Chronique « Mauvais genre » de Florence Hügi

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Chronique « Mauvais genre » de Florence Hügi
Bureau de l’égalité hommes-femmes
et de la famille BEF
Büro für die Gleichstellung von Frau und Mann und
für Familienfragen GFB
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Aux membres du Réseau « A Voix Egales »
Fribourg, le 27 juin 2013
Soirée de rencontre « Egalité et médias »
—
Chronique « Mauvais genre » de Florence Hügi
Avec talent, finesse, originalité et humour, la journaliste Florence Hügi pique, de sa belle plume, là
où ça fait mal. Au-delà du dogmatisme et des propos convenus, Florence Hügi perfore les idées
reçues, surprend, interpelle, provoque parfois et trace en pointillé le (long) chemin qui reste à
parcourir vers une véritable égalité hommes-femmes. Ses chroniques « Mauvais genre » sont à lire
tous les 15 jours dans « La Liberté » et sur son site web. Découvrez dans ce petit dossier les
différents articles de sa chronique.
Madame Florence Hügi,
Rédactrice de la rubrique "Mauvais genre" dans la Liberté
Journaliste, lauréate du 1er Prix Femmes et Médias 2013
—
Direction de la santé et des affaires sociales DSAS
Direktion für Gesundheit und Soziales GSD
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29/08/2012
Naphtaline
Une chronique pour parler d’égalité entre les hommes et les femmes? Les sourcils se froncent:
insupportable lobbyisme pour les uns, grosse fatigue chez les autres. Tout le monde sait que c’est
un combat d’arrière-garde, puisque les choses sont réglées depuis longtemps. Certes, il reste bien le
fait que les femmes gagnent encore, en moyenne, 18,4% de moins que les hommes. Mais on ne va
pas s’en faire pour cette peccadille, n’est-ce pas? Finalement, cela ne fait que 30 ans que le principe
d’une égalité de salaire est inscrit dans la Constitution: c’est si peu, bien normal que les employeurs
n’aient pas encore mis en place les mesures nécessaires. En plus, avec la crise, les sujets importants
sont ailleurs.
Et si on observe la situation de plus près, on vous chuchote une confidence: il est naturel que les
femmes, ces cruches en mathématiques, assument leurs défaillances. Leur cerveau n’est-il pas bien
plus léger que celui des hommes? Elles ne « pèseraient » en moyenne que 1 kg 200 face à
l’imposant cerveau masculin: 1 kg 350 sur la balance. Bon, on ne va pas revenir sur la minuscule
cervelle d’Anatole France (un ridicule petit kilo), ça pourrait induire un doute. Et si on ne veut plus
parler d’égalité entre hommes et femmes, il ne faut pas induire de doute. Ainsi, le monde tournera
mieux: les femmes pourront continuer de vaquer à leurs 4 heures de ménage quotidien (cuisine,
ménage, courses, linge, enfants), pendant que les hommes ne songeront pas à pulvériser leur record
personnel de 2h30 (bricolage, soins aux animaux, jardinage).
Surtout qu’eux doivent assumer la subsistance de leur marmaille en travaillant à plein-temps,
comme 88% de leurs congénères helvètes, et ceci même s’ils souhaitent vivre autrement. Tant pis
pour leurs gamins qu’ils continuent de voir 5 minutes avant de les mettre au lit: la carrière avant
tout! Un homme à temps partiel? Vous n’y pensez pas, on pourrait le considérer comme un
flemmard… D’ailleurs, pour que le sujet soit définitivement enterré, il suffit de nier les problèmes.
Alors que nos amis français ont récemment fait un sort à la question du harcèlement sexuel en
abrogeant la loi interrompant ainsi toutes les procédures en cours, la Suisse s’apprête à voter sur la
fin du remboursement de l’avortement par l’assurance de base: l’initiative a abouti avec près de
110000 signatures. Si le sujet n’existe plus légalement, c’est qu’il est réglé pour la société, n’est-ce
pas?
Décidément, dans un monde si parfait, cette chronique, à peine née, n’a déjà plus lieu d’être. Elle
reviendra pourtant, toutes les deux semaines, ici même.
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12/09/2012
Sexisme
Au début, Sofie Peeters s’est demandé si elle était trop provocante pour susciter des commentaires
aussi créatifs alors qu’elle marchait dans les rues de Bruxelles. Il y avait les « Salope! », les
« Chienne! » et autres « Alors, les petites fesses? » bavés à son passage, jumelés à autant de rires
gras. Et puis, au lieu d’en rire nerveusement ou de baisser les yeux pudiquement en encaissant
silencieusement cette « drague » à la truelle, elle a enregistré, filmé, en caméra cachée. « Femme de
la rue », diffusé récemment à la télévision publique belge (et bientôt partout ailleurs), a fait
scandale, évidemment. Du coup, les autorités, qui ronronnaient sur une hypothétique loi, l’ont
introduite à toute vitesse: dès le 1er septembre 2012, en Belgique, l’injure sexiste coûte de 75 à 250
euros, tout comme l’apostrophe raciste ou homophobe. On notera l’absence d’inflation depuis 2001
et le jugement du Tribunal cantonal vaudois, qui avait facturé 300 francs le tonitruant « Pétasse! »
lancé à une femme par son voisin excédé...
Légiférer et punir, la solution? Il faudrait déjà prendre conscience de la faute commise. Dire « sale
Noir », c’est clair. Mais dire « sale femme », ça ne marche pas. Ici, c’est plus subtil, plus larvé.
Ordinaire. A Bruxelles, on a tenté de se distancier: l’expérience avait été menée dans un quartier
d’immigrés, et « chez ces gens-là… » Rien à voir avec un aéropage aussi sélect que celui de
l’Assemblée nationale française, hémicycle où Cécile Duflot, ministre de son état, s’est récemment
fait huer: en plein été, elle a « osé » la robe pour aller au boulot (un scandale, non?), suscitant
sifflets et, entre autres, cette appréciation de goût: « Peut-être avait-elle mis cette robe pour ne pas
qu’on écoute ce qu’elle avait à dire. »
On vous fera grâce du médiéval « Enlève ton slip, salope » plus du tout voilé (à Dominique
Voynet en 1999) pour convoquer Bourdieu: « Les femmes ont en commun d’être séparées des
hommes par un cœfficient symbolique négatif, comme la couleur de peau pour les Noirs ou tout
autre signe d’appartenance. » En prendre conscience, c’est voir la situation en face. « Le sexisme
ordinaire, ce sont ces gestes, comportements et actes qui excluent, marginalisent et infériorisent les
femmes. Et les hommes, qui s’avilissent en participant à cette mascarade qui se poursuit,
inlassablement », dit Brigitte Grésy, auteure d’un ouvrage sur le sujet*. Elle y propose des pistes
pour y faire face: étaler ces sottises au grand jour en fait partie. Sofie Peeters a choisi cette voie,
juste parce qu’il est normal d’en parler. Pour ne pas subir. Comment dit-on? « Good girls go to
heaven, bad girls go everywhere. »
*Brigitte Grésy, Petit traité contre le sexisme ordinaire, Albin Michel 2009.
