Newsletter - Schellenberg Wittmer

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Newsletter - Schellenberg Wittmer
Avocats
N o v e mb r e 2 0 1 2
Newsletter
Auteurs:
Madeleine Simonek
Michael Nordin
MERGERS & ACQUISITIONS / TA X
Debt Push-Down
Structure d’acquisition avec déduction fiscale des intérêts?
La structure d’acquisition typique d’une société cible suisse par une société acquéreuse avec une
fusion subséquente, et le Debt Push-Down qui en résulte, est sujette en Suisse à des restrictions selon
lesquelles les intérêts sur les fonds étrangers après fusion ne sont pas, en partie ou entièrement, fiscalement déductibles. La présente contribution vise à exposer des variantes tirées de la pratique permettant de minimiser les désavantages encourus.
1. F O N D E M E N TS D ’ U N E ST R U CT U R E D ’A C Q U I S I T I O N AV E C D E B T P U S H - D O W N
1.1Introduction
Un des facteurs de réussite des transactions M&A est une
structure d’acquisition et de financement adéquate. Lors
d’un achat d’une entreprise financé par un maximum de
fonds étrangers (fonds de tiers), pour lequel le rendement
des actifs dépasse les intérêts des capitaux empruntés, survient, un effet de levier (Leverage), induisant une augmentation substantielle du rendement des capitaux propres. Pour
cette raison, l’investisseur tente, par exemple dans les cas
d’un LBO ou d’un MBO principalement, d’atteindre un
maximum de financement par des fonds empruntés, considérant également le risque accru d’insolvabilité ainsi que la
réduction de la marge de manœuvre stratégique et la baisse
de la flexibilité financière.
1.2Fondements
Pour procéder à un Debt Push-Down, l’investisseur constitue dans un premier temps une société d’acquisition avec
personnalité juridique propre ("NewCo"), qui acquiert la
société cible. L’investisseur verse le financement nécessaire
pour acquérir une participation dans la NewCo et accorde
si nécessaire des prêts d’actionnaires. Puis, pour financer
l’acquisition, la société d’acquisition emprunte le plus souvent des fonds de tiers sous forme de crédits bancaires.
Avec cette structure, l’investisseur se trouvant derrière la
société d’acquisition exclut en principe une responsabilité
pour les fonds étrangers accordés à la société d’acquisition;
il s’agit d’un cas de non-recourse financings.
Les fonds nécessaires à l’amortissement du capital emprunté et
au paiement des intérêts incombe à la société cible qui, contrairement à la société d’acquisition, exploite une entreprise.
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Idéalement, la société d’acquisition et la société cible sont
fusionnées suite à l’opération d’acquisition afin que le
flux de trésorerie opérationnel de la société cible puisse être
utilisé directement pour le paiement des intérêts et le remboursement de la dette.
Dans ce contexte, se pose la question en Suisse de savoir si,
en rapport avec l’impôt sur le bénéfice, les autorités fiscales
admettent la déduction des intérêts en tant que dépense
déductible.
ne sont pas exigées. En outre, la société absorbante peut
reprendre les pertes non encore compensées de la société
absorbée et les compenser dans le cadre des exigences légales
avec ses propres bénéfices futurs. Selon la pratique fiscale,
sont réservés les cas d’évasion fiscale, notamment les cas
dans lesquels une société surendettée participe à une fusion.
L’absorption d’une société fille obéit aux mêmes règles fiscales. De plus, un bénéfice de fusion ou une perte de fusion
peut être réalisé lorsque la valeur comptable de la participation à la société cible dans le bilan de la société d’acqui2 .CO N S É Q U E N C E S F I SC A L E S D ’ U N D E B T P U S H - D o wn sition et l’excédent de l’actif comptable de la société absorbée ne sont pas égaux.
( Sel o n la prat ique de s au t o ri t é s fi s c ale s)
2.1 Effets fiscaux de la déduction des intérêts avant un Debt Push-Down
Les intérêts sur fonds étrangers que doit payer la société
d’acquisition sont généralement fiscalement déductibles.
Les dispositions relatives aux fonds propres dissimulés
représentent toutefois une limite: les intérêts sur cette partie du capital emprunté détenu par des personnes apparentées ne sont pas déductibles.
"La déduction des intérêts sur les fonds
étrangers auprès de la société d’acquisition
n’a pas d’impact fiscal."
Indépendamment de cela, la déduction des intérêts sur les
fonds étrangers auprès à la société d’acquisition n’a pas
d’impact fiscal: d’une part, la société d’acquisition réalise
habituellement les conditions de la réduction de participation en ce qui concerne les dividendes et les gains en capital sur les participations, tant pour l’impôt fédéral direct
que pour l’impôt cantonal sur le bénéfice et, d’autre part,
elle n’est souvent pas redevable, en sa qualité de société de
holding, de l’impôt cantonal sur le bénéfice. Cette situation ne se présente pas en cas de fusion de la société d’acquisition avec la société cible.
