Le lobby évangélique à l`assaut de l`Ouganda, 2008

Transcription

Le lobby évangélique à l`assaut de l`Ouganda, 2008
 Le lobby évangélique à l’assaut de l’Ouganda
Pasteur superstar
janvier 2008, par Anouk Batard
Un jour de 1979, du haut de ses 17 ans, M. Robert Kayanga entre en communication avec Jésus-Christ et
l’accepte comme son sauveur. C’est ainsi que le jeune Ougandais issu d’une famille protestante traditionnelle
devient born again. Fort de cette renaissance, il part suivre des études bibliques aux Etats-Unis et au RoyaumeUni. Quatre ans plus tard, il parcourt écoles et marchés de son pays natal pour y prêcher. En quelques mois, des
milliers de fidèles, veuves et orphelins pour les trois quarts, se rassemblent autour de lui. Aujourd’hui à la tête de
mille quatre cents églises, il est l’un des plus célèbres pasteurs ougandais.
Vingt-cinq mille personnes viennent danser et crier leur foi lors des cinq services dominicaux qu’il tient dans sa
mégacathédrale, le Centre des miracles. Inauguré en 2004 par le président Yoweri Museveni en personne,
l’édifice, d’une valeur de 11,1 millions de dollars (7,6 millions d’euros), se situe dans un quartier populaire de
Kampala, capitale de l’Ouganda, en lieu et place du manguier sous lequel M. Kayanga a fait ses débuts de
prêcheur.
Pasteur à plein temps, il s’est enrichi sans avoir quasiment jamais travaillé et adopte un mode de vie semblable à
celui d’une superstar américaine. Adepte des vols en première classe, il se fait escorter par des gardes du corps
de l’armée nationale, possède plusieurs voitures de luxe, se construit une villa du type de celles de Beverly Hills
au bord du lac Victoria, et compte bientôt acquérir un jet privé. Ce qui ne l’empêche pas de solliciter auprès de
ses fidèles un soutien financier lui permettant de se rendre aux quatre coins du monde pour établir des
partenariats avec d’autres évangélistes ou encore d’organiser des « croisades » en Ouganda. C’est ainsi qu’il a
invité l’Américain Creflo A. Dollar tous frais payés : 800 millions de shillings (400 000 euros) ont été récoltés
localement pour sa venue.
Confortablement installé sur un fauteuil de style Empire, M. Kayanga raconte qu’il a changé d’optique. Nul
besoin de devenir politicien ou homme d’affaires pour s’extirper d’une pauvreté qu’il mettait sur le compte de
l’engagement de son père comme modeste prêtre au sein de l’Eglise anglicane. Accessible à n’importe qui
déclarant avoir eu une vision, le statut de pasteur constitue désormais l’ascenseur social le plus en vogue en
Ouganda et permet de s’introduire dans les cercles du pouvoir. Avec le soutien de la plus célèbre born again du
pays, la première dame Janet Museveni, nombre de bergers évangéliques sont en interaction régulière avec la
présidence du pays.
Anouk Batard
Journaliste.

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