Entretien avec Marc GRAND - Vitrolles, un laboratoire de l`extrême

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Entretien avec Marc GRAND - Vitrolles, un laboratoire de l`extrême
ITW de Marc Grand.
Premier adjoint PS au maire de Vitrolles de
1983 à 1995.
Né à Narbonne le 5/09/1946.
Après un flirt avec le PSU, au début des années 70, j’adhère au PS en 74,
en même temps que les Rocardiens mais je choisis le courant du CERES. De
1970 à 1984, je travaille comme technico commercial dans une entreprise de
commerce pour le BTP. Je suis délégué du personnel CGT, délégué central au
CCE. C’est une très grosse boîte nationale et internationale. A l’issue d’un long
conflit en 1982, je suis licencié en 1984. J’ai dû entamer une procédure qui
durera 10 ans pour avoir, en partie, gain de cause. J’arrive à Vitrolles en 1976 et
je milite à la section du PS. Aux municipales de 77, je suis présent au 1er tour
mais viré au 2ème par la tête de liste conduite par Maguy Monnier. Pour elle,
j’étais l’homme de Weygand que je n’avais jamais rencontré à cette époque là!
Mais il faut le savoir le monde politique est volontiers paranoïaque.
Des années plus tard j’ai eu l’occasion d’en parler avec Lucien. Cela l’a fait
bien rire! Je suis élu avec JJ Anglade en 1983, comme 1er adjoint et je ferai 2
mandats. En 1995, j’arrête pour des raisons compliquées.
Aujourd’hui encore, je continue de militer au PS, sans autre ambition
que celle de participer activement à la vie de la cité.
Ce qu’il faut bien comprendre c’est que la sociologie et l’électorat de la
cuvette sud est de l’étang de Berre (Gignac, Marignane, Rognac, Vitrolles…)
sont propices à la rhétorique du FN. C’est si vrai qu’en 1985, aux Européennes,
le FN fait un carton à Vitrolles, de l’ordre de 20%. Tout le monde tombe des
nues, personne n’a vu venir le coup. Comme dans le bouquin de Pilhes, tu sais,
« L’imprécateur », une faille venait de s’ouvrir mais nul n’en mesurait les
conséquences à venir. Comment expliquer ce vote précoce pour le FN.
Ma théorie est la suivante : il y avait certes une tradition communiste forte. En
1977 Pierre Scelles, apparenté PC, est élu maire.
Aux cantonales deux plus tard, le candidat communiste obtient 37% au
premier tour.
Mais cet électorat pour de multiples raisons s’est rapidement effrité. Par
ailleurs il n’y a pas de tradition socialiste mais un « Defferrisme » à base de
social-démocratie édulcorée et de clientélisme. Il n’y a pas non plus de
tradition démocrate chrétienne, comme dans le nord. Tous ceux qui ont essayé
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de se positionner sur ce créneau n’ont eu que des résultats faibles. Il s’agit d’un
électorat pour l’essentiel composé d’ouvriers et d’employés. Le taux de
chômage est élevé malgré l’importance du bassin d’emploi. La communauté «
pied noir » est importante sans doute au niveau de celle de Marignane. En
l’absence de traditions électorales bien ancrées, de digues morale ou de classe,
c’était la porte ouverte au vote FN. Marignane y cède tout de suite, il n’y a pas
de résistance. Deleuil (le maire de droite de Marignane pendant 30 ans) avait
accompagné progressivement ce glissement. Vitrolles est fragilisée par une
croissance trop rapide (construction de 1000 logements par an, d’un groupe
scolaire chaque année, d’un collège tous les deux ans). La demande sociale
explose ainsi que l’augmentation des familles monoparentales d’ailleurs.
Première conséquence quasi mécanique. L’augmentation du nombre de
demandes de logements auxquelles la commune ne peut faire face. De part le
déracinement les solidarités familiales qui sont un amortisseur en période de
crise sont trop rares. Entre 95 et 97, tout s’écroule avec la mise en examen
d’Anglade et in fine la mise sous tutelle de la commune (cette mesure est en
général fatale au maire en place, Mégret lui-même en a fait l’expérience). Trop,
c’était trop. Mégret n’avait plus qu’à donner les derniers coups de boutoirs.
