Conseil d`État N° 375682 ECLI:FR:CESSR:2016

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Conseil d`État N° 375682 ECLI:FR:CESSR:2016
Conseil d’État
N° 375682
ECLI:FR:CESSR:2016:375682.20160415
Inédit au recueil Lebon
9ème / 10ème SSR
M. Simon Chassard, rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, avocat(s)
lecture du vendredi 15 avril 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge des cotisations
supplémentaires d’impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a
été assujetti au titre des années 2005 à 2007. Par un jugement nos 0903360, 0903361,
0903362 du 21 avril 2011, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 11MA02522 du 20 décembre 2013, la cour administrative d’appel de
Marseille a rejeté l’appel formé par M.B..., dirigé contre ce jugement en tant qu’il avait
rejeté ses conclusions relatives, d’une part, au bénéfice d’une demi-part supplémentaire
au titre du quotient familial, d’autre part, à la pénalité pour manquement délibéré.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 21
mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B...demande au Conseil
d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde,
Buk Lament, avocat de M. B...;
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite
d’un contrôle sur pièces portant sur les revenus des années 2005, 2006 et 2007 de M.
B..., l’administration a remis en cause, d’une part, la déduction de son revenu imposable
qu’il avait opérée au titre de la pension alimentaire versée à son ex-épouse, d’autre part,
le bénéfice de la demi-part supplémentaire de quotient familial dont il avait demandé le
bénéfice dans ses déclarations de revenu, en application des dispositions du a du 1 de
l’article 195 du code général des impôts, en tant que contribuable divorcé et ayant deux
enfants majeurs ; que, par un jugement du 21 avril 2011, le tribunal administratif de
Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires
d’impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a, en conséquence,
été assujetti ; que M. B... se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 20 décembre 2013 par
lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel dirigé contre ce
jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions relatives, d’une part, au bénéfice d’une
demi-part supplémentaire de quotient familial, d’autre part, à la pénalité pour manquement
délibéré ;
Sur l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur le bénéfice d’une demi-part supplémentaire au
titre du quotient familial :
2. Considérant, d’une part, qu’aux termes du 1 de l’article 195 du code général des impôts,
dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : “ Par dérogation aux dispositions
qui précèdent, le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs
n’ayant pas d’enfant à leur charge (...) est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables : / a.
Vivent seuls et ont un ou plusieurs enfants majeurs ou faisant l’objet d’une imposition
distincte ; (...) “ ; qu’il résulte de ces dispositions que le bénéfice de cette majoration du
quotient familial ne constitue un droit pour le contribuable que sous la condition,
notamment, qu’il vive seul au 1er janvier de l’année d’imposition, c’est-à-dire qu’il ne vive
pas en couple ; qu’il ressort d’ailleurs des travaux préparatoires de l’article 2 de la loi de
finances pour 2004 dont elles sont issues, ainsi que de ceux de l’article 3 de la loi de
finances pour 1996 qui a modifié le II de l’article 194 du même code applicable aux
contribuables vivant seuls et ayant au moins un enfant à charge, auquel le législateur a
entendu se référer à cette occasion, que ce dernier, en subordonnant à la condition de
vivre seul le bénéfice de la majoration des contribuables célibataires, divorcés ou veufs,
auparavant accordée à tous ces contribuables sans restriction, a entendu éviter que les
couples non mariés soient placés dans une situation plus avantageuse que les couples
mariés ;
3. Considérant, d’autre part, que lorsque, dans le cadre de son pouvoir de contrôle des
déclarations des contribuables, l’administration remet en cause, selon la procédure
contradictoire, la majoration du quotient familial, il lui appartient d’établir que le
contribuable ne vit pas seul au 1er janvier de l’année d’imposition et qu’ainsi, il ne remplit
pas l’une des conditions auxquelles est soumis le bénéfice de ce droit ; que la seule
circonstance que le contribuable réside à la même adresse qu’une personne majeure
n’ayant aucun lien de parenté avec lui ne suffit pas à établir que ce contribuable ne vit pas
seul, au sens des dispositions précitées du a du 1 de l’article 195 du code général des
impôts ; qu’en se fondant sur cette seule circonstance pour retenir que l’administration
établissait que M. B...ne vivait pas seul et ne pouvait pas ainsi bénéficier de la demi-part
supplémentaire à laquelle il prétendait avoir droit, la cour administrative d’appel a commis
une erreur de droit ;
Sur l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur la pénalité pour manquement délibéré :
4. Considérant qu’en se bornant à affirmer que la majoration prévue à l’article 1729 du
code général des impôts “ n’a été appliquée selon l’administration fiscale qu’à la seule
réintégration de la pension alimentaire “ sans vérifier, comme le lui avait demandé le
requérant, qui a contesté, dans son mémoire en réplique, les affirmations du ministre à cet
égard, que cette majoration n’avait pas été également appliquée au rehaussement
résultant de la remise en cause de la demi-part de quotient familial mentionnée au point 1,
la cour a insuffisamment motivé son arrêt ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander
l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de
mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code
de justice administrative ;
DECIDE:
-------------Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 20 décembre 2013 est
annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : L’Etat versera à M. B...la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre des finances et des
comptes publics.