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RéfleXions 53 mai/juin 2012 Tome 9 Dossier Soins de support Douleurs neuropathiques chroniques : synthèse de le Société française d'Etude et Traitement de la Douleur Le cancer du rein Gynéco-onco La grossesse après un cancer du sein ? Le point en 2012 Savoir prescrire Le Jevtana® dans le traitement du cancer de la prostate métastatique résistant à la castration et après Taxotère ISSN : 1767-655X Coordination scientifique : Bernard Escudier 4 Crédits FMC par an JBH santé De l’information à la formation du spécialiste en médecine oncologique RÉDACTEURS EN CHEF SOMMAIRE François GOLDWASSER, Cochin, Paris Mario DI PALMA, IGR, Villejuif COMITÉ SCIENTIFIQUE Philippe ANRACT, Cochin, Paris Marie-France AVRIL, Cochin, Paris Daniel BRASNU,HEGP, Paris Xavier BERTAGNA, Cochin, Paris Jean-Yves BLAY, Lyon Roland BUGAT, Centre Claudius Régaud, Toulouse Charles CHAPRON, Cochin, Paris Stanislas CHAUSSADE, Cochin, Paris Bernard CORTET, Lille Hervé CURÉ, Reims Bertrand DOUSSET, Cochin, Paris Nicolas DUPIN, Cochin, Paris Daniel DUSSER, Cochin, Paris Alexander EGGERMONT, IGR, Villejuif Sylvie GISSELBRECHT, Institut Cochin, Paris Loïc GUILLEVIN, Cochin, Paris Aimery de GRAMONT, St Antoine, Paris Martin HOUSSET, HEGP, Paris Axel KAHN, Institut Cochin, Paris David KHAYAT, La Pitié Salpêtrière, Paris Jerzy KLIJANIENKO, Institut Curie, Paris Jean LACAU-SAINT GUILLY, Tenon, Paris Paul LEGMANN, Cochin, Paris Jean-François MEDER, St Anne, Paris Jean-Louis MISSET, St Louis, Paris Françoise MORNEX, Lyon Luc MOUTHON, Cochin, Paris Stéphane OUDARD, HEGP, Paris Philippe POURQUIER, Centre Bergonié, Bordeaux Pascal PIEDBOIS, Henri Mondor, Créteil Eric PUJADE-LAURAINE, Hôtel Dieu, Paris Philippe ROUGIER, Ambroise Paré, Boulogne Christian ROUX, Cochin, Paris Michèle SALAMAGNE, Paul Brousse, Villejuif Daniel SERIN, Avignon Eric SOLARY, Dijon Jean TREDANIEL, St Joseph, Paris Jean Michel VANNETZEL, Hartmann, Neuilly 3 DOSSIER Le c a n c e r d u r e i n 6 9 12 16 Traitements médicaux en phase métastatique : comment choisir en 2012 ? ———————— Alain Ravaud, Marine Gross-Goupil Les progrès de la chirurgie ————————————————— Arnaud Méjean Place des traitements medicaux en adjuvant et neo-adjuvant dans le cancer du rein ———— Julien Drai, Géraldine Pignot, Jean-Jacques Patard Progrès attendus dans la prise en charge thérapeutiques des mRCC ———————————————— Laurence Albiges Soins de support 19 Douleurs neuropathiques chroniques : synthèse de le Société française d'Etude et Traitement de la Douleur ————————————— Erwan Treillet Gy n é c o - o n c o 22 La grossesse après un cancer du sein ? Le point en 2012 ——————————— Paul Berveiller, Olivier Mir, Roman Rouzier S avo i r p r e s c r i r e 26 Le Jevtana® dans le traitement du cancer de la prostate métastatique résistant à la castration et après Taxotère ——————— Marine Gross-Goupil 11 Abonnement COMITÉ D’EXPERTS Jérôme ALEXANDRE, Hôtel Dieu, Paris Mario DI PALMA, IGR, Villejuif François GOLDWASSER, Hôpital Cochin, Paris Jean-Louis MISSET, Hôpital St-Louis, Paris Jean-Yves PIERGA, Institut Curie, Paris Eric RAYMOND, Hôpital Beaujon, Paris Laurent ZELEK, Avicenne, Bobigny Edito ——————————————————————————— Bernard Escudier UNE ÉDITION J.B.H. SANTÉ 53, rue de Turbigo - 75003 Paris Tél. : 01 44 54 33 54 - Fax : 01 44 54 33 59 Site : http ://www.jbhsante.fr Directeur de la publication : Dr Jacques HALIMI Secrétariat de rédaction : Yaëlle ELBAZ Maquette : Clémence KINDERF Service commercial : Rita BERRADA Site Web : Camille FONTAINE Secrétariat et abonnements : Louise ASCOLI ([email protected]) Imprimerie GYSS ISSN : 1767-655X - Commission paritaire : T 85255 Dépôt légal : 2ème trim. 2012 Adhérent au CESSIM Les articles de “Réflexions en Médecine Oncologiques” reflètent l’opinion des auteurs et n’engagent en aucune façon la responsabilité de la Société éditrice. Aucun article publié dans ce numéro ne peut être reproduit quels que soient la forme et les procédés sans l’autorisation expresse de l’éditeur. COMITÉ DE RÉDACTION ET DE LECTURE Laurence ALBIGES, IGR, Villejuif Jérôme ALEXANDRE, Cochin, Paris Sami ANTOUN, IGR, Villejuif Pierre BLANCHARD, IGR, Villejuif Alberto BOSSI, IGR, Villejuif Stéphane de BOTTON, IGR, Villejuif Pierre Régis BURGEL, Cochin, Paris Paul-Henri COTTU, Institut Curie, Paris Julien DOMONT, IGR, Villejuif Marine GROS GOUPIL, Bordeaux Antoine HOLLEBECQUE, IGR, Villejuif Pierre KHALIFA, Paris Christophe MASSARD, IGR, Villejuif Jacques MARGERY, Percy Mansouria MERAD-TAOUFIK, IGR, Villejuif Olivier MIR, St Vincent de Paul, Paris Hélène de La MENARDIERE, Cochin, Paris Thibaut de la MOTTE ROUGE, La Pitié, Paris Florence RABILLON, Cochin, Paris Olivia RIBARDIERE, IGR, Villejuif Eric ZERBIB, Saint-Cloud Editorial Bernard Escudier Département de Médecine Oncologique I n s t i t u t G u s t a v e R o u s s y, 9 4 8 0 5 V i l l e j u i f C e d e x , F r a n c e L e cancer du rein a vécu une véritable révolution thérapeutique dans les 10 dernières années, avec la découverte de l’importance de la voie VHL-VEGF-mTOR, et les premiers résultats des inhibiteurs de cette voie. En 6 ans, 7 molécules ont démontré leur activité dans le cancer du rein métastatique (CRM), des inhibiteurs de tyrosine kinases (TKI) (sorafenib, sunitinib, pazopanib, axitinib), un inhibiteur pur du VEGF, le bevacizumab, et 2 inhibiteurs de mTOR, le temisrolimus et l’everolimus. Malgré cette révolution, les questions restent nombreuses, et de nombreuses nouvelles molécules sont encore en développement, déjà en phase 3. Citons par exemple des molécules très prometteuses comme le tivozanib (un TKI dont le profil de toxicité semble prometteur, et dont les résultats de phase 3 seront rapportés à l’ASCO 2012 par R Motzer), le dovitinib (un TKI qui pourrait bloquer les phénomènes de résistance aux anti-angiogéniques) dont la phase 3 est quasiment terminée et dont les résultats sont attendus en 2013, le cabozantinib (un TKI bloquant à la fois VEGF et cMET) qui fait une irruption très rapide dans le paysage du cancer du rein (Choueiri, ASCO 2012), après avoir impressionné les onco-urologistes dans le cancer de la prostate en 2011, et l’anticorps anti PD1, qui signe le retour de l’immunothérapie dans le cancer du rein, et dont les résultats impressionnants, eux aussi seront rapportés à l’ASCO 2012 (Mc Dermott). Le but de cette revue est de faire le point sur l’état actuel des connaissances, et de soulever certaines questions importantes telles que : • La place de ces nouvelles thérapeutiques en phase précoce (adjuvant et néoadjuvant) • La place de la chirurgie dans les formes métastatiques • La difficulté de choisir parmi les nombreuses options disponibles, la stratégie thérapeutique, surtout en l’absence de biomarqueurs • Les progrès attendus dans les années à venir Un groupe d’experts reconnus dans le domaine ont préparé des articles qui aideront le lecteur à mieux comprendre cette maladie passionnante. N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 3 Dossier LE CANCER DU REIN Traitements médicaux en phase métastatique : comment choisir en 2012 ? Alain Ravaud, Marine Gross-Goupil Service d’oncologie médicale. Hôpital Saint-André. CHU de Bordeaux résumé La stratégie thérapeutique des traitements médicaux dans le cancer du rein métastatique (CRM) est relativement simple dans le cancer du rein à cellules claires pour la première ligne, et avec de véritables options pratiques pour la deuxième ligne. Néanmoins dans de nombreuses présentations telles que l’histologie non à cellules claires, l’absence de progression des localisations métastatiques, la présence de la tumeur primitive en place, etc.… restent sans standard, recommandations voire options et justifient les discussions en RCP de type recours et d’envisager l’inclusion dans les essais thérapeutiques. Cancer du rein métastatique à cellules claires 1 ère ligne de traitement L’ensemble des sociétés savantes européennes de cancérologie médicale ou d’urologie, a émis des recommandations de standard [1] (Tableau 1). Ces recommandations reposent sur la classification de la population des patients selon la classification du MSKCC en fonction du risque de survie : bon pronostic, pronostic intermédiaire ou mauvais pronostic. L’adaptation stricte de cette classification développée pour les essais thérapeutiques à la vie réelle fait toujours l’objet de débat. Il n’en demeure néanmoins que pour les patients de bon pronostic et de pronostic intermédiaire, le standard est une prescription d’anti angiogéniques qui se limite au choix entre interféron alpha et bevacizumab ou sunitinib [2,3]. Aucune étude n’a comparé ces 2 standards pour identifier les arguments plus formels pour recommander l’un ou l’autre des traitements. Il faut juste signaler que la survie sans progression varie entre 8,5 et 11 mois selon les différents essais randomisés de phase II et III, que l’efficacité est constatée régulièrement quelque soit le site métastatique, avec une efficacité absente ou rare sur les localisations cérébrales. Le pazopanib objective des résultats similaires mais l’étude d’enregistrement a comparé la pazopanib à un placebo et a regroupé des patients naïfs et en progression après cytokines. De ce fait le pazopanib n’est pas approuvé en France et son approbation serait tributaire des résultats à venir comparant pazopanib à sunitinib en 1 ère ligne. Chez les patients de mauvais pronostic, le traitement de référence est le temsirolimus [4]. Dans tous les cas il est recom- mots-clés Cancer du rein métastatique, Anti angiogéniques, Inhibiteurs de mTOR Points clés - Tableau 1 : Recommandations des traitements du cancer du rein métastatique par l’ESMO et l’EAU* (1) • adapté pour la France du fait de la non approbation actuelle du pazopanib 6 N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique Traitements médicaux en phase métastatique : comment choisir en 2012 ? mandé d’appliquer le schéma, la posologie de l’AMM et d’assurer une attention particulière à la prévention et au traitement rapide et adapté des effets secondaires induits, d’autant plus qu’il existe un lien entre des données de pharmacocinétique (aire sous la courbe) et l’efficacité du sunitinib concernant le taux de réponse objective et la survie sans progression. En se basant sur ce socle, certaines suggestions de prise en charge peuvent être proposées comme des options à ces standards : • n’envisager un traitement que chez les patients en progression, puisque le RCM peut ne pas présenter de progression parfois durable sans traitement spécifique et qu’il n’a jamais été démontré de gain de survie en débutant le traitement plus tôt ; • discuter pour privilégier un traitement local (chirurgie, radiologie interventionnelle, voire radiothérapie) pour les localisations uniques ou limitées en nombre plutôt qu’un traitement général ; • en présence d’une progression de la maladie après diminution de dose du sunitinib à 37,5 ou 25 mg, ne considérer une résistance au sunitinib uniquement qu’après avoir envisagé une ré-ascension de dose, même avec un schéma adapté, si le profil de toxicité à la dose envisagée s’avère compatible. Par contre certaines questions sont à l’heure actuelle sans réponse et font l’objet de débat, de controverses et au mieux d’avis d’experts. Le point majeur qui fait l’objet d’un paragraphe spécifique est la place de la néphrectomie première lors de la découverte synchrone d’une extension métastatique du RCM et de l’essai de phase III CARMENA conduit en France. D’autres thèmes sont néanmoins sans réponse : - s’il est recommandé de démarrer avec la dose recommandée initiale de sunitinib ou d’interféron lorsqu’associé au bevacizumab, que la poursuite du traitement permet tout au moins pour le sunitinib d’augmenter le taux de réponses objectives, de l’absence de perte d’efficacité sur la survie sans progression de la diminution de dose d’interféron, il n’est pas connu le moment le plus opportun, en dehors d’une toxicité sévère ou d’une demande du patient, pour envisager cette diminution de dose pour maintenir une balance thérapeutique favorable, sans bien sur s’affranchir de la bonne prise en charge des effets secondaires pour ne pas servir de prétexte inopportun à cette modification de dose ; - la pratique a également permis de repérer que pour des patients traités de manière prolongée (≥ 12 mois) avec donc au moins une stabilisation prolongée au-delà de la médiane de survie sans progression obtenue par ces médicaments, des arrêts de traitement pour des raisons indépendantes du traitement ou de ces effets secondaires, ne s’accompagnait pas systématiquement d’une reprise évolutive rapide, forçant la question de traitement intermittent ayant l’avantage de proposer des pauses d’effets secondaires et théoriquement d’éloigner le temps de la résistance au médicament. Néanmoins, même si cette attitude peut paraître justifiée chez des patientes paucimétastatiques, plutôt en réponse partielle durable, il n’y a pas de données pour mieux sélectionner les patients ou pour évaluer la durée probable de pause ; - même si l’obtention de réponse complète est rare grâce au médicament seul, elle peut être accrue grâce à l’ajout de traitement local des métastases (chirurgie, radiologie interventionnelle, radiothérapie, ..) et si les experts français recommandent alors de ne pas poursuivre le traitement médical, ou au plus de quelques cycles (souvent 2) si rémission complète uniquement après traitement médical, d’autant plus qu’aucun essai adjuvant n’est positif et que les résultats des essais adjuvants avec anti-angiogéniques ne seront pas disponibles avant plusieurs années, il n’ y a pas de preuve solide de ce choix. 