2.2Conséquences fiscales d’une fusion avec Debt Push-Down
Les caractéristiques principales d’une fusion sont le transfert de tous les actifs et passifs d’une société à une autre
société (absorbante) et la dissolution simultanée de la
société absorbée. L’absorption d’une filiale est admissible
sous l’angle du droit civil à des conditions allégées et ne
génère ni échange d’actions ni dédommagement.
Une fusion de la société d’acquisition avec la société cible
peut être accomplie en principe en neutralité fiscale selon
le droit suisse en matière de restructuration d’entreprises.
A cette fin, il est nécessaire que:
- l’assujettissement en Suisse soit maintenu, et que
- les dernières valeurs déterminantes pour l’impôt sur le
bénéfice soient reprises.
Ces exigences peuvent être généralement réalisées sans
encombre. D’autres conditions spécifiques à la transaction
Lors de l’absorption de la société cible acquise, qui fait
suite à court ou moyen terme à l’acquisition, il résulte habituellement une perte de fusion, en raison du prix payé par
la société d’acquisition généralement plus élevé que l’excédent des actifs comptables de la société cible absorbée.
Dans de nombreux cas, il ne s’agit en réalité que d’une
perte improprement dite, qui est compensée par les
réserves latentes et le goodwill de la société cible. Aussi
lorsque la perte improprement dite de fusion est portée à
l’actif et amortie en tant que goodwill, les amortissements
ne seront pas acceptés en déduction selon la pratique fiscale. Il s’agit donc d’une correction dans le bilan fiscal.
"Généralement, selon la pratique des cantons, la non-reconnaissance de la déductibilité fiscale des intérêts s’appuie sur la
théorie de l’évasion fiscale."
En ce qui concerne la déductibilité des intérêts de la dette,
ce qui a été en principe dit sur la fusion au point 2.1 est
aussi valable: les intérêts des fonds étrangers restent aussi
après fusion des charges justifiées par l’usage commercial
et doivent par conséquent être déductibles, dans la mesure
où ils ne se représentent pas des fonds propres dissimulés.
Une grosse majorité des autorités fiscales cantonales
refusent cependant d’accepter la déduction des intérêts
sur les fonds étrangers à la suite d’une fusion par absorption dans les cas où la société d’acquisition a été spécifiquement créée aux seules fins d’acquérir la société cible.
Certains cantons refusent d’accepter la déduction complète jusqu’à l’amortissement des prêts de financement et
d’autres pendant un délai allant jusqu’à 5 ans après la
fusion. Généralement, selon la pratique des cantons, la
non-reconnaissance de la déductibilité fiscale des intérêts
s’appuie sur la théorie de l’évasion fiscale.
2.3Evasion fiscale
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, il y a
évasion fiscale lorsque
> La forme juridique choisie par la personne soumise à
l’impôt apparaît comme insolite ou inappropriée, en
tout cas totalement inadaptée aux conditions économiques,
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> il faut admettre que le choix a été fait abusivement, dans
le but d’économiser des impôts qui auraient été dus si
les rapports de droit avaient été aménagés de façon
appropriée,
turellement aux créanciers de la société cible. La fusion
empêche par conséquent les problèmes d’assistance financière qui se produisent lorsque les créanciers de la société
absorbante obtiennent des sûretés de la société cible.
> le procédé choisi conduirait effectivement à une diminution d’impôts notable, s’il était admis par l’autorité
fiscale.
2.4Conséquences fiscales pour le vendeur
Si ces trois conditions sont remplies, selon la pratique
constante du Tribunal fédéral, une fiction prend place,
c’est-à-dire que sera prise comme base pour la taxation la
situation qui aurait été adéquate et qui aurait correspondu
au but économique visé par la personne soumise à l’impôt.
L’évasion fiscale s’appuie sur l’interdiction de l’abus de
droit et peut, au regard de sa définition large qui se trouve
en conflit avec les principes fondamentaux de la sécurité
du droit et de la légalité, entrer en jeu seulement dans des
cas exceptionnels et clairement contraires au sens de la justice. En outre, elle demande un examen au cas par cas, qui
s’appuie sur une appréciation de l’ensemble des circonstances.
Dans de nombreux cas d’acquisition avec un Debt PushDown, il existe plusieurs motifs non fiscaux pour structurer
une acquisition avec un véhicule d’acquisition qui fusionne
ensuite avec la cible. La raison primaire pour l’utilisation
d’une société d’acquisition nouvellement fondée est sans
aucun doute l’isolement de la responsabilité pour l’investissement global. Au regard des financements d’acquisitions
internationales, on constate qu’une acquisition avec financement direct par l’investisseur sont très peu courants.
Après l’exécution de l’acquisition, la société absorbante a
atteint son but. Pour la limitation de la responsabilité vers le
haut, il suffit que la société cible soit et reste une personne
morale autonome avec sa propre personnalité juridique.
Dès lors, il apparaît évident de fusionner la société d’acquisition à présent inutile avec la société cible.