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26/09/2012
Shooting
Comme chaque année à pareille époque, les calendriers sexy fleurissent dans nos belles campagnes.
Que ce soit pour les paysans avec des paysannes, pour les fromagers avec des fromagères ou pour
les fans de foot avec des footeux, c’est tout un petit monde dûment huilé et « photoshoppé » qui
s’étale pour, paraît-il, le plaisir des yeux. Depuis Pirelli (pour la classe) et Full Monty, rien n’est
trop beau pour tenter d’ébaudir. La preuve, et c’est une parenthèse, avec cette initiative tout droit
sortie de la friponne-cervelle-que-rien-n’arrête d’Oliveiro Toscani: après les pubis en 2011, son
calendrier 2012 portait sur les pénis (collector, 500 euros pièce). On imagine la tête de vos voisins
si vous les invitiez pour l’apéro avec ce genre d’ornement punaisé au mur.
Il n’est pas question ici de savoir qui détient l’art du bon goût, qui profite et qui se fait rouler dans
le foin, l’encre a déjà abondamment coulé à ce sujet. Non, cette créativité débordante nous renvoie à
une histoire québécoise, celle de l’équipe de rugby féminine de l’Université de Laval, pas peu fière,
à fin 2011, de présenter son calendrier sexy 2012.
Fière mais pas longtemps, vu la réaction de quelques professeures de l’école, découvrant l’initiative
dans la presse et incitant illico le rectorat à interdire la publication. Invoquant d’abord la « vente de
corps nus féminins pour faire de l’argent dans un contexte universitaire », elles rappellent que poser
en tenue d’Adam ou en tenue d’Eve n’a pas le même impact: « Quand les photos auront circulé et
que ces filles-là vont postuler comme avocates ou banquières, leur futur employeur va-t-il voir la
professionnelle ou le sex-symbol? » Et le fait de rappeler que l’équipe de foot masculine venait de
se voir attribuer deux millions de dollars pour avoir gagné un important championnat « pendant que
les filles du rugby doivent se mettre toutes nues pour ramasser de l’argent » n’a guère permis de
calmer les esprits.
La contre-attaque des « rugbywomen » n’a pas tardé, convaincues qu’elles étaient de faire avancer
le débat en montrant leurs corps, atypiques car charpentés, couverts de bleus et de griffures, loin
d’une image léchée de mannequin californien. La presse, ravie de l’aubaine, se lance alors dans la
mêlée, journalistes sportifs en tête: les empêcheuses de publier en rond sont taxées de « mères la
vertu » haïssant les hommes et les top-models d’un jour deviennent les victimes non consentantes
d’un retour du puritanisme. Formidable combat de catch...
Et le fin mot? Alors que tout le monde semblait calmé, le calendrier est paru, en douce et sans logo
universitaire, quelques semaines plus tard. Qu’a fait l’Université? En catimini, elle a acheté tous les
exemplaires, pour les détruire. Et a remis l’argent aux filles du rugby. CQFD
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10/10/2012
Des seins!
On n’avait plus vu ça depuis le SuperBowl 2004: souvenez-vous, l’année où Janet Jackson a
malencontreusement dévoilé son sein durant une nanoseconde à la télé américaine. Horreur.
Abjection. Un sein. Après l’avalanche de propos horrifiés que cela suscita, la chaîne fit des excuses
publiques et promit qu’on ne l’y reprendrait plus. Désormais, le direct est différé, pour éviter telle
ignominie. Sauf pour les pornos ou les courses-poursuites bien sûr, mais cela n’a rien à voir. A
l’époque, nous, Européens évolués, dardions un regard vaguement condescendant sur ces rustauds
de Yankees.
Depuis, il y a bien eu les seins de Kate Middleton et ceux des Femen, mais rien qui puisse égaler
LE scandale, survenu récemment dans un petit pays d’Europe centrale. Figurez-vous qu’une artiste,
forcément illuminée, projetait d’installer des allégories de seins en nylon flottant sur le toit d’un
parlement de province! Qui auraient dû flotter: car heureusement, la morale en a réchappé. Le sein,
devenu « symbole militant » selon le plus motivé des choqués, flottera donc ailleurs. Ainsi en ont
décidé les élus de cette prude bourgade, après un vif débat où chacun a rivalisé d’éloquence et
d’allusions mutines, en évitant soigneusement le débat de fond. Et sans rappeler que l’année
précédente, les mêmes avaient pourtant accueilli à bras ouverts et la larme à l’œil l’évocation à
ruban rose d’un autre sein. Le cancer, Messieurs-Dames, c’est merveilleusement triste et
suffisamment « charity », mais le rappel que l’égalité entre les femmes et les hommes n’est atteinte
ni au niveau salarial, ni au niveau politique, ni au niveau social, ni au niveau familial, ça fait chenit.
Surtout si le sein qui l’évoque est triomphant et joyeux. Sexuel. Et rebelle. Oh le scandale!
C’est drôle: l’affaire des seins en nylon nous a surtout fait penser aux poitrines en plastique, les
fameuses prothèses PIP. Tiens, en voilà un de scandale, un vrai et justifié, au sujet duquel on s’est
insurgé à l’unisson: repulper les bustes occidentaux à grands coups de silicone frelaté, c’est très
vilain. Mais bizarrement, personne ou presque n’a soulevé la question qui y était couplée: comment
se fait-il que 400'000 femmes aient eu le besoin irrépressible de se faire retravailler la poitrine?
Qu’elles aient toutes intégré le même idéal de beauté, du Venezuela à Corminbœuf? Etre belle, ce
serait donc avoir de gros seins bien arrogants (et se déshabiller devant son réfrigérateur, nous l’a
enseigné la pub). Une « beauté » qui permettrait surtout, selon « Libération », de se « réapproprier
son corps ».
Tiens, des prothèses pour se sentir soi-même: voilà une première bonne raison de faire flotter bien
haut dans le ciel quelques métaphores mammaires.
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24/10/2012
Du muscle
Sacré baron de Coubertin : sans ses savoureuses citations, le monde n’aurait certainement pas tout à
fait la même couleur. Comme avec cette tirade de 1912 : « Le véritable héros olympique est, à mes
yeux, l’adulte mâle individuel. Les JO doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes
devrait être avant tout de couronner les vainqueurs. » Un siècle plus tard, alors que notre cher baron
ne dois plus savoir comment se retourner dans sa tombe, il n’y a plus guère que le Tour de France
pour continuer à suivre à la lettre de tels préceptes…
Pourtant… Pourtant le sport n’est pas vraiment sorti de l’ornière en matière d’égalité des sexes, ce
n’est pas Lindsay Vonn qui nous contredira. Ni Billie Jean King. Ni Ellen MacArthur. Ni Danica
Patrick. Ni Amélie Mauresmo. Ni Ye Shiwen. Mais on s’égare.
