Cour d`appel Liège Arrêt

Transcription

Cour d`appel Liège Arrêt
Numéro d’ordre :
Cour d’appel
Liège
Date du prononcé :
Arrêt du 30-06-2015
Arrêt
Numéro du rôle :
2015/RG/530
de la QUATORZIÈME (a) chambre civile
Numéro du répertoire :
Expédition(s) délivrée(s) à :
2015 /
A destination du Receveur :
Présenté le
Non enregistrable
Huissier :
Huissier :
Huissier :
Avocat :
Avocat :
Avocat :
Partie :
Partie :
Partie :
Liège, le
Coût :
CIV :
Liège, le
Coût :
CIV :
Liège, le
Coût :
CIV :
Cour d’appel de Liège, 14a Ch., 30-06-2015
2015/RG/530 - MEN AT WORK SA/VELUVINE BV
n° d’ordre :
EN CAUSE DE :
MEN AT WORK S.A., dont le siège social est établi à 4400 FLEMALLE, rue des
Semailles, 20/b3,
partie appelante, représentée par Maître FOSSOUL Xavier, loco Maître SPRENGER
Alexandre, avocat à 4031 ANGLEUR, allée de la Cense Rouge, 17
CONTRE :
VELUVINE B.V., dont le siège social est établi à 4824 AG BREDA (PAYS-BAS),
Ramshoorn, 11,
partie intimée, représentée par Maître VAN DURME Samuel, loco Maître
BOUCKAERT Peter, avocat à 9000 GENT, Sint-Martensstraat, 16
__________________________
Vu les feuilles d’audiences des 19/05/2015, 04/06/2015 et de ce jour
__________________________
A P RÈ S E N A V O IR DÉL IB ÉR É :
Vu la requête du 10 avril 2015 par laquelle la SA MEN AT WORK interjette appel
du jugement rendu le 8 janvier 2015 par le tribunal de commerce de Liège,
division Liège.
Vu la demande incidente formée par la SA MEN AT WORK par conclusions
déposées à l'audience du 4 juin 2015.
Vu les conclusions, les dossiers des parties et l'état de dépens déposé par la BV
VELUVINE.
Antécédents et objet de l'appel
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n° d’ordre :
En vertu des conclusions consenties déposées par les parties à l'audience du
tribunal de commerce du 11 décembre 2014, la SA MEN AT WORK a été
condamnée à payer à la BV VELUVINE la somme de 81.301,50 € à majorer des
intérêts calculés sur la base de l'article 5 de la loi du 2 août 2002 concernant la
lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales depuis
l'échéance des factures jusqu'au complet paiement, et la somme de 4.250 € au
titre de clause pénale, le tout sous déduction de 2.665,60 € payés le 3 mars 2014,
de 7.000 € le 4 mars 2014, de 5.000 € le 24 mars 2014 et de 17.500 € le 4 août
2014, outre les dépens liquidés à la somme de 1.456,99 €, en ce compris une
indemnité de procédure de 1.100 € mais dont la TVA sur les frais de citation doit
être déduite.
Conformément à l'accord des parties, la SA MEN AT WORK a été autorisée à se
libérer de ces condamnations par six versements mensuels égaux à effectuer le 15
du mois, et pour la première fois le 15 janvier 2015.
Il a été indiqué qu'à défaut d'un seul versement au jour fixé, le tout deviendra
exigible immédiatement et sans mise en demeure préalable.
Ce jugement est assorti de l'exécution provisoire, nonobstant tout recours et sans
caution.
L'appelante sollicite la réformation de la décision entreprise au motif qu'elle a été
erronément citée, en lieu et place de la SPRL MARQUE DEPOSEE, les factures de
l'intimée ayant été émises avec le n° de TVA de la société précitée.
L'appelante précise dans sa requête d'appel « que compte tenu des liens étroits
unissant les deux sociétés, l'erreur n'est pas apparue immédiatement. » (sa
requête d'appel, page 2, paragraphe 4).
Elle demande que l'action originaire de l'intimée soit déclarée irrecevable ou à
tout le moins non fondée.
