Jacques Vergès disparaît de nouveau

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Jacques Vergès disparaît de nouveau
SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
WWW.LIBERATION.FR
L’ENGRENAGE
ÉGYPTE Vendredi, les heurts entre les forces de l’ordre et les pro-Morsi
ont fait plusieurs dizaines de morts dans un pays proche de la guerre civile.
7
2006
ET SI DOMENECH ÉTAIT
DEVENU CHAMPION
DU MONDE
TOUT L’ÉTÉ, «LIBÉ» RÉINVENTE
40 ANS D’ACTUALITÉ
CAHIER CENTRAL
PAGES 2­5
PUBLICITE
Jacques Vergès
disparaît
de nouveau
AFP
Un Egyptien pleure un proche, à la mosquée Al­Fath, vendredi au Caire. PHOTO HASSAN AMMAR. AP
• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO10034
L’avocat controversé
est mort, jeudi,
à 88 ans. Il avait
défendu Klaus Barbie et
Omar Raddad, soutenu
l’indépendance
algérienne et parsemé
sa carrière de zones
d’ombre.
PAGES 12­13
IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,
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2
•
EVENEMENT
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
Le «vendredi de la colère» a réuni des milliers de manifestants
pro-Morsi, après la sanglante répression de mercredi.
Le pays semble désormais irrémédiablement coupé en deux.
L’Egypte succombe
peu à peu à la haine
Par MARWAN CHAHINE
Correspondant au Caire
C’
est devant la gare
Ramsès, desservie par
la station de métro
Shahooda («martyrs»), que les manifestants cairotes se sont rassemblés pour un
«vendredi de la colère», à l’appel
de «l’alliance anti-coup d’Etat»,
emmenée par les Frères musulmans, deux jours après l’évacuation sanglante des campements
pro-Morsi. Avant la révolution
de 2011, cette station du Caire
s’appelait Moubarak. Son changement de nom était un hommage aux victimes des dix-huit
jours de révolte et se voulait porteur d’espoir, celui d’une ère
nouvelle où l’on parlerait des
martyrs au passé. Cela est désormais lointain et le mot est de
nouveau sur toutes les lèvres
après la mort de près de 600 personnes, mercredi.
TÊTE DE MORT. Durant la grande
prière, sur le terre-plein faisant
face à la gare, le muezzin a la voix
qui chevrote lorsqu’il raconte
avoir vu mourir un enfant
de 5 mois. «Ô Dieu, venge nos
martyrs», gémit le prêcheur. La
foule reprend en chœur. Des milliers d’hommes prient à l’extérieur de la mosquée Fateh, sur un
carton ou un journal. Dans la
chaleur étouffante, sueur et larmes perlent sur leurs joues. A
peine le rituel terminé, des hom-
L’ESSENTIEL
LE CONTEXTE
Au surlendemain
de l’assaut armé qui a fait
près de 600 morts parmi
les pro­Morsi, de nouveaux
heurts entre les forces
de l’ordre et les partisans
des Frères musulmans ont
fait plusieurs dizaines
de victimes en Egypte.
L’ENJEU
Chaque camp se
radicalisant, le risque
d’une guerre civile plane
sur le pays.
Au moins 70 personnes auraient été tuées vendredi.
D
ple d’Egypte sont unis pour combattre
le complot terroriste malveillant ourdi
par les Frères musulmans.» La même
polarisation se retrouve sur le plan
international. En Jordanie, au Maroc
et au Soudan, des manifestants ont
défilé pour dénoncer «le coup d’Etat»
contre Mohamed Morsi.
Sur le plan diplomatique, les condamnations contre le nouveau régime sont de plus en plus sévères. La
Turquie, qui avait déjà dénoncé un
coup d’Etat, a rappelé jeudi son ambassadeur en Egypte. François Hollande et Angela Merkel, qui se sont
entretenus vendredi au téléphone,
ont demandé une concertation urgente au niveau européen. La chef
de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, qui avait échoué dans
sa tentative de médiation au début
du mois, a invité les Etats membres
à prendre des mesures appropriées.
La veille, Barack Obama avait
condamné les violences et jugé que
REVOLVER. Parmi les fidèles réunis ce vendredi, beaucoup ont
participé aux sit-in de Rabia alAdawiya, à Medinet Nasr, ou de
Al-Nahda, à Gizeh. Ils y ont
perdu des proches. C’est le cas de
Mohamed Hanafi, un instituteur,
dont le beau-frère a été tué mercredi. «C’était un comptable et un
bon père de famille, pas un criminel», précise-t-il. Ce quadragénaire a voté pour Mohamed
Morsi en 2012, mais dit ne pas
appartenir à la confrérie ou au
Parti de la liberté et de la justice,
vitrine politique des Frères musulmans. «Morsi est humain, il a
fait des erreurs, mais rien ne justifiait ce coup d’Etat. Ceux qui sont
au pouvoir nous traitent de terroristes, mais ce sont eux les terroristes», affirme-t-il. Après le massacre devant l’enceinte de la
Garde républicaine, début juillet,
Mohamed Hanafi avait décidé
de rentrer chez lui, pressé par sa
femme et ses trois fils, qui craignaient qu’il se fasse tuer. Mais
aujourd’hui, il estime que «[le
général] Al-Sissi a été trop loin»
et se dit prêt, lui aussi, à «mourir
en martyr». Quand on lui demande s’il n’a pas peur d’une
guerre civile, il hésite : «Grâce à
Dieu, elle sera évitée. Dieu est du
côté du bien.»
La tension est vive. Dans le métro, deux hommes s’insultent et
en viennent aux Suite page 4
REPÈRES
Confrontations dans tout le pays
ans toute l’Egypte, ce vendredi a été marqué par des affrontements violents. Clash
entre pro-Morsi et armée devant la
gare Ramsès, au Caire, mais aussi
confrontations de civils armés dans
de nombreux quartiers de la capitale
et dans des villes de province. Des
bâtiments administratifs, des commissariats, ainsi que plusieurs églises
et écoles chrétiennes ont de nouveau
été incendiés. Difficile d’établir un
bilan, mais les victimes se chiffrent
par dizaines dans tout le pays (au
moins 70, selon l’AFP). Les manifestations se sont achevées vendredi, à
l’appel de la coalition islamiste, avec
la dernière prière du soir, mais elles
reprendront «tous les jours».
«Complot». Le ministère de l’Intérieur fait pour sa part état de
64 morts en deux jours dans ses
rangs. Le gouvernement a, de son
côté, affirmé que «ses membres, les
forces armées, la police et le grand peu-
mes scandent avec colère : «Par
notre cœur, par notre sang, nous
vengerons nos martyrs.» Un immense drapeau représentant une
tête de mort est déployé. Il y a sur
la place de nombreux partisans
du président déchu Mohamed
Morsi, mais il y a aussi des représentants d’une troisième voie,
ces militants d’inspiration islamiste qui ne veulent ni des Frères
ni de l’armée, mais espèrent une
nouvelle révolution.
Aux abords de la place, des groupes de jeunes en débardeur, aux
allures de petites frappes, exhibent leurs bras musclés en singeant les slogans avec un air narquois. Leur attitude provocatrice
laisse penser qu’il s’agit de baltagaya, ces miliciens issus des
quartiers pauvres qui ont été utilisés par l’ancien régime contre
les manifestants au moment de la
révolution. Leur présence n’indique rien de bon.
l’Egypte était sur un «chemin dangereux». A l’inverse, le roi Abdallah
d’Arabie Saoudite a réitéré son soutien au régime et a dit l’appuyer
dans sa «lutte contre le terrorisme.»
Entreprises. Face à la gravité de la
crise, plusieurs entreprises étrangères ont fermé leurs bureaux. Bouygues et Vinci notamment ont rapatrié leurs salariés. Il pourrait y avoir
de lourdes conséquences sur la situation économique de l’Egypte :
des groupes comme le fabricant
d’électroménager Electrolux (qui
emploie 6 700 personnes dans le
pays) ou le constructeur automobile
Général Motors (pour lequel travaillent 1 400 Egyptiens) ont suspendu provisoirement leurs activités. La plupart des tour-opérateurs
européens se sont vu conseiller par
leur gouvernement de cesser de
vendre des voyages à destination de
l’Egypte.
M.Ch. (au Caire)
578
personnes sont mortes
et 3000 autres ont été
blessées mercredi, lors
de l’évacuation des campe­
ments pro­Morsi, selon
le bilan officiel. Les Frères
musulmans évoquent
2200 morts et plus
de 10000 blessés.
Plusieurs centaines
de manifestants se sont
réunis vendredi à l’appel
de groupes islamistes dans
les villes de Rabat (Maroc),
Khartoum (Soudan), Amman
(Jordanie) et Hébron (Cis­
jordanie) pour dénoncer le
coup d’Etat contre Morsi et
les violences contre ses par­
tisans. Près de 600 proches
du Hamas, au pouvoir dans
la bande de Gaza, se sont
rassemblés à Jérusalem­Est.
«Le gouvernement
affirme que ses
membres, les forces
armées, la police
et le grand peuple
d’Egypte sont unis pour
combattre le complot
terroriste malveillant
ourdi par les Frères
musulmans.»
