pomme kazakh - les Chambres d`agriculture du Limousin
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pomme kazakh - les Chambres d`agriculture du Limousin
Les pommes, sauvages… Par Hervé COVES, Agronome, Chambre d’Agriculture de la Corrèze [email protected] Les travaux sur l’origine des pommes ont amené la recherche scientifique aux confins du Kazakhstan. Ils y ont fait des découvertes surprenantes qui inspirent aujourd’hui les travaux de l’INRA et de nos centres d’expérimentations. Transition en production fruitière : Les travaux menés par les stations expérimentales de l’ADIDA et la Chambre d’Agriculture de la Corrèze sur la biodiversité, nous amènent à étudier les écosystèmes naturels d’où sont issues nos plantes cultivées. La progression de nos connaissances en génétique apporte son lot de surprises. Nous avons ainsi découvert que nos pommiers sauvages ne sont pas des pommiers, mais des poiriers ! Il a donc fallu rebaptiser notre pommier « Malus sylvestris » en « Pyrus malus » : le poirier à pomme… Nous aurait-on menti ? La pomme originelle serait-elle une question de bonne poire ? Le péché compterait-il pour des prunes ? Ce problème mérite réflexion et, à première vue, ce ne sera pas de la tarte ! Et cerise sur le gâteau, ces mêmes analyses génétiques nous apprennent que nos pommes domestiques sont, en fait, les proches cousines d’une pomme du Kazakhstan : Malus sieversii. A l’écart de la civilisation, protégées par des montagnes infranchissables, les pommiers kazakhs forment de vastes forêts, clairsemées sur les crêtes et denses dans le fond des vallées. Les pommiers y sont alors gigantesques et peuvent mesurer jusqu’à 30 mètres de haut. http://originedelapomme.com/ Autre fait curieux, loin d’être homogène, chaque pommier donne une pomme différente : des petites de quelques millimètres, des grosses de 200 g, des rouges, des vertes, des jaunes, des zébrées ou diversement colorées, des côtelées ou potelées ; des goûts acides, astringents ou alors d’une suavité et d’un arome qui étonnent les papilles les plus gourmandes. http://www.sciencedaily.com/releases/2006/01/060103190254.htm Toute la diversité des pommes semble rassemblée dans ces forêts lointaines qui, depuis des temps anciens, ont bravé les froids rigoureux, les étés les plus secs, les températures les plus extrêmes. Elles se sont adaptées aux maladies les plus virulentes, aux parasites les plus agressifs. Elles ont conquis les terres les plus riches, comme les sols les plus arides. Sans encombre jusqu’à aujourd’hui, la diversité génétique des plantes est le secret de leur adaptation aux modifications du milieu. Cette remarquable propriété donne à ces forêts un statut particulier. Elles constituent un patrimoine exceptionnel dans lequel l’Humanité va pouvoir puiser des nouvelles variétés, de nouvelles idées, mais aussi de nouvelles connaissances. Certains l’ont bien compris, en premier lieu les Américains. Ils travaillent sur des milliers de nouvelles variétés. Il y en aura pour tous les goûts, pour toutes les utilisations, et de toutes les couleurs. Les Français, avec l’INRA d’Angers, leur emboitent le pas et nous annoncent déjà des variétés résistantes à la tavelure, rendant inutile tous traitements chimiques. La richesse de cette forêt est également d’un autre ordre. Elle n’est pas constituée que de pommiers, il y a aussi tout un cortège d’autres plantes qui y sont associées : Des arbres : aubépine, sorbier, érable, chêne, tilleul, peuplier, figuier, prunier, poirier, cerisier, amandier, abricotier Des arbustes : argousier, berbéris, framboisier, mûre, rhamnus, Des lianes : houblon, chèvrefeuille, vigne, Des buissons : rosier, cotonéaster, groseillier Des plantes herbacées : graminées, géranium, mauve, fraisier, tulipe et rhubarbe. Il y a une chose qui m’étonne et vous l’avez certainement remarqué vous aussi, toutes ces plantes sont comestibles. Cette forêt ressemble plus à un verger qu’à une forêt