La loi renforçant la lutte contre la contrefaçon
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La loi renforçant la lutte contre la contrefaçon
LA SEMAINE DU DROIT APERÇUS RAPIDES 416 PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 416 La loi renforçant la lutte contre la contrefaçon POINTS-CLÉS ➜ La loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon réforme des délais de prescription ➜ Elle cherche également à éclairer ou renforcer des dispositions relevant de l’évaluation des dommages et intérêts, le droit d’information, les outils probatoires et l’action des douanes Nicolas Binctin, professeur agrégé des facultés de droit, université de Poitiers - CECOJI L e sénateur Yung est enfin parvenu à faire adopter une réforme de la propriété intellectuelle. Le dynamisme de ce parlementaire est couronné, après plusieurs tentatives infructueuses, par la publication de la loi renforçant la lutte contre la contrefaçon (L. n° 2014-315, 11 mars 2014 : JO 12 mars 2014, p. 5112). Une loi dont le contenu a une portée variable. Dans la forme, on aurait aimé une expolition, il s’agit en fait d’un trouble obsessionnel compulsif. Le législateur, faute d’une réforme structurelle du Code de la propriété intellectuelle, répète les mêmes dispositions pour chacun des droits de propriété. L’inélégance de la formule laisse, en plus, survivre quelques variantes qui pourraient influencer l’interprétation. Dans le fond, la loi instaure un mécanisme de formation professionnelle continue pour les conseils en propriété industrielle, étend la notion de contrefaçon aux atteintes aux indications de provenance, ou encore, précise le régime des bases de données. Si ces interventions peuvent être saluées, elles n’ont pas une portée majeure. Il n’en va pas de même pour la réforme des délais de prescription. Le délai de prescription de l’action en paiement contre les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) est réduit de moitié, passant à cinq ans, ce qui fragilise les auteurs. La prescription des actions en revendication des droits de propriété est, en revanche, portée à cinq ans au lieu de trois pour les dessins et modèles, les brevets, les obtentions végétales et les marques. Cette mesure est favorable aux créateurs spoliés… situation plus rare que celles de créanciers non payés des SPRD. Surtout, pour ces titres de propriété, le délai de prescription de l’action en contrefaçon est allongé, passant de trois à cinq ans. Ce délai constitue un élément important de l’équilibre du mécanisme d’appropriation. L’allongement du délai de prescription est une mesure en faveur du propriétaire qui dispose de plus de temps pour agir. Une réforme d’une telle ampleur aurait pu nourrir d’avantages de débats. Par ces modifications, une harmonisation des délais de prescription pour l’ensemble de la propriété intellectuelle est obtenue, démarche que l’on soutient sans réserve. En revanche, émerge une difficulté d’application dans le temps de la loi, certaines dispositions allégeant la sanction possible et d’autres l’alourdissant, il faudra veiller à retenir la sanction la plus légère pour les contrefaçons accomplies avant la loi et sanctionnées après. On regrette que le législateur n’ait pas profité de cette réforme pour préciser la nature instantanée ou continue de l’infraction. Toujours au chapitre des délais, la loi intègre un délai pour engager une action au fond après des mesures adoptées pour faire cesser une atteinte aux droits d’un producteur de base de données, mais renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer ce délai. Il eut été possible de retenir la même solution que celle adoptée pour engager une LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 14 - 7 AVRIL 2014 action au fond après une saisie-contrefaçon, et fixer ce délai par la loi. Au-delà de ces éléments, la loi cherche à éclairer ou renforcer des dispositions relevant de quatre domaines, en précisant les solutions issues de la réforme de 2007 (L. n° 20071544, 29 oct. 2007 : JCP G 2007, I, 205, Étude C. Caron) : l’évaluation des dommages et intérêts, le droit d’information, les outils probatoires et l’action des douanes. 1. L’évaluation des dommages et intérêts Convaincu qu’un montant élevé de dommages et intérêts a un effet dissuasif pour les contrefacteurs, le législateur cherche une méthode d’évaluation de ceux-ci adaptée à l’immatérialité des objets appropriés et à leur intérêt économique. Sans rompre explicitement avec le dogme d’une réparation stricte et limitée à l’atteinte aux biens, la directive 2004/48 Enforcement avait ouvert des brèches dans les méthodes d’évaluation des dommages et intérêts. Cela fut repris par le législateur en 2007. En vue de l’adoption d’une nouvelle directive Enforcement, la Commission a conduit une enquête sur la perception des mesures actuellement en vigueur dans l’UE qui laisse entrevoir que les réformes de 2004 n’ont certainement pas éteint tous les feux (http://ec.europa.eu/internal_market/consultations/2012/intellectual-propertyrights_fr.htm). Sans remettre en cause les effets de l’harmonisation européenne, la loi précise les éléments devant être pris en considération par Page 657 416 les juges. L’alternative d’évaluation créée en 2007 (N. Binctin, La preuve et l’évaluation du préjudice : Comm. com. electr. 