TROISIEME PARTIE L`économie betterave alcool

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TROISIEME PARTIE L`économie betterave alcool
TROISIEME PARTIE
L’économie
betterave alcool
CHAPITRE I : L'ALCOOL EN FRANCE
I - Organisation économique du secteur betterave alcool
II - L'industrie de l'alcool
III - La production d'alcool
IV - Le prix de l'alcool en France
CHAPITRE II : L'ALCOOL DANS L'UNION EUROPEENNE ET DANS LE MONDE
I - L'alcool dans l'Union européenne
II - L'alcool dans le monde
III - Le prix de l'alcool
L’économie betterave alcool - 237
Chapitre I
L'alcool en France
I - ORGANISATION ÉCONOMIQUE
DU SECTEUR BETTERAVE ALCOOL
L'organisation du secteur betterave alcool est très différente de celle du sucre :
- L'alcool (à l’exception de l’alcool viticole) est produit librement aux conditions du marché
en France depuis 1988. Antérieurement, la production était contingentée et l’alcool était
acheté par un monopole d’Etat,
- L'alcool produit dans l’Union européenne n'est pas, comme le sucre, issu d'une seule matière
première, la betterave. Il est fabriqué également à partir de divers autres produits (en particulier les céréales) et sous-produits agricoles et même de produits pétroliers (alcool de synthèse),
- Par ailleurs, l'alcool n'a pas, comme le sucre, un débouché quasiment unique, l'alimentation
humaine. Il est également largement employé comme matière première pour l'industrie chimique ou encore comme produit énergétique (carburant). Cette diversité des sources et des
débouchés entraîne une assez grande complexité de ce secteur.
1. Le cadre national
La loi du 11 juillet 1985 a institué la liberté de production et de commercialisation de l’alcool
(à l’exception des dispositions prévues dans l’organisation commune du marché viti-vinicole)
qui s’est substituée au précédent régime de monopole des alcools. Il en a résulté une importante mutation de l'industrie alcoolière.
La production s'effectuant désormais dans un cadre d'usines mixtes, sucreries-distilleries, et
la notion d'alcool d'origine betteravière regroupe désormais les deux productions d'alcool de
betterave et de mélasse.
Sur le plan des organisations professionnelles, les deux syndicats des producteurs d'alcool de
betterave et de mélasse ont fusionné en constituant le nouveau SNPAA, en mai 1989.
L'interprofession alcool, AIBA, a été dissoute en décembre 1989.
L’économie betterave alcool - 239
Depuis lors, la production et la commercialisation d'alcool d'origine betteravière sont libres,
comme pour les autres alcools, et les relations entre planteurs et distillateurs sont directes au
niveau de chaque société.
2. Le régime communautaire
Longtemps réclamé par les producteurs d'alcool européens, l'Union européenne a finalement
adopté en 2003 un Règlement “Alcool” dont l'objectif est de disposer de données fiables sur
les volumes (cf II. « Alcool dans l'UE », 1. Le régime communautaire).
3. Le fonctionnement du marché de l'alcool
L'article 19 de la loi du 11 juillet 1985 a supprimé, à dater du 1er septembre 1985, le monopole d'État de l'alcool en France. Depuis cette date, la production d'alcool est libre, quelle que
soit la matière première : produits agricoles (céréales, betteraves, mélasse, fruits, coproduits
divers) ou dérivés du pétrole (éthylène). Toutefois, l'État a poursuivi jusqu'en 1990/91 des
achats d'alcool à prix garanti. Son retrait est devenu total à partir de 1991/92.
Il subsiste cependant un régime particulier pour l'alcool d'origine viticole qui découle de la
réglementation communautaire. Dans chaque État membre, un organisme est chargé de la gestion de ces alcools. En France, il s’agit de l’Onivins.
La commercialisation est réalisée sous la seule responsabilité des distillateurs et sans limitation quantitative. Ces derniers se sont, pour la plupart, rassemblés en groupes commerciaux.
Les importations et les exportations s'effectuent également librement, dans le respect des règles
OMC.
Les prix de marché résultent de la confrontation entre l'offre et la demande. Le marché de l'alcool, qui était très "dirigé" et très compartimenté, est donc depuis 1985 dominé par la concurrence : concurrence entre alcools de fermentation et alcools de synthèse, concurrence entre
alcools français et alcools importés, concurrence parfois entre alcools agricoles français de
diverses origines. Ce marché ne peut plus s’analyser par État membre, c’est un marché européen.
