LOLA EST NEIGE - FAI-AR
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LOLA EST NEIGE - FAI-AR
LOLA EST NEIGE de Sylvain Sicaud LOLA EST NEIGE parcours en gestes et en chants à la rencontre de la dernière Selk’nam LOLA EST NEIGE conception, chorégraphie, interprétation Sylvain Sicaud musique Simon Dargent avec les chants de Lola Kiepja masque Guillaume Mangeant regard extérieur Mehdi Farajpour ce fascicule est réalisé pour le PANORAMA de la FAIAR, du 11 au 13 mars 2015, où une maquette du spectacle Lola est neige est présenté imprimé sur papier 100% recyclé, certifié ange bleu en 42 exemplaires JE SUIS HOMME JE SUIS FEMME JE SUIS JEUNE SE SUIS VIEILLE JE SUIS VIVANT JE SUIS MORTE JE SUIS ICI JE SUIS LA-BAS JE SUIS CHAIR JE SUIS AME JE SUIS CHASSEUR JE SUIS CHASSEE JE SUIS EXTERIEUR JE SUIS INTERIEURE JE SUIS PLEIN JE SUIS VIDE JE SUIS DEVANT JE SUIS DERRIERE JE SUIS CIVILISE JE SUIS SAUVAGE JE SUIS DANGEREUX JE SUIS EN DANGER JE SUIS NOMBREUX JE SUIS SEULE Comme la fonte des calottes glacières est la conséquence d’une activité inconsidérée de l’occidental, les Selk’nam, peuple de Terre de Feu ont été décimés en moins d’un siècle par l’arrivée des colons. Lola a survécu un peu plus et s’est retrouvé seule à porter une immense histoire. Dans les arts traditionnels, transmis par l’oralité, les gestes bougent sans cesse du fait de la multiplicité des interprètes, et leur fixation ne s’avère jamais possible. Mais lorsqu’une culture est morte, quelles traces laisse-t-elle aux vivants ? A défaut de pouvoir recréer un rite, une danse, à jamais éteinte, les mettre en dialogue avec une autre culture, est une façon de prolonger leur empreinte. A la manière des Selk’nam, qui voyaient les éléments naturels comme leurs ancêtres réincarnés, dans Lola est neige, j’expose une résurgence de ce peuple oublié. Du paradoxe entre deux êtres que tout oppose, faire resurgir le dialogue. Intérieur d’un être confronté à l’altérité, qui, cherche à la faire devenir sienne. Mêler les peaux et les étirer à souhait. En rencontrant Lola, il m’a fallu faire entendre son chant, voir ses gestes, sentir son souffle. intentions lola kiepja Lola était la dernière représentante de son peuple, les Selk’nam, qui vivaient en Terre de Feu, à l’extrême sud du continent américain. Elle n’avait pas choisi de voir mourir ses enfants, elle n’avait pas choisi de voir mourir ses petits-enfants. Elle était la dernière à connaître sa langue, elle était la dernière à avoir participé aux cérémonies, à connaître la cosmogonie, à pouvoir chanter les psaumes de leurs rituels. Les Selk’nam divisaient leur territoire en sept points cardinaux. Chaque famille était relié à un territoire. Ainsi, par son père, Lola était du territoire du sud, là d’où vient la neige. Les Selk’nam avaient un seul nom. Lola s’appelait nativement Kiepja. Lola est le nom qu’elle a reçu après la colonisation par les espagnols. Dans les dernières années de la vie de Lola, l’ethnologue Anne Chapman est allée à sa rencontre pour l’enregistrer des heures durant raconter les histoires de son peuple, chanter les refrains qui animaient leur communauté, se rappeler des noms des personnes disparues. Le 9 octobre 1966, Lola meurt, seule, isolée mais jusqu’au bout elle sera restée sur ses terres, les terres de son peuple. danse et chant En prenant appui sur les enregistrement des chants de Lola et sur les écrits d’ethnologues qui ont rencontré les Selk’nam, il s’agit de traduire une gestuelle Selk’nam dans un corps qui n’est pas Selk’nam. Inspiré de leur mode de vie et de leur rituel du Hain, un mouvement sera tantôt inspiré d’un animal fuégien, tantôt d’un personnage d’esprit. Avec toute la dimension que révèle une vieille femme qui se souvient de sa jeunesse. Tout art recèle une part d’histoire. Il ne s’agit pas de reconstituer méthodiquement ce qui a existé car toute tentative serait perdue. La chorégraphie se détachera de l’histoire pour n’en garder que l’essence. Puisant à la fois dans la composition instantanée, le Topeng (théâtre de masque balinais), et d’autres danses du monde, le chorégraphe-interprète donnera sa propre traduction, à travers le prisme de son propre corps, de sa propre culture, de son propre esprit. De même, pour la musique du spectacle, composée d’un mixage de chants de Lola, l’intention est de pénétrer dans l’environnement des Selk’nam. En multipliant le chant solitaire de Lola, un peuple entier se fait entendre. Teinté d’éléments naturels et de sons ambiants, le spectateur est emmené entre deux mondes, plongé