Dossier - Bourgogne Aujourd`hui

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Dossier - Bourgogne Aujourd`hui
Dossier
Quand la Bourgogne
se cherche
un avenir
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L’âge d’or des vins français s’achève-t-il ?
L’arrivée de nouveaux concurrents fait vaciller
le vignoble hexagonal de son piédestal.
La Bourgogne n’échappe pas aux turbulences.
En tous cas pour une bonne partie de l’entrée
de gamme. Pour faire face à la nouvelle donne,
les professionnels ont mis sur pied un plan stratégique
autour de la qualité, de la communication.
Son nom : Ambition 2006.
Que va-t-il changer et ne pas changer ?
Engage-t-il la Bourgogne dans le bon sens ?
Qu’est-ce que le consommateur peut en retirer ?
Bourgogne Aujourd’hui passe au crible
les intentions bourguignonnes.
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
Laurent Gotti
Photographies : Lionel Georgeot, Thierry Gaudillère et David Clémencet.
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Un plan pourquoi faire ?
Consommateurs plus exigeants,
Zone de turbulence
concurrence exacerbée, communication
trop timide, la Bourgogne s’inquiète,
se pose des questions.
Le vignoble souhaite rester un nom
de référence dans le cœur des amateurs.
C’est l’objectif du plan Ambition 2006.
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Il n’empêche depuis quelques années
déjà, les Bourguignons sentent le vent
du boulet. Chacun a conscience d’être
à un tournant de la vie du vignoble.
Les références à la période des années
30 qui avait débouché sur la création
des A.O.C. sont de mise pour beaucoup. Voté en 2001, le plan Ambition
2006, aspire à répondre aux défis du
nouveau contexte qui se dessine.
“La pression de la concurrence n’est
plus que dans les discours. La ligne de
front se rapproche de la Bourgogne”,
explique André Ségala, directeur
du Bureau interprofessionnel des vins
de Bourgogne.
EFFERVESCENCE
NATIONALE
La démarche bourguignonne n’est,
bien sûr, pas isolée. Ces derniers mois
ont vu fleurir au niveau national,
de nombreux rapports, livres blancs
et même réformes. C’est le désormais
fameux Jacques Berthomeau, haut
fonctionnaire du ministère de l’agriculture, qui a lancé le débat en 2001
La Bourgogne : un vignoble morcelé, exploité par des domaines familiaux
depuis la vigne, jusqu’à la commercialisation. Une identité menacée ?
dans un document commandé par
son ministre de l’époque. Une réflexion
de 80 pages sur le positionnement des
vins français dans le contexte mondial. S’en est suivie une série de préconisation (“Cap 2010”) qui font
débat, notamment sur la mise en
place d’une nouvelle segmentation
des vins français. L’Institut national
des appellations d’origine, sous la
houlette du truculent René Renou a,
coup sur coup, réformé l’agrément
des vins et mis en place le contrôle
des conditions de production à la
vigne pouvant, si nécessaire, aboutir
au déclassement d’une parcelle.
La Bourgogne dans ce contexte
prend-t-elle toutes les mesures pour
rester un vignoble de référence
dans l’esprit des consommateurs ?
La filière s’est assignée deux objectifs
forts : amélioration de la qualité
d’ensemble et communication auprès
des consommateurs. Qualité, sousentendu typicité, parce que ce n’est
qu’en faisant valoir son originalité,
sa différence, que la Bourgogne
pourra continuer à tenir sa place dans
le marché mondial. “Ce qui se passe
aujourd’hui dans le monde du vin est
comparable aux délocalisations qu’a
connues l’industrie”, explique le
négociant chablisien Michel Laroche.
Coût du foncier, de la main d’œuvre,
charges, etc. Sur certains segments
de l’offre, les coûts de revient sont de
25% à 60% plus faibles chez la
concurrence. La Bourgogne n’a pas
d’autre solution que de se démarquer
par le haut. Communication parce
que le vin est un produit qui a besoin
d’être expliqué, mis en valeur.