A noter que si la production d'alcool est libre et négociée de gré à gré, elle demeure cependant contrôlée par la Direction générale des douanes qui s'est substituée à la Direction générale des impôts au 1er janvier 1992, compte tenu de l'importance des recettes que l'État perçoit
à travers l'utilisation d'alcool, notamment pour la préparation de boissons alcoolisées.
II - L'INDUSTRIE DE L’ALCOOL
1. Technologie de fabrication
Alcool de betterave
Les betteraves de distillerie sont soumises aux mêmes opérations que les betteraves de sucrerie (nettoyage, mise en cossettes, diffusion) jusqu'à l'obtention :
- d'une part, d'un jus sucré (jus vert), en général concentré en sirop, qui constitue le produit
principal,
- d'autre part, de pulpes, qui constituent un sous-produit destiné à l'alimentation animale.
240 - L’économie betterave alcool
Le sirop présente l'avantage de pouvoir être stocké, pour un traitement en intercampagne, alors
que le jus vert doit être immédiatement transformé.
Le jus vert est mis en fermentation dans une cuve. Le "vin" ainsi fabriqué fait ensuite l'objet
d'une distillation :
- le passage dans une colonne à distiller unique aboutit à la fabrication d'un alcool brut ou
flegme (contenant 92% d'alcool pur) ;
- le passage dans trois colonnes à distiller successives aboutit à la fabrication d'alcool rectifié
(contenant 96% d'alcool pur).
L'eau est extraite par une déshydratation qui s'effectue par distillation azéotropique ou tamis
moléculaire.
Un tonne de betterave à 16° de richesse saccharifère permet de produire un hectolitre d'éthanol déshydraté (99,7 % de pureté).
DECOUPAGE
PRESSAGE
PULPES
LAVAGE
RECEPTION
DES BETTERAVES
DIFFUSION
DISTILLATION
FERMENTATION
STOCKAGE
ALCOOL
Alcool de mélasse
La mélasse est diluée avant d'être mise en fermentation dans une cuve. Le "vin" qui en résulte
est distillé comme dans le cas de l'alcool de betterave.
Alcool d'égouts
En sucrerie-distillerie, toute matière fermentescible peut être transformée en alcool. Aux jus
verts, sirops et mélasses, s'ajoutent comme matière alcooligène les produits intermédiaires tels
que les égouts de turbinage (eaux mères entourant les cristaux de sucre après cristallisation).
Alcool d’origine céréalière
Comme en meunerie, le grain est broyé entier ou après extraction du son, puis mis en présence
d'eau. L’amidon est alors saccharifié, ce qui donne un sucre qui subira une fermentation puis
une distillation. Les drêches (DDGS) sont un coproduit qui a un poids économique important
dans la production d'alcool de céréales.
Alcool de vin et de cidre
Ces produits, issus d'une fermentation, contiennent déjà de l'alcool. Ils sont donc directement
mis en distillation.
L’économie betterave alcool - 241
Alcool de synthèse
Le procédé est très différent des précédents, puisqu'il consiste à fixer une molécule d'eau sur
une molécule d'éthylène par traitement à l'acide sulfurique et hydrolyse, l'éthylène provenant
lui-même de la pétrochimie.
2. Localisation et capacité des usines
Lors de la campagne 2003/04 :
• 13 unités produisent de l'alcool issu de betteraves et de mélasse
La production moyenne de ces unités est de 350 000 hl/an.
La production d'alcool d'origine betteravière sur la campagne 2001/02 s'est répartie approximativement de la façon suivante :
- 66 % par des groupes coopératifs et SICA,
- 34 % réalisés par des entreprises privées.
9 usines appartenant aux groupes coopératifs et SICA, et 4 usines appartenant à des entreprises
privées produiront de l'alcool d'origine betteravière sur la campagne 2003/04.
Les distilleries de Bétheniville et de Morains-le-Petit ne traitent pas des betteraves entières
mais des égouts et mélasses.
• 4 unités produisent de l’alcool issu de céréales ou de sous-produits d’amidonnerie
Sur ces 4 unités, deux d’entre elles (Origny, Bétheniville) produisent aussi de l’alcool issu de
substrats betteraviers (égouts et mélasse). Une unité (Brie Champagne Ethanol) produit exclusivement de l’alcool de grain. Une unité produit de l’alcool à partir de sous-produits d’amidonnerie (Amylum). Ces 4 unités ont une production moyenne de 260 000 hl/an.
• 1 unité produit de l’alcool de synthèse
Il s’agit de l’unité SODES, propriété de fonds de pension américains, localisée à Lillebonne
aux abords de la Seine, pour une production annuelle estimée à 1,4 million d’hectolitres.