Lindsay Vonn disions-nous. Soit l’effrontée (et aussi la skieuse la plus titrée du moment) qui veut
se mesurer aux hommes, même piste et même compétition. Coup de pub ou trait de génie, l’histoire
ne le dit pas. Ce qui compte, voyez-vous, c’est le poids du muscle. Et le muscle, jusqu’à nouvel
avis, c’est le monsieur qui a le plus gros. Na. Virilité et force pour les hommes, charme et
esthétique pour les femmes. Un point c’est tout. Ce n’est pas cette morveuse d’Américaine qui va
changer ça. Bien sûr, pour elle, jusqu’ici, tout allait bien : elle raflait peut-être tout, mais elle était
surtout « sublime » et « sexy », allant jusqu’à poser en Sharon Stone dans « Basic Instinct », c’est
dire. Là, par contre, ça se gâte : depuis qu’elle se croit tout permis, elle est devenue « la grande
blonde », celle qui a « mauvais caractère », soupçonnée de « mépriser ses collègues féminines ».
Moins glamour, mais instructif : nous découvrons ainsi que les courses de ski sont non seulement
« moins longues » pour les filles, mais que les bosses sont « rabotées » et la glace adoucie. Ça doit
être pour éviter de s’écailler le vernis à ongles ? Si on en croit ces savantes analyses, les courses de
filles deviennent donc d’aimables promenades de santé pour grands-mamans en déambulateur.
C’est qu’il faut se protéger comme on peut : pas question, avec cette satanée Lindsay Vonn, de la
faire passer pour lesbienne, hermaphrodite ou de lui coller une autre tare, même si le truc a bien
marché pour nombre de ses collègues.
Lesquelles ? Billie Jean King, icône du tennis, première à vaincre un homme sur le court. Elle
MacArthur, championne de voile « soupçonnée » d’être lesbienne. Danica Patrick, pilote
automobile considérée plus agressive au volant « certains jours du mois ». Amélie Mauresmo,
lesbienne avant d’être championne ou Ye Shiwen, soupçonnée de dopage pour avoir fait mieux
qu’un homme. Y’a pas quelque chose (d’autre) de pourri au royaume du sport ?
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14/11/2012
L’autre sexe
« Alors, c’est un garçon ou une fille? » brame la nouvelle grand-mère, hésitant entre un pyjama rose
et un short bleu. « A vrai dire, c’est un être humain », répond son père, encore un peu balbutiant
devant le petit miracle qui vient de s’endormir dans ses bras. Un être humain, ni tout à fait garçon,
ni tout à fait fille. Doté, peut-être, d’un grand clitoris, d’un tout petit pénis. Une personne
intersexuée. Il fut un temps, pas si lointain, où les médecins « réparaient »: ainsi, le petit d’homme
devenait demoiselle (génitalement plus facile à fabriquer, paraît-il…). Pour cacher la honte,
camoufler l’erreur. Chasser le Diable. Balayer la peur et ce sexe incertain qui fait honte. Vite, avant
que Dieu, et la famille, ne s’en aperçoivent. Ils – et elles – sont nombreux à raconter comment leur
vie est devenue calvaire, les heures sur le billard et les regards par en dessous, leur place assignée,
leur vie toute tracée. « Tu seras une femme, mon fils! » Curieuse société où on cultive les
différences en souhaitant disparaître dans la masse.
Comment accueillir un enfant au sexe indéterminé? « En le laissant vivre sa vie », a répondu la
semaine dernière notre sage commission nationale d’éthique. Enfin! En lui permettant de décider de
sa destinée, sans morale mal placée ni bistouri intempestif, la pratique en vogue jusqu’au début de
ce siècle. Et en accompagnant les parents, qui craignent tant pour son bonheur, à ce petit être « pas
comme les autres ».
Démédicaliser. Donner le droit d’être soi, au-delà de toutes les catégories préexistantes et s’extraire
d’une pensée binaire homme-femme, loin d’un troisième sexe qui, ici, réduit et ampute. « Troubler
le genre » pour paraphraser Judith Butler: introduire un flou, un doute, bousculer les certitudes et
déconstruire les classifications. Quitter le point de vue naturaliste pour remettre en question la
culture. Qui a dit qu’il était mauvais d’être à la fois homme et femme?
Des questions si complexes résumées par un objectif: oser être soi, sans jugement ni dogmes.
Pendant que les personnes intersexuées veulent la fin de la chirurgie sans conscience, les
transgenres y veulent un accès facilité. Pour changer de corps, aller à la rencontre d’eux-mêmes
avec les bons attributs, aligner leur enveloppe et leur âme.
Notre société si normée a du mal, se débat, accepte difficilement cet élargissement des possibles.
Ces cartes un peu brouillées qui ont conduit l’Australie puis le Népal à adopter récemment des
passeports X, permettant de se dire autre que « homme » ou « femme ». Pour que chacun, quel qu’il
soit, ait droit au respect. Et à la dignité.
*Judith Butler, « Trouble dans le genre », Ed. La Découverte 2006
*Martin Winckler, « Le chœur des femmes », Folio 2011
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28/11/2012
Mariage
Au commencement, il y avait un papa et une maman. Puis un enfant. Ou deux, ou trois. Ou plus. La
famille. La maman vaquait à ses occupations dans la grotte, puis devant son fourneau, puis face à sa
Moulinex. Pendant ce temps, le papa, fier chasseur-cueilleur destiné à assurer la pitance familiale,
partait esquinter le mammouth, puis devenait magasinier chez ce même Mammouth, puis s’achetait
un gril multioptions pour devenir le roi du barbecue. En ce temps-là, l’église était au milieu du
village et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Certes, les mamans coincées devant
leur Laura Star faisaient plus ou moins régulièrement des dépressions mais au moins, l’église était
pleine pour la messe de minuit. L’ordre naturel des choses.
Et il y a eu comme une légère dissonance. Sont alors venues les mamans sans papa, les papas sans
maman (mais moins souvent). « Monoparentales », a-t-on dit, en scrutant leur budget, souvent
maigrelet. Et puis sont arrivés les papas-poules, mais seulement le week-end. Un peu moins naturel,
mais que voulez-vous.
Et là, la machine s’est sérieusement enrayée. On a alors vu apparaître les beaux-papas, les bellesmamans, les demi-frères et les demi-sœurs. « Recomposées », a-t-on chuchoté, presque résigné.
Pourtant, on n’avait encore rien vu: c’est là que l’on a pris conscience des familles à deux mamans.
Ou à deux papas. Ça a été carrément le chenis. Comme un miasme de contre-nature.
D’aucuns ont invoqué la Bible, la Torah ou le Coran. Les autres sont allés repêcher Darwin. Les
suivants ont sorti leur livre de comptes: parmi ces doubles papas (ou mamans) potentiels, beaucoup
avaient un joli pouvoir d’achat. Il fallait donc leur faire une place. On allait édicter des lois,
fabriquer des cases. Doter les couples de même sexe d’un statut de partenaires, tout en posant des
garde-fous. Pas de mariage, ce serait trop. Pas d’adoption, ce serait trop. Pas de procréation
médicalement assistée, ce serait trop. Pas de naturalisation facilitée si l’un-e des deux, en plus d’être
gay, était étranger. Ce serait bien trop.
Et, bien sûr, pas de cérémonie religieuse. Là c’est l’Eglise, assoupie (et ma foi bien vide), qui a mis
son veto. Puis plus. Puis à nouveau. Mais pas partout. Pendant que les enfants de couples
homosexuels gambadaient dans les cours d’écoles, voire procréaient à leur tour, on réfléchissait.
