La loi renforçant la lutte contre la contrefaçon

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La loi renforçant la lutte contre la contrefaçon
LA SEMAINE DU DROIT APERÇUS RAPIDES
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PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
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La loi renforçant la lutte contre la
contrefaçon
POINTS-CLÉS ➜ La loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon réforme des délais de prescription ➜ Elle cherche également à éclairer ou renforcer
des dispositions relevant de l’évaluation des dommages et intérêts, le droit d’information,
les outils probatoires et l’action des douanes
Nicolas Binctin,
professeur agrégé des facultés
de droit, université de Poitiers
- CECOJI
L
e sénateur Yung est enfin parvenu à
faire adopter une réforme de la propriété intellectuelle. Le dynamisme de
ce parlementaire est couronné, après plusieurs tentatives infructueuses, par la publication de la loi renforçant la lutte contre la
contrefaçon (L. n° 2014-315, 11 mars 2014 :
JO 12 mars 2014, p. 5112). Une loi dont le
contenu a une portée variable. Dans la forme,
on aurait aimé une expolition, il s’agit en fait
d’un trouble obsessionnel compulsif. Le législateur, faute d’une réforme structurelle du
Code de la propriété intellectuelle, répète les
mêmes dispositions pour chacun des droits
de propriété. L’inélégance de la formule
laisse, en plus, survivre quelques variantes
qui pourraient influencer l’interprétation.
Dans le fond, la loi instaure un mécanisme
de formation professionnelle continue pour
les conseils en propriété industrielle, étend la
notion de contrefaçon aux atteintes aux indications de provenance, ou encore, précise le
régime des bases de données. Si ces interventions peuvent être saluées, elles n’ont pas une
portée majeure.
Il n’en va pas de même pour la réforme des
délais de prescription. Le délai de prescription de l’action en paiement contre les sociétés de perception et de répartition des droits
(SPRD) est réduit de moitié, passant à cinq
ans, ce qui fragilise les auteurs. La prescription des actions en revendication des droits
de propriété est, en revanche, portée à cinq
ans au lieu de trois pour les dessins et modèles, les brevets, les obtentions végétales et
les marques. Cette mesure est favorable aux
créateurs spoliés… situation plus rare que
celles de créanciers non payés des SPRD.
Surtout, pour ces titres de propriété, le délai
de prescription de l’action en contrefaçon
est allongé, passant de trois à cinq ans. Ce
délai constitue un élément important de
l’équilibre du mécanisme d’appropriation.
L’allongement du délai de prescription est
une mesure en faveur du propriétaire qui
dispose de plus de temps pour agir. Une réforme d’une telle ampleur aurait pu nourrir
d’avantages de débats. Par ces modifications,
une harmonisation des délais de prescription
pour l’ensemble de la propriété intellectuelle
est obtenue, démarche que l’on soutient
sans réserve. En revanche, émerge une difficulté d’application dans le temps de la loi,
certaines dispositions allégeant la sanction
possible et d’autres l’alourdissant, il faudra
veiller à retenir la sanction la plus légère pour
les contrefaçons accomplies avant la loi et
sanctionnées après. On regrette que le législateur n’ait pas profité de cette réforme pour
préciser la nature instantanée ou continue
de l’infraction. Toujours au chapitre des délais, la loi intègre un délai pour engager une
action au fond après des mesures adoptées
pour faire cesser une atteinte aux droits d’un
producteur de base de données, mais renvoie
au pouvoir réglementaire le soin de fixer ce
délai. Il eut été possible de retenir la même
solution que celle adoptée pour engager une
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action au fond après une saisie-contrefaçon,
et fixer ce délai par la loi.
Au-delà de ces éléments, la loi cherche à éclairer ou renforcer des dispositions relevant de
quatre domaines, en précisant les solutions
issues de la réforme de 2007 (L. n° 20071544, 29 oct. 2007 : JCP G 2007, I, 205, Étude
C. Caron) : l’évaluation des dommages et
intérêts, le droit d’information, les outils probatoires et l’action des douanes.