sauvage. Les fruits y sont nombreux, diversifiés et sucrés qu’on se demande pourquoi l’homme y est quasiment absent, comme s’il avait oublié l’existence même de ce lieu, depuis des générations Ma seconde source d’émerveillement est de constater que, depuis des millions d’années, toutes ces plantes cohabitent. Elles vivent ensemble et ont tissé des liens fonctionnels qui les rendent à la fois complémentaires et aussi indispensables les unes aux autres. Les plantes et les bêtes : on trouve dans le houblon, des insectes qui s’attaquent aux psylles et aux pucerons des pommiers. On trouve dans les pommiers, d’autres auxiliaires qui vont protéger les fraisiers et les framboisiers des attaques d’acariens. Ce n’est pas tout ! Dans cette forêt, les milieux sont très variés : des berges humides des rivières aux crêtes arides. Que survienne une épidémie de tavelure : les arbres les plus faibles des zones humides dépérissent, laissant la place à une nouvelle génération d’arbre encore plus résistant. Inversement, que survienne une redoutable sécheresse : les arbres les plus faibles des crêtes dépérissent laissant la place à une nouvelle génération d’arbre encore plus résistant… Avec le temps, la diversité augmente et les capacités d’adaptation s’améliorent : ainsi est conçu l’évolution. http://www.intercarto.com/cms/produits/939/78/carte-du-kazakhstan-version-relief.html Mais la chose la plus étonnante nous est enseignée par la géologie. Il y a 40 millions d’années, les pommes, sur toute la planète, ressemblaient à nos pomme sauvages : amères, acides et dures ! La tectonique des plaques propulsa l’Inde contre l’Asie et l’Himalaya, et de grandes chaînes de montagnes apparurent, empêchant les cours d’eau de rejoindre l’océan. Des lacs fermés et des mers intérieures se formèrent. Le cycle fut rompu. Les saumons disparurent des cours d’eau. Sale temps pour les ours ! Dans l’incapacité de se nourrir correctement avant d’hiberner, ils se rabattirent sur les pommes. Certains devinrent même végétariens ! Les ours vivent longtemps et ils ont une bonne mémoire. Lorsque dans leur forêt ils repèrent un arbre plus sucré, ils y reviennent et propagent les graines dans leurs excréments. A la longue, les fruits sucrés, gouteux et charnus se répandent. Ceux des pommes, mais aussi ceux de tous les autres fruits… Pour finalement nous rendre compte que si nos fruits sont si bons, nous le devons à la conjonction d’un phénomène cataclysmique et à la gourmandise des ours. Il y a quelques 12 000 ans, alors que les hommes inventaient l’agriculture, quelques courageux explorateurs passèrent dans cette contrée et ramenèrent les fruits, les boutures et les graines de cette forêt infestée d’ours. De la Mésopotamie jusqu’à la Méditerranée, les cultures se rependirent, véhiculant les pommes, les fruits et l’idée d’un jardin perdu d’où tout aurait commencé... http://www.ecoledubreuil.fr/spip.php?page=article_affiche&id_article=327&id_rubrique=9 Dans le cadre de ses activités, l’ADIDA débute un programme collaboratif pour créer une collection partagée de Malus sieversii. L’enjeu est de contribuer à la conservation de ce patrimoine génétique fondateur et à mieux comprendre les interactions qui existent entre les différents fruits du verger et la flore sauvage. Pour en savoir plus, contactez-moi : [email protected] Bibliographie : Michael Pollan : The Botany of Desire: A Plant's-Eye View of the World ( 2001) Les collections : Report of a Working Group on Malus/Pyrus 2002 http://www.ecpgr.cgiar.org/fileadmin/bioversity/publications/pdfs/918_Report_of_a_working_group_on_Malus_Pyrus.pdf On peut aussi se référer aux travaux de François Laurens de l’unité Génétique et Horticulture, centre Inra Angers Nantes http://webtv.agriculture.gouv.fr/media/permalink/RGBogGDyEWvqrdZkn7KfTw== Et bien sur au film de Catherine Peix : "Les origines de la pomme ou le jardin d'éden retrouvé" http://www.originedelapomme.com/lefilm.html