Des curricula en langues
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Des curricula en langues
1 Des curricula en langues pour une meilleure insertion professionnelle : entre utilité et utilitarisme. Xavier Roegiers, Professeur à l’université de Louvain-la-Neuve (Belgique), Président du BIEF Sofia, 27 octobre 2011 Cette conférence envisagera la manière de construire un curriculum qui permette de développer des compétences linguistiques appropriées aux exigences du terrain socioprofessionnel. Elle commencera par évoquer les différentes manières de construire un curriculum en termes de compétences : entre compétences transversales, approche par résolution de problèmes, interdisciplinarité, Learning outcomes, intégration des acquis, où s’orientent les systèmes éducatifs aujourd’hui ? Existe-t-il une approche par compétences, ou plusieurs approches par compétences ? Quelles sont les approches qui ont fait leurs preuves ? Et de manière plus générale, quel est l’avenir de l’approche par compétences ? Elle évoquera l’intérêt et les limites du recours aux référentiels de métier, de compétences, de formation et d’évaluation. Elle se penchera ensuite sur l’organisation d’un curriculum : comment définir les compétences, comment organiser les apprentissages, quel lien avec le terrain de stage, comment évaluer les compétences ? Elle illustrera ces propositions à propos du développement des curricula en langues pour une meilleure insertion professionnelle, et les resituera dans la perspective du « français sur objectifs spécifiques » (F.O.S.). Dans ce cadre, elle mettra en tension deux perspectives différentes, celle d’utilitarisme à court terme, qui limite l’élève et le réduit à des tâches spécifiques, et celle d’utilité, qui ouvre l’horizon de l’élève et l’outille dans le long terme. A. Les différentes manières de comprendre la compétence dans les curricula de formation1 Dans les conceptions que l’on peut rattacher à la mouvance des compétences, cinq conceptions émergent aujourd’hui. Loin d’être contradictoires, elles doivent être envisagées comme autant d’entrées possibles, complémentaires, permettant progressivement de s’inscrire dans le mouvement des compétences (Roegiers, 2010). Les trois premières l’appréhendent plutôt comme une composante importante du processus de formation. Les deux suivantes envisagent plutôt la compétence comme un produit visé par la formation. 1. La compétence dans le sens d’une capacité méthodologique Un premier point de vue consiste à réfléchir en termes de qualités méthodologiques, qui transcendent les disciplines et les secteurs, auxquelles la personne recourt pour exercer son 1 Cette section reprend des éléments de l’ouvrage en préparation : Roegiers, X. (2012). Quelles réformes pédagogiques pour l’enseignement supérieur ? Bruxelles : De Boeck. 2 activité professionnelle ou, dans le cas d’un étudiant, pour exercer son activité de formation. Il s’agit-là de compétences « processus », auxquelles on recourt pour exercer une activité (Donnay & Romainville, 1997) : organisation du travail, esprit scientifique, recherche documentaire…. Cette première utilisation de la notion de « compétence » dans les études supérieures renvoie surtout aux capacités que devra maîtriser l’étudiant pour pouvoir suivre au mieux sa formation, avant de questionner la maîtrise par l’étudiant de ces capacités dans sa vie professionnelle. En termes de dispositif, l’institution de formation procède au repérage de quelques capacités méthodologiques « clés » nécessaires pour que l’étudiant puisse suivre sa formation, et mène des activités d’activation ou de renforcement de celles-ci, pour lui permettre de faire face à son « métier d’étudiant ». 2. La compétence dans le sens d’une capacité psychosociale Les capacités psychosociales sont ces capacités à forte composante socio-affective : posséder l’estime de soi, maîtriser ses émotions, gérer le stress, travailler en équipe et en réseau, coopérer, s’intéresser à l’autre, se positionner au sein d’un groupe, gérer le rapport à l’autorité, comprendre et prendre en compte les émotions des autres, communiquer, déléguer… Dans cette deuxième utilisation de la notion de « compétence » dans l’enseignement supérieur, une partie des apprentissages vise directement ces capacités que devra maîtriser l’étudiant pour s’insérer dans sa vie professionnelle. De par le fait que les capacités psychosociales sont liées à des types d’activités professionnelles valorisant tantôt la communication (la plupart des métiers du tertiaire), tantôt la gestion des émotions (les métiers de la santé par exemple), tantôt le travail d’équipe, cette vision concerne les formations professionnalisantes et, parmi celles-ci, celles où la dimension psychosociale est relativement importante (travailleurs sociaux…). 