Une production complémentaire d’alcool de synthèse est réalisée au sein de divers sites
industriels.
3. L'organisation professionnelle
La représentation syndicale est assurée par le SNPAA (Syndicat national des producteurs d'alcool agricole) qui regroupe l'ensemble des entreprises du secteur, qu'il s'agisse d'entreprises
privées ou de coopératives et SICA (de sucrerie ou de sucrerie-distillerie), produisant de l’alcool d’origine betteravière et céréalière.
L'ensemble des syndicats professionnels concernés par la distillation de matières premières
d'origine agricole ont constitué une fédération dénommée UNGDA (Union nationale des
groupements de distillateurs d'alcool). Il s'agit de :
- SNPAA et FCB,
- Confédération nationale des distilleries vinicoles (CNDV),
- Fédération nationale des distilleries coopératives (FNDCV),
- Syndicat national des industries cidricoles (SNIC),
- Syndicat national des dénaturateurs d'alcool (SNDA).
Il n'y a pas d'interprofession alcool.
242 - L’économie betterave alcool
L'industrie de l’alcool d’origine betteravière
Localisation (1)
(campagne 2003/04)
Type d'usine
Appartenance
Distillerie
pure
AISNE
1. Bucy-le-Long
2. Origny
AUBE
3. Arcis-sur-Aube
EURE-ET-LOIR
4. Toury
Industries
LOIRET
5. Artenay
MARNE
6. Morains-le-Petit
7. Bétheniville
PAS-DE-CALAIS
8. Lillers
PUY-DE-DOME
9. Bourdon (Aulnat)
SEINE-ET-MARNE
10. Souppes-sur-Loing
SOMME
11. Eppeville-Ham
12. Marconnelle
13. Sainte-Emilie
Industries
Appartenance éventuelle
à un groupe sucrier
Sucrerie- Entreprise nonCoopérative
distillerie coopérative ou SICA
X
X
X
X
TEREOS
TEREOS
X
X
Cristal Union
X
X
X
Société Vermandoise
X
TEREOS
X
X
TEREOS
Cristal Union
X
X
SDHF
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Sica Vallée du Loing
Saint Louis Sucre
Sucrerie du Marquenterre
Société Vermandoise
(1) Voir également la carte des implantations des usines sucrières dans la deuxième partie, chapitre II.
Distilleries appartenant à des groupes sucriers :
- Saint Louis Sucre :
1 usine
- Société Vermandoise Industries (SVI): 2 usines
- Cristal Union :
2 usines
- TEREOS :
4 usines
- SDHF:
1 usine
L’économie betterave alcool - 243
L’industrie de l’alcool d’origine céréalière
(campagne 2003/04)
Localisation
Type d'usine
Appartenance Appartenance à un groupe sucrier
Distillerie Amidonnerie-Entreprise nonCoopérative
pure
distillerie coopérative ou SICA
AISNE
1. Origny
MARNE
2. Bétheniville
SEINE-ET-MARNE
3. BCE
SOMME
4. Nesles
X
X
X
X
X
X
X
X
TEREOS
Cristal Union
Unigrains–Champagne céréales
et TEREOS
Amylum
III - LA PRODUCTION D’ALCOOL
1. Les produits issus de la distillation
Le produit appelé “alcool” est un composé chimique dont le nom scientifique est “alcool éthylique” ou “éthanol”, ou encore “méthyl carbinol” (C2H5OH).
Le produit issu de la distillation est un alcool brut hydraté appelé “flegme”. L'opération de
"rectification" consiste à éliminer les impuretés. Le produit obtenu est un alcool rectifié
(extra-neutre ou extra-neutre surfin). L’opération de déshydratation éventuelle consiste à retirer l’eau résiduelle.
2. La production d'alcool
En 2002/03, l'origine betteravière a représenté 59 % de la production totale d'alcool et 82 % de la
production d'alcool de fermentation. On note la stabilité de la production d'alcool de synthèse qui
dépasse la production d'alcool issue du secteur viticole ou de celle du secteur des grains.
Jusqu'à la suppression du monopole de l'Etat en 1985, la production d’alcool de betteraves est
très voisine du contingent de 1 262 000 hl/an, les dépassements enregistrés correspondant à
des contrats supplémentaires passés par le Service des alcools.
Depuis la suppression du monopole, la production d’alcool d’origine betteravière s’est fortement développée de 2,6 millions d’hectolitres en 1987/88 à 4,8 millions d’hectolitres en
2002/03. Cette progression de 2,2 millions d’hectolitres provient, pour 800 000 hectolitres, de
l’introduction et du développement du débouché de l’éthanol en carburation.