Liturgie spéciale ou bénédiction? Adoption ou pas adoption? Certains en sont venus aux mains. Des
batailles rangées, au nom de l’ordre naturel. Quel dommage: perdre son temps à évoquer la nature,
alors que les individus, eux, se rient des dogmes. Et se contentent de vivre.
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12/12/2012
Tendance
Sonnez hautbois, résonnez pépètes: voici revenu le beau mois de décembre, son élection de Miss
France et ses préparatifs de Noël. Noël, sa dinde, son petit Jésus, son shopping et ses arrachages de
cheveux pour trouver LE cadeau, celui qui nous propulsera grand-père idéal ou supermaman. Tout
en ne sortant pas trop du rang. Chacun et chacune, cédant ici à l’épicène, sait qu’aujourd’hui, suivre
la tendance signifie aussi respecter la règle: rose (et minutieux) pour les filles, bleu (et conquérant)
pour les garçons.
Même les médias s’intéressent au phénomène et arbitrent le match « PollyPocket-Bakugan ».
Chacun sait, disent-ils en chœur, qu’une fillette qui passe son enfance à maquiller sa poupée n’aura
aucun problème à devenir PDG. Et que le garçonnet jouant à l’explorateur de 0 à 12 ans fera plus
tard un formidable coiffeur. Parfois, on convoque un psy pour asseoir le propos. « Les enfants ont
besoin de repères et brouiller les pistes revient à perturber leur représentation du monde. » Brrrr…
Comment oserait-on traumatiser un enfant en lui donnant un jouet non approprié? Qu’on se rassure:
les statistiques nous montrent jour après jour combien la représentation du monde des petits (et des
parents) est suivie à la lettre à l’âge adulte.
Pourtant, apprend-on, la révolution est en marche. Mattel, père (ou mère, on ne sait pas bien) de
la célèbre Barbie, vient de céder à l’impensable: le jeu de construction pour filles. Si. Certes un
manoir de luxe rose, proposant de « construire avec style » pour devenir « une vraie décoratrice ».
La Barbie dégoulinante de sueur et rotant sa bière tout en tapant comme une sourde sur une barre de
fer pour la faire entrer dans une poutre en bois, ce sera pour l’an 3000.
En attendant cette époque bénie, la « révolution » 2012 va plus loin: des catalogues de jouets
détournent les codes en parquant une kalachnikov dans les bras d’une blondinette tandis qu’un
brunet donne le biberon à un bébé en plastique. Des raisons « commerciales » et non « militantes »
auraient dicté ce choix: nous voici rassurés.
Et interloqués. Commercialement plus intéressant, à l’ère « Hello Kitty », de vendre un jeu de
garçon à une fille? C’est que voyez-vous, nous apprend le « New York Times »*, désormais, de
plus en plus de papas achètent les jouets des enfants. Et que les adultes ont « toujours été le facteur
limitant empêchant les filles de jouer à des jeux de garçons. Et aussi que les papas, pour qu’ils
restent intéressés une fois le cadeau déballé, il faut leur proposer des plots à emboîter. CQFD.
*http://www.nytimes.com/2012/12/04/business/more-dads-buy-the-toys-so-barbie-and-stores-get-makeovers.html
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09/01/2013
Tendresses
Avez-vous lu « Clélie » de Mademoiselle de Scudéry? « Illisible » pour les uns, « mortellement
ennuyeux » pour les autres, ce roman-fleuve du XVIIe siècle, symbole de la Préciosité, a,
curieusement, marqué le cœur de l’écolière que j’étais. On y parle d’amours contrariées, de
conquête et d’autres affres mais surtout, c’est là qu’est apparue pour la première fois « La Carte de
Tendre ». Cette carte, allégorie de la séduction et de l’amour platonique nous mène, par le fleuve
« Inclination », de la ville de Nouvelle-Amitié à celle de Tendre-sur-Reconnaissance, en évitant la
« Mer Dangereuse » et des périls aussi variés que « Complaisance », « Soumission » ou
« Perfidie ». Il y a un versant positif, des « Billets doux » à « Empressement ». Et, tout au fond, les
« Terres Inconnues ». Délicieusement désuet.
Pour d’obscures raisons, la « Carte de Tendre » n’est jamais bien loin de mes réflexions. Et c’est
elle qui, subitement, s’est imposée en filigrane de LA nouvelle censée bouleverser les mœurs
helvètes en cette année 2013: l’arrivée sur notre territoire de la boutique « adopteunmec.com ».
Collision des siècles.
www.adopteunmec.com. Ou la flamboyante idée de proposer un site de rencontre où les filles
(inscription gratuite) feraient leur shopping de mâles. Lesquels s’acquittent de trente euros par mois
pour finir parqués dans un caddie. Cette semaine, par exemple, c’est la « semaine internationale de
la moustache »: « offre spéciale pilosité: un moustachu mis en panier, un barbu offert », proclame-ton pour un public forcément mort de rire car jeune (18-35 ans) et cool. Aveugle au nivellement par
le bas.
Or donc, après le site est venue la boutique. Au départ, cela devait être un poisson d’avril, mais les
médias ont tellement « adoré » (les artisans du site calculent encore combien aurait coûté une
opération comm’ qui aurait si bien marché en la payant) qu’il a été décidé de la réaliser pour de
vrai. Ainsi, après Bruxelles et Paris, le « buzz » sera lausannois. Pour quelques jours, à fin janvier si
« tout va bien », des messieurs fort bien tournés et suffisamment lisses seront donc emballés dans
des boîtes en carton, inventant ainsi une sorte de Red Light District du Flon, pour autant de
donzelles qui feront leur marché.
Pour l’objectif avoué, soit « rendre le pouvoir aux femmes », on repassera. On précisera que sur la
page d’accueil, seules les nouvelles clientes sont en photo, les mâles à adopter n’étant pas donnés en
pâture au premier clic. Passer 14 ans à soupirer sur l’élu-e de son cœur comme au pays de Tendre,
ça fait ricaner. Mais que dire de la livraison de son prochain Roméo en « CDD amitié câline »?
« Quel malheur que d’être une femme! Et pourtant le pire malheur quand on est femme est au fond
de ne pas comprendre que c’en est un » (Kierkegaard, 1843).
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23/01/2013
Gloria S.
La nouvelle, tombée il y a quelques jours, a plongé les adorateurs de Sarah Jessica Parker, SJP pour
les intimes (soit le lectorat in corpore de « RadarOnline.com ») dans des abîmes de désolation.
Celle qui restera à jamais au firmament du septième art (et demi, l’étage des séries) pour avoir
incarné Carrie Bradshaw, célébrissime échevelée de « Sex and the City », a été coupée au montage
de son dernier film.
Ne partez pas: l’affaire est plus intéressante qu’il n’y paraît. Le film en question, « Lovelace »,
raconte la vie de Linda Lovelace, au panthéon des actrices porno grâce à « Gorge profonde »,
devenue par la suite militante antipornographie après sa rencontre avec Gloria Steinem, icône
féministe. Pourtant, à la suite d’un « remaniement de scénario », une partie de cette histoire a
disparu. Alors, est-ce Linda Lovelace ou Gloria Steinem qui a été sacrifiée, mmhhh? Bingo: pfuit,
plus de Gloria S. au générique, on se concentre sur la prime jeunesse, probablement plus
télégénique, de Linda L.