dans une scénographie sonore, par une diffusion en sept points différenciés. En revêtant un masque et un costume de papier, le danseur incarne la fragilité de Lola sur une terre qui n’est plus la sienne. Avec une nostalgie sans rancune, la nature joyeuse de Lola transpire à travers une végétation foisonnante dans un espace urbain délaissé. La surexploitation des espaces en occident ne laisse que peu de place au sauvage, ou alors sous une appellation Parc Naturel, derrière des grilles. La forêt apparaît comme le dernier refuge de la nature en autogestion. Pourtant, de petites parcelles délaissées dans les centres urbains sont de véritables refuges de biodiversité. Ces tiers-paysages, ainsi nommés par Gilles Clément, sont les reflets au niveau mondial de ces forêts où vivent encore des peuples isolés, incarnant la diversité humaine, à l’instar de la Terre de Feu avant le XIXe siècle. Pour permettre au spectateur d’entrer en contact avec Lola, un parcours à pied lui sera nécessaire. L’errance comme première étape d’un ralentissement procède à l’ouverture des sens, telle que la pratiquaient les Selk’nam, en bons chasseurs maîtres du pistage. Entre cérémonie, spectacle et exhibition ethnographique, le public arrive sur le lieu de culte et devient assemblée de fidèles participant à un rituel dont les codes lui échappent. L’observateur, se détache d’un voyeurisme, se décroche des préjugés devant l’inconnu. Dans un affrontement où tous sont vaincus, partagé entre deux univers, primitif et moderne, naturel et urbain, sonore et mélodique, il entre dans la danse, emporté par le rythme effréné des refrains scandés incessamment. espace sauvage Dans le processus de création, nous avons eu la chance d’être accueillis par des structures mettant le relationnel au centre de leur démarche. Entre proximité au territoire, création artistique et nature, nous avons profité pleinement de ces espaces pour avancer notre projet, dans un esprit collaboratif. Au CIAM, salle de danse du quartier des 5 avenues à Marseille, toujours ouverte aux artistes en recherche, il a été question de chorégraphie dès que nous avions besoin d’un espace abrité entre août et janvier. Au Père Peinard, à Strasbourg, appartement qui accueille régulièrement des spectacles et des répétitions en tout genre, nous avons écouté en décembre les chants de Lola et expérimenté le dispositif sonore. A la Grange du Clos Ambroise, juste en face du vieux Miramas au milieu de la forêt, du 3 au 8 février, j’ai pu marcher dans la nature, lire des documents et écrire des intentions. Chez la Cie de l’Eléphant Vert, au cœur de la Camargue, du 16 au 20 février, nous avons pour la première fois assemblé les matériaux travaillés séparément : danse, musique, masque et scénographie. Enfin, à Lieux Publics en voisin de la FAIAR, fin février, nous avons mixé les chants avec les sons enregistrés auparavant. résidences bibliographie Quand le Soleil voulait tuer la Lune – Rituels chez les Selk’nam de Terre de Feu, Anne Chapman, Métaillé collection Traversées, 2008 Aux confins de la terre – Une vie en Terre de Feu (1874-1910), Lucas e Bridges, traduction de Michel L’Hénoret, Nevicata, 2009 (1 éd, 1947) Les spectacle des autres – Questions d’ethnoscénologie II, International de l’imaginaire No15, journal dirigé par Jean Duvignaud et Chérif Khaznadar, Babel, 2001 Le chant des Eve, La danse des Adam – ou l’histoire du chant et de la danse dans l’humanité, Stéphanie Del Regno, La Vallée Heureuse, 2012 e La musique et la transe, Gilbert Rouguet, Gallimard Tel, 1990 (1 éd 1980) La pensée sauvage, Claude Lévi-Strauss, Plon Pocket, 1962 Exhibitions – L’invention du Sauvage, , dirigé par Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Nanette Jacomin Snoep, Quai Branly / Actes sud, 2011 Du Spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier, Wassily Kandinsky, e Folio essais, 1989 (1 éd 1954) Marseille, ville sauvage – Essai d’écologie urbaine, Baptiste Lanaspeze, Geoffroy Matthieu, Actes Sud, 2012 EST-CE MOI QUI INCARNE LOLA OU LOLA QUI SE REINCARNE EN MOI ? Né en 1983 à Bagneux, au sud de Paris. Après une brève carrière d’ingénieur puis de traducteur, il décide de se vouer au spectacle et cofonde en 2009 la compagnie Quelque Part. Lancé initialement dans la création vivante avec les arts du cirque, il s’est formé en danse contemporaine et contact improvisation en gardant un penchant pour les sauts et les chutes. Sensible à l’environnement et épris de numérique, il signe 100, chorégraphie à bicyclette, et http://www., triptyque de performances interactives. Voyageur intrépide, ayant vécu un an à Pékin en 2008, toujours prêt à apprendre une nouvelle langue et à connaître une autre culture, il part étudier les danses traditionnelles à Bali en 2011 et entame d’emblée une recherche sur les rituels collectifs. Dès lors, il se passionne pour l’ethnologie et particulièrement sur le rapport au spectacle dans les cultures du monde. Collaborant avec des compagnies de théâtre, de cirque ou de musique, comme danseur ou conseiller mouvement, il associe sa danse à toutes les disciplines artistiques, avec tous les corps. Membre depuis 2009 de la Fédération des Arts de la Rue, il incorpore en octobre 2013 la cinquième promotion de la FAIAR à Marseille, pour pousser plus loin sa réflexion sur l’espace public. Il y ébauche une performance de boucle temporelle Déjà Vu et amorce une pédagogie du Corps Oscillant. sylvain sicaud simon dargent Né en 1987 à Mulhouse. Il étudie la guitare de 2002 à 2006, puis développe sa pratique et ses connaissances musicales en autodidacte au gré des rencontres et au fil des instruments : basse, clavier, ukulélé, voix. Il s’éprend en 2007 de conception de musique électronique, et créé depuis 2009 des bandes sonores de spectacles, performances et installations, en partenariat avec chorégraphes, danseurs, comédiens et plasticiens. Opérateur-projectionniste de cinéma entre 2007 et 2012, il intervient pour plusieurs festivals comme programmateur, technicien, régisseur, et se constitue un home-studio dans lequel il enregistre divers musiciens strasbourgeois. Membre de plusieurs groupes dans des styles variés, du rock à la musique classique en passant par le hip hop, la chanson française et les musiques du monde, il est actuellement actif au sein des groupes Robert de l’Espace, musique expérimentale, et de La Mangrove. guillaume mangeant Né en 1985 à Strasbourg. Il a une fâcheuse tendance à maquiller les gens, à les transformer en leur collant des prothèses et des dents. De sa grotte sombre sortent des créatures tantôt oniriques tantôt maléfiques. Il transfigure la pourriture, composte, nettoie, compose et recompose squelettes, os, feuilles, plumes, fleurs, poils, graines, griffes, assemblant les traces d’anciennes vies, nouveaux totems qui veulent nous ramener ici et maintenant, nous montrer que nous sommes des êtres de chair et de sang, que cette vie là n’a qu’un temps, pour mieux vivre au présent. Né en Iran. Chorégraphe et directeur artistique de la compagnie ORIANTHEATRE, il est diplômé de la faculté des Beaux-arts de Téhéran, section Théâtre. Il réside depuis l’été 2009 en France. Après des débuts sur scène en tant que comédien et danseur, il est aujourd’hui considéré comme un artiste conceptuel. Il partage son temps entre la création d’œuvres chorégraphiques et théâtrales, pour la scène, et l’enseignement de sa méthode, la Danse Méditative. La carrière artistique de Mehdi couvre plusieurs domaines tels que la danse, le théâtre, la vidéo, la photographie, la littérature et la poésie. mehdi farajpour à Jina Kim pour ses dessins à Elise Mautalen, Samuel et Céline Lartisien, Pierre Deslomes et Claire Madelenat pour leur chaleureux accueil à Messieurs Sonsoni et Baahou pour leur hospitalité à Alexandra Castelletti et Alessandro Bruni pour leur coup de main à Aurélie Labouesse pour son soutien continuel ainsi qu’à toute l’équipe de la FAIAR, aux innumérables intervenants de ces dix-huit mois de FAIAR et aux quinze formidables co-apprentis de la promo 5 de la FAIAR remerciements quelque part Quelque Part est l’utopie d’un monde où le corps est affranchi de son comportement sociétal, où chacun peut se placer et se déplacer dans l’espace public, à la manière dont il l’entend. Depuis sa création en 2009, Quelque Part aborde des thèmes majeurs de notre société contemporaine, la mobilité, l’environnement, la communication, les mythes, en les reliant dans ses performances, spectacles, à l’espace, au public. L’espace public, ou agora pour reprendre un terme grec, est par essence un lieu de passage. Aire où exaltent les passions, il suscite l’expression, la rencontre, les manifestations, les spectacles. Quelque Part place l’humain au cœur du processus de création, performeur comme spectateur, au-delà de la simple représentation physique des corps. Transcender l’être comme un sculpteur sublime la matière dans un mouvement perpétuel, tel une danse durable . quelque part, une danse durable strasbourg, france +33 (0)6 46 48 36 98 [email protected] www.ciequelquepart.com