Dossier - Bourgogne Aujourd`hui
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Dossier - Bourgogne Aujourd`hui
Dossier Quand la Bourgogne se cherche un avenir 48 L’âge d’or des vins français s’achève-t-il ? L’arrivée de nouveaux concurrents fait vaciller le vignoble hexagonal de son piédestal. La Bourgogne n’échappe pas aux turbulences. En tous cas pour une bonne partie de l’entrée de gamme. Pour faire face à la nouvelle donne, les professionnels ont mis sur pied un plan stratégique autour de la qualité, de la communication. Son nom : Ambition 2006. Que va-t-il changer et ne pas changer ? Engage-t-il la Bourgogne dans le bon sens ? Qu’est-ce que le consommateur peut en retirer ? Bourgogne Aujourd’hui passe au crible les intentions bourguignonnes. BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 Laurent Gotti Photographies : Lionel Georgeot, Thierry Gaudillère et David Clémencet. 49 Dossier Un plan pourquoi faire ? Consommateurs plus exigeants, Zone de turbulence concurrence exacerbée, communication trop timide, la Bourgogne s’inquiète, se pose des questions. Le vignoble souhaite rester un nom de référence dans le cœur des amateurs. C’est l’objectif du plan Ambition 2006. 50 51 Il n’empêche depuis quelques années déjà, les Bourguignons sentent le vent du boulet. Chacun a conscience d’être à un tournant de la vie du vignoble. Les références à la période des années 30 qui avait débouché sur la création des A.O.C. sont de mise pour beaucoup. Voté en 2001, le plan Ambition 2006, aspire à répondre aux défis du nouveau contexte qui se dessine. “La pression de la concurrence n’est plus que dans les discours. La ligne de front se rapproche de la Bourgogne”, explique André Ségala, directeur du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne. EFFERVESCENCE NATIONALE La démarche bourguignonne n’est, bien sûr, pas isolée. Ces derniers mois ont vu fleurir au niveau national, de nombreux rapports, livres blancs et même réformes. C’est le désormais fameux Jacques Berthomeau, haut fonctionnaire du ministère de l’agriculture, qui a lancé le débat en 2001 La Bourgogne : un vignoble morcelé, exploité par des domaines familiaux depuis la vigne, jusqu’à la commercialisation. Une identité menacée ? dans un document commandé par son ministre de l’époque. Une réflexion de 80 pages sur le positionnement des vins français dans le contexte mondial. S’en est suivie une série de préconisation (“Cap 2010”) qui font débat, notamment sur la mise en place d’une nouvelle segmentation des vins français. L’Institut national des appellations d’origine, sous la houlette du truculent René Renou a, coup sur coup, réformé l’agrément des vins et mis en place le contrôle des conditions de production à la vigne pouvant, si nécessaire, aboutir au déclassement d’une parcelle. La Bourgogne dans ce contexte prend-t-elle toutes les mesures pour rester un vignoble de référence dans l’esprit des consommateurs ? La filière s’est assignée deux objectifs forts : amélioration de la qualité d’ensemble et communication auprès des consommateurs. Qualité, sousentendu typicité, parce que ce n’est qu’en faisant valoir son originalité, sa différence, que la Bourgogne pourra continuer à tenir sa place dans le marché mondial. “Ce qui se passe aujourd’hui dans le monde du vin est comparable aux délocalisations qu’a connues l’industrie”, explique le négociant chablisien Michel Laroche. Coût du foncier, de la main d’œuvre, charges, etc. Sur certains segments de l’offre, les coûts de revient sont de 25% à 60% plus faibles chez la concurrence. La Bourgogne n’a pas d’autre solution que de se démarquer par le haut. Communication parce que le vin est un produit qui a besoin d’être expliqué, mis en valeur. “Les consommateurs connaissent le nom Bourgogne, mais ils ne l’ont pas spontanément en tête devant un linéaire”, analyse Stéphane Duverger-Nedellec coordinateur du projet pour l’agence Mac Cann Erickson, en charge de la campagne. Pour arriver à ses fins l’interprofession