3. La compétence comme inductrice d’un processus didactique centré sur l’étudiant Parmi les capacités méthodologiques évoquées ci-dessus, il y en a une qui joue un rôle particulier, notamment dans les études supérieures. C’est la capacité qui tourne autour de l’acte d’apprendre : apprendre par soi-même, apprendre à apprendre. Elle constitue la base de l’approche par les situations-problèmes. Souvent nommée « APP »2, elle est basée sur le fait de confronter les élèves à des situations complexes significatives pour développer leurs connaissances (Prégent, 1990 ; Raucent & Vander Borght, 2006). Ces situations sont souvent interdisciplinaires. Notamment développée dans l’enseignement secondaire, et valorisée dans sa dimension de production de sens auprès de l’élève, cette pratique s’est aujourd’hui développée dans l’enseignement supérieur, en particulier dans un certain nombre de facultés de médecine et d’ingénieurs. Intéressante dans sa dimension à rendre les apprentissages significatifs aux yeux des étudiants et à susciter leur activité, elle a toutefois montré certaines limites, dont la difficulté de donner une réponse à l’évaluation des acquis. Par manque de 2 « Apprentissage par problèmes », en anglais « Problem-Solving Learning » (PBL). 3 pistes concrètes, elle oblige souvent les enseignants à restreindre l’évaluation à la simple restitution de connaissances. Ce n’est pas une approche curriculaire à proprement parler, dans la mesure où elle influence peu la formulation des programmes et l’évaluation des acquis. Il s’agit plutôt d’une modalité pédagogique qui amène les étudiants à apprendre en étant invités à résoudre des situationsproblèmes, ou à élaborer un projet, la plupart du temps en petits groupes. C’est une autre entrée vers l’idée de compétence, également en termes de « processus » d’apprentissage. 4. La compétence comme élément d’un profil professionnel de sortie : référentiel métier et référentiel de compétences Une quatrième conception consiste à se placer dans une optique de développement d’un profil professionnel, dans la mesure où on considère avant tout que la formation doit amener les étudiants à être qualifiés pour exercer un métier. C’est le cas lorsque la formation repose sur un référentiel métier, qui se décline en quelques compétences « professionnelles » (Roegiers, 2010 ; Tardif & Dubois, 2010). L’ensemble de ces compétences professionnelles constitue ce que l’on appelle généralement « référentiel de compétences », qui sert de guide à l’ensemble de la formation. Idéalement, ce référentiel de compétences comprend quelques compétences qui correspondent aux « activités-clés » du métier. 5. La compétence comme l’intégration d’un ensemble d’acquis Une cinquième manière de travailler est celle qui se situe dans une optique d’intégration des acquis : intégration disciplinaire et/ou intégration interdisciplinaire. Elle se propose d’organiser la formation autour d’un noyau de compétences évaluables, qui correspondent à des situations complexes face auxquelles les étudiants doivent pouvoir réagir au terme des études. Disciplinaires ou interdisciplinaires, ces compétences font l’objet tant des apprentissages que de l’évaluation. L’enjeu est d’éviter de juxtaposer des connaissances et des savoir-faire, mais au contraire de les considérer et de les développer comme des ressources, et d’apprendre à l’étudiant à pouvoir articuler celles-ci, ainsi qu’à les mobiliser dans des situations complexes ; de ce fait, l’intégration donne du sens à l’apprentissage. En termes de dispositif, elle consiste — à certains moments de la formation — à proposer aux étudiants des activités d’intégration qui les amènent à mobiliser les ressources acquises dans des situations complexes (De Ketele, 1996 ; Roegiers, 2000, 2010). Chaque situation complexe est