Cameroun - African Economic Outlook

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Cameroun - African Economic Outlook
Cameroun
2016
Richard Antonin Doffonsou / [email protected]
Corneille Agossou / [email protected]
www.africaneconomicoutlook.org
Cameroun
CAMEROUN
• Le Cameroun a enregistré une croissance alerte de 5.7 % en 2015, tirée principalement
par le secteur secondaire.
• Dans le contexte actuel de baisse des cours pétroliers, le pays doit rationnaliser les
investissements publics et améliorer l’efficacité de ses dépenses.
• L’urbanisation a eu un impact positif sur la réduction de la pauvreté, mais des politiques
plus volontaristes sont nécessaires pour atténuer les inégalités et les déséquilibres.
Vue d’ensemble
L’économie camerounaise, moteur de la Communauté économique et monétaire des États
de l’Afrique centrale (CEMAC), a continué en 2015 à faire preuve de résilience dans un contexte
économique mondial peu favorable (stagnation dans les pays de l’OCDE, décélération de la
croissance en Chine et dans plusieurs pays émergents, baisse des cours du pétrole et des
recettes d’exportations du pays). La région, de son côté, est confrontée à la persistance de poches
d’insécurité aux frontières du nord et de l’est, du fait de la menace du groupe Boko Haram et
de la crise en République centrafricaine (RCA). La croissance camerounaise s’est consolidée en
2015 au rythme de 5.7 %, tirée principalement par le secteur secondaire qui a crû de 8.4 %. Le
secteur tertiaire a connu une croissance de 5 %, et le secteur primaire de 4.9 %. La production de
pétrole, dont le pays est un exportateur net, a connu une hausse exceptionnelle de 28.3 % avec la
mise en exploitation de nouveaux champs. Le secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) s’est
également accru, au rythme de 7.3 %.
La politique budgétaire a conservé un caractère modérément expansionniste en phase avec la
poursuite des grands projets d’infrastructures. La loi de finances 2015, à l’instar de celles de 2013
et 2014, a été élaborée et mise en œuvre selon la méthode des budgets-programmes. La politique
monétaire a visé de son côté à stabiliser les prix et le taux de change effectif réel, en évitant tout
effet d’éviction de l’investissement privé par les dépenses publiques. L’inflation s’est montée à
2.7 % en 2015, en hausse de 0.8 point, en raison de la hausse des prix des carburants à la pompe,
elle-même consécutive à la réduction de 40 % des subventions aux produits pétroliers opérée en
juillet 2014. L’inflation reste cependant en deçà du seuil de convergence fixé à 3 % en zone CEMAC.
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Perspectives économiques en Afrique
© BAfD, OCDE, PNUD 2016
%
Taux de croissance du PIB réel (%)
Afrique Centrale
Afrique (%)
Cameroun
Graphique 1. Taux de croissance du PIB réel 8
7
6
5
4
3
2
1
0
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015(e)
2016(p)
2017(p)
Source: BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p).
Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques
2014
2015(e)
2016(p)
Croissance du PIB réel
5.9
5.7
5.3
5.1
Croissance du PIB réel par habitant
3.4
3.2
2.8
2.6
Inflation
2017(p)
1.9
2.7
2.2
2.1
Solde budgétaire (% PIB)
-3.9
-5.3
-5.7
-4.9
Compte courant (% PIB)
-15.2
-14.0
-14.6
-15.0
Source : Données des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p).
Développement récents et perspectives
L’économie camerounaise représente plus de 40 % du PIB de la CEMAC en termes de productions
(agricole, industrielle et services). Elle a continué en 2015 de faire preuve de résilience dans un
contexte économique mondial de stagnation marqué par la faiblesse de la reprise dans les pays
de l’OCDE et par la décélération de la croissance en Chine et dans plusieurs pays émergents.
L’environnement régional n’est guère plus favorable en raison de la persistance de poches
d’insécurité aux frontières nord et est du pays, avec la menace du groupe Boko Haram et la crise
en République centrafricaine (RCA). La croissance s’est néanmoins consolidée en 2015 au rythme
de 5.7%, tirée par la hausse substantielle de la production pétrolière et de l’exploitation forestière.
Dans le secteur primaire, la croissance 2015 est estimée à 4.9 %, tirée par les branches
« sylviculture et exploitation forestière » et « élevage et pêche ». En 2016, le secteur devrait encore
croître de 4.5 %, malgré une décélération de la sylviculture. L’agriculture vivrière devrait en
effet bénéficier des efforts d’encadrement des agriculteurs et de la distribution d’équipements
et d’engrais. Les cultures de rente seraient pour leur part soutenues par les programmes
d’encadrement des producteurs et l’introduction de plants et semences à haut rendement, ainsi
que par des financements spécifiques de la filière coton. Les perspectives de l’élevage et de la pêche
sont également favorables, avec la mise en œuvre des projets agro-pastoraux du Plan national
d’urgence triennal (Planut), notamment l’installation d’entrepôts frigorifiques et l’aménagement
de 1 200 hectares de terres cultivables. Par ailleurs, l’exploitation programmée des réserves d’eau
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Perspectives économiques en Afrique
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Cameroun
des barrages en cours de construction (Lom Pangar, Memve’ele et Mekin) devrait propulser la
production halieutique.
Dans le secteur secondaire, le dynamisme observé depuis 2012 s’est poursuivi en 2015, avec
une progression estimée à 8.4 % qu’expliquent la hausse de la production pétrolière (+ 28.3 %) et
la relance du BTP (+ 7.3 %). Sur la période 2016-18, l’offre d’énergie devrait s’améliorer grâce à la
mise en exploitation progressive du barrage hydro-électrique de Lom Pangar et à la montée en
puissance de la centrale thermique à gaz de Kribi. La vigueur du BTP s’explique par la poursuite des
grands projets, mais aussi par la mise en œuvre du Planut et des chantiers relatifs à l’organisation
des Coupes d’Afrique des nations (CAN), féminine en 2016 et masculine en 2019. La CAN devrait
dynamiser les services marchands et financiers. Mais le repli prévu de la production pétrolière
(2.2 %) devrait ramener à 4.7 % en la croissance du secteur secondaire en 2016. Ce dernier n’en
contribuera pas moins au PIB à hauteur de 6.1 % (prévision), grâce au déploiement des services
de télécommunications (passage aux standards 3G et 4G de la téléphonie mobile, réseau de fibre
optique) et à la vigueur du commerce, des services financiers et des activités immobilières.