L’EPAREB est l’établissement public qui aménage la ville nouvelle : les
quartiers sud bien entendu puis une partie des Cadenières et le Liourat. De ce
fait, hormis le noyau villageois, Vitrolles est une ville sans racine. Il y a eu
l’époque des pionniers à la conquête de nouveaux espaces à vivre : des couples
jeunes avec enfants qui accèdent à la propriété, trouvent des écoles agréables,
un tissu associatif dense et dynamique, des terrains de sport…Ce sont les
couches moyennes en ascension sociale qui n’ont pas encore subi les effets des
crises successives. Par ailleurs c’est l’électorat type du PS et qui plus est
parfaitement en phase avec JJ Anglade, jeune avocat, fils d’une assistante
sociale et d’un employé de La Poste. Pour aller vite, la crise sociale, le chômage
vont progressivement donner le sentiment à cette population que de pionnière
elle devenait assiégée. Anglade, lui, continue à pousser les feux et ne voit pas
venir la menace. Et autour de lui, par cécité ou esprit courtisan, personne ne
l’alerte. De toute façon aurait-il écouté ? En 1989, 5 listes en présence, 52% des
voix, nous sommes élus au 1er tour et ça, paradoxalement, c’est le ver dans le
fruit. Conforté par ce résultat Anglade part à la conquête du siège de député.
J’ai coutume de dire que toutes les ambitions, dans un cadre démocratique et
républicain bien entendu, sont légitimes à condition de pouvoir les porter et les
assumer. C’était le cas. Pour ce faire il fréquente l’appareil rocardien. Ce qui
entre parenthèse me permettra de rencontrer des esprits aussi brillants que
ceux de Stéphane Fouks et Alain Bauer. Mais c’est est un homme pressé, seul,
et à bien des égards, singulier. Il fut à mon sens incapable de se constituer un
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réseau. Mais en avait-il vraiment envie? Il était tellement pressé, que
progressivement il abandonnera en route ses compagnons qui ne pouvaient
suivre. Autrement dit il n’avait plus de « grognards » Trop brillant, donc
dangereux, bourreau de travail faisant preuve d’un activisme parfois
désordonné, il se fait beaucoup d’ennemis. Par exemple, en 1997, sous la
pression de Voynet et des Verts, Jospin abandonne le projet de canal RhinRhône. Anglade écrit à Jospin pour lui signifier que cette décision est une
erreur. Le premier ministre ne l’oubliera pas ! Et d’autres avec lui, j’y
reviendrai.
A cet égard on ne m’enlèvera pas de l’idée que l’affaire Expo-publicité qui lui
valu ses ennuis judiciaires et par voie de conséquence directe sa défaite
électorale contre Mégret n’a pas été soufflée au juge d’instruction du
genre : « Monsieur le juge vous avez en main une grosse pelote mais tirez ce fil
là par exemple » C’est un sentiment personnel, purement spéculatif. Je n’en ai
jamais parlé avec lui. Un autre trait de son caractère. Il est secret et ne
s’épanche que très rarement et encore…
Je ne connais pas un maire, notamment parmi ceux qui versaient des larmes
de crocodiles le soir de sa défaite, de notre défaite, qui aurait résisté à partir de
1995 au rouleau compresseur du FN. Tout l’appareil du parti avec des moyens
considérables était mobilisé au service de Mégret par ailleurs organisateur hors
pair. Quant à la population elle l’a lâché quand il a été mis en examen.
Mégret a hésité longtemps entre Vitrolles et Rognac. C’est le même électorat
avec un caractère péri-urbain encore plus accentué pour Rognac. Le soir de
notre défaite en 1997, un responsable du FN dira à Claude Askolovitch, à
l’époque journaliste au Nouvel Observateur, qui le racontera dans un article :
voyant les lumières des villes environnantes sur la terrasse de l’hôtel Louisiana
où il se trouve : « vous voyez toutes ces lumières ? Des Vitrolles, il y en a des
dizaines autour ». Il avait raison. Le fruit était mur, encore fallait-il pour le FN
réussir à Vitrolles.
S’il n’y avait pas eu le recours gagné par le FN et cette mise en examen qui
précéda l’élection partielle de 97, Mégret n’aurait pas tenu six ans dans
l’opposition municipale. D’ailleurs en 95 on s’est dit : « Mégret restera un an
puis il passera à autre chose ».