Dans ses conclusions déposées à l'audience du 4 juin 2015, elle postule
également la condamnation de l'intimée au remboursement de toutes sommes
lui revenant perçues par l'intimée à charge de la SA COLAS BELGIUM, tiers-saisi,
suite à la saisie-arrêt exécution du 25 mars 2015, et le cas échéant, de toutes
sommes lui revenant perçues avant cette date.
Elle demande la compensation des dépens d'instance et la condamnation de
l'intimée aux dépens d'appel liquidés à la somme de 2.960 €, dont une indemnité
de procédure de 2.750 €.
L'intimée conclut à l'irrecevabilité de l'appel ou à tout le moins à son nonPage 3
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fondement, le jugement a quo devant être entièrement confirmé. Elle postule la
condamnation de l'appelante aux frais et dépens « liquidés au stade actuel à
1.100 € (indemnité de procédure (appel)) et tous les autres frais et dépenses
auxquels cette cause peut donner lieu. » (dispositif, point 3).
A l'audience du 4 juin 2015, les conseils des parties ont été invités par la cour à
s'expliquer sur une éventuelle réduction de l'indemnité de procédure.
DISCUSSION
Recevabilité
L'intimée soutient que l'appel de MEN AT WORK est irrecevable,
- « pour défaut d'intérêt suffisant (art. 17 C. jud) » dès lors qu'elle a obtenu des
premiers juges « ce qu'elle (leur) a demandé » ;
- « l'appelante n'a pas recouru à la procédure de désaveu (art. 848 C. jud.) » ;
- « en vertu de l'art. 1043 C. Jud. (jugement d'accord) ».
Il est rappelé que « L’intérêt, condition fondamentale de l’action en justice, doit
être établi aussi bien en appel qu’en première instance.Cependant, l’intérêt
requis du demandeur se distingue de l’intérêt requis de l’appelant : le premier
doit démontrer qu’il détient un avantage personnel à obtenir l’objet de sa
demande; le second doit établir le préjudice que lui cause la décision entreprise
(S. Dufrene, « Questions actuelles relatives à l’appel », J.T., 2004, p. 567 ; voy.
aussi Bruxelles, 2 juin 1995, J.T., 1995, p. 610).159. Existence d’un grief. — Il faut
que l’appelant soit lésé par la décision attaquée (R.P.D.B., Vo « Appel en matière
civile, sociale et commerciale », pp. 48 et 49, nos 307 et suiv.) (...) L’appel contre
un jugement ayant fait droit à la demande de l’appelant est irrecevable à défaut
d’intérêt (Gand, 25 octobre 1996, T.G.R., 1997, p. 68) » (Closset-Marchal, G., Van
Drooghenbroeck, J.Fr., Uhlig, S. & Decroës, A., « Droit judiciaire privé. Les voies de
recours. », R.C.J.B., 2006, n° 158, p. 108).
En l'espèce, nonobstant la décision entreprise qui lui accorde le bénéfice des
conclusions consenties, l'appelante dispose d'un intérêt légitime à former un
appel contre cette décision dès lors qu'elle invoque l'erreur dont serait entaché
son accord sur le contenu desdites conclusions.
L'appelante n'est pas tenue de désavouer son conseil puisqu'elle ne soutient pas
que cette erreur serait due à son fait, mais bien au sien.
« En vertu de l’article 1043 du Code judiciaire, n’est susceptible d’aucun recours
de la part des parties litigantes la décision constatant l’accord qu’elles ont conclu
sur la solution du litige, à moins que cet accord n’ait point été légalement formé
et sauf les voies d’interprétation et de rectification prévues aux articles 793 à 801
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du Code judiciaire, s’il y a lieu (Cass., 14 décembre 1994, Pas., 1994, I, p. 1099;
Liège, 16 mars 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1395; Bruxelles, 22 septembre 2004, R.G.
2001/kr/285) (...) Ainsi, un appel sera envisageable lorsqu’une contestation
s’élève concernant la validité du consentement exprimé, ce dernier pouvant être
vicié en raison de l’erreur, de la violence ou du dol qui l’affecte (Liège, 26 mai
1983, J.L., 1983, p. 337) » (Closset-Marchal, G., Van Drooghenbroeck, J.Fr., Uhlig,
S. & Decroës, A., op. cit., n° 101, p. 154).
La preuve de l'existence de l'erreur ne subordonne pas la recevabilité de l'appel,
mais relève de l'examen du fond de l'affaire.
