Conte de Pâques – Aimer jusqu`au bout

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Conte de Pâques – Aimer jusqu`au bout
Conte de Pâques – Aimer jusqu‘au bout
On le voyait souvent lors des manifestations dans les rues de Montréal car il avait à cœur l’intégrité,
la justice sociale, la dignité des humains, le partage des biens. Emmanuel était très apprécié car il parlait avec
conviction, avec autorité même, respectant les opposants. Il était accueillant et bienveillant avec tous. On ne
connaissait pas vraiment son histoire mais on savait à son accent qu’il était du bas du fleuve. On disait qu’il
avait travaillé la terre et défendu les droits des agriculteurs. Bien que contestataire, lui attirait la sympathie de
la population, sauf des pouvoirs en place qui n’aimaient pas ses idées. Ces idées qui faisaient du chemin dans
la population: penser par soi-même, avec sa conscience, s’aimer les uns les autres, partager, être solidaire,
respecter et défendre les droits humains et la nature. Quand le Gouvernement ne voit pas au bien commun
ou est corrompu, il faut le rappeler à ses responsabilités. « Nous sommes beaucoup plus que des producteursconsommateurs, que des clients ou des électeurs, nous sommes des enfants bien-aimés de Dieu, membres de
la grande famille humaine », aimait-il à dire. Déjà un groupe d’hommes et de femmes le suivaient et endossaient
ses options, son parti-pris pour les exclus de la table commune. Ils partageaient même son intimité avec Dieu
son Père.
Froid comme la mort
Un jour de grand froid, lors d’une manifestation, alors qu’il prenait la parole Place du Gouvernement,
l’escouade anti-émeute chargea la foule brutalement : coups de bâtons, grenades sonores et lacrymogènes,
balles de plastic. Pris dans la mêlée, Emmanuel reçu une grenade sonore en pleine figure. Il s’écroula par terre
dans une mare de sang. Ses meilleurs amis, Jean et Marie, l’entourèrent pour le protéger. Se penchant sur son
visage, Marie vit qu’il ne respirait plus et fondit en larmes. Ce drame fit la une des média et mis l’État et la
police dans l’embarras. Une enquête fut promise mais n’eut jamais lieu. Il y eut peu de monde aux funérailles
car tous avaient peur d’y être filmés et identifiés comme un de ses partisans par les services de sécurité de
l’État. Il fut déposé par ses ami-e-s dans un charnier au cimetière Notre-Dame-des-Neiges sur le Mont-Royal,
en attendant le printemps pour le mettre en terre. Sur sa tombe serait inscrit tout simplement : « Emmanuel
« Le gaspésien » - Il a donné sa vie pour nous ».
Le 3e jour…
Le 3e jour après sa mort, au petit matin, quelques amis, dont Marie, décidèrent d’aller se recueillir auprès
de son corps. Qui nous ouvrira la porte du charnier dit-elle à Jean en chemin ? Confiance répondit ce dernier.
Approchant de l’endroit où on l’avait déposé, ils virent que la porte était ouverte. Stupeur. Quelqu’un l’auraitil enlevé ? Entrant doucement dans le caveau ils virent qu’il était vide. Ils sortirent en trombe pour tomber
sur un homme qu’ils prirent pour un employé du cimetière. « Où l’avez-vous mis ? » cria Marie. « Marie ! », dit
l’homme avec douceur et tendresse. Et Marie le reconnut, c’était bien lui, vivant comme jamais auparavant. Ils
étaient sans mot, stupéfaits. Commence alors, sur plusieurs semaines et à plusieurs endroits une longue série
de « manifestations », de « Présence » à ses ami-e-s : à Montréal, sur la route de la Gaspésie, au bord du fleuve
où il aimait se retirer pour pêcher ou prier. Rencontres qui semèrent la joie et l’espoir dans les cœurs. Ces
récits furent qualifiés par les Autorités et les média d’« histoires à dormir debout », de « canulars pour esprits
faibles ». Peut-être ! Qui sait ? Mais ses nombreux amis qui avaient fuit, découragés par sa mort et terrorisés par
les Autorités, reprirent tellement courage qu’ils se mirent à proclamer son message et à marcher sur ses pas
avec audace, au risque de leur vie. Et de fait beaucoup furent arrêtés, emprisonnés, battus, certains tués ; tous
mis au banc de la société. Mais ils poursuivirent quand même leur témoignage, comme si son Souffle même
les habitait, comme si son Feu intérieur les animait pour se tenir debout. Il s’était vraiment passé quelque chose
d’inimaginable…
Gérard Laverdure
www.officedecatechese.qc.ca
CONTE de PÂQUES

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