Il y avait une pression permanente sur le Maire et sa famille qui dans certaines
circonstances, de longs déplacements en voiture par exemple, bénéficiait d’un
accompagnement discret …Un enfer ! Il y avait même dans son cabinet
professionnel une employée qui avait été infiltrée de longs mois auparavant.
Un coup tordu parmi d’autres d’Hubert Fayard.
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Vitrolles finira en 2002 également après un recours par se débarrasser de
Mégret. Contrairement à Marignane la gauche a toujours gardé une assise
sociale forte à Vitrolles. Néanmoins la ville est retournée au bercail républicain
non pas sur des bases idéologiques mais parce que le FN n’avait aucune
expérience de la gestion municipale ni cadres compétents. Ceux de l’équipe
Anglade quittèrent rapidement la commune. A Marignane, les cadres sont
restés après l’élection de Simonpiéri. C’est donc essentiellement un échec de
gestion du FN qui explique sa défaite en 2002. Obino a trouvé la formule qui
en définitive fait et donne le ton d’une campagne «il pleut dans nos écoles ».
Ce slogan sans cesse répété symbolisait l’échec de la gestion mégretiste. Par
ailleurs les vitrollais étaient las d’être montrés du doigt. Ils aspiraient à la paix.
Le côté notable, rassurant voire paternaliste du docteur Obino fit le reste.
Pour Tichadou, d’entrée je réalise qu’on lui savonne la planche. Sans doute
des inimitiés tenaces dont les marseillais ont le secret. Je suis convaincu qu’ici
à Vitrolles, certains agissaient sur ordre. Quoi qu’il en soit il est élu conseiller
général à la surprise générale. Il perd les municipales de 200 et quelques voix.
Il engage seul un recours auquel nul ne croyait et il le gagne. Election partielle
donc. La fédération du PS donne l’investiture à Guy Obino. Il se présente
contre et obtient 12%. Ce qui est dans ce contexte un résultat remarquable. En
vérité le parachutage de Tichadou sur Vitrolles fut une réussite. Il a, du moins
c’est ma conviction, le tempérament qui correspond aux attentes des vitrollais.
Comme Chicha, en son temps. Profil identique, y compris physiquement, fort
en gueule, qui ne craint rien. Pourtant Tichadou est arrivé ici avec une
réputation épouvantable et il y a eu contre lui une cabale savamment
orchestrée.
Pour les élections municipales partielles découlant du recours, je considérais
que sa candidature était légitime. Et sans nul doute il aurait également gagné.
Petite digression sur le centre ville : Question récurrente voire
.
existentielle à Vitrolles, je plaisante. Est-ce qu’on crée un centre ou est-ce
qu’on conforte le poly-centrisme existant de part la topographie des lieux
conjuguée au caractère décousu de la croissance de la ville? Ce débat a été
tranché dans le cadre de l’agenda 21 et du PLU (Plan local urbain qui se
substitue au POS) : Conforter le poly-centrisme en développant le concept
d’écoquartier sans renoncer à un centre ville. Compte tenu de la géographie
communale, l’approche est intelligente. Elle mêle une volonté politique
clairement affichée tout en laissant la possibilité à un centre traditionnel à
terme de s’imposer. A l’époque d’Anglade on ne se posait pas ces questions
tout accaparés à courir après une croissance délirante qui générait de multiples
problèmes. Pourtant, la question de la centralité se posera une fois. Quand
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l’association diocésaine a présenté son projet de construction d’un édifice
religieux dans les quartiers sud de la ville (aujourd’hui l’église Bon Pasteur) ce
qui de facto aurait pour conséquence de conforter le création d’un deuxième
« pôle urbain » tout en réduisant la fréquentation du noyau villageois. Mais ce
débat a lieu à la va vite. Une question parmi d’autre au sein d’un ordre du jour
comme souvent très chargé.
La question de la vidéo surveillance dans le centre ville.