Le secteur tertiaire a maintenu son dynamisme avec une hausse estimée à 5 % en 2015, en
phase avec la bonne tenue des secteurs primaire et secondaire. Mais l’insécurité dans les régions
septentrionales et orientales a freiné le tourisme et le secteur des transports.
La demande a connu une évolution contrastée. La contribution de la demande intérieure à
la croissance du PIB en 2015 a été de 4 %, dont 3.1 % provenant de la consommation finale. La
contribution de la demande extérieure, effet combiné des exportations et des importations, a été,
quant à elle marginale (0.7 %). La hausse des importations, notamment de biens d’équipements
destinés aux grands chantiers d’infrastructures, a en effet pesé négativement sur la demande
extérieure. Cette tendance induit un déficit structurel de la balance des paiements, qui devrait
être contenu à moyen terme sous l’effet des incitations à la diversification de l’économie et de la
baisse attendue des importations de biens d’équipement avec l’achèvement de plusieurs grands
chantiers d’infrastructures.
La consommation finale bénéficie de l’amélioration des revenus des ménages, en lien avec
la création d’emplois dans la fonction publique, dans les entreprises privées et publiques, et
dans les grands chantiers. En 2016 et 2017, la consommation finale devrait progresser de 4.9 %
en moyenne sur les deux exercices. Quant à l’investissement, sa contribution à la croissance
est estimée à 1.7 % en 2015, tiré par sa composante privée (1.5 %) avec la création de nouvelles
cimenteries et le renouvellement des outils de production de plusieurs entreprises. La croissance
de l’investissement devrait être encore plus vigoureuse en 2016 et 2017, de 10.4 % en moyenne,
avec l’accélération des travaux du plan d’urgence triennal et des chantiers liés aux CAN.
L’inflation a atteint 2.7 % en 2015 contre 1.9 % en 2014. Cette hausse est notamment imputable
à la réduction de 40 % des subventions sur les produits pétroliers opérée en juillet 2014. Le litre
d’essence était alors passé de 569 francs CFA (XAF) à 650 XAF, et le litre de gazole de 520 XAF
à 600 XAF. En 2016, l’inflation devrait être contenue en deçà de 3 %, le seuil de convergence de
la CEMAC, en raison des effets escomptés de la réduction des droits d’accises et de la baisse,
introduite le 1er janvier 2016, de 3.07 % sur le litre d’essence et de 4.16 % sur le litre de gazole.
La croissance est prévue à 5.3 % en 2016 et à 5.1 % en 2017, en légère décélération par rapport
aux années précédentes. Ce tassement étant imputable au recul du secteur pétrolier, le PIB non
pétrolier devrait croître de 5.7 %. Le secteur tertiaire devrait poursuivre son développement.
L’objectif d’une croissance de 6 % inscrit dans le Document de stratégie pour la croissance et
l’emploi (DSCE 2010-20) ne serait donc pas atteint, mais il reste accessible à condition d’engager
des politiques publiques plus volontaristes.
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Agriculture, foresterie, pêche et chasse
2010
2014
23.9
22.5
Dont pêche
1.3
1.1
Activités extractives
4.5
4.8
Dont extraction de pétrole brut et de gaz naturel
Activités de fabrication
4.4
4.5
18.1
17.5
Production et distribution d'électricité, de gaz et d'eau
0.8
0.9
Construction
2.9
3.4
20.1
20.4
Commerce de gros et de détail; réparation de véhicules
automobiles et hôtels et restaurants
Dont hôtels et restaurants
Transports, entreposage et communications
…
…
10.1
10.9
Intermédiation financière, immobilier, locations et activités de
services aux entreprises
9.4
9.5
Administration publique et défense; sécurité sociale
obligatoire
8.8
8.8
Autres services
Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs
Cameroun
Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB)
1.4
1.3
100.0
100.0
Source : Données des administrations nationales.
Politique macroéconomique
Politique budgétaire
La loi de finances 2015, à l’instar de celles de 2013 et de 2014, a été élaborée et mise en
œuvre selon l’approche des budgets-programmes. Le contexte économique a été marqué par :
i) la consolidation de la croissance sur un sentier de 5 % à 6% ; ii) le début de la mise en œuvre
du Planut pour l’accélération de la croissance ; iii) l’intensification des menaces régionales et
de la lutte contre la secte Boko Haram ; et iv) la poursuite de la chute mondiale des cours du
pétrole. Pour mettre en œuvre le programme de grandes infrastructures, la politique budgétaire
a conservé son caractère modérément expansionniste.
Le budget 2015 s’est chiffré à 3 746.6 milliards XAF, en hausse de 13.1 % par rapport à 2014.
Les ressources prévues se composaient de 2 963.4 milliards XAF de ressources pétrolières et non
pétrolière (79.1 %) et de 783.2 milliards d’emprunts et dons (20.9 %). Le plafond des émissions de
titres publics a été relevé et porté de 320 à 900 milliards XAF par une ordonnance le 6 février 2015.
En autorisant l’émission d’une euro-obligation, cette ordonnance a permis de mobiliser
375 millions de dollars (USD). Selon les prévisions officielles, les recettes budgétaires globales
devaient s’élever fin 2015 à 3832.8 milliards XAF, en hausse de 2.3 par rapport au budget voté.
Les recettes pétrolières, au contraire, étaient estimées à 502.1 milliards XAF contre une prévision
de 751.2 milliards XAF, une baisse provoquée par la chute des cours pétroliers très en deçà de
l’hypothèse de 89.6 USD le baril retenue dans la loi de finances 2015. Cette contreperformance a
été largement compensée par le surplus escompté des recettes non pétrolières et par les recettes
exceptionnelles provenant de la vente de licences de téléphonie mobile 3G et 4G. La baisse des
cours du pétrole a eu par ailleurs un effet bénéfique sur le budget, en facilitant la suppression des
subventions à la Société nationale de raffinage (Sonara) après son retour à l’équilibre.