associée à un énoncé de compétence, qui n’est rien d’autre qu’un élément du profil de sortie. La compétence est vue ici comme l’expression d’un savoir-agir qui s’exprime en situation complexe, et qui est évaluable aussi. Cette approche complète la précédente (l’approche par les profils professionnels), bien qu’elle puisse aussi être lue de manière indépendante. Elle est moins « monobloc », plus volontiers à géométrie variable puisqu’elle peut cerner un cours ou un groupe de cours et pas nécessairement la formation toute entière. Elle est plus accessible aussi dans la mesure où elle fait de l’interdisciplinarité un principe souhaitable mais pas absolu. Elle convient donc mieux aux contextes dans lesquels le changement doit être progressif. 4 Dans l’enseignement supérieur, les activités d’intégration prennent en général la forme d’un travail personnel, d’un stage, d’un mémoire, d’une activité complexe interdisciplinaire (un projet, une recherche, etc.). Parfois, c’est un cours qui assure cette fonction, comme par exemple un séminaire d’intégration qui prépare les étudiants au mémoire. Comme précisé cidessus, cette intégration peut être partielle et envisagée dans la progression des apprentissages, sous forme de travaux de synthèse, de travaux pratiques ou de rapports d’expériences. B. Où vont aujourd’hui les institutions d’enseignement supérieur ? Quel est l’avenir du mouvement des compétences ? Une recherche a tenté de cerner les pratiques actuelles les plus courantes. Elle cherche à donner une image de la manière dont les institutions d’enseignement supérieur traitent aujourd’hui la question des compétences dans le parcours de formation des étudiants. Le matériau empirique pour cette analyse est constitué des textes de présentation des communications proposées lors du 26e congrès international de l’AIPU, qui s’est tenu à Rabat en mai 2010, sur le thème « Réformes et changements pédagogiques dans l’enseignement supérieur ». Parmi les 243 communications proposées dans les pré-actes du congrès, nous en avons identifié 52 qui évoquent une préoccupation explicite de développement de compétences, soit parce qu’elles présentent un dispositif pédagogique directement centré sur le développement des compétences des étudiants, soit parce qu’elles présentent une étude ou une enquête sur le développement de ces compétences. La localisation géographique de ces 52 références est la suivante : Belgique francophone (18), France (13), Maroc (9), Canada (9), Tunisie (2), Suisse (1). Les principaux constats Un certain nombre de constats émergent de cette analyse. Premier constat : la préoccupation de développement de compétences est au cœur de 52 communications sur 243 (21%), alors que, dans la présentation du colloque, les intitulés des thèmes n’évoquaient pas explicitement le terme « compétence » ni celui d’« intégration ». Deuxième constat : trois conceptions dominantes émergent assez nettement. Elles sont représentées selon une importance sensiblement équivalente : la conception « profil professionnel » (20 occurrences), la conception « intégration des acquis » (19 occurrences) et la conception « capacités transversales », ou plutôt « capacités méthodologiques » (19 occurrences)3. Parmi les communications qui évoquent la conception « intégration des acquis », la moitié d’entre elles font état de dispositifs de type interdisciplinaires (9). Quelle lecture peut-on faire de ce constat ? Alors que, depuis de nombreuses années, la préoccupation de développement des capacités méthodologiques avait déjà été pointée comme 3 Le fait que la somme de ces occurrences dépasse les 52 unités s’explique par le fait que deux conceptions se retrouvent parfois explicitement dans un même texte, de manière complémentaire. 