1. L’évaluation des
dommages et intérêts
Convaincu qu’un montant élevé de dommages et intérêts a un effet dissuasif pour
les contrefacteurs, le législateur cherche une
méthode d’évaluation de ceux-ci adaptée à
l’immatérialité des objets appropriés et à leur
intérêt économique. Sans rompre explicitement avec le dogme d’une réparation stricte
et limitée à l’atteinte aux biens, la directive
2004/48 Enforcement avait ouvert des brèches
dans les méthodes d’évaluation des dommages et intérêts. Cela fut repris par le législateur en 2007. En vue de l’adoption d’une
nouvelle directive Enforcement, la Commission a conduit une enquête sur la perception
des mesures actuellement en vigueur dans
l’UE qui laisse entrevoir que les réformes
de 2004 n’ont certainement pas éteint tous
les feux (http://ec.europa.eu/internal_market/consultations/2012/intellectual-propertyrights_fr.htm).
Sans remettre en cause les effets de l’harmonisation européenne, la loi précise les éléments devant être pris en considération par
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les juges. L’alternative d’évaluation créée en
2007 (N. Binctin, La preuve et l’évaluation du
préjudice : Comm. com. electr. 2010, étude 7).
est maintenue, elle ajoute, d’une part, que
pour fixer les dommages et intérêts, le juge
doit prendre en considération distinctement
les conséquences économiques négatives de
l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner
et la perte subie, le préjudice moral, et les
bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte
aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte
aux droits. L’apport est limité, il faudra simplement dorénavant que le juge distingue ces
chefs dans sa décision. Encore faut-il que les
parties lui apportent les éléments nécessaires
à cela. Il est dommage que le législateur utilise la notion de préjudice moral qui risque de
se confondre avec l’atteinte au droit moral.
D’autre part, en cas d’évaluation forfaitaire
de la réparation, le juge doit intégrer dans
la réparation le préjudice moral. Il aurait été
préférable, une fois encore, de distinguer clairement le droit moral et le préjudice moral.
Cette réforme du calcul des dommages et intérêts s’applique à l’ensemble de la propriété
intellectuelle. Il n’y a dans ces éléments aucune révolution copernicienne pour l’évaluation et l’on doute qu’elle emporte une évolution sensible de la pratique des juridictions
(C. Maréchal, L’évaluation des dommages-intérêts en matière de contrefaçon : RTD com.
2012, p. 245).
2. Le droit d’information
Le droit d’information fut une innovation
importante de la loi de 2007 dont l’utilisation
a soulevé quelques difficultés, notamment
les conditions dans lesquelles il était possible
de le mettre en œuvre (N. Binctin, Droit de
la propriété intellectuelle : LGDJ, 2012, 2e éd.,
n° 1257 et s.). La Cour de cassation a répondu
à ces difficultés, le législateur pour l’essentiel
conforte cette interprétation (Cass. com., 13
déc. 2011, n° 10-28.088 : JurisData n° 2011028398 ; D. 2012, p. 90 ; Comm. com. électr
2012, comm. 14, obs. C. Caron).
La loi indique maintenant expressément que
la demande d’information peut être présentée au fond comme en référé, et avant même
que l’existence de la contrefaçon soit consta-
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tée. Il suffit d’être en présence de biens argués
de contrefaçon. C’est une lecture extensive
du droit d’information qui est retenue.
3. La saisie-contrefaçon
La loi apporte quelques précisions globalement heureuses pour le régime de la saisiecontrefaçon. Un pas important est accompli
pour la propriété littéraire et artistique en
supprimant du Code de propriété intellectuelle des procédures surannées. Elle apporte
une réponse nette à la possibilité d’articuler
les procédures de droit commun et la saisiecontrefaçon.
A. - La propriété littéraire et
artistique
On avait regretté que la réforme de 2007
n’ait pas supprimé les solutions processuelles
désuètes du Code de la propriété intellectuelle. C’est une chose accomplie grâce à
la refonte dans son ensemble de l’article L.
332-1 du Code de la propriété intellectuelle
(L. n° 2014-315, art. 4) qui s’aligne sur le
droit commun de la saisie-contrefaçon. Exit
la saisie réalisée par le commissaire de police
ou le juge d’instance. La propriété intellectuelle gagne en cohérence.