1 ère ligne de traitement et chirurgie en présence de la tumeur primitive Il était de règle d’assurer une néphrectomie première chez les patients présentant un RCM avec la tumeur primitive en place en se basant sur les résultats maintenant anciens de 2 essais thérapeutiques de phase III élaborés du temps de l’immunothérapie par interféron alpha grâce à un gain de survie en faveur de la néphrectomie première [SWOG/EORTC]. L’avènement des anti-angiogéniques aussi bien au cours des essais thérapeutiques ou des évaluations post approbation bouscule ce dogme. Il a été ainsi démontré que le gain de survie sans progression sous inhibiteurs de tyrosine kinase, notamment le sunitinib n’était pas altéré par l’absence de néphrectomie. D’autres évaluations mais non prospectives et hors essais ont rapporté un meilleur pronostic de survie après néphrectomie mais renvoient au biais majeur d’une évaluation d’une décision a priori et donc de sélection de patients. Cette indication stratégique justifie la réalisation de l’essai CARMENA, essai international, de promotion française (AFU/GETUG. Investigateur principal Pr Arnaud Mejean). Il pourrait donc être considéré que tout patient français présentant un CRM avec tumeur primitive en place devrait se voir proposer l’essai CARMENA et de ce fait que tout dossier de ces patients soit présenté en RCP avant de réaliser la néphrectomie. 2 ème ligne de traitement Comme pour la première ligne de traitement, les sociétés savantes européennes ont produit des recommandations comprenant standard et options en 2 ème ligne. En 2012, il devrait y avoir 2 options standards : l’everolimus et l’axitinib, ce dernier non encore disponible en Europe. Les 2 essais de phase III, l’un comparant l’everolimus à un placebo en 2 ème ligne et plus [5] et l’autre comparant l’axitinib au sorafenib en 2 ème ligne ont permis chacun d’augmenter significativement la survie sans progression autour 5 mois. A ce jour il n’y aucun facteur prédictif de choix entre un inhibiteur de mTOR (everolimus) et anti-angiogénique (axitinib), puisque la seule étude N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 7 Traitements médicaux en phase métastatique : comment choisir en 2012 ? disponible rétrospective n’a pas pu validée l’hypothèse selon laquelle une efficacité prolongée d’un anti angiogénique en 1er ligne ce qui est le standard prédit un gain en 2 ème ligne d’un anti angiogénique, mais cette question reste à trancher. A ce jour seul le profil de toxicité différent de ces 2 médicaments peut aider à influencer le choix : asthénie, mucite et rare pneumopathie non infectieuse ainsi que hyperlipémie et hyperglycémie induits par l’everolimus vs. asthénie, mucite, diarrhées, hypertension artérielle induits par l’axitinib. Dans l’attente de l’accès à l’axitinib, le sorafenib peut avoir une activité clinique considérée comme inférieure et ne représente qu’une option et non un standard. Il faut noter de plus qu’en cas de progression rapide de la maladie en 1 ère ligne (contrôle ≤ 6mois), ni les inhibiteurs de mTOR ni les anti-angiogéniques disponibles ne semblent pouvoir contre carrer une évolution défavorable rapide, justifiant de l’inclusion dans des essais testant des molécules à nouveau mode d’action. résultats définitifs sont donc en attente et ne feront que confirmer la nécessité d’inclure ces patients dans des essais thérapeutiques pour obtenir un résultat critique en fréquence et/ou en intensité. Les tumeurs de Bellini doivent être traitées par analogie aux tumeurs urothéliales par chimiothérapie à base de sels de platine. Les tumeurs sarcomatoïde reste dans le groupe des tumeurs inclassables et celles à composante sarcomatoïde sont à rapprocher du contingent plus nombreux : à cellules claires ou papillaires. La meilleure approche thérapeutique n’est pas connue. La tendance serait de considérer qu’en présence d’un contingent sarcomatoïde peu important (< 20-50%) dans un contexte de carcinome à cellules claires, un traitement par sunitinib peut être efficace qu’alors que contingent important serait peu sensible au sunitinib. Une chimiothérapie à base de gemcitabine associée à une fluoro pyrimidine ou à la doxorubicine peut représenter une option. Au-delà de la 2 ème ligne de traitement Les recommandations thérapeutiques s’arrêtent à la 2 ème ligne, ce qui sous-entend qu’au-delà l’approche par un essai thérapeutique est probablement la meilleure option dans une maladie chronique où les progrès enregistrés permettent maintenant d’approcher une médiane de survie supérieure à 2 ans et approchant 3 ans et il faut donc gérer le temps qui « passe » et offrir au patient l’opportunité de « gagner » plus. Il faut rappeler que grâce à l’implication ancienne des précurseurs des traitements médicaux dans le cancer du rein, la France est bien pourvue en essais thérapeutiques sur le territoire. Bien évidemment, au-delà des patients qui ne sont plus accessibles à un traitement spécifique à ce stade, d’autres ne peuvent assurer des déplacements lointains parfois rapprochés dans le temps. Pour ces patients, la recommandation est de prescrire à nouveau les médicaments qui furent antérieurement efficaces et qui peuvent ré induire des stabilisations, voire des réponses objectives, comme rapportées par plusieurs études rétrospectives notamment pour le sunitinib. Cancer du rein métastatique non à cellules claires La forme histologique la plus fréquente non à cellules claires est le carcinome papillaire de type I ou non de type I, comprenant une forme extrêmement agressive. Cette présentation métastatique doit être considérée comme une forme rare, avec une efficacité rapportée en phase II (rapport intermédiaire) ou en vie réelle du sunitinib et des inhibiteurs de mTOR (temsirolimus, everolimus) mais très inférieure à celle rapportée pour les tumeurs à cellules claires. Il s’agit donc d’options. Les 8 N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique Conclusion La stratégie thérapeutique du cancer du rein métastatique est relativement simple pour le cancer du rein à cellules claires qui représente 70-80% des patients tout au moins pour la 1er et la 2 ème ligne. Il est plus délicat par manque de données pour les tumeurs d’autre histologie ou lorsque le patient dépasse la 2 ème ligne. La stratégie thérapeutique à venir va certes poursuivre l’évaluation de nouvelles molécules ciblées mais également de nouvelles générations d’immunothérapie, mais devra préciser le rôle de la chirurgie de la tumeur primitive et des métastases. Conflits d’intérêts : AR : membre des boards internationaux, européens ou français pour Pfizer, concernant les tumeurs du rein. Soutien institutionnel pour les activités de recherche de Pfizer, Novartis, Roche et Glaxo Smith Kline. Interventions et/ou déplacement pour des réunions internationales ou nationales soutenues par Pfizer, Novartis, Sanofi, Amgen, Janssen. RÉFÉRENCES 1. Escudier B,KatajaV.ESMO clinical practice guidelines for diagnosis,treatment and follow-up. Ann Oncol 2010 ; supp 5 : 137-9. 2. Escudier B, Pluzanska A, Koralewski P, et coll. VOREN Trial investigators. Bevacizumab plus interferon alfa-2a for treatment of metastatic renal cell carcinoma: a randomised, double-blind phase III trial. Lancet 2007 ; 370 : 2103-11. 3. Motzer RJ, Hutson TE, Tomczak P, et coll. Sunitinib versus interferon alfa in metastatic renal-cell carcinoma. N Engl J Med. 2007 ; 356 : 115-24. 4. Hudes G, Carducci M, Tomczak P et coll. Temsirolimus, interferon alfa, or both for advanced renal-cell carcinoma. N Engl J Med 2007 ; 356 : 2271–81. 5. Motzer RJ,Escudier B,Oudard S et coll. Efficacy of everolimus in advanced renal cell carcinoma:a double-blind,randomised,placebo-controlled phase III trial. Lancet 2008 ; 372 : 449–56. Dossier LE CANCER DU REIN Les progrès de la chirurgie Arnaud Méjean Professeur d’Urologie, HEGP – Paris résumé Les progrès de la chirurgie pour tumeur du rein concernent les avancées technologiques et les indications de la chirurgie conservatrice. Les avancées technologiques ont permis le développement de la chirurgie coelioscopique qui est devenue la voie d’abord standard de la néphrectomie totale mais qui reste limitée dans la chirurgie conservatrice. La chirurgie assistée par le robot permet quant à elle de pratiquer cette chirurgie conservatrice avec beaucoup plus de facilité et de sécurité. Or les indications de la chirurgie conservatrice ne cessant d’augmenter non seulement pour les tumeurs < 4 cm mais également pour les tumeurs entre 4 et 7 cm et les tumeurs de localisation centrale. Le dogme de la chirurgie totale pour toutes les tumeurs du rein est devenu obsolète au profit d’une chirurgie beaucoup plus fine et précise mais avec un risque accru de complications. Pour autant la survie des patients opérés par chirurgie conservatrice semble meilleure que celle des patients opérés par chirurgie élargie pour des tumeurs identiques. mots-clés Néphrectomie, Néphrectomie partielle, Chirurgie conservatrice rénale, Tumeur du rein, Carcinome à cellules rénales L e traitement curatif des tumeurs rénales au stade localisé ou localement avancé reste la chirurgie. Depuis une dizaine d’années, des progrès ont été faits tant dans l’évolution des techniques que dans les indications. Evolution des techniques Développement de la coelioscopie La chirurgie mini-invasive a connu un essor considérable depuis 10 ans. L’évolution du matériel a permis non seulement de simplifier les procédures mais aussi et surtout de les sécuriser. Les colonnes de coelioscopie, les caméras haute définition, les écrans, les trocards, les clips, les systèmes d’hémostase, les instruments, les tissus, les colles, … tout est devenu plus simple, plus ergonomique et d’utilisation pluri-quotidienne. Initialement limitée aux tumeurs < 7 cm, la coelioscopie permet maintenant de retirer des tumeurs > 10 cm par néphrectomie totale. Elle respecte les principes de la chirurgie oncologique avec une dissection première de l’artère puis de la veine. La libération du rein tumoral se fait dans le plan de la néphrectomie élargie plus ou moins étendue à la surrénale ou aux ganglions. Plus que la taille au sens strict c’est surtout l’accès au pédicule qui peut être limitant notamment lorsqu’il est masqué par la présence d’adénopathies volumineuses. L’autre facteur limitant est la présence d’adhérences péri-tumorales par infiltration des tissus avoisinants ou d’un thrombus tumorale envahissant la veine cave inférieure. Evidemment la présence d’une taille tumorale incompatible avec l’extraction dans un sac empêche la réalisation d’une coelioscopie. Les avantages de la coelioscopie pour la néphrectomie totale sont maintenant bien connus et confirmés dans la littérature scientifique : taux de saignement, taux de perfusion sanguine, usage d’anesthésiants post-opératoires, durée d’hospitalisation, retour à la vie active et possibilité plus précoce d’initier un traitement médical pour des métastases sont en faveur de la voie coelioscopique avec des durées opératoires qui sont sensiblement identiques à la voie ouverte (1). Le bénéfice cosmétique et le taux très inférieur de complications pariétales (hématome, abcès, éventration) sont également à mettre dans la balance en faveur de la coelioscopie. En ce qui concerne la néphrectomie partielle, le développement de la coelioscopie est certainement moins évident d’abord parce qu’il s’agit d’un geste très technique qui se prête moins à l’utilisation de la coelioscopie ensuite à cause de l’évolution des indications (Cf chapitre Evolution des indications). Pour autant la coelioscopie permet de retirer par tumorectomie un certain nombre de tumeurs et l’expérience du chirurgien est ici fondamentale (2) . Classiquement elle est N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 9 Les pr ogrès de la chir ur gie possible pour des tumeurs dont le développement intra-parenchymateux n’est pas trop profond car les risques de marge positive et de difficulté à fermer le lit d’exérèse sont plus importants. Par ailleurs la localisation de la tumeur doit être particulièrement bien étudiée sur les examens d’imagerie pré-opératoires avec des reconstructions