2010, étude 7). est maintenue, elle ajoute, d’une part, que pour fixer les dommages et intérêts, le juge doit prendre en considération distinctement les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subie, le préjudice moral, et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits. L’apport est limité, il faudra simplement dorénavant que le juge distingue ces chefs dans sa décision. Encore faut-il que les parties lui apportent les éléments nécessaires à cela. Il est dommage que le législateur utilise la notion de préjudice moral qui risque de se confondre avec l’atteinte au droit moral. D’autre part, en cas d’évaluation forfaitaire de la réparation, le juge doit intégrer dans la réparation le préjudice moral. Il aurait été préférable, une fois encore, de distinguer clairement le droit moral et le préjudice moral. Cette réforme du calcul des dommages et intérêts s’applique à l’ensemble de la propriété intellectuelle. Il n’y a dans ces éléments aucune révolution copernicienne pour l’évaluation et l’on doute qu’elle emporte une évolution sensible de la pratique des juridictions (C. Maréchal, L’évaluation des dommages-intérêts en matière de contrefaçon : RTD com. 2012, p. 245). 2. Le droit d’information Le droit d’information fut une innovation importante de la loi de 2007 dont l’utilisation a soulevé quelques difficultés, notamment les conditions dans lesquelles il était possible de le mettre en œuvre (N. Binctin, Droit de la propriété intellectuelle : LGDJ, 2012, 2e éd., n° 1257 et s.). La Cour de cassation a répondu à ces difficultés, le législateur pour l’essentiel conforte cette interprétation (Cass. com., 13 déc. 2011, n° 10-28.088 : JurisData n° 2011028398 ; D. 2012, p. 90 ; Comm. com. électr 2012, comm. 14, obs. C. Caron). La loi indique maintenant expressément que la demande d’information peut être présentée au fond comme en référé, et avant même que l’existence de la contrefaçon soit consta- Page 658 tée. Il suffit d’être en présence de biens argués de contrefaçon. C’est une lecture extensive du droit d’information qui est retenue. 3. La saisie-contrefaçon La loi apporte quelques précisions globalement heureuses pour le régime de la saisiecontrefaçon. Un pas important est accompli pour la propriété littéraire et artistique en supprimant du Code de propriété intellectuelle des procédures surannées. Elle apporte une réponse nette à la possibilité d’articuler les procédures de droit commun et la saisiecontrefaçon. A. - La propriété littéraire et artistique On avait regretté que la réforme de 2007 n’ait pas supprimé les solutions processuelles désuètes du Code de la propriété intellectuelle. C’est une chose accomplie grâce à la refonte dans son ensemble de l’article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle (L. n° 2014-315, art. 4) qui s’aligne sur le droit commun de la saisie-contrefaçon. Exit la saisie réalisée par le commissaire de police ou le juge d’instance. La propriété intellectuelle gagne en cohérence. Le nouvel article L. 332-1 appelle deux remarques. D’une part, il laisse pendante l’incertitude quant à la conformité de la procédure française de saisie-contrefaçon aux dispositions de la directive et des ADPIC (Fl. Lucas, N. Binctin, La saisie contrefaçon, Étude comparée franco-canadienne : RIDA, janv. 2014, à paraître). D’autre part, il ouvre largement les catégories de personnes ayant qualité à agir. En effet, si le pouvoir des auteurs et des ayants droit est classique, on est surpris de trouver l’ensemble des ayants cause. L’ayant cause est le co-contractant, notamment le licencié exclusif ou non exclusif. L’ouverture de l’action en contrefaçon à des licenciés simples est une extension originale. Cette solution devra être articulée avec les dispositions de l’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle qui propose une lecture plus stricte des personnes ayant qualité à agir en contrefaçon. Cette saisie-contrefaçon, identique pour le droit d’auteur et les droits voisins, permet la saisie réelle de tout document se rapportant aux œuvres prétendument contrefaisantes. Elle prend la forme d’une saisie réelle ou d’une saisie-descriptive, et s’étend aussi à la saisie du matériel utilisé pour produire ou distribuer la contrefaçon. On pense aux équipements informatiques permettant la diffusion illégale d’œuvres en ligne. La saisie porte sur les exemplaires constituant une reproduction illicite d’une œuvre protégée ou de tout exemplaire, produit, appareil, dispositif, composant ou moyen portant atteinte aux mesures techniques de protection et d’information. La loi confirme de façon heureuse la possibilité de saisir les recettes attachées à l’exploitation de contrefaçons. La