Le nouvel article L. 332-1 appelle deux
remarques. D’une part, il laisse pendante
l’incertitude quant à la conformité de la procédure française de saisie-contrefaçon aux
dispositions de la directive et des ADPIC
(Fl. Lucas, N. Binctin, La saisie contrefaçon,
Étude comparée franco-canadienne : RIDA,
janv. 2014, à paraître). D’autre part, il ouvre
largement les catégories de personnes ayant
qualité à agir. En effet, si le pouvoir des
auteurs et des ayants droit est classique, on
est surpris de trouver l’ensemble des ayants
cause. L’ayant cause est le co-contractant,
notamment le licencié exclusif ou non exclusif. L’ouverture de l’action en contrefaçon à
des licenciés simples est une extension originale. Cette solution devra être articulée avec
les dispositions de l’article L. 331-1 du Code
de la propriété intellectuelle qui propose une
lecture plus stricte des personnes ayant qualité à agir en contrefaçon.
Cette saisie-contrefaçon, identique pour le
droit d’auteur et les droits voisins, permet la
saisie réelle de tout document se rapportant
aux œuvres prétendument contrefaisantes.
Elle prend la forme d’une saisie réelle ou
d’une saisie-descriptive, et s’étend aussi à la
saisie du matériel utilisé pour produire ou
distribuer la contrefaçon. On pense aux équipements informatiques permettant la diffusion illégale d’œuvres en ligne. La saisie porte
sur les exemplaires constituant une reproduction illicite d’une œuvre protégée ou de
tout exemplaire, produit, appareil, dispositif,
composant ou moyen portant atteinte aux
mesures techniques de protection et d’information. La loi confirme de façon heureuse
la possibilité de saisir les recettes attachées
à l’exploitation de contrefaçons. La saisiecontrefaçon peut être utilisée non seulement
pour obtenir la preuve de l’atteinte au droit
de propriété mais aussi pour empêcher l’introduction ou la circulation dans les circuits
commerciaux de ces biens hors commerce.
Dans le cadre de cette procédure, il est aussi
possible d’obtenir la suspension ou la prorogation des représentations ou des exécutions
publiques en cours ou déjà annoncées, la
suspension de toute fabrication en cours tendant à la reproduction illicite d’une œuvre ou
à la réalisation d’une atteinte aux mesures.
Le juge peut subordonner l’exécution de ces
mesures à la constitution de garanties. Dans
le même esprit, la loi réforme l’article L. 3323 du Code de la propriété intellectuelle
(L. n° 2014-315, art. 5) et écarte la sanction
de la main levée au profit de la nullité de la
saisie en cas d’absence d’action au fond dans
les délais prescrits.
À ces dispositions générales pour la propriété
littéraire et artistique, la loi ajoute des dispositions spécifiques pour les logiciels et les
bases de données. La loi réforme l’article L.
332-4 du Code de la propriété intellectuelle
(L. n° 2014-315, art. 4) pour l’aligner sur les
solutions retenues pour les autres biens intellectuels. Il est ainsi rappelé que la contrefaçon de ces biens se prouve par tout moyen.
La saisie-contrefaçon s’inscrit dans la procédure maintenant généralisée de l’ordonnance
rendue sur requête, permettant une saisie
descriptive avec éventuellement échantillon,
ou une saisie réelle. La saisie-contrefaçon
peut inclure la description détaillée ou la
saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer un logiciel
ou une base de données ainsi que de tout
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document s’y rapportant. Elle permet la
saisie réelle de tout document se rapportant
aux logiciels, bases de données, matériels et
instruments. Le juge pourra conditionner ces
mesures à la constitution d’une garantie et il
sera nécessaire d’agir au fond dans un délai
fixé par voie réglementaire sous peine d’annulation de la saisie.
B. - L’ensemble de la
propriété intellectuelle
La saisie-contrefaçon n’est pas un préalable
obligatoire à l’action en contrefaçon. Cette
évidence semblait parfois remise en cause.
La présence de la saisie-contrefaçon appelait
aussi des interrogations sur son articulation
avec le droit commun de la procédure (V.