planaires. A titre d’exemple s’il est facile de retirer une tumeur exophytique de 3 cm du pôle inférieur, il est beaucoup plus difficile de retirer une tumeur de la lèvre postérieure au contact du sinus de la même taille. Pourtant toutes les 2 doivent être retirées par tumorectomie et l’attitude « moderne » est de privilégier l’indication (la tumorectomie) à la voie d’abord (la coelioscopie) quitte à faire une voie ouverte. Evolution de la coelioscopie L’évolution des techniques coelioscopiques tend à s’approcher toujours d’avantage du concept de chirurgie mini-invasive : diminuer la taille de la cicatrice. • One Port : il s’agit de ne faire qu’une seule incision ombilicale un peu agrandie dans laquelle est introduit un dispositif permettant de laisser passer 3 voire 4 instruments dont l’optique. Le chirurgien doit travailler avec des instruments courbés pour pouvoir atteindre, disséquer et libérer le rein. La technique est en soi identique à celle décrite précédemment. Des néphrectomies simples, partielles ou même totales ont ainsi été réalisées. La manipulation des instruments est toutefois complexe et requiert une bonne maîtrise. Le rein est extrait dans un endo-bag par l’incision ombilicale unique. • Notes (Natural Orifice Translumenal Endoscopic Surgery) : il s’agit d’utiliser un organe naturel pour opérer et extraire le rein. En pratique « humaine », le seul organe disponible est le vagin. Il offre des caractéristiques compatibles avec cette chirurgie : organe naturel, accessibilité à une incision facile, organe extensible, cicatrisation simple, peu de complications inhérentes à la voie d’abord. On ne peut toutefois proposer cette technique que pour des tailles raisonnables de rein tumoral, l’indication idéale étant la néphrectomie pour don de rein. Initialement au début de l’expérience du Notes, la néphrectomie était réalisée par coelioscopie de façon tout à fait habituelle avec 3 ou 4 incisions abdominales centimétriques ou infracentimétriques. A la fin de la procédure la patiente était mise en position gynécologique. Une incision cervico-vaginale postérieure était réalisée à travers laquelle un endobag était introduit dans la cavité abdominale sous contrôle de la vue par l’optique. Le rein était alors glissé dans l’endobag et extrait par le vagin qui était refermé par voie basse. Actuellement un certain nombre d’équipe développe le Notes total ç’est-à-dire que toute la dissection du rein est faite en introduisant l’optique et 3 instruments par le vagin. Dans cette procédure aucune incision cutanée n’est visible. Pour l’instant cette technique reste assez confidentielle mais sûrement très intéressante. 10 N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique Développement de la chirurgie « robotique » La chirurgie assistée par le robot est naît il y a une a dizaine d’années. Initialement destinée à la chirurgie cardiaque, elle s’est petit à petit déplacée à d’autres domaines de la chirurgie et notamment l’urologie. Après la prostatectomie, la chirurgie assistée par le robot est maintenant proposée pour la néphrectomie. Si son intérêt dans la néphrectomie totale semble difficile à dégager par rapport à la coelioscopie, elle permet d’envisager la tumorectomie rénale avec beaucoup plus de facilités que la coelioscopie. En effet l’utilisation du robot permet une vision magnifiée tri-dimensionnelle, le chirurgien étant assis les avant-bras posés en position de fonction. Mais surtout elle permet une exérèse très facilitée de la tumeur par la mobilité des instruments dans tous les plans de l’espace ce que ne permet pas la coelioscopie (3). La suture des plans profonds et la fermeture du lit d’exérèse est beaucoup plus simple et plus rapide qu’en coelioscopie rendant les temps d’ischémie proches de ceux réalisés en chirurgie ouverte. Il est vraisemblable que la chirurgie assistée par le robot soit une avancée technologique solide permettant de pousser les indications de la chirurgie mini-invasive de la tumorectomie ce qui n’est pas le cas de la coelioscopie. Or cette évolution est inéluctable. Techniques ablatives A la frontière entre radiologie interventionnelle et chirurgie, les techniques ablatives permettent actuellement de traiter les tumeurs rénales < 3-4 cm par voie transcutanées. Utilisant soit une onde électro-magnétique de radio-fréquence soit une source de nitrogène liquide, les techniques ablatives vont respectivement chauffer à 100°C ou refroidir à – 40°C le centre de la tumeur par d’intermédiaire d’une sonde introduite à travers la peau sous repérage échographique ou tomodensitométrique (4). Les indications sont pour l’instant limitées aux petites tumeurs chez les patients âgés, à risque opératoires ou pour les tumeurs rénales récidivées le plus souvent héréditaires (maladie de Von Hippel Lindau par exemple). Evolution des indications C’est dans la chirurgie partielle du rein que les indications ont été revues au fur et à mesure du temps. On peut aujourd’hui affirmer qu’en termes carcinologiques, la tumorectomie pour des tumeurs < 4 cm est le standard et qu’elle ne fait courir aucun risque au patient par rapport à la néphrectomie totale dès lors qu’elle réalisée dans les règles de l’art avec une marge négative et quelle que soit son épaisseur. Pour les tumeurs entre 4 et 7 cm (5), il apparaît que la tumorectomie puisse permettre un contrôle local de la maladie identique à la néphrectomie totale avec néanmoins une chirurgie Les pr ogrès de la chir ur gie grevée d’un taux de complications plus important, essentiellement les fistules urinaires et les saignements par pseudo-anévrysme. Pour les tumeurs centrales sinusales ou pré-sinusales, la tumorectomie est possible mais par des équipes habituées à ce type de chirurgie car les durées d’ischémie doivent rester compatibles avec l’objectif fixé de préservation néphronique, idéalement entre 20 et 30 minutes. Sur le plan fonctionnel, il est désormais admis qu’une insuffisance rénale même modérée augmentent les taux de maladie cardio-vasculaire, les taux de décès quelle que soit la cause et les taux d’hospitalisation (6). Au-delà de 7 cm et en dehors des centres experts ou d’indication impérative de préservation néphronique (tumeur sur rein unique), le standard est la néphrectomie totale. tumorale, antécédents, traitement en cours…. A terme de son analyse, il doit savoir proposer au patient le geste chirurgical le plus sûr au plan carcinologique et au plan fonctionnel. La chirurgie est en mouvement et la technologie aussi brillante soit-elle, doit rester strictement au service du patient pour améliorer sa prise en charge dans la sécurité et son bienêtre. Conflits d’intérêts : aucun RÉFÉRENCES 1. Berger A,Brandina R,Atalla MA,et coll.Laparoscopic Radical Nephrectomy for renal cell carcinoma : oncological outcomes at 10 years or more. J Urol 2009 ; 182 : 2172-2176 2. Gill IS, Kamoi K, Aron M, et coll. 800 laparoscopic partial nephrectomies : a single surgeon series J Urol 2010 ; 183 : 34-42 3. Benway BM,Bhayani SB,Rogers CG,et coll.Robot-assisted partial nephrectomy: an international experience Eur Urol 2010 ; 57 : 815-820 4. Dib RE, Touma NJ et Kapoor A. Cryoablation vs radiofrequency ablation for the treatment of renal cell carcinoma:a meta-analysis of case series studies BJUI Epub 2012 5. Sprenkle PC, Power N, Ghoneim T, et coll. Comparison of open and minimally invasive partial nephrectomy for renal tumors 4-7 centimeters Eur Urol 2012 ; 61 : 593-599 6. Go AS, Chertow GM, Fan D, et coll. Chronic kidney disease and the risks of death, cardiovascular events and hospitalization NEJM 2004 ; 351 : 1296-1305 Conclusion Le dogme de la néphrectomie totale pour une tumeur du rein est obsolète. Devant une tumeur du rein, le chirurgien urologue doit savoir interpréter l’imagerie avec précision et considérer le patient dans sa globalité : facteurs de co-morbidités notamment ceux pouvant retentir sur la fonction rénale, fonction rénale précise déterminée par le MDRD, taille et localisation Bulletin d’abonnement RéfleXions en Médecine Oncologique Je m’abonne pour un an. 4 Déductible de vos frais professionnels Médecin 1 an : 60 € 2 ans : 90 € Institution 1 an : 90 € 2 ans : 160 € Interne/Etudiant (joindre un justificatif ) 1 an : 40 € 2 ans : 60 € Etranger (Dom-Tom inclus) 1 an : 70 € 2 ans : 130 € Crédits Créditez votre FMC : FMC par an Abonnez-vous Nom : ............................................................................ Prénom :................................................................................. 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En attendant les résultats de l’essai CARMENA, la place des thérapies ciblées en néo-adjuvant ou en adjuvant reste à évaluer. Dans les formes localement avancées, un traitement adjuvant ne doit être envisagé que si le patient est considéré comme à haut risque de récidive et toujours dans le cadre de son inclusion dans un essai prospectif randomisé. En néo-adjuvant, les anti-angiogéniques ont montré une diminution modérée du volume tumoral avec, dans certains cas, une amélioration de la résécabilité, tout en permettant d’effectuer des recherches translationnelles. De nombreuses questions restent néanmoins en suspens, que ce soit en terme d’indications, de choix des molécules utilisées, de leurs toxicités et enfin de la séquence optimale d’administration. mots-clés Cancer Rein Adjuvant Néo-adjuvant Anti-angiogénique 12 Service d’urologie de l’hôpital Bicetre. Introduction La chirurgie reste le premier temps du traitement des cancers du rein métastatiques (CRM) et localement avancées. Afin d’améliorer les résultats oncologiques, le geste chirurgical peut être associé à une thérapie ciblée, que ce soit en adjuvant ou en néo-adjuvant. Récemment, les traitements anti-angiogéniques ont révolutionné la prise en charge des patients et ont permis une amélioration substantielle du pronostic. La place et la séquence optimale de ces nouvelles thérapies ciblées en adjuvant ou en néo-adjuvant reste encore à préciser. Traitement adjuvant Rationnel Le traitement adjuvant du cancer du rein a pour but théorique la destruction de micrométastases latentes afin de prévenir la survenue de récidives éventuelles. Il est admis que 30 à 40 % des patients opérés d’une tumeur rénale progresseront à distance de la chirurgie même s’il n’y avait pas de métastase décelable au moment du diagnostic. Des facteurs pronostiques plus précis que la classification TNM ont donc été développés afin de mieux sélectionner les patients à risque de récidive : l’UISS (UCLA Integrated Staging System), combinant stade TNM, Grade de Fuhrman et statut ECOG ; ainsi que le SSIGN (pour « Stage », « Tumor Size » « Fuhrman Grade » et « Tumor Necrosis »), La validation d’un traitement adjuvant nécessite au moins une étude de phase III, démontrant un gain significatif de survie par rapport à l’attitude standard. Pour l’instant, aucun traitement n’a été validé en situation adjuvante dans le cancer du rein. La négativité des études peut suggérer certes l’inefficacité du traitement mais également la sélection insuffisamment appropriée des populations à risque, le nombre insuffisant de patients inclus ou d’évènements dans la période analysée, ou un objectif de gain de survie peu réaliste. A ce jour, seule l’immunothérapie a été particulièrement étudiée avec des résultats négatifs et l’avenir, tout au moins dans les étapes exploratoires des essais thérapeutiques, se dessine autour des thérapeutiques ciblées et plus particulièrement des anti-angiogéniques. N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique Place des traitements medicaux en adjuvant et neo-adjuvant dans le cancer du r ein Traitement néo-adjuvant Rationnel Tableau 1 : Essai de phase 3 de traitements adjuvants (CRL : Cancer du Rein Localisé) Toutefois, l’utilisation de certains antiangiogéniques peut s’avérer néfaste en induisant une altération du microenvironnement de l’hôte et en facilitant in fine le développement de métastases très résistantes. Deux études récentes chez la souris ont montré que la croissance tumorale primaire diminuait sous inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK), mais que parallèlement, la capacité de prolifération des tumeurs et des métastases était accrue [1,2]. C’est pour cette raison que, chez les patients non métastatiques, seuls ceux considérés comme à haut risque de récidive ne devraient recevoir des thérapies ciblées en adjuvant dans le cadre d'un essai clinique. Essais de traitement adjuvant Aucun traitement adjuvant n'a pour l’heure démontré de bénéfice pour les patients en terme de survie sans récidive. Concernant l’immunothérapie, les données des essais de phase III restent largement négatives. Néanmoins, deux études, celles de Jocham qui évaluait l’immuno-stimulation induite par la thérapie cellulaire en utilisant des cellules tumorales autologues, puis Wood, au moyen du vitespen, ont pu montrer un avantage