Entretien avec Marc GRAND - Vitrolles, un laboratoire de l`extrême
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Entretien avec Marc GRAND - Vitrolles, un laboratoire de l`extrême
ITW de Marc Grand. Premier adjoint PS au maire de Vitrolles de 1983 à 1995. Né à Narbonne le 5/09/1946. Après un flirt avec le PSU, au début des années 70, j’adhère au PS en 74, en même temps que les Rocardiens mais je choisis le courant du CERES. De 1970 à 1984, je travaille comme technico commercial dans une entreprise de commerce pour le BTP. Je suis délégué du personnel CGT, délégué central au CCE. C’est une très grosse boîte nationale et internationale. A l’issue d’un long conflit en 1982, je suis licencié en 1984. J’ai dû entamer une procédure qui durera 10 ans pour avoir, en partie, gain de cause. J’arrive à Vitrolles en 1976 et je milite à la section du PS. Aux municipales de 77, je suis présent au 1er tour mais viré au 2ème par la tête de liste conduite par Maguy Monnier. Pour elle, j’étais l’homme de Weygand que je n’avais jamais rencontré à cette époque là! Mais il faut le savoir le monde politique est volontiers paranoïaque. Des années plus tard j’ai eu l’occasion d’en parler avec Lucien. Cela l’a fait bien rire! Je suis élu avec JJ Anglade en 1983, comme 1er adjoint et je ferai 2 mandats. En 1995, j’arrête pour des raisons compliquées. Aujourd’hui encore, je continue de militer au PS, sans autre ambition que celle de participer activement à la vie de la cité. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que la sociologie et l’électorat de la cuvette sud est de l’étang de Berre (Gignac, Marignane, Rognac, Vitrolles…) sont propices à la rhétorique du FN. C’est si vrai qu’en 1985, aux Européennes, le FN fait un carton à Vitrolles, de l’ordre de 20%. Tout le monde tombe des nues, personne n’a vu venir le coup. Comme dans le bouquin de Pilhes, tu sais, « L’imprécateur », une faille venait de s’ouvrir mais nul n’en mesurait les conséquences à venir. Comment expliquer ce vote précoce pour le FN. Ma théorie est la suivante : il y avait certes une tradition communiste forte. En 1977 Pierre Scelles, apparenté PC, est élu maire. Aux cantonales deux plus tard, le candidat communiste obtient 37% au premier tour. Mais cet électorat pour de multiples raisons s’est rapidement effrité. Par ailleurs il n’y a pas de tradition socialiste mais un « Defferrisme » à base de social-démocratie édulcorée et de clientélisme. Il n’y a pas non plus de tradition démocrate chrétienne, comme dans le nord. Tous ceux qui ont essayé 1 de se positionner sur ce créneau n’ont eu que des résultats faibles. Il s’agit d’un électorat pour l’essentiel composé d’ouvriers et d’employés. Le taux de chômage est élevé malgré l’importance du bassin d’emploi. La communauté « pied noir » est importante sans doute au niveau de celle de Marignane. En l’absence de traditions électorales bien ancrées, de digues morale ou de classe, c’était la porte ouverte au vote FN. Marignane y cède tout de suite, il n’y a pas de résistance. Deleuil (le maire de droite de Marignane pendant 30 ans) avait accompagné progressivement ce glissement. Vitrolles est fragilisée par une croissance trop rapide (construction de 1000 logements par an, d’un groupe scolaire chaque année, d’un collège tous les deux ans). La demande sociale explose ainsi que l’augmentation des familles monoparentales d’ailleurs. Première conséquence quasi mécanique. L’augmentation du nombre de demandes de logements auxquelles la commune ne peut faire face. De part le déracinement les solidarités familiales qui sont un amortisseur en période de crise sont trop rares. Entre 95 et 97, tout s’écroule avec la mise en examen d’Anglade et in fine la mise sous tutelle de la commune (cette mesure est en général fatale au maire en place, Mégret lui-même en a fait l’expérience). Trop, c’était trop. Mégret n’avait plus qu’à donner les derniers coups de boutoirs. L’EPAREB est l’établissement public qui