1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 1 - Georges

Transcription

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 1 - Georges
Thème. Guilbert. 2015-2016 – Droit Langues L1
Certifié non conforme
Clémentine Goldszal
Vanity Fair (édition française) juin 2015
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 La photo sépia d’un jeune garçon en T-shirt jaune poussin orné d’une inscription « Chick
Magnet » (aimant à meufs), un lien vers le site d’hébergement audio SoundCloud pour aller
instantanément écouter la pépite... Cela suffit parfois, au troisième millénaire, pour lancer une carrière.
Mais Shamir Bailey n’a eu besoin que d’une nuit. C’était en février 2014 et c’était sur Pitchfork, le site
musical américain le plus influent, celui qui fait et défait les buzz et les tendances. Mercredi 26 février,
un très court article présente le « meilleur nouveau morceau » du jour. Titre : « If It Wasn’t True ».
Pitchfork allume la mèche et Internet commence à frémir. Par Facebook, par Twitter, par e-mail pour
les plus technologiquement empêchés, on se repasse le fameux lien SoundCloud. Shamir y regarde
droit dans l’objectif dans une invitation douce, semble coiffé comme Will Smith dans Le Prince de BelAir, a un piercing entre les deux narines, très jeune, très beau. Le morceau est une bombinette
dansante assez irrésistible, à la production rudimentaire, à la mélodie accrocheuse. La voix est
perchée, lascive ; l’ensemble, férocement efficace. Nous sommes en 2014 : n’importe quel gamin peut
produire tout seul sa musique dans sa chambre. L’article de Pitchfork évoque « un chanteur de 19 ans
venu de Las Vegas » et qualifie la chanson de « sexy, dissonante, sûre d’elle quoiqu’un peu
dilettante ».
Durant les mois qui suivent, le site interviewe Shamir, le rencontre. Le 15 mai, il est « la star
montante ». Fin octobre arrive un clip qui scelle la trajectoire de toute pop star en devenir. SoundCloud,
c’est pour les gamins curieux et les adultes mélomanes, YouTube, c’est pour tout le monde – et même
plus. Cette fois-ci, la chanson s’appelle « On The Regular », la vidéo est comme une explosion dans
une usine de confettis : colorée, tonique, vive... Le titre, mi-rappé mi-chanté, à l’électronique pondérée
par la voix chaude de Shamir, est un tube-né. Le chanteur y évolue au milieu de ballons multicolores,
minaude, irradie d’une forme de confiance en soi mêlée à l’inconfort pour qui n’en a pas l’habitude, de
se retrouver devant une caméra. À sa manière, il est fascinant car il résume l’époque. C’est léger,
drôle, référencé années 1990 mais résolument moderne, réalisé avec assez peu de moyens pour que
la caution « indé » soit respectée, que chacun ait le sentiment de découvrir un inconnu et puisse se
délecter du frisson qui traverse le mélomane quand il détecte une nouvelle voix à aimer. Le single sort
en même temps sur le label anglais XL, l’un des plus crédibles au monde (Adele, Beck, The White
Stripes ou Radiohead y sont chez eux). En France, Radio Nova aime, le clip est posté, liké, reposté,
retweeté, Le Grand Journal invite Shamir pour son tout premier live le 8 décembre. On le tient, notre
Stromae américain !