Le cabinet du Premier ministre
égyptien dans un communiqué,
vendredi
«La responsabilité
de cette tragédie pèse
lourdement sur
le gouvernement
intérimaire et plus
largement sur
les dirigeants du pays.»
Catherine Ashton chef de la
diplomatie européenne, vendredi
•
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
3
ÉDITORIAL
Par ALEXANDRA
SCHWARTZBROD
Chaudron
Manifestation en faveur du président déchu, l’islamiste Mohamed Morsi, sur la place Ramsès, au Caire, vendredi. PHOTO HASSAN AMMAR. AP
S’il fallait encore une
preuve de l’incohérence
et du manque de courage
de la communauté
internationale, plus besoin
de chercher : elle est là,
sous nos yeux, alors que
l’Egypte, après la Syrie,
bascule dangereusement
vers la guerre civile. Car
le drame en cours était
prévisible. Dès le moment
où les forces de l’ordre
égyptiennes avaient averti
qu’elles délogeraient les
pro-Morsi sitôt la fête de
l’Aïd achevée, tout aurait
dû être mis en œuvre pour
les dissuader d’utiliser la
violence. Tout, y compris
l’assèchement brutal de
la manne financière. Mais
après avoir, deux ans
durant, soutenu les Frères
musulmans et fermé les
yeux sur leur dérive
autoritaire, les Etats-Unis
se sont trouvés bien
embarrassés au lendemain
du coup d’Etat militaire
du 3 juillet. Obama a si
peur de tomber dans ce
chaudron qu’est devenu le
Proche-Orient qu’il en est
paralysé. Les Européens,
eux, semblent plus
impuissants que jamais,
réduits à envoyer sur place
une Catherine Ashton qui
ne parvient plus à faire
illusion. Et que dire de
l’Arabie Saoudite et du
Qatar, qui ne cessent de
souffler sur les braises,
excitant l’un les militaires,
l’autre les Frères
musulmans. Résultat,
la société égyptienne est
abandonnée à elle-même,
plus divisée que jamais.
En Egypte, aujourd’hui,
on est avec les Frères
ou contre les Frères ;
la confrérie et les militaires
brandissant leur propre
conception de la
démocratie en étendard.
Cela peut paraître illusoire,
voire naïf, mais il va bien
falloir relancer d’une
façon ou d’une autre un
processus politique.
L’exemple égyptien est
suivi de près par deux
pays clés dans cette région
du monde, la Tunisie et la
Turquie, deux pays où le
pouvoir islamiste est remis
en cause. On sait trop bien
ce qui arrive quand un
domino tombe.
•
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
EVENEMENT
mains. L’objet de leur querelle ne fait aucun
doute: l’un défend le général AlSissi, l’autre l’ex-président Morsi.
Tandis qu’un costaud tente de
s’interposer, les exhortant à ne
pas parler de politique dans le
wagon, d’autres gens s’en mêlent, des coups sont échangés. Les
femmes se pressent au fond de la
rame. Un jeune sort un revolver,
mais le range très vite, à la demande d’un de ses amis. Le calme
revient mais, à la station suivante,
deux groupes se toisent sur le
quai. L’un crie «Allah akbar»,
l’autre scande le nom de «Sissi».
Dans un coin, un vieil homme secoue la tête en soupirant. Il n’arrive pas à croire que le pays se désagrège sous ses yeux. Le métro
ne s’arrête même pas à la station
Sadate, qui donne sur la place Tahrir, lieu traditionnel des manifestations. Les militaires ont entièrement bouclé la zone, autour
de laquelle de nombreux chars
sont stationnés, rendant l’atmosphère plus pesante encore.
Suite de la page 2
SNIPERS. Près de l’ambassade
américaine, des tirs se font entendre : des sources indiquent
qu’il s’agit d’affrontements entre
pro-Morsi et policiers. Dans
presque tous les quartiers du
Caire, des milices composées
de riverains contrôlent les passages. Tamarod, le mouvement
à l’origine de la mobilisation
du 30 juin, a appelé les Egyptiens
à former des comités populaires
pour faire barrage au terrorisme
islamiste. Karim el-Saka est un
des leaders de Tamarod. Pour ce
militant de gauche, qui a été de
tous les combats contre Hosni
Moubarak et l’armée, c’est la
meilleure façon de montrer que
«tous les Egyptiens sont unis
contre le fascisme des Frères musulmans». A ses yeux, l’armée et
la police ne commettent pas de
massacres et ne font rien d’autre
que «mettre en application le mandat donné par le peuple». Avec un
optimisme désarmant, il assure
qu’il n’y a «aucun risque de guerre
civile. Les Frères ne sont qu’une
minorité et, par leur violence, ils
sont en train de sortir du jeu politique, c’est tout».
Sur la place Ramsès, vers 17 heures vendredi, des snipers ont
ouvert le feu sur les manifestants.
Plusieurs témoins parlent d’une
trentaine de morts disposés dans
la mosquée, transformée en hôpital de campagne. Dans le même
temps, les télévisions privées diffusaient des images d’islamistes
armés, tandis que des interlocuteurs expliquaient que la violence
est nécessaire contre le terrorisme, mettant en garde contre
les puissances étrangères tentées
par l’ingérence.
Abreuvés d’idéologies belliqueuses, aveuglés par leur haine mutuelle et profonde ne laissant
aucune place à l’empathie, les
Egyptiens donnent l’impression
de glisser doucement, presque
sans s’en rendre compte, vers la
guerre civile. •
Selon le spécialiste du Moyen-Orient
Jean Marcou, la confrérie est acculée
à la radicalisation:
«L’atout des
Frères, c’est
la légitimité de
la résistance»
ean Marcou, spécialiste du se protéger des critiques. Le paraMoyen-Orient et professeur à doxe aujourd’hui, c’est que de
Sciences-Po Grenoble, vient de nouveaux militaires sont arrivés au
publier la Nouvelle Egypte (éditions pouvoir. Qu’a-t-on vu ? Morsi a
Cavalier bleu), pays qu’il connaît mis au pouvoir le général Al-Sissi,
bien pour avoir enseigné à l’uni- et c’est ce dernier qui réprime dans
versité du Caire entre 2000 et 2006. le sang les Frères musulmans.
Il est aussi coresponsable de l’Ob- On sent une opinion totalement poservatoire de la vie politique turque larisée. C’est votre avis?
(Ovipot). Il revient sur les derniers Tout à fait. On est passé d’un coup
jours qui ont ensanglanté l’Egypte. d’Etat mou, avec un gouvernement
Un glissement sémantique s’est de technocrates sous le contrôle
opéré: les Frères musulmans sont des militaires, le 3 juillet, à un coup
devenus des terroristes dans la d’Etat dur, depuis trois jours. Il a
bouche des militaires. Ces derniers été impossible de trouver un teront même été qualifiés
rain d’entente. Depuis
«d’éradicateurs»…
fin juillet, ce gouverneAu moins 500 victimes
ment avait la volonté
en vingt-quatre heures.
d’en finir avec ces sit-in
Si on compare aux
pro-Morsi. On a vu des
980 morts pendant les
accélérations terribles
trois semaines de la rédans une société qui
volution de 2011 : on
donnait, sous Hosni
n’est plus dans le doMoubarak, une impresmaine de la répression mais dans le sion d’apathie. D’un coup, ces viomassacre.
lences, qui ont été étouffées penIl est évident que l’armée ne peut dant des années, bouillonnent et
plus endosser le rôle de médiateur montent en surface. C’est le
après ces dernières soixante-douze témoignage d’une société qui va
heures…
mal depuis longtemps et qui est
Depuis le coup d’Etat de 1952, traversée par des contradictions. A
l’armée a toujours été au cœur du cela s’ajoutent toutes les violences
système. Même après
faites aux femmes, les
les événements révoluINTERVIEW agressions… Toutes ces
tionnaires qui ont préciviolences rentrées se
pité le départ de Hosni Moubarak, déchaînent.
c’est le maréchal Tantaoui qui a On a l’impression que la société, du
exercé par intérim les fonctions de moins au Caire et à Alexandrie, ne
chef de l’Etat, et ce jusqu’à l’élec- condamne pas les agissements de
tion de Mohamed Morsi. A ce mo- l’armée…
ment-là, l’armée a promulgué des L’évolution de la société a été polatextes visant à maintenir son bud- risée par les Frères, qui n’ont pas
get et son pouvoir à travers les no- voulu jouer la carte de la conciliaminations des principales autori- tion et ont refusé une alliance avec
tés militaires.
le centre. Les Frères ont surtout
Et Morsi a été a son tour destitué par cherché à construire l’alliance des
les militaires qu’il avait lui-même islamistes en donnant l’impression
nommés…
de vouloir accaparer le pouvoir. En
Morsi a paru vouloir émanciper face, a émergé un sentiment de
l’Egypte de l’armée en expulsant le peur. Cela explique les opinions
maréchal Tantaoui et en faisant hostiles à Morsi et le grand mouvemonter une nouvelle génération de ment du 30 juin, qui a contribué à
militaires. Expulser les septuagé- le chasser du pouvoir. Avant le bain
naires pour faire place aux quin- de sang de mercredi, on avait l’imquagénaires. On s’est alors dit que, pression d’un pays qui partait à
comme Erdogan [en Turquie, ndlr], vau-l’eau…
il souhaitait s’affranchir des mili- Quels scénarios se dessinent?