aménage la ville nouvelle : les quartiers sud bien entendu puis une partie des Cadenières et le Liourat. De ce fait, hormis le noyau villageois, Vitrolles est une ville sans racine. Il y a eu l’époque des pionniers à la conquête de nouveaux espaces à vivre : des couples jeunes avec enfants qui accèdent à la propriété, trouvent des écoles agréables, un tissu associatif dense et dynamique, des terrains de sport…Ce sont les couches moyennes en ascension sociale qui n’ont pas encore subi les effets des crises successives. Par ailleurs c’est l’électorat type du PS et qui plus est parfaitement en phase avec JJ Anglade, jeune avocat, fils d’une assistante sociale et d’un employé de La Poste. Pour aller vite, la crise sociale, le chômage vont progressivement donner le sentiment à cette population que de pionnière elle devenait assiégée. Anglade, lui, continue à pousser les feux et ne voit pas venir la menace. Et autour de lui, par cécité ou esprit courtisan, personne ne l’alerte. De toute façon aurait-il écouté ? En 1989, 5 listes en présence, 52% des voix, nous sommes élus au 1er tour et ça, paradoxalement, c’est le ver dans le fruit. Conforté par ce résultat Anglade part à la conquête du siège de député. J’ai coutume de dire que toutes les ambitions, dans un cadre démocratique et républicain bien entendu, sont légitimes à condition de pouvoir les porter et les assumer. C’était le cas. Pour ce faire il fréquente l’appareil rocardien. Ce qui entre parenthèse me permettra de rencontrer des esprits aussi brillants que ceux de Stéphane Fouks et Alain Bauer. Mais c’est est un homme pressé, seul, et à bien des égards, singulier. Il fut à mon sens incapable de se constituer un 2 réseau. Mais en avait-il vraiment envie? Il était tellement pressé, que progressivement il abandonnera en route ses compagnons qui ne pouvaient suivre. Autrement dit il n’avait plus de « grognards » Trop brillant, donc dangereux, bourreau de travail faisant preuve d’un activisme parfois désordonné, il se fait beaucoup d’ennemis. Par exemple, en 1997, sous la pression de Voynet et des Verts, Jospin abandonne le projet de canal RhinRhône. Anglade écrit à Jospin pour lui signifier que cette décision est une erreur. Le premier ministre ne l’oubliera pas ! Et d’autres avec lui, j’y reviendrai. A cet égard on ne m’enlèvera pas de l’idée que l’affaire Expo-publicité qui lui valu ses ennuis judiciaires et par voie de conséquence directe sa défaite électorale contre Mégret n’a pas été soufflée au juge d’instruction du genre : « Monsieur le juge vous avez en main une grosse pelote mais tirez ce fil là par exemple » C’est un sentiment personnel, purement spéculatif. Je n’en ai jamais parlé avec lui. Un autre trait de son caractère. Il est secret et ne s’épanche que très rarement et encore… Je ne connais pas un maire, notamment parmi ceux qui versaient des larmes de crocodiles le soir de sa défaite, de notre défaite, qui aurait résisté à partir de 1995 au rouleau compresseur du FN. Tout l’appareil du parti avec des moyens considérables était mobilisé au service de Mégret par ailleurs organisateur hors pair. Quant à la population elle l’a lâché quand il a été mis en examen. Mégret a hésité longtemps entre Vitrolles et Rognac. C’est le même électorat avec un caractère péri-urbain encore plus accentué pour Rognac. Le soir de notre défaite en 1997, un responsable du FN dira à Claude Askolovitch, à l’époque journaliste au Nouvel Observateur, qui le racontera dans un article : voyant les lumières des villes environnantes sur la terrasse de l’hôtel Louisiana où il se trouve : « vous voyez toutes ces lumières ? Des Vitrolles, il y en a des dizaines autour ». Il avait raison. Le fruit était mur, encore fallait-il pour le FN réussir à Vitrolles. S’il n’y avait pas eu le recours gagné par le FN et cette mise en examen qui précéda l’élection partielle de 97, Mégret n’aurait pas tenu six ans dans l’opposition municipale. D’ailleurs en 95 on s’est dit : « Mégret restera un an puis il passera à autre chose ». Il y avait une pression permanente sur le Maire et sa famille qui dans certaines circonstances, de longs déplacements en voiture par exemple, bénéficiait d’un accompagnement discret …Un enfer ! Il y avait même dans son cabinet professionnel une employée qui avait été infiltrée de longs mois auparavant. Un coup tordu parmi d’autres d’Hubert Fayard. 