dispose aujourd’hui de moyens inédits. La balle est dans son camp. BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 F inies les dégustations dans les caveaux avec le vigneron ? Relégués aux oubliettes les domaines familiaux bichonnant quelques hectares pour produire des vins inimitables ? Le scénario est improbable. Certains pourtant l’ont envisagé sérieusement. Et pas n’importe qui : des vignerons euxmêmes. “Serons-nous encore tous viticulteurs dans 10 ans ?”, c’est le titre provocateur d’un document qui circule actuellement dans le vignoble. Un film catastrophe qui s’enchaînerait ainsi : saturation du marché par des vins des récents pays producteurs couplés à une puissance marketing inégalable, des Bourguignons empêtrés dans des luttes intestines, attentistes, des scandales sur des pratiques frauduleuses. Au final, l’effondrement de l’A.O.C., au profit de marques commerciales. Résultat : bon nombre de vignerons se verraient obligés de quitter leur métier et devenir des fournisseurs de raisins pour des grosses unités de production. Loufoque, absurde, excessif ? Sans doute. Dossier La vigne Produire plus propre La course en avant pour produire des vins dans un respect maximum de l’environnement est lancée. La Bourgogne ne pouvait pas rester à l’écart. Le plan Ambition 2006 prévoit d’aller porter la bonne parole partout dans le vignoble. Avant que l’I.N.A.O., elle-même, ne l’inscrive dans les décrets d’appellations. L’AVIS DE LA RÉDACTION • Une démarche en viticulture raisonnée, déjà engagée depuis quelques années, qui permet de s’appuyer sur un socle de 20% de la superficie du vignoble. 52 signe des temps, le premier négociant Bourguignon, Boisset, faisait récemment l’éloge de la biodynamie2 dans un mensuel de la presse professionnelle. Au-delà des considérations de respect de l’environnement, l’enjeu est bien-sûr éminemment commercial. “Il s’agit d’une attente légitime des consommateurs”, affirme André Ségala, directeur du B.I.V.B. Le chantier n’en reste pas moins vaste. Un constat de départ encourageant : l’époque des prises de conscience est dépassée. Lors des premiers Etatsgénéraux des vins de Bourgogne, qui se sont déroulés début novembre, les professionnels ont affiché une forte volonté dans ce domaine. Près de 90% des votants se sont dit d’accord pour que les principes et les dispositions de la viticulture raisonnée soient appliqués dans la totalité des exploitations bourguignonnes d’ici à 5 ans. • L’engagement du B.I.V.B. sur un thème ou l’interprofession était peu présente. Des capsules de confusion sexuelle dans les vignes. 1 500 hectares sont couverts en Côte-d’Or par cette méthode écologique de protection. L’essentiel reste pourtant à faire pour généraliser de telles pratiques. LES NOUVEAUX ADEPTES SONT RARES “Mis en place au début des années 90, la lutte raisonnée (utilisation des produits phytosanitaires à la bonne dose et au bon moment) a gagné peu à peu du terrain sous l’égide des chambres d’agriculture, de l’Institut technique L’AVIS DE JEAN-CLAUDE RATEAU BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 53 Viticulteur à Beaune (21), biodynamiste depuis 20 ans De bonnes pratiques existent ou se mettent en place.Tout doit être fait pour les favoriser, en diffusant l’information. Il faut aider les constructeurs de matériel dans leurs efforts de recherche et favoriser l’acquisition de matériels performants par de petits domaines aux moyens limités. Il me paraît nécessaire de favoriser l’évolution des modes de conduite de la vigne, surtout dans des secteurs difficiles et d’autoriser les systèmes de vignes hautes, en lyre, si performants au niveau environnemental. À l’inverse, je ne suis pas favorable à un système de contrôle visant à imposer ces pratiques. Cela aura forcément un coût important pour la profession. Un système d’avertissements, voir d’amendes ne peut aller que vers un durcissement de la position des viticulteurs plus conservateurs. Je rappelle l’extraordinaire résistance