5 étant un axe majeur de réflexion dans les curricula de l’enseignement supérieur, et, dans une moindre mesure, la préoccupation de lier un curriculum d’études à un profil professionnel, il y a nettement une troisième forme qui émerge aujourd’hui : la préoccupation d’intégration des acquis de l’étudiant. Troisième constat : sans être totalement absentes des préoccupations, les compétences psychosociales sont rarement centrales dans les textes de présentation. Elles ne sont mentionnées comme faisant l’objet d’un dispositif spécifique que dans 4 communications sur 52. Parmi les capacités psychosociales évoquées comme faisant l’objet d’un dispositif particulier dans les institutions d’enseignement supérieur, on peut citer la gestion du stress et l’éducation interculturelle. Quatrième constat : la conception « Apprentissage par problèmes » est peu représentée. On ne la retrouve que dans 5 communications sur 52, — et parfois même seulement en filigrane ou dans des formes assez allégées —, ce qui est relativement peu par rapport à ce à quoi on pouvait s’attendre suite aux initiatives prometteuses qui se profilaient au début des années 2000. Cinquième constat : le discours et les pratiques relatifs aux compétences ont de plus en plus pour objet des compétences ciblées et en nombre restreint. On semble s’éloigner des listes interminables de compétences qui caractérisaient certains programmes d’études de la dernière décennie. C. L’organisation d’un curriculum : comment prendre en compte les exigences du « français sur objectifs spécifiques » (F.O.S.) ?4 Comme plusieurs mouvements visant une meilleure employabilité, un des enjeux du F.O.S. est de combiner l’emploi à court terme, et la formation à long terme. Dans le souci de viser des débouchés dans des professions nécessitant les apports de compétences linguistiques et communicatives, certains cursus universitaires ont rénové les formations linguistiques pour les orienter vers ce qu’on appelle de nos jours des formations en langues étrangères de spécialité ou des langues selon des objectifs spécifiques (la langue de la médecine, de l’économie, de l’informatique…). Cette approche de l’enseignement d’une langue étrangère utilisée dans un champ professionnel (la médecine, la banque, le tourisme…) a donné lieu à des curricula — sous forme de référentiels — orientés vers des compétences linguistiques qu’exige l’exercice d’un métier donné et a suscité un changement dans les rapports à la langue : celle-ci est apprise et enseignée en référence à une demande du marché linguistique et à une volonté d’une meilleure prise en compte de la communication dans un environnement lié à tel ou à tel domaine professionnel. 4 Sur la base d’une contribution de M. Miled (In Roegiers, 2012, section 2.6). 6 Ainsi, on a affaire à un champ qui se veut l’illustration d’un rapport de fonctionnalité avec le savoir à faire acquérir. Les premiers programmes de formation de ce type ont péché par une efficacité immédiate ou à court terme, réduisant l’apprentissage à l’appropriation par l’étudiant de structures grammaticales et lexicales immédiatement utilisables dans le domaine concerné. Néanmoins, on a quelquefois oublié que cette fonctionnalité devrait aussi être conçue selon une efficacité à long terme ; elle gagnerait ainsi à être accompagnée d’un développement de capacités intellectuelles transférables pour parer aux aléas des professions inévitablement mobiles et parfois imprévisibles, et pour éviter de penser en termes de formation pour un seul métier ou un seul champ professionnel qui peut connaître la saturation ou même l’obsolescence. Dans cette perspective, concevoir un curriculum dans ce domaine des langues à visée professionnelle peut être conçu dans son efficacité à long terme : il ne peut être assujetti à un rapport de transmission de connaissances (soit sur la langue, soit sur le métier, objet de formation) ni de savoir-faire linguistiques très ciblés, la plupart du temps réducteurs. Il s’agit plutôt de mettre en œuvre et en synergie certaines fonctions complémentaires dont : - une fonction d’information et de stockage à travers laquelle sont consignées les ressources langagières dans des métiers proches (le domaine de l’économie, de la technologie…), garantissant une certaine polyvalence relative ; - une fonction de communication et de transmission permettant de communiquer les informations et de s’insérer dans les secteurs évoqués ; - une fonction heuristique par laquelle on entreprend des activités de recherche en s’interrogeant, par exemple, sur la façon d’amener l’étudiant d’un statut de consommateur et d’un exécutant à un statut de producteur ou de créateur dans ce domaine ; - une fonction culturelle : c’est à travers cette dimension que le rapport aux savoirs professionnels acquiert une dimension humaine et dépasse la simple acquisition de