3 Vitrolles finira en 2002 également après un recours par se débarrasser de Mégret. Contrairement à Marignane la gauche a toujours gardé une assise sociale forte à Vitrolles. Néanmoins la ville est retournée au bercail républicain non pas sur des bases idéologiques mais parce que le FN n’avait aucune expérience de la gestion municipale ni cadres compétents. Ceux de l’équipe Anglade quittèrent rapidement la commune. A Marignane, les cadres sont restés après l’élection de Simonpiéri. C’est donc essentiellement un échec de gestion du FN qui explique sa défaite en 2002. Obino a trouvé la formule qui en définitive fait et donne le ton d’une campagne «il pleut dans nos écoles ». Ce slogan sans cesse répété symbolisait l’échec de la gestion mégretiste. Par ailleurs les vitrollais étaient las d’être montrés du doigt. Ils aspiraient à la paix. Le côté notable, rassurant voire paternaliste du docteur Obino fit le reste. Pour Tichadou, d’entrée je réalise qu’on lui savonne la planche. Sans doute des inimitiés tenaces dont les marseillais ont le secret. Je suis convaincu qu’ici à Vitrolles, certains agissaient sur ordre. Quoi qu’il en soit il est élu conseiller général à la surprise générale. Il perd les municipales de 200 et quelques voix. Il engage seul un recours auquel nul ne croyait et il le gagne. Election partielle donc. La fédération du PS donne l’investiture à Guy Obino. Il se présente contre et obtient 12%. Ce qui est dans ce contexte un résultat remarquable. En vérité le parachutage de Tichadou sur Vitrolles fut une réussite. Il a, du moins c’est ma conviction, le tempérament qui correspond aux attentes des vitrollais. Comme Chicha, en son temps. Profil identique, y compris physiquement, fort en gueule, qui ne craint rien. Pourtant Tichadou est arrivé ici avec une réputation épouvantable et il y a eu contre lui une cabale savamment orchestrée. Pour les élections municipales partielles découlant du recours, je considérais que sa candidature était légitime. Et sans nul doute il aurait également gagné. Petite digression sur le centre ville : Question récurrente voire . existentielle à Vitrolles, je plaisante. Est-ce qu’on crée un centre ou est-ce qu’on conforte le poly-centrisme existant de part la topographie des lieux conjuguée au caractère décousu de la croissance de la ville? Ce débat a été tranché dans le cadre de l’agenda 21 et du PLU (Plan local urbain qui se substitue au POS) : Conforter le poly-centrisme en développant le concept d’écoquartier sans renoncer à un centre ville. Compte tenu de la géographie communale, l’approche est intelligente. Elle mêle une volonté politique clairement affichée tout en laissant la possibilité à un centre traditionnel à terme de s’imposer. A l’époque d’Anglade on ne se posait pas ces questions tout accaparés à courir après une croissance délirante qui générait de multiples problèmes. Pourtant, la question de la centralité se posera une fois. Quand 4 l’association diocésaine a présenté son projet de construction d’un édifice religieux dans les quartiers sud de la ville (aujourd’hui l’église Bon Pasteur) ce qui de facto aurait pour conséquence de conforter le création d’un deuxième « pôle urbain » tout en réduisant la fréquentation du noyau villageois. Mais ce débat a lieu à la va vite. Une question parmi d’autre au sein d’un ordre du jour comme souvent très chargé. La question de la vidéo surveillance dans le centre ville. Il faut se replacer dans le contexte. Nous sommes entre 1993 et 1995. Il y a un matraquage permanent et bien fait du FN. Il y a des réalités : l’insécurité. Une étude a été faite par des universitaires aixois (-C’est fait). Il y a une sorte de psychose en ville, pas seulement chez les commerçants, que le FN exploite avec un art consommé de l’agitprop. Nous commettons à mon avis l’erreur de céder et de nous inscrire dans cette spirale-là et il y a un plan, 21 mesures? Doc expédié 10 avril), dont une est une erreur fondamentale ( LAQUELLE ? voir ci après) A l’époque il fallait rassurer à tout prix pensait-on. Anglade n’a plus la main. Le FN est maître du jeu. Je revois encore le fonctionnaire chargé de l’économie qui nous propose au cours d’une réunion de travail, les moyens étatiques pour lutter contre l’insécurité nous faisant défaut, de faire un procès à l’Etat. Etant chargé parmi mes prérogatives de l’animation et du suivi du « comité communal de prévention de la délinquance » doté par l’état d’un dispositif financier, nous allions une fois l’an chez le préfet de police pour faire le point. Je revois encore ce haut fonctionnaire, pâle et manifestement nerveux, s’adresser avant toute chose à JJA en ces termes: «Alors Monsieur le maire, vous voulez engager un procès contre l’état ? »(? la nouvelle formulation doit être plus claire VOIR LA SUITE ). Autre anecdote. Anglade veut organiser une manifestation sur l’étang de Berre avec Jean-Michel Jarre. Pour l’anecdote la production du compositeur demande la mise à disposition d’une limousine pour le déplacement du terminal à l’hôtel Sofitel qui se situe à quelques centaines de mètres. Manifestement le barnum de Jarre donne de l’urticaire aux autorités de l’état et de l’aéroport. Le tir de barrage et impressionnant. La réunion en sous préfecture se solde par une descente en flamme. Jarre ne dormira pas au Sofitel. Un dernier exemple, chez le procureur cette fois. Nous avons un projet de rave-party au Stadium. L’entretien est glacial. Certes contenue la fureur du procureur n’en est pas moins perceptible. Finalement Anglade renoncera. Donc il s’est mis à dos beaucoup de monde : le préfet de police, le procureur, accessoirement quelques directeurs départementaux d’administrations centrales et pour finir Jospin (affaire du canal Rhin-Rhône). Si l’on ajoute quelques haines inexpiables propres au monde politique, cela faisait manifestement beaucoup. 5 La circonscription de Vitrolles fut classée parmi les 10 agglomérations les plus « insécuritaires »ce qui ne signifie pas grand-chose compte tenu que outre la ville elle comprend la majeure partie de la zone commerciale de Plan de Campagne ( une des plus importantes d’Europe) une partie de la localité des Pennes Mirabeau, la zone industrielle de Vitrolles et le complexe commercial de «Grand Vitrolles ». Autrement dit quand une voiture est volée dans cette vaste circonscription, elle est comptabilisée à Vitrolles, quand un chèque est impayé à Carrefour…c’est toujours à Vitrolles que la plainte est déposée. Le FN met en scène le tout et les vitrollais ont le sentiment de vivre dans la zone. Pour répondre à ta question il n’y a pas eu de la part de JJA d’abandon des quartiers populaires car à Vitrolles, il n’y a que des quartiers populaires, il n’y a de façon significative ni bourgeoisie ni classe moyenne-supérieure. Le FN a selon un processus bien connu aujourd’hui exacerbé les tensions, les peurs, les angoisses des employés, ouvriers propriétaires d’une petite maison dans un lotissement sans âme et qui réalisent que l’ascenseur social est en panne, que l’avenir de leurs enfants est incertain. Et puis ils y a les autres … Les immigrés de la 2°, 3° génération assignés à résidence, les familles monoparentales, les chômeurs, les précaires, vécus par les premiers comme une menace, un effet miroir du déclassement social qui pensent-ils les menaces. Et paradoxalement, car bien évidemment l’intention des aménageurs était inverse, cette barrière, ce délitement du lien social se matérialise dans bâti. Le concept d‘aménagement de l’EPAREB à la fin des années 60/70, est