au progrès de notre profession et l’importance du besoin de sécurité dans l’obtention de récoltes. Une évolution technique ne peut aller que vers une diminution des risques. de la vigne et du vin (I.T.V.) et de la Protection des végétaux (S.R.P.V.), jusqu’à atteindre 20% des exploitations. Résultat moins de produits dans les vignes. Pas de quoi fanfaronner pour autant. Depuis quelques années les nouveaux adeptes se font rares. Un constat corroboré au niveau de la Fédération nationale des vins de l’agriculture biologique. La Bourgogne n’y figure pas parmi les bons élèves : 372 hectares sont en bio (soit 1,25% du vignoble). Les conversions progressent doucement (+5%) et beaucoup moins vite qu’au niveau national (+19%). Pour autant des avancées notables ont été accomplies ces dernières années : quelques appellations se sont engagées plus en avant, avec la mise en place de la confusion sexuelle3 (VosneRomanée, Beaune, Montagny, etc.). Un total de près de 1 500 hectares est couvert en Bourgogne. Un accord cadre a été signé dernièrement entre la confédération des associations viticoles et les collectivités locales pour réduire les pollutions d’origine vinicole. Alors comment la filière compte s’y prendre pour atteindre son objectif ? L’essentiel reste à faire. Le B.I.V.B. souhaite, dans le cadre d’Ambition 2006, coordonner les bonnes volontés et les nombreux acteurs impliqués. “Nous envisageons de créer un Conseil de la viticulture durable qui regrouperait les parties prenantes de la recherche jusqu’aux services qui, sur le terrain, sont en mesure de relever les atteintes à l’environnement”, explique Denis Fetzman, président de la commission technique du B.I.V.B. et responsable du domaine de la maison Latour. Un référentiel des bonnes pratiques, adapté à la région, doit voir le jour. La démarche • L’inertie de la viticulture dès lors qu’il s’agit de remettre en cause des pratiques acquises depuis des décennies. La retenue du monde agricole pour ce qui touche à l’écologie. • En période de crise, on peut douter que des domaines économiquement en difficultés investissent, sans incitation financière, dans de nouvelles pratiques. aboutirait à une qualification des producteurs qui s’y conformeraient. Mais dans ce domaine comme dans les autres, la validité de l’action se mesurera à la capacité de l’interprofession à emmener un maximum de producteurs au-delà des seuls discours. 1.Haut fonctionnaire du ministère de l'agriculture, chargé d'une réflexion sur le positionnement des vins français. 2. Méthode de culture sans produit de synthèse et à base de préparations végétales, minérales ou animales. 3. Méthode de lutte écologique contre deux papillons parasites, qui empêche leur reproduction. BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 C onsommateurs de vin, réjouissons-nous ! La bataille pour produire des vins plus respectueux, plus authentiques, sur des terroirs sains et préservés ne fait que commencer. Le premier des quatre objectifs proposés par Jacques Berthomeau1 dans son rapport est sans ambiguïté : “devenir leader en matière de pratiques respectueuses de l’environnement”. Ce n’est ni plus ni moins ce qu’affirme également en priorité “Wine Vision”, plan de développement stratégique du vignoble américain… L’Institut national des appellations d’origine (I.N.A.O.), lui-même, s’est mis au diapason en faisant réfléchir, depuis quelques années déjà, les syndicats d’appellations sur le sujet. L’objectif à terme est d’inclure des notions de respect de l’environnement dans les décrets d’A.O.C. Autre • La pression de l’I.N.A.O. dont l’objectif est à terme de faire rentrer des considérations environnementales dans les décrets d’appellations. Dossier La qualité Resserrer les rangs Encore trop hétérogène et irrégulière qualitativement, l’offre bourguignonne doit serrer les rangs face à des consommateurs L’AVIS DE LA RÉDACTION de plus en plus exigeants. • Avec 2 000 échantillons dégustés par an, l’observatoire de la qualité dispose de vrais moyens d’analyses de l’état de l’offre dans les différents circuits de distributions et peut en tirer des conclusions fiables. Le suivi aval qualité, renforcé dans le cadre du plan Ambition 2006, vise à mieux cerner les problèmes et à y apporter les solutions. • La pression du marché qui n’est plus prêt à absorber les vins indignes et incite à des remises en cause notamment sur les rendements et la maturité des raisins. 