Reportage Irak 1
Transcription
Reportage Irak 1
magenta jaune cyan noir ENQUETE * BAGDAD, QUARTIER DE GAZALIYA, AVRIL 2006. A 100 m d’un poste de police pris pour cible, les Américains demandent aux commerçants, eux-mêmes souvent attaqués par les insurgés, de rapporter ce qu’ils voient de suspect. (LP/THOMAS CANTALOUBE.) BAGDAD, QUARTIER D’ABOU GHRAIB, AVRIL 2006. Avec l’appui des Américains du peloton du Capitaine Tekifian, la police irakienne monte un checkpoint sur l’autoroute qui va de Bagdad à Falloudja. (LP/THOMAS CANTALOUBE.) En patrouille avec les soldats américains en Irak CONFLIT. Le 1er mai 2003, George W. Bush annonçait la fin de la guerre en Irak, après cinq semaines de campagne militaire. Pourtant, les soldats américains sont toujours englués dans le piège de la guérilla. Notre reporter a passé une semaine avec les GI. Enquête réalisée par notre envoyé spécial à Bagdad (Irak) et Tampa (Etats-Unis) : Thomas Cantaloube Bagdad (Irak) A U LOIN, un panache de fumée noire sélève dans le ciel. Sur la base américaine de Camp Liberty, jouxtant laéroport de Bagdad, personne ny prête attention. Les hélicoptères Blackhawk poursuivent leur ballet dans le ciel de la capitale irakienne, transportant officiels civils et officiers pressés entre les fortins militaires et la zone internationale protégée du centre-ville. Une compagnie dinfanterie achève ses ultimes préparatifs avant de grimper dans les Humvee blindés pour sortir en patrouille. Seul un médecin tend loreille afin de décoder le babillage de la radio et savoir sil doit se préparer à réceptionner des blessés. On apprendra plus tard que les volutes sombres proviennent dun attentat à la voiture piégée sur un marché, qui a fait plusieurs victimes dans la foule irakienne. Aucun Américain ne figure dans le bilan. Une journée ordinaire à Bagdad. Depuis trois ans quils sont arrivés dans les sables de Mésopotamie, les Américains ont eu le temps détablir leurs quartiers, presque comme chez eux. Si les têtes pensantes de lambassade et de létat-major se sont installées sur les berges du Tigre, au sein de lancien complexe de palais et de bâtiments gouvernementaux de Saddam Hussein, lessentiel des forces de lOncle Sam réside dans des camps fortifiés aux quatre coins de lIrak. La 10e division contact permalongtemps. Même si le gros des at200 km TURQUIE nent aussi bien taques des terroristes et des insurgés dinfanterie (la avec la base 1-10th Mounporte maintenant contre les forces quavec les tain), chargée de armées irakiennes et contre les civils, autres engins de la sécurité de SYRIE les Américains noublient pas quils LUSIEURS attaques, dont IRAK la patrouille. louest de Bagdemeurent des cibles tentantes. trois attentats suicides, IRAN Dans les rues de dad, est installée Lorsquils sortent de leurs véhicules, deux à Badgad et le troisième Bagdad, les Iraà Camp Liberty. le contraste entre leur aspect « tordans la ville sainte de Kerbala, Falloudja kie ns g a re n t Des préfabriqués tues ninjas » et les Bagdadis en bras ont été perpétrés hier en Irak, prudemment climatisés, des cade chemise est saisissant. Les enBAGDAD provoquant la mort de 32 perleurs voitures fés Internet, un gifants samusent de leurs postures de sonnes, des civils et des polisur le bas-côté gantesque supercombat (genou à terre, arme à ciers. Déjà, samedi, cinq soldats lorsque les marché vendant lépaule), mais pour les GI, cest un britanniques avaient péri à BasKOWEIT convois blindés aussi bien des geste de survie. « Une balle ou une sorah lors de la chute de leur héestampillés US consoles de jeu grenade peut nous frapper à chaque ARABIE SAOUDITE licoptère, probablement abattu que de la mousse Army surgissent. instant, commente le sergent Giza. par une roquette. La police iraà raser, plusieurs mess où des milCela évite lincompréhension des Nous ne restons jamais plus de kienne