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Nouveaux matériaux à base de Mn, Ce et Zr pour le traitement catalytique de composés organiques volatils Saïd Azalim1,2,3,4, Rachid Brahmi4, Mohammed Bensitel4, Jean-Marc Giraudon1,2,3, Jean-François Lamonier 1,2,3 [email protected] 1 Univ Lille Nord de France, F-59000 Lille, France CNRS, UMR8181, France 3 USTL, Unité de Catalyse et de Chimie du Solide F-59652 Villeneuve d’Ascq, France 4 UCD, Laboratoire de Catalyse et de Corrosion des Matériaux, Faculté des Sciences, 24000 El Jadida, Maroc 2 Mots clés : COV, butanol, sol-gel, oxyde mixte Zr-Ce-Mn. 1- Introduction Au cours des cinquante dernières années, l’explosion démographique, le développement des activités industrielles et agricoles et la multiplication des moyens de transport ont entraîné un profond changement de notre environnement et notamment une modification de la composition chimique de l’atmosphère. Ce phénomène, dit de « pollution atmosphérique » est de plus en plus médiatisé et suscite depuis peu une réelle prise de conscience collective. Dans le cadre de programme de gestion de la pollution de l’air, les rejets de polluants atmosphériques sont soumis à des réglementations de plus en plus strictes. Ces réglementations concernent non seulement les aérosols d’origine anthropique à haute teneur en carbone (souvent appelés "suies"), les oxydes d’azote, mais également les Composés Organiques Volatils (COV). De part leurs diverses provenances, la nature des COV est très variée. Les COV regroupent une multitude de substances constituées de carbone et d’hydrogène. Ce dernier pouvant parfois être substitué par d’autres atomes comme des halogènes, l’oxygène, le soufre, l’azote ou encore le phosphore. Souvent définis en fonction de leurs caractéristiques physiques et chimiques, ces composés sont considérés comme des polluants, car leurs actions directes (toxicité importante de certains COV) ou indirectes (précurseur de l’ozone troposphérique) sont nocives pour la santé humaine [1]. La destruction de ces COV par oxydation catalytique est une des voies utilisées afin de limiter des rejets de ces composés dans l’atmosphère. Les formulations catalytiques actuellement les plus efficaces sont à base de métaux nobles (Pt et Pd) déposés à la surface d’un support. Ces solides présentent une bonne activité et une grande sélectivité dans de nombreuses réactions d’oxydation de COV [2-5]. Cependant, le coût de ces catalyseurs et leur sensibilité à l’empoisonnement par des composés chlorés ou soufrés [6-8] font que de nouvelles formulations de catalyseurs moins coûteuses mais toute aussi performantes sont à l’étude. Dans cette optique, plusieurs auteurs préconisent la substitution des métaux nobles par des métaux de transition tels que le manganèse [8]. Dans le but de mettre au point un catalyseur actif et peu onéreux (absence de métal noble), nous avons choisi dans cette étude de développer de nouveaux matériaux catalytiques massiques à base de Mn, Ce et Zr. Le procédé sol-gel a été utilisé pour préparer des oxydes mixtes de composition variable Zr0,4(MnxCe1-x)0.6O2. Ces catalyseurs ont 6ème édition des Journées Interdisciplinaires de la Qualité de l’Air 4 & 5 février 2010 été testés dans la réaction d’oxydation du 1-butanol (choisie comme molécule modèle de Composés Organiques Volatils de type oxygéné). 2- Partie expérimentale 2.1- Synthèse Le protocole de synthèse consiste à dissoudre la quantité nécessaire de nitrate de zirconyle (ZrO(NO3)2, 5H2O, (ALDRICH) P = 99%, nitrate de cérium (Ce(NO3)3, 6H2O, (Alfa Aesar) P = 99.5% et le nitrate de manganèse (Mn(NO3)2, 5H2O, (Alfa Aesar) P= 99.98% dans l'éthanol pour avoir une concentration de 0,5 mole/L, la solution formée est ensuite mise dans un bain d’eau chaud à 80°C sous agitation vigoureuse. L’eau distillée est ajoutée goutte à goutte (volume d'eau = 5% du volume d'éthanol) à la solution, le gel formé après quelques minutes étant laissé à 80°C pendant 1h30 puis à température ambiante pendant une nuit pour maturation. L’évaporation d’excès d’éthanol dans un bain de sable à 60°C est ensuite réalisée. Après une étape de séchage à 100°C pendant une vingtaine d'heures, le solide est finalement calciné à 500°C sous air. Des oxydes mixtes de composition variable Zr0,4(MnxCe1-x)0.6O2 ont ainsi été préparés. 