54 à la Bourgogne, c’est là que nous sommes attendus par les consommateurs du monde entier”, renchérissait le président du B.I.V.B. à l’assemblée générale en décembre dernier. • Les faibles moyens coercitifs du suivi aval de la qualité. Il pourra réduire les productions à défauts, mais pas les vins dilués, trop légers, ou tout simplement mal vinifiés. 2 000 BOUTEILLES PRÉLEVÉES Une des toutes premières mesures menées dans le cadre du plan Ambition 2006 a été la multiplication par quatre du budget attribué à l’Observatoire de la qualité. 2 000 bouteilles, prélevées sur les différents circuits de distributions (caviste, grande surface, restauration) en France et à l’étranger, ont ainsi été analysées et dégustées en 2002. L’interprofession envisage aujourd’hui de réaliser des achats en direct à la propriété. Quel gain pour le consommateur ? Une pression plus forte et plus directe sur le producteur. Un vin noté “D” déclenche un Maîtrise des rendements, maturité optimale des raisins, les sujets qui fâchent sont sur le tapis. contact du viticulteur ou du négociant d’origine. Selon le type de défaut, ce dernier peut se voir proposer des solutions techniques. “En cas de récidive et de refus de réagir du producteur, le dossier est transmis à la répression des fraudes”, explique Denis Fetzman, président de la commission technique du B.I.V.B. “Au fil des campagnes nous allons cerner de manière précise les producteurs qui BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 L’AVIS DE JEAN-LOUIS SUBTIL Amateur, Paris (75) Peut-on faire un grand vin sans y mettre le meilleur de soi ? Placer la notion de qualité dans le champ administratif ou de marketing n’est pas significatif. Posez la question à Henri Jayer, Charles Rousseau, Michel Lafarge... elle prendra une autre couleur. À mon sens, la qualité est humaine et passe par le chemin de la sensibilité particulière de chaque viticulteur. Elle se doit d’être révélée, reconnue et encouragée car elle concourt fortement à l’émotion contenue dans le flacon ! Les conseils, l’œnologie, la technique et… la répression ne doivent être que des outils à utiliser en soutien. De l’autre côté, le consommateur “exigeant” se doit d’éduquer son goût pour accueillir cette relation sensible et ne pas se contenter d’être un buveur conforme au modèle médiatique ou pseudo-culturel, servile à un nom de commune entendu. On doit pouvoir se reconnaître dans son goût. À ce rendez-vous de l’histoire où l’on sent le vin fragilisé par un effet de mode et de marché, la question ne seraitelle pas plutôt : quelle est véritablement ma relation au vin ? posent problème”. L’étude des résultats de l’observatoire permettra également de faire de la prévention collectivement. C’est le cas notamment pour les récurrents problèmes de bouchons (20 à 30% des vins non conformes). Le B.I.V.B. envisage, à l’instar de ce qu’a réalisé l’interprofession de la vallée du Rhône, d’établir une liste des fournisseurs à risque. RENDEMENTS : LE SUJET SENSIBLE “Ambition 2006” se penche également sur les questions de qualité depuis la vigne. Lors des premiers Etats-généraux des vins de Bourgogne, deux points essentiels ont été mis sur le tapis : rendements et maturité des raisins. Le premier reste toujours sujet à polémiques. Les contours indéfinis de la question soumise au vote des professionnels en est l’illustration : “Êtes-vous d’accord pour vous engager personnellement dans une démarche de plus grande maîtrise de la production pour garantir la qualité et l’originalité des vins à A.O.C. de