LE MESSERSCHMITT Bf 109 E - Avions

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LE MESSERSCHMITT Bf 109 E - Avions
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CAHIER SPÉCIAL :
LE MESSERSCHMITT Bf 109 E
Deuxième partie, par Christophe Cony, avec la participation de Jean-Louis Roba
(vues 3D de Jean-Michel Mateo et profils de Thierry Dekker)
Messerschmitt Bf 109 E-7 WNr 6095 « double chevron » du Hptm Herbert Ihlefeld, commandant du I.(J)/LG 2,
représenté au-dessus de Jassy (Iasi) à la mi-juillet 1941.
Ci-contre et page suivante : le WNr 6095 à
Jassy. Produit fin 1939
par Fieseler comme
un E-1, cet avion a été
transformé en E-7 en
1941. Après avoir été
endommagé à 30% le
17 mars 1942 près de
Stalino [1], le WNr 6095
va recevoir en usine un
blindage supplémentaire pour les radiateurs
d’intrados, le dessous du
moteur et les réservoirs
d’essence. Transformé
ainsi en E-7/U2, il sera
livré à la 3./Schl.G 1,
une unité d’assaut au
sein de laquelle il sera
abattu par des tirs terrestres le 31 décembre
1942 au nord-ouest de
Tscheryschkow.
[1] Il était piloté ce jour-là par l’Obfhr Heinz-Edgar Berres de la 3./JG 77, futur as aux 52 victoires.
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À partir de la fin du
mois d’avril 1941, les
groupes qui quittent les
Balkans laissent leurs
Bf 109 E sur place. Le
III./JG 77 qui a déjà
récupéré au cours de
l’hiver les avions du I./
JG 2 obtient donc des
« Emil » en provenance
des II. et III./JG 54
ainsi que du II.(S)/LG
2. Ce « 10 noir » baptisé
« Lilo » est l’ancienne
monture de l’Oblt
Hubert Mütherich que
nous avons évoqué en
page 21 de notre dernier
numéro.
L’avion porte sur le nez
la tête de loup du III./
JG 77 (sa nouvelle unité)
mais aussi l’oiseau comique de la 8./JG 54, ce
qui est beaucoup moins
logique car Hubert
Mütherich est à cette
époque le chef de la 5./
JG 54. La seule explication serait que cet
insigne a été peint début
avril, au moment où la
5./JG 54 a été rattachée
au III. Gruppe (6., 7.
et 8. Staffeln) pour la
Campagne des Balkans.
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Messerschmitt Bf 109 E-7 « 10 noir » du III./JG 77, Belgrade – Semlin mai 1941.
Cet avion mélange les insignes de ses anciennes unités (II. et 8./JG 54) et de son précédent pilote l’Oblt Hubert Mütherich
avec celui de sa nouvelle unité, le III./JG 77.
En couleur comme en
noir et blanc, on distingue bien la portion
de saumon d’aile et la
bande de fuselage peintes en jaune, de même
que le bord de fuite des
volets d’intrados : des
marquages typiques de
cette période et de ce
théâtre d’opérations. À
l’arrière-plan droit, le
« P noir » provient du
II.(S)/LG 2. Passé sur Bf
109 F-2, Mütherich va
faire partie des quelques
pilotes qui vont véritablement « exploser »
sur le front de l’Est ;
titulaire de 43 victoires
aériennes, il sera tué sur
accident au retour d’une
mission le 9 septembre
1941.
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LES CIGOGNES DE L’ESCADRILLE SPA 3 ONT 100 ANS
Par Jean-Marc Poincin (ARA)
Le Mirage 2000-5 n° 58
« 116-EL » décoré pour
la cérémonie du centenaire des Cigognes, le 28
septembre 2012.
(ARA)
Le 28 septembre 2012, sur la base de Luxeuil, l’Armée de l’Air a célébré de belle manière le centenaire de sa plus ancienne escadrille encore en service : la SPA 3 « Cigognes ». Aujourd’hui,
cette unité prestigieuse fait partie de l’escadron de chasse EC01.002 « Les Cigognes » équipé
de la version la plus évoluée du Mirage 2000, la version -5 de défense aérienne. L’escadron a
récemment retrouvé les traditions de l’escadrille SPA 26 « Cigognes de Saint Galmier », qui
avec la SPA 103 « Cigognes de Fonck », et la SPA 3 « Cigognes de Guynemer » constituaient le
groupe de combat des Cigognes (GC 12) durant la Première Guerre Mondiale.