M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d’auteur
et droits voisins : Dalloz, précis Dalloz, 2013,
2e éd., n° 1074). Le législateur apporte une
réponse claire à ces deux incertitudes.
D’une part, il indique, pour chacun des titres
de propriété intellectuelle, que les juridictions
peuvent ordonner d’office, ou à la demande
des personnes ayant qualité à agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles, peu importe qu’une saisiecontrefaçon ait été préalablement ordonnée.
Dès lors, le parquet, notamment, a tout pouvoir pour diligenter toute mesure à sa seule
initiative pour lutter contre la contrefaçon
sans être contraint par le comportement du
titulaire des droits de propriété intellectuelle.
Cette solution classique devient explicite.
Est-ce pour autant que l’action publique va
être conduite avec plus de vigueur pour lutter
contre la contrefaçon ? On en doute. Le droit
pénal de la propriété intellectuelle est délaissé
(V. pour le seul brevet N. Binctin, Droit pénal
des brevets : JCl. Pénal des affaires, Fasc. 10) et
les juridictions supportent déjà une charge de
travail considérable.
D’autre part, les mesures d’instruction de
droit commun, particulièrement l’expertise
préventive de l’article 145 du Code de procédure civile, peuvent être mises en œuvre
en présence d’une contrefaçon. Une concurrence de procédures est consacrée, elle pourrait avoir des conséquences pour déterminer
le juge compétent pour prononcer chacune
d’elles et engendrer des conflits de procédures. Le texte laisse entendre que les procédures de droit commun ne sont pas écartées
par la possibilité d’engager des procédures
spéciales ; il faudra s’assurer qu’il est compris
comme écartant la procédure de droit commun si une procédure spéciale est engagée.
4. L’action des douanes
La loi fût adoptée en partie en réaction à la
jurisprudence de la CJUE relative à la saisie des produits contrefaisants en transit
(N. Binctin, Regard sur l’actualité du droit
du transit en droit de la propriété intellectuelle : Comm. com. électr 2012, étude 15) et
les apports limités du règlement douanier
n° 608/2013 du 12 juin 2013 (N. Binctin, Le
règlement 608/2013 concernant le contrôle, par
les autorités douanières, du respect des droits de
propriété intellectuelle : Prop. industr. 2014,
étude 2). L’ambition est importante, le résultat sera plus limité en raison des principes
d’articulation entre le droit interne et le droit
douanier de l’Union. La loi française ne peut
intervenir que dans les rares interstices laissés
par ce dernier. Le renforcement des moyens
d’action des douanes vise deux principales
situations, le transbordement et la retenue
douanière.
A. - Le transbordement
La jurisprudence française avait cherché à
développer une solution spécifique interne
pour permettre la saisie-douanière des marchandises transbordées sur le territoire français. Un jugement du tribunal de grande instance de Paris (TGI Paris, 12 nov. 2008 : PIBD
2009, III, p. 772, n° 888 ; D. 2010, p. 851 et s.,
obs. S. Durrande), sur le fondement de l’article L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle, avait reconnu au propriétaire d’une
marque la possibilité d’effectuer une rétention douanière puis d’assigner en contrefaçon. La cour d’appel de Paris (CA Paris, 4e
ch., sect. B., 30 janv. 2009, n° 07/13213 : PIBD
2009, III, p. 926, n° 893 ; S. Durrande, op. cit.)
avait retenu que « le transbordement de marchandises d’un pays tiers à destination d’un
autre pays tiers à l’Union européenne n’est
pas sanctionnable au titre de l’article L. 716-9
du Code de la propriété intellectuelle en l’absence de mise dans le commerce sur le territoire français ». La cour s’écartait nettement
de l’approche du tribunal de grande instance
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dont la lecture de l’article L. 716-9 du Code
de la propriété intellectuelle laissait songeur.
Le transbordement ne constitue pas une mise
en libre pratique au sens du droit douanier,
c’est un élément factuel du transit (V. J.