2.2- Caractérisation physico-chimique Les analyses DRX ont été réalisées à température ambiante sur un diffractomètre D8 Advance de marque BRUKER. Ce diffractomètre est équipé d’une anticathode en cuivre. Les données ont été collectées dans un domaine angulaire en 2 allant de 10 à 80° avec un pas de mesure de 0,02° et un temps d’intégration de 2 secondes. La taille des cristallites a été déterminée à partir de l'équation de Scherrer. Le paramètre de maille a été estimé à l'aide de logiciel FullProf. Les propriétés texturales ont été évaluées sur un appareil de marque Micromeritics ASAP 2010 qui nous renseigne notamment sur la surface spécifique et le volume poreux des échantillons à partir des isothermes d'azote à -196°C. Avant toute mesure, il est nécessaire de dégazer l’échantillon (environ 200 mg est dégazé à 160°C pendant 4h). Les analyses en Réduction Thermo-Programmée (RTP) sous H2 ont été réalisées sur un appareil Micromeretics Autochem II. L’échantillon est balayé par un flux d’hydrogène dilué dans l’argon (5% H2/Ar). Le suivi de la quantité d’hydrogène consommé en fonction de la température est réalisé avec une rampe de 5°C min-1 de 20 à 900°C. L’analyse par Spectroscopie de Photoélectrons induits par rayons X (SPX) a été effectuée sur un appareil VG ESCALAB 220XL, l’irradiation X de l’échantillon est effectuée dans des conditions d’ultra vide (inférieure à 10-7 Pa) à température ambiante avec une source de type aluminium K (h =1486,6 eV). Le mode de fonctionnement de l’analyseur hémisphérique est tel que E = 40 eV. La puissance de la source est maintenue à 300 W. 2.3- Test catalytique Les performances des catalyseurs ont été évaluées dans la réaction d’oxydation totale du 1-butanol. Au cours du test, un mélange gazeux constitué de butanol et d’air dans des proportions définies (0,1 mL min-1 de butanol et 99,9 mL 6ème édition des Journées Interdisciplinaires de la Qualité de l’Air 4 & 5 février 2010 min-1 d'air) traverse le catalyseur (100 mg). L’oxydation du COV est suivie en fonction de la température de la réaction de la température ambiante jusqu'à 400°C (0,5°C min-1). Les gaz en sortie sont analysés par une chromatographie en phase gazeux VARIAN CP 3800 équipée d’un FID et d’un TCD. 3- Résultats et discussion La figure 1 présente les diffractogrammes RX des échantillons Zr(0.4)Ce(0.6-x)Mn(x)O2. Pour le support Ce0.6Zr0.4O2, l’identification par comparaison avec la base de données « Powder diffraction file (PDF) » de l'ICDD, met en évidence l’absence des pics de diffraction de ZrO 2 et la présence de phase proche de la cérine (PDF 81-0792). L'insertion de Zr4+ dans la structure cubique CeO2 (structure fluorine) pour former une solution solide Ce–Zr–O est vraisemblable car une diminution du paramètre de maille « a » est observée en comparaison de celui relevé dans la littérature pour la cérine pure [9]. Ce résultat est en accord avec la substitution de cations Ce4+ (r = 0,97Å) par des cations Zr4+ de rayons plus petit (r = 0,84Å). Lorsqu'on ajoute une faible quantité de manganèse, la structure type fluorine est préservée. L’absence des pics de diffraction d’oxydes de manganèse et zirconium pour l'échantillon Zr0.4Ce0.12Mn0.48O2 semble confirmer l'incorporation d’espèces de Mn et Zr dans la structure de CeO2 formant une solution solide Mn– Ce–Zr–O [10]. La diminution du paramètre de maille « a » de l'échantillon Ce0.48Zr0.4Mn0.12O2 est de 0,012 Å, en accord avec les rayons ioniques plus faibles de Mnn+ (Mn2+ = 0,83Å, Mn3+ = 0,64Å, et Mn4+ = 0,53Å). L'augmentation de la teneur en manganèse diminue le degré de leur cristallinité et rend même l’échantillon complètement amorphe pour le solide le plus riche en Mn. Des conclusions similaires ont été observées par d'autres auteurs [10,11] sur des systémes Mn-Ce-O. Cependant l'ajout de zirconium retarde la cristallisation des solides. L'ajout de manganèse au système Zr-Ce-O a un effet très positif sur la surface spécifique (Tableau 1) puisque celle-ci augmente avec la teneur en Mn. Elle est même doublée pour le solide Zr0.4Ce0.48Mn0.12O2 qui possède une surface spécifique remarquable de 200 m2 g-1. Ces résultats sont en parfait accord avec la diminution de la taille des cristallites (déterminée par DRX) de 4,5 nm pour x= 0 à 1,2 nm pour x= 0,24. Tableau1: Surface spécifique, taille des cristallites, consommation d'H2 et composition