a découvert 45 corps criliers de repas sont servis quotidienpremiers mois de loccupation, trente minutes au même endroit. » blés de balles à Bagdad et dans nement, des salles de gym, des bus lorsque les soldats tiraient facileles environs, tués vraisemblaMalgré toute la technologie, la capour rallier les différents points de la ment sur les véhicules qui sapproblement dans des affrontements pacité dadaptation et linfrastructure base, une poste et des services banchaient deux. En retour, les conducà caractère confessionnel. Elle a de larmée qui brandit la bannière caires, des centaines de véhicules alteurs des Humvee acceptent également mis au jour un atelier étoilée, lIrak demeure un pays hoslant du kart de golf au char Abrams, désormais de patienter dans les emde fabrication de voitures piétile pour les Américains. Et le restera larmée américaine ne se déploie pas bouteillages de la capitale… à gées et saisi des explosifs. probablement longtemps. à la légère. Le soir, lorsque le soleil se condition quils ne durent pas trop couche, des odeurs de barbecue envahissent le camp. « Si seulement on pouvait se siffler une caisse de bière », soupirent unanimement les à côté de laéroport de Bagdad, un graffiti encore plus Firebase Courage GI qui en sont réduits à boire des erradical : « Tout ce dont nous avons besoin, cest dune (entre Bagdad et Falloudja Irak) satz non alcoolisés. La hiérarchie p… de bombe H et nous pourrons tous retourner à la militaire a été ferme : pas dalcool en maison ! » Malgré ces fréquentes complaintes des enpays musulman — mais le porc na gagés, qui pestent contre la longueur et la difficulté de N FERAIT MIEUX de se barrer dici, on pas été banni, comme en témoileur déploiement en Irak (une année complète contre narrivera à rien ! » A 23 ans, le sergent gnent le bacon et les saucisses du petrois ou six mois pour les missions antérieures), larmée Lyall est un vétéran de la bataille de Faltit déjeuner. américaine nest pas — encore — devenue la machine loudja, de la guerre en Afghanistan, et des opérations réticente et démoralisée de lépoque du Viêt Nam. de maintien de la paix en Bosnie et au Kosovo. A Fire« Notre tâche nest pas facile et elle sera longue », base Courage, autour dun plateau-repas de pizzas déDes gilets pare-balles explique, volontariste, le lieutenant Janora. « Il faut réacongelées, après une journée de patrouille qui a comde 29 kg liser que la Corée du Sud a mis quarante ans, après la mencé à 4 heures, il nest pas vraiment enthousiaste fin de la guerre, pour devenir une vraie nation démosur sa mission. « Il faut être franc : notre occupation de A lextérieur du camp, le monde est cratique. Or lIrak part de plus loin que la Corée. » « Je lIrak coûte un argent fou, alors que nous avons nos bien différent. Les Américains ne ne sais pas si les Etats-Unis pourront rester longtemps propres problèmes à régler aux Etats-Unis. On ne sortent pas à moins de quatre Humici, confie un capitaine, mais les officiers sont motivés pourra pas tenir ainsi des années. » Un autre soldat, qui vee blindés avec leurs mitrailleurs et ont vraiment à cœur de réussir à stabiliser le pays et à ne met pourtant jamais le nez hors du camp grâce à ses sur le toit, ni sans avoir revêtu leurs le lancer sur les rails de la démocratie. Personne, parmi fonctions de cuisinier, est franchement pessimiste : gilets pare-balles qui pèsent 29 kg ! les gradés, nest défaitiste. Nous avons une tâche à ac« On ne sen sortira pas avant trente ans. Cest pourri Dans chaque véhicule, une armada complir et nous y parviendrons. Nous le devons aux ici ! Jai hâte de rentrer chez moi. » de gadgets permet de suivre son parIrakiens. » Dans les toilettes chimiques de Camp Liberty, juste cours par satellite et de rester en Un week-end meurtrier P Le blues du sergent Lyall «O 10 LUNDI 8 MAI 2006 magenta jaune cyan noir