COUP DE GUEULE

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COUP DE GUEULE
LE COIN DES LECTRICES
COUP DE GUEULE
Laïla Mamou
Président du directoire
de Wafasalaf
Laïla Mamou est Président de directoire
de Wafasalaf et Vice-présidente
de l’Association Professionnelle des
Sociétés de Financement. Parallèlement
à sa mission, elle s’intéresse de très
près au monde du coaching et devient
Coach professionnel certifié en 2008
et Médiatrice depuis 2012. Elle
s’investit par ailleurs activement dans
des associations d’actions citoyennes
qui œuvrent auprès de la jeunesse
marocaine telles qu’Al Jisr et Injaz Al
Maghrib, dont elle est l’Administrateur.
Secrétaire Général de l’EFE, association
qui agit pour l’amélioration de
l’employabilité des jeunes à travers
des programmes de formation et
de sensibilisation, Laila Mamou est en
outre membre fondateur et Vice
Présidente du «Club Entreprendre»
pour la promotion de l’entreprenariat
au Maroc. Elle est enfin membre du
«Club des Femmes Administrateurs»
pour la sensibilisation des dirigeants à
promouvoir la diversité dans les organes
de gouvernances.
I 56 I
n° 66 - Mars 2014
L
Les défis qui nous attendent pour faire de notre
Maroc un pays prospère pour tous, dans le respect
de chacun et qui rayonne dans sa région ne pourront
être relevés que si notre potentiel féminin, qui représente la moitié de la population, est mis en valeur.
La contribution de la femme au niveau éducatif,
social, économique et politique est une condition de
réussite de notre stratégie nationale et internationale.
La vitesse à laquelle évolue le monde, les mentalités,
les technologies nous impose de nous adapter tout en
gardant nos spécificités et notre identité.
Le sujet de la femme est aujourd’hui plus que jamais,
notre enjeu sociétal. Ce n’est pas un sujet de femmes
à traiter par les femmes seules, mais un sujet plus
global qui doit être transverse à la stratégie nationale
et aux différents plans qui en découlent, où le citoyen
est placé au centre.
Le mois de mars est une occasion de faire le point sur
les avancées. La dynamique de progrès dans laquelle
le Maroc est engagé, exige une éducation pour tous.
L’accès des filles à l’école a certes été amélioré mais
après le primaire les inégalités persistent. En effet, le
taux de scolarisation des garçons en ville est de 79%
contre seulement 26% pour les filles des campagnes.
C’est donc un combat sans relâche qui est mené, en
attestent la mobilisation continue de la société civile
et les différentes inaugurations royales de plusieurs
foyers pour jeunes filles.
La promulgation du code de la famille a vu le jour, il
ne faut cesser de le rappeler, grâce à la contribution
du mouvement féministe, imposé par la modernisation et la reconfiguration familiale, appuyé par la
très forte impulsion lors du discours royal d’octobre
2003. Un code qui apporte une amélioration importante à la condition juridique de la femme et qui
introduit une parité dans le couple car la famille est
désormais placée sous la responsabilité conjointe. La
polygamie y est contrainte, le mariage fixé à 18 ans
sauf dérogation validée par le juge, la limite de la
répudiation de la femme ainsi que la protection des
enfants et le droit de garde de la femme.
Une étape donc importante mais pas suffisante car
promulguer une loi est une chose, en assurer la
mise en application et le respect en est une autre. Le
mariage est fixé à 18 ans et pourtant, 10 ans après
la promulgation du code de la famille, le nombre
de jeunes filles mineures qui se marient ne cesse
d’augmenter (plus de 41 000 en 2012). 90 % des
demandes de dérogations faites au juge sont acceptées. La problématique des mères célibataires due au
vide juridique n’est toujours pas réglée. Nous avons
24 enfants abandonnés par jour et 100 enfants qui
naissent quotidiennement de parents non mariés. En
parallèle à cela, les avortements (environ 1400 par
jour selon l’association de lutte contre l’avortement)
doivent être régulés car les conditions dans lesquelles
ils sont effectués, du fait de leur interdiction, génère
de graves conséquences.
Le code de la famille prévoit le partage des biens mais
les nouveaux contrats de mariage ne font presque
jamais référence à cet article.
Au delà des lois, il s’agit d’un changement des mentalités et des comportements qui est long à opérer.
La question de l’héritage devra être traitée avec plus
de «ijtihad» car elle renforce l’inéquité. Les parents
devraient avoir le droit de léguer leurs biens de leur
vivant moyennant un document dûment reconnu
qui ne pourrait être contesté. Ce sera déjà un premier
pas car trouver des artifices pour vérifier que les frères
prennent en charge leurs sœurs qui en ont le plus
besoin est un non sens dans notre environnement
juridique.
Le code pénal a enfin connu un amendement en janvier 2014 concernant l’interdiction d’un violeur de
se marier avec sa victime pour échapper à la peine de
prison. La problématique de la violence à l’encontre
des femmes reste posée et son abolition devra être la
prochaine étape.
Au niveau économique, les femmes actives représentent 27,5 % (*) avec un chiffre étonnant au niveau de
Casablanca où les femmes actives ne représentent que
20%. Le nombre des femmes entrepreneures possé-
dant ou dirigeant une société représente 10% (**) du
nombre total, soit 9000 à 10 000 entreprises. Les
différentes politiques d’incitation à l’entreprenariat
féminin soutenues par les actions des différentes associations (ESPOD, AFEM...) continuent d’œuvrer
pour renforcer les formations, créer les opportunités
d’affaires et trouver des sources de financements
adéquats.
Le principe de parité est loin d’être respecté dans la
gouvernance des entreprises. Selon l’étude menée par
le groupe de travail «Gouvernance au féminin» de
l’Institut Marocain des Administrateurs, le nombre
de femmes administrateurs dans les entreprises est de
7% dont 5% dans les administrations publiques et
11% dans les sociétés cotées en bourse. En tant que
membre du club des femmes administrateurs, je suis
engagée auprès des membres de ce club présidé par
Mme Nezha Hayat pour sensibiliser les dirigeants à
promouvoir la diversité dans les organes de gouvernances, gage de performance.
Enfin, au niveau politique, l’article 19 de la nouvelle
constitution a là aussi permis une avancée notable où
la femme est en parité avec l’homme et prévoit une
Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes
de discrimination.
Des avancées il y en a certes, mais ce sont des
avancées qui, si elles ne sont pas accompagnées de
changements réels au quotidien, dans les comportements, mentalités et par l’exemplarité des hommes
politiques et des principaux acteurs économiques,
resteront fragiles. La mobilisation est donc nécessaire
d’une part pour consolider les acquis et d’autre part
pour maintenir l’effort d’intégration du potentiel
féminin qui plus que jamais, au vu de nos challenges,
est un réel projet sociétal, pré-requis pour permettre
au Maroc de se développer tant au niveau national,
qu’au niveau régional.
(*) HCP
(**) AFEM
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n° 66 - Mars 2014