“Les consommateurs connaissent le
nom Bourgogne, mais ils ne l’ont pas
spontanément en tête devant un
linéaire”, analyse Stéphane Duverger-Nedellec coordinateur du projet
pour l’agence Mac Cann Erickson,
en charge de la campagne. Pour arriver à ses fins l’interprofession
dispose aujourd’hui de moyens
inédits. La balle est dans son camp.
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
F
inies les dégustations dans
les caveaux avec le vigneron ?
Relégués aux oubliettes les
domaines familiaux bichonnant quelques hectares pour
produire des vins inimitables ? Le scénario est improbable. Certains pourtant l’ont envisagé sérieusement. Et pas
n’importe qui : des vignerons euxmêmes. “Serons-nous encore tous
viticulteurs dans 10 ans ?”, c’est le
titre provocateur d’un document qui
circule actuellement dans le vignoble.
Un film catastrophe qui s’enchaînerait
ainsi : saturation du marché par des
vins des récents pays producteurs
couplés à une puissance marketing
inégalable, des Bourguignons empêtrés dans des luttes intestines, attentistes, des scandales sur des pratiques
frauduleuses. Au final, l’effondrement
de l’A.O.C., au profit de marques
commerciales. Résultat : bon nombre
de vignerons se verraient obligés de
quitter leur métier et devenir des fournisseurs de raisins pour des grosses
unités de production. Loufoque,
absurde, excessif ? Sans doute.
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La vigne
Produire plus propre
La course en avant pour produire
des vins dans un respect maximum
de l’environnement est lancée.
La Bourgogne ne pouvait pas rester à l’écart.
Le plan Ambition 2006 prévoit
d’aller porter la bonne parole partout
dans le vignoble. Avant que l’I.N.A.O.,
elle-même, ne l’inscrive
dans les décrets d’appellations.
L’AVIS
DE LA RÉDACTION
• Une démarche
en viticulture raisonnée, déjà engagée depuis quelques
années, qui permet
de s’appuyer sur un socle de 20%
de la superficie du vignoble.
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signe des temps, le premier négociant
Bourguignon, Boisset, faisait récemment l’éloge de la biodynamie2 dans
un mensuel de la presse professionnelle. Au-delà des considérations de
respect de l’environnement, l’enjeu est
bien-sûr éminemment commercial.
“Il s’agit d’une attente légitime des
consommateurs”, affirme André
Ségala, directeur du B.I.V.B. Le chantier n’en reste pas moins vaste.
Un constat de départ encourageant :
l’époque des prises de conscience est
dépassée. Lors des premiers Etatsgénéraux des vins de Bourgogne,
qui se sont déroulés début novembre,
les professionnels ont affiché une
forte volonté dans ce domaine. Près de
90% des votants se sont dit d’accord
pour que les principes et les dispositions de la viticulture raisonnée soient
appliqués dans la totalité des exploitations bourguignonnes d’ici à 5 ans.
• L’engagement du B.I.V.B. sur un
thème ou l’interprofession était peu
présente.
Des capsules de confusion sexuelle dans les vignes. 1 500 hectares sont couverts en Côte-d’Or par cette
méthode écologique de protection. L’essentiel reste pourtant à faire pour généraliser de telles pratiques.
LES NOUVEAUX ADEPTES
SONT RARES
“Mis en place au début des années 90,
la lutte raisonnée (utilisation des produits phytosanitaires à la bonne dose
et au bon moment) a gagné peu à peu
du terrain sous l’égide des chambres
d’agriculture, de l’Institut technique
L’AVIS DE JEAN-CLAUDE RATEAU
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
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Viticulteur à Beaune (21), biodynamiste depuis 20 ans
De bonnes pratiques existent ou se mettent en place.Tout doit être fait pour les favoriser, en diffusant l’information. Il faut aider les constructeurs de matériel dans leurs efforts de recherche et favoriser l’acquisition de matériels performants par de petits domaines aux moyens limités. Il me paraît nécessaire de favoriser l’évolution des
modes de conduite de la vigne, surtout dans des secteurs difficiles et d’autoriser les systèmes de vignes hautes,
en lyre, si performants au niveau environnemental. À l’inverse, je ne suis pas favorable à un système de contrôle
visant à imposer ces pratiques. Cela aura forcément un coût important pour la profession. Un système d’avertissements, voir d’amendes ne peut aller que vers un durcissement de la position des viticulteurs plus conservateurs.