Les débuts
En juillet 1912, alors que le premier vol motorisé
d’un plus lourd que l’air n’a eu lieu que 9 ans auparavant, les progrès rapides de l’aviation permettent
à l’Armée de créer cinq premières escadrilles aérien-
nes numérotées de 1 à 5. L’escadrille 3, constituée
à Avord sous les ordres du capitaine Bellenger, se
rend ensuite à Belfort où ses avions sont comparés aux « Cigognes annonciatrices du printemps en
Alsace ». C’est là que l’escadrille 3 est stationnée
le 2 août 1914, lors de la mobilisation. Elle est do-
Un Nieuport XVII portant la cigogne de l’escadrille N 3 au cours de la bataille de la Somme (été 1916).
(coll. SHD-Air)
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L’ E C N 3 / 1 3
Les Potez de chasse
A Nîmes, le Lt Boursain
(à gauche) et le S/C Bal (à
droite) peu avant un départ en mission d’entraînement. Les deux hommes
feront la traversée de la
Méditerranée ensemble
à bord du Potez n° 145 et
c’est à eux que nous devons une partie des photos
illustrant cet article.
(photo Bal)
Par Matthieu Comas
(profils de Yann Le Gal)
D
e fin juin 1941 à novembre 1942,
une escadrille de chasse de nuit un
peu oubliée et démunie va protéger la Petite Syrte et la Marine française… L’ECN 3/13 sera la dernière unité de
chasse à avoir en service des bimoteurs
Potez 631, qu’on tentera même de transformer en bombardiers en piqué !
Cas suffisamment rare et original pour être signalé,
la principale difficulté à laquelle il a fallu faire face en
rédigeant cet article a été l’absence de documents
écrits alors que les photographies étaient nombreuses… Ceci s’explique par le départ précipité de l’unité
de son terrain tunisien lors de l’arrivée des troupes
allemandes en novembre 1942. Pratiquement tous
les documents d’archive ont alors disparu. Cet historique est donc certainement fragmentaire, même
si l’ECN 3/13 n’a pas eu une activité débordante
durant son existence. La bonne nouvelle provient
par contre des photos, puisque nous avons le plaisir
de vous proposer ici des décorations aussi inédites
qu’originales (et patinées !) de la dernière unité de
chasse ayant utilisé des Potez 631 en opération.
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À GABÈS
de nuit au soleil...
Lorsque l’armistice est signé, toutes les escadrilles tion qui suit le 25 juin 1940 et la création de l’Armée
de chasse de nuit (à l’exception de l’ECN 5/13) sont de l’Air dite « de Vichy ». Seules sont maintenues
rassemblées à Nîmes. Leur
les ECN 1/13 et 4/13, les
Un acte de naissance politique personnels professionnels
campagne de France a été
dure et diurne, loin de leur
des escadrilles dissoutes
rôle originel. Cela ne les empêche pas de garder leur (2/13 et 3/13) compensant le départ des réservisdénomination « noctambule » lors de la réorganisa- tes. Ces deux unités s’installent à Nîmes.
Un Potez 631 passe en
rase-mottes à hauteur
de l’un des bâtiments
du terrain de Gabès.
Au sommet, derrière
des sacs de sables, les
hommes ont monté une
mitrailleuse MAC de
7,5 mm et s’entraînent
en prenant pour cible le
chasseur. Les carnets de
vol montrent plusieurs
vols de ce type effectués
pour l’entraînement
de la DCA. Au premier
plan, à cheval, le Lt
Boursain.
(photo Boursain)
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MER DE
30 minutes pou
Première partie
par Gregory De Smet
(profil de Thierry Dekker)
Les combats de Papouasie-NouvelleGuinée en 1942-1943
Après la prise de Rabaul, le 23 janvier 1942, les
Japonais sont en position de frapper où ils le veulent, les Alliés n’ayant pratiquement plus rien à leur
opposer. Aussi, le 8 mars, ils débarquent sans coup
férir à Lae et Salamaua en Nouvelle-Guinée. La menace sur Port-Moresby est alors d’autant plus réelle
que les Japonais prévoient de lancer un débarquement contre la ville, mais la victoire de l’aéronavale
américaine dans la mer de Corail en mai met un
frein à ces ambitions. Dans l’impossibilité d’enlever
la ville grâce à un assaut direct, les Japonais sont
dès lors contraints de se lancer dans une difficile
campagne terrestre. Dans un premier temps, ils gardent l’initiative et parviennent mi-septembre à faire
peser une grave menace sur Port-Moresby mais ils
sont finalement stoppés grâce notamment à l’arrivée de renforts américains. Les Alliés passent alors
à la contre-offensive et, après de durs combats,
Buna tombe aux mains des troupes américaines le
2 janvier 1943. La Papouasie étant dès lors libérée,
les Alliés tournent leur attention vers la NouvelleGuinée et, remontant le long de la côte nord, assiègent bientôt la tête de pont de Sanananda.