taires et créer un pouvoir civil. Les Frères étaient divisés. Le noyau
L’armée l’a accepté pour se mettre dur a continué à protester tant que
en retrait de la politique, mais aussi Mohamed Morsi ne serait pas réta-
J
DR
4
bli. Certaines tendances souhaitaient négocier. D’autres cherchaient la radicalisation. Elle a été
exprimée par l’usage d’armes à
feu. Les Frères ont toujours vécu
dans une sorte de semi-clandestinité. Même affaiblis, ils ont fait le
choix de résister plutôt que de négocier. Leur atout aujourd’hui,
c’est de garder cette légitimité de
la résistance. Leur position n’est
pas simple : s’ils négocient, ils reconnaissent que Morsi n’est plus le
président légitimement élu et ils
perdent l’atout de la légalité. Ils
reconnaissent également que Morsi
n’était pas à la hauteur. Les Frères
ont fait le choix de la résistance
plutôt que de la conciliation. La radicalité a prévalu. De même, du
côté du gouvernement provisoire,
l’idée d’en finir par la force s’est
fondée sur un terrain favorable
dans l’opinion. Celle-ci craignait
la montée en puissance des Frères
et était fatiguée par deux ans
d’instabilité.
La confrérie avance l’idée d’un
chaos à la syrienne. Vous y croyez?
Je ne le pense pas car, dans la
situation syrienne, il y a une militarisation, une guerre civile par un
basculement des déserteurs de
l’armée de Bachar al-Assad. Je vois
une situation semblable à celle de
la guerre aux islamistes faite par
Hosni Moubarak dans les années 90 et qui avait fait près
de 100 000 morts.
Recueilli par JEAN-LOUIS LE TOUZET
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
EVENEMENT
La répression en Egypte creuse les antagonismes entre islamistes et opposition.
Déjà en crise, la Tunisie redoute
des répercussions politiques
C’
Vendredi, les
abords de la place
Tahrir, qui
accueille
traditionnellement
les manifestations,
avaient
intégralement
été bouclés
par les militaires.
PHOTO HASSAN
AMMAR. AP
est avec beaucoup d’attention et
d’inquiétude que la rue tunisienne, largement choquée par
la répression contre les Frères musulmans, suit la situation en Egypte. Certes, «les circonstances sont différentes
dans les deux pays. Ici, l’armée n’est pas
très puissante et pas très impliquée dans
la politique», se rassure Mohamed Jmil,
un avocat sympathisant du parti d’opposition Nidaa Tounes. En Tunisie, l’affrontement reste cantonné aux discours
politiques et aux manifestations rivales.
«Je vois mal une confrontation entre deux
camps», juge l’avocat qui, comme
beaucoup, craint des répercussions des
événements du Caire. «Ce qui se passe
en Egypte montre la nécessité pour tous les
partis politiques en Tunisie de s’asseoir à
la table des négociations, en s’attachant
à la légitimité et à la démocratie pour repousser la contre-révolution», a déclaré
le chef de l’Etat, Moncef Marzouki, alors
que l’opposition rejette toute négociation tant que le gouvernement islamiste
de la Tunisie n’a pas démissionné.
«Complices». Mais le massacre égyptien a approfondi les antagonismes,
donné lieu à de nouvelles passes d’armes et radicalisé les positions, celles
des islamistes d’Ennahda en tête. Lors
d’une conférence de presse, jeudi, le
président du mouvement, Rached
Ghannouchi, a pour la première fois explicitement rejeté la formation d’un
gouvernement de technocrates, comme
le réclame l’ensemble de l’opposition et
la quasi-totalité des forces vives du
pays, notamment le syndicat UGTT et
le patronat. «Seul un homme politique
épaulé par son parti peut agir dans un
contexte difficile», a justifié le «cheikh»,
plaidant une nouvelle fois pour un
«gouvernement d’union nationale» formé
des principaux partis. «Il est exagéré de
dire que le pays vit une crise, ce sont plutôt
des difficultés», a minimisé Ghannouchi, installé devant un énorme drapeau
tunisien, lui que ses détracteurs accusent d’être plus intéressé par un agenda
«frériste» que par l’intérêt national. La
feuille de route qu’il a présentée n’esquisse que de maigres concessions : de
vagues promesses pour assurer la neutralité de l’administration et la création
d’un comité de partis pour superviser
le travail gouvernemental. Le leader
d’Ennahda a eu des mots durs pour les
«putschistes» égyptiens qui veulent
«imposer leur agenda». «Ceux qui ont
soutenu Sissi sont complices du massacre,
qu’ils le veuillent ou non», a-t-il lancé.
«Pourquoi êtes-vous silencieux sur ces
massacres commis les uns après les
autres?» demandait-il mercredi sur une
chaîne de télé pro-islamiste.
L’opposition, qui dénonce une «instrumentalisation» de la situation égyptienne, a de fait été moins prompte
qu’Ennahda à condamner la répression
de l’armée. Finalement, le sit-in du
Bardo, que les députés provisoirement
«retirés» du Parlement tiennent depuis
presque trois semaines, s’est mis en
deuil le temps d’une soirée dédiée aux
victimes. Les communiqués ont unani- du gouvernement. L’heure est encore au
mement dénoncé le «bain de sang». dialogue, diagnostique toutefois la cenMais aussi, pour certains, pointé du trale, qui rejoint prudemment les rasdoigt la responsabilité des Frères dans semblements de l’opposition. L’UGTT
la tournure des événements.
doit également convoquer en milieu de
«Fuite en avant». Face à l’impasse qui semaine prochaine sa commission adperdure en Tunisie, l’influente centrale ministrative, qui prend les décisions
UGTT commence à donner des signes stratégiques. Avant cela, le secrétaire
d’impatience. Le syndicat, qui se re- général, Houcine Abassi, rencontrera de
trouve à jouer les médiateurs entre des nouveau Rached Ghannouchi, lundi, au
partis qui ne se parlent plus, accuse les lendemain d’une réunion décisive de la
deux camps d’avoir «placé la barre très «Choura», l’assemblée d’Ennahda.
haut» dans leurs revendications, fustiDe notre correspondante à Tunis
geant
en particulier la «fuite 164x219_Mise
en avant»
ÉLODIE
AUFFRAY
BATI NANTES_LIBERATION
en page 1 17/07/13 16:06
Page1
•
5
TROIS REPORTERS
TUÉS AU CAIRE
Trois journalistes ont été tués
mercredi en couvrant
les affrontements entre forces
de l’ordre et partisans de l’ancien
président Mohamed Morsi.
Plusieurs autres ont été blessés,
menacés ou interpellés, rapportait
Reporters sans frontières vendredi.
Deux Egyptiens –le reporter Ahmed
Abdel Gawad, d’Al­Akhbar, et
le photojournaliste Mosab al­Shami–
et le cameraman britannique
de Sky News Mick Deane ont été
tués par balles. Le même jour, au
moins six reporters ont été blessés
par des coups de feu, dont un
cameraman de la chaîne Al­Jezira et
un photographe d’Associated Press
(AP). Reuters a également annoncé
que l’une de ses photographes avait
reçu une balle dans la jambe.
6
•
MONDE
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
EnChine,
«mêmeinnocent,
tuescoupable»
Li Huailiang, 35 ans, a été incarcéré douze années,
malgré l’absence de preuves, pour l’assassinat
d’une fillette. Il vient d’être innocenté.
Par PHILIPPE GRANGEREAU
Envoyé spécial à Wanli (Henan)
chaise et se sont relayés pour me frap- afin que l’efficacité de la police ne soit
per les jambes avec une grosse chaîne pas mise en doute. Des boucs émissaimétallique… Ils me disaient : “Même res font souvent les frais de ces méthouo Ruina, une écolière de si tu es innocent, tu es coupable quand des.» Bien sûr, la loi interdit de con13 ans, a été violée et as- même.”» Son calvaire avait duré une damner un accusé sur la seule base
sassinée en 2001, en bor- semaine.
de ses aveux, «mais, ajoute l’avocat,
dure d’un grand champ de L’affaire Li Huailiang est la cin- dans la réalité, pas loin de 90% des
maïs, sous les peupliers
quième erreur judiciaire accusés de meurtre sont bel et bien
qui bordent la rivière
REPORTAGE majeure à avoir été ren- condamnés de cette manière».