significatif dans certains sous-groupes de patients au prix d’une toxicité importante [3,4]. Certaines équipes ont rapporté les résultats de l’utilisation des traitements anti-angiogéniques en adjuvant [5]. Plusieurs essais de phase III, actuellement en cours d’inclusion, ont pour but d’étudier l'efficacité et la tolérance des ITK en traitement adjuvant chez les patients non métastatiques à haut risque et sans traitement préalable autre que la néphrectomie. L’ensemble de ces essais de phase III est rapporté dans le tableau 1. Les résultats de ces essais ne seront connus que dans quelques années et pourraient révolutionner la prise en charge des formes localement avancées. Le concept de traitement néo-adjuvant dans le cancer du rein s’adresse d’abord à certaines tumeurs localement avancées, avec pour objectif d’améliorer leur résécabilité, voire la survie des patients. Pour l’instant, seule l’amélioration de la résécabilité a été étudiée. Nombreuses sont donc les questions restant en suspens : Jusqu’à quel point cette réduction est-elle pertinente cliniquement ? Est-ce qu’il existe des situations urologiques spécifiques (rein unique, thrombus cave, large extension ganglionnaire) où un traitement néoadjuvant par anti-angiogéniques est particulièrement utile ? Quelles molécules sont les plus efficaces ? Quel est le calendrier d’administration optimal par rapport à la chirurgie? Quels sont les réels bénéfices et les complications rapportées de tels traitements ? Un traitement néoadjuvant peut paraitre particulièrement judicieux si : • La tumeur est difficilement résécable, auquel cas un traitement néo-adjuvant pourrait entraîner une fonte tumorale et la possibilité d’un traitement chirurgical ultérieur sans morbidité accrue. • Le patient présente une volumineuse tumeur du rein sur rein unique ; une chirurgie conservatrice pourrait être proposée en cas de réponse objective au traitement néo-adjuvant. • Dans le cas d’un cancer du rein bilatéral sur maladie héréditaire, une stratégie néo-adjuvante pourrait entraîner une réponse complète sur certaines masses tumorales rénales et autoriser une surveillance rapprochée de ces lésions en alternative à la néphrectomie partielle. • Enfin, dans le cas d’un cancer du rein à haut risque de récidive, il aurait l’avantage de préciser la sensibilité à l’agent anti-angiogénique et guider ainsi le choix d’un traitement adjuvant éventuel. A l’ère des thérapies ciblées, ce concept s’élargit également aux tumeurs métastatiques avec pour objectif la possibilité de réaliser dans un second temps une néphrectomie de cytoréduction (NC). L’intérêt de celle-ci se discute alors en fonction de la réponse au traitement. Dans ce cas, on parlera plutôt de traitement de première intention que de traitement néo-adjuvant. En cas de bonne réponse au traitement, une néphrectomie pourrait être réalisée puis le traitement anti-angiogénique maintenu par la suite. En cas de mauvaise réponse mais chez un patient en bon état général, le traitement anti-angiogénique sera modifié. Enfin en cas d’altération de l’état général, la néphrectomie ne sera pas réalisée et un traitement de soins de support ou de deuxième ligne mis en place. N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 13 Place des traitements medicaux en adjuvant et neo-adjuvant dans le cancer du r ein Tableau 2 : Principales séries de traitements néo-adjuvants Cette stratégie pose la question de la place de la néphrectomie à l’ère des traitements anti-angiogéniques. Initialement unique option thérapeutique, un bénéfice à la réaliser avait ensuite été démontré à l’ère de l’immunothérapie, au travers de deux essais de phase III (SWOG 8949 et EORTC 30947). Par extrapolation de ces résultats à l’ère des thérapies ciblées, sa réalisation reste actuellement préconisée par la plupart des auteurs. Néanmoins, la balance bénéfice-risque est remise en question par l’efficacité de ces nouvelles molécules et sera là encore précisée par les essais de phase III tels que CARMENA, où les patients sont randomisés en deux groupes : NC puis sunitinib ou sunitinib seul. Balance bénéfice risque d’un traitement néoadjuvant Bénéfices > Réduction tumorale de la tumeur primitive: Le traitement néo-adjuvant peut améliorer les conditions d’exérèse chirurgicale en rendant extirpable une tumeur qui ne l’était initialement pas, ou en transformant une indication de néphrectomie totale en chirurgie conservatrice, avantage particulièrement pertinent en cas de rein fonctionnellement unique. On peut également supposer qu’en détruisant le réseau vasculaire tumoral, un traitement néoadjuvant va potentiellement diminuer les saignements per-opératoires et donc faciliter le geste d’exérèse. Les études sur les stratégies néoadjuvantes dans le cancer du rein se sont ainsi multipliées ces dernières années, que ce soit dans les formes localement avancées ou métastatiques. Les principales séries sont présentées dans le tableau2. Les résultats sont concordants et apparaissent jusqu’ici relativement décevants, en ce sens que même si 50 à 70% des tumeurs primitives ont un certain degré de réduction tumorale après traitement, la réduction tumorale moyenne n’est que de 10 à 20 %. Huang et al suggèrent que le sunitinib agit principalement sur les cellules endothéliales plutôt que par ciblage direct des cellules tumorales, ce qui peut expliquer le faible taux de réduction tumorale [6]. Il semblerait que l’effet cytoréducteur d’un traitement néoadjuvant sur la tumeur primaire soit maximal dans la période 14 N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique allant du deuxième au troisième mois de traitement, suggérant que trois cycles de sunitinib avant la néphrectomie seraient suffisants. Guix et al, quant à eux, démontraient que quelques jours de traitement par ITK suffisaient à induire de façon maximale une inhibition de la prolifération cellulaire et de l'apoptose [7]. Concernant l’effet des traitements antiangiogéniques sur les thrombus veineux, la plus grande série rapportée est celle de Cost avec 48 patients atteints d’un thrombus veineux, dont 60% dans la veine rénale, 10% dans la veine cave inférieure sous-rénale, 28% en rétro-hépatique et 2 % en intra-thoracique [8] . Tous recevaient un traitement antiangiogénique pendant une durée médiane de 2,75 mois. Un changement clinique significatif n’était retrouvé que pour 25% des patients : 58% d’entre eux progressaient et 42% régressaient. Au final un traitement chirurgical n’était réalisé que dans 30% des cas. La littérature fait état de quelques cas rapportant l’utilisation d’un traitement angiogénique en néoadjuvant permettant de réduire la taille d’une métastase ganglionnaire ou le niveau d’un thrombus cave, et permettant in fine une résection chirurgicale complète de ces lésions. > Analyse moléculaire de la sensibilité tumorale aux antiangiogéniques : L’efficacité ou non du traitement néoadjuvant avec un certain type de molécule permettra de déterminer l’intérêt, pour les Tableau 3 : Essai de traitements néo-adjuvants en cours (CRM : Cancer du Rein Métastatique) Place des traitements medicaux en adjuvant et neo-adjuvant dans le cancer du r ein patients candidats à un traitement adjuvant, de poursuivre avec la même molécule ou bien d’en changer. La réalisation parallèle d’études moléculaires permettra en outre de déterminer les mécanismes de résistance aux anti-angiogéniques. Ces recherches translationnelles, consistant en l’analyse des tissus tumoraux sur la pièce de néphrectomie à la fois chez des patients pré-traités et d’autres non-traités, pourraient permettre de découvrir les biomarqueurs potentiellement liés à la réponse tumorale. Les principaux essais néoadjuvants en cours sont détaillés tableau 3. Risques Les traitements antiangiogéniques peuvent augmenter la morbidité per et post-opératoire et sont connus comme étant pourvoyeurs d’embolie pulmonaire, de thromboses et de retard de cicatrisation. Concernant les complications péri-opératoires, Margulis et al ne retrouvaient pas de différence significative en termes de pertes sanguines, de transfusions, de durée opératoire ou de complications infectieuses. Le risque de complications pariétales était plus élevé en cas traitement néoadjuvant mais cette différence n’était pas statistiquement significative (9,1% Vs 6,9% ; p=0.72) [9]. Chapin et al ont pour leur part rapporté une augmentation significative du taux de complications pariétales [10]. Afin de limiter ce risque, les recommandations actuelles sont de ne réaliser la chirurgie qu’après 4 à 6 semaines (soit deux demi-vies) d’arrêt du Bevacizumab et 2 à 5 jours d’arrêt des TKI. De même, en post-opératoire, il est recommandé de ne reprendre les anti-angiogéniques qu’après un délai minimal de 4 semaines. Un autre risque est celui de voir la tumeur progresser sous anti-angiogéniques, sans possibilité ultérieure d’exérèse chirurgicale. Dans les principales études résumées dans le tableau 2, on constate en effet que le volume tumoral augmente sous traitement néoadjuvant pour une proportion importante de patients, jusqu’à 58% d’entre eux chez Thomas et al. A cet égard, l’étude prospective randomisée SURTIME (EORTC 30073) a été ouverte chez des patients métastatiques, en comparant NC puis sunitinib en adjuvant versus 3 cures de sunitinib en néo-adjuvant puis NC. L'objectif principal de cet essai est de déterminer la séquence optimale comportant néphrectomie et traitement anti-angiogénique. Le paramètre primaire est la survie sans progression. Les critères d'évaluation secondaires comprennent la survie globale, la morbidité, la réponse globale au traitement dans le bras néphrectomie différée (incluant la proportion de patients devenant non résécables), et l'effet de la néphrectomie sur l’évolution de la maladie dans les deux bras. En outre, une analyse du tissu tumoral et du sérum sera effectuée afin d'identifier les profils génétiques et protéiques prédictifs de la réponse au traitement. Conclusion Les nouveautés médicales dans la prise en charge des cancers du rein ont bouleversé ces dernières années les stratégies thérapeutiques. Elles sont venues pallier en partie les insuffisances de la chirurgie d’exérèse dans les formes localement avancées et métastatiques de la maladie, chirurgie qui ne pouvait régler à elle-seule le problème de leur effroyable pronostic. Le développement de protocoles de recherche, translationnels notamment, et d’essais cliniques nous permettra dans un avenir proche de déterminer quel est, pour un patient donné, la séquence thérapeutique optimale. En attendant, l’instauration d’un traitement adjuvant ou néo-adjuvant doit toujours être décidée dans le cadre d’une discussion en réunion de concertation pluri-disciplinaire avec inclusion du patient dans un essai prospectif. Conflits d’intérêts : aucun RÉFÉRENCES 1. Ebos JM, Lee CR, Cruz-Munoz W, et coll. Accelerated metastasis after short-term treatment with a potent inhibitor of tumorangiogenesis. Cancer Cell 2009;15:232–9. 2: Paez-Ribes M, Allen E, Hudock J, et coll. Antiangiogenic therapy elicits malignant progression of tumors to increased local invasion and distant metastasis. Cancer Cell 2009;15:220–31 3: Jocham D, Richter A, Hoffmann L, et coll. Adjuvant autologous renal tumour cell vaccine and risk of tumour progression in patients with renal-cell carcinoma after radical nephrectomy: phase III, randomized controlled trial. Lancet 2004;363:594–9. 4: Wood C, Srivastava P, Bukowski R, et coll. An adjuvant autologous therapeutic vaccine (HSPPC-96; vitespen) versus observation alone for patients at high risk of recurrence after nephrectomy for renal cell carcinoma: a multicentre, open-label, randomised phase III trial. Lancet 2008;372:145–54. 5: Haas NB, Uzzo R. Adjuvant therapy for renal cell carcinoma. Curr Oncol Rep 2008;10:245–52. 6: Huang D, Ding Y, Li Y, et coll. Sunitinib acts primarily on tumor endothelium rather than tumor cells to inhibit the growth of renal cell carcinoma. Cancer Res 70:1053–62. 7:Guix M,Granja Nde M,Meszoely I,et coll. Short preoperative treatment with erlotinib inhibits tumor cell proliferation in hormone receptor-positive breast cancers. J Clin Oncol 2008;26:897–906. 8: Cost NG, Delacroix SE Jr, Sleeper JP, et coll. The impact of targeted molecular therapies on the level of renal cell carcinoma vena caval tumor thrombus. Eur Urol. 2011 Jun;59(6):912-8. 9: Margulis V, Matin SF, Tannir N, et coll. Surgical morbidity associated with administration of targeted molecular therapies before cytoreductive nephrectomy or resection of locally recurrent renal cell carcinoma. J Urol 2008;180:94–8. 