Je rappelle l’extraordinaire résistance au progrès de notre profession et l’importance du besoin de sécurité dans
l’obtention de récoltes. Une évolution technique ne peut aller que vers une diminution des risques.
de la vigne et du vin (I.T.V.) et de la
Protection des végétaux (S.R.P.V.),
jusqu’à atteindre 20% des exploitations. Résultat moins de produits
dans les vignes. Pas de quoi fanfaronner pour autant. Depuis quelques
années les nouveaux adeptes se font
rares. Un constat corroboré au
niveau de la Fédération nationale des
vins de l’agriculture biologique.
La Bourgogne n’y figure pas parmi
les bons élèves : 372 hectares sont
en bio (soit 1,25% du vignoble).
Les conversions progressent doucement (+5%) et beaucoup moins vite
qu’au niveau national (+19%). Pour
autant des avancées notables ont été
accomplies ces dernières années :
quelques appellations se sont engagées plus en avant, avec la mise en
place de la confusion sexuelle3 (VosneRomanée, Beaune, Montagny, etc.).
Un total de près de 1 500 hectares est
couvert en Bourgogne. Un accord
cadre a été signé dernièrement entre la
confédération des associations viticoles
et les collectivités locales pour réduire
les pollutions d’origine vinicole.
Alors comment la filière compte s’y
prendre pour atteindre son objectif ?
L’essentiel reste à faire. Le B.I.V.B.
souhaite, dans le cadre d’Ambition
2006, coordonner les bonnes volontés et les nombreux acteurs impliqués. “Nous envisageons de créer un
Conseil de la viticulture durable qui
regrouperait les parties prenantes de
la recherche jusqu’aux services qui,
sur le terrain, sont en mesure de relever les atteintes à l’environnement”,
explique Denis Fetzman, président
de la commission technique du
B.I.V.B. et responsable du domaine
de la maison Latour. Un référentiel
des bonnes pratiques, adapté à la
région, doit voir le jour. La démarche
• L’inertie de la viticulture dès lors qu’il
s’agit de remettre en
cause des pratiques
acquises depuis des
décennies. La retenue du monde agricole pour ce qui touche à l’écologie.
• En période de crise, on peut douter que des domaines économiquement en difficultés investissent, sans
incitation financière, dans de nouvelles pratiques.
aboutirait à une qualification des
producteurs qui s’y conformeraient.
Mais dans ce domaine comme dans
les autres, la validité de l’action se
mesurera à la capacité de l’interprofession à emmener un maximum de
producteurs au-delà des seuls discours.
1.Haut fonctionnaire du ministère de l'agriculture,
chargé d'une réflexion sur le positionnement des vins
français.
2. Méthode de culture sans produit de synthèse et à
base de préparations végétales, minérales ou animales.
3. Méthode de lutte écologique contre deux papillons
parasites, qui empêche leur reproduction.
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
C
onsommateurs de vin,
réjouissons-nous ! La bataille
pour produire des vins
plus respectueux, plus
authentiques, sur des terroirs sains et préservés ne fait que
commencer. Le premier des quatre
objectifs proposés par Jacques Berthomeau1 dans son rapport est sans
ambiguïté : “devenir leader en matière
de pratiques respectueuses de l’environnement”. Ce n’est ni plus ni moins
ce qu’affirme également en priorité
“Wine Vision”, plan de développement stratégique du vignoble américain… L’Institut national des appellations d’origine (I.N.A.O.), lui-même,
s’est mis au diapason en faisant réfléchir, depuis quelques années déjà,
les syndicats d’appellations sur le
sujet. L’objectif à terme est d’inclure
des notions de respect de l’environnement dans les décrets d’A.O.C. Autre
• La pression de l’I.N.A.O. dont l’objectif est à terme de faire rentrer des
considérations environnementales
dans les décrets d’appellations.
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La qualité
Resserrer les rangs
Encore trop hétérogène et irrégulière
qualitativement, l’offre bourguignonne doit
serrer les rangs face à des consommateurs
L’AVIS
DE LA RÉDACTION
de plus en plus exigeants.