Il faut se replacer dans le contexte. Nous sommes entre 1993 et 1995. Il y a un
matraquage permanent et bien fait du FN. Il y a des réalités : l’insécurité. Une
étude a été faite par des universitaires aixois (-C’est fait). Il y a une sorte de
psychose en ville, pas seulement chez les commerçants, que le FN exploite
avec un art consommé de l’agitprop. Nous commettons à mon avis l’erreur de
céder et de nous inscrire dans cette spirale-là et il y a un plan, 21 mesures? Doc
expédié 10 avril), dont une est une erreur fondamentale ( LAQUELLE ? voir ci
après) A l’époque il fallait rassurer à tout prix pensait-on. Anglade n’a plus la
main. Le FN est maître du jeu. Je revois encore le fonctionnaire chargé de
l’économie qui nous propose au cours d’une réunion de travail, les moyens
étatiques pour lutter contre l’insécurité nous faisant défaut, de faire un procès à
l’Etat. Etant chargé parmi mes prérogatives de l’animation et du suivi du
« comité communal de prévention de la délinquance » doté par l’état d’un
dispositif financier, nous allions une fois l’an chez le préfet de police pour faire
le point. Je revois encore ce haut fonctionnaire, pâle et manifestement nerveux,
s’adresser avant toute chose à JJA en ces termes: «Alors Monsieur le maire,
vous voulez engager un procès contre l’état ? »(? la nouvelle formulation doit
être plus claire VOIR LA SUITE ).
Autre anecdote. Anglade veut organiser une manifestation sur l’étang de Berre
avec Jean-Michel Jarre. Pour l’anecdote la production du compositeur
demande la mise à disposition d’une limousine pour le déplacement du
terminal à l’hôtel Sofitel qui se situe à quelques centaines de mètres.
Manifestement le barnum de Jarre donne de l’urticaire aux autorités de l’état et
de l’aéroport. Le tir de barrage et impressionnant. La réunion en sous
préfecture se solde par une descente en flamme. Jarre ne dormira pas au
Sofitel. Un dernier exemple, chez le procureur cette fois. Nous avons un projet
de rave-party au Stadium. L’entretien est glacial. Certes contenue la fureur du
procureur n’en est pas moins perceptible. Finalement Anglade renoncera.
Donc il s’est mis à dos beaucoup de monde : le préfet de police, le procureur,
accessoirement quelques directeurs départementaux d’administrations
centrales et pour finir Jospin (affaire du canal Rhin-Rhône). Si l’on ajoute
quelques haines inexpiables propres au monde politique, cela faisait
manifestement beaucoup.
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La circonscription de Vitrolles fut classée parmi les 10 agglomérations les plus
« insécuritaires »ce qui ne signifie pas grand-chose compte tenu que
outre la ville elle comprend la majeure partie de la zone commerciale de Plan
de Campagne ( une des plus importantes d’Europe) une partie de la localité
des Pennes Mirabeau, la zone industrielle de Vitrolles et le complexe
commercial de «Grand Vitrolles ». Autrement dit quand une voiture est volée
dans cette vaste circonscription, elle est comptabilisée à Vitrolles, quand un
chèque est impayé à Carrefour…c’est toujours à Vitrolles que la plainte est
déposée. Le FN met en scène le tout et les vitrollais ont le sentiment de vivre
dans la zone.
Pour répondre à ta question il n’y a pas eu de la part de JJA d’abandon des
quartiers populaires car à Vitrolles, il n’y a que des quartiers populaires, il n’y a
de façon significative ni bourgeoisie ni classe moyenne-supérieure.
Le FN a selon un processus bien connu aujourd’hui exacerbé les tensions, les
peurs, les angoisses des employés, ouvriers propriétaires d’une petite maison
dans un lotissement sans âme et qui réalisent que l’ascenseur social est en
panne, que l’avenir de leurs enfants est incertain. Et puis ils y a les autres …
Les immigrés de la 2°, 3° génération assignés à résidence, les familles
monoparentales, les chômeurs, les précaires, vécus par les premiers comme
une menace, un effet miroir du déclassement social qui pensent-ils les
menaces.
Et paradoxalement, car bien évidemment l’intention des aménageurs était
inverse, cette barrière, ce délitement du lien social se matérialise dans bâti.