Bourgogne ?” La formulation laisse à chacun le soin de se fixer la limite à ne pas dépasser… Le B.I.V.B. n’hésite pas pour autant à communiquer largement sur le sujet en période végétative, notamment sur les comptages dans des parcelles de référence. Les bulletins de l’été 2002, insistaient lourdement sur la nécessité de réaliser des vendanges en vert1. Une ligne téléphonique “Allô-rendement” a été mise en place pour conseiller les producteurs. Certains en ont profité pour faire part de leurs récriminations… Côté maturité les bonnes intentions sont également affichées. Le B.I.V.B. se fixe pour objectif dans les années à venir de mettre sur pied des outils qui permettront aux professionnels de déterminer les dates optimales de vendanges sur chaque parcelle. “On ne • Les réticences culturelles encore très fortes sur la question des rendements et de la maturité. Les vieilles maximes qui veulent que le viticulteur se prémunisse du gel et de la grêle en gardant un peu plus de raisins qu’il n’en faut sur les pieds sont encore souvent de mise. • Ce sont finalement les vignerons eux-mêmes qui s’auto-gèrent au sein d’une appellation. Le système a montré ses limites… peut pas se contenter d’adopter le degré minimum des décrets d’appellations”, explique Denis Fetzman. Une large majorité (91,1%) des producteurs présents lors des EtatsGénéraux a approuvé. La période qui nous sépare de 2006 suffira-t-elle à faire passer le message auprès des réfractaires qui n’ont pas voulu l’entendre depuis des années, voire des décennies ? 1. Pratique qui consiste à éliminer une partie de la récolte, généralement au mois de juillet, pour limiter les rendements. BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 “ 10% des vins prélevés ont été jugés insuffisants”. Hubert Camus, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne a lâché un chiffre. C’était à la conférence de presse précédant la vente des vins des Hospices de Beaune, en novembre dernier. Depuis 96, date de la création de l’Observatoire de la qualité, qui prélève des bouteilles sur leur lieu de vente, aucune information chiffrée n’avait filtré. “C’est avant tout un outil d’évaluation interne et de pédagogie envers les producteurs concernés”, se justifiait alors l’interprofession auprès des journalistes frustrés. Pourquoi cette “révélation” ? Quelques jours avant la conférence de presse, lors des premiers Etats-généraux des vins de Bourgogne, les professionnels se sont engagés à réduire de moitié les vins en catégorie “D”, la plus basse note. “La qualité est bien le premier défi posé 55 Dossier Le marketing Opération séduction Pour séduire de nouveaux consommateurs la Bourgogne doit se rendre plus accessible. Un projet de simplification de l’offre des appellations régionales est sur les fonts L’AVIS DE LA RÉDACTION baptismaux. Pas question pour autant de • La simplification de l’offre des appellations régionales (plus d’une vingtaine) avec trois niveaux hiérarchisés. Pourquoi ne pas aller plus loin en gardant seulement deux niveaux : bourgogne avec mention de cépage et bourgogne avec indication géographique ? Un vrai ménage est à faire. • La sortie de secours pour les vins qui ne sont pas au niveau de l’appellation sous la catégorie Vin de cépage de France. Elle permettrait la fin d’une certaine hypocrisie et d’une bonne partie des pratiques frauduleuses. renier la diversité du vignoble. Encore moins de toucher à la sacro-sainte appellation. Même si des aménagements sont possibles… 56 pinot noir et bourgogne chardonnay. Enfin le sommet serait tenu par les bourgogne suivi d’une indication géographique (par exemple : bourgognecôtes-d’auxerre). Chaque niveaux se verrait attribuer un nom qui permettrait de le rendre identifiable plus facilement par le consommateur. “C’est une manière de présenter simplement notre diversité”, explique André Ségala, directeur du B.I.V.B. Annoncée depuis quelques mois, cette refonte tarde pourtant à voir le jour. Négociants et viticulteurs peinent