L’exécution budgétaire a été marquée par une hausse du budget d’investissement public (BIP),
portées à 1 150 milliards XAF en phase avec les objectifs du DSCE. Ces dépenses sont financées à
hauteur de 425 milliards XAF sur financements extérieurs (36.9 %), 650 milliards sur ressources
propres (56.5 %), et 75 milliards d’économies générées par les opérations de restructuration
(6.6 %). Une part substantielle du BIP (environ 47 %) a été consacrée aux infrastructures. Quant
aux dépenses de fonctionnement, chiffrées à 1 615 milliards XAF, elles incluent 900 milliards XAF
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Perspectives économiques en Afrique
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Cameroun
de masse salariale (avec le recrutement prioritaire d’agents des forces de sécurité et de défense),
et 715.6 milliards XAF pour les dépenses en biens et services. Le déficit budgétaire s’est creusé de
1.4 % entre 2014 et 2015.
Tableau 3. Finances publiques (pourcentage du PIB aux prix actuels)
2007
2012
2013
2014
Total recettes et dons
20.0
17.9
18.0
18.2
17.6
17.1
17.3
Recettes fiscales
10.9
11.0
11.3
12.2
12.2
12.1
12.0
Dons
2015(e)
2016(p)
2017(p)
6.4
5.1
4.8
4.3
3.7
3.3
3.7
Total dépenses et prêts nets (a)
15.7
18.8
21.9
22.1
22.9
22.8
22.2
Dépenses courantes
11.7
13.3
14.6
14.4
15.0
14.7
14.3
Sans intérêts
11.2
12.9
14.2
14.0
14.5
14.0
13.6
Salaires et rémunérations
4.4
5.2
5.4
5.4
5.5
5.3
5.3
Intérêt
0.5
0.4
0.4
0.4
0.5
0.7
0.7
Dépenses d’investissement
4.0
5.5
7.3
7.7
7.9
8.1
7.9
Solde primaire
4.8
-0.5
-3.5
-3.5
-4.8
-5.0
-4.2
Solde global
4.3
-0.9
-3.9
-3.9
-5.3
-5.7
-4.9
Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés.
Source : Données des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p).
Politique monétaire
Selon le traité de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac)
dont est membre le Cameroun, ainsi que la convention régissant l’Union monétaire de l’Afrique
centrale (Umac), la politique monétaire relève exclusivement du Comité de politique monétaire
(CPM) de la Banque centrale des États de l’Afrique centrale (BEAC). La politique monétaire mise en
œuvre en 2015 par le CPM a visé à stabiliser les prix et le taux de change effectif réel, et à éviter
tout effet d’éviction de l’investissement privé par les dépenses publiques. Le CPM a usé des deux
instruments que sont le refinancement et les réserves obligatoires.
Au titre de la politique de refinancement, le CPM a revu à la baisse en juillet 2015 ses principaux
taux d’intervention pour favoriser l’injection de liquidité sur le marché monétaire. Ainsi, le CPM
a diminué le taux d’intérêt des appels d’offres (TIAO) de 50 points de base pour le ramener 2.45 %
contre 2.95 % en 2014 et 3.25 % en 2013. De même, le taux d’intérêt des prises en pension (TIPP) a
été revu à la baisse, passant à 4.2 % contre 4.7 % en 2014 et 5 % en 2013. Quant au taux des avances
aux Trésors, il est passé de 2.95 % en 2014 à 2.45 % en 2015, contre 3.25 % en 2013. Les taux d’intérêt
sur les placements des banques à la BEAC et le taux de rémunération des dépôts publics sont
restés inchangés.
Le CPM a maintenu sa politique des avances aux États de la Cemac sur la base du plafond
communautaire de 2014. Mais la crise pétrolière, en affectant fortement depuis juillet 2014 les
économies les moins diversifiées de la Cemac (Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad, Congo), a entraîné
une forte réduction de leurs apports aux réserves de change de la communauté. Il en a résulté
qu’à plafond constant des avances de l’espace Cemac, la part des avances dévolues au Cameroun
a mécaniquement augmenté au détriment des autres pays, passant de 335 milliards XAF en 2014
à 377 milliards XAF en 2015 ; ce qui a permis au pays de tirer 150 milliards XAF en juin 2015 pour
faire face à la baisse de ses recettes pétrolières. L’objectif des avances aux banques est passé de
10 milliards XAF en 2014 à 80 milliards XAF en 2015 ; ce qui a permis aux banques de bénéficier
de concours de refinancement se montant à plus de 50 milliards XAF au premier semestre 2015.
S’agissant des réserves obligatoires, le CPM a maintenu inchangés les coefficients applicables sur
les dépôts à vue (11.75 %) et les dépôts à terme (9.25 %), afin de lutter contre l’inflation.
Cette politique monétaire modérément expansionniste, poursuivie depuis 2013, devrait se
traduire en 2015 par une hausse de la masse monétaire de 9.3 %. Le gonflement de la masse
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Perspectives économiques en Afrique
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Cameroun
monétaire continue de bénéficier au secteur privé. Selon les estimations, les crédits à l’économie
ont augmenté de 18 % en 2015 contre 12.2 % en 2014.
Coopération économique, intégration régionale et commerce
Le Cameroun continue d’être un acteur majeur de la coopération économique et régionale au
sein de la Cemac, ainsi qu’au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale
(CEEAC). À ce titre, le pays participe de façon très active depuis 2009 au processus d’harmonisation
de leur action en vue de la fusion-absorption des deux zones Cemac et CEEAC, à terme. Il
assure la présidence du Comité de Pilotage de la rationalisation (Copil) des deux Communautés
économiques régionales (CER).
Confronté aux défis sécuritaires de la piraterie dans le golfe de Guinée et du groupe
terroriste Boko Haram, le Cameroun a renforcé sa coopération bilatérale avec ses partenaires de
la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et ceux de la Cemac. Le
Cameroun s’est associé au Tchad, au Nigeria, au Bénin et au Niger pour combattre Boko Haram. Le
pays participe à la résolution des conflits qui mettent en péril l’intégration régionale, notamment
le conflit en République centrafricaine (RCA). Au-delà de l’accueil des déplacés, le Cameroun a
apporté des contributions substantielles au fonctionnement de l’État centrafricain, lors de la
transition.