Gloria Steinem, 78 ans. L’évoquer, outre le fait de donner du relief à Linda Lovelace, c’est suivre
ses grinçantes aventures en Bunny de chez Hugh Hefner et se souvenir qu’elle est à l’origine du
premier magazine américain féminin, « Ms. », proposant autre chose que des idées tricot. C’est
rappeler qu’elle a refusé le mariage jusqu’à 66 ans tout en ayant quatre enfants, en disant: « Je ne
peux pas me reproduire en captivité. » Démodé? Pas tant que ça finalement, à relire ce texte intitulé
« Et si les hommes avaient leurs règles? » Extrait.
« Les garçons se targueraient de la durée et du flot. Le Congrès créerait un Institut national de
dysménorrhée. Le gouvernement fournirait les fonds pour des protections gratuites. Les hommes
achèteraient des marques prestigieuses, comme les tampons John Wayne… Les règles seraient la
preuve que seuls les hommes peuvent servir dans l’armée (« pour faire couler le sang, il faut donner
du sang »), ou faire de la politique (« comment une femme pourrait-elle être agressive sans ce ferme
flot de sang gouverné par la planète Mars? »).Et les mecs se vanteraient: « Il me faut 3 serviettes. »
La contre-offensive à Mars et Vénus surgie du fond des eighties. Et s’il y a comme un couac à
imaginer SJP camper un personnage aussi coloré, on se prend à rêver: à quand un film sur Steinem
où l’on choisirait de faire disparaître Lovelace du scénario?
*feminism101.blogspot.ch/2007/09/si-les-hommes-avaient-leurs-regles.html
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Avaler. Ou pas
Or donc, nous sommes nombreuses à réaliser ces jours avoir ingurgité sans broncher des flopées de
Diane 35, dont on apprend qu’elle est plus efficace contre l’acné que contre les bébés. Soit. Et
qu’on peut s’estimer heureuses d’être en vie pour en témoigner. OK. Et qu’en 2007, toutes marques
confondues, 74% des Suissesses gobaient leur pilule quotidienne: c’est vrai que du coïtus
interruptus au stérilet, du diaphragme à la grève de lavette, on n’a toujours pas trouvé mieux.
Pourtant, loin de nous l’idée de torpiller la pilule: on lui doit tout de même la fin des avortements
clandestins avec aiguilles à tricoter et, parfois, sans anesthésie. Et le très soixante-huitard « Un
enfant, si je veux, quand je veux » a fait voler en éclats tout un système, et rendu leur liberté à
toutes celles qui se sentaient plus poules pondeuses que frivoles amantes. Une époque bénie qui a
permis aux femmes de se libérer et de se projeter dans un autre destin que celui de potentielles
parturientes écartelées hurlant dans les souffrances de l’enfantement, et ceci au minimum 12 fois
par vie. Ce qui, vous en conviendrez, squattait pas mal l’agenda de celles qui auraient voulu, ô idée
incongrue, faire carrière ou se lancer en politique, par exemple.
La pilule anticonceptionnelle est donc une victoire et une révolution efficaces, du moins nettement
plus que d’autres initiatives, testées au fil du temps: préservatifs en lin, en boyaux d’animaux,
cotons imbibés de jus de citron ou de mercure, ou même, crachats dans la bouche d’une grenouille.
Ou pire: la méthode Ogino. Alors? Alors il y a comme un hiatus. Quelque chose qui cloche. Cette
immense « liberté de choisir » a pris le goût amer de la servitude, en continuant, envers et contre
tout, de reposer principalement sur les épaules (et surtout sur l’organisme) des femmes qui en
conservent toute la responsabilité. Pourtant, « la venue d’un bébé, c’est l’affaire du papa et de la
maman », susurre Laurence Pernoud, papesse autoproclamée de la grossesse épanouie. Alors
pourquoi la position d’Andromaque-sans-procréation-siou-plaît serait-elle l’affaire unique des
filles?
C’est que voyez-vous, la pilule pour garçons, idée prise au hasard, c’est très très très très
compliqué à concocter. Si, si. Pensez! Maîtriser des millions de spermatozoïdes plus forts les uns
que les autres face à une poignée d’ovules flagadas… c’est vite vu. Ça fait donc plus de vingt ans
qu’on nous la promet pour dans dix ans, qu’on serait « très proche » d’une commercialisation. Qui
pourrait venir d’un laboratoire israélien aux dernières nouvelles. Pour autant que les moyens alloués
à la recherche soient à la hauteur de l’ambition égalitaire… On se prend à rêver… Reste à voir si les
femmes sont prêtes à croire un homme qui leur dirait « Ne t’inquiète pas, ma chérie, je prends la
pilule »…
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20/02/2013
Mauvaise mère
Incontournable. C’est « le » sujet sur lequel une chronique comme celle-ci doit s’impliquer: le 3
mars, arrêté fédéral sur la politique familiale. Comment évoquer ce moment charnière où la Suisse
pourrait bien s’extraire d’une ère que d’aucuns (et surtout d’aucunes) estiment cro-magnonesque?
Il y a la perspective de voir chaque bambin trouver une place de crèche, si c’est un souhait des
parents. L’espoir que les crises de panique de géniteurs ne sachant que faire de la prunelle de leurs
yeux ne soient qu’un souvenir. Ce moment encore « exotique » où la parentalité ne sera plus
considérée comme une affaire privée. Où maman comme papa pourraient s’accomplir
professionnellement, ou artistiquement, ou humainement. Parce que être parent, c’est certes
merveilleux (et aussi très chiant, parfois), mais ce n’est qu’une facette de nos identités et aspirations
multiples. Et puis se télescopent la cohorte des arguments. « Elevage d’enfants. » « Coûts. »
« Etatisation. » « Nature. » Et puis: « Mauvaise mère. » Parce que la parentalité reste, encore et
inlassablement, une histoire de femmes.
Mauvaise mère. Comme cette amie qui raconte la manière dont elle sent avoir payé son dû à la
société depuis qu’elle a enfanté. Comment, dans la rue ou au café, d’autres femmes se permettent de
lui dire comment se comporter avec ses enfants. Comment, enceinte, elle se faisait tâter l’abdomen
par une floppée d’inconnus/es: le Ventre Universel, ça se palpe sans vergogne. Mauvaise mère.
Comme toutes celles qui ont pensé que ces questions étaient passées, loin de leurs réalités et
qu’elles sauraient faire autrement. Jusqu’au moment où elles se sont retrouvées déclassées à temps
très partiel tandis que leurs hommes n’arrivaient même pas à obtenir 10% de réduction d’horaire.
Ou bonne mère. Comme cette connaissance qui estimait haut et fort que de n’avoir plus d’activité
professionnelle depuis plus de vingt ans était un « choix ». Que le fait que son mari avait fait
carrière et qu’aujourd’hui, elle n’avait pas les moyens de le quitter n’était rien comparé au
« bonheur » de s’être consacrée entièrement à ses enfants.