saisiecontrefaçon peut être utilisée non seulement pour obtenir la preuve de l’atteinte au droit de propriété mais aussi pour empêcher l’introduction ou la circulation dans les circuits commerciaux de ces biens hors commerce. Dans le cadre de cette procédure, il est aussi possible d’obtenir la suspension ou la prorogation des représentations ou des exécutions publiques en cours ou déjà annoncées, la suspension de toute fabrication en cours tendant à la reproduction illicite d’une œuvre ou à la réalisation d’une atteinte aux mesures. Le juge peut subordonner l’exécution de ces mesures à la constitution de garanties. Dans le même esprit, la loi réforme l’article L. 3323 du Code de la propriété intellectuelle (L. n° 2014-315, art. 5) et écarte la sanction de la main levée au profit de la nullité de la saisie en cas d’absence d’action au fond dans les délais prescrits. À ces dispositions générales pour la propriété littéraire et artistique, la loi ajoute des dispositions spécifiques pour les logiciels et les bases de données. La loi réforme l’article L. 332-4 du Code de la propriété intellectuelle (L. n° 2014-315, art. 4) pour l’aligner sur les solutions retenues pour les autres biens intellectuels. Il est ainsi rappelé que la contrefaçon de ces biens se prouve par tout moyen. La saisie-contrefaçon s’inscrit dans la procédure maintenant généralisée de l’ordonnance rendue sur requête, permettant une saisie descriptive avec éventuellement échantillon, ou une saisie réelle. La saisie-contrefaçon peut inclure la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer un logiciel ou une base de données ainsi que de tout LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 14 - 7 AVRIL 2014 LA SEMAINE DU DROIT APERÇUS RAPIDES document s’y rapportant. Elle permet la saisie réelle de tout document se rapportant aux logiciels, bases de données, matériels et instruments. Le juge pourra conditionner ces mesures à la constitution d’une garantie et il sera nécessaire d’agir au fond dans un délai fixé par voie réglementaire sous peine d’annulation de la saisie. B. - L’ensemble de la propriété intellectuelle La saisie-contrefaçon n’est pas un préalable obligatoire à l’action en contrefaçon. Cette évidence semblait parfois remise en cause. La présence de la saisie-contrefaçon appelait aussi des interrogations sur son articulation avec le droit commun de la procédure (V. M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d’auteur et droits voisins : Dalloz, précis Dalloz, 2013, 2e éd., n° 1074). Le législateur apporte une réponse claire à ces deux incertitudes. D’une part, il indique, pour chacun des titres de propriété intellectuelle, que les juridictions peuvent ordonner d’office, ou à la demande des personnes ayant qualité à agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles, peu importe qu’une saisiecontrefaçon ait été préalablement ordonnée. Dès lors, le parquet, notamment, a tout pouvoir pour diligenter toute mesure à sa seule initiative pour lutter contre la contrefaçon sans être contraint par le comportement du titulaire des droits de propriété intellectuelle. Cette solution classique devient explicite. Est-ce pour autant que l’action publique va être conduite avec plus de vigueur pour lutter contre la contrefaçon ? On en doute. Le droit pénal de la propriété intellectuelle est délaissé (V. pour le seul brevet N. Binctin, Droit pénal des brevets : JCl. Pénal des affaires, Fasc. 10) et les juridictions supportent déjà une charge de travail considérable. D’autre part, les mesures d’instruction de droit commun, particulièrement l’expertise préventive de l’article 145 du Code de procédure civile, peuvent être mises en œuvre en présence d’une contrefaçon. Une concurrence de procédures est consacrée, elle pourrait avoir des conséquences pour déterminer le juge compétent pour prononcer chacune d’elles et engendrer des conflits de procédures. Le texte laisse entendre que les procédures de droit commun ne sont pas écartées par la possibilité d’engager des procédures spéciales ; il faudra s’assurer qu’il est compris comme écartant la procédure de droit commun si une procédure spéciale est engagée. 4. L’action des douanes La loi fût adoptée en partie en réaction à la jurisprudence de la CJUE relative à la saisie des produits contrefaisants en transit (N. Binctin, Regard sur l’actualité du droit du transit en droit de la propriété intellectuelle : Comm. com. électr 2012, étude 15) et les apports limités du règlement douanier n° 608/2013 du 12 juin 2013 (N. Binctin, Le règlement 608/2013 concernant le contrôle, par les autorités douanières, du respect des droits de propriété intellectuelle : Prop. industr. 