10: Chapin BF, Delacroix Jr SE, Culp SH, et coll. Safety of presurgical targeted therapy in the setting of metastatic renal cell carcinoma. Eur Urol 2011;60:964–71. N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 15 Dossier LE CANCER DU REIN Progrès attendus dans la prise en charge thérapeutiques des mRCC Laurence Albiges D é p a r t e m e n t d ’ o n c o l o g i e m é d i c a l e , I n s t i t u t G u s t a v e R o u s s y, V i l l e j u i f introduction La révolution dans la prise en charge des cancers du rein métastatiques a été obtenue par la compréhension de l’importance de la voie VHL/HIF. Celle ci a permis le développement des inhibiteurs de l’axe du VEGF/VEGFR et de mTOR ayant permis de doubler le pronostic des patients atteins de cancers du rein métastatiques (mRCC). Après l’enthousiasme de la mise sur le marché de 7 molécules en 6 ans, le constat demeure : les rémissions sont exceptionnelles et le pronostic reste limité à 2-3 ans en phase métastatique. Quels sont, dès lors, les progrès attendus dans le cancer du rein dans les années à venir et comment évoluera l’algorithme thérapeutique sur les années à venir ? Nouveaux TKI anti VEGFR L’angiogenèse est la pierre angulaire de la physiopathologie du carcinome à cellules claires et notamment lors de la progression tumorale en phase de résistance au traitement, elle demeure le « driver » oncogénique principal. Le développement de nouveaux inhibiteurs du VEGFR possédant un potentiel d’inhibition plus important et un profil de tolérance plus favorable a donc été la priorité des dernières années. Trois molécules devraient venir enrichir l’arsenal thérapeutique - disponible et remboursé- en France, de première et seconde ligne dans un futur proche : C’est particulièrement le cas de l’AXITINIB (Pfizer) dont les résultats de phase III vs sunitinib ont été présentés à l’ASCO 2011 et positionnent la molécule en deuxième ligne post anti VEGF/VEGFR ou post cytokine (1). Avec une PFS de 12.6 mois post cytokine, l’AXITINIB est néanmoins un candidat potentiel important de traitement de première ligne. Les premières données de son utilisation en première ligne (phase II) seront présentées à l’ASCO et annoncent une PFS de 13.7 mois (2), représentant un intérêt accru dans cette situation. Ceci sera validé par les résultats de la phase III (AGILE) disponible l’année prochaine possiblement. Soulignons que l’AXITINIB, par son taux de réponse est également le candidat de choix de l’évaluation en situation néo-adjuvante. L’étude AXIPAN, en cours d’inclusion, pose la question de la faisabilité d’un traitement conservateur (néphrectomie partielle) après exposition néoadjuvant par AXITINIB pour de volumineuses tumeurs nécessitant une néphrectomie élargie. Ayant déjà fait l’objet d’une AMM, le PAZOPANIB (GSK) devrait apparaître dans l’arsenal thérapeutique français grâce aux données des études PISCES et COMPARZ validant sa place vs SUNITINIB en première ligne de traitement. mots-clés mRCC, Séquence, Inhibiteurs du FGF, Inhibiteurs de MET 16 Enfin, le TIVOZANIB est un nouveau puissant inhibiteur du VEGFR, caractérisé par une spécificité plus marquée. Les données de la phase III (TIVO-1) évaluant ce composé en première ligne du mRCC (prévues à l’ASCO 2012) ont été annoncées positives avec une PFS de 12.4 mois vs 9.3 mois pour le SORAFENIB. Les caractéristiques de ces 3 produits sont résumées dans le tableau 1. N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique Pr ogrès attendus dans la prise en char ge thérapeutiques des mRCC • les données de rechallenge par des molécules Tableau 1 : Nouvelles molécules en première ligne thérapeutiques Meilleure utilisation des thérapeutiques actuelles > Séquence Le second facteur de progrès attendus dans la prise en charge des mRCC sera une optimisation de la séquence TKI-mTOR des thérapeutiques disponibles. Celle ci comprend l’amélioration des algorithmes de traitement séquentiel qui sera renseigné par les essais Wyeth 404, Switch, et Record 3. • l’essai Wyeth 404 renseignera sur la comparaison en 2 nd ligne de temsirolimus vs. sorafenib en second ligne après échec d’un TKI • l’étude Record 3 : sur la séquence optimale TKI-mTOR vs. mTOR – TKI • l’étude Switch : sur la séquence Sunitinib-sorafenib vs. sorafenib-sunitinib > Combinaisons Si les données rapportées à ce jour n’ont pas permit d’identifier de combinaison thérapeutique intéressante ou tolérables au plan des effets secondaires, deux essais de phase III approfondissent cette possibilité d’association entre un inhibiteur de mTOR et le bevacizumab. • L’essai INTORACT compare Bevacizumab + Temsirolimus vs. Bevacizumab + Interferon-Alfa. • L’essai Record 2 compare Bevacizumab + everolimus vs. Bevacizumab + Interferon-Alfa. > Pause, Début différé et rechallenge La problématique de la séquence thérapeutique est également liée à la question de la pause thérapeutique. Le rationnel étant • au plan théorique biologique la prévention de la survenue des phénomènes de résistance, interrompues lors d’une pause thérapeutique pour toxicité ou stabilité prolongé, • l’amélioration de la tolérance globale et la prévention d’effets secondaires cumulatifs. Ces éléments reposent notamment sur les données de « rechallenge » mettant en évidence une réponse à la réintroduction d’un TKI antérieur après échec d’une seconde ligne. Soit la possibilité de reprise d’un TKI après pause thérapeutique (pour stabilisation prolongée, ou pour toxicité) (3). Une étude rétrospective anglaise (4) démontre qu’une initiation différée du traitement par SUNITINIB de première ligne chez des patients sélectionnés, ne semble pas impacté la survie sans progression de la première ligne métastatique. Un essai américain est en cours évaluant la possibilité d’une pause chez les patients en stabilité sous traitement par sunitinib (Rini et al. An observational study of metastatic renal cell carcinoma patients prior to initiation of initial systemic therapy). > Dosage : augmentation de dose et dosage sérique Certaines équipes se sont penchées sur l’utilité de l’augmentation de dose en cas de progression sous SORAFENIB, ces données n’ont pas été entendus à d‘autres TKI essentiellement du fait des profils de tolérance. A l’heure actuelle, ni les inhibiteurs de mTOR, ni les TKI anti VEGFR ne font l’objet de dosage sérique, le développement des dosages sériques des TKI semble également constituer une piste potentielle en termes d’évaluation de la nécessité chez un patient donné d’augmenter la dose standard. Nouvelles cibles thérapeutiques hors VEGFR/ mTOR > FGFR La voie du FGF/ FGFR constitue une des voies d’activation alternative lors des phénomènes de résistance au traitement. Une inhibition concomitante de FGF et du VEGF par un TKI anti VEGFR et FGFR a montré des résultats très prometteur (5) et fait l’objet d’une large phase III randomisée en 3eme ligne de traitement (après échec d’un inhibiteur du VEGF/VEGFR et un inhibiteur de mTOR) : il s’agit de l’étude GOLD randomisant le DOVITINIB (Novartis) vs sorafenib. > PI3K/AKT/mTOR Les inhibiteurs de mTOR actuels, appartenant à la famille des rapalogues (inhibiteurs de mTORC1) n’inhibent pas mTORC2. Les inhibiteurs de nouvelles génération possède une double action anti mTORC1 et mTORC2 (blocage transversal de la N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 17 Pr ogrès attendus dans la prise en char ge thérapeutiques des mRCC voie). D’autres inhibiteurs possèdent également une activité anti PI3K conférant un double blocage longitudinal de la voie PI3K-AKT-mTOR. > Tie2/Angiopoietin Apres les premiers resultats de l’AMG 386 (Amgen), la poursuite de l’exploration de la voie d’inhibition de Tie2/ Angiopoietin pourrait tenir ses promesses. Les prochains résultats de l’ASCO 2012 nous le présenteront en association au sunitinib (phase II). > cMET MET est le récepteur du facteur de croissance HGF, son inhibition potentielle pourrait présenter un double intérêt: • Inhibition d’un récepteur de facteur de croissance impliqué dans les mécanismes potentiels de résistances aux inhibiteurs du VEGF/VEGFR • Inhibition d’un axe activé par une mutation observé dans 10 à 15% des carcinomes papillaires de type I familiaux et sporadiques. C’est ainsi que les premiers résultats du foretinib (6) ont pu être rapportés dans un type histologique ne faisant l’objet d’aucun traitement spécifique à ce jour. Les inhibiteurs de MET sont donc en cours d’exploration à travers des essais de phase II à ce stade présentant des résultats extrêmement important avec une pFS de 14,7 mois chez des patients prétraités par plusieurs lignes de traitement (7). > Nouvelles immunothérapies Les nouvelles immunothérapies développées dans le mRCC, reposent sur le principe de la levée du frein d’inhibition immunitaire par blocage des signaux inhibiteurs : les voies CTLA4 ou PD1-PDL1. Ce type de traitement a démontré son efficacité dans le traitement du mélanome, leur développement se poursuit notamment dans le cancer de prostate et le cancer du rein. Ce dernier présente un intérêt tout particulier compte tenu de la forte expression de PD1 à la surface des cellules tumorales de carcinome rénal. Nouvelles voies biologiques potentielles A plus long terme, les nouveautés attendues dans le cancer du rein métastatique intègreront les données de caractérisations biologiques récemment publiés ou encore en cours d’exploration que nous pouvons regrouper en 2 catégories > pigénétique Les altérations des gènes codant pour des protéines impliquées dans la régulation chromatinienne ont été identifiées comme le second événement génique primordial du ccRCC. Cette découverte positionne donc la régulation epigenetique comme second événement majeur dans l’oncogenèse rénale (8,9). après la découverte de VHL & HIF. L’approfondissement de la connaissance de ces voies de régulations pourrait impacter le développement thérapeutique 18 N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique > Caractérisation par sous type histologiques et analyse de l’hétérogénéité tumorale Tel que mentionné sur le modèles des carcinomes papillaires, la caractérisation biologiques de sous entités (par exemples les carcinomes juvéniles par translocation Xp11) ou encore l’identification de la voie MET, sont des illustrations d’identification de voies biologiques pour lesquelles nous disposons de thérapeutiques spécifiques. A l’échelle de l’individuelle, la tumeur présente elle même une évolution dont découle une hétérogénéité récemment caractérisée pour le mRCC et identifiant l’accumulation d’événements oncogéniques représentant autant de pistes thérapeutiques potentielles. Conclusion Les progrès attendus dans la prise en charge des cancers du rein métastatiques à court terme seront une optimisation de la séquence en terme de rythme (délais à l’initiation, pause thérapeutique…) et d’ordre thérapeutique (TKI, mTOR, rechallenge…) avec des molécules les plus performantes et mieux tolérés au sein de chaque famille déjà utilisé. Dans un futur proche, l’émergence de nouvelles classes thérapeutiques dans l’arsenal de traitement représentera une nette avancée pour la prise en charge des patients. Enfin, à moyen terme c’est la caractérisation biologique individuelle et en particulier en phase métastatiques par des stratégies de re-biopsie qui sera à privilégier pour guider nos thérapeutiques. Conflits d’intérêts : aucun RÉFÉRENCES 1. Rini BI, Escudier B, Tomczak P et al.. Comparative effectiveness of axitinib versus sorafenib in advanced renal cell carcinoma (AXIS): a randomised phase 3 trial. Lancet. 2011 Dec 3;378(9807):1931-9 2. Brian I. Rini, Viktor Grünwald, Mayer N. Fishman, et al. Axitinib for first-line metastatic renal cell carcinoma (mRCC): Overall efficacy and pharmacokinetic (PK) analyses from a randomized phase II study. ASCO 2012- 4503 Oral Abstract Session. 3. Sadeghi S, Albiges L, Wood LS, Black SL, Gilligan TD, Dreicer R, Garcia JA, Escudier BJ, Rini BI.Cessation of vascular endothelial growth factor-targeted therapy in patients with metastatic renal cell carcinoma: Feasibility and Clinical Outcome. Cancer. 2011 Dec 2. doi: 10.1002/cncr.26666. 4. R. A. Fisher, A. Pender, K. Thillai et al. Observation prior to systemic therapy in patients with metastatic renal cell carcinoma in the kinase inhibitor era. J Clin Oncol 29: 2011 (suppl; abstr 4630) 5. E. Angevin, C. Lin, A. U. Pande, et al.A phase I/II study of dovitinib (TKI258), a FGFR and VEGFR inhibitor, in patients (pts) with advanced or metastatic renal cell cancer: Phase I results. J Clin Oncol 28:15s, 2010 (suppl; abstr 3057) 6. Choueiri TK, Vaishampayan UN, Rosenberg JE, et al. A phase II and biomarker study (MET111644) of the dual Met/VEGFR-2 inhibitor foretinib in patients with sporadic and hereditary papillary renal cell carcinoma:Final efficacy,safety,and PD results.J Clin Oncol 2012;30 (suppl 5; abstr 355). 7. Toni K. Choueiri, Sumanta Kumar Pal, David F. McDermott et al. Efficacy of cabozantinib (XL184) in patients (pts) with metastatic, refractory renal cell carcinoma (RCC). ASCO 2012, Abstract N°4504, Oral Abstract Session. 8. Varela I, Tarpey P, Raine K, et al. Exome sequencing identifies frequent mutation of the SWI/SNF complex gene PBRM1 in renal carcinoma. Nature. 