La production d’alcool de céréales n’est réellement présente que depuis la fin des années 80.
Voisine de 100 à 150 000 hectolitres jusqu’en 1993/94, pour des usages en alcool de bouche, la
production s’est ensuite développée parallèlement à la croissance du débouché de l’éthanol carburant, pour atteindre 650 000 hectolitres en 1998/99, puis 1 million d'hectolitres en 2002/03.
Initialement issue exclusivement de la transformation directe de grains, la production d’alcool
d’origine céréalière est désormais, pour une part significative, issue de sous-produits d’amidonnerie.
244 - L’économie betterave alcool
La production d'alcool viticole comporte les prestations viniques (distillation de lies et
marcs à environ 500 000 hectolitres d'alcool) et les distillations de vin décidées selon l'importance de la récolte (variations de 0 à 1 500 000 hectolitres).
Les alcools classés sous la rubrique "divers" proviennent essentiellement des fruits et des
produits cidricoles.
La production d'alcool de synthèse, qui a débuté en 1968, est restée approximativement dans
la limite des quantités autorisées, soit 1 à 1,2 million d'hectolitres tant qu'a duré le monopole.
Depuis la fin du monopole, la production d'alcool de synthèse a progressé d’environ
400 000 hl.
Production d’alcool en France
(en 1 000 hectolitres)
Campagnes
1960/61
1965/66
1970/71
1975/76
1980/81
1981/82
1982/83
1983/84
1984/85
1985/86
1986/87
1987/88
1988/89
1989/90
1990/91
1991/92
1992/93
1993/94
1994/95
1995/96
1996/97
1997/98
1998/99
1999/00
2000/01
2001/02
2002/03
Betterave
1 667
1 677
1 254
1 235
1 552
1 609
1 637
1 382
1 453
1 641
1 859
1 794
origine :
betterave
2 746
2 868
3 599
3 540
4 008
4 239
3 390
4 448
4 655
4 449
4 217
4 614
4 715
4 564
4 791
Mélasse
894
524
621
657
681
755
844
760
874
1 000
791
804
origine :
céréale
148
172
105
33
95
117
280
314
408
503
652
691
905
1 053
1 036
Viticole
847
537
462
592
1 450
820
1 397
1 406
1 680
1 774
1 692
1 968
1 364
1 151
1 391
692
1 431
1 115
1 059
849
1 150
1 044
848
1 071
1 024
1 141
756
Divers(1)
383
129
124
49
49
80
46
56
101
96
131
153
80
88
79
62
186
95
132
28
84
212
253
Synthèse
831
895
1 202
1 288
1 039
1 339
1 168
1 058
1 255
1 098
1 375
1 410
1 073
1 439
1 383
1 315
1 574
1 468
1 375
1 579
1 570
1 714
1 566
1 647
1 544
Total
3 791
2 867
3 292
3 428
4 934
4 552
4 963
4 943
5 277
5 569
5 727
5 816
5 761
5 688
6 247
5 796
7 104
6 881
7 034
7 105
7 671
7 788
7 540
8 124
8 241
8 440
8 166
Source : Service des alcools jusqu'en 1984/85 puis Journal officiel
1) Alcool de grains, alcool d'origine cidricole et autres ; hors alcool de grains à partir de 1988/89.
NB: Synthèse et divers regroupés à compter de 1999/00
L’économie betterave alcool - 245
La production d'alcool de synthèse, qui a débuté en 1968, est restée approximativement dans
la limite des quantités autorisées, soit 1 à 1,2 million d'hectolitres tant qu'a duré le monopole.
Depuis la fin du monopole, la production d'alcool de synthèse a progressé d’environ
400 000 hl.
3. Les débouchés de l'alcool
Consommation interne
Depuis la suppression, il n'y a plus de statistiques officielles. Selon l'estimation faite par le
SNPAA, l’alcool français d’origine betteravière et céréalière a été écoulé en 2003 pour :
- 57 % en France,
- 41 % sur l’Union européenne,
- 2 % sur les pays tiers.