Le concept d‘aménagement de l’EPAREB à la fin des années 60/70, est le
suivant. Un emploi/un logement, un collectif/un individuel. la mixité sociale
est recherchée. Prenons l’exemple du quartier de la la Frescoule car il fait
l’objet d’un véritable plan d’aménagement. Des logements sociaux jouxtent du
pavillonnaire avec pour objectif que tout le monde vive en harmonie. En fait,
« on se tournent le dos ». Selon un processus aujourd’hui bien rodé, si je puis
me permettre une pointe d’ironie amère, dans les logements sociaux vont
arriver de + en + de pauvres quand au début, on avait des jeunes couples
salariés qui débutent leurs parcours résidentiels. La catégorie des
« socialement intégrés », les retraités des 30 glorieuses et les couples salariés ne
font pas bon ménage avec les pauvres, autrement dit les précaires.
L’aménagement est soigné. Espaces verts, mails arborés, fontaines, miroir,
jeux d’eau….. Ce que les gens veulent, c’est avoir leur véhicule au pied de leur
immeuble, visible de la fenêtre et tant pis pour la pelouse! Les urbanistes ne
peuvent pas penser à tout ! Quant aux élus ils sont impuissants face à la
montée de la peur : on verra les murs + hauts du côté des pavillonnaires. Et
des hauts murs et des chiens de garde impressionnants du côté de l’ancienne
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gare SNCF dans un secteur de petits lotissements libres ! Ils vivent dans la
peur, enfermés chez eux et enfermés dans leurs têtes.
Cette peur est toujours présente mais aujourd’hui elle n’est pas traduire, mise
en scène, exacerbée jusqu’à son paroxysme. Elle est latente.
SUITE ITW du 7 avril 2011 A VERIFIER PAR MARC
Je vais développer 2 axes : le premier pour expliquer le vote FN.
A Vitrolles, il n’y a pas de tradition politique bien établie. Il y avait une
tradition PC, importante (30 à 40%) qui s’est effritée au fil du temps. Je ne veux
pas dire par là que les anciens communistes votent FN. Il n’y a pas non plus de
tradition socialiste, ni de démocratie chrétienne (5 ou 6 %), pas encore de vote
Vert (qui restera toujours limité).
D’autre part il y a eu des erreurs de la part d’Anglade, notamment au
cours du 2ème mandat, mais ma théorie est la suivante : si Mégret ne dépose pas
un recours en 1995, il n’y a pas de réélection en 1997 et Anglade n’est pas battu.
De plus, si Anglade s’était contenté d’être le maire de Vitrolles, non seulement
il serait resté maire mais encore il serait député. Il s’est fait énormément
d’ennemis : le préfet, le préfet de police, le procureur, les directeurs des
administrations, plus à l’intérieur du PS. J’ai le sentiment, pas la certitude, que
l’affaire des « fausses factures » pour laquelle il tombe (somme relativement
faible, sans enrichissement personnel), c’était pour le flinguer. On a dû
aiguiller le juge. Ensuite, personne ne l’a aidé : Jospin est venu avec Béatrice
Dalle et Arno Klarsfeld et ils ont passé 2 heures à la salle des fêtes.
Des anecdotes concernant le vote FN.
Aujourd’hui on voit à la télé des gens qui disent j’ai voté FN, ce qu’on ne
voyait pas durant les années 90. La plaisanterie à gauche sur Vitrolles, c’était, à
gauche : 1 vitrollais sur 2 vote FN, quand j’en croise, c’est l’autre puisque c’est
pas moi.
Une anecdote personnelle en 1997 après la victoire de Mégret. Il y a à
Vitrolles toute la presse possible et imaginable. Je croise dans le jardin de la
résidence un journaliste d’une télé japonaise qui me dit dans un français
approximatif « auriez-vous voté FN ?, car je cherche des électeurs du FN ». Je
lui réponds que je vote PS. Il insiste : « mais vous ne seriez-pas un peu FN ? ».
Il cherche quelqu’un qui a voté FN.
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Je t’ai raconté 2 anecdotes : celle qui croit que sa petite fille portera un
jour le voile et celle qui me raconte que des arabes ont acheté près de chez elle
et qui veut s’en aller.