Ces échecs successifs ne dissuadent cependant pas
les Japonais de poursuivre le combat et, comptant
bien reprendre l’avantage, ils décident d’envoyer de
nouveaux renforts en Nouvelle-Guinée. Un premier
convoi constitué de cinq transports protégés par cinq
destroyers appareille de Rabaul le 5 janvier. Les navires, qui emportent dans leurs flancs une partie de
la 51e division, sont repérés dès le lendemain matin
et sont alors l’objet d’attaques continuelles pendant
cinq jours consécutifs. Le 7, le Nichiryu Maru est
ainsi coulé à 200 km de Lae par un Catalina australien du N° 11 Sqn. Malgré tout ces efforts, l’aviation alliée, qui effectue pourtant plusieurs centaines
de sorties, ne peut empêcher le convoi d’arriver à
destination quelques heures plus tard. Alors que les
navires s’apprêtent à mouiller, le Myoko Maru est
touché par une bombe larguée par un P-40 mais la
plus grande part de sa cargaison peut être débarquée. Bien qu’ils aient perdu deux navires dans l’affaire, les Japonais considèrent l’opération comme un
succès car les pertes humaines et matérielles sont
restées relativement légères et l’objectif principal, le
renforcement de la garnison de Lae, a été largement
atteint.
Guinée
re en Nouvelle-
rt de la guer
r renverser le so
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Toutefois, au cours des jours et des semaines qui
suivent, il apparaît vite évident que ces renforts
n’ont pas été suffisants pour pouvoir reprendre avec
succès l’initiative en Nouvelle-Guinée et l’ordre est
donné d’organiser un second convoi pour acheminer le reste de la 51e division (soit 6 900 hommes
commandés par le lieutenant-général Hidemitsu
Nakano) qui se trouve toujours à Rabaul. Comme
l’explique le général Yoshihara [1], les Japonais sont
alors devant un dilemme car l’expérience du Myoko
Maru a montré qu’un débarquement à Lae est devenu risqué : « L’opinion généralement admise était
qu’étant donné l’augmentation de la puissance aérienne de l’ennemi, il était dangereux de débarquer
[1] Alors chef d’état-major de la 18e Armée.
Ce cliché d’un A-20 Havoc du 89th BS/3rd BG, parfois présenté comme pris lors de la bataille de la Mer de Bismarck, a en fait été réalisé lors d’une attaque de convoi au large de Wewak en mars 1944. Cependant, outre son caractère très spectaculaire, il est intéressant car il montre à quel point l’altitude
d’attaque des A-20 est proche du zéro absolu.
(toutes les photos : USAF, sauf autre mention)
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Jusqu’à la fin du mois de mars 1920, le Breguet 14 A2 GR n° 9128 servit d’avion de liaison à la mission militaire française en Pologne. Il fut ensuite
transféré à la force aérienne polonaise où il demeura le seul appareil de ce type.
(toutes les photos : coll. MLP w Krakowie, sauf autre mention)
LES AVIONS FRANÇAIS
DANS LA POLOGNE EN GUERRE
Première partie, par Mateusz Kabatek et le Révérend Père Robert Kulczynski SDB (traduction
de Christophe Cony et profils
d’Arkadiusz Wróbel)
(1919-1920)
L’utilisation d’appareils français au cours des conflits soutenus par la Pologne de 1919 à 1920 demeure un sujet assez peu connu de l’histoire de l’aviation. Pourtant, durant cette période, les unités de la force aérienne polonaise
ainsi que les escadrilles françaises attachées à l’Armée Bleue du général Józef Haller mirent en œuvre plus de 200 Breguet 14, Salmson 2 A2, Spad 7 et
Spad 13. Ces machines remportèrent plusieurs victoires aériennes, prirent
part à des centaines de sorties de reconnaissance et de missions d’attaque
au sol, prouvant une fois encore leur efficacité en combat...
L’aviation militaire polonaise fut mise sur pieds peu après que le pays soit
redevenu indépendant le 11 novembre 1918. Initialement, la force aérienne
eut comme équipement un ensemble disparate d’appareils allemands et autrichiens : Albatros D.III, Albatros D.Va, Albatros C.X, Albatros C.XII, DFW C.V,
Fokker D.VII, Fokker D.VIII, Halberstadt CL.II, Hannover CL.II, LVG C.V, LVG
C.VI, Oeffag D.III... Beaucoup avaient été capturés par les Polonais sur les terrains de Poznań-Ławica, Varsovie-Mokotów, Lublin, Przemyśl, Lviv et Cracovie.
Les autres furent achetés de diverses façons, où tout simplement volés par les
pilotes polonais servant dans les forces allemandes ! De cette façon, quelques
centaines de machines furent rassemblées.