le suivant. Un emploi/un logement, un collectif/un individuel. la mixité sociale est recherchée. Prenons l’exemple du quartier de la la Frescoule car il fait l’objet d’un véritable plan d’aménagement. Des logements sociaux jouxtent du pavillonnaire avec pour objectif que tout le monde vive en harmonie. En fait, « on se tournent le dos ». Selon un processus aujourd’hui bien rodé, si je puis me permettre une pointe d’ironie amère, dans les logements sociaux vont arriver de + en + de pauvres quand au début, on avait des jeunes couples salariés qui débutent leurs parcours résidentiels. La catégorie des « socialement intégrés », les retraités des 30 glorieuses et les couples salariés ne font pas bon ménage avec les pauvres, autrement dit les précaires. L’aménagement est soigné. Espaces verts, mails arborés, fontaines, miroir, jeux d’eau….. Ce que les gens veulent, c’est avoir leur véhicule au pied de leur immeuble, visible de la fenêtre et tant pis pour la pelouse! Les urbanistes ne peuvent pas penser à tout ! Quant aux élus ils sont impuissants face à la montée de la peur : on verra les murs + hauts du côté des pavillonnaires. Et des hauts murs et des chiens de garde impressionnants du côté de l’ancienne 6 gare SNCF dans un secteur de petits lotissements libres ! Ils vivent dans la peur, enfermés chez eux et enfermés dans leurs têtes. Cette peur est toujours présente mais aujourd’hui elle n’est pas traduire, mise en scène, exacerbée jusqu’à son paroxysme. Elle est latente. SUITE ITW du 7 avril 2011 A VERIFIER PAR MARC Je vais développer 2 axes : le premier pour expliquer le vote FN. A Vitrolles, il n’y a pas de tradition politique bien établie. Il y avait une tradition PC, importante (30 à 40%) qui s’est effritée au fil du temps. Je ne veux pas dire par là que les anciens communistes votent FN. Il n’y a pas non plus de tradition socialiste, ni de démocratie chrétienne (5 ou 6 %), pas encore de vote Vert (qui restera toujours limité). D’autre part il y a eu des erreurs de la part d’Anglade, notamment au cours du 2ème mandat, mais ma théorie est la suivante : si Mégret ne dépose pas un recours en 1995, il n’y a pas de réélection en 1997 et Anglade n’est pas battu. De plus, si Anglade s’était contenté d’être le maire de Vitrolles, non seulement il serait resté maire mais encore il serait député. Il s’est fait énormément d’ennemis : le préfet, le préfet de police, le procureur, les directeurs des administrations, plus à l’intérieur du PS. J’ai le sentiment, pas la certitude, que l’affaire des « fausses factures » pour laquelle il tombe (somme relativement faible, sans enrichissement personnel), c’était pour le flinguer. On a dû aiguiller le juge. Ensuite, personne ne l’a aidé : Jospin est venu avec Béatrice Dalle et Arno Klarsfeld et ils ont passé 2 heures à la salle des fêtes. Des anecdotes concernant le vote FN. Aujourd’hui on voit à la télé des gens qui disent j’ai voté FN, ce qu’on ne voyait pas durant les années 90. La plaisanterie à gauche sur Vitrolles, c’était, à gauche : 1 vitrollais sur 2 vote FN, quand j’en croise, c’est l’autre puisque c’est pas moi. Une anecdote personnelle en 1997 après la victoire de Mégret. Il y a à Vitrolles toute la presse possible et imaginable. Je croise dans le jardin de la résidence un journaliste d’une télé japonaise qui me dit dans un français approximatif « auriez-vous voté FN ?, car je cherche des électeurs du FN ». Je lui réponds que je vote PS. Il insiste : « mais vous ne seriez-pas un peu FN ? ». Il cherche quelqu’un qui a voté FN. 7 Je t’ai raconté 2 anecdotes : celle qui croit que sa petite fille portera un jour le voile et celle qui me raconte que des arabes ont acheté près de chez elle et qui veut s’en aller. Mon commentaire à celle qui veut s’en aller : c’est bon signe, ça signifie qu’il y a un parcours résidentiel qui s’effectue, comme cela s’est produit pour toutes les vagues d’immigration. Cette personne me répond que ce n’est pas positif puisque