Mon commentaire à celle qui veut s’en aller : c’est bon signe, ça signifie
qu’il y a un parcours résidentiel qui s’effectue, comme cela s’est produit pour
toutes les vagues d’immigration. Cette personne me répond que ce n’est pas
positif puisque notre maison est en train de se déprécier…La difficulté entre
moi qui ai confiance dans un processus qui existe depuis la nuit des temps :
ceux qui viennent d’ailleurs s’installent et la vie continue et d’autre part celle
qui veut partir parce que des arabes achètent une maison près de chez elle, le
dialogue est impossible.
A Vitrolles, le vote FN est présent partout. On s’accorde à dire que le péri
urbain a plutôt tendance à voter FN. Par exemple Rognac, aux prochaines
municipales, risque d’avoir une mairie FN. Vitrolles, c’est un peu la grande
banlieue de Marseille. De nombreux vitrollais viennent de Marseille. Il y a eu
aussi des nordistes du bassin minier du nord dont les mines fermaient et qui
étaient mutés à Gardanne, et logés à Vitrolles. 37% de la population vit en
logement social. Les propriétaires passent à peine la barre des 50%, un peu en
dessous de la moyenne nationale. Pour le logement social, la municipalité ne
dispose que de 20% d’attribution du parc social.
Pour ce qui concerne les élections, sachant qu’on vote partout FN à des
taux élevés à Vitrolles, que dans les quartiers populaires à majorité
maghrébine, là où la gauche fait ses meilleurs scores, pour autant que les
électeurs se déplacent, il y a un seul bureau où la gauche est toujours en tête
(les Pinchinades), ce sont les pionniers de la ville, les premiers habitants de la
ville nouvelle. C’est seulement maintenant en 2011, qu’on commence à voir des
traditions électorales avec des quartiers qui votent à droite ou à gauche.
Traditionnellement à droite : le quartier des Vignettes, les quartiers nord-ouest,
Caucadis, le Parc des Amandiers, les Cadenières, qui sont à majorité
pavillonnaires, d’accession à la propriété (ouvriers, employés…) avec un
nombre important de pieds-noirs (depuis les années 80). Les villas un peu plus
cossues, près de la route de Marseille sont légitimistes (votent pour le maire
sortant et UMP aux législatives), comme le vieux village.
(VOIR LES RESULTATS ELECTORAUX DE 1984 A 2002 PAR BUREAUX
DE VOTES).
La peur de « l’autre » fait que les zones pavillonnaires en lotissements
qui jouxtent les quartiers du logement social ont une tendance manifeste à
voter davantage FN.
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Lors des visites de quartiers en 1997, j’ai retenu une anecdote, avant la
prise de la mairie par Mégret. Je n’étais plus élu depuis 1995, mais j’ai fait la
campagne de 97 avec Anglade. Je suis chargé d’organiser des réunions avec le
tissu associatif et me vient l’idée de faire des réunions d’appartements avec
d’anciens élus de 77 à 83. J’organise une réunion exploratoire préalable pour
savoir où je mets les pieds. C’était chez un copain sur la route de Marseille et il
me dit : « il y a longtemps que tu n’as pas mis les pieds au marché des Pins le
vendredi ? ». Je lui réponds que j’y vais épisodiquement. Il rétorque « tu as
toujours le sentiment d’être chez toi ? ». Celui qui parle est un ancien adhérent
du PS et ancien élu…
En 93/94 quand arrive Mégret avec tout l’appareil national, il y a
plusieurs dizaines de personnes qui travaillent en permanence avec de gros
moyens financiers et un gros travail de sape de tout ce que fait la mairie. Ils
publient un livre sur Vitrolles, sortent des tracts toutes les semaines…Mégret
est un organisateur hors-pair, une très bonne plume, il a compris la fragilité de
la population et il s’en sert de façon systématique. Auparavant, c’était JP
Stirbois et c’était très désordonné, maintenant avec Mégret, c’est du travail de
professionnel.