L’intégration et l’intermédiation financières sont particulièrement surveillées. Pour réduire
les risques sur les opérations financières, le Cameroun a mis en place des bureaux d’information
sur le crédit (BIC), et l’agence nationale de la BEAC a développé une plateforme recensant les
incidents de paiement. Cette plateforme prend en compte les banques commerciales et les grands
établissements de microfinance (EMF) susceptibles de présenter un risque de nature systémique.
Ce dispositif est un prélude au déploiement, dans l’ensemble des pays membres de la Cemac,
d’une centrale des risques et des bilans couvrant les institutions de crédit et les EMF.
Au plan commercial, le Cameroun a entrepris, dans le cadre de sa politique des infrastructures,
d’aménager des corridors inter-États en direction de ses voisins (Nigéria, Tchad, RCA, Congo,
Gabon et Guinée Équatoriale). Il s’agit de faciliter le commerce pour renforcer les échanges et
contribuer ainsi à l’intégration des économies. En appoint à ce projet, des politiques industrielles
et commerciales plus incitatives devront être mises en œuvre, en lien avec l’Accord de partenariat
économique (APE) régional, pour contenir le déficit structurel des comptes courants.
Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB)
2007
2012
2013
2014
2015(e)
2016(p)
2017(p)
3.6
-6.7
-10.8
-12.2
-12.1
-12.4
-12.6
Exportations de biens (f.o.b.)
24.3
16.8
14.7
15.3
13.7
12.7
13.3
Importations de biens (f.o.b.)
20.7
23.5
25.6
27.6
25.8
25.1
25.9
Services
-1.9
-1.9
-2.1
-1.9
-1.9
-2.0
-2.2
Revenu des facteurs
-2.4
-1.7
-2.1
-2.2
-1.1
-1.1
-1.1
Transferts courants
2.2
1.0
1.0
1.1
1.0
0.9
0.8
Solde des comptes courants
1.4
-9.3
-14.0
-15.2
-14.0
-14.6
-15.0
Balance commerciale
Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et
les prévisions (p).
Politique de la dette
La politique de la dette a été marquée par un relèvement du plafond d’endettement, qui a été
porté à 1 700 milliards XAF, dont 500 milliards XAF de prêts concessionnels. En outre, le pays a
eu recours aux titres internationaux en émettant une euro-obligation de 375 millions USD, pour
le financement partiel des chantiers d’infrastructures du Planut et d’autres projets d’envergure.
Selon les statistiques de la Caisse autonome d’amortissement (CAA), l’encours de la dette publique
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7
Cameroun
était estimé, à la fin du premier semestre 2015, à 3 811 milliards XAF (soit 23.4 % du PIB), contre
2 968 milliards XAF (19.5 % du PIB) un an plus tôt ; soit une hausse de 28.3 %. Le portefeuille de
la dette se composait en 2015 de 73 % de dette extérieure et de 27 % de dette intérieure, contre
respectivement 73.7 % et 26.3 % en 2014. L’encours de la dette publique totale incluant les garanties
publiques octroyées par l’État ressort à 3 957 milliards XAF, soit 24.3 % du PIB.
La dette publique extérieure est estimée à 2 783 milliards XAF. Elle est constituée, à 59.4 %, de
dette bilatérale, à 35.6 % de dette multilatérale, et à 5 % de dette commerciale. La dette intérieure
(1 028 milliards XAF) comprend 35.1 % de titres publics, 52.4 % de dette structurée et 11.5 % de
dette non structurée. Au premier semestre 2015, le service de la dette publique se montait à
200 milliards XAF, dont 62 milliards XAF auprès de créanciers non-résidents (bilatéraux,
multilatéraux et commerciaux), et le solde, 128 milliards XAF, auprès de créanciers résidents.
Le remboursement en principal s’est élevé à 168 milliards XAF (84.1 % du service total), et le
paiement des intérêts à 32 milliards XAF (15.9 %).
Sur une autorisation annuelle de décaissement de 1 305 milliards XAF, les tirages effectués
fin juin 2015 se sont élevés à 380 milliards XAF. Ce montant inclut 157 milliards XAF de tirages
à l’extérieur et 223 milliards XAF de tirages à l’intérieur, dont 143.5 milliards XAF destinés au
financement de la Sonara. En 2014, les tirages extérieurs s’étaient chiffrés à 560 milliards XAF
contre 305 milliards XAF pour les tirages intérieurs, dont 150 milliards XAF d’obligations de titres,
10 milliards XAF d’obligations du trésor assimilables (OTA) et 145 milliards de bons du trésor
assimilables (BTA).
Selon les autorités, la dette publique du Cameroun reste viable sur un horizon de 15 ans au
regard des critères de viabilité de la dette rapportée au PIB et aux recettes fiscales. En effet, le
ratio de la dette/PIB est inférieur au seuil d’alerte national fixé à 35 % du PIB et largement en deçà
du seuil de la CEMAC, fixé à 70% du PIB. Toutefois, la baisse des recettes d’exportation des biens
et services, consécutive à l’effondrement des cours du pétrole, a fortement dégradé le ratio de la
valeur actualisée de la dette publique sur les recettes d’exportation, et le risque de non viabilité
de la dette s’est aggravé.
Graphique 2. Part de l’encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations
%
Dette extérieure (publique et privée) /PIB
Service de la dette /Exportations
30
25
20
15
10
5
0
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
Source : FMI (WEO & Article IV).
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Gouvernance économique et politique
Secteur privé
Pour réaliser les objectifs du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi couvrant la
période 2010-20, le gouvernement mise sur le secteur privé. Les principaux instruments utilisés
par l’État sont les incitations à l’investissement direct étranger (IDE) ou national dans les divers
secteurs productifs (mines et hydrocarbures, énergie, agro-industrie, cimenteries, technologies
de l’information et de la communication, etc.). Les autorités veulent également améliorer le cadre
des affaires, en vue de consolider la diversification de l’économie qui a permis au pays de faire
preuve de résilience face à la baisse sensible de ses recettes d’exportation de pétrole depuis
l’été 2014.