2011 Jan 27;469(7331):539-42. 9. Dalgliesh GL, Furge K, Greenman C, et al. Systematic sequencing of renal carcinoma reveals inactivation of histone modifying genes. Nature. 2010 Jan 21;463(7279):360-3. Soins de support Douleurs neuropathiques chroniques : synthèse de le Société française d'Etude et Traitement de la Douleur E r wa n Tr e i l l e t - e plus en plus d'actualité, les douleurs neuropathiques sont parfois un casse tête pour le praticien en consultation. Elles sont fréquentes: dans la population française adulte, 7% se dit atteint par ce type de douleur soit un quart des douloureux chroniques [1],et elles représentent 35 à 50%de la population des patients douloureux atteints de cancer [2]. Pourtant de nombreux outils et des recommandations claires sont disponibles, et notamment récemment, les recommandations de la SFETD en 2010 dans douleurs [3]. D Le diagnostic La définition internationale en vigueur depuis 1994 est celle de l'IASP: "douleur initiée ou causée par une lésion primitive ou un dysfonctionnement du système nerveux". Les manifestations cliniques en sont continues : brûlures, froid douloureux, ou paroxystiques (décharges électriques) Pour le diagnostic, il existe un outils de dépistage de forte sensibilité et de forte spécificité (sensibilité à 82,9 % et spécificité à 89,9 % pour une valeur seuil ≥ 4/10) [4] : le DN4 (Douleur Neuropathique en 4 questions) (Tableau 1). Assistant Spécialiste, Hôpital Lariboisière, Paris Il est classiquement décrit des caractéristiques accompagnant ces douleurs soit positives : allodynie, engourdissement, fourmillement, démangeaisons, picotement, dysesthésie soit négatives : déficit thermoalgique, proprioceptif voire moteur. A retenir • Ne pas hésiter à utiliser les questionnaires validés. • Utiliser une échelle catégorielle, numérique ou visuelle, la même tout au long du suivi. • Déterminer quel symptôme est le plus gênant Tableau 1 Le traitement Pour l'évaluation et le suivi de ces douleurs, des outils ont récemment été validés [5] . Ils se basent sur l'échelle visuelle analogique, numérique ou visuelle simple; avec comme particularité pour les douleurs neuropathiques une évaluation des accès paroxystiques (intensité/fréquence des décharges électriques)les accès provoqués (allodynie), les paresthésies, etc. qui sont facilement utilisable en consultation (Tableau 2). Le spécialiste pourra utilisé d'autres questionnaires comme le « brief pain inventory » ou le « neuropathic pain symptom inventory » ou le « neuropathic pain scale ». Il peut parfois être utile de déterminé quel symptôme de cette sémiologie parfois riche est le plus gênant pour le patient pour choisir la thérapeutique la plus adaptée. Les échelles de soulagement peuvent être une aide dans le suivi (0 à 100% de soulagement) L'enquête lésionnelle et étiologique ne devra pas retarder le traitement. Celuici à l’inverse des pallier 3 n’est pas orienté par l’intensité de la douleur. Le choix des thérapeutiques se fait en fonction du meilleur rapport bénéfice/sécurité d’emploi. La monothérapie est recommandée en première intention, cependant l’association thérapeutique est plus efficace et permet de réduire les doses efficaces, ce qui permet d’éviter une non observance due aux effets indésirables fréquents et parfois dose dépendants. Les traitements recommandés en première intention sont : • Les antiépileptiques (gabaline et prégabaline) à instituer à posologie croissante pour vérifier l’innocuité et l’efficacité. Ils sont de très bon antineuropathiques. Leur efficacité est dose dépendante. [5] N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 19 Douleurs neuropathiques chroniques : synthèse de le Société française d'Etude et Traitement de la Douleur Tableau 2 : Eléments importants de suivi en consultation, observation « type » (SFETD) Tableau 3 : Initiation, dose d’entretien et principaux effets indésirables des traitements recommandés en première intention dans la douleur neuropathique 20 N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique Douleurs neuropathiques chroniques : synthèse de le Société française d'Etude et Traitement de la Douleur • Les antidépresseurs tricycliques également très efficace et peu coûteux. Ils présentent de nombreuses contre-indications dues à ses effets anticholinergiques et donc une sécurité d’emploi plus restreinte. Leur effet antidépresseur n’est pas atteint avec les doses nécessaires pour l’effet antalgique (d’autant que celui-ci n’est pas dose dépendant). [5] Il n’existe pas de différence d'efficacité entre ces 2 classes thérapeutiques • La duloxetine antidépresseur ISRNA est également recommandé en 1ère intention, mais surtout pour la polyneuropathie diabétique suite à une méta-analyse subventionnée par le laboratoire [6], avec une restriction pour les patients avec une insuffisance hépatique. renouvellement par médecin traitant) et son gain thérapeutique face au placebo est faible. Les anti-épileptiques bloqueurs des canaux sodiques et potassiques (lamitrigine/Lamictal, topiramate/Epitomax, oxcarbamazépine/Trileptal) sont réservés au spécialiste pour certaines indications, et leur emploi doit être limité devant les risques d’interaction et leur tolérance médiocre. Il existe une utilisation de la neurostimulation transcutanée de manière assez courante notamment pour les douleurs post traumatiques ou diabétiques. La Thérapie Cognitivo-comportementale est également parfois proposée. Recherche Le clonazepam (Rivotril ® ) n’est pas recommandé devant l’absence de preuve de son efficacité même si son utilisation est largement repandue, cette pratique est limitée à l’hexagone ; avec un risque de dépendance ainsi que tous les autres effets indésirables des benzodiazépines. En seconde intention : • Le tramadol, dont l’action est surtout Méthodes nonpharmacologiques Information à donner aux patients lors de la mise en route du traitement : sur l’excès de nociception, fortement indiqué pour les douleurs mixtes peu intenses, avec une adaptation particulière pour les personnes âgées et la surveillance des effets indésirables fréquents. Il faut également être vigilant au syndrome sérotoninergique particulièrement lors de l’association à des ISRS. • Les opioïdes (morphine et oxycodone), dont l’efficacité a été mise en valeur lors du dernier Congrès International de l’IASP [7], ont également une activité anti-neuropathique. Ils sont donc particulièrement indiqués pour les patients cancéreux. Une titration individuelle est à réaliser, pour l’institution du traitement et ils n’échappent pas aux règles de prescription des morphiniques. Cependant, il est préférable de les utiliser en association. Les anti-épileptiques et les antidépresseurs tricycliques sont recommandés en 1 ère intention, leur initiation doit être progressive devant les effets indésirables fréquents. Le choix doit être guidé par leur sécurité d’emploi et les posologies adaptées à la fonction rénale. Cas particuliers : Les emplâtres de lidocaïne trouvent leur place dans le traitement de la douleur post zostérienne (AMM). Leur avantage est une bonne tolérance, cependant l’initiation du traitement ne peut être que par un médecin hospitalier (avec Les associations permettent des doses plus faibles et doivent inclure un des traitement de 1 ère intention au moins (ex : AT/AE, opiacés/AE, emplâtres de lidocaïne/AE ou AT) Le clonazepam n’est pas recommandé. • Traitement utilisé dans d’autres indications, mais aussi à visée antalgique, délai d’action parfois retardé, à prendre en systématique. • Effets indésirables et leur réversibilité (d’ou l’augmentation progressive). • Parfois plusieurs traitements successifs sont nécessaires. A retenir Plusieurs thérapeutiques sont en essai ou non-accessibles de manière courante. La stimulation magnétique transcrânienne semble efficace au moins à court terme. La neurostimulation médullaire ou du cortex moteur est réservée aux centres spécialisés en cas d’échec des autres traitements. L’analgésie intrathécale (morphine, clonidine, et surtout prial) peut être une alternative aux douleurs neuropathiques réfractaires invalidantes. Les Douleurs Neuropathiques sont fréquentes et facilement accessibles à un traitement, l’initiation peut être faite par un non spécialiste. Encore faut-il savoir les déceler. Conflits d’intérêts : aucun RÉFÉRENCES [1] Bouhassira D, Lantéri-Minet M, Attal N, et al (2008) Prevalence of chronic pain with neuropathic characteristics in the general population. Pain 136:380-7 [2] Manfredi PL, Gonzales GR, Sady R, Chandler S, Payne R.Neuropathic pain in patients with cancer.J Palliat Care 2003; 19: 115-8. [3] Douleurs (2010) 23:1-16 [4] Bouhassira D et al. Comparison of pain associated with nervous somatic lesions and development of a new neuropathic pain diagnostic questionnaire (DN4). Pain 2005;114:29-36. [5] Les douleurs neuropathiques chroniques :diagnostic, évaluation, traitement en médecine ambulatoire. Recommandation pour la pratique clinique de la Société Française d’Étude et deTraitement de la Douleur Douleur analg. (2010) 23:1-16 [6] Quilici S, Chancellor J, Löthgren M, et al (2009) Metaanalysis of duloxetine versus pregabalin and gabapentin in the treatment of diabetic peripheral neuropathic pain. BMC Neurology 9:6 [7]TroelsStaehelinandal.PainManagementofNeuropathic. Pain 2010-An refresher Course Syllabus;283-290 N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 21 Gy n é c o - o n c o La grossesse après un cancer du sein ? Le point en 2012 Pa u l B e r v e i l l e r (1,2) , Olivier Mir (2,3) , Roman Rouzier (1,4) 1 : Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Saint-Antoine, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, Université Pierre et Marie Curie, Paris. 2 : Réseau « Cancers Associés à la Grossesse » - CALG - www.cancer-et-grossesse.fr 3 : Service de Cancérologie Médicale, Groupe Hospitalier Cochin – Saint Vincent de Paul, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, Université Paris Descartes, Paris. 4 : Département de Gynécologie-Obstétrique et de Médecine de la Reproduction, Hôpital Tenon, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, Université Pierre et Marie Curie, Paris Introduction Le cancer du sein représente environ un tiers des cancers touchant les femmes en âge de procréer (1). Ce cancer est de nos jours habituellement diagnostiqué à des stades précoces (2), et l’on a assisté ces dernières années à une amélioration notable de l’arsenal thérapeutique accompagné de nettes retombées sur l’amélioration de son pronostic. Cependant, la survenue d’un cancer, a fortiori chez des femmes jeunes, reste un évènement dramatique, qui en plus de provoquer des conséquences esthétiques et psychologiques, peut aboutir à des répercussions sur la fertilité ultérieure, problématique de taille chez ces patientes. En effet, compte tenu de l’âge progressivement croissant des premières grossesses (3) , la survenue de grossesses après cancer du sein voit sa fréquence augmentée de manière similaire. On estime ainsi que 10 à 15% des patientes en âge de procréer auront une grossesse après avoir été traitées auparavant pour un cancer du sein (4,5). Les questions soulevées par la survenue ou la planification d’une grossesse après un cancer du sein sont nombreuses et complexes. L’objectif de cet article est donc de réaliser un point des connais- 22 sances sur la thématique de la grossesse chez les patientes ayant été auparavant traitées pour un cancer du sein, aussi bien en termes de fertilité future, de récidive et de pronostic de la maladie cancéreuse, qu’en termes de connaissance sur le délai minimal avant une prochaine grossesse, l’allaitement ou le devenir des enfants issus de ces grossesses. Fonction ovarienne et fertilité des patientes traitées pour un cancer du sein Lors de la découverte d’un cancer invasif du sein chez des femmes en âge de procréer, le traitement qui est mis en place est volontiers multimodal (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie), et peut altérer la fertilité des patientes qui en bénéficient. > Concernant le traitement chirurgical, qu’il soit conservateur ou radical, il n’y a pas de donnée dans la littérature qui retrouve un rôle négatif de ce dernier sur la fertilité ultérieure (6) . Ceci est N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique expliqué par le fait qu’une intervention supra-diaphragmatique n’a pas de répercussion sur la vascularisation des annexes (vascularisation d’origine rétropéritonéale), et ainsi pas d’impact sur la fertilité. > Concernant la radiothérapie adjuvante, de la même manière que la chimiothérapie, elle présente des effets secondaires sur la fertilité qui sont âgeet dose-dépendants. Cependant, le fait que le champ d’irradiation dans les cancers du sein ne concerne aucunement la région pelvienne, il y a fort à penser que les répercussions sur la fonction ovarienne sont négligeables voire inexistants (6). En