Dans les quartiers ont sent que la population nous échappe à la même
période (début des années 90), on la sent très tendue, nerveuse à notre égard,
on a pourtant été élus en 1988 au premier tour. Une fois ou deux dans les
Conseils d’Ecole, dans deux quartiers différents, on me demande la présence
d’un fonctionnaire municipal au moment des entrées et sorties d’école. Je leur
réponds qu’il y a une ligne droite et que je ne peux pas répondre favorablement
à cette demande. Je sens une réaction nouvelle, comme celle d’un enfant qui
veut attirer l’attention sur lui. On avait eu des difficultés dès les 3 premières
années (1983/1986), on avait commandé un sondage de satisfaction (1986)et
cette agence nous avait dit : « si vous ne redressez pas la barre, votre réélection
en 1988 sera très difficile ». A partir des observations qui ont été faites on a
rectifié, essayé de pallier nos manques. On a alors décollé en 1988 avec une
réélection au 1er tour. Au début des années 90, je sens qu’on n’est plus en phase
avec l’opinion. Le FN va surfer là-dessus et il met en scène ces difficultés.
-Question : Ya-t-il un bilan politique de l’état de l’opinion entre les élus ?
-Réponse de MG : jamais. Après les élections on analyse les résultats. Pas plus.
JJA n’était pas un adepte du « brain-storming ». A partir de 94, quand on sent
que ça chauffe, oui. Je me souviens d’une réunion où on était une vingtaine
autour de la table. J’interviens. Après mon intervention, JJA me dit : « Marc, tu
ne repars pas pour les élections de 95, tu deviens un commentateur ». Peut-être
qu’à ce moment-là, dans ma tête, tout devenait clair. Cette réunion faisait le
constat qu’il y avait le feu à la maison : on est au milieu de l’année 94, c'est-à9
dire 6 mois avant les prochaines élections. Il y a de nombreux élus qui s’en
tiennent à leur délégation et qui ont le nez dans le guidon et le « patron » ne
facilite pas la conjonction.
La liaison entre la section du PS et les élus se fait par le dir. cab. qui est
membre du bureau de la section, en général.
A Vitrolles, il n’y a pas de tradition politique, comme dans le nord, par
exemple. Il y a des résidents récents, un turn-over important, une mouvance
entre 15 et 30 % que le FN peut capter, c’est un électorat qui n’est pas fixé.
Vitrolles est une ville qui n’a pas d’histoire.
- Les rapports avec le PC :
Globalement, ça se passe bien. Cependant, c’est un rapport de forces : en
1977, il est en faveur du PC, l’union de la gauche ne se fait pas, Maguy
Monnier, une Defferriste Marseillaise, veut être tête de liste, le PC également.
Il y a donc une primaire. Elle est gagnée de justesse par le PC 23 %, le PS 22 %.
Au 2ème tour, c’est Pierre Selles, apparenté PC qui est tête de liste. Ca se passe
mal. Maguy Monnier démissionne ( ?????). A partir de 1979, Anglade se
positionne comme candidat pour les prochaines municipales de 1983. Il y a de
nouveau une primaire en 1983 qui inverse le rapport de forces de 1977. Le PC a
des délégations. Il y aura des tensions mais pas de clash. Le PC est suivi par la
direction fédérale. En 1989, en 1995, même schéma électoral (primaire ???). En
1997, le FN est élu. En 2002, Obino met en place une méthode très personnelle
de rapports avec les élus.
Les racines à Vitrolles .
(Hors ITW, l’anecdote que me raconte Stéphane Wahnich, d’une agence de
communication –L’institut d’études et de sondages SCP Communication(VOIR le livre « Le Pen les mots édition du Monde page 275) rendant un
rapport à la mairie sur les moyens de pallier l’absence de racines de la
population qui va selon SW donner lieu à une opération de plantation d’arbres
sur le plateau de l’Arbois.
Version de Marc Grand : c’est l’époque où on termine la ville, les
constructions sortent à un rythme soutenu, on sent que les vitrollais sont
fatigués de ces changements continus du paysage urbanistique. Dans le
schéma d’aménagement urbain de la ville nouvelle, suite à l’implantation
industrielle à Fos, une ville de 150 000 habitants, avec des constructions sur le
plateau de l’Arbois. Il existe une maquette de ce projet. Un tunnel est prévu
pour la jonction entre le plateau et la ville. Les vitrollais sont donc convaincus
qu’on va continuer à construire, ce que dément la mairie. La mairie achète
donc 80 hectares à 1 franc le m2 sur le plateau afin d’y planter des arbres, en
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associant toute la population à ce reboisement, car le plateau est destiné à
rester naturel.
FIN DE L’ENTRETIEN
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