Plusieurs mesures ont été prises en 2014 et 2015, dans le cadre de la mise en œuvre des
recommandations du Cameroon Business Forum (CBF). Ces mesures visent à attirer les investisseurs,
à assurer la protection des investisseurs minoritaires et à sécuriser les investissements. Il s’agit
notamment de : i) l’introduction du paiement électronique au niveau de la Caisse nationale de
prévoyance sociale (CNPS) ; ii) la réduction du taux d’imposition des sociétés, de 35 % à 30 % ;
iii) l’introduction de la mobile tax pour simplifier le paiement des impôts ; iv) la suppression du
dépôt de 10 % requis à la consignation d’un contentieux fiscal ; et v) la mise en œuvre du Manuel
de procédures foncières, domaniales et cadastrales, et du Guide de l’usager pour les guichets
uniques de transactions foncières (GUTF).
Pour porter l’offre d’électricité disponible au niveau de la demande, les capacités des centrales
hydrauliques et thermiques (au gaz) seront augmentées dans le cadre des grands projets déjà
engagés, avec les investissements correspondants nécessaires pour les interconnexions et le
renforcement des lignes du réseau. Les problèmes d’engorgement des quais du Port autonome
de Douala ont pu être résorbés, mais la compétitivité du port nécessite d’être consolidée. La
réglementation relative au droit foncier est en cours de réforme au ministère des Domaines, du
Cadastre et des Affaires foncières, avec la mise sur pied d’un dispositif visant à la fois à faciliter
la délivrance des titres fonciers, à sécuriser ces titres, à veiller à leur conformité et, partant, à
accroître les recettes fiscales correspondantes.
Les mesures volontaristes d’incitation et d’amélioration du cadre des affaires produisent
des résultats encore limités. En effet, dans l’édition 2016 de Doing Business, le rapport annuel de
la Banque mondiale sur l’environnement des affaires, le Cameroun a reculé de dix places en
un an, pour occuper le 158e rang du classement sur 189 économies considérées. Les réformes
devront donc être renforcées pour entraîner un véritable essor du secteur privé et permettre au
Cameroun d’accéder à la catégorie des économies émergentes à l’horizon 2035, comme il en a
déclaré l’ambition.
Secteur financier
Le système financier camerounais, le plus important de la CEMAC, s’est étoffé d’une nouvelle
banque, portant son effectif à 14. La Banque camerounaise des PME (BC-PME), créée par l’État
en 2014, a démarré ses activités en juillet 2015. Dans le secteur des assurances, la solvabilité est
satisfaisante. Le secteur de la microfinance est en expansion.
En 2015, au regard de la croissance, la masse monétaire et les crédits à l’économie devraient
croître respectivement de 9.3 % et 17.6 %. La proportion des crédits au secteur privé par rapport
à l’ensemble des crédits à l’économie devrait se maintenir près du seuil de 90 %. Sur les neuf
premiers mois de 2015, le ratio a été de 87.02 %.
Le marché financier, dominé par les grandes banques étrangères, est marqué par un excès
de liquidité. Pour autant, l’intermédiation financière et l’accès aux services financiers demeurent
limités. L’expansion des prêts aux petites et moyennes entreprises (PME) est entravée par la
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Perspectives économiques en Afrique
9
Cameroun
difficulté d’apprécier leur solvabilité et par des taux d’intérêt élevés (15 %). La concentration des
crédits sur quelques grosses entreprises pose un problème de partage du risque. S’agissant des
services bancaires pour les particuliers, 13 % seulement des Camerounais disposent d’un compte
bancaire. L’accès aux prêts immobiliers est limité du fait du régime foncier et des difficultés
d’application légale des garanties.
L’examen du FMI conduit au titre de l’article IV de ses statuts a mis en exergue en septembre
2015 le caractère dynamique et globalement sain du système bancaire camerounais. La situation
des trois banques considérées fragiles en 2013 est sous contrôle et leur redressement est en
bonne voie. Pour contenir tout risque bancaire, les banques ont fait passer leurs provisions pour
créances douteuses de 10.2 % en 2014 à 13.1 % en 2015. À la faveur de la baisse des cours du
pétrole, la Sonara a équilibré ses comptes et commencé à honorer ses engagements avec les
banques, réduisant le risque qu’elle faisait peser sur le système bancaire. Les ressources tirées
de l’émission d’un eurobond par l’État en 2015 devaient permettre également d’éponger une part
substantielle des arriérés de la Sonara envers les banques.
Le pays ne dispose pas encore de bureau de risque mais, à titre transitoire, l’agence nationale
de la BEAC a développé une plateforme sur les incidents de paiement et de crédit, étendue aux
principaux EMF pouvant présenter un risque systémique. Cette plateforme intégrée, dénommée
Cadre d’analyse et de suivi des établissements de microfinance (CASEMF), est opérationnelle.
Elle anticipe le futur déploiement d’une centrale des risques et des bilans dans l’ensemble de la
CEMAC.
Gestion du secteur public, institutions et réformes
Le renforcement de la qualité de l’administration publique, des droits de propriété et de l’État,
ainsi que la consolidation des acquis en matière de redevabilité et la lutte contre la corruption,
figurent parmi les priorités officielles en matière de gestion du secteur public et de réformes
des institutions. L’administration camerounaise est l’une des mieux organisées de la région.
Sur le plan administratif, le Cameroun est subdivisé en régions, départements, communes et
arrondissements. On déplore toutefois une insuffisante implication des fonctionnaires dans leur
mission de service public, due peut être à la compression de leurs rémunérations à l’occasion des
ajustements structurels.
Au plan fonctionnel, l’administration se caractérise par une démultiplication des services,
source de chevauchement de compétences entre les différentes administrations. Ce millefeuille
multiplie les procédures, génère des conflits inutiles et une déperdition des ressources, et réduit
l’efficacité de l’action publique.
Sur le plan de la coordination économique, les responsabilités ne sont pas parfois clairement
définies et le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire
(Minepat) ne jouit pas toujours de l’autorité nécessaire pour rationnaliser des choix budgétaires
d’investissements et garantir la cohérence des programmes économiques. Plusieurs initiatives
et mesures visent à renforcer la qualité de l’administration, notamment l’obligation faite aux
ministères et aux établissements publics administratifs (EPA) de produire des rapports de
performance par programmes, en phase avec les cadres de dépenses à moyen termes (CDMT).