Libres mères. Et libres pères. Qui pourraient, à l’avenir, trouver les moyens de s’accomplir
professionnellement et personnellement. Et s’affranchir des diktats paternalistes qui n’en démordent
pas: un enfant ne peut s’épanouir qui accroché aux jupes de sa mère, créature « naturellement »
programmée pour se fondre dans sa progéniture. Car c’est cela, le message subliminal des valeureux
hommes politiques engagés dans la bataille du « non », qui se targuent régulièrement de la
prolifique progéniture élevée sous leurs toits. Tiens, au fait… Et leurs femmes, elles en pensent
quoi?
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06/03/2013
Essentialismes
Si l’on en croit Hanna Rosin et son «The End of Men»* fraîchement traduit en français, les femmes
seraient en passe de prendre le pouvoir. Celui qui donne de gros salaires, des postes à responsabilité
et le partage des tâches ménagères. La journaliste américaine y déploie son argumentation prouvant
comment la domination masculine est en train de partir en capilotade. Comment « Carton man » est
complètement dépassé par une « Plastic woman » menant tout de front, gagnant plus d’argent que
les hommes, faisant des enfants sans congé maternité. Des « mutantes » dont on se demande si elles
font envie ou pitié.
Un nouveau combat des sexes ? Que nenni, puisque les hommes, une fois assouplis, auront tout à
gagner à la révolution qui est en marche. Tout ceci, explique-t-elle, grâce à une logique économique
qui aurait besoin de qualités « féminines ». Miasmes différentialistes ? Vous avez bien flairé. Ainsi,
les femmes modernes exploiteraient leurs fragilités de manière « audacieuse », à l’image de Lisbeth
Salander, héroïne de Stieg Larsson et hackeuse de génie, décrite ici comme « une frêle jeune femme
qui, plutôt que d’appeler SOS Femmes battues, décide de prendre sa revanche sur les hommes ».
Mouais. On dirait bien que ce « bouquin coup de poing » est certes plein de bonne volonté, tout en
tombant dans les clichés éculés. Surtout que plafond de verre et plancher collant se chargent, encore
et toujours, de faire un sort aux ambitions féminines et ceci même si les filles sont meilleures que
les garçons à l’école.
Las ! Allez savoir pourquoi, à cette lecture vaguement lénifiante s’est télescopé un autre coup de
poing. Un vrai. Terrorisant, celui-là. «Virgin Tales », documentaire de la Suissesse Mirjam Von
Arx, suit la vie d’une gentille famille américaine, les Wilson : papa Randy, maman Lisa, deux fils et
cinq filles, tous et toutes férocement évangéliques. Ici, le différentialisme est fièrement exhibé : la
femme attend le prince charmant, se marie, enfante, cuisine et tient son ménage. L’homme est
soldat, chef de famille et carriériste. Paternalisme, patriarcat, patriotisme. Et Tea Party. Les files
sont vierges et chastes mais personne ne veut savoir ce que font les garçons envoyés à la guerre. A
moins qu’ils aient occis de l’Infidèle. Acmé du système ? Les Bals de Pureté, célébration de la
relation père-fille à grand renfort de déclarations waltdisneyennes et de robes en tulle. Aux EtatsUnis, 25% de la population est évangélique et le premier bal de pureté européen a eu lieu, il y a peu,
en Finlande. Même Œdipe n’en revient pas.
*Hanna Rosin, « The End of Men : voici venu le temps des femmes », Editions Autrement, 2013
* Mirjam Von Arx, « Virgin Tales », http://virgintales.com
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20/03/2013
Présidente
« Mon fils m’a demandé, à l’occasion de l’élection de Barack Obama, si les femmes avaient le droit
d’être président. Je ne veux pas que ses propres enfants lui posent encore la même question »
s’agace Sheryl Sandberg, directrice générale de Facebook, dans une interview récente. Pour éviter
ça, elle vient de se fendre d’un livre entier invitant les femmes à « se bouger »*. Les engueulant au
passage, elles qui sont, selon la thèse de la milliardaire américaine, seules responsables de leur
« malheur », plus préoccupées par la préservation de leur vie familiale que par la perspective de
briller professionnellement.
Des présidents, des présidentes… Attendez un instant… François…. Non. Ueli… Non. David…
Non. Mariano… Non. Giorgio… Non. Ah si! Park Geun-hye, en Corée du Sud. Et Dilma Roussef
au Brésil. Et Pauline Marois au Québec. Et Christina Kirchner en Argentine. Et, bien sûr, Angela
Merkel, la caution européenne. Et quelques autres. En tout, elles sont une quinzaine dans le monde
en 2013. Sur environ 230 pays. Tout n’est donc pas perdu. Et en Europe, par exemple?
En Europe, il y a la Suisse, qui a failli croire sérieusement que le cas était réglé l’année où, par un
hasard électoral, elle a été gouvernée par quatre femmes et trois hommes. On a un peu ricané sur
« qui irait chercher le café » et puis tout est (presque) rentré dans l’ordre. Et en France? En France,
elles sont 16, déjà, à s’être cassé les dents sur les marches de l’Elysée. Seize kamikazes qui, de
l’increvable Arlette Laguilier (7 candidatures!) à Ségolène Royal, ont voulu y croire. Ou énerver,
c’est selon. Dans « Présidente, le grand défi »*, Marlène Coulomb-Gully raconte ces périples et se
penche surtout sur le regard des médias.
Le constat? On infantilise, ridiculise, « sobriquettise ». Les candidates sont décrites en fonction de
leur situation familiale. On plaint celles qui n’ont pas d’enfants et on s’inquiète pour le frigo de
celles qui en ont. Il y a eu Corinne Lepage, 1 m 51 (qui connaît la taille exacte de Sarko?), qualifiée
de « grenouille verte », puis de » plante verte ». Puis une « Sego » est délestée de ses nom et
prénom. Surdiplômée mais vite classée incompétente, classée 6e du concours de beauté de FHM
devant… Pamela Anderson.
Spécialité franco-française? Pas vraiment. Park Geun-hye est une « fille de », Dilma Roussef une
« dauphine de », Christina Kirchner une « veuve de ». Même Angela Merkel a été une « Mädchen
von ». Quant à Pauline Marois, elle serait « victime de sexisme bienveillant ». Pas de doute, pour
remplacer Barack Obama, il faudra avoir une jolie paire de colliers de perles.
*Sheryl Sandberg: « Lean In: Women, Work and the Will to Lead ».
*Marlène Coulomb-Gully: « Présidente, le grand défi », Payot 2012.
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03/04/2013
Typiquement Femen
Elles ne respectent rien. Ni les croix, ni les polices, ni les gouvernements, ni même le Forum de
Davos(c’est dire…). Et surtout pas les frontières, elles, les Ukrainiennes exilées en France, qui sont
en train de mettre un petchi invraisemblable dans le monde arabe. Elles ne respectent rien, sauf
elles-mêmes. Et là, elles sont implacables. Dans leur collimateur, trois cibles: les dictatures,
l’industrie du sexe et l’Eglise. Et leur fil rouge: le droit des femmes à disposer librement de leur
corps. De leur vie. De leur âme. De leurs choix. On les admire ou on les déteste, mais les Femen ne
laissent plus personne indifférent.