Shahe, à un petit kilomèdue publique en trois Le verdict de 2003 dans l’affaire Li
tre du village de Wanli. Le site est ans. Une véritable déferlante dans Huailiang a heureusement été cassé
paisible, bercé par le clapotis de un pays où les mandarins ne recon- par une cour supérieure pour
l’eau. «Elle était sans doute venue là naissent habituellement jamais «manque de preuves», mais le préattraper des grosses sauterelles pour leurs fautes.
sumé coupable a été gardé en détenles cuisiner», explique avec noncha- Des supplices de toute sorte ont été tion. Persuadée de sa culpabilité, la
lance un paysan. Douze ans après employés dans chacune de ces affai- famille de la victime commence
les faits, cette affaire met toujours le res pour contraindre les suspects à alors à pétitionner les autorités pour
village sens dessus dessous. Le avouer. «Les douleurs des tortures exiger son exécution.
corps de la petite Ruina a été jeté étaient telles qu’à la fin j’ai mis mes dix Dans sa modeste maison en ciment,
dans la rivière et retrouvé 2 kilomèGuo Songzhuang, le père
tres en aval. La police du comté de Des traces de pas correspondant
de la fillette assassinée,
Yexian, dont dépend le village de à une taille de chaussures 38 ont
vitupère : «Nous sommes
600 âmes, a interrogé une vingtaine
allés je ne sais combien de
été
retrouvées
à
côté
du
corps.
de personnes. Au bout de quarantefois à Pékin supplier les
huit heures, elle a incarcéré un pay- Li Huailiang chausse du 44 et son autorités de le condamner à
san illettré de 35 ans, Li Huailiang.
mort, car c’est lui le coupagroupe sanguin ne correspond
A l’époque, ce grand gaillard – qui pas à celui de l’assassin présumé. ble!» Le droit de doléance
n’a pour seul bagage que deux ans
est en effet reconnu en
d’école primaire – habite avec sa empreintes digitales en bas des pages Chine. Mais les cadres du tribunal
femme, ses deux filles, sa mère et sa de mes soi-disant aveux. Comme je ne local voient d’un très mauvais œil
sœur, dans une maison aux toits re- sais pas lire, je ne savais pas ce que je ces appels au sommet qui les font
courbés située sur un sentier me- signais.» Li Huailiang a eu beaucoup passer pour des incapables aux yeux
nant au cours d’eau. L’enquête poli- de chance d’avoir échappé à la balle de leurs supérieurs et risquent d’encière permet de découvrir, à côté du dans la nuque.
traver leurs futures promotions. Les
slip déchiré de la victime, des traces Son premier procès, en 2003, a duré magistrats indélicats finissent par
de pas correspondant à une taille de quelques heures. Les policiers le for- conclure un accord secret avec la fachaussures 38 et des taches de sang. cèrent à apprendre par cœur ses mille de la victime, au terme duquel
Li Huailiang chausse du 44 et son aveux en chargeant un détenu de sa Li Huailiang sera condamné à mort.
groupe sanguin ne correspond pas cellule de lui faire rentrer ça dans En échange, la famille devra cesser
à celui de l’assassin présumé. le crâne à coups de poing. «Les po- ses doléances –une copie de cet acQu’importe, la police a trouvé son liciers m’assuraient qu’après, tout cord, couché sur du papier à en-tête
coupable.
irait bien pour moi», raconte Li du tribunal, a filtré sur Internet déqui fut condamné à quinze ans de but 2012, scandalisant une bonne
CALVAIRE. «Ils m’ont interrogé dans réclusion.
partie de la presse chinoise qui s’est
les sous-sols du commissariat», re- «Vu qu’il n’y avait pas de preuves, le dès lors intéressée à l’affaire.
late aujourd’hui Li Huailiang, qui a tribunal doutait probablement de sa Rejugé en août 2004 par la même
passé les douze années suivantes en culpabilité et c’est pourquoi il ne l’a cour, Li Huailiang est bel et bien
détention, avant d’être innocenté le pas directement condamné à mort, condamné à mort. «Personne de la
25 avril. Couché sur une natte, le commente Wang Yongjie, l’un de famille n’a pu assister au procès parce
corps affaibli et l’esprit encore bru- ses avocats, du barreau de Pékin. qu’ils voulaient faire leur sale boulot en
meux après toutes ces années Mais ils l’ont condamné malgré tout petit comité», fulmine la sœur de Li
d’épreuves, il a du mal à trouver ses car, dans les affaires de meurtre, il Huailiang, Li Anmei. Deux ans plus
mots. «Ils m’ont attaché sur une faut à tout prix trouver un coupable tard, la haute cour du Henan casse
G
Clichés pris par la police sur les lieux du crime en 2001.
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
MONDE
une nouvelle fois le jugement, toujours pour «manque de preuves».
Toujours en 2006, un troisième procès devant cette cour recondamne
Li à mort avec deux ans de sursis. Ce
jugement sera également cassé par
une cour supérieure.
Cette année, en avril, Li est enfin
innocenté et libéré. Un résultat
inespéré car les pressions furent
énormes. «Les autorités avaient ordonné aux avocats de la région de ne
pas prendre Li Huailiang comme
client», raconte son défenseur Wang
Yongjie. Au début de l’année, l’avocat amène sur place un groupe de
journalistes pour dénoncer cette injustice et lance une campagne sur
les sites de microblogging. Cette publicité fera tout basculer. Pour finir,
même la télévision officielle CCTV
diffusera une contre-enquête disculpant Li Huailiang.
Photo de Li Huailiang prise par les enquêteurs lors de son arrestation, le 8 août 2001. PHOTOS DR
DÉBALLAGE. Pourquoi les autorités
de Pékin avalisent-elles ce revirement? Certains y voient l’influence
du nouveau vice-président de la
Cour suprême, Sheng Deyong, qui,
dans un discours officiel prononcé
en début d’année, expliquait que
«depuis toujours les juges estimaient
qu’il valait mieux emprisonner un
innocent plutôt que relâcher un coupable». Désormais, corrige-t-il, «il
faut considérer qu’il vaut mieux libérer un coupable que condamner un
innocent».
De ces belles paroles à leur mise en
pratique, il reste toutefois un gouffre. Un avocat souligne le fait que
«des centaines», voire «des milliers», d’autres dossiers de meurtriers présumés injustement condamnés et souvent déjà exécutés
seraient en souffrance. Il se demande si l’intention de Pékin, en se
plaçant ostensiblement du côté de
la morale et en laissant une simple
poignée d’affaires sortir de l’ombre,
n’est pas de restaurer à bon compte
la réputation d’un système judiciaire discrédité –tout en évitant un
grand déballage. «En Chine, les verdicts sont énoncés par les juges, mais
ce ne sont pas eux qui décident, souligne l’avocat Wang Yongjie. Ce sont
des “comités politico-légaux”, dont
les sept ou huit membres n’assistent
même pas aux audiences.» Outre les
membres du parquet, ce comité décisionnaire qui œuvre dans l’opacité
comporte aussi des policiers. On ne
s’étonnera donc pas que les six policiers qui ont torturé Li Huailiang il
y a douze ans n’aient jamais été inquiétés. L’un d’eux, promu commissaire adjoint de la police de
Yexian, est toujours en fonction.
Dans le village de Wanli, on commence à peine à réaliser que l’acquittement de Li Huailiang signifie
que l’assassin de la petite Ruina
court toujours. Le soupçon porte
tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre des
habitants. Mais une bonne moitié du
village reste persuadée que Li
Huailiang est le vrai coupable. «On
nous a craché dessus et humilié pendant toute notre enfance, raconte
l’une des deux filles de Li, au point
qu’à la fin, on a dû déménager. Je
ne crois pas que ni nous, ni mon
père, nous réinstallerons un jour à
Wanli.» •
•
7
REPÈRES
3000
C’est le nombre estimé
d’exécutions en Chine
en 2012, selon le rapport
annuel de l’ONG italienne
Que personne ne touche
à Caïn. La Chine est le pays
pratiquant le plus d’exécu­
tions, suivie par l’Iran
(580 personnes exécutées
en 2012) et de l’Irak (129).
D’AUTRES ERREURS
JUDICIAIRES
w 1995 Nie Shubin est con­
damné, puis exécuté pour
le viol et le meurtre d’une
ouvrière, après avoir signé
des aveux sous la torture.
Un récidiviste a depuis
reconnu le meurtre.
w 1999 Zhao Zuohai est
condamné à vingt­neuf ans
de prison pour meurtre. Sa
victime présumée ayant
été retrouvée vivante, il est
innocenté en 2010 et
reçoit une compensation
de 70000 euros.
w 2012 Zhang Hui et Zhang
Gaoping, deux routiers,
sont innocentés après neuf
ans d’incarcération. Ils
avaient «avoué» sous la tor­
ture le viol et le meurtre
d’une auto­stoppeuse.
«Je demande
une nouvelle fois
à la Chine de revoir
ses pratiques
actuelles et de
renoncer à la peine
capitale, comme
le font de plus en
plus de pays partout
dans le monde.»
Catherine Ashton
responsable de la diplomatie
de l’UE, le 2 mars
La Chine a adopté
en 2007 une loi prévoyant
que toute peine capitale
prononcée par des tribu­
naux locaux doit être
confirmée par la Cour
suprême du peuple. Le
nombre d’exécutions a été
divisé par trois par rapport
au début des années 2000.
