La faim gronde !…

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La faim gronde !…
Société – La faim gronde !…
p. 7-8
La faim gronde !…
Ce n’est un secret pour
personne,
les
prix
ont
augmenté. On se plaint en
effet de plus en plus de la
hausse du prix du pain, des
pâtes… Ce phénomène, qui
est en partie dû à l’inflation
(qui est tout de même
redevenue plus forte qu’en
1991)
ne
nous
touche
finalement pas tant que ça,
quand on sait que les
Européens
ne
dépensent
que 15% de leurs revenus
dans
leurs
besoins
alimentaires.
Mais
qu’en
est-il des pays du TiersMonde, où les habitants
consacrent jusqu’à 75% de
leur
revenus
pour
se
nourrir ?
Avec une hausse des prix
alimentaires de 83% en trois
ans, et du prix des céréales de
37% en un an, le prix moyen
d’un repas a augmenté de 40%
dans les pays pauvres. En effet,
« quand le prix des denrées de
base augmente de 1%, seize
millions
de
personnes
supplémentaires sont plongées
dans l’insécurité alimentaire »
estime le Fond International de
développement agricole. Ainsi,
1,2
milliards
d’habitants
pourraient souffrir sévèrement
de la faim d’ici à 2025 (c’est à
dire
presque
1/5
de
la
population !)
Une
catastrophe
humanitaire, qui pourrait bien effacer
tous les efforts laborieusement
accomplis depuis dix ans… Et
les résultats s’en font déjà
sentir :
des
émeutes de la
faim qui finissent
dans
le
sang
(déjà sept morts
à HaÏti, dont un
casque
bleu
nigérian
de
l’ONU,
deux
morts en Côte
d’Ivoire et en Guinée, quarante
à cent morts au Cameroun,
sans compter d’innombrables
blessés), une grève générale au
Burkina
Faso…
Trente-sept
Etats
d’Afrique,
d’Amérique
latine
et
d’Asie
sont
principalement touchés pour
l’instant, mais la liste devrait
s’allonger, et compte déjà
même quelques pays d’Europe
de l’Est, comme la Moldavie.
Les pays riches ne peuvent
donc plus fermer les yeux sur
« la faim dans le monde » qui
vient frapper jusqu’à leurs
portes !...
Les
émeutes
menacent, de plus, la stabilité
politique de dizaines de régime
parfois déjà contestés (comme
en Afrique) et peuvent même
dégénérer en guerres civiles.
En effet, un tiers des pays déjà
touchés
par
la
crise
alimentaires sont par ailleurs
confrontés à des problèmes politiques (démission du Premier
Ministre haïtien, du ministre de
l’Intérieur sénégalais, remaniements ministériels…)
A ces pénuries alimentaires
plusieurs raisons. Tout d’abord
les mauvaises récoltes dues
aux
bouleversements
du
climat : sécheresse en Australie
et au Kazakhstan, inondations
en Asie, ouragans en Amérique
latine, hiver
record en
Chine… Autant de coups durs
pour les agriculteurs dont
certains, par leur agriculture
intensive, contribuent pourtant
aussi
à
nuire
à
l’environnement.
Ensuite,
l’envolée du cours du pétrole
(qui atteint presque 126$ le
baril) augmente les coûts de
fret, d’où l’intérêt grandissant
pour les biocarburants. L’UE
souhaite qu’ils représentent
10% de la consommation totale
d’essence et de gazole d’ici
2020. Voyant dans la culture
des biocarburants un marché
juteux, de nombreux pays se
sont alors mis à en produire
(notamment
le
Brésil,
l’Argentine…) même des pays
ayant déjà du mal à nourrir
toute leur population comme le
Sénégal ! Résultat, pas moins
de cent millions de tonnes sont
utilisés chaque année pour la
fabrication d’éthanol et de biodiesel,
réduisant
considérablement les récoltes
destinées à l ‘alimentation et
détournant ainsi 20 à 50% des
productions de mais ou de colza
de leur usage initial. De quoi
remettre
en
question
les
bienfaits des biocarburants qui,
s’ils sont peut-être moins
polluants,
contribuent
à
aggraver la crise alimentaire...
D’autre part, notre planète,
dont la population croît de 200
000 habitants par jour, doit
répondre aux changements de
modes de vie de ses habitants.