• Avec 2 000 échantillons dégustés par
an, l’observatoire de
la qualité dispose de
vrais moyens d’analyses de l’état de l’offre dans les différents circuits de distributions et peut
en tirer des conclusions fiables.
Le suivi aval qualité, renforcé dans le cadre
du plan Ambition 2006, vise à mieux cerner
les problèmes et à y apporter les solutions.
• La pression du marché qui n’est plus
prêt à absorber les vins indignes et
incite à des remises en cause notamment sur les rendements et la maturité
des raisins.
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à la Bourgogne, c’est là que nous
sommes attendus par les consommateurs du monde entier”, renchérissait
le président du B.I.V.B. à l’assemblée
générale en décembre dernier.
• Les faibles moyens
coercitifs du suivi
aval de la qualité.
Il pourra réduire
les productions à
défauts, mais pas les vins dilués, trop
légers, ou tout simplement mal vinifiés.
2 000 BOUTEILLES
PRÉLEVÉES
Une des toutes premières mesures
menées dans le cadre du plan Ambition
2006 a été la multiplication par quatre du
budget attribué à l’Observatoire de la
qualité. 2 000 bouteilles, prélevées sur
les différents circuits de distributions
(caviste, grande surface, restauration) en
France et à l’étranger, ont ainsi été analysées et dégustées en 2002. L’interprofession envisage aujourd’hui de réaliser des
achats en direct à la propriété. Quel gain
pour le consommateur ? Une pression
plus forte et plus directe sur le producteur. Un vin noté “D” déclenche un
Maîtrise des rendements, maturité optimale des raisins,
les sujets qui fâchent sont sur le tapis.
contact du viticulteur ou du négociant
d’origine. Selon le type de défaut, ce dernier peut se voir proposer des solutions
techniques. “En cas de récidive et de
refus de réagir du producteur, le dossier
est transmis à la répression des fraudes”,
explique Denis Fetzman, président de la
commission technique du B.I.V.B. “Au
fil des campagnes nous allons cerner de
manière précise les producteurs qui
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
L’AVIS DE JEAN-LOUIS SUBTIL
Amateur, Paris (75)
Peut-on faire un grand vin sans y mettre le meilleur de soi ? Placer la notion de qualité dans le champ administratif ou de marketing n’est
pas significatif. Posez la question à Henri Jayer, Charles Rousseau, Michel Lafarge... elle prendra une autre couleur. À mon sens, la qualité
est humaine et passe par le chemin de la sensibilité particulière de chaque viticulteur. Elle se doit d’être révélée, reconnue et encouragée car elle concourt fortement à l’émotion contenue dans le flacon ! Les conseils, l’œnologie, la technique et… la répression ne doivent être que des outils à utiliser en soutien.
De l’autre côté, le consommateur “exigeant” se doit d’éduquer son goût pour accueillir cette relation sensible et ne pas se contenter
d’être un buveur conforme au modèle médiatique ou pseudo-culturel, servile à un nom de commune entendu. On doit pouvoir se reconnaître dans son goût. À ce rendez-vous de l’histoire où l’on sent le vin fragilisé par un effet de mode et de marché, la question ne seraitelle pas plutôt : quelle est véritablement ma relation au vin ?
posent problème”. L’étude des résultats
de l’observatoire permettra également de
faire de la prévention collectivement.
C’est le cas notamment pour les récurrents problèmes de bouchons (20 à 30%
des vins non conformes). Le B.I.V.B.
envisage, à l’instar de ce qu’a réalisé l’interprofession de la vallée du Rhône,
d’établir une liste des fournisseurs à
risque.
RENDEMENTS :
LE SUJET SENSIBLE
“Ambition 2006” se penche également
sur les questions de qualité depuis la
vigne. Lors des premiers Etats-généraux des vins de Bourgogne, deux
points essentiels ont été mis sur le tapis :
rendements et maturité des raisins.