Dangereuses, car elles sont belles et agressives. Blondes et hurlantes. Nues et surentraînées.
Maquillées et pugnaces. Couronnées de fleurs traditionnelles et crachant des slogans guerriers.
Usant des stéréotypes pour mieux les déjouer, elles brouillent les codes et sont, surtout, des déesses
de la communication. Elles le savent: sans leurs seins nus, personne ne les aurait vues et encore
moins entendues. Et la forêt de caméras qui s’agglutinent à chacun de leurs happenings, c’est aussi
leur protection. Quand, en Biélorussie, la police s’est d’abord attaquée aux médias avant de les
évacuer, elles ont senti la différence. Séquestrées, déshabillées et arrosées d’essence,
l’avertissement a été clair. Cela ne les a guère calmées.
Passons sur les féministes françaises qui les trouvent trop vides, trop nues, trop belles et, surtout,
trop misandres. C’est vrai, elles distillent une haine des hommes un peu datée, mais qui s’explique.
Elles sont le produit d’un pays, l’Ukraine, pays de Cocagne du tourisme sexuel, où les femmes,
réputées très belles et très dociles, deviennent invariablement mères ou putains. De ce terreau
paternaliste ancestral ne pouvait qu’émerger un mouvement radical: avant de construire, il faut
déconstruire. « Ne me libère pas, je m’en charge », proclamait un slogan soixante-huitard. Soit
exactement ce que disent les Ukrainiennes et, aujourd’hui, les Tunisiennes, les Egyptiennes ou les
Iraniennes. Réveiller les consciences à grands seaux d’eau froide: plutôt que de se dévoiler la tête,
montrer ses seins. Et barder son torse de slogans pour dire la rage, le ras-le-bol, la haine d’un
monde qui nie la moitié de sa population sous prétexte de la protéger. Aliaa Magda Elmahdy,
Egyptienne coupable de s’être montrée nue, a dû s’exiler. Amina Tyler, Femen tunisienne, est
actuellement « protégée » par sa famille, tout en devenant une icône en Tunisie. Depuis, les clichés
déshabillés se multiplient. Femmes voilées, poitrines nues. Demain 4avril, proclamée journée du
« Jihad Topless », toutes sont invitées à poser, sans autres armes que leurs seins. Une ironie qui fait
éructer ou jubiler. Efficace. Typiquement Femen.
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17/04/2013
Poussière
« Dans vingt ans j’aurai acheté un lave-vaisselle et il y aura des robots qui feront tout à ma place »,
dit l’homme. « Dans vingt ans, ce sera à peu près pareil que maintenant, sauf que je lui aurai
inculqué encore quelques petits trucs », dit la femme. « Quelque chose a changé en ce qui concerne
le travail domestique. On en parle, avant on n’en parlait pas », note le sociologue.
Après ces quelques perles recueillies dans un documentaire récemment diffusé sur RTS2*, nous
sommes donc ravis, et ravies, d’apprendre que la cohorte vaisselle-repassage-récurage est devenue
un vrai sujet dont on cause. Et que les femmes « savent » tellement bien faire le ménage qu’elle
peuvent « l’inculquer » à leurs hommes. Car dans les faits, rien ne change. En 2013, la moitié des
crêpages de chignons dans les couples tournent autour du ménage pas fait, ou mal fait. Normal:
Madame assume toujours, en moyenne, 80% des tâches ménagères pendant que Monsieur gère les
20% restants en pensant en faire 80%. Le plus stupéfiant, c’est que tout le monde en rit. Un peu
jaune ou à gorge déployée, on rigole, on se tape sur les cuisses. Pff, ce sujet, anecdotique, non? Et
puis cela n’a pas de conséquence ma bonne dame, et c’est l’ordre naturel des choses...
Tout le monde va prêcher l’égalité parfaite entre femmes et hommes et chacun va y aller d’un
témoignage qui dit tout le contraire. Il y a le très féminin « il M’aide » ou « il ME débarrasse la
table », qui fait son petit effet horripilant. Et le masculin « si je ne faisais rien dans la maison je ne
culpabiliserais pas du tout ». Ou encore le délicieux « faire la vaisselle, au fond, c’est presque une
compétence », prononcé par un mâle en pleine action. Dans un essai sur le sujet paru il y a quelques
années*, Patricia Roux pointait du doigt cette réalité: les hommes sont plus nombreux à reconnaître
que la situation des femmes n’est pas très enviable… Sans vouloir en changer.
Pour sortir de l’ornière, il est donc urgent de revoir l’équation autrement. Cessons, par exemple,
de comparer un sexe à l’autre. Le principe même de discrimination sexuelle disparaît, laissant la
place à d’autres modèles. Les couples de même sexe, par exemple, s’inventent autrement que sur le
mode « maman à l’aspirateur et papa devant la télé ». Pourquoi cela serait-il inaccessible aux
hétérosexuels? En se distanciant de la question du genre, elle nous revient en pleine figure: celui qui
gagne le plus est souvent celui qui en fait le moins à la maison. C’est combien, la différence
salariale entre hommes et femmes, en Suisse, en 2013?
*Patricia Roux, « Couple et égalité: un ménage impossible », Réalités sociales 1999, Lausanne.
*Marcia Romano et Andrès Jarach, « Tant qu’il y aura de la poussière », Arte 2010.
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01/05/2013
Foetus
C’est une saga dont la Suisse a le secret. Après les 59 ans nécessaires à l’obtention d’un congématernité payé et les 85 ans de luttes pour l’obtention du droit de vote des femmes, voici
l’avortement remis en question. Pourtant accordé dès 1942 (une exception européenne) à toute
femme en danger de mort, il aura certes fallu 60 ans pour bénéficier d’une vraie loi, mais bon, cela
n’a pas été le plus coriace des combats.
Las! Aujourd’hui, deux initiatives successives attaquent ce droit avec des arguments
« délicieusement surannés », dirait-on pour être polie. Il y a d’abord la désarmante « l’avortementest-une-affaire-privée-et-donc-on-ne-doit-pas-financer-les-folles-sans-cœur-qui-veulent-yrecourir ». Tout de même 110'000 signatures récoltées à toute vitesse: le peuple tranchera. Et puis il
y a l’autre, la rigolote oserions-nous dire, si on ne craignait pas les foudres de Dieu. Celle qui dit
« vous-vous-rendez-même-pas-compte-que-tous-ces-fœtus-morts-auraient-pu-ramener-plein-depognon-et-que-donc-c’est-une-misère-pour-le-PIB-perdu-de-la-Suisse » et qui, en fait, se bat pour
que « Toi-Suissesse-tu-pondras-au-moins-trois-enfants-et-tu-les-élèveras-dans-l’allégresse-de-laGenèse... » Celle-ci vient d’être lancée et est encore loin des 100'000 paraphes nécessaires, même si
sur une terre aussi démocratique que la nôtre, nous ne sommes à l’abri de rien.