2014, étude 2). L’ambition est importante, le résultat sera plus limité en raison des principes d’articulation entre le droit interne et le droit douanier de l’Union. La loi française ne peut intervenir que dans les rares interstices laissés par ce dernier. Le renforcement des moyens d’action des douanes vise deux principales situations, le transbordement et la retenue douanière. A. - Le transbordement La jurisprudence française avait cherché à développer une solution spécifique interne pour permettre la saisie-douanière des marchandises transbordées sur le territoire français. Un jugement du tribunal de grande instance de Paris (TGI Paris, 12 nov. 2008 : PIBD 2009, III, p. 772, n° 888 ; D. 2010, p. 851 et s., obs. S. Durrande), sur le fondement de l’article L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle, avait reconnu au propriétaire d’une marque la possibilité d’effectuer une rétention douanière puis d’assigner en contrefaçon. La cour d’appel de Paris (CA Paris, 4e ch., sect. B., 30 janv. 2009, n° 07/13213 : PIBD 2009, III, p. 926, n° 893 ; S. Durrande, op. cit.) avait retenu que « le transbordement de marchandises d’un pays tiers à destination d’un autre pays tiers à l’Union européenne n’est pas sanctionnable au titre de l’article L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle en l’absence de mise dans le commerce sur le territoire français ». La cour s’écartait nettement de l’approche du tribunal de grande instance LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 14 - 7 AVRIL 2014 416 dont la lecture de l’article L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle laissait songeur. Le transbordement ne constitue pas une mise en libre pratique au sens du droit douanier, c’est un élément factuel du transit (V. J. Azéma et J.-C. Galloux, Droit de la propriété industrielle : Dalloz, 2012, 7e éd, n° 1742). Le tribunal de grande instance de Paris (TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 4 juin 2010 : PIBD 2010, III, p. 712, n° 927) est revenu à une position plus orthodoxe. La solution du tribunal de grande instance semblait donc avoir fait long feu. Pour autant, la loi renforçant la lutte contre la contrefaçon insère l’hypothèse du transbordement dans différents articles du Code de la propriété intellectuelle pour permettre l’appréhension douanière des produits contrefaisants. Cette modification de la loi ne peut avoir d’effectivité à notre sens, la jurisprudence de la cour d’appel de Paris reste la seule lecture admissible pour le transbordement. L’enjeu juridique réside uniquement dans la mise en circulation sur le territoire douanier, peu importe les manipulations effectuées sur les marchandises. B. - La retenue douanière La loi, enfin, insère un mécanisme de retenue douanière qui ne s’appliquera en dehors des cas soumis au régime de la retenue douanière du règlement n° 608/2013. Il ne peut s’agir que de cas marginaux. L’apport est d’autant plus limité que la loi s’inscrit très largement dans le schéma du règlement de 2013. Pour l’essentiel, le mécanisme est identique pour l’ensemble de la propriété intellectuelle, mais quelques variantes devront être soulignées. Les éléments communs. - Tous les titres de propriété intellectuelle permettent de recourir à cette nouvelle retenue douanière nationale. Ces solutions sont jumelles de celles de l’Union européenne (UE) et tentent parfois d’aller un peu plus loin. Il est possible de solliciter l’administration douanière pour retenir, dans le cadre de ses contrôles, les marchandises pouvant constituer une contrefaçon. Cette retenue est notifiée au demandeur, au détenteur et au procureur de la République, et mentionne la nature et la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises. Ces informations peuvent être communiquées avant la mise en Page 659 416 œuvre de ces mesures. Cette retenue est levée de plein droit à défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à compter de la notification de la retenue, de justifier auprès des douanes soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle et d’avoir constitué les garanties destinées à l’indemnisation éventuelle du détenteur des marchandises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue, soit d’avoir déposé une plainte. Les douanes peuvent proroger le délai de dix jours ouvrables maximum sur requête motivée du demandeur. Pour engager son action au fond, le demandeur peut obtenir de l’administration communication des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du destinataire et du déclarant des marchandises retenues ou de leur détenteur, ainsi que des images de ces marchandises et des informations sur leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination. Pendant la retenue, le propriétaire du bien intellectuel ou la personne habilitée à l’exploiter peut, à sa demande ou à la demande des douanes, inspecter les marchandises retenues. Lors du contrôle des marchandises, l’administration peut prélever des échantillons. Les frais liés à la retenue ou aux mesures conservatoires prononcées par les juges sont à la charge du demandeur. Lorsque le demandeur utilise les informations recueillies par ce biais à d’autres fins que celles prévues par la procédure de retenue douanière, l’administration abroge, suspend ou refuse de renouveler la demande. Sauf pour les denrées