Le premier reste toujours sujet à polémiques. Les contours indéfinis de la
question soumise au vote des professionnels en est l’illustration : “Êtes-vous
d’accord pour vous engager personnellement dans une démarche de plus
grande maîtrise de la production pour
garantir la qualité et l’originalité des vins
à A.O.C. de Bourgogne ?” La formulation laisse à chacun le soin de se fixer la
limite à ne pas dépasser… Le B.I.V.B.
n’hésite pas pour autant à communiquer
largement sur le sujet en période végétative, notamment sur les comptages dans
des parcelles de référence. Les bulletins de
l’été 2002, insistaient lourdement sur la
nécessité de réaliser des vendanges en vert1.
Une ligne téléphonique “Allô-rendement”
a été mise en place pour conseiller les
producteurs. Certains en ont profité pour
faire part de leurs récriminations…
Côté maturité les bonnes intentions
sont également affichées. Le B.I.V.B.
se fixe pour objectif dans les années à
venir de mettre sur pied des outils qui
permettront aux professionnels de
déterminer les dates optimales de vendanges sur chaque parcelle. “On ne
• Les réticences culturelles encore très
fortes sur la question des rendements
et de la maturité. Les vieilles maximes
qui veulent que le viticulteur se prémunisse du gel et de la grêle en gardant un
peu plus de raisins qu’il n’en faut sur les
pieds sont encore souvent de mise.
• Ce sont finalement les vignerons
eux-mêmes qui s’auto-gèrent au sein
d’une appellation. Le système a montré ses limites…
peut pas se contenter d’adopter le
degré minimum des décrets d’appellations”, explique Denis Fetzman.
Une large majorité (91,1%) des producteurs présents lors des EtatsGénéraux a approuvé. La période qui
nous sépare de 2006 suffira-t-elle à
faire passer le message auprès des
réfractaires qui n’ont pas voulu
l’entendre depuis des années, voire
des décennies ?
1. Pratique qui consiste à éliminer une partie de la
récolte, généralement au mois de juillet, pour limiter les
rendements.
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
“
10% des vins prélevés ont été
jugés insuffisants”. Hubert
Camus, président du Bureau
interprofessionnel des vins de
Bourgogne a lâché un chiffre.
C’était à la conférence de presse précédant la vente des vins des Hospices de
Beaune, en novembre dernier. Depuis
96, date de la création de l’Observatoire
de la qualité, qui prélève des bouteilles
sur leur lieu de vente, aucune information chiffrée n’avait filtré. “C’est avant
tout un outil d’évaluation interne et de
pédagogie envers les producteurs
concernés”, se justifiait alors l’interprofession auprès des journalistes frustrés.
Pourquoi cette “révélation” ? Quelques
jours avant la conférence de presse,
lors des premiers Etats-généraux des
vins de Bourgogne, les professionnels se
sont engagés à réduire de moitié les vins
en catégorie “D”, la plus basse note.
“La qualité est bien le premier défi posé
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Dossier
Le marketing
Opération séduction
Pour séduire de nouveaux consommateurs
la Bourgogne doit se rendre plus accessible.
Un projet de simplification de l’offre des
appellations régionales est sur les fonts
L’AVIS
DE LA RÉDACTION
baptismaux. Pas question pour autant de
• La simplification de
l’offre des appellations régionales (plus
d’une vingtaine) avec
trois niveaux hiérarchisés. Pourquoi ne pas aller plus loin en
gardant seulement deux niveaux :
bourgogne avec mention de cépage et
bourgogne avec indication géographique ?
Un vrai ménage est à faire.
• La sortie de secours pour les vins qui ne
sont pas au niveau de l’appellation sous
la catégorie Vin de cépage de France.
Elle permettrait la fin d’une certaine
hypocrisie et d’une bonne partie des
pratiques frauduleuses.
renier la diversité du vignoble. Encore moins
de toucher à la sacro-sainte appellation.
Même si des aménagements sont possibles…
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pinot noir et bourgogne chardonnay.
Enfin le sommet serait tenu par les
bourgogne suivi d’une indication géographique (par exemple : bourgognecôtes-d’auxerre). Chaque niveaux se
verrait attribuer un nom qui permettrait
de le rendre identifiable plus facilement
par le consommateur. “C’est une manière
de présenter simplement notre diversité”, explique André Ségala, directeur
du B.I.V.B. Annoncée depuis quelques
mois, cette refonte tarde pourtant à voir
le jour. Négociants et viticulteurs
peinent à se mettre d’accord.
