Les fondations préoccupées par la possible suppression de l`ISF

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Les fondations préoccupées par la possible suppression de l`ISF
Les fondations préoccupées
par la possible suppression de l’ISF
CYRILLE PLUYETTE « ISF : en attendant sa disparition, le donner à la recherche
sur le cancer », insiste dans sa communication la Fondation ARC, à l’approche du 18
mai, date limite pour la déclaration papier de l’impôt sur la fortune. Derrière cette
formule accrocheuse, se cache une vraie inquiétude. Alors que les principaux
candidats à la primaire de la droite, François Fillon, Alain Juppé, Bruno Le Maire ou
Nicolas Sarkozy, prônent une suppression de l’ISF, les fondations se préoccupent
des répercussions qu’aurait une telle décision. Depuis la loi Tepa de 2007, les dons
aux fondations sont déductibles de l’ISF à hauteur de 75 % dans la limite de 50 000
euros. Ils devraient s’élever à 200 millions d’euros cette année, anticipe Bercy.
Certes, la suppression de l’ISF ne mettrait globalement pas en péril la générosité des
Français envers les organismes caritatifs, qui dépasse les 4 milliards. Mais pour les
fondations, la part des dons ISF est significative: environ 20 % des versements des
particuliers à la Fondation de France, soit 10 % de ses recettes totales. Une
disparition de l’ISF entraînerait donc « un dommage collatéral majeur pour nos
actions, car le mécanisme de déduction actuel est particulièrement efficace »,
explique Frédéric Théret, directeur du marketing et du développement de cette
fondation. Une étude de cet organisme montre d’ailleurs que le dispositif incite 58 %
des assujettis à l’ISF à « donner, ou à donner des montants plus importants ». Ce
mécanisme est même« déterminant» pour 65 % des donateurs versant plus de 1 000
euros, confirme une autre enquête des Apprentis d’Auteuil. Concrètement, depuis
2007, des personnes « qui versaient 50 euros se sont mises à faire des chèques de
1000, 2 000 ou5 000 euros », précise Frédéric Théret. « La progression de la
collecte de ces dernières années est essentiellement due à ces donateurs de
montant moyens, entre 500 et 5 000 euros », abonde Sylvain Coudon, directeur du
développement et de la communication de l’ARC. Il arrive aussi à ces fondations de
recevoir des chèques de 66 666 euros en mai, soit exactement le montant pour
bénéficier d’une réduction d’ISF de50 000 euros…
Garder les gros donateurs
La particularité de cette démarche est qu’elle intègre aussi une « dimension
psychologique », ajoute l’avocat spécialisé Xavier Delsol, du cabinet éponyme. Selon
lui, « certains contribuables, excédés de payer l’ISF, un impôt qu’ils trouvent
absurde, voient également dans ces dons un moyen utile d’en priver le fisc » en
choisissant eux-mêmes la destination de cette somme, même s’il faut pour cela
mettre de leur poche un montant supplémentaire (le don n’étant déductible qu’à 75
%).Preuve que le risque est réel pour les fondations, si l’ISF disparaissait,28 % des
donateurs reverraient leur générosité à la baisse, pointe l’enquête des Apprentis
d’Auteuil. Stéphane Godlewski, expert en mécénat du cabinet Fidal, évalue la perte
pour les fondations à environ70 millions par an. « Comment maintiendra-t-on les
programmes qui étaient financés par ces sommes ? », s’interroge Frédéric Théret.
Toute la difficulté consisterait à trouver des mécanismes incitant les
personnes à continuer à donner. Plusieurs organismes suggèrent, dans ce cas, de
relever à 75 % la déduction d’impôt sur le revenu pour les dons, aujourd’hui fixée à
66 %ou 75 % selon le type de don. Et de lui accorder le même plafond que l’ISF.
Problème : cela aurait un coût pour l’État, qui se priverait déjà de plus de 5 milliards
d’euros de recettes si l’ISF est supprimé. Une autre réponse pourrait consister à «
davantage informer les donateurs des projets que leur générosité permet de financer
», estime Sophie de Brosses, présidente du cabinet La Finance humaniste. Bref, les
organismes caritatifs pourraient avoir à batailler ferme pour maintenir leurs recettes.