Instant 65 - janvier 2016

Transcription

Instant 65 - janvier 2016
CENTRE DURCKHEIM
La Voie de l’action . . . pour une Sagesse exercée
D'instant en instant
(lettre trimestrielle d'encouragement à une pratique quotidienne)
Lettre N°65 - Janvier 2016
Lettre n°65 !
Jacques Castermane
Voilà donc … seize ans que cette lettre trimestrielle d’encouragement à une pratique régulière
de la méditation de pleine attention est adressée à celles et ceux qui sont intéressés par la Voie
tracée par Durckheim.
Les lettres du mois de janvier commencent traditionnellement, et c’est un bel usage, par le
mot : « vœu ». Vœu ! N’oublions pas que ce mot désigne principalement « Une promesse faite
à soi-même » ! Je vous laisse donc le soin de cette promesse qui, je le sais pour moi-même,
est heureusement accompagnée de cet adage : « Le chemin ? C’est tomber sept fois et se
relever … huit ».
Cette fois, je laisse à Dominique Durand le soin de vous encourager. Ce qu’elle écrit me
touche tellement que je n’ai plus qu’une chose à faire : reprendre jour après jour, en évitant de
pratiquer par cœur, l’exercice de la méditation ; cet exercice indissociablement corporel et
spirituel.
Quelques jours après avoir lu la lettre de Dominique voici ce que lisais dans un ouvrage de
François Cheng (Le Dit de Tian-yi – Ed. Le Livre de Poche - p. 412) :
« Laisser agir le temps ; laisser agir la chose elle-même. Je connais bien ce vieil adage.
Après l’effort humain, laisser les fruits et les plantes travailler à leur propre mûrissement ;
laisser un métier manuel ou une technique d’acrobatie travailler le corps de celui qui le
pratique. Le non-agir n’est pas tant de ne rien faire que de faire tout ce qu’il faut et de ne
plus « intervenir ». Ah, ne pas intervenir ! Ne plus intervenir ! »
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Le corps, lieu de discernement
Dominique Durand
Il ne devrait y avoir aucune polémique autour de la méditation, c'est une action on ne peut
plus ordinaire qui consiste à s'assoir, se sentir respirer, prêter attention à ce qui habituellement
ne présente aucun intérêt. Rentrer dans ce qu'il y a de plus commun et banal n'est ni dur, ni
exotique, ni nouveau, c'est une pratique vieille de 2500 ans. Des écrits innombrables se sont
échangés à ce propos, mais l'action, elle, reste la même, absolument identique, ce qui engage
Jacques Castermane à dire que la méditation n'est pas un mot.
Dans cette manière d'être assis, il n'y a aucun signe de préférence ou de rejet, parce qu'il faut
même oublier que l'on pratique zazen. Simplement apprendre l'absence de direction, l'absence
de projet pour soi.
Mais alors ? Que reste-t-il ? Rien de ce que le moi peut penser, imaginer, concevoir, espérer.
Rien de ce qui est écrit sur le zen ne peut susciter une quelconque transformation.
« Ce que c'est qu'un pin, apprends-le du pin », nous dit Bashô.
C'est l'action du corps qui nous influence, qui influence notre esprit et non l'inverse. Prenons
cet exemple tout simple, comme celui de ranger ses chaussures dans un vestiaire. S'il est
possible de laisser le corps dicter et définir un rythme juste dans le déroulé de cette action,
celle-ci ne puise plus son origine dans une règle extérieure ; il y a comme un changement de
direction : l'action se déroule en harmonie avec ce que le corps décide.
Nous devons mener toute action, y compris celle de méditer, non à partir d'un formalisme
externe, mais à partir d'une attitude qui précède la pensée. Ce que peut-être Dogen exprimait
en ces termes : « Penser à partir de la non-pensée ».
C'est l'action juste menée de façon juste qui nous indique le chemin et non pas l'idée que l'on a
de cette action. Etre assis est l'incitation directe à l'expérience personnelle, celle-ci prend la
place de l'observance d'une doctrine ou d'un ordre.
Dans le monde qui est le nôtre, nous faisons l'expérience douloureuse du danger des doctrines.
Le corps est un lieu de discernement et de clarté. Voir avec le corps, c'est éviter les dérives,
les cloisonnements, les pensées uniques. Bien sûr, nous ne parlons pas d'un corps
instrumentalisé ou objectivé, vu de l'extérieur, celui qu'on imagine, mais du corps vivant,
celui qui panse ses plaies sans même que l'on ait à intervenir, celui qui traduit en action ce que
le moi ne peut pas faire, qui participe d'un mouvement qui ne s'arrête jamais.
La méditation, que nous n'appelons pas méditation..., devient une pratique nécessaire pour
revenir au point de départ d'un processus qui ne finit jamais. Grâce à la pratique, réapprendre
la différence entre une attitude juste et un pur formalisme : s'assoir et c'est tout.
Le formalisme est une menace pour chacun d'entre nous si nous pratiquons une assise
illusoire. Cette « action thérapeutique », nommée ainsi par Jacques Castermane, est plus que
jamais essentielle. Le corps est en-dehors de toute doctrine.
La méditation doit vraiment faire partie de notre quotidien en tant que garde-fou par rapport à
la folie de l'ego.
« Tout homme éveillé au chemin initiatique perçoit la voix du maître dans la rencontre avec
son propre corps » (Karlfried Graf Dürckheim : « Le Maître intérieur »).
CENTRE DURCKHEIM
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