De même, la répartition de l’utilisation en France de l’alcool d’origine betteravière et céréalière est évaluée comme suit en 2002 :
- éthanol destiné à la production d’ETBE(1) : 28 %
- boissons spiritueuses:
32 %
- négoce (issue de la revente non connue) :
15 %
- parfumerie :
14 %
- chimie :
5%
- pharmacie :
4%
- vinaigre :
2%
Les “usages nobles” ou du corps humain comprennent la consommation de bouche (spiritueux), la vinaigrerie, la pharmacie et la parfumerie. L'alcool utilisé avait, dans le cadre du
monopole, obligatoirement une origine agricole. Depuis, seul le secteur de bouche est réservé
à l'alcool agricole en application d'une disposition du règlement communautaire sur les boissons spiritueuses.
Sur tous les autres marchés, l'alcool de fermentation (origine agricole) et l'alcool de synthèse
(origine pétrochimique) sont en concurrence.
Les stocks
Les stocks d'alcool d'origine vinique peuvent varier considérablement d'une année à l'autre.
Ils sont mis à l'adjudication par la Commission européenne, pour un écoulement, à prix
modique, sur les pays tiers, dont une partie pour la carburation aux Etats-Unis ou au Brésil.
Depuis 2003, en raison des contraintes imposées sur les subventions à l'exportation par l'accord de Marrakech en 1994, des volumes importants d'alcool vinique sont aussi écoulés sur
le marché communautaire pour une utilisation comme carburant(2). Ceci a concerné 150 000
hl d'alcool vinique français en 2003.
Les stocks des autres alcools sont assurés par les distillateurs et gérés en fonction de leur politique commerciale.
(1) cf 5e partie « Les débouchés potentiels de la betterave – chapitre III - l’éthanol carburant ».
(2) voir Chapitre III - 2.
246 - L’économie betterave alcool
IV - LE PRIX DE L’ALCOOL EN FRANCE
Depuis 1990/91, l’Etat n’achète plus que de l'alcool viticole.
Tous les autres alcools, et en particulier les alcools d'origine betteravière, sont donc commercialisés librement par les distillateurs. Il y a formation d'un prix de marché qu'il est toutefois assez difficile d'appréhender au jour le jour, en l'absence de cotation en Bourse de
Commerce. Le SNPAA ayant décidé de ne plus communiquer d'informations sur le prix de
marché de l'alcool, même sous forme d'indice, la seule série statistique est celle produite par
l'INSEE.
Indice des prix à la production de l’alcool
(commercialisé en France, usages industriels)
160.0
140.0
120.0
100.0
80.0
60.0
40.0
20.0
0
-0
1
04
-0
1
07
-0
1
10
-0
1
01
-0
2
04
-0
2
07
-0
2
10
-0
2
01
-0
3
04
-0
3
07
-0
3
10
-0
3
01
0
-0
10
0
-0
07
-0
04
01
-0
0
00.0
Source: INSEE
Le prix des betteraves-alcool résulte des prix du marché de l'alcool et est négocié librement
par la CGB avec les distillateurs. Il correspond en principe à 50 % du prix d'un hectolitre de
flegme.
Prix des betteraves alcool depuis 1988/89
(Moyenne nationale) (en €/t à 16°, base flegme(1))
Campagnes
€/t à 16°
1988/89
18,3
1994/95
18,3
1989/90
22,1
1995/96
19,1
1990/91
21,2
1996/97
19,1
2000/01
19,8
2001/02
20,0
2002/03
14,0
1991/92
19,2
1997/98
18,0
1992/93
18,3
1998/99
16,0
1993/94
18,3
1999/2000
13,3
(1) Dans les coopératives, les prix sont supérieurs.
Certains fabricants (SLS) produisent de l'alcool de betterave sans acheter les volumes correspondant de betteraves. Cet alcool est produit à partir de mélasses, de jus de betteraves issus
d'excédents particuliers et de betteraves C.
L’économie betterave alcool - 247
248 - L’économie betterave alcool
Chapitre II
L'alcool dans l'Union européenne
et dans le monde
I - L'ALCOOL DANS L’UNION EUROPÉENNE
1. Le régime communautaire
Contrairement au secteur du sucre, l'alcool est produit librement, mis à part en Allemagne où
subsiste un monopole – d’ailleurs en cours de démantèlement - pour des distilleries agricoles
de faible capacité.
Cependant, l'existence de l’Union européenne et de la Politique Agricole Commune jouent un
rôle indirect dans l'économie de l'alcool : Règlement "Alcool" adopté en 2003, Convention de
Cotonou avec les pays ACP, Règlement concernant le marché viti-vinicole, système de préférence généralisée (SPG), etc.
1.1 - Règlement (CE) n° 670/2003 du Conseil du 8 Avril 2003 établissant des
mesures spécifiques relatives au marché de l'alcool éthylique
Les producteurs européens d’alcool agricole, regroupés au sein de l’UEPA (Union
européenne des producteurs d’alcool), demandaient depuis longtemps la mise en place
d’une réglementation dans le marché de l’alcool.