structures linguistiques purement fonctionnelles et utilitaires, tout en étant utile dans un contexte de communication avec les partenaires étrangers qui utilisent cette langue. Cette perspective de prise en compte d’une dimension à long terme « culturelle et humaniste » peut être une réponse à certains effets pervers d’un « réductionnisme » découlant d’une efficacité à court terme consistant en une simple acquisition de formes langagières mises au service de tâches professionnelles ponctuelles. Ces fonctions peuvent constituer des préalables à une mise en œuvre d’un curriculum en langues étrangères appliquées à un champ professionnel donné. Mentionnons trois de ces préalables. 1. L’acquisition des ressources langagières et communicatives est évidemment rattachée au secteur professionnel visé. En effet, le savoir et le savoir-faire linguistiques et textuels ont du sens puisqu’ils sont mobilisés dans des situations professionnelles sous forme de compétences : la grammaire ou le lexique, étudiés en eux-mêmes et pour eux-mêmes dans d’autres situations de formation, sont ici des ressources mises au service de compétences variées directement utilisables dans des métiers connexes. Il est évident que la maîtrise des compétences de base en langue constitue un prérequis au développement de compétences 7 langagières dans un champ professionnel donné (le lexique des affaires, les lettres commerciales, les contrats commerciaux...). De même, les savoir-faire textuels ou discursifs peuvent, selon le niveau des étudiants, être associés à des structures de communication générales et à des situations professionnelles données : développer la lecture et l’écriture d’un texte scientifique implique la maîtrise de tâches comme l’explicitation d’une situation, l’énoncé d’un problème, la présentation d’une expérimentation, l’analyse et l’interprétation d’un fait, d’un phénomène ou de données diverses… Des notions transversales au domaine scientifique visé peuvent constituer des contenus d’apprentissage à consolider : la comparaison, le repérage, le classement, la relation de cause à effet, les rapports d’égalité et de supériorité… 2. L’appropriation de compétences méthodologiques dans des domaines variés habilite l’étudiant à faire du français un usage adapté à différentes situations de communication courantes et d’actions professionnelles : la prise de notes au moment d’une activité observée, la préparation d’un exposé oral, la rédaction d’une note de synthèse à partir d’un ensemble de documents, l’entraînement à la production d’un mémoire… Elle suppose aussi la prise en compte de stratégies de lecture, de production et de débat inscrites dans la logique du domaine professionnel retenu. 3. L’accès à un ensemble de valeurs socioculturelles et interculturelles est lié au domaine appréhendé, ce qui est logiquement inhérent à la connaissance d’une culture professionnelle étrangère et à des modes de communication propres à cette langue de travail étrangère. La lecture est appréhendée sous son angle fonctionnel, mais devrait aussi faire prendre conscience à l’étudiant des valeurs sociales et culturelles de la communauté correspondante : les valeurs, les comportements sociaux et les modes de pensée liés à la communauté dont on étudie le commerce ou la technologie… En effet, un texte technique ou scientifique est souvent destiné à guider des actions, à expliquer un phénomène, à décrire une situation problématique ou un processus, à communiquer des informations précises dans un environnement et par rapport à un mode de communication marqué par la culture de la langue étrangère. Dans le cas du français de l’entreprise, par exemple, l’environnement social et les normes de communication qui y sont pratiquées devraient faire partie des contenus d’apprentissage propres à ce domaine. Il en est de même du cas d’une langue appliquée au tourisme, où il est nécessaire d’acquérir des connaissances dans ce domaine mais aussi de développer des savoir-être interculturels permettant d’observer et de comprendre des comportements étrangers et éventuellement d’ajuster les siens, en raison surtout de réflexes ethnocentristes que l’étudiant peut avoir dans des situations professionnelles étrangères. D. Quelques éléments de méthodologie Tout ceci peut se décliner en quelques propositions méthodologiques. 