La forte urbanisation réduit les
terres arables en empiétant sur
la nature, et on assiste à une
demande de plus en plus
importante en viande et en
produits laitiers de la part des
pays émergents comme la
Chine ou l’Inde dont les
habitants
cherchent
à
rapprocher
leur
régime
alimentaire de notre modèle
occidental. Or pour produire
plus de viande il faut bien sûr
plus d’animaux, et ceux –ci se
nourrissent…
de
céréales.
Sachant qu’il faut trois à dix
kilos de céréales pour produire
un kilo de viande, un écologiste
estime
que
« les
chinois
absorberaient 50% des céréales
mondiales
s’ils
mangeaient
autant de viande que les
Américains. » Par ailleurs, cette
hausse de la demande en
céréales
et
la crise
des
subprimes
ont
incité
les
investisseurs à spéculer sur les
matières premières, l’or et le
pétrole, désormais considérées
comme valeurs refuges. D’où
une autre explication de la
hausse des prix. Enfin, notre
système économique libéral
contribue
également
à
accentuer les difficultés de
ravitaillement. Les paysans des
pays pauvres ou en voie de
développement ne sont pas de
taille à rivaliser avec les prix
subventionnés
des
produits
exportés par les pays riches
(céréales, poulets…). Le budget
baissé de 8,4% en 2007. De
plus,
dans
certains
Etats
comme l’Egypte, des paysans
sont priés de pratiquer des
cultures
destinées
à
l’exportation en vue d’équilibrer
la balance commerciale et de
financer la dette publique. Voilà
qui ne risque pas de résoudre
leurs problèmes alimentaires !
Ce qui peut, en revanche,
résoudre la crise à long terme,
est l’autosuffisance alimentaire
dans tous les états du Tiersmonde. Il faut pour cela
relancer
l’agriculture
qu’on
avait
parfois
mise
entre
parenthèses
au
profit
de
l’industrie, et ce grâce à la
recherche
agronomique,
la
formation professionnelle, une
meilleure maîtrise de l’eau et
une distribution massive de
semences et de fertilisants. La
production de céréales qui,
malgré
les
conditions
climatiques
défavorables,
a
augmenté en 2007, devrait
ainsi progresser de 2,6% cette
année. Les OGM, vus aussi
comme
une
solution
par
certains, de par leur résistance
internationale du Programme
Alimentaire
Mondial
reste
encore indispensable pour la
majorité des Etats en voie de
développement.
Celui-ci,
financé par la contribution
volontaire des états a dû
augmenter son budget pour
nourrir
73
millions
de
personnes dans 78 pays, mais il
lui reste à trouver 500 millions
d’euros s’il ne veut pas réduire
son aide alimentaire. Cette aide
a déjà permis à certains pays
comme Haïti de rebaisser un
peu leurs prix, et à d’autres de
distribuer dans l’urgence des
denrées
gratuites
ou
subventionnées. De façon plus
autonome, certains états gros
producteurs de riz (comme le
Vietnam, l’Inde) ont décidé
d’imposer de fortes limites sur
leurs exportations de riz afin de
pallier la pénurie alimentaire.
D’autres comme le Cameroun,
le Sénégal, la Côte d’Ivoire ont
baissé ou suspendu leurs droits
de douane et la TVA pour
faciliter le ravitaillement par les
importations. D’autres enfin ont
passé des accords entre eux
afin
de
compenser
leurs
manques (l’Egypte fournit du
riz à la Syrie qui, en échange,
lui envoie du blé…). Serait-on
revenu au temps du troc et des
alliances ?
L’ex-rapporteur
de
l’ONU
Jean
Ziegler
revendique « le droit à
l’alimentation »
comme
« partie
intégrante
des
droits
fondamentaux
de
l’homme », car à l’aube du
XXI° siècle, peut-on encore
laisser les gens mourir de
faim ? Faudra-t-il que la
crise
alimentaire
nous
frappe vraiment de plein
fouet pour que l’on change
nos
habitudes ?
Ou
la
Troisième Guerre Mondiale
sera-t-elle
celle
de
l’alimentation ?…v●
Lucie
accordé aux agriculteurs par les
gouvernements n’est pas assez
important et l’aide des pays
riches pour le développement a
aux
nuisibles,
restent
cependant trop chers pour la
majorité des petits paysans.
Quoi qu’il en soit, l’aide