DU CABERNET
DANS LE PINOT
Dans le même temps, les suites du
rapport Berthomeau ont abouti à des
propositions de refonte de la segmentation des vins français. L’une d’elle a
retenu plus particulièrement l’attention :
• Difficultés de la viticulture et du négoce à
s’entendre sur la nouvelle hiérarchisation des
appellations régionales.
Condition première pour séduire de nouveaux consommateurs :
expliquer ce qu’ils trouvent dans leurs verres.
la création d’une catégorie “Vin de
cépage de France”. On lui appliquerait les
règles internationales pour revendiquer
un nom de cépage (jusqu’à 15% d’un
autre cépage produit dans d’autres
régions peut entrer dans la composition).
Les Bourguignons ont proposé qu’un
pinot noir produit en zone d’appellation
dans la région puisse se voir assemblé avec
15% de cabernet-sauvignon, syrah,
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
L’AVIS DE RENÉ RENOU
Président du Comité vin de l’Institut national des appellations d’origine,Thouarcé (49)
Je me réjouis qu’ une réflexion soit menée pour repenser la lisibilité de la Bourgogne. C’est la mission des syndicats d’appellation et
des organismes de Bourgogne de faire des propositions pour faire évoluer les A.O.C. bourguignonnes ; ce n’est pas à l’I.N.A.O. de
décider pour eux. Il faut cependant rappeler que l’Institut, de par la loi, a une mission de tutelle sur les appellations. La proposition
finale devra donc être examinée par le Comité national pour mesurer toutes les implications de telle ou telle proposition.Celle-ci ne
devra pas résulter d’une vision à court ou moyen termes, mais concourir à renforcer le concept d’appellation dans la durée.
Je suis, par ailleurs, tout à fait favorable à la proposition qui consisterait à faire passer certains vins dans la catégorie Vin de cépage de
France.L’A.O.C.n’est pas la panacée absolue.Si des gens veulent faire valoir une notion de cépage,en dehors de l’appellation,j’en suis
parfaitement ravi. On aurait alors bien des appellations reposant exclusivement sur la notion de terroir et une catégorie “cépage”
qui pourrait être une alternative.
grenache... et être vendu sous le nom
pinot noir de France. “Les A.O.C.
doivent continuer à être régies par des
règles strictes. Si par contre les vins produits ne sont pas dignes de porter leur
appellation pour des raisons climatiques
ou humaines, alors nous devrons trouver une solution. Aujourd’hui, le déclassement en vin de table ne fonctionne pas
car il n’y a pas de marché. Nous serions
donc favorables à ce que, ponctuellement, ces vins insuffisants puissent aller
dans la catégorie des vins de cépage de
France ou de marque, sans plus faire
référence à une appellation”, expliquait
Pierre-Henry Gagey, président du Syndicat des négociants bourguignons, lors
de la vente des vins des Hospices de
Beaune. L’idée est séduisante ; elle permettrait d’un côté de trouver une sortie
honorable à des vins trop courts et d’éviter qu’ils n’écornent l’image de l’A.O.C.
De l’autre elle pourrait faire émerger des
produits à des prix compétitifs à un
standard qualitatif honorable. “L’A.O.C.
à tendance à enfermer dans des modèles
économiques trop petits. Si l’on a pas un
cadre juridique qui soit comparable avec
ce qui se fait ailleurs, on y arrivera
pas”, entend-t-on souvent parmi les
professionnels. Reste à définir à quel
moment et qui va décider que tel ou
tel vin changera de catégorie.
UN EFFORT
SUR L’HABILLAGE
Mais au-delà de ces remaniements
réglementaires administratifs, des solutions pragmatiques, existent. Comme
la mise en place de stratégies de
gamme large portées par des marques
de négociants. Ce qu’on appelle les
marques ombrelles. Certains négociants bourguignons y sont parvenus
remarquablement : Jadot, Bouchard
Père et fils, Drouhin, etc. Plus pragmatique encore : la mise en place d’un
• Réticence de certains vignobles
(Chablis en particulier) à se ranger
sous la bannière Bourgogne.