à se mettre d’accord. DU CABERNET DANS LE PINOT Dans le même temps, les suites du rapport Berthomeau ont abouti à des propositions de refonte de la segmentation des vins français. L’une d’elle a retenu plus particulièrement l’attention : • Difficultés de la viticulture et du négoce à s’entendre sur la nouvelle hiérarchisation des appellations régionales. Condition première pour séduire de nouveaux consommateurs : expliquer ce qu’ils trouvent dans leurs verres. la création d’une catégorie “Vin de cépage de France”. On lui appliquerait les règles internationales pour revendiquer un nom de cépage (jusqu’à 15% d’un autre cépage produit dans d’autres régions peut entrer dans la composition). Les Bourguignons ont proposé qu’un pinot noir produit en zone d’appellation dans la région puisse se voir assemblé avec 15% de cabernet-sauvignon, syrah, BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 L’AVIS DE RENÉ RENOU Président du Comité vin de l’Institut national des appellations d’origine,Thouarcé (49) Je me réjouis qu’ une réflexion soit menée pour repenser la lisibilité de la Bourgogne. C’est la mission des syndicats d’appellation et des organismes de Bourgogne de faire des propositions pour faire évoluer les A.O.C. bourguignonnes ; ce n’est pas à l’I.N.A.O. de décider pour eux. Il faut cependant rappeler que l’Institut, de par la loi, a une mission de tutelle sur les appellations. La proposition finale devra donc être examinée par le Comité national pour mesurer toutes les implications de telle ou telle proposition.Celle-ci ne devra pas résulter d’une vision à court ou moyen termes, mais concourir à renforcer le concept d’appellation dans la durée. Je suis, par ailleurs, tout à fait favorable à la proposition qui consisterait à faire passer certains vins dans la catégorie Vin de cépage de France.L’A.O.C.n’est pas la panacée absolue.Si des gens veulent faire valoir une notion de cépage,en dehors de l’appellation,j’en suis parfaitement ravi. On aurait alors bien des appellations reposant exclusivement sur la notion de terroir et une catégorie “cépage” qui pourrait être une alternative. grenache... et être vendu sous le nom pinot noir de France. “Les A.O.C. doivent continuer à être régies par des règles strictes. Si par contre les vins produits ne sont pas dignes de porter leur appellation pour des raisons climatiques ou humaines, alors nous devrons trouver une solution. Aujourd’hui, le déclassement en vin de table ne fonctionne pas car il n’y a pas de marché. Nous serions donc favorables à ce que, ponctuellement, ces vins insuffisants puissent aller dans la catégorie des vins de cépage de France ou de marque, sans plus faire référence à une appellation”, expliquait Pierre-Henry Gagey, président du Syndicat des négociants bourguignons, lors de la vente des vins des Hospices de Beaune. L’idée est séduisante ; elle permettrait d’un côté de trouver une sortie honorable à des vins trop courts et d’éviter qu’ils n’écornent l’image de l’A.O.C. De l’autre elle pourrait faire émerger des produits à des prix compétitifs à un standard qualitatif honorable. “L’A.O.C. à tendance à enfermer dans des modèles économiques trop petits. Si l’on a pas un cadre juridique qui soit comparable avec ce qui se fait ailleurs, on y arrivera pas”, entend-t-on souvent parmi les professionnels. Reste à définir à quel moment et qui va décider que tel ou tel vin changera de catégorie. UN EFFORT SUR L’HABILLAGE Mais au-delà de ces remaniements réglementaires administratifs, des solutions pragmatiques, existent. Comme la mise en place de stratégies de gamme large portées par des marques de négociants. Ce qu’on appelle les marques ombrelles. Certains négociants bourguignons y sont parvenus remarquablement : Jadot, Bouchard Père et fils, Drouhin, etc. Plus pragmatique encore : la mise en place d’un • Réticence de certains vignobles (Chablis en particulier) à se ranger sous la bannière Bourgogne. • Qui, quand et comment seront décidés les replis des