notre maison est en train de se déprécier…La difficulté entre moi qui ai confiance dans un processus qui existe depuis la nuit des temps : ceux qui viennent d’ailleurs s’installent et la vie continue et d’autre part celle qui veut partir parce que des arabes achètent une maison près de chez elle, le dialogue est impossible. A Vitrolles, le vote FN est présent partout. On s’accorde à dire que le péri urbain a plutôt tendance à voter FN. Par exemple Rognac, aux prochaines municipales, risque d’avoir une mairie FN. Vitrolles, c’est un peu la grande banlieue de Marseille. De nombreux vitrollais viennent de Marseille. Il y a eu aussi des nordistes du bassin minier du nord dont les mines fermaient et qui étaient mutés à Gardanne, et logés à Vitrolles. 37% de la population vit en logement social. Les propriétaires passent à peine la barre des 50%, un peu en dessous de la moyenne nationale. Pour le logement social, la municipalité ne dispose que de 20% d’attribution du parc social. Pour ce qui concerne les élections, sachant qu’on vote partout FN à des taux élevés à Vitrolles, que dans les quartiers populaires à majorité maghrébine, là où la gauche fait ses meilleurs scores, pour autant que les électeurs se déplacent, il y a un seul bureau où la gauche est toujours en tête (les Pinchinades), ce sont les pionniers de la ville, les premiers habitants de la ville nouvelle. C’est seulement maintenant en 2011, qu’on commence à voir des traditions électorales avec des quartiers qui votent à droite ou à gauche. Traditionnellement à droite : le quartier des Vignettes, les quartiers nord-ouest, Caucadis, le Parc des Amandiers, les Cadenières, qui sont à majorité pavillonnaires, d’accession à la propriété (ouvriers, employés…) avec un nombre important de pieds-noirs (depuis les années 80). Les villas un peu plus cossues, près de la route de Marseille sont légitimistes (votent pour le maire sortant et UMP aux législatives), comme le vieux village. (VOIR LES RESULTATS ELECTORAUX DE 1984 A 2002 PAR BUREAUX DE VOTES). La peur de « l’autre » fait que les zones pavillonnaires en lotissements qui jouxtent les quartiers du logement social ont une tendance manifeste à voter davantage FN. 8 Lors des visites de quartiers en 1997, j’ai retenu une anecdote, avant la prise de la mairie par Mégret. Je n’étais plus élu depuis 1995, mais j’ai fait la campagne de 97 avec Anglade. Je suis chargé d’organiser des réunions avec le tissu associatif et me vient l’idée de faire des réunions d’appartements avec d’anciens élus de 77 à 83. J’organise une réunion exploratoire préalable pour savoir où je mets les pieds. C’était chez un copain sur la route de Marseille et il me dit : « il y a longtemps que tu n’as pas mis les pieds au marché des Pins le vendredi ? ». Je lui réponds que j’y vais épisodiquement. Il rétorque « tu as toujours le sentiment d’être chez toi ? ». Celui qui parle est un ancien adhérent du PS et ancien élu… En 93/94 quand arrive Mégret avec tout l’appareil national, il y a plusieurs dizaines de personnes qui travaillent en permanence avec de gros moyens financiers et un gros travail de sape de tout ce que fait la mairie. Ils publient un livre sur Vitrolles, sortent des tracts toutes les semaines…Mégret est un organisateur hors-pair, une très bonne plume, il a compris la fragilité de la population et il s’en sert de façon systématique. Auparavant, c’était JP Stirbois et c’était très désordonné, maintenant avec Mégret, c’est du travail de professionnel. Dans les quartiers ont sent que la population nous échappe à la même période (début des années 90), on la sent très tendue, nerveuse à notre égard, on a pourtant été élus en 1988 au premier tour. Une fois ou deux dans les Conseils d’Ecole, dans deux quartiers différents, on me demande la présence d’un fonctionnaire municipal au moment des entrées et sorties d’école. Je leur réponds qu’il y a une ligne droite et que je ne peux pas répondre favorablement à cette demande. Je