1. Déterminer ce qui est attendu des apprenants en termes de tâches complexes sur le lieu de travail. Identifier un noyau de 2 ou 3 compétences qui font référence à des tâches complexes mais précises. 2. Ajouter à ce noyau une ou deux compétences méthodologiques, mais qui s’expriment elles aussi à travers des tâches complexes à réaliser, ou des situations complexes à aborder. Exemple « Préparer un écrit argumentatif de deux pages sur la base d’un support écrit d’un 8 niveau de langage d’un écrit journalistique, et abordant un fait culturel récent dans le monde de la francophonie ». 3. Produire, pour chaque compétence du noyau, deux ou trois situations « d’intégration » qui reflètent chaque compétence, et qui sont d’un niveau équivalent. Déterminer deux ou trois critères d’évaluation de ces situations. 4. Dégager quelques paliers de ces compétences, chaque palier étant lui aussi concrétisé par l’une ou l’autre situation d’intégration. 5. Identifier les principales ressources des compétences ainsi définies (les savoirs, les savoirfaire). En conclusion, on peut dire que la clé d’une approche par compétences qui se veut en lien avec une problématique de société donnée, qui cherche à développer un « humanisme en projet » est celle qui parvient à articuler le complexe, qui donne le sens, et le concret, qui est synonyme d’efficacité. Les deux sont indissociables aujourd’hui. L’approche par l’intégration des acquis propose quelques pistes intéressantes en ce sens. Bibliographie Barbier, J.-M. (2006). Les voies nouvelles de la professionnalisation, in Y. Lenoir & L. Bouillier-Oudot (Éds.). Savoirs professionnels et curriculums de formation. Laval : Les Presses de l’Université Laval, pp.67-82. Chiadli, A. (2010). Réformes et changements pédagogiques dans l’enseignement supérieur, Pré-actes du 26e congrès de l’AIPU, Rabat, mai 2010. De Ketele, J.-M. (1996). L’évaluation des acquis scolaires : quoi ? Pourquoi ? Pour quoi ? Revue Tunisienne des Sciences de l’Éducation, 23, 17-36. Donnay, J., Romainville, M. (Éds) (1997). Développer les compétences transversales au 1er degré. Namur : Département Education et technologie, FUNDP. Miled, M. (2002). Élaborer ou réviser un curriculum. Le français dans le monde, mai-juin 2002, n°321, 35-38. Miled, M. (2008). Concevoir et mettre en œuvre un curriculum porteur de sens : le cas du français sur objectifs spécifiques dans un contexte de langue seconde "L'Ecole et le savoir, la question du sens" ? In Actes du colloque international de l'Unité de Recherche Ecole et Littérature, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sousse, Editions Sahar, Tunis, décembre (pp. 381- 388). Miled, M. (2011). Contextualiser l’élaboration d’un curriculum de français langue seconde : quelques fondements épistémologiques et méthodologiques. In P. Martinez, M. Miled, R. Tirvassen (Éds.), Curriculum, programmes et itinéraires en langues et cultures. Le Français dans le monde, janvier 2011, n°49, pp. 64-75. Prégent, R. (1990). La préparation d’un cours. Montréal : Éditions de l’École Polytechnique de Montréal. Raucent, B., Vander Borght, C. (Éds) (2006). Être enseignant : Magister ? Metteur en scène ? Bruxelles : De Boeck. 9 Roegiers, X. (2003, 2e éd. 2007). Des situations pour intégrer les acquis scolaires. Bruxelles : De Boeck. Roegiers, X. (2004, 2e éd. 2010). L’école et l’évaluation. Bruxelles : De Boeck. Roegiers, X. (2005). Concilier profondeur et efficacité de la formation, in Le Cégep, pour savoir agir, Actes du 25e colloque de l’AQPC, 8-9 et 10 juin 2005, Québec : Association québécoise de pédagogie collégiale, pp.17-26. Roegiers, X. (2007). Curricular reforms guide schools : but, where to ? In Prospects, vol. XXXVII, no. 2, June 2007. Roegiers, X. (2010). La Pédagogie de l’Intégration : des systèmes d’éducation et de formation au cœur de nos sociétés. Bruxelles : De Boeck. Roegiers, X. & coll. (2010). Des curricula pour la formation professionnelle initiale. Bruxelles : De Boeck. Roegiers, X. & coll. (2011). Curricula et apprentissages au primaire et au secondaire. Bruxelles : De Boeck. Roegiers, X. (2012). Quelles réformes pédagogiques pour l’enseignement supérieur ? Bruxelles : De Boeck (à paraître). Tardif, J., Dubois, B. (2010). 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