Les principales réformes mises en œuvre visent à accroître l’efficacité de la dépense publique et
à améliorer la gouvernance sectorielle, par : i) le renforcement du cadre de préparation budgétaire
et de maturation des projets ; ii) l’amélioration du cadre fiduciaire et de passation des marchés
publics ; et iii) une meilleure gestion du cadre de gestion et de régulation des infrastructures de
transports, d’énergie et des technologies de l’information et de la communication.
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Perspectives économiques en Afrique
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L’extraction des hydrocarbures (pétrole et gaz) occupe une place prépondérante dans
l’économie du Cameroun. En 2015, la contribution au PIB des industries extractives s’est établie
à 5.3 %, contre 4.8 % en 2014 et 4.5 % en 2010. Les recettes pétrolières sont estimées à 17.9 % des
recettes totales hors dons en 2015, en recul de plus de 2 points par rapport à 2014 suite à la chute
des cours du pétrole sous la barre des 40 dollars le baril. Le Cameroun continue de respecter les
obligations imparties par l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE),
dont il a été déclaré pays conforme en 2013. Le secteur des mines est également dynamique.
La délivrance d’autorisations d’exploitations diamantaires artisanales et d’autres mesures
d’incitation ont produit des résultats conformes aux dispositions du Cadre d’appui et de promotion
de l’artisanat minier. Les contrôles in situ et dans les aéroports ont permis au Secrétariat national
permanent du processus de Kimberley (PK) de certifier 3621.2 carats de diamants bruts en 2014
contre 2420.3 carats en 2013. En 2015, la production de diamant brut certifié était attendue en
hausse.
Cameroun
Gestion des ressources naturelles et environnement
L’exploitation forestière est assujettie à d’importantes contraintes réglementaires dont
l’objet est de préserver la ressource tout en ménageant les capacités de renouvellement (octroi
des concessions avec cahier de charges, limites sur le type et la taille des essences, répression
sévère des infractions, etc.). L’Agence nationale d’appui au développement forestier (Anafor) a
pour mission de réhabiliter et d’étendre les forêts. Une législation adaptée aux produits forestiers
non ligneux est en cours de préparation. En matière de politique et de réglementation de
l’environnement, le Cameroun a élaboré une stratégie nationale de participation au processus
international de réduction des émissions de gaz à effet de serre issues de la déforestation et
de la dégradation de la forêt dans les pays en développement (REDD+ - Reducing emissions from
deforestation and forest degradation).
Contexte politique
La stabilité politique du Cameroun s’est maintenue au cours de l’année 2015, en dépit
de l’exacerbation des tensions sécuritaires, en particulier dans la région de l’Extrême-Nord,
frontalière avec le Nigéria et le Tchad. Les attaques menées par le groupe terroriste Boko Haram
se sont multipliées tout au long de l’année. Le déploiement des forces armées nationales en
territoire camerounais, appuyées par celles du Tchad le long de la frontière avec le Nigéria et dans
le bassin du Lac Tchad, a contribué à circonscrire la menace. Sur la frontière orientale, la tension
sécuritaire ne s’est pas aggravée, malgré les atermoiements et les lenteurs du processus de paix
en République centrafricaine.
La situation a néanmoins créé des poches de fragilité humanitaire, et les déplacements
de population générés par le climat d’insécurité ont eu pour corollaire une perturbation des
activités économiques des ménages et des entreprises et une aggravation de la pauvreté, comme
l’attestent les résultats de la Quatrième enquête auprès des ménages conduite au Cameroun
en 2014 (ECAM‑4). Dans ce contexte, les budgets des forces de sécurité et de défense ont été
augmentés, au risque d’évincer certaines dépenses sociales prioritaires. Pour atténuer ce risque,
l’État a adopté un programme d’urgence de construction d’infrastructures socio-économiques,
notamment dans les régions les moins favorisées du pays, dont les régions septentrionales.
Contexte social et développement humain
Développement des ressources humaines
Le Cameroun cherche à l’améliorer les conditions de vie de la population, en vue de disposer
d’un capital humain de qualité, capable de soutenir et d’asseoir durablement sa croissance. Le
Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) 2010-20 s’était fixé à atteindre les
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Perspectives économiques en Afrique
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Cameroun
Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), notamment l’OMD 2 (« assurer l’éducation
primaire pour tous »), l’OMD 4 (« réduire la mortalité infantile »), l’OMD 5 (« améliorer la mortalité
maternelle ») et l’OMD 6 (« combattre le sida, le paludisme et les autres maladies »). En phase avec
le DSCE, le budget du ministère de la Santé pour l’année a été porté en 2015 à 207 milliards XAF
contre 165.8 milliards XAF en 2014, en hausse de 24% ; c’est la deuxième plus forte hausse des
budgets ministériels. Le budget du ministère de l’Éducation de base a quant à lui connu une hausse
de 8 % en 2015 pour atteindre 188.6 milliards XAF. Ces choix budgétaires ainsi que les efforts
de mobilisation des ressources tant intérieures et qu’extérieures reflètent la priorité stratégique
accordée par le Cameroun au développement de ses ressources humaines, dans un contexte de
hausse des dépenses sécuritaires et de baisse des recettes pétrolières.
Dans le domaine de l’éducation et de la formation professionnelle, l’objectif est d’augmenter
l’offre et la qualité de l’enseignement et d’assurer l’adéquation de la formation au marché de l’emploi.
Le ministère de l’Éducation de base a adopté une stratégie de développement de l’enseignement
préscolaire sur une base communautaire, qui a défini et planifié les actions prioritaires à ce
niveau. Plus de 720 nouvelles écoles maternelles publiques ont été créées. En outre, 150 salles de
classe en zone rurale et 100 blocs maternels en zone urbaine ont été construites et équipés. Une
subvention d’environ un milliard XAF a par ailleurs été versée à l’enseignement privé.
Dans le domaine de la santé, les interventions ont porté sur quatre axes : i) la santé de la
mère, de l’enfant et de l’adolescent ; ii) la lutte contre les maladies ; iii) la promotion de la santé ; et
iv) la viabilisation du district de santé. Ainsi, l’assistance médicale des parturientes, la couverture
vaccinale de routine pour les enfants, ainsi que le dépistage du VIH/Sida chez les femmes enceintes
et le traitement antirétroviral (ARV), ont été renforcés. Les stocks de médicaments traceurs ont
été accrus.
Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail
Le Cameroun détermine son seuil de pauvreté selon les approches monétaire et non monétaire
à partir d’enquêtes sur les conditions de vie des ménages permettant de mesurer la vulnérabilité
et la pauvreté. L’Institut national de la statistique (INS) a réalisé deux enquêtes en 2014, l’ECAM-4
et une Enquête à indicateurs multiples pour le suivi des femmes et des enfants (MICS-5). Selon
l’ECAM-4, la pauvreté est en recul au Cameroun. Elle est passée de 40.2 % de la population en 2001
à 39.9 % en 2007 et à 37.5 % en 2014.
Mais si la pauvreté recule en milieu urbain, elle augmente en milieu rural. Et la baisse
modérée de 2.4 % entre 2007 et 2014 est en deçà du rythme préconisé dans le DSCE, et loin de
l’OMD visant à réduire de moitié la pauvreté à l’horizon 2015 par rapport à l’an 2000. Au regard de
la croissance démographique de 2.2 % par an, il aurait fallu un seuil de pauvreté inférieur à 32 %
pour compenser la hausse quantitative du nombre de pauvres, qui sont passés de 7.1 millions en
2007 à 8.1 millions en 2014. En outre, les inégalités se sont accrues. Le coefficient de Gini a atteint
0.44 au Cameroun en 2014 contre 0.39 en 2007 et 0.40 en 2001.
Dans ce contexte négatif, les performances obtenues sur le marché du travail sont d’autant
plus appréciables. Selon l’INS (ECAM-4, Premiers résultats), des milliers d’emplois ont été créés
sur la période 2007-14, notamment dans le secteur tertiaire. La part du secteur tertiaire dans les
emplois formels est passée de moins de 20 % en 2007 à plus de 24 % en 2014, soit une hausse de
25 %, suite aux importants recrutements dans les corps de défense et de sécurité ainsi qu’à la
titularisation de nombreux fonctionnaires dans les administrations. Le secteur privé reste timide
en la matière malgré les incitations à l’investissement offertes par l’État. L’agro-industrie et le BTP
ont toutefois contribué de manière significative à la création d’emplois, avec une augmentation
respective de 84% du nombre des employés de l’agro-alimentaire et de 40% de ceux du BTP
entre 2007 et 2014. L’économie informelle reste en l’occurrence le principal réceptacle des jeunes
chômeurs en quête de subsistance en attendant des opportunités d’insertion dans le secteur
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Perspectives économiques en Afrique
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Cameroun
formel. Le secteur public et le secteur informel urbain sont les principaux vecteurs des créations
d’emplois qui expliquent le recul de la pauvreté en zone urbaine.
La diversification des sources de croissance voulue par les autorités pour permettre une
croissance plus inclusive doit demeurer une priorité. Elle peut être renforcée à travers, notamment,
un développement des chaînes de valeur des filières agro-sylvo-pastorales et halieutiques, qui
pourrait créer de l’emploi de qualité aussi bien en zone urbaine que rurale.
Au regard de l’accroissement des inégalités mis en exergue par l’ECAM-4, en particulier dans
les régions septentrionales du pays, la politique de diversification des sources de croissance devra
s’accompagner d’une politique sociale ciblée pour favoriser un développement plus inclusif. La
carte de pauvreté en cours de réalisation à partir de l’ECAM-4 facilitera le ciblage des politiques
sociales et de réduction de la pauvreté au niveau local, parmi les 360 communes que compte le
pays.
Égalité hommes-femmes
Le Cameroun a fait le choix politique de non-discrimination basée sur le sexe. Le pays a ratifié
la grande majorité des accords internationaux dont la Convention sur l’élimination de de toutes
les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), et il agit pour sa vulgarisation et son
application, notamment pour réaliser l’OMD 3 qui vise à éliminer les disparités entre les sexes à
tous les niveaux de l’enseignement.
Dans le domaine de l’éducation, on note une quasi-égalité des performances indépendamment
du genre. Selon les données de l’ECAM-4 concernant le cycle primaire, le taux net ajusté de la
scolarisation (6-11 ans) est passé de 76.9 % en 2001 à 85.17 % en 2014. Les filles se situent à 84.5 %,
contre 85.7 % pour les garçons. Quant au taux de fréquentation, il est estimé à 85.4 % avec un
indice de parité entre les sexes de 0.96 (contre 0.94 en 2000). Le taux d’achèvement du cycle
primaire s’améliore constamment. Il s’est élevé à 74.2 % pour l’année scolaire 2013/14, dont 70.3 %
pour les filles. Dans le secondaire, le taux de fréquentation est de 52.6 % avec un indice de parité
de 0.92. L’amélioration de l’offre des services éducatifs grâce à la politique de contractualisation
des enseignants du primaire et à la construction de nouvelles salles de classe ont contribué à ces
performances.
Analyse thématique : villes durables et transformation structurelle
Selon les lois de 2004 régissant l’urbanisme et la décentralisation, sont considérées comme
villes les agglomérations de 2 000 habitants et plus. S’y ajoutent les chefs-lieux d’unités
administratives, même s’ils comptent moins de 2 000 habitants. Ces lois mentionnées ont par
ailleurs consacré le transfert de la compétence de planification et de gestion des villes aux
Collectivités territoriales décentralisées (CTD), dont les communes et communautés urbaines.
Mais en réalité, la fourniture de nombreux services relève des ministères techniques.
Selon leur la taille et la population, on distingue trois types de villes : les villes principales
– Douala et Yaoundé, qui comptent à elles seules près de la moitié de la population totale du
Cameroun –, les villes secondaires ou moyennes – qui comptent entre 50 000 et 500 000 habitants–,
et les petites villes, de moins de 50 000 habitants.
Environ 55 % des Camerounais vivent aujourd’hui dans les villes, dont la gestion relève du
ministère de l’Habitat et du Développement urbain (MINHDU), chargé de concevoir et de mettre
en œuvre la politique gouvernementale en matière d’habitat et de développement urbain.
