l’HEGP :
www.sos-mains.com
Site de la société française
de chirurgie plastique :
www.plasticiens.org
Site du Journal Maîtrise
d’orthopédique :
www.maitrise-orthop.com
Site du docteur Patrick Knipper :
www.docteur-knipper.com
BIBLIOGRAPHIE
■ Si la mission est orientée sur la Main, nous vous conseillons :
■ Si la mission est orientée sur le Noma, nous vous conseillons :
- Le "Green", avec ses deux tomes, mais il est trop lourd pour le
voyage…
- "La main traumatique", de M. Merle, G. Dautel, 1992, Editions
Masson. Le tome I est sur l’urgence : il est bien pour les gestes techniques sur la main et les doigts, et pour la description des lambeaux.
- Pour la reconstruction nasale : "La réparation des pertes de
substance du nez chez l’adulte" de M. Revol, D.Guinard, J.
Bardot, M. Texier. Rapport du 38° Congrès de la société française
de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, 1994, Editions
Masson.
Le tome II concerne la chirurgie secondaire et le poignet traumatique : il est pratique pour la chirurgie secondaire des tendons
(pathologie fréquente, en mission) et pour les techniques de transferts tendineux (séquelles traumatiques, lèpre…)
- Pour la reconstruction orbito-palpébrale : "Plasties et
Reconstructions orbito-palpébrales" de D. Montandon,
G. Maillard, S. Morax, L. Garey. Editions Médecine et Hygiène,
Genève, 1988.
- Pour la reconstruction des lèvres : "Chirurgie des lèvres",
Monographies de chirurgie réparatrice, sous la direction de
J. Lévignac, 1991, Editions Masson.
■ Si la mission est orientée sur les Fentes labio-palatines, nous
vous conseillons :
- "Chirurgie des lèvres", Monographies de chirurgie réparatrice,
sous la direction de J. Lévignac, 1991, Editions Masson.
■ Dans tous les cas, nous vous conseillons :
- "Flaps in Limb Reconstruction", de A. Masquelet, A. Gilbert, 1995,
Editions Martin Dunitz.
13