Pékin
HENAN
CHINE
Shanghai
Wanli
BIRM
L
V
600 km
8
•
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
MONDE
Un attentat a frappé jeudi
soir un fief du parti chiite,
qui paie son engagement
armé au côté d’Al-Assad
dans le conflit syrien.
ABeyrouth,
leHezbollah
touchéen
pleincœur
L’attentat, qui a fait au moins 22 morts et 325 blessés, à Roueiss dans la banlieue Sud de Beyrouth, a été revendiqué par un groupuscule qui serait proche des rebelles syriens. HUSSEIN MALLA. AP
L
syrien. Le dernier attentat a,
quant à lui, été revendiqué par un
groupe armé non identifié qui reproche à Hassan Nasrallah de ne
«pas comprendre» les messages
qui lui sont envoyés.
«Le but est clairement d’isoler le
Hezbollah en le touchant dans son
fief, afin que ses supporteurs se désolidarisent du parti», pense Simon
Abi Ramia, député libanais du
Courant patriotique libre (CPL),
allié au Hezbollah. Sans accuser
qui que ce soit d’être responsable
de l’attentat, le député souligne
qu’un objectif plus global existe :
«On cherche à faire entrer le Liban
dans une confrontation entre sunnites et chiites.» Au Liban, les deux
branches de l’islam sont en effet
bitants d’une ville chiite contre le
maire d’Ersal, plusieurs routes de
la région ont été coupées par des
sunnites en colère.
CONTAGION. Si beaucoup au Liban redoutent que les tensions ne
dégénèrent en un affrontement
communautaire, d’autres sont
plus modérés: «Je n’y crois pas car
le Hezbollah est un mouvement armé
qui a la capacité militaire d’anéantir
ses adversaires au Liban et ces derniers en ont conscience», explique
Amin Hotait, analyste libanais
proche du parti.
La présence de réfugiés syriens au
Liban, en majorité sunnites et opposés au régime de leur pays, fait
en effet craindre à beaucoup une
contagion du conflit au
sol libanais. Le Hezbol«On est d’accord pour que
lah n’a en tout cas pas
le Hezbollah soutienne Bachar
l’intention de changer
al-Assad, on ne veut pas
de stratégie politique.
qu’il cesse de le faire.»
Vendredi soir, dans une
allocution télévisée,
Salami Walid habitant de Beyrouth
Hassan Nasrallah a acde plus en plus divisées sur le con- cusé des «groupes takfiris» (des isflit syrien. Alors que de nombreux lamistes radicaux) d’avoir fosunnites libanais vont se battre menté l’attaque, et il s’est dit prêt
aux côtés des rebelles, les chiites, à aller se battre lui-même en Syeux, soutiennent majoritairement rie. L’attentat a en outre consolidé
le régime syrien et son allié liba- sa base. «Les attentats ne dissuanais, le Hezbollah. Les tensions dent personne», affirme Salami
entre les deux camps ne cessent Walid, habitant du quartier de Dad’augmenter. La région sunnite hye à Beyrouth. «On est d’accord
d’Ersal, à la frontière syrienne, est pour que le Hezbollah soutienne
notamment la scène d’affronte- Bachar al-Assad, on ne veut pas
ments réguliers avec les suppor- qu’il cesse de le faire.» Autour de
teurs chiites du Hezbollah dans la lui, les habitants crient qu’ils sont
plaine de la Bekaa. Le 11 août, peu avec Hassan Nasrallah «jusqu’à la
après l’attaque menée par des ha- mort». •
REPÈRES
25 km
Tripoli
Mer
Méditerranée
Beyrouth
LIBAN
SYRIE
Baalbek
Saïda
Tyr
ISRAËL
N
«déstabilise le Liban» et risque de
se «mettre [lui-même] en danger».
Hassan Nasrallah, leader du parti
e 16 août devait être jour islamiste chiite, avait en effet ande fête pour le Hezbollah, noncé fin avril l’envoi d’hommes
il a finalement été déclaré en Syrie pour se battre au côté
jour de deuil national. La de Bachar al-Assad. La branche
veille au soir, alors que le parti is- armée du parti a notamment aidé,
lamiste chiite s’apprêtait à
fin mai, le régime syrien à
célébrer le septième anniRÉCIT reprendre le contrôle de la
versaire de sa victoire conrégion stratégique d’Altre Israël lors de la guerre des Qoussayr, à la frontière libanaise.
33 jours en 2006, son fief beyrou- Force est de constater que le Hezthin a été ébranlé par une violente bollah connaît depuis des jours
déflagration. Survenue à Roueiss, difficiles au Liban : il ne semble
dans la banlieue Sud de Beyrouth, pas capable d’endiguer la vague
l’explosion a surpris par sa force: de violence qui le cible.
22 personnes sont mortes, 325 ont Mercredi, Hassan Nasrallah avait
été blessées et sept autres sont en- pourtant déclaré avoir pris des
core portées disparues. Depuis, les mesures pour éviter que son fief
habitants du quartier n’ont qu’un ne soit de nouveau attaqué. Le
mot à la bouche: Israël. L’Etat hé- 9 juillet, un premier attentat,
breu, que le Hezbollah combat de- moins violent, avait en effet
puis l’invasion israélienne du Li- frappé Dahye, dans le sud de Beyban en 1982, est accusé par tous routh. Le 26 mai, une roquette
d’avoir commandité l’attentat. «Il s’était également abattue sur le
ne veut pas que nous fêtions notre quartier chiite de Shiah, dans le
victoire, il veut nous montrer qu’il même secteur. Les quartiers chiipeut nous détruire par un autre tes de la capitale ne sont pas les
moyen qu’une guerre», s’écrie seuls visés. L’ensemble des régions
Rula, une avocate du quartier qui connues pour soutenir le Hezbola perdu tous les documents de ses lah sont régulièrement la cible
clients dans l’explosion. Un dis- d’offensives armées. Le Hermel,
cours largement relayé par l’en- zone acquise au Parti de Dieu dans
semble de la classe politique liba- la plaine de la Bekaa, dans l’est du
naise, dont le président de la pays, est également visé par des
République, Michel Sleiman.
tirs de roquettes.
Le 20 juin, l’homme d’Etat avait
pourtant pointé du doigt un autre BRANCHES. Du Liban ou de la Sydanger : dans une interview au rie, des rebelles engagés contre
journal libanais Al-Safir, le Prési- Bachar al-Assad espèrent faire
dent avait condamné l’interven- payer de la sorte au Hezbollah le
tion du Hezbollah en Syrie, qui prix de sa solidarité avec le régime
GOLA
Par MARIE KOSTRZ
Intérim à Beyrouth
LE HEZBOLLAH
Le parti chiite a été créé au Liban
par les Gardiens de la révolution
iraniens en 1982. Dirigé par Hassan
Nasrallah, il prône depuis toujours
la lutte armée contre Israël.
Le mouvement a affronté en 2006
l’Etat hébreu.
53
personnes ont été blessées dans
un premier attentat à la voiture
piégée visant le bastion du
Hezbollah à Beyrouth, le 9 juillet.
«Pourquoi regarder
du côté d’Israël, alors que
le Hezbollah brise les os
du Liban et tue des gens
en Syrie […]?»
Shimon Peres
président israélien, vendredi
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
MONDEXPRESSO
Par EMMANUELLE STEELS
euros, c’est la somme
dérobée depuis
le 1er juillet par un réseau
de sept personnes.
Se faisant passer pour
des policiers, les voleurs
arnaquaient des touristes
en Suisse romande.
Les polices des cantons
de Genève et de Vaud
ont annoncé vendredi
les avoir interpellés.
Mexico va-t-il enterrer
le hasch de guerre?
frontières, explique le départ du pays de l’ONG:
«EnSomalie,l’action
deMSFn’aplusdesens»
Nguyen Phuong Uyen,
une militante vietnamienne
condamnée à six ans
de prison pour propagande
contre l’Etat, a été libérée
en appel vendredi. Un ver­
dict rarissime dans ce pays
communiste, où les autori­
tés rejettent systématique­
ment les appels
des dissidents, souvent
condamnés à de longues
peines de prison. Cette
étudiante de 21 ans, de
Hô Chi Minh­Ville (ex­
Saïgon), accusée d’avoir dis­
tribué des tracts hostiles à
l’Etat, a néanmoins vu sa
condamnation commuée
en une peine de trois ans
de prison avec sursis. «C’est
incroyable qu’elle soit en
liberté», s’est réjoui Phil
Robertson, de l’ONG
Human Rights Watch.
«Peut­être que le gouverne­
ment a reçu le message
d’Obama et d’autres
lui demandant d’améliorer
son bilan en matière
de droits de l’homme.»
Les observateurs voient
dans ce geste une interven­
tion étatique. PHOTO AFP
Comment en
est-on arrivé
à cette situation?
Des groupes armés se disputent
le territoire de ce
pays depuis la
chute de Siyad Barré en 1991.
La guerre a entraîné des pénuries alimentaires récurrentes, la dernière en date
ayant eu lieu en 2011. De
nombreuses armées étrangères y ont également défilé.
Quel a été l’événement déclencheur de votre décision
de partir?