"Dans de nombreux cas d’acquisitions
avec un Debt Push-Down, il existe plusieurs motifs non fiscaux pour structurer
une acquisition avec un véhicule d’acquisition qui fusionne ensuite avec la cible."
La fusion avec la société cible permet d’économiser les
dépenses et les coûts de fonctionnement de la société
absorbante, de même qu’elle permet d’aboutir à une simplification de la gouvernance d’entreprise. Les investisseurs
se rapprochent avec leurs emprunts de l’operating cashflow.
Finalement – et c’est également une raison concrète importante pour une fusion – la subordination structurelle (structural subordination) est supprimée, c’est-à-dire le fait que, en
raison des prescriptions applicables à la protection et au
remboursement du capital en droit suisse des sociétés, les
créanciers de la société absorbante sont subordonnés struc-
Les conséquences fiscales d’une acquisition en ce qui
concerne le vendeur ne peuvent bien sûr pas être négligées
dans une transaction. En particulier dans les cas dans lesquels le vendeur a détenu les actions de la société cible dans
son patrimoine privé, la théorie de la liquidation partielle
indirecte entre en jeu et un rendement imposable pour le
vendeur peut être réalisé par l’effet de la fusion de la société
d’acquisition avec la société cible dans les cinq ans qui
suivent l’acquisition. Pour cette raison, une telle fusion avec
un Debt Push-Down est généralement uniquement admise
par le vendeur dans le contrat de vente entre le vendeur et
l’acquéreur lorsqu’une telle fusion ne provoque pas de liquidation partielle indirecte pour le vendeur qui détenait les
actions dans sa fortune privée.
3 . A LT E R N AT I V E S D E ST R U CT U R AT I O N
Pour l’instant, le Tribunal fédéral suisse n’a pas encore eu à
se prononcer sur la présente problématique. Ceci est explicable au regard de la durée d’une procédure judiciaire qui
s’étend sur plusieurs années. En lieu et place, la pratique a
développé différentes variantes, qui – selon la situation initiale – rendent possible à tout le moins une réduction partielle des intérêts de la dette. Les variantes de structure les
plus courantes sont décrites ci-après.
3.1 Acquisition en cascade
La variante de l’acquisition en cascade est utilisée avant
tout dans les cas où la cible est composée de plusieurs sociétés. Dans ce cas, la capitalisation étrangère peut se faire par
une acquisition en forme de cascade, c’est-à-dire qu’une
société cible achète une/d’autre/s société/s cible/s, dans une
large mesure des sociétés cibles opérationnelles, moyennant quoi les intérêts du capital étranger encourus sont en
principe déductibles fiscalement. Le cas échéant, la société
cible peut être scindée préalablement à l’acquisition en cascade, afin d’obtenir une structure optimale.
3.2Diminution du capital ou dividende de substance avec octroi de prêt
Une autre possibilité consisterait à ce que la société cible
opère une réduction du capital et à ce que la société d’acquisition convertisse la créance en remboursement du capital
réduit en un prêt avec intérêts. Le même procédé est envisageable en relation avec une distribution de dividendes. Les
intérêts versés par la société cible à la société d’acquisition
sont fiscalement déductibles, dans la mesure où ils sont
conformes au marché et qu’il n’y a pas de capital propre
dissimulé. La société d’acquisition récolte le produit des
intérêts en principe imposable, mais qui, sur le plan de l’impôt cantonal et communal sur les bénéfices, seraient francs
d’impôt si les conditions pour l’imposition en tant que
société holding sont remplies, et pourraient en outre être
compensé avec le paiement des intérêts supportés par la
société d’acquisition.
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3.3Transfert d’actifs (Asset Push-Up)
Selon la situation initiale concrète, d’autres variantes de
structures peuvent s’imposer, par exemple le transfert
d’actifs rémunérateurs de la société cible à la société acquéreuse aux conditions d’un transfert neutre fiscalement au
sein d’un groupe (également appelé Asset Push-Up). Les
autorités fiscales ont cependant qualifié ceci dans certains
cas d’évasion fiscale et n’ont pas autorisé la déduction
effective fiscalement des intérêts de la dette pendant les
cinq premières années.
4 .C o n c lu s i o n
Il demeure évident que les alternatives de structuration
sont très utiles, mais ne conduisent pas pour la plupart à
une déduction entière des intérêts. Il est donc d’autant plus
important de déterminer et de mettre en avant les considérations non fiscales, qui sont à la base d’une fusion entre la
société cible et la société aquéreuse conduisant à un Debt
Push-Down, et de les faire valoir dans la discussion avec
les autorités fiscales dans un cas particulier, afin de
démontrer l’absence d’évasion fiscale.
C o n ta c t s
Le contenu de cette Newsletter ne peut pas être assimilé à un avis ou conseil juridique ou fiscal. Si vous souhaitez obtenir
un avis sur votre situation particulière, votre personne de contact habituelle auprès de Schellenberg Wittmer ou l’un des
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A Genève:
A Zurich:
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Dr. Michael Nordin
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Dr. Jean-Frédéric Maraia
Prof. Dr. Madeleine Simonek
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