Le 21 février 2001, la Commission européenne avait présenté une proposition de
Règlement portant Organisation Commune du Marché (OCM) de l'alcool agricole.
Il était en effet difficile d’avoir des données statistiques complètes et fiables sur ce marché. On assiste aussi depuis plusieurs années à une certaine désorganisation du marché, avec notamment une croissance régulière des importations d’alcool et de mélanges
concurrents de l’alcool, à droits faibles ou nuls.
Par ailleurs, cette initiative de la Commission européenne trouvait aussi sa justification
dans l'élargissement de l'Union européenne à 10 nouveaux pays en 2004, qui augmentera la production communautaire de 6,5 millions d'hectolitres, ainsi que dans un
développement de l’utilisation d’éthanol comme carburant.
Après plus de deux années de discussions, la proposition initiale a subi quelques modifications et le règlement établissant des mesures spécifiques relatives au marché de l'alcool éthylique d'origine agricole a été définitivement adopté par le Conseil des Ministres de l'Union
européenne le 8 avril 2003 (Règlement (CE) n° 670/2003).
L’économie betterave alcool - 249
Le principal objectif de ce règlement est de disposer d'éléments statistiques sur le
bilan communautaire de l'alcool éthylique. A cet effet, les États membres devront
communiquer à la Commission européenne, pour l'année écoulée, les volumes de production (par sources), les ventes (par secteurs) et les stocks. Simultanément, les Etats
membres communiqueront leurs prévisions pour ces mêmes éléments, mais pour l'année en cours. Sur la base de ces informations et des importations et exportations d'alcool, aujourd'hui connues, la Commission européenne établira des bilans
communautaires, qui comprendront aussi l'alcool de synthèse.
Les États membres exigeront des certificats d'exportation ou d'importation (pour les
volumes supérieurs à 100 hl).
En cas de perturbations graves du marché, dues aux importations ou exportations, la
Commission européenne pourra également prendre des mesures de sauvegarde.
Le monopole allemand de l'alcool a longtemps bloqué l'adoption de ce règlement. Le
compromis trouvé a consisté à autoriser l'Allemagne à accorder des aides nationales à
ses producteurs d'alcool éthylique jusqu'à fin 2010, mais plafonnées à leur niveau de
2002 (soit 110 millions d’euros par an).
Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2004. Il devrait constituer un outil particulièrement utile pour évaluer et contrôler les conséquences de l'élargissement et de
la libéralisation accrue du marché dans le cadre de l'OMC.
1.2. La convention de Cotonou et accords SPG
En 2000, l'Union européenne signait l'Accord de Cotonou avec 78 pays ACP (Afrique
Caraïbe Pacifique). Cet accord fait suite aux 4 Conventions de Lomé signées depuis
1975.
Ces accords passés permettent aux pays ACP d'exporter vers l'Union européenne, sans
restriction quantitative ni droits de douanes, leurs produits agricoles qui ne font pas
directement concurrence aux productions européennes.
Plus globalement, l'Union européenne accorde un accès préférentiel à son marché aux
exportations des pays en développement en vertu du Système de Préférences tarifaires
Généralisées (SPG). Les accords SPG permettent à de nombreux pays d’exporter vers
l’Union européenne à droits réduits ou nuls. L'alcool agricole et tous les produits
alcooligènes (notamment mélasse de canne) peuvent donc venir concurrencer les productions communautaires.
Plus de 75 pays ACP ou relevant du SPG exportent maintenant régulièrement de l’alcool vers l’Union européenne à droits réduits, et plus de 60 d'entre eux le font à droits
nuls. C’est ainsi que les importations d’alcool sans droit de douane ont fortement augmenté pour atteindre près de 1 million d'hectolitres en 2002 (cf. paragraphe 3 : « Les
échanges avec les pays tiers »).
1.3. Le règlement vin et ses implications pour le secteur alcool
Le marché viti-vinicole a fait l'objet de plusieurs règlements communautaires. Le
règlement n° 1493/1999 du 17 mai 1999 est celui actuellement en vigueur. Cette législation prévoit différentes possibilités de distillation en vue d'assurer, soit une bonne
qualité des vins commercialisés, soit un assainissement du marché en cas d'excédents.
250 - L’économie betterave alcool
Afin d'éviter le surpressage des raisins (vin de presse) et le pressurage des marcs et lies
(vins de lies), les marcs et lies sont obligatoirement distillés, dans un souci de qualité
du vin. Ce sont les prestations viniques.