On peut davantage parler
d’une succession d’événements. Le 29 décembre 2011,
deux de nos collègues ont été
assassinés à Mogadiscio, la
capitale de la Somalie. Leur
meurtrier a été arrêté, mais
il a été libéré. Et en juillet,
la dernière des 6 personnes
kidnappées a été relâchée. Sa
captivité avait été la plus
longue, vingt-quatre mois.
Cela nous a amenés à faire un
constat sur le respect de nos
équipes. C’est la deuxième
fois de son histoire que Médecins sans frontières ferme
une mission. La première
fois, c’était en 2004 en
Afghanistan, après l’assassinat de cinq de nos collègues.
Cette mesure est exceptionnelle.
Un retour est-il possible? Et
à quelles conditions?
Nous connaissons bien ce
pays. Nous savons ce que
V. AMEHANE
l y a une semaine, les derniers membres internationaux de la mission de
Médecins sans frontières
(MSF) ont quitté la Somalie.
L’ONG, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1999, a décidé, la mort dans l’âme
après vingt-deux ans de présence, de fermer sa mission
dans ce pays de la Corne de
l’Afrique. Celle-ci, qui employait 1 700 personnes
–dont une moitié de personnel médical, réparties dans
18 structures de santé –, a
choisi de se retirer sine die de
ce pays déchiré en raison de
l’insécurité régnante. MarieNoëlle Rodrigue, directrice
de cette mission, explique
à Libération les causes de cet
échec.
Pourquoi MSF a-t-il quitté la
Somalie?
Nous quittons le pays, car
notre espace de négociation
s’est réduit à peu près à rien.
Nous avons eu 16 personnes
tuées en vingt-deux ans,
dont 7 depuis 2007. Ainsi que
6 kidnappés depuis 2007. En
analysant les lieux des agressions, nous nous sommes
aperçus que les gens avec qui
nous négociions approuvaient ou toléraient ces
agressions. Nous en avons
conclu que notre action
n’avait plus de sens. Car l’espace humanitaire ne va pas
de soi, il doit être négocié
avec toutes les parties en
conflit.
I
LIBÉRATION
RARISSIME D’UNE
OPPOSANTE
VIETNAMIENNE
herbe légale remonte
le moral», ont coutume de dire les
adeptes du cannabis au
Mexique. Les législateurs du
district fédéral (l’agglomération de Mexico) les ont entendus : ils entament cette
semaine un grand débat sur
la légalisation de cette drogue, qui culminera en septembre par l’organisation
d’un forum international. Un
projet de loi sera soumis à
l’assemblée régionale, dominée par le gauche, pour que
Mexico, la ville la plus progressiste d’Amérique latine
–l’avortement et le mariage
homosexuel y sont légaux–,
soit le premier Etat du pays à
réguler l’usage du cannabis.
Le maire, Miguel Angel Mancera, y est favorable, alors
que le président, Enrique
Peña Nieto, s’y oppose.
«L’
«Si nous
construisons
quelques centaines
de logements à Gilo
ou Ramot, ou dans
d’autres quartiers de
Jérusalem, […] c’est En vingt­deux ans, 16 personnes de MSF ont été tuées en Somalie. PHOTO F. AUSSEILL. AFP
qu’ils feront partie
d’Israël dans la carte
AFRIQUE Marie-Noëlle Rodrigue, de Médecins sans
de paix finale.»
LES GENS
9
VU DU MEXIQUE
26000
Benyamin Netanyahou
Premier ministre israélien,
vendredi
•
la population traverse. Mais notre
retrait est à durée
indéterminée. Un
retour ne pourrait
se faire qu’en
ayant revu les
modalités de dialogue avec
toutes les parties en conflit.
Beaucoup d’ONG opèrent en
Somalie à distance. Elles sont
basées à Nairobi, au Kenya,
et pilotent leurs activités
grâce à l’aide de staffs somaliens. Nous étions une des
rares à maintenir sur place
un personnel international.
Est-il devenu plus difficile
de faire de l’humanitaire
aujourd’hui?
L’humanitaire est un métier
dangereux. Mais les risques
ont changé. L’immédiateté
de l’information a modifié la
donne. Aujourd’hui, avec Internet et les réseaux sociaux,
les plus folles rumeurs peuvent rapidement enflammer
les esprits. Les équipes sont
exposées à des risques différents. Il y a aussi la multiplication des acteurs. D’un
côté, on peut s’en réjouir car
cela fait plus d’assistance
pour les populations. Mais,
de l’autre, certaines ONG ont
des agendas politiques. Nous,
nous tenons à notre indépendance. Et c’est difficile à
faire valoir quand ce n’est
pas le cas de tous les acteurs.
Cela ajoute à la confusion.
Recueilli par
HÉLÈNE DESPIC-POPOVIC
Dans un pays où plus de
70 000 personnes ont perdu
la vie dans la guerre entre
cartels de narcotrafiquants
depuis 2006, le débat sur
la légalisation charrie plus
d’émotions que d’arguments. «On ne peut pas autoriser la consommation alors
que nous vivons sous les balles
et que nos rues sont couvertes
du sang des Mexicains. C’est
inacceptable!» a ainsi affirmé
Edgar Elias Azar, le président
du tribunal de justice du district fédéral. A l’opposé,
l’ancien chef d’Etat Vicente
Fox défend avec ferveur la
légalisation qui, d’après lui,
«sauverait le Mexique du piège
de la violence». «Une industrie légale du cannabis ôterait
des millions de dollars aux criminels et remplirait les caisses
de l’Etat», proclame celui qui
s’est dit prêt à cultiver du
chanvre dans son ranch de
l’Etat de Guanajuato et commercialiser la marijuana
dans une chaîne de supermarchés. Ironie de l’histoire,
ses opposants avaient l’habitude de dire: «Si Vicente Fox
fumait, il ne dirait pas autant
de bêtises.»
Même s’ils célèbrent la reconversion de l’ex-président
Fox, les activistes cannabiques de la première heure
restent sceptiques face à son
discours simpliste. «Nous
n’avons jamais dit que la légalisation constituait la solution
à tous les problèmes de narcotrafic, violence et corruption»,
explique Jorge Hernández
Tinajero, politologue et militant procannabis. «Ceci dit,
c’est forcément une partie de
la solution, car le contrôle des
drogues est en échec.» Pour
les militants, il s’agit d’extraire le débat du terrain sécuritaire et de le situer sur
celui des droits. «Pour le moment, le consommateur de
cannabis n’a d’autre choix que
de commettre un délit et d’alimenter le crime organisé, ce
que les autorités prétendent
combattre. Jouer aux gendarmes et aux voleurs avec des citoyens qui n’ont rien de criminels, cela n’a aucun sens»,
dénonce Hernández Tinajero. Couper l’herbe sous le
pied des trafiquants? Ce sera
l’un des effets de la légalisation du cannabis, même si la
ville de Mexico veut surtout
dépénaliser le comportement de dizaines de milliers
de citoyens fumeurs de
joints. La cucaracha (le cafard, symbole du fumeur de
marijuana dans les chansons
révolutionnaires) est en
marche. •
selon lui, permis la réélection du président Robert Mugabe. PHOTO REUTERS
PHILIPPINES Au moins
17 personnes sont mortes et
573 ont été secourues après
le naufrage, vendredi, dans
l’archipel des Philippines
d’un ferry à la suite d’une
collision avec un cargo.
ZIMBABWE L’opposant Morgan Tsvangirai (photo) a retiré sa plainte contre les
fraudes électorales qui ont,
ÉTATS­UNIS La NSA a violé
les lois américaines sur la vie
privée des «milliers» de fois,
selon le Washington Post, qui
cite un audit interne fourni
par Snowden. L’agence s’est
défendue en affirmant «enquêter» sur chaque «erreur».
10
•
FRANCE
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
Leboaet
lesambitieux
Le patron de l’Assemblée et les ministres
du Redressement productif et de l’Intérieur
jouent en solo face à Hollande, lequel mise
sur la tactique de l’étouffement.
Par LAURE BRETTON
ni le budget ni la ligne gouvernementale.
