Alerte à l`hépatite C chez les gays
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Alerte à l`hépatite C chez les gays
Alerte à l’hépatite C chez les gays Emergence d’une nouvelle épidémie liée à l’usage de drogues injectables Interview du docteur Ohayon, directeur du centre de santé Le 190 *** SIS : Depuis un moment, vous constatez l’augmentation du nombre de gays contaminés par des hépatites. Qu’est-ce que vous remarquez exactement ? Docteur Ohayon : Nous avons le sentiment qu’il y a une nouvelle épidémie qui vient se rajouter à une épidémie existant déjà depuis environ 2005, une épidémie probablement sexuelle, qui a déjà fait l’objet de pas mal d’analyses. A présent, je parle d’une nouvelle épidémie liée à l’usage des drogues injectables sur des nouveaux modes de consommation auprès d’une nouvelle population. Il s’agit de quelque chose qui était à peu près inconnu jusqu’en 2011 et qui semble avoir explosé depuis à peu près six mois. SIS : Quel est le profil des personnes concernées ? Docteur Ohayon : Ce n’est pas du tout le même profil que les usagers habituels de drogue. Ce sont souvent des séropositifs, souvent d’un certain âge - 35, 40, 50 ans, bien installés dans la vie, qui vont plus ou moins fréquenter le milieu de la fête, du clubbing, de la nuit mais qui aussi se retrouvent dans des « groupes un petit peu sexuels particuliers », souvent entre personnes séropositives, et où la drogue devient un petit peu centrale dans les relations. Je crois en tout cas qu’il y a une méprise par rapport à ce que sont ces drogues car il s’agit de drogues dites récréatives qui ne s’achètent pas dans des circuits traditionnels. Elles paraissent anodines, sont souvent associées à la sexualité et on se rend compte que les usagers se font dépasser par quelque chose qu’ils n’avaient pas du tout envisagé au départ, qui prend une dimension bien au-delà de ce qui était à visée plus ou moins sexuelle. SIS : Quelles sont les conséquences pour ces personnes ? Docteur Ohayon : Une première conséquence : on assiste à la survenue d’hépatites C différentes des hépatites C classiques avec les génotypes qu’on voyait auparavant. Ce sont des génotypes constatés chez des usagers de drogue, ce qui est assez nouveau dans le milieu gay. La deuxième conséquence, c’est qu’on voit arriver des gens qui se retrouvent en désocialisation, qui commencent à ne plus aller à leur travail, à s’enfermer chez eux, à perdre contact avec leur environnement parce que la drogue va prendre une place essentielle et centrale dans leur existence. SIS : Ca veut-dire que ces personnes n’ont pas la « culture » de la drogue injectable notamment ? Docteur Ohayon : Ce ne sont pas du tout des gens qui ont pris de l’héroïne à 17 ans, qui ont vraiment une culture de la drogue, en tout cas au sens traditionnel. C’est plutôt une population qui a eu souvent un accès tardif à la drogue via le milieu de la fête et qui va développer une néo-pratique à un âge très inhabituel. SIS : Ce constat est-il fait par d’autres médecins et dans d’autres lieux ? Ce phénomène est-il émergent uniquement dans la région parisienne ? Docteur Ohayon : Pour l’instant le constat est fait par très peu de monde. Nous on en discute avec d’autres professionnels qui voient la même population que nous et qui disent exactement la même chose. Le problème a explosé il y a environ six mois et dépasse un petit peu tous les acteurs. Pour l’instant on n’a pas encore d’écho de ce qui se passe en dehors de la région parisienne. J’ai entendu dire que cela pouvait aussi se passer en Belgique par exemple. Mais on est vraiment sur un phénomène très émergent pour lequel il existe encore peu de connaissances. SIS : Sur quoi va porter la réflexion avec vos collègues ? Qu’aller vous faire pour parer ce phénomène ? Docteur Ohayon : Il faut alerter car les personnes concernées sont dans l’ignorance absolue des risques associés. La deuxième chose, c’est qu’on va essayer de travailler avec l’ensemble des acteurs impliqués pour essayer de comprendre la situation. Est-ce que c’est un épiphénomène, est-ce que c’est vraiment un phénomène qui est en train de s’installer ? Quelles réponses peut-on apporter ? Est-ce qu’il y a des choses différentes à mettre en place ? En tout cas on a déjà nous un premier rôle qui est un rôle d’alerte et d’observation sur quelque chose de vraiment complètement émergent. Interview réalisée par Alain Miguet pour Sida Info Service – Janvier 2012 - Le site du 190