• Qui, quand et comment seront décidés les replis des vins d’appellation dans
la catégorie Vins de cépage de France ?
• Quels moyens de communication
seront débloqués pour rendre attractif
cette nouvelle catégorie auprès des
consommateurs ?
habillage plus informatif, capable
de mieux mettre en valeur l’offre.
Les mentions “vin de Bourgogne” ou
“grand vin de Bourgogne”, devenues
obligatoires sont un premier pas. Quel
néophyte n’irait pas mettre pommard
dans le Bordelais et pomerol en
Bourgogne ? Une avancée que certains
ont pourtant accueilli fraîchement.
Les Chablisiens, notamment, peinent
à se ranger sous la bannière régionale… L’interprofession a malgré tout
demandé à chacun de faire un effort
quant à la lisibilité de l’habillage dans
un délai de 3 ans.
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
C
e que souhaite le plus souvent le consommateur,
c’est de savoir ce qu’il
boit”, écrivait récemment
Robert Tinlot, directeur
général honoraire de l’Office international de la vigne et du vin. Force est de
constater qu’en la matière la Bourgogne
s’ingénie parfois à brouiller les repères :
100 appellations, des centaines de lieuxdits, des milliers de producteurs, etc.
Un jeu piste fantastique pour un passionné, un casse-tête pour la ménagère
qui pousse son caddy devant les
linéaires. En première ligne face à la
concurrence, les appellations régionales
sont au centre d’une réflexion sur la hiérarchisation de l’offre. Un système à
trois niveaux doit être entériné ces prochaines semaines. La base serait constituée
des appellations bourgogne passetoutgrains et grand ordinaire, le niveau intermédiaire chapeauterait les bourgogne
“
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Dossier
La communication
Droit au but
Les vins de Bourgogne s’afficheront
dans les semaines qui viennent
dans la presse quotidienne et magazine.
Une campagne de presse comme le vignoble
L’AVIS
DE LA RÉDACTION
n’en avait pas financée jusqu’alors.
Parallèlement, un “festival amateurs”
• Des moyens de
communication en
forte hausse et qui
permettent une communication directement vers le consommateur, sur le long
terme,y compris sur des marchés export
et avec l’expertise d’une grande agence.
doit voir le jour avant l’été.
Un vrai changement de cap.
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Le contexte concurrentiel nécessite de
s’adresser directement au consommateur : “Les vins de Bourgogne sont
reconnus par les amateurs pour leurs
crus de référence, mais bénéficient
d’une faible notoriété spontanée
auprès des non-initiés”, explique
Stéphane Duverger-Nedellec, directeur de projet à l’agence Mac-Cann
Erickson, en charge de la campagne.
Première étape en juillet dernier,
l’agence présentait la nouvelle identité
visuelle qui signera le plan Ambition
2006. Objectif : améliorer la visibilité et
la reconnaissance des vins de Bourgogne par les consommateurs. C’est
autour d’un B stylisé que s’organise ce
nouveau visuel. Un B se voulant signe
de noblesse et de raffinement, cerclé
pour signifier le rassemblement et
symbolisant une estampille de qualité
aux couleurs “jaune chardonnay” et
“rouge pinot noir”. Le nom “Bourgognes”,
La communication bourguignonne est souvent limitée, voire archaïque.
Le plan Ambition 2006 devra lui faire changer de dimension.
au pluriel, exprime la diversité de
l’offre. Le slogan, “L’âme des vins de
la terre”, traduit le lien fort au terroir
et un positionnement haut de gamme.
Cette nouvelle identité doit se décliner
sur de nombreux supports : documents
de promotion, PLV, bouteilles, etc.
Elle sera notamment à l’œuvre lors
d’une prochaine opération menée chez
les cavistes.