Sinon, on sort. A Bercy, après la vague des
rançois Hollande tient du boa cons- plans sociaux, le ministre du Redressement
trictor. Les ambitieux de son gou- productif a repris un peu d’air sur ses dosvernement, il préfère les envelop- siers. Mais il ne manque pas une occasion
per, les caresser dans le sens du poil de se distinguer, comme sur les gaz de
pour les étouffer plutôt que les attaquer de schiste. «Tous les moyens sont bons pour asfaçon frontale et, partant, leur donner une souvir son obsession: se payer Ayrault», déexistence. «Dans mon camp, il ne se produit crypte un membre du gouvernement. Le
rien», a ainsi assuré le chef de
prochain ouvrage de Montebourg
l’Etat, mi-juillet. «Ne vous fatidevrait permettre de prendre la
ANALYSE
guez pas», semble dire le Présitempérature réelle de sa relation
dent, conscient que le temps du quinquen- avec le Premier ministre (lire ci-contre).
nat – le premier, voire le deuxième – joue Les soucis d’Ayrault avec ses ministres turen sa faveur. Comment préparer 2017? «La bulents qui jouent perso font en réalité l’afmeilleure façon c’est d’être loyal a poursuivi faire de Hollande, qui a besoin de MonteHollande car si j’échoue, ce sera très difficile bourg comme de Valls et des ministres
au sein du PS et du gouvernement de dire : écologistes pour couvrir tout le champ de
“j’ai été ministre pendant cinq ans, il a échoué son arc majoritaire. «Valls et Montebourg
mais, moi, je vais réussir”.»
sont les deux facettes d’une même médaille,
estime un conseiller ministériel. Ils aiment
MOLLETS. Depuis quinze mois, trois têtes l’ordre, la force de l’Etat et la République. Ils
dépassent pourtant régulièrement. Claude occupent ce terrain à droite et à gauche de la
Bartolone, Arnaud Montebourg et Manuel majorité.» Le discours de Manuel Valls à la
Valls mordillent les mollets présidentiels et veille du 14 Juillet a, de fait, plus déplu sur
cultivent leur différence au sein de la majo- la forme que sur le fond. En Camargue, le
rité. Dimanche, le président de l’Assemblée ministre de l’Intérieur a plaidé pour une
nationale est l’invité vedette de la Fête de «synthèse entre un réformisme assumé et la
la rose de Frangy-en-Bresse (Saône-et- république intransigeante».
Loire) qu’organise chaque été Montebourg,
ancien élu du cru.
SYBILLIN. Pour représenter une alternative
Au perchoir, Bartolone n’est pas soumis à à François Hollande, les ambitieux doivent
la discipline gouvernementale et ne se prive se distinguer. Or, «quel était le message de
pas de dire tout le mal qu’il pense des choix différenciation de Manuel Valls en Camargue?
présidentiels. Dimanche, il a prévu de La synthèse républicaine, c’est en soi une dif(re)parler du «rêve français» si cher à Hol- férenciation?» ironise un ami du Président.
lande mais un peu tombé aux oubliettes. Si la séquence électorale du printemps proAuréolé de sa présidence sans faille pendant chain devait tourner à la débâcle, certains
les débats sur le mariage pour tous, Claude socialistes ont entamé les paris. Avec un FN
Bartolone est un rouage précieux du méca- qui pourrait décrocher le titre de premier
nisme majoritaire. Au point que Hollande parti dans les urnes, notamment aux Eurocède à ses exigences sur le projet de loi sur péennes, il faudra une réaction forte côté
la transparence de la vie publique. Pour gouvernement. «Il y a deux options [pour
l’an II de l’alternance, l’ancien député de Matignon], analyse un pilier du groupe PS.
Seine-Saint-Denis veut réfléchir à la transi- Aller à fond sur la ligne du libéralisme de gaution énergétique. Ou comment se placer au che et remplacer Ayrault par Valls ou se recencentre du débat budgétaire et de la relation trer sur le cœur du parti, ce qui veut dire
avec les écologistes au sein de la majorité. Claude [Bartolone] ou Martine [Aubry].»
«Nous pouvons vivre avec 4% de déficit, pas Une agitation minimisée à l’Elysée, façon
forcément avec 4°C de plus», a-t-il entonné boa. «Que les membres d’une majorité aient
cet été.
des ambitions pour la suite, cela fait partie de
Pour Arnaud Montebourg et Manuel Valls, la vie politique et ce serait bien la première fois
tous deux ministres, la tâche est plus ardue. que des ministres voudraient rester ministres,
Après des mois de mises en garde verbales s’amuse un proche du chef de l’Etat avant
de Matignon sans effet, l’éviction de Del- d’ajouter, sibyllin: certains, d’ailleurs, ne le
phine Batho a tracé la limite: on ne conteste restent pas…» •
F
Manuel Valls, à Cergy, le 6 juillet 2012. PHOTO LAURENT TROUDE
Valls: en phase avec la
base du PS sur la sécurité
anuel Valls est
joueur. Dès qu’il
passe le portail de
Matignon, l’ex-disciple de
Rocard et ancien du cabinet
Jospin ne manque jamais une
occasion de rappeler qu’il
«connaît bien ici». Ajouté à
l’omniprésence médiatique
de ces dernières semaines,
corrélée à l’actualité estivale,
le comique de répétition ne
fait plus trop sourire au sein
de l’exécutif.
Si, comme il le clame, Manuel Valls n’a pas envie d’être
promu chef du gouvernement, «tout ce battage, c’est
pour quoi? s’interroge un ministre. La machine s’est mise
en route très fort, mais où va-telle et comment tient-elle neuf
ans ?» Soit jusqu’en 2022,
puisqu’a priori seul François
Hollande pourra être candidat à sa succession en 2017.
Même s’ils en font tousser
M
plus d’un au gouvernement,
les solos de Valls sur la sécurité plaisent à la base socialiste qui lui reconnaît d’avoir
réinvesti un terrain sur lequel
le PS peinait à être crédible.
Mais, à deux reprises cet été,
le ministre de l’Intérieur a
marché sur les plates-bandes
de camarades de gouvernement : Christiane Taubira
–dont il a tenté de torpiller la
réforme pénale dans une lettre envoyée fin juillet à Hollande ou lorsqu’il a pesté
contre la non-exécution des
peines de prison ; et Geneviève Fioraso, quand il a jugé
«digne d’intérêt» la proposition de légiférer sur le port du
voile à l’université, ce qui
n’est pas jugé opportun à
l’Elysée.
Provoquer le débat et se placer au centre, c’est la méthode Valls. «Il joue l’opinion
publique contre le milieu politi-
que. Il veut s’appuyer sur elle
contre les règles agréees dans
le microcosme», analyse une
ministre socialiste.
Alors qu’il est membre du
courant majoritaire du Parti
socialiste, le ministre de l’Intérieur organise la semaine
prochaine son rendez-vous à
lui – un apéritif «amical et
fraternel»– en marge des débats collectifs de l’université
d’été de La Rochelle. Où il
avait reçu un accueil triomphal en 2012.
Depuis, «dans le marasme
sondagier ambiant, il a forcément surnagé, analyse un
jeune dirigeant socialiste. Ça
se solidifie sans qu’il fasse
grand-chose, la machine s’alimente toute seule. Alors qu’il a
fait 5,7% [lors de la primaire
de 2011, ndlr], la base militante est en train d’en faire une
valeur sûre».
L.Br.
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
FRANCE
•
11
Bartolone: des sauts
de puce «présidentiels»
on amour de la petite
reine a failli mettre pour
de bon le feu aux poudres. Début juillet, quand les
proches de François Hollande
ont découvert les images du
président de l’Assemblée,
Claude Bartolone, tout sourire à bord de la voiture du
patron du Tour de France, ils
ont vu rouge. «A quoi joue
Barto là ?» s’est interrogé le
premier cercle présidentiel.
Qui observe depuis un an le
quatrième personnage de
l’Etat multiplier les sorties
aux atours présidentiels : du
saut de puce au Mali pour saluer les troupes françaises, au
séjour dans un sous-marin
nucléaire.
«Ce qu’il fait, c’est une
énigme», grince un ministre
hollandais. Voilà quatorze
mois que l’ex-député de Seine-Saint-Denis se déploie
depuis l’Assemblée natio-
S
nale, ponctuant de coups
d’éclat son émancipation politique, après trente ans dans
l’ombre de grands socialistes.
Et particulièrement dans
celle de Laurent Fabius. Déficits, rythme des réformes,
austérité, non-cumul, loi sur
la transparence – qu’il a détricotée maille par maille –
appel à la «confrontation»
avec l’Allemagne : on ne
compte plus les solos de Bartolone, qui finissent souvent
par se muer en chœur collectif contre l’exécutif. C’est que
l’homme est rassembleur. Le
débat marathon sur le mariage pour tous, qu’il a présidé de bout en bout cet hiver, et son mano a mano avec
Hollande sur la transparence
lui ont acquis la sympathie, si
ce n’est la loyauté, d’une
majorité des députés PS. En
septembre, il reprendra ses
visites de terrain (deux par
semaine) et se montrera à
toutes les journées parlementaires de la majorité présidentielle, de Bordeaux (PS)
à Niort (PRG) en passant par
Angers (EE-LV).
Sous son impulsion, l’Hôtel
de Lassay, sa résidence officielle, est devenu une ruche:
syndicats, intellectuels,
chercheurs y ont régulièrement leur rond de serviette
et le nouveau patron du Medef, Pierre Gattaz, y est convié à la rentrée. «Claude utilise son poste pour se parfaire,
lui, il se nourrit de plus en
plus», défend un de ses amis
ministres. Claude Bartolone
se voit davantage en héritier
de Jacques Chaban-Delmas,
le seul président du PalaisBourbon à avoir été promu
Premier ministre, que de
Bernard Accoyer, son terne
prédécesseur au perchoir.
L.Br.