vins d’appellation dans la catégorie Vins de cépage de France ? • Quels moyens de communication seront débloqués pour rendre attractif cette nouvelle catégorie auprès des consommateurs ? habillage plus informatif, capable de mieux mettre en valeur l’offre. Les mentions “vin de Bourgogne” ou “grand vin de Bourgogne”, devenues obligatoires sont un premier pas. Quel néophyte n’irait pas mettre pommard dans le Bordelais et pomerol en Bourgogne ? Une avancée que certains ont pourtant accueilli fraîchement. Les Chablisiens, notamment, peinent à se ranger sous la bannière régionale… L’interprofession a malgré tout demandé à chacun de faire un effort quant à la lisibilité de l’habillage dans un délai de 3 ans. BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 C e que souhaite le plus souvent le consommateur, c’est de savoir ce qu’il boit”, écrivait récemment Robert Tinlot, directeur général honoraire de l’Office international de la vigne et du vin. Force est de constater qu’en la matière la Bourgogne s’ingénie parfois à brouiller les repères : 100 appellations, des centaines de lieuxdits, des milliers de producteurs, etc. Un jeu piste fantastique pour un passionné, un casse-tête pour la ménagère qui pousse son caddy devant les linéaires. En première ligne face à la concurrence, les appellations régionales sont au centre d’une réflexion sur la hiérarchisation de l’offre. Un système à trois niveaux doit être entériné ces prochaines semaines. La base serait constituée des appellations bourgogne passetoutgrains et grand ordinaire, le niveau intermédiaire chapeauterait les bourgogne “ 57 Dossier La communication Droit au but Les vins de Bourgogne s’afficheront dans les semaines qui viennent dans la presse quotidienne et magazine. Une campagne de presse comme le vignoble L’AVIS DE LA RÉDACTION n’en avait pas financée jusqu’alors. Parallèlement, un “festival amateurs” • Des moyens de communication en forte hausse et qui permettent une communication directement vers le consommateur, sur le long terme,y compris sur des marchés export et avec l’expertise d’une grande agence. doit voir le jour avant l’été. Un vrai changement de cap. 58 Le contexte concurrentiel nécessite de s’adresser directement au consommateur : “Les vins de Bourgogne sont reconnus par les amateurs pour leurs crus de référence, mais bénéficient d’une faible notoriété spontanée auprès des non-initiés”, explique Stéphane Duverger-Nedellec, directeur de projet à l’agence Mac-Cann Erickson, en charge de la campagne. Première étape en juillet dernier, l’agence présentait la nouvelle identité visuelle qui signera le plan Ambition 2006. Objectif : améliorer la visibilité et la reconnaissance des vins de Bourgogne par les consommateurs. C’est autour d’un B stylisé que s’organise ce nouveau visuel. Un B se voulant signe de noblesse et de raffinement, cerclé pour signifier le rassemblement et symbolisant une estampille de qualité aux couleurs “jaune chardonnay” et “rouge pinot noir”. Le nom “Bourgognes”, La communication bourguignonne est souvent limitée, voire archaïque. Le plan Ambition 2006 devra lui faire changer de dimension. au pluriel, exprime la diversité de l’offre. Le slogan, “L’âme des vins de la terre”, traduit le lien fort au terroir et un positionnement haut de gamme. Cette nouvelle identité doit se décliner sur de nombreux supports : documents de promotion, PLV, bouteilles, etc. Elle sera notamment à l’œuvre lors d’une prochaine opération menée chez les cavistes. BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 L’AVIS DE BECKY WASSERMAN Exportatrice américaine de vins de Bourgogne depuis 25 ans, Beaune (21) Je trouve très positif que la Bourgogne communique en direction des consommateurs. J’espère vivement que la campagne de publicité a été conçue avec un certain sens de l’humour. Je rencontre près de 2 000 consommateurs tous les ans dans le cadre de mes activités et il n’y a jamais de jeunes. Les jeunes ou nouveaux consommateurs voient la Bourgogne