massique et de surface. échantillons Taille SBET Consom. Composition composition 2 -1 des d'H de volume de Surface 2 (m g ) -1 cristallit Ce/(Ce+Mn) (SPX) (µmol g ) e (nm) Ce/(Ce+Mn) Zr0.4Ce0.6O2 4,5 98 960 1 1 Zr0.4Ce0.48Mn0.12O2 2,8 110 1700 0,79 0,60 Zr0.4Ce0.36Mn0.24O2 1,2 157 2420 0,58 0,43 Zr0.4Ce0.24Mn0.36O2 163 2880 0,45 0,28 Zr0.4Ce0.12Mn0.48O2 199 3470 0,19 0,20 6ème édition des Journées Interdisciplinaires de la Qualité de l’Air 4 & 5 février 2010 Fig. 1 Diffractogrammes RX des échantillons calcinés. Conversion of 1-Butanol (%) 100 Fig.2 Evolution de la consommation d’H2 en fonction de la température pour les différents solides calcinés. C60Z40 Ce0.60Zr0.40O2 Ce0.48Zr0.40Mn0.12O2 C48Z40M12 80 Ce0.36Zr0.40Mn0.24O2 C36Z40M12 Ce0.24Zr0.40Mn0.36O2 C24Z40M36 60 C12Z40M48 Ce0.12Zr0.40Mn0.48O2 40 20 Temperature ( C) 0 20 120 220 320 Fig. 3. Activité catalytique en conversion du 1-butanol des différents solides Zr(0.4)Ce(0.6-x)Mn(x)O2 Les profils de réduction en température programmée obtenus sous H2 pour les oxydes Zr(0.4)Ce(0.6-x)Mn(x)O2 sont présentés sur la figure 2. Les consommations totales d’H2 sont données dans le tableau 1. Dans le cas de l'échantillon Ce0.6Zr0.4O2, le début de réduction à 295°C a été attribué à la réduction de la cérine de surface, plus accessible est donc plus facilement réductible, et à la réduction partielle de la cérine située plus en volume. Lors de l’ajout de manganèse, on note que (i) les oxydes formés sont plus facilement réductibles par ajout de manganèse (ii) les enveloppes des courbes sont quasi similaires (iii) la consommation d’H2 varie linéairement avec l’ajout de manganèse (Tableau 1). Si on considère que Mnn+ est complètement réduit en Mn2+ , que Zr4+ est non réduit dans l’intervalle de température étudié, et que le rapport Ce3+/Ce4+ reste inchangé, le nombre d’oxydation moyen est légèrement supérieur à 3 pour tous les échantillons. L’augmentation de la consommation d’H2 est en fait due à l’augmentation des sites réductibles en accord avec l’augmentation de la surface spécifique. L’analyse XPS par l’étude des niveaux 3d du cérium et 2p du manganèse confirme (i) la présence de Ce4+ en surface (Ce3+ est minoritaire) (ii) que le manganèse est présent majoritairement sous la forme de Mn3+ pour tous les échantillons. La comparaison de la composition massique et de surface (Tableau 1) confirme l’absence de ségrégation de phase sauf pour l’échantillon Zr0.4Ce0.12Mn0.48O2 pour lequel un enrichissement en Mn est observé. 6ème édition des Journées Interdisciplinaires de la Qualité de l’Air 4 & 5 février 2010 Les résultats des différents catalyseurs dans l’oxydation totale du butanol sont reportés dans la figure 3. Cette oxydation est d’autant plus facile que la quantité en Mn augmente sauf pour le catalyseur Zr0.4Ce0.24Mn0.36O2. Zr0.4Ce0.12Mn0.48O2 présente une très grande activité et sélectivité, CO2 étant le seul produit carboné identifié lorsque le butanol est complètement converti. 4- Conclusion Ces résultats ont montré que notre méthode de préparation sol-gel permettait d’obtenir des solides très divisés ayant des propriétés texturales très intéressantes comparativement aux méthodes sol-gel conventionnelles [12] puisque de grandes aires spécifiques ont été obtenues pour les solides riches en Mn. L’étude par DRX a montré que l'ajout de manganèse rendait amorphe la structure. Les propriétés redox de ces nouveaux matériaux ont été également exaltées. En effet, l'étude TPR sous H2 a révélé la formation d’espèces de manganèse et /ou de cérium très facilement réductibles. L’activité catalytique en conversion du 1-butanol des différents solides dépend de ces différentes propriétés et le meilleur catalyseur a été obtenu pour la composition Zr0,4Mn0.48Ce0.12O2. Références [1] P. Le Cloirec, “Les composés organiques volatils (COV) dans l’environnement“, école des mines de Nantes, Tec & Doc Lavoisier, Paris (1998). [2] Z. Mingqian, Z. Bing , T.C. Karl, Appl. Catal. B: Environ. 13 (1997) 123. [3] C.S. Jeffrey , T.Y. Chang, Catal. Today 44 (1998) 111. [4] P. Papaefthimiou, T. Ionnides, X.E. Verykios, Appl. Catal. B 15 (1998) 75. [5] S. Vigneron, V. Papadopoullos, J. Hermia, « Environmental Catalysis », G. Centi (Ed.), (1995) 595. [6] J.J. Spivey, J.B. Butt, Catal. Today 11 (1992) 465. 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