Arnaud Montebourg, le 19 avril 2012, à l’Elysée. PHOTO LAURENT TROUDE
Montebourg:
un Don Quichotte apaisé
ous ses collègues le disent : Arnaud Montebourg va mieux. Après
un hiver à godiller sur les
crêtes du gouvernement et
de la majorité, le ministre
du Redressement productif
n’est certes pas à l’abri d’une
nouvelle provoc. Comme
quand il loue des gaz de
schiste «écologiques» que
l’Etat se devrait d’exploiter
au sein d’une entreprise publique, fidèle à sa stratégie
du «pousse-bouchon» dixit
Stéphane Le Foll, le ministre
de l’Agriculture. Mais ceux
qui ont croisé Montebourg
avant les vacances racontent
un Don Quichotte de la première gauche, plus apaisé. La
preuve en images date
du 13 juillet, en Savoie,
quand Jean-Marc Ayrault et
son ministre ont passé un
après-midi, hilares sous l’œil
des photographes, après
T
Claude Bartolone et François Hollande, le 21 juin, au Bourget. PHOTO LAURENT TROUDE
avoir signé l’accord de reprise des deux sites du
groupe Rio Tinto Alcan. Un
dossier quasiment aussi emblématique que l’aciérie de
Florange aux yeux de Montebourg. En Savoie, mi-juillet,
le Premier ministre a (enfin!)
salué «l’action déterminée»
de Montebourg, qui lui avait
reconnu la veille l’existence
d’une «ligne gouvernementale» sur les gaz de schiste,
respectant le «ni-ni»–ni exploration ni exploitation– de
Hollande.
Satisfaction à l’Elysée: contrairement à Delphine Batho,
«Montebourg fait toujours très
attention à ne pas se situer sur
une ligne qui serait un franchissement interdit», sourit
un proche du chef de l’Etat.
Pour une ministre qui a récemment voyagé avec les
deux hommes, «Jean-Marc
et Arnaud ont dealé» le retour
au calme. Mais pour nombre
de leurs camarades, cette
pax socialista est fragile et
pourrait pâtir de la parution
en septembre du nouveau livre du ministre (le Retour de
l’Etat) au sous-titre évocateur: «De l’art de nationaliser
en douceur.»
Montebourg «est un malin,
raconte un parlementaire. Sa
ligne c’est de rester sur l’interventionnisme de gauche, la
régulation étatique qui n’est
pas la doxa de Hollande-Ayrault. Mais sur les questions
d’énergie, il fait plaisir au Medef en adoptant une ligne productiviste». Le ministre du
Redressement productif a le
regard braqué sur les élections du printemps : en cas
de forte poussée de la gauche
de la gauche, son heure serait venue à Matignon, veut
croire sa garde rapprochée.
L.Br.
12
•
SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
FRANCE
Jacques Vergès, à Paris, en 2011. PHOTO OLIVIER ROLLER
L’avocatVergès
sedérobe
STASI. En 1970, rideau. Débute un suspens
qui va durer huit ans. Laissant femme et enfants, Vergès disparaît. Ces derniers, racontait-il, n’ont jamais posé aucune question.
A celles, nombreuses, de la presse, il n’expliquera jamais la teneur de ces «grandes vacances» passées «très à l’Est de la France»,
comme il aimait à éluder. Etait-il au Cambodge au côté de Pol Pot chez les Khmers
rouges? Dans les pays de l’Est, exfiltré par la
Stasi est-allemande ? Ou au Katanga pour
à chacun de le croire ou non. L’homme une affaire de gros sous? S’est-il engagé pour
n’était pas du genre à se laisser saisir. «Ver- défendre la cause palestienne comme le
gès… Mais quel Vergès ? Il y en a eu tellement. pense Barbet Schroeder? Une hypothèse coJ’en ai connu de très différents, mais la période hérente. «Le seul engagement de sa vie, c’est
de l’Algérie a été la plus indiscutable», com- l’anticolonialisme», estimait dans Libération
mente Georges Kiejman, qui l’a croisé à dif- Thierry Jean-Pierre, l’ancien juge, à l’occaférentes étapes de sa vie.
sion d’un portrait consacré à l’avocat en
Commençons par l’Algérie donc. On est 2002.
en 1957. Vergès entre dans le collectif des En 1978, Jacques Vergès rentre en France et
avocats du Front de libération national (FLN) remet sa robe. Il construit alors minutieusement son personnage de «salaud lumineux», du nom d’un de
«Le seul engagement de sa vie, c’est
ses livres. Il aime à être détesté
l’anticolonialisme», estimait dans
car il sait qu’il fascine. Il avouera
Libération l’ancien juge Thierry Jeanun jour : «J’ai le culte de moiPierre, à l’occasion d’un portrait
même.» Il défend la terroriste
d’extrême gauche Magdalena
consacré à l’avocat en 2002.
Kopp. Puis, en 1987, c’est le
et s’engage à fond pour l’indépendance de procès Klaus Barbie. «On s’aimait bien, à
l’Algérie. Tellement qu’en 1963, en secondes l’époque, avait confié à Libération Isabelle
noces, il épouse la militante du FLN Djamila Coutant-Peyre, devenue associée de Vergès
Bouhired, après l’avoir sauvée de la peine de au début des années 80. Il se passionnait pour
Admiré et honni, il fut le défenseur de Klaus Barbie, d’Omar
Raddad ou de Laurent Gbagbo. Jacques Vergès est mort jeudi.
Par VIOLETTE LAZARD
J
reaux qui avait dîné avec lui il y a une dizaine
de jours, a expliqué que l’avocat «avait fait
une chute il y a quelques mois et, du coup, était
très amaigri, marchait très lentement. Il avait
des difficultés à parler, mais intellectuellement
il était intact. On savait que c’était ses derniers
jours, mais on ne pensait pas que ça viendrait
aussi vite.»
usque dans ses dernières heures, Jacques Vergès semble avoir maîtrisé la
mise en scène de son existence. Jeudi
soir peu après 20 heures, à l’âge de
88 ans (ou était-ce 89?) l’avocat aux petites
lunettes rondes et visage impassible est décédé dans la chambre où Voltaire aurait
poussé son dernier soupir le 30 mai 1778. JUMEAUX. Voilà pour le clap de fin. Pour le
«L’avocat de la terreur», comme l’avait dési- reste, difficile de trouver une cohérence à une
gné Barbet Shroeder dans un documentaire existence menée à élaborer une théorie de la
qui lui était consacré, était hébergé chez des rupture. La naissance, d’abord, en Asie d’une
amis dans un appartement quai Volmère vietnamienne et d’un père contaire à Paris, depuis une mauvaise
RÉCIT sul de France, est mystérieuse.
chute. «Un lieu idéal pour le dernier
D’après Bernard Violet, biographe
coup de théâtre que devait être la mort de cet honni de Me Vergès, le père de ce dernier
acteur né», ont même osé dans un communi- l’aurait déclaré au moment de la naissance
qué les éditions Pierre Guillaume de Roux, de son petit frère Paul, un an plus tard. Puis
qui avaient publié ses mémoires en février. aurait fait passer les deux frères pour des juPlus prosaïque, Christian Charrière-Bourna- meaux. Le savait-il? «Non, avait t-il répondu
zel, le président du Conseil national des bar- à Libération. Et je m’en fous royalement.» Libre
mort. L’avocat qui s’était rêvé, lors de son
enfance à la Réunion, «général en chef ou écrivain» a déjà un passé. A 17 ans, il s’est engagé
dans les Forces françaises libres à Londres et
a parcouru l’Europe en guerre. En 1945, il regagne Paris, s’inscrit au PCF et devient président de l’association des étudiants coloniaux.
Là, il rencontre Pol Pot, le futur khmer rouge.
SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
FRANCE
•
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Vergès (c.), avocat du FLN en 1960. KEYSTONE. GAMMA
En 1987, Jacques Vergès défend Klaus Barbie (à dr.) à Lyon. PHOTO AP
A Paris, en 1994, lors du procès de Carlos. PHOTO THIERRY DUDOIT
Lors de l’affaire Omar Raddad, en 1998. ÉRIC FRANCESCHI
Conseiller de l’ex­président Milosevic, à La Haye en 2002. PHOTO AP
Accueilli par Laurent Gbagbo, en Côte­d’Ivoire, en 2010. PHOTO AFP
«DOUTES». Pour les acteurs et témoins du
procès Barbie, ce n’est pas l’engagement de
l’avocat auprès d’un ancien nazi qui a choqué. Mais ses propos envers les victimes, les
doutes qu’il a fait naître sur la sincérité de
l’engagement des époux Aubrac… «C’était
atroce, moche, tranche Me Kiejman. Mais
était-il antisémite? Je ne le crois pas, ou bien il
a feint de ne pas savoir que j’étais juif… Moi, j’ai
toujours eu droit à un dédain modéré.» Impossible de dresser ensuite la liste exhaustive
de ses clients. Vergès a plaidé pour LouiseYvonne Casetta, la trésorière occulte du RPR.
Pour le jardinier Omar Raddad. Il fut également le défenseur de Carlos, Saddam Hussein
ou de l’ancien dirigeant khmer rouge Khieu
Samphan. Plus étonnant, en 1996, le voilà
avocat des petits actionnaires de Bernard Tapie Finances (BTF), contre le Crédit lyonnais
dans l’affaire de la vente d’