effet, même lors d’irradiations pelviennes directes jusqu’à 5 Gy, la fonction ovarienne est respectée (7,8). > Concernant la chimiothérapie : depuis les années 70, la chimiothérapie s’est révélée être une pierre angulaire du traitement du cancer du sein, en aboutissant à une amélioration nette de la survie des patientes traitées (9). Cette toxicité recherchée sur les cellules cancéreuses s’associe de manière inexorable à une toxicité sur les tissus sains, y compris les cellules germinales qui partagent La grossesse certaines caractéristiques fonctionnelles, et cytologiques avec les cellules cancéreuses. De plus, les drogues utilisées vont atteindre indifféremment les cellules de la granulosa et les cellules thécales, mais aussi les ovocytes, ayant pour conséquence une diminution prématurée de la réserve ovarienne et une ménopause précoce (10) . La toxicité ovarienne peut se présenter de deux façons : apparition d’une aménorrhée transitoire (qui peut durer plusieurs mois et dans certains cas plus d’une année), ou survenue d’une aménorrhée définitive. Cette toxicité ovarienne est difficilement prévisible car elle est dépendante de plusieurs facteurs que sont l’âge de la patiente au moment du traitement, les drogues et les doses utilisées, ainsi que la durée du traitement (10-13). L’âge de la patiente étant un facteur déterminant : à titre d’exemple, pour le cyclophosphamide, drogue majeure du traitement du cancer du sein, il a été montré que la dose cumulée nécessaire pour induire une aménorrhée à une femme de 40 ans correspondait à un quart de la dose nécessaire pour une femme de 20 ans (14). Si l’on prend l’exemple de l’association la plus utilisée en France, 5-fluorouracil, épirubicine, cyclophosphamide (FEC), la réserve ovarienne est effondrée dans 10 à 25% des cas des patientes de moins de 40 ans, alors que celle-ci est atteinte dans 80 à 90% des cas chez les femmes de plus de 40 ans (15). Dès lors, au vu des données de la littérature, le seuil critique de l’âge des patientes concernant la fonction ovarienne se situerait aux environs de 35 à 40 ans. La fertilité ultérieure des patientes ayant un cancer du sein va également dépendre des agents anticancéreux qu’elles vont recevoir, des doses utilisées et de la durée des traitements. En effet, chaque médicament anticancéreux n’a pas le même spectre de toxicité gonadique. après un cancer du sein ? Pour le FEC (5-fluorouracile, épirubicine et cyclophosphamide), les données sur la fertilité sont très différentes en fonction de chaque drogue utilisée. Pour le 5-fluorouracile, il semble que ses conséquences sur la fertilité soient minimes et plutôt rassurantes (16). Pour l’épirubicine, le profil de toxicité sur la fonction ovarienne semble favorable (17). Enfin, pour le cyclophosphamide, il a été clairement démontré que la toxicité gonadique est majeure (16,18). En ce qui concerne les autres chimiothérapies utilisées dans le cancer du sein, les associations à base de taxanes (paclitaxel et docetaxel confondus) semblent avoir des répercussions plus importantes sur la fertilité comparées aux associations de type FEC, 30 à 60% de taux d’aménorrhée contre 10 à 30% respectivement (1). Concernant les thérapies ciblées de type anti-Her2 (trastuzumab), il n’y a pas de donnée sur ses répercussions potentielles sur la fertilité (1,6). Le dernier facteur conditionnant la perte de la réserve ovarienne réside dans la durée du traitement employé (et la dose ainsi cumulée). Plus la dose cumulée est importante, plus la fonction ovarienne est atteinte (6). A titre d’exemple, pour une dose unique de cyclophosphamide, le taux d’aménorrhées induites atteint 10%, alors qu’après 12 mois de traitement 60% des femmes présentent ce tableau (10). > En ce qui concerne les traitements hormonaux de type tamoxifène, les données de la littérature sont plutôt en faveur d’un très bon profil de toxicité gonadique (13) lorsqu’il est utilisé seul, et son utilisation doit être favorisée (moyennant une indication médicale bien établie). Il est cependant à noter que le tamoxifène est tératogène chez l’animal, et son utilisation doit être systématiquement associée à une contraception efficace. Le point en 2012 Pour conclure ce chapitre, il apparaît assez évident que pour une jeune patiente présentant un cancer du sein et désireuse potentiellement d’une future grossesse, le choix des chimiothérapies s’avère capital. Le praticien devra donc opter pour les molécules présentant le meilleur ratio « efficacité / risque d’infertilité » en fonction des données disponibles dans la littérature. Compte tenu des troubles futurs de fertilité que risquent des patientes jeunes atteintes de cancer du sein, il est à noter que le praticien a à sa disposition des méthodes de préservation de la fertilité. La Fécondation In Vitro (FIV) avec congélation d’embryons est la technique la plus employée actuellement (1) . Elle nécessite au préalable une stimulation ovarienne qui sera réalisée après le traitement chirurgical mais avant l’administration de la chimiothérapie. Cette stimulation ovarienne pose le problème des taux d’œstradiol qui peuvent atteindre des valeurs importantes, faisant courir le risque d’une croissance tumorale. Plusieurs protocoles ont été étudiés afin de diminuer ces taux d’œstradiol, en utilisant du tamoxifene ou du létrozole (hors AMM), mais les résultats restent discutables et d’autres études sont nécessaires afin de conclure à leur parfaite inocuité (1). La congélation d’ovocyte est aussi une technique intéressante, nécessitant également une stimulation ovarienne et générant le même type de problème que la FIV. Le taux de succès (grossesses vivantes) semble proche de 2% par ovocyte décongelé (19). La congélation de cortex ovarien est une technique également séduisante (moins d’une dizaine de naissances vivantes publiées), mais des données complémentaires restent de mise afin de mieux évaluer cette technique très récente. N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 23 La grossesse Influence de la grossesse après cancer du sein sur le pronostic de la maladie cancéreuse Pour mémoire, les œstrogènes jouent un rôle très important dans la carcinogénèse, et l’on assiste lors de la grossesse à une augmentation considérable de leurs taux plasmatiques. Dès lors il était, et il est toujours légitime de se poser la question du rôle potentiel d’une grossesse sur le risque de récidive du cancer du sein et donc, du pronostic de ce dernier. Jusqu’à la fin des années 60, le problème des grossesses après cancer du sein se posait de façon tout à fait anecdotique, jusqu’à la publication de Peters et coll. en 1968 où ils suggéraient que la survenue d’une grossesse pourrait être bénéfique en termes de survie des patientes (20). À la suite de cette publication qui présentait malgré tout des biais notables, le nombre de grossesses après cancer du sein a considérablement augmenté. Les données disponibles dans la littérature sont en grande majorité rétrospectives et leurs conclusions contradictoires. Cependant si l’on s’intéresse aux publications les plus importantes et les plus récentes, les résultats sont plutôt rassurants. En effet, la plupart des études semblent montrer une absence de surrisque, voire même un bénéfice à entamer une grossesse après un cancer, avec des survies à 5 ans plus importantes comparées aux patientes sans antécédent de cancer (21-28) . Les principales méta-analyses quant à elles, confirment, soit un bénéfice en termes de survie chez les patientes enceintes après un cancer du sein, soit une absence de bénéfice significatif (29-30) . Il faut rappeler que la plupart de ces études présentent non seulement des biais dus au caractère rétrospectif des analyses, mais aussi d’autres biais qui 24 après un cancer du sein ? consistent à uniquement autoriser les patientes ayant les cancers de meilleur pronostic à avoir une grossesse (healthy mother effect) (28). Tout ceci peut certes rendre l’interprétation des données délicate, cependant la plupart des publications semblent aller au moins dans le sens d’une non-aggravation du pronostic, voire une amélioration de ce dernier. Face à ces données, il devient légitime de ne pas décourager une patiente désireuse d’une grossesse après un cancer du sein, sans pour autant l’encourager tant que des études prospectives de large envergure ne soit publiées. Délai avant une grossesse ultérieure Le délai entre la fin du traitement du cancer du sein et la survenue d’une grossesse ne semble pas influencer le pronostic de la maladie cancéreuse (20,27). Cependant, il faut noter que chez les patientes présentant un cancer du sein avec récepteurs hormonaux négatifs (RH-), 95% des récidives avaient lieu dans les 5 ans (31) . Pour les patientes avec une tumeur présentant des récepteurs hormonaux positifs (RH+), seulement 50% des récidives avaient lieu dans les 5 ans, et 50% ont lieu après. Ceci rend difficile le conseils de ces patientes, chez qui le traitement par tamoxifène doit être réalisé pendant 5ans, sous peine d’accentuer le risque de récidive. Compte tenu de ces résultats, il semble légitime de proposer un délai de 2 à 3 ans avant la grossesse pour les patientes RH- 31, et plutôt 5 ans pour les patientes sous tamoxifène. Cependant, il est possible d’autoriser l’arrêt du tamoxifène et la mise en route d’une grossesse avant 5 ans (2-3 ans), mais une information loyale (perte de la moitié des bénéfices du tamoxifène) doit être délivrée à la patiente. De même, cette N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique Le point en 2012 décision doit être validée par une réunion de concertation pluridisciplinaire. Bilan à réaliser lors de la planification de la grossesse Suivi de la grossesse Avant de débuter une grossesse, on proposera à la patiente un bilan complet d’extension du cancer. Celui-ci comporte sur le plan local un examen clinique par palpation des seins, une mammographie, une échographie mammaire associée ou non à une imagerie par résonance magnétique mammaire (1) . Sur le plan général à distance, une échographie hépatique, une radiographie de thorax, ou bien un scanner thoracoabdomino-pelvien pourront être réalisés, voire un PET-scan (1). Il est à noter qu’un bilan post-chimiothérapie est très utile, notamment pour les patientes ayant bénéficié auparavant d’une combinaison de chimiothérapies à base d’anthracyclines ou d’une radiothérapie externe. Une échographie cardiaque avec évaluation de la fonction du ventricule gauche est donc systématique compte tenu du risque d’insuffisance cardiaque en relation avec la grossesse (1). Surveillance pendant la grossesse La surveillance pendant la grossesse est assez simple mais stricte, puisqu’elle consiste en des examens réguliers des seins par palpation mammaire. En effet, les taux d’œstrogènes augmentant de manière importante pendant la grossesse, une récidive tumorale mammaire peut croître de manière considérable dans un laps de temps court. La grossesse Sur le plan paraclinique, aucun examen ne semble indispensable, sauf dans le cas où une anomalie serait détectée à l’examen clinique (1). Il n’y a a priori pas de nécessité de réaliser un caryotype fœtal malgré les antécédents de chimiothérapie administrée à la mère (32,33). D’autres auteurs n’écartent pas l’éventualité de dommages chromosomiques malgré des résultats pourtant rassurants (34). Allaitement Après mastectomie totale, l’allaitement reste possible avec le sein controlatéral (24). Après un traitement chirurgical conservateur suivi d’une radiothérapie externe, le sein n’est plus fonctionnel en règle générale (35,36). Si un traitement chirurgical conservateur a été réalisé et que le sein controlatéral a bénéficié d’une plastie de symétrisation, l’allaitement maternel est déconseillé car il y a un risque d’altération du résultat esthétique (37). Pour les patientes qui désirent allaiter, il est judicieux de leur conseiller de raccourcir la durée de l’allaitement afin de remettre en place un suivi sénologique adapté dans les plus brefs délais (1). Devenir des enfants Les données disponibles dans la littérature, bien que contradictoires, semblent malgré tout rassurantes. Dalberg et coll. rapportaient des résultats rassurants pour la plupart des enfants, mais ils trouvaient cependant que ces patientes présentent un sur-risque d’accouchement par césarienne, d’accouchement prématuré avant 32 semaines d’amé- après un cancer du sein ? norrhée (odds ratio : 3.2), de petit poids de naissance inférieur à 1500 grammes (odds ratio : 2.9) et une tendance statistique à un nombre de malformations augmenté (odds ratio : 2.1) (38). D’autres articles confirment ces tendances à un accouchement prématuré ou à un petit poids de naissance (39,40). D’autres auteurs se veulent plus rassurants en étudiant le devenir de 216 enfants nés de mère ayant pour antécédent un cancer du sein, à partir de l’analyse d’un registre avec contrôles. Comparés à 33 