périssables, l’initiative de la saisie n’est pas réservée aux personnes titulaires de droits de propriété intellectuelle ; l’administration peut, dans le cadre de ses contrôles, retenir des marchandises susceptibles de porter atteinte à un bien intellectuel. Cette retenue est notifiée au propriétaire du bien intellectuel ou à la personne habilitée à l’exploiter. Le procureur de la République sera également informé. La retenue est levée de plein droit si les douanes n’ont pas reçu des personnes compétentes une demande de saisie douanière dans un délai de quatre jours ouvrables à compter de la notification de la retenue. Si la demande est effectuée, le délai de dix jours ouvrables court à compter Page 660 de l’acceptation de la demande par l’administration. Cette procédure ne pourra jamais porter sur des marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un État membre de l’UE et destinées, après avoir emprunté le territoire douanier, à être mises sur le marché d’un autre État membre de l’UE pour y être légalement commercialisées. Elle ne pourra pas plus s’appliquer pour des marchandises de statut communautaire, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un autre État membre de l’UE, dans lequel elles ont été placées sous le régime du transit, et qui sont destinées, après avoir transité sur le territoire douanier, à être exportées vers un État non membre de l’UE. La loi tente d’ajouter au règlement n° 608/2013. Ainsi, lorsque la retenue, prévue par la réglementation de l’UE, est mise en œuvre avant qu’une demande de surveillance ait été déposée ou acceptée, les agents des douanes peuvent informer le propriétaire ou le bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation de la mise en œuvre de cette mesure. Ils peuvent également lui communiquer des informations portant sur la quantité des marchandises et leur nature. Lorsque la retenue, prévue par la réglementation de l’UE et portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon, est mise en œuvre après l’acceptation d’une demande de surveillance, les agents des douanes peuvent également communiquer à ce propriétaire ou à cette personne habilitée les informations prévues par cette réglementation, nécessaires pour déterminer s’il y a eu violation de son droit. La conformité de ces dispositions au droit de l’UE reste à confirmer. Suivant le modèle de l’UE, la loi intègre une procédure de destruction des marchandises saisies. Les marchandises peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes dès lors que trois conditions sont remplies : le demandeur doit confirmer par écrit et par une expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, le caractère contrefaisant des marchandises. Il doit dans les mêmes délais confirmer qu’il consent à la destruction, sous sa responsabilité, des marchandises. Enfin, le détenteur des marchandises doit confirmer par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction des marchandises. Pour ce dernier, le silence vaut consentement. S’il s’oppose à la destruction, l’administration en informe le demandeur qui, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, doit engager une procédure au fond. Le délai de dix jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. Dans tous les cas, si le demandeur n’a pas justifié auprès des douanes qu’il a pris les mesures processuelles nécessaires, la mesure de retenue est levée de plein droit. Un décret en Conseil d’État devrait fixer les conditions d’application de ces mesures dont les conditions de destruction et de prélèvement d’échantillons. Les variantes. - Le point original de la loi sur cette retenue douanière réside dans les variantes, à savoir les personnes habilitées à solliciter cette procédure. Pour le droit d’auteur, les droits voisins et les certificats d’obtention végétale, l’action est ouverte au seul titulaire du droit. Il doit fournir des justifications de son droit, ce qui n’est pas nécessairement une opération aisée en l’absence de procédure d’enregistrement. Les sociétés de gestion collective ne sont pas visées, pas plus que les licenciés exclusifs. Pour les brevets, les certificats complémentaires de protection et les marques, l’action peut être engagée par le propriétaire ou par une personne habilitée à exploiter l’invention. Il n’est nullement demandé que cette dernière ait un droit exclusif d’exploitation. Il est là aussi nécessaire de présenter des justifications de son droit. Enfin, pour les indications géographiques, la procédure est ouverte à toute personne autorisée à l’utiliser ou à tout organisme de défense des indications géographiques. Ces variantes ne présentent aucune cohérence entre elles, pas plus qu’elles n’en ont avec l’identification des personnes pouvant agir en contrefaçon. Un paradoxe émerge, il sera possible d’engager une procédure douanière mais pas possible d’en tirer les bénéfices en engageant une action au fond sur laquelle elle peut aboutir. LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 14 - 7 AVRIL 2014