Azéma et J.-C. Galloux, Droit de la propriété
industrielle : Dalloz, 2012, 7e éd, n° 1742). Le
tribunal de grande instance de Paris (TGI
Paris, 3e ch., 2e sect., 4 juin 2010 : PIBD 2010,
III, p. 712, n° 927) est revenu à une position
plus orthodoxe.
La solution du tribunal de grande instance
semblait donc avoir fait long feu. Pour autant,
la loi renforçant la lutte contre la contrefaçon
insère l’hypothèse du transbordement dans
différents articles du Code de la propriété
intellectuelle pour permettre l’appréhension douanière des produits contrefaisants.
Cette modification de la loi ne peut avoir
d’effectivité à notre sens, la jurisprudence de
la cour d’appel de Paris reste la seule lecture
admissible pour le transbordement. L’enjeu
juridique réside uniquement dans la mise
en circulation sur le territoire douanier, peu
importe les manipulations effectuées sur les
marchandises.
B. - La retenue douanière
La loi, enfin, insère un mécanisme de retenue
douanière qui ne s’appliquera en dehors des
cas soumis au régime de la retenue douanière
du règlement n° 608/2013. Il ne peut s’agir
que de cas marginaux. L’apport est d’autant
plus limité que la loi s’inscrit très largement
dans le schéma du règlement de 2013. Pour
l’essentiel, le mécanisme est identique pour
l’ensemble de la propriété intellectuelle, mais
quelques variantes devront être soulignées.
Les éléments communs. - Tous les titres de
propriété intellectuelle permettent de recourir à cette nouvelle retenue douanière nationale. Ces solutions sont jumelles de celles de
l’Union européenne (UE) et tentent parfois
d’aller un peu plus loin.
Il est possible de solliciter l’administration
douanière pour retenir, dans le cadre de ses
contrôles, les marchandises pouvant constituer une contrefaçon. Cette retenue est notifiée au demandeur, au détenteur et au procureur de la République, et mentionne la nature
et la quantité réelle ou estimée ainsi que des
images des marchandises. Ces informations
peuvent être communiquées avant la mise en
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œuvre de ces mesures. Cette retenue est levée
de plein droit à défaut pour le demandeur,
dans le délai de dix jours ouvrables, ou de
trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à compter de la notification de la retenue, de justifier auprès des douanes soit de
mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle
et d’avoir constitué les garanties destinées à
l’indemnisation éventuelle du détenteur des
marchandises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue, soit d’avoir
déposé une plainte. Les douanes peuvent
proroger le délai de dix jours ouvrables maximum sur requête motivée du demandeur.
Pour engager son action au fond, le demandeur peut obtenir de l’administration communication des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du destinataire et du
déclarant des marchandises retenues ou de
leur détenteur, ainsi que des images de ces
marchandises et des informations sur leur
quantité, leur origine, leur provenance et
leur destination. Pendant la retenue, le propriétaire du bien intellectuel ou la personne
habilitée à l’exploiter peut, à sa demande
ou à la demande des douanes, inspecter les
marchandises retenues. Lors du contrôle des
marchandises, l’administration peut prélever
des échantillons. Les frais liés à la retenue
ou aux mesures conservatoires prononcées
par les juges sont à la charge du demandeur.
Lorsque le demandeur utilise les informations recueillies par ce biais à d’autres fins
que celles prévues par la procédure de retenue douanière, l’administration abroge, suspend ou refuse de renouveler la demande.
Sauf pour les denrées périssables, l’initiative
de la saisie n’est pas réservée aux personnes
titulaires de droits de propriété intellectuelle ;
l’administration peut, dans le cadre de ses
contrôles, retenir des marchandises susceptibles de porter atteinte à un bien intellectuel.
Cette retenue est notifiée au propriétaire du
bien intellectuel ou à la personne habilitée
à l’exploiter. Le procureur de la République
sera également informé. La retenue est levée
de plein droit si les douanes n’ont pas reçu
des personnes compétentes une demande
de saisie douanière dans un délai de quatre
jours ouvrables à compter de la notification
de la retenue. Si la demande est effectuée, le
délai de dix jours ouvrables court à compter
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de l’acceptation de la demande par l’administration.