Par conséquent, l'appel de MEN AT WORK est recevable.
Fondement
L'appelante soutient que c'est la SPRL MARQUE DEPOSEE qui a passé commande
auprès de l'intimée.
Les sociétés MEN AT WORK et MARQUE DEPOSEE partagent le même siège social
et sont toutes deux gérées par la même personne, Philippe LIEBENS.
Les factures de l'intimée reprennent le nom des deux sociétés, mais le n° de TVA
de MARQUE DEPOSEE.
Il existe un doute sur le destinataire des factures, doute qui permet d'écarter la
présomption prévue à l'article 25 du Code de commerce, en l'absence de
contestation des factures à leur réception par MEN AT WORK.
Se fondant sur la seule indication du n° de TVA de MARQUE DEPOSEE sur les
factures litigieuses, l'appelante prétend que c'est cette dernière qui est leur
débitrice et qui doit les sommes réclamées par l'intimée.
Elle aurait commis une erreur en se reconnaissant redevable de celles-ci.
L'appelante ne produit pas les bons de commandes au nom de MARQUE DEPOSEE
ou tout autre document qui permettrait d'établir que c'est bien cette dernière qui
a passé commande des marchandises facturées par l'intimée.
Elle ne dépose pas l'historique fournisseur « VELUVINE » de MARQUE DEPOSEE
qui permettrait de constater que cette dernière a effectivement repris les factures
de l'intimée dans ses comptes.
Elle ne produit pas les extraits des comptes bancaires de MARQUE DEPOSEE qui
attesteraient que les sommes à valoir sur la créance de l'intimée ont bien été
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payées par MARQUE DEPOSEE et non par MEN AT WORK.
Le 4 novembre 2014, puis le 1er décembre 2014, le conseil de l'appelante a
confirmé, d'abord aux huissiers instrumentant puis au conseil de l'intimée, que
les montants en principal n'étaient pas contestés par MEN AT WORK.
Ensuite, les conseils des parties ont rédigé des conclusions consenties dans
lesquelles l'appelante reconnaît qu'elle « reste en défaut de payer les montants
réclamés dans le cadre de la livraison de produits de marquage routier,
contraignant de ce fait (l'intimée) à lancer citation. »
A plusieurs reprises, l'appelante et son conseil ont donc été amenés à se pencher
sur le fondement de la créance de l'intimée et à aucun moment il ne leur est
apparu évident que les marchandises facturées par cette dernière avaient été
commandées par MARQUE DEPOSEE et non par MEN AT WORK. Ces deux sociétés
étant dirigées par la même personne, cela était d'autant plus simple à constater.
Il n'est même pas soutenu que MARQUE DEPOSEE et MEN AT WORK ont passé
des commandes similaires au même moment auprès de VELUVINE et qu'il y a eu
confusion à la réception des factures.
La preuve de l'erreur quant à l'identité du débiteur des factures de VELUSINE et
donc dans la rédaction des conclusions consenties n'est pas rapportée.
Par conséquent, la demande incidente de MEN AT WORK relativement à la saisiearrêt pratiquée en mains de la SA COLAS BELGIUM est sans objet.
Dépens :
Vu l'absence de complexité de la cause, c'est à raison que l'intimée a
volontairement limité le montant de l'indemnité de procédure d'appel à la
somme de 1.100 €, soit le montant minimum pour une demande comprise entre
20.000,01 et 100.000 €. Elle ne justifie d’aucun autre frais.
PAR CES MOTIFS,
Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935.
La Cour statuant contradictoirement ;
Reçoit l'appel et la demande incidente ;
Confirme le jugement entrepris ;
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Condamne la SA MEN AT WORK aux dépens d'appel liquidés pour la BV VELUVINE
à la somme de 1.100 € et lui délaisse ses propres dépens.
Ainsi jugé et délibéré par la QUATORZIÈME (a) chambre de la cour d'appel de
Liège, où siégeaient le président Michel LIGOT et les conseillers Alain MANKA et
Thierry LAMBERT, et prononcé en audience publique du 30 juin 2015 par le
président Michel LIGOT, avec l’assistance du greffier Jean-Louis KINNARD.
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