à travers les premiers et grands crus, trop chers pour leurs budgets. Une campagne sur un ton humoristique portant sur les appellations villages peut changer cela. La diversité des villages est une merveille, ce sont des appellations à prix abordables pour l’immense travail que demande chaque bouteille. La campagne doit être déclinée au Royaume-Uni, c’est une excellente chose. Il y a beaucoup à faire pour populariser cette région au potentiel énorme. Quant à organiser un “festival amateurs”, l’idée est merveilleuse. J’espère qu’une telle organisation est gérable, qu’une coopération efficace et des moyens suffisants seront engagés. 80 PARUTIONS DANS LA PRESSE Plus visible encore des consommateurs : la campagne de presse lancée dans quelques semaines. “Le concept créatif se développe sur le thème de la révélation. Ton nouveau, visuels étonnants, surprenants, la campagne révélera la multitude de sensations et d’émotions que procurent les vins de Bourgogne”, expose Stéphane Duverger-Nedellec. Le président de l’Interprofession, Hubert Camus, a donné pour consigne de ne pas hésiter à tutoyer les limites de la loi Evin qui encadre strictement la communication en matière de boissons alcoolisées. Quatrevingt parutions sont programmées en 2003 dans la presse quotidienne et magazine française pour un budget de 950 000 €. Cette campagne doit durer et s’amplifier dans le temps jusqu’en 2006. “Il s’agit de construire une marque forte, “Bourgognes”, qui rejaillisse sur l’ensemble des appellations, qui soit accessible à une cible élargie, plus jeune, et qui justifie le rapport qualité/prix”, continue Stéphane Duverger-Nedellec. Le B.I.V.B. envisage de décliner la campagne au Royaume-Uni, premier marché export pour les vins de Bourgogne, dans le courant du deuxième semestre. Autre chantier en cours, touchant directement le consommateur, le lancement dès le printemps prochain d’un “festival amateurs”. L’ambition • Le logo B (risque de confusion avec celui de Bordeaux ?) et le slogan qui ne tranche pas vraiment avec ce qui s’est déjà fait. Nous ne ferons cependant pas de pronostic sur l’impact de la campagne. Ce type d’exercice est aussi aléatoire qu’une prévision boursière ou météo. Patience… • Les moyens restent toujours modestes comparés à ceux mis en œuvre par d’autres vignobles français qui communiquent massivement depuis plusieurs mois. Sans parler des sommes colossales investies à l’étranger :Australie, U.S.A., Chili... est de faire émerger un rendez-vous annuel pour les consommateurs aussi fort que le sont les Grands jours de Bourgogne pour les professionnels. L’Interprofession a demandé à chaque syndicat d’appellation de proposer des manifestations, selon un cahier des charges précis, s’inscrivant dans une démarche de communication cohérente. Si le projet obtient le même engouement chez les amateurs que les Grands jours chez les professionnels, le pari sera gagné. BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50 C ’est une petite révolution : la Bourgogne se donne les moyens d’aller directement au contact des consommateurs. Jusqu’alors, c’est ceux qu’on appelle les prescripteurs qui se voyaient ciblés par les actions de communication de l’Interprofession : cavistes, acheteurs, journalistes, sommeliers, courtiers. Evénement emblématique de cette politique : les Grands jours de Bourgogne. Créé en 1992, ce rendez-vous, programmé une année sur deux, s’est imposé comme l’événement incontournable des professionnels du vin, français et étrangers. La dernière édition, en mars 2002, a cumulé 15 000 entrées dont 55% de visiteurs étrangers. Une politique adaptée, à un budget limité, collant bien à l’image élitiste et restreinte de l’offre des vins de Bourgogne. D’évidence, cela ne suffit plus. 59 • Le “festival amateur”. Alors que la Saint-Vincent tournante réduit sérieusement sa voilure,il y a une place à prendre dans l’agenda des amateurs… Une belle idée qui nécessitera des moyens. Espérons qu’ils soient au rendez-vous.