Les moteurs de la croissance urbaine au Cameroun
Avec un taux annuel moyen de croissance urbaine de 6 % à 7 %, plus de 70 % de la population
camerounaise sera urbaine en 2035. Cette évolution, mesurée par le recensement général de
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Perspectives économiques en Afrique
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Cameroun
2010, résulte à la fois de la croissance démographique, de l’attrait que les plus grandes villes
exercent sur les agglomérations secondaires, de la présence d’infrastructures (ports, complexes
industriels, etc.) pourvoyeuses d’emplois, des conditions de vie en apparence moins pénibles
dans les villes, et de la volonté politique de déployer une armature urbaine dense et équilibrée
sur l’ensemble du territoire.
Opportunités et défis de l’urbanisation au Cameroun
L’enquête auprès des ménages de 2014 (ECAM 4) réalisée en 2014 indique un effet positif
de l’urbanisation sur la réduction de la pauvreté, celle-ci ayant reculé d’environ 2.5 % depuis
2007 dans les villes alors qu’elle a augmenté d’environ 1 % en milieu rural. L’accès à l’emploi,
aux infrastructures socio-économiques, à la culture, aux technologies de l’information et de la
communication (TIC) et à d’autres avantages de la modernité y est relativement plus facile. D’une
façon générale, les quatre fonctions-clés de la ville – le logement, le travail, les distractions et
les transports – y sont mieux assurées qu’en milieu rural. Les villes offrent le cadre idéal au
développement d’une classe moyenne et d’une jeunesse aspirant au bien-être et à davantage
d’autonomie.
L’impact positif de l’urbanisation sur le marché du travail et le mode de vie doit toutefois
être nuancé. En effet, la plupart des emplois se cantonnent dans le secteur informel, qui occupe
entre 60 % et 80 % des actifs des villes dont 90 % des femmes. Et selon l’enquête des Nations Unies
« Habitat 2007 », 67 % de la population urbaine du Cameroun vit dans des bidonvilles du fait
de la pression démographique et des difficultés à trouver un logement. Les habitants de Douala
et Yaoundé notamment sont exposés aux inondations et glissements de terrain provoqués par
les pluies et le mauvais entretien des canalisations, et qui font parfois de nombreux sinistrés.
Les constructions anarchiques rendent difficile l’accès aux services de la voirie. La gestion
inadéquate des ordures ménagères et des déchets liquides attente gravement à l’environnement
et à la santé des populations. Les taux d’accès des citadins à l’eau potable et à l’électricité sont
très faibles, se situant respectivement à 29 % et à 40 %. La précarité dans certaines villes est une
source d’insécurité dont les femmes sont les premières victimes. À ces difficultés s’ajoutent les
nuisances sonores liées aux véhicules, aux activités économiques, à la vie nocturne, etc.
Inscrire les villes camerounaises dans une dynamique durable
L’impact positif de l’urbanisation sur la pauvreté et sur l’emploi ne doit pas en occulter les
aspects inégalitaires. Afin de la rendre vertueuse, durable et d’en maximiser la contribution aux
objectifs de développement durable (ODD), la politique urbaine se doit de focaliser ses efforts
autour de trois axes :
Améliorer la gestion de l’espace urbain et sa périphérie. Il s’agit de :
14
•
repenser la ville comme le cœur d’un espace qui le transcende et qu’elle influence
positivement. Tout en tirant parti des agglomérations environnantes, la ville doit
en retour contribuer à leur développement dans une logique d’aménagement du
territoire ;
•
doter toutes les municipalités de schémas directeurs d’aménagement urbain avec
entre autres, des plans d’occupation des sols, des plans de développement urbain etc.
Actuellement, à peine 80 villes disposent ou élaborent de tels outils. Là où ils existent,
leur mise en œuvre se heurte au statut foncier des sols (majoritairement coutumier
ou privé), à l’indiscipline des habitants, à la pénurie de ressources ou aux lenteurs des
autorités ;
•
mettre en place une vaste réforme foncière afin d’accroître l’emprise de l’État sur les
espaces disponibles ;
Perspectives économiques en Afrique
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•
•
restructurer les quartiers (périphériques notamment) et y aménager la voirie
indispensable pour l’accès aux services sociaux de base ;
•
accélérer la mise en œuvre du programme de logements sociaux en veillant à la mixité
sociale et à la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre ;
•
promouvoir la participation des habitants aux décisions de gestion de l’espace
urbain ; développer le réseau des transports en commun, en privilégiant les solutions
respectueuses de l’environnement.
Cameroun
•
Réorganiser le cadre institutionnel de l’urbanisation, ce qui suppose les actions
suivantes :
•
renforcer le rôle des municipalités en matière de planification, de budgétisation et
de maîtrise d’ouvrage dans les domaines des infrastructures et des équipements
urbains ; et les doter des moyens nécessaires. Les ministères techniques jouent un
rôle d’appui technique et de contrôle de conformité ;
•
introduire davantage de souplesse dans la mise en place des accords de coopération
décentralisée ;
•
attribuer au ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat urbain un rôle stratégique en
matière de définition de la politique nationale d’urbanisation et de suivi de la mise en
œuvre de cette politique.
Restructurer le modèle de financement des villes. À cet effet, il apparaît indispensable
de :
•
recourir prudemment au financement bancaire et à l’emprunt obligataire ;
•
promouvoir l’affermage de services municipaux-clés et des partenariats public-privé ;
•
créer les conditions attractives pour l’investissement privé afin d’élargir l’assiette
fiscale ;
•
accroître les capacités de financement des villes en créant les conditions d’une
fiscalité locale performante (identification, élargissement et recensement de l’assiette,
organisation effective de la collecte, gestion rationnelle et transparente des recettes
etc.).
En conclusion, s’il convient de noter que l’urbanisation a eu un impact positif sur la réduction
de la pauvreté au Cameroun, des politiques plus volontaristes s’avèrent nécessaires pour atténuer
les inégalités et les déséquilibres persistants. Les trois principaux leviers sont l’amélioration de
la gestion des espaces, la révision du cadre institutionnel et la restructuration du modèle de
financement des villes. Dans cette perspective, les différentes initiatives en cours de mise en
œuvre, incluant des contrats de plan de villes et les programmes de logements sociaux, méritent
d’être amplifiées.
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Perspectives économiques en Afrique
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