Sont également distillés les excédents de vins de table. Enfin il peut y avoir, certaines
années, des distillations exceptionnelles telles que distillation dite préventive, lorsque
les stocks de vin sont très importants et distillation de vins de table, afin de soutenir le
cours de ces vins.
2. La production
L'estimation de la production d'alcool dans l'Union européenne à 15 se ventile comme suit :
Production d’alcool (milliers d’hectolitres)
France
Allemagne
Italie
Espagne
Suède
Grande-Bretagne
Autres
Total
1998
7788
3640
2251
1400
154
4220
1655
21108
1999
7540
3400
2009
1250
159
4100
1629
20087
2000
8124
2850
2056
1450
174
4350
1633
20637
2001
8241
2950
2070
2250
601
4300
1684
22096
2002
8440
2750
2000
2600
697
3500
1788
21775
2003
8800
2800
2050
3850
691
4100
1762
24053
Source: FO Licht
Pour l’année 2002, l'estimation de la répartition de la production est la suivante :
Origine betteravière hors éthanol
Origine céréalière hors éthanol
Ethanol
Origine viticole
Autre origine agricole
Total origine agricole
Alcool de synthèse
Total alcool
Production
2002
(milliers d’hl)
6360
3130
2900
2940
320
15650
5600
21250
Part dans
l’origine
agricole
40,6 %
20,0 %
18,5 %
18,8 %
2,1 %
100,0 %
Part dans
l’ensemble
alcool
29,9 %
14,7 %
13,6 %
13,8 %
1,6 %
73,6 %
26,4 %
100,0 %
Source : UEPA
La production française est essentiellement d'origine betteravière, celle du Royaume-Uni est
essentiellement d'origine de synthèse et les productions italiennes et espagnoles sont, pour une
bonne part, d'origine vinique.
Il faut remarquer que, depuis 2003, des volumes significatifs d'alcool d'origine viticole sont
mis à l'adjudication par la Commission européenne, au prix de 19 €/hl, pour un usage comme
carburant sur le territoire de l'Union européenne. Ceci a concerné 1 million d'hectolitres d'alcool vinique en 2003.
L’économie betterave alcool - 251
3. Les échanges avec les pays tiers
Dans l'attente de l'entrée en vigueur du Règlement "Alcool", il est difficile d'obtenir des statistiques précises sur les volumes produits et consommés dans l'UE, ainsi que sur les prix. On
dispose par contre de données précises sur les courants d'échange extra communautaires, qui
se résument à des importations sans cesse croissantes.
Importations d’alcool et de produits concurrents de l’alcool
dans l’Union européenne
(milliers d’hectolitres)
1995
Alcool soumis à droits de douane
(code douanier 22 07)
Alcool à droit nul
256
(SPG et ACP)
465
Mélanges à base d’alcool2
(code douanier 38 14 00 90)
Total des importations
825
1996
104
1997 1998
59179 140
1999
254
2000
212
2001
189
2002 20031
268
210
521
513
868
670
819
994
1758
384
1 319 1 296 1 418
1031
854
1045
789
964
2 011 2 153 2 541
1913
1862
2306
2758
717
(1) estimation, d'après les importations enregistrées entre janvier et août 2003
(2) teneur en alcool éthylique inférieure à 80 %
Les droits de douanes pleins sont de 19,2 €/hl sur l'alcool non dénaturé et 10,2 €/hl sur l'alcool dénaturé.
Le développement des importations est le fait de pays bénéficiant d'un accès à droit nul sur le
marché européen et, dans une moindre mesure maintenant, de mélanges concurrents de l'alcool. Les importations ont provoqué une importante déstabilisation du marché, qui s'est traduite par une forte chute des prix.
II - L'ALCOOL DANS LE MONDE
La production mondiale d'alcool, toutes origines confondues, est en augmentation et a atteint
378 millions d'hectolitres en 2003 (soit près de 30 millions de tonnes).
Les deux premiers producteurs que sont le Brésil et les Etats-Unis ont pour principal débouché l'usage carburant (85-90 % de la production).
Production en 2003
Amériques
dont USA
dont Brésil
Asie-Pacifique
Europe
dont UE 15
Afrique
TOTAL
106 x hl
264,1
115,0
138,6
67,0
40,6
24,1
6,2
337,9
%
69,9
30,4
36,7
17,7
10,7
6,4
1,7
100 %
Source : FO LICHT.