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
L’AVIS DE BECKY WASSERMAN
Exportatrice américaine de vins de Bourgogne depuis 25 ans, Beaune (21)
Je trouve très positif que la Bourgogne communique en direction des consommateurs. J’espère vivement que la campagne de publicité a été conçue avec un certain sens de l’humour. Je rencontre près de 2 000 consommateurs tous les
ans dans le cadre de mes activités et il n’y a jamais de jeunes. Les jeunes ou nouveaux consommateurs voient la Bourgogne à travers les premiers et grands crus, trop chers pour leurs budgets. Une campagne sur un ton humoristique portant sur les appellations villages peut changer cela. La diversité des villages est une merveille, ce sont des appellations à
prix abordables pour l’immense travail que demande chaque bouteille. La campagne doit être déclinée au Royaume-Uni,
c’est une excellente chose. Il y a beaucoup à faire pour populariser cette région au potentiel énorme. Quant à organiser un “festival amateurs”, l’idée est merveilleuse. J’espère qu’une telle organisation est gérable, qu’une coopération efficace et des moyens suffisants seront engagés.
80 PARUTIONS
DANS LA PRESSE
Plus visible encore des consommateurs : la campagne de presse lancée
dans quelques semaines. “Le concept
créatif se développe sur le thème de la
révélation. Ton nouveau, visuels étonnants, surprenants, la campagne révélera la multitude de sensations et
d’émotions que procurent les vins de
Bourgogne”, expose Stéphane Duverger-Nedellec. Le président de l’Interprofession, Hubert Camus, a donné
pour consigne de ne pas hésiter à
tutoyer les limites de la loi Evin qui
encadre strictement la communication
en matière de boissons alcoolisées. Quatrevingt parutions sont programmées
en 2003 dans la presse quotidienne et
magazine française pour un budget de
950 000 €. Cette campagne doit durer
et s’amplifier dans le temps jusqu’en
2006. “Il s’agit de construire
une marque forte, “Bourgognes”,
qui rejaillisse sur l’ensemble des
appellations, qui soit accessible à une
cible élargie, plus jeune, et qui justifie
le rapport qualité/prix”, continue
Stéphane Duverger-Nedellec. Le B.I.V.B.
envisage de décliner la campagne
au Royaume-Uni, premier marché
export pour les vins de Bourgogne,
dans le courant du deuxième semestre.
Autre chantier en cours, touchant
directement le consommateur, le lancement dès le printemps prochain
d’un “festival amateurs”. L’ambition
• Le logo B (risque de
confusion avec celui
de Bordeaux ?) et le
slogan qui ne tranche
pas vraiment avec ce
qui s’est déjà fait. Nous ne ferons cependant pas de pronostic sur l’impact de la
campagne. Ce type d’exercice est aussi
aléatoire qu’une prévision boursière ou
météo. Patience…
• Les moyens restent toujours
modestes comparés à ceux mis en
œuvre par d’autres vignobles français
qui communiquent massivement
depuis plusieurs mois. Sans parler des
sommes colossales investies à l’étranger :Australie, U.S.A., Chili...
est de faire émerger un rendez-vous
annuel pour les consommateurs aussi
fort que le sont les Grands jours de
Bourgogne pour les professionnels.
L’Interprofession a demandé à chaque
syndicat d’appellation de proposer
des manifestations, selon un cahier des
charges précis, s’inscrivant dans une
démarche de communication cohérente. Si le projet obtient le même
engouement chez les amateurs que les
Grands jours chez les professionnels,
le pari sera gagné.
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 50
C
’est une petite révolution :
la Bourgogne se donne
les moyens d’aller directement au contact des
consommateurs. Jusqu’alors,
c’est ceux qu’on appelle les prescripteurs qui se voyaient ciblés par les
actions de communication de l’Interprofession : cavistes, acheteurs, journalistes, sommeliers, courtiers. Evénement
emblématique de cette politique :
les Grands jours de Bourgogne. Créé
en 1992, ce rendez-vous, programmé
une année sur deux, s’est imposé
comme l’événement incontournable
des professionnels du vin, français et
étrangers. La dernière édition, en mars
2002, a cumulé 15 000 entrées dont
55% de visiteurs étrangers. Une politique adaptée, à un budget limité,
collant bien à l’image élitiste et
restreinte de l’offre des vins de Bourgogne. D’évidence, cela ne suffit plus.
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• Le “festival amateur”. Alors que la
Saint-Vincent tournante réduit sérieusement sa voilure,il y a une place à prendre
dans l’agenda des amateurs… Une belle
idée qui nécessitera des moyens. Espérons qu’ils soient au rendez-vous.