Au printemps 1919, l’aviation polonaise reçut le renfort de sept escadrilles
françaises (Br 39, Br 59, Br 66, Spa 162, Sal 580, Sal 581 et Sal 582) qui furent
rattachées à l’ « Armée Bleue », l’armée polonaise formée en France en juin
1917. Leurs personnels étaient pour l’essentiel français, les Polonais n’étant au
départ qu’une minorité. Ces unités arrivèrent en Pologne en avril-mai 1919,
avec un matériel comprenant 26 Breguet 14 A2, 18 Breguet 14 B2, 1 Breguet
14 A2 GR, 39 Salmson 2 A2 et 18 Spad 7. Les avions conservaient au départ
leurs marques de nationalité, leurs camouflages ainsi que leurs numéros de série français ; mais dans les mois suivants, ils reçurent des marquages polonais
sous forme de damiers rouges et blancs. La forme, la position et la taille de ces
damiers variaient suivant les escadrilles [1].
[1] L’escadrille BR 66, par exemple, utilisa des damiers atypiques recouvrant tout le gouvernail et formés de six carrés rouges et blancs au lieu de quatre.
« La liberté bolchevique ». Affiche de propagande polonaise caricaturant Léon Trotski,
politicien soviétique et premier commandant de l’Armée Rouge.
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CHÛREN TYPE-93
(YOKOSUKA K5Y « WILLOW »)
UN PETIT SAMOURAÏ DISCRET MAIS EFFICACE
Quatrième partie, par Stéphane Soulard
(profil d’Arkadius Wróbel)
Voici la seule photo
connue d’un chûren
équipé du lance-bombe
ventral pour « attaque
spéciale ». Nous sommes
dans un recoin de la
base d’Iwakawa (département de Kagoshima),
à Kyûshû, où un marine
prend la pose devant un
appareil de la défunte
Saijô-kû comme l’indique son immatriculation
« SaI-729 ». Son état est
dû à la politique de mise
hors d’usage systématique des avions nippons
par un vainqueur encore
très méfiant…
(USMC)
[1] « Le chrysanthème
sur l’eau » : blason du
seigneur Kusunoki, mort
pour l’empereur GoDaigo en 1336 et érigé
en saint-patron des
« kamikazes ».
Le Willow, dernier « kamikaze » victorieux
« Ne sous-estimez pas un ennemi d’aspect insignifiant ! ». Ce proverbe issu de la tradition
bushidô aurait pu être la devise de la Ryûko-tai (unité Dragon et Tigre), dont les pilotes-suicides allaient accomplir un tragique exploit à bord de leurs petits chûren type-93 dans la nuit du
29 juillet 1945, endommageant le destroyer USS Prichett et surtout coulant l’USS Callaghan,
ultime perte à l’ennemi de la Navy face au Japon. Le lendemain, deux autres vaisseaux seront
également endommagés…
Dès le début de 1945, le Japon se sait acculé dans
ses derniers retranchements : l’opération shô-gô
(Victoire), par laquelle il espérait remporter une
victoire décisive sur les forces américaines aux
Philippines, a tourné au désastre. Et ce malgré l’entrée en scène des tokubetsu kôgeki-tai (en abrégé
tokkô-tai), ces « unités d’attaques spéciales » qui
vont bientôt passer à la postérité sous l’appellation
de « kamikazes ». Pourtant, loin d’en rabattre, le
militarisme nippon décide d’aller jusqu’au bout de sa
logique de radicalisation en préparant de nouveaux
plans d’opérations « décisives » sur ses approches
métropolitaines voire, au pire, au Japon même.
L’ultime plan de défense de l’archipel s’appellera
d’ailleurs ketsu-gô sakusen (opération Décision).
Cela cache quelques manœuvres diplomatiques en
coulisses… Ceci étant, pour le reste du conflit, ce
sont bien les tokkô-tai et leur technique de taiatari
(percussion corporelle) qui en constitueront non
seulement le fer de lance mais inspireront bientôt
l’ensemble des combattants.
Dans l’Aéronavale, désormais sans force embarquée, le caractère désespéré de cette politique se
révèle progressivement par une série de mesures
administratives concernant le programme de formation : discrètement, les kôkûtai d’entraînement
reçoivent l’ordre de former en leur sein une tokkô-tai
avec leur propre matériel. Dans un premier temps, il
ne s’agit que d’anciens avions d’armes utilisés pour
la formation avancée. Mais avec le déclenchement
de la bataille d’Okinawa et l’utilisation en masse des
appareils disponibles lors de dix opérations kikusui
[1], les réserves d’hommes formés et d’avions de
combat, même anciens, s’épuisent vite et il faut faire
flèche de tout bois… Les unités d’entraînement de-