Le problème, c’est qu’on touche là au « droit à disposer librement de son corps », une des grandes
luttes féministes qu’on a la naïveté, parfois, de considérer comme un acquis. Ce droit-là, c’est le
b.a.-ba de l’autonomie des femmes, celui qui leur a permis de dépasser le statut de ventres sur pattes
fournisseurs de soldats et de joueurs de foot à la patrie. Celui qui fait qu’aujourd’hui, ce fameux
PIB est nourri quotidiennement par le travail féminin. Et qui ouvre les échanges des couples à
d’autres sujets que le premier caca du petit dernier (qui reste hautement important, nous ne saurions
le nier ici!).
Pourrait-on suggérer à nos initiants de plonger dans l’Histoire? Ils y découvriraient que
l’avortement n’était ni illégal ni immoral dans l’Antiquité et qu’il a fallu attendre Hippocrate et
l’ère chrétienne pour en faire tout un pataquès. Que la Chine ou Babylone ont laissé diverses
recettes de potions abortives, alors que les doctes Platon et Aristote conseillaient d’y recourir dans
certains cas. Ceci même si Aristote croyait savoir, le bougre, que l’âme mâle s’éveille à 40 jours
après la conception tandis qu’il en faut 80 à l’âme femelle. Ceci bien sûr, hors de tout pathos: la
souffrance des femmes et tout ce que ces sordides discussions génèrent, on les traitera au IVe
millénaire.
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29/05/2013
Hommes
Gloire à la Toile, source d’inspiration inépuisable! Comme avec ce déchirant sanglot, glané
récemment sur un réseau dit « social »: Scènes de vie ordinaire à l’université: un organisateur de
colloques figure sur une liste noire car il n’a pas invité de femme. Un professeur désespère car tous
les spécialistes qu’il a réunis pour une publication sont des hommes: l’éditeur n’entrera pas en
matière. Une collègue est invitée à contribuer à un volume prestigieux et se demande si c’est parce
qu’elle est une femme. Comment a-t-on pu en arriver là?
Ô rage, ô désespoir, qu’on se ronge les ongles jusqu’aux moignons! Comment a-t-on pu en arriver
là? Comment peut-on tolérer des situations où la seconde (ou première c’est selon) moitié de
l’humanité est prise en compte? Dangereusement subversif. Un peu comme quand on réalise que les
hommes n’occupent plus que 82% des postes de professeurs dans les universités suisses, qu’ils ne
sont plus que 91% à régner dans les conseils d’administration et que de plus en plus de femmes
osent les wagons CFF première classe avec un abonnement valable. Tout bonnement inique. Fort
heureusement, ces aimables anecdotes produisent aujourd’hui de fabuleux échanges quand on en a
marre de bosser et que Facebook est (bêtement) resté activé. Mais parfois, ce ras-le-bol a de plus
fâcheuses conséquences.
Ainsi, Marc Lépine, passé à la postérité le 6 décembre 1989. Ce jour-là, il entre à l’Ecole
polytechnique de Montréal, pénètre dans une classe d’ingénierie mécanique et sépare filles et
garçons, fusil semi-automatique en main. Aux étudiants, il demande de sortir. Aux étudiantes, il
bricole ce syllogisme: « Je combats le féminisme, vous êtes des femmes qui allez devenir
ingénieures, vous n’êtes qu’un tas de féministes. Je vous hais. » Et il fait feu. En tout, 14 femmes
mourront sous ses balles ce jour-là. Après quoi, galanterie suprême, il passa lui aussi de vie à trépas.
Folie passagère ou vrai trouble psychiatrique, l’Histoire n’a pas tranché. Mais les suites de
l’événement ont permis de mettre en exergue une réaction particulière aux situations de genre:
d’abord, on pleure le drame. Puis on cherche des coupables et là, il se passe un truc.
Marc Lépine? Fautif, oui. Mais aussi victime sacrifiée d’une société trop féminisée. La faute est
donc aux féministes, attisant la haine. La place est alors faite au discours masculiniste, très en vogue
encore aujourd’hui. Celui qui estime que les femmes « vont trop loin » et que les petits garçons sont
malheureux à l’école obligatoire. Les vraies victimes, au fond? Les hommes, bien sûr, qui ne savent
plus à quel sein se vouer. Les pauvres.
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12/06/2013
Gays
En 2013, c’est top d’être homosexuel. D’être, comme le dit la très prochaine Pride fribourgeoise,
« comme tout le monde ». La suisse ne s’y est pas trompée, en refusant, il y a peu, d’entrer en
matière face au Conseil onusien des Droits de l’homme qui s’inquiétait du vide juridique helvète sur
l’homophobie. Pourquoi renforcerait-on le Code pénal, alors qu’il n’y a nul besoin de protéger les
minorités sexuelles contre l’incitation à la haine ? La haine ? Quelle haine ? Celle que Gregory
Logean, qui ne comprend pas encore très bien les choses de la vie, a répandue en associant
« homosexuels » et « déviants » ? 40 plaignants déboutés par le Tribunal fédéral en 2010, faute de
base légale : on peut agir juridiquement face aux insultes racistes, ethniques et religieuses et on veut
bien vaguement s’énerver pour du sexisme, mais certainement pas pour un hypothétique « pédé ».
C’est assez rigolo, « pédé », au fond. Non ?
C’est bien normal, que celles et ceux qui « en sont », avec leur allure de femmelette ou de
camionneur, fassent rigoler sous cape « les gens normaux ». Surtout qu’au niveau du pouvoir
d’achat, hein, les gays et lesbiennes ont le cul dans la crème et ne sont pas exactement « comme
tout le monde » : pas le droit de faire des enfants et donc, le loisir de se payer carrière et beaux
voyages. De dépenser pour le fun l’argent venu d’emplois à forte rémunération. Remarquez,
heureusement qu’ils sont riches, avec leur goût surdéveloppé pour la déco et les hôtels de luxe. Et
puis il y a la sexualité : être gay, c’est franchement dégueulasse (vous imaginez ce qu’ils font dans
un lit ?) mais alors, être lesbienne, ça, c’est fantasmatique (vous imaginez ce qu’elles font dans un
lit ?). Et il faudrait s’affoler pour l’homophobie ? Vraiment, pas de quoi s’inquiéter.
Bien sûr, 80 pays interdisent l’homosexualité et deux la punissent de mort, mais c’est si loin de
chez nous. Et la France ultracatholique vient de cracher, vomir et éructer pendant des mois les
insultes les plus immondes à la face des gays sous prétexte de « Manif pour tous ». Mais ça s’est
calmé. En Suisse, tout est normal. La preuve ? On a un Pacs.
Fort heureusement, on a aussi Matthias Reynard. Il vient de déposer, avec 54 de ses collègues
parlementaires, une initiative visant à protéger l’orientation sexuelle de toute discrimination
publique. Choqué par l’homophobie rampante et galopante, choqué par ces jeunes qui veulent
mourir parce qu’ils sont gays : 30% des suicides adolescents aux Etats-Unis en 2010, des chiffres
similaires à l’Europe. Dire non à l’homophobie, c’est une question de santé publique. Et de dignité.
Pour qu’un jour les homosexuels/les soient vraiment « comme tout le monde ».
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