sens une réaction nouvelle, comme celle d’un enfant qui veut attirer l’attention sur lui. On avait eu des difficultés dès les 3 premières années (1983/1986), on avait commandé un sondage de satisfaction (1986)et cette agence nous avait dit : « si vous ne redressez pas la barre, votre réélection en 1988 sera très difficile ». A partir des observations qui ont été faites on a rectifié, essayé de pallier nos manques. On a alors décollé en 1988 avec une réélection au 1er tour. Au début des années 90, je sens qu’on n’est plus en phase avec l’opinion. Le FN va surfer là-dessus et il met en scène ces difficultés. -Question : Ya-t-il un bilan politique de l’état de l’opinion entre les élus ? -Réponse de MG : jamais. Après les élections on analyse les résultats. Pas plus. JJA n’était pas un adepte du « brain-storming ». A partir de 94, quand on sent que ça chauffe, oui. Je me souviens d’une réunion où on était une vingtaine autour de la table. J’interviens. Après mon intervention, JJA me dit : « Marc, tu ne repars pas pour les élections de 95, tu deviens un commentateur ». Peut-être qu’à ce moment-là, dans ma tête, tout devenait clair. Cette réunion faisait le constat qu’il y avait le feu à la maison : on est au milieu de l’année 94, c'est-à9 dire 6 mois avant les prochaines élections. Il y a de nombreux élus qui s’en tiennent à leur délégation et qui ont le nez dans le guidon et le « patron » ne facilite pas la conjonction. La liaison entre la section du PS et les élus se fait par le dir. cab. qui est membre du bureau de la section, en général. A Vitrolles, il n’y a pas de tradition politique, comme dans le nord, par exemple. Il y a des résidents récents, un turn-over important, une mouvance entre 15 et 30 % que le FN peut capter, c’est un électorat qui n’est pas fixé. Vitrolles est une ville qui n’a pas d’histoire. - Les rapports avec le PC : Globalement, ça se passe bien. Cependant, c’est un rapport de forces : en 1977, il est en faveur du PC, l’union de la gauche ne se fait pas, Maguy Monnier, une Defferriste Marseillaise, veut être tête de liste, le PC également. Il y a donc une primaire. Elle est gagnée de justesse par le PC 23 %, le PS 22 %. Au 2ème tour, c’est Pierre Selles, apparenté PC qui est tête de liste. Ca se passe mal. Maguy Monnier démissionne ( ?????). A partir de 1979, Anglade se positionne comme candidat pour les prochaines municipales de 1983. Il y a de nouveau une primaire en 1983 qui inverse le rapport de forces de 1977. Le PC a des délégations. Il y aura des tensions mais pas de clash. Le PC est suivi par la direction fédérale. En 1989, en 1995, même schéma électoral (primaire ???). En 1997, le FN est élu. En 2002, Obino met en place une méthode très personnelle de rapports avec les élus. Les racines à Vitrolles . (Hors ITW, l’anecdote que me raconte Stéphane Wahnich, d’une agence de communication –L’institut d’études et de sondages SCP Communication(VOIR le livre « Le Pen les mots édition du Monde page 275) rendant un rapport à la mairie sur les moyens de pallier l’absence de racines de la population qui va selon SW donner lieu à une opération de plantation d’arbres sur le plateau de l’Arbois. Version de Marc Grand : c’est l’époque où on termine la ville, les constructions sortent à un rythme soutenu, on sent que les vitrollais sont fatigués de ces changements continus du paysage urbanistique. Dans le schéma d’aménagement urbain de la ville nouvelle, suite à l’implantation industrielle à Fos, une ville de 150 000 habitants, avec des constructions sur le plateau de l’Arbois. Il existe une maquette de ce projet. Un tunnel est prévu pour la jonction entre le plateau et la ville. Les vitrollais sont donc convaincus qu’on va continuer à construire, ce que dément la mairie. La mairie achète donc 80 hectares à 1 franc le m2 sur le plateau afin d’y planter des arbres, en 10 associant toute la population à ce reboisement, car le plateau est destiné à rester naturel. FIN DE L’ENTRETIEN 11