443 enfants « témoins », ils ne retrouvaient pas de différence aussi bien sur le terme d’accouchement, de poids de naissance, de malformations (41). Aucune différence ne fut trouvée malgré une stratification sur le traitement reçu par la mère. Le praticien devra donc réserver à ces patientes une surveillance potentiellement plus serrée compte tenu de ces données certes rassurantes, mais qui restent pour le moment contradictoires et encore mal étayées scientifiquement. Le point en 2012 Le suivi gynéco-obstétrical de ces patientes doit être serré compte tenu du risque potentiel de récidive, et des risques de prématurité et de petits poids de naissance. La grossesse après un cancer du sein est donc possible mais elle nécessite que les patientes soient clairement informées des tenants et aboutissants de la situation (fertilité, pronostic de la maladie cancéreuse, planification et suivi de la grossesse, devenir des nouveaux-nés). Le suivi de ces patientes devra se faire dans un contexte multidiciplinaire afin de leur apporter l’information la plus claire sur les différentes étapes que représentent une grossesse, a fortiori après un cancer du sein. Conflits d’intérêts : aucun Bibliographie sur demande : [email protected] Conclusion La planification d’une grossesse chez des patientes aux antécédents de cancer du sein n’est plus une situation exceptionnelle. La chimiothérapie pose des problèmes de fertilité future dont les facteurs de risque sont bien établis et pour certains contrôlables. Chez les patientes qui présentent une altération irrémédiable de leur fonction ovarienne, des techniques de préservation de la fertilité existent et sont accessibles de nos jours. Concernant le pronostic du cancer lors des grossesses ultérieures, à la lumière de la littérature, les données semblent rassurantes, sans effet notable sur le pronostic de la maladie cancéreuse. L’essentiel à retenir Grossesse après cancer du sein : • Situation de plus en plus fréquente • Information claire de la patiente • Fertilité mise en jeu, dépendante de facteurs de risque connus • Possibilité de protocole de préservation de la fertilité • Pas de sur-risque évident de récidive lors d’une grossesse • Délai entre traitement du cancer et future grossesse à respecter • Bilan d’extension avant la grossesse • Suivi spécialisé multidisciplinaire • Allaitement non contre-indiqué • Devenir des enfants plutôt rassurant N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 25 Savoir Prescrire Savoir Prescrire … le Jevtana® dans le traitement du cancer de la prostate métastatique résistant à la castration et après Taxotère Marine Gross-Goupil - Service d’Oncologie Médicale, Hôpital Saint-André, Centre Hospitalo-Universitaire Bordeaux i le cancer de la prostate est resté longtemps considéré comme une tumeur peu chimiosensible, le développement du docétaxel est venu bousculer ces idées reçues. Ainsi, grâce aux bénéfices thérapeutiques rapportés dans les essais TAX 327 et SWOG 9916, dés 2004, le docétaxel est venu intégrer l’arsenal thérapeutiqueducancerdelaprostate métastatique réfractaire à la castration (1,2). Plus récemment, un nouveau cytotoxique est venu rejoindre la liste des agents thérapeutiques, le cabazitaxel (Jevtana®). Lecabazitaxelappartientàlafamilledestaxanes. Son activité est médiée par la liaison aux microtubules,inhibantladépolymérisationdufuseau mitotique et de fait bloquant la cellule tumorale en mitose. Il s’agit cependant d’un taxane de nouvelle génération, extrait des aiguilles d’Ifs. In vitro, la molécule s’est révélée comme un « super-taxane » efficace sur des lignées cellulaires devenues résistantes après exposition au docétaxel et/ou paclitaxel (3). S Pharmacologie Clinique Après administration intra-veineuse, la concentration maximale du cabazitaxel est atteinte dés la fin de l’heure de perfusion. In vitro, la liaison du cabazitaxel aux protéines sériques humaines était de 89-92%, en particulier lié à l’albumine. (4) Le métabolisme du Jevtana® est hépatique (> 95%), en particulier par l’isoenzyme du Cytochrome P3A4 (80 à 90%). Aucune étude d’interaction n’a été réalisée. Environ 80% de la dose administrée après 1 heure de perfusion est éliminée en moins de 2 semaines. La demi-vie de la molécule est de 95 heures. Le cabazitaxel est principalement éliminé dans les féces en nombreux métabolites (76% de la dose); tandis que l’excrétion rénale du cabazitaxel et de ses métabolites représente moins de 4% de la dose. Aucune étude spécifique de population aux fonctions hépatiques altérées, n’a été réalisée. Cependant du fait de son métabolisme, une 26 augmentationdel’expositionpeutêtreattendue en cas d’insuffisance hépatique. Aucune modification de la pharmacocinétique n’a été mise en évidence chez les patients âgés de plus de 65 ans, ainsi que de 75 ans. L’insuffisance rénale, légère à modérée, ne modifie pas les paramètres pharmacocinétiques du cabazitaxel. Indication Le cabazitaxel a obtenu une AMM comme chimiothérapie de deuxième ligne pour le traitement du cancer de la prostate réfractaire à la castration, métastatique et progressif après Docétaxel. Cette autorisation a été obtenue sur la base des résultats de l’essai TROPIC, essai dephaseIIIrandomisémulticentriqueendouble aveugle, ayant porté sur 755 patients atteints de cancer de la prostate métastatique réfractaire à la castration. Le cabazitaxel, à la posologie de 25mg/m2/ 3 semaines en combinaison avec la prednisone de 5mg x 2 / jour en continu a été comparé à la mitoxantrone 12 mg/m2 en combinaison avec la prednisone 5mg x 2 /j en continu. Le Jevtana® a permis d’obtenir un allongement statistiquement significatif de la survie globale, avec un gain de 2,4 mois ; 15,1 mois versus 12,7 mois pour le bras contrôle (p<0,001). (5) Les critères d’efficacité secondaires ont compris la survie sans progression, statistiquement améliorée par le cabazitaxel, 2,8 mois (2,4 -3,0) versus 1,4 mois (1,4 - 1,7), HR (95% IC) 0,74 (0,64 - 0,86), p<0,0001 ; un gain en taux de réponse tumorale 14,4% (95%IC : 9,6 – 19,3) versus 4,4% (95% IC : 1,6 – 7,2) entre bras expérimental et mitoxantrone respectivement, p=0,0005. De même le taux de réponse biologique a été significativement augmenté dans le groupe traité par cabazitaxel, 39,2% (95% IC : 33,9– 44,5) versus 17,8% pour le groupe mitoxantrone (95% IC : 13,7–22,0), p=0,0002. N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique Modalités d’administration Lavoied’administrationduJevtana® estveineuse. La perfusion se fait en secteur ambulatoire. Chaque flacon de 1,5 ml de solution à diluer contient 60 mg de cabazitaxel. Il s’accompagne d’un flacon de solvant de 4,5 ml. Après dilution initiale, la concentration de la solution est donc de 10 mg/ml de cabazitaxel. Une prémédication antiallergique est recommandée, au moins 30 minutes avant l’administration, par voie intra-veineuse associant : • antihistaminique (dexchlorphénamine 5 mg ou diphénhydramine 25 mg ou équivalent) • corticostéroïdes (dexamethasone 8 mg ou équivalent) et • antagoniste H2 (ranitidine ou équivalent). La posologie recommandée de JEVTANA® est 25 mg/m² administrée par perfusion de 1 heure toutes les 3 semaines en association avec 10 mg par jour de prednisone ou prednisolone administréeparvoieorale,7jours/7,durantlatotalité du traitement. Effets secondaires Le profil de toxicité du Jevtana® est relativement proche de celui du docétaxel. Au cours de l’essai TROPIC, les effets indésirables les plus fréquents,chezlespatientstraitésparJevtana®, tousgradesconfondus,ontétél’anémie(97,3%), les leucopénies (95,6%), les neutropénies (93,5%), les thrombopénies (47,4%) et les diarrhées (46,6%). Les effets indésirables les plus fréquents de grade ≥ 3 dans le groupe Jevtana® ont été : neutropénies (81,7%), leucopénies (68,2%), anémie (10,5%), neutropénies fébriles (7,5%), et diarrhées (6,2%). La cause d’arrêt la plus fréquente de la chimiothérapie par cabazitaxel a été la neutropénie. La toxicité neurologique est restée faible avec 8,2% de neuropathies périphériques, de tout grade,et5,4%deneuropathiesensorielle(0,3% de grade 3 et plus). Savoir Prescrire … le Jevtana® dans le traitement du cancer de la prostate métastatique résistant à la castration et après Taxotère Futur >>> En pratique Pour le médecin Avant administration, • bilan biologique pour contrôle leucocytes, neutrophiles, plaquettes, globules rouges, comme pour tout cytotoxique ; réduction de posologie après correction des anomalies en cas de neutropénie de grade 3 prolongée, ou fébrile (20 mg/m2), • contrôle de la fonction hépatique, avec adaptation de posologie et réduction à 20 mg/m2 en cas d’altérations légères, contre-indication en cas d’insuffisance hépato-cellulaire, • absence d’adaptation de posologie nécessaire en cas d’insuffisance rénale légère à modérée, cependant la recherche d’une composante fonctionnelle doit être systématiquement détectée et corrigée devant le risque d’aggravation liée aux diarrhées secondaires au médicament, • évaluation clinique de la toxicité neurologique avec report de cure jusqu’à amélioration et réduction de posologie (20 mg/m2) en cas de neuropathie périphérique de grade 2 et plus, • le risque de diarrhée doit faire l’objet d’une information du patient et d’une éducation sur la nécessité de maintien d’une hydratation suffisante, voire d’une prescription anticipée d’anti-diarrhéiques (smecta, lopéramide) ; réduction de posologie du cabazitaxel en cas de diarrhées de grade 3 et plus, ou prolongées, malgré un traitement adapté, • les réactions d’hypersensibilité restent rares, le plus souvent au cours des deux premières cures, et justifient de l’accès au matériel nécessaire au traitement des bronchospasmes, hypotension et rashs généralisés. Le recours à une prophylaxie primaire par FCH est souhaitable, selon les recommandations internationales(6), en particulier pour les patients âgés de plus de 65 ans, en ou en relatif mauvais état général, ou en cas d’épisodes précédents de neutropénie fébrile ou prolongée (en particulier sous docétaxel), ainsi qu’en cas de champ d’irradiation antérieur extensif, et de mauvais état nutritionnel, ou d'autres facteurs de comorbidités sévères).(6) Les risques d’interactions médicamenteuses, doivent être évalués en cas de co-prescriptions d’inducteurs (phénytoïne, carbamazépine, rifampicine, rifabutine, rifapentine, phénobarbital entre autres...) ou d’inhibiteurs (kétoconazole, itraconazole, clarithromycine, atazanavir par exemple…) de CYP3A. contre indication : vaccin contre fièvre jaune, allergie aux taxanes, ou à un excipient connu, en particulier polysorbate 80. Pour le patient Les recommandations sont celles usuellement faites aux patients sous chimiothérapie, avec la particularité de maintenir une hydratation satisfaisante, de contacter au plus tôt le médecin traitant ou l’équipe médicale en cas de fièvre ou de diarrhées, et/ou de nausées menaçant l’hydratation par voie orale. De plus la consommation de millepertuis en concomittance du traitement est contre indiquée. Au vu de la toxicité hématologique observée au cours de l’essai TROPIC un essai de phase III, PROSELICA, testant deux bras de traitement par cabazitaxel, à 20 mg/m2 et 25mg/m2 toutes les3semaines,ensituationmétastatique,réfractaire à la castration et post-docétaxel est conduit. (7) Enfin, le positionnement du cabazitaxel pourrait être modifié par le futur, sous réserve des résultats de l’essai FIRSTANA, essai de Phase III, testant 3 bras de traitement : cabazitaxel 20mg/m2, 25 mg/m2 et docétaxel 75 mg/m2, en situation de première ligne du cancer de la prostate réfractaire à la castration et métastatique. (8) ■ Références 1.Tannock IF,de Wit R,BerryWR et al. Docetaxel plus prednisone or mitoxantrone plus prednisone for advanced prostate cancer. N Engl J Med. 2004 ; 351 (15) : 1502-12. 2.PetrylakDP,TangenCM,HussainMH,etal.Docetaxeland estramustine compared with mitoxantrone and prednisoneforadvancedrefractoryprostatecancer.NEnglJMed. 2004 ;351(15):1513-20 3. Bissery C, Bouchard H, Riou JF, et al. Preclinical evaluation of TXD258, a new taxoid. Proc Am Assoc Cancer Res 2004 ;41 :214. 4. http://ec.europa.eu/health/documents/communityregister/2011/2011031798490/anx_98490_fr.pdf 5.De Bono JS,Oudard S,Ozguroglu M et al.TROPIC investigators. Prednisone plus cabazitaxel or mitoxantrone for metastatic castration-resistant prostate cancer progressing after docetaxel treatment :a randomised open-label trial. Lancet 2010. 376(9747) : 1147-54. 6. Aapro MS, Bohlius J, Cameron DA, et al. 2010 update of EORTCguidelinesfortheuseofgranulocyte-colonystimulatingfactortoreducetheincidenceofchemotherapy-induced febrile neutropenia in adult patients with lymphoproliferative disorders and solid tumours. Eur J Cancer. 2011 Jan;47(1):8-32. 7. http://clinicaltrials.gov/show/NCT01308580 8. http://clinicaltrials.gov/show/NCT01308567 N°53 - Tome 9 - mai/juin 2012 - RéfleXions en Médecine Oncologique 27