Cette procédure ne pourra jamais porter sur
des marchandises de statut communautaire,
légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un État membre de l’UE et destinées, après avoir emprunté le territoire douanier, à être mises sur le marché d’un autre
État membre de l’UE pour y être légalement
commercialisées. Elle ne pourra pas plus
s’appliquer pour des marchandises de statut
communautaire, légalement fabriquées ou
mises en libre pratique dans un autre État
membre de l’UE, dans lequel elles ont été
placées sous le régime du transit, et qui sont
destinées, après avoir transité sur le territoire
douanier, à être exportées vers un État non
membre de l’UE.
La loi tente d’ajouter au règlement
n° 608/2013. Ainsi, lorsque la retenue, prévue par la réglementation de l’UE, est mise en
œuvre avant qu’une demande de surveillance
ait été déposée ou acceptée, les agents des
douanes peuvent informer le propriétaire
ou le bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation de la mise en œuvre de cette mesure.
Ils peuvent également lui communiquer
des informations portant sur la quantité des
marchandises et leur nature. Lorsque la retenue, prévue par la réglementation de l’UE et
portant sur des marchandises soupçonnées
de constituer une contrefaçon, est mise en
œuvre après l’acceptation d’une demande de
surveillance, les agents des douanes peuvent
également communiquer à ce propriétaire
ou à cette personne habilitée les informations
prévues par cette réglementation, nécessaires
pour déterminer s’il y a eu violation de son
droit. La conformité de ces dispositions au
droit de l’UE reste à confirmer.
Suivant le modèle de l’UE, la loi intègre une
procédure de destruction des marchandises
saisies. Les marchandises peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes
dès lors que trois conditions sont remplies : le
demandeur doit confirmer par écrit et par une
expertise détaillée aux autorités douanières,
dans un délai de dix jours ouvrables, ou de
trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue,
le caractère contrefaisant des marchandises.
Il doit dans les mêmes délais confirmer qu’il
consent à la destruction, sous sa responsabilité, des marchandises. Enfin, le détenteur des
marchandises doit confirmer par écrit aux
autorités douanières, dans un délai de dix
jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables
pour les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruction des marchandises. Pour ce dernier,
le silence vaut consentement. S’il s’oppose à
la destruction, l’administration en informe
le demandeur qui, dans un délai de dix jours
ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les
denrées périssables, à partir de la notification
de la retenue, doit engager une procédure au
fond. Le délai de dix jours peut être prorogé
de dix jours ouvrables maximum sur requête
dûment motivée du demandeur. Dans tous les
cas, si le demandeur n’a pas justifié auprès des
douanes qu’il a pris les mesures processuelles
nécessaires, la mesure de retenue est levée de
plein droit.
Un décret en Conseil d’État devrait fixer les
conditions d’application de ces mesures dont
les conditions de destruction et de prélèvement d’échantillons.
Les variantes. - Le point original de la loi
sur cette retenue douanière réside dans les
variantes, à savoir les personnes habilitées
à solliciter cette procédure. Pour le droit
d’auteur, les droits voisins et les certificats
d’obtention végétale, l’action est ouverte au
seul titulaire du droit. Il doit fournir des justifications de son droit, ce qui n’est pas nécessairement une opération aisée en l’absence de
procédure d’enregistrement. Les sociétés de
gestion collective ne sont pas visées, pas plus
que les licenciés exclusifs. Pour les brevets, les
certificats complémentaires de protection et
les marques, l’action peut être engagée par
le propriétaire ou par une personne habilitée à exploiter l’invention. Il n’est nullement
demandé que cette dernière ait un droit exclusif d’exploitation. Il est là aussi nécessaire
de présenter des justifications de son droit.
Enfin, pour les indications géographiques,
la procédure est ouverte à toute personne
autorisée à l’utiliser ou à tout organisme de
défense des indications géographiques.
Ces variantes ne présentent aucune cohérence entre elles, pas plus qu’elles n’en ont
avec l’identification des personnes pouvant
agir en contrefaçon. Un paradoxe émerge, il
sera possible d’engager une procédure douanière mais pas possible d’en tirer les bénéfices
en engageant une action au fond sur laquelle
elle peut aboutir.
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