252 - L’économie betterave alcool
III - LE PRIX DE L’ALCOOL
1. Prix européen
Le marché de l'alcool est libre. Le prix est le résultat de la confrontation entre l’offre et la
demande dans le cadre du marché unique européen. Il y a formation d'un prix de marché qu'il
est toutefois assez difficile d'appréhender au jour le jour, en l'absence d'une cotation en bourse
de commerce.
Toutefois, en raison du développement des importations, on observe une dégradation nette du
prix intérieur, qui se situerait, pour un flegme, à 25-30 €/hl fin 2003 - début 2004.
2. Prix mondial
Il y a formation d'un prix de marché qu'il est également difficile d'appréhender au jour le jour.
Le prix mondial est influencé principalement par le prix de l’alcool américain et le prix de l'alcool brésilien.
Il faut aussi noter qu'une faible proportion de la production mondiale fait l'objet de transactions internationales. De plus, les volumes concernés entrent souvent dans le cadre d'accords
préférentiels.
Le prix de marché de l’alcool brésilien varie en fonction de divers facteurs :
- marché du sucre (arbitrages entre production de sucre et production d'alcool) ;
- marché propre de la mélasse (influencé par le marché du sucre mais aussi par d'autres éléments puisque la fabrication d'alcool n'est pas le seul débouché de la mélasse) ;
- politique interne du Brésil qui s'est lancé dans un vaste programme d'utilisation d'alcool pour
la carburation ;
- prix du pétrole sur le marché mondial.
Il connaît une grande volatilité. Il a ainsi doublé entre août 2002 et avril 2003, pour ensuite
perdre plus de 50 % de sa valeur en février 2004.
Brésil : évolution du prix de l’alcool à la production (US$/m3)
400
350
300
250
200
150
100
08
-0
2
0
2
-0
10
2
-0
12
3
-0
02
hydraté
3
-0
04
3
-0
06
3
-0
08
3
-0
10
3
-0
12
4
-0
02
anhydre
Source: FO Licht
50
Avec le développement de programmes éthanol-carburant dans de nombreux pays, on devrait
assister à une croissance des échanges mondiaux et à l'émergence d'un véritable marché monL’économie betterave alcool - 253
dial. Signe de cette évolution, le New-York Board of Trade (NYBOT) a lancé en 2004 des
contrats à terme sur l'alcool.
Prix à l’importation
Aujourd’hui, les droits de douane suffisent juste à empêcher l’importation massive d’alcool
en provenance de pays tiers ne bénéficiant pas d’un accord préférentiel avec l'Union européenne. Ainsi, les importations à taux plein sont stables et ne représentent que 10 % des importations totales d'alcool et de mélanges concurrents de l'alcool.
Il est possible d'estimer le prix rendu Europe, droits payés, d’alcool dénaturé originaire du
Brésil, pays qui bénéficie des coûts de production les plus compétitifs.
Prix FOB, Sao Paulo (sept. 2003) 19,1 $/hl
Transport maritime
4,0 $/hl
Droits de douanes (alcool dénaturé)
Logistique
Transport terrestre
Taux de change = 1,15 US$/€ (Septembre 2003)
16,6 €/hl
3,5 €/hl
10,2 €/hl
4,0 €/hl
2,0 €/hl
36,3 €/hl
Sources : FO Licht / UEPA / CGB
Le prix de l'alcool brésilien, rendu client final en Europe et droits acquittés, est encore supérieur au prix de marché européen actuel. Le droit de douane spécifique, même pour de l'alcool
dénaturé, parait néanmoins juste suffisant pour prévenir des importations massives d'alcool en
provenance du Brésil.
Toutefois, avec la volatilité des prix brésiliens, il y a un risque de voir des exportations ponctuelles d'alcool brésilien sur l'Union européenne.
Cette situation se reflète dans les statistiques officielles d’importation d’alcool brésilien dans
l’Union européenne. En 2002, alors que les cours de l'alcool au Brésil étaient déprimés, ce sont
54 000 hl d’alcool brésilien qui ont été importés, alors que la moyenne annuelle était de
2 100 hl de 1997 à 2001.
Dans le cadre des négociations OMC du Doha Round, le maintien des droits de douane à leur
niveau actuel est donc essentiel pour ne pas déstabiliser un peu plus le marché européen de
l'alcool.
Alcool éthylique : droit de douane UE
€/hl
35
Accords Uruguay round = -36%
30
25
20
19,2
15
10
10,2
5
0
1995
1996
1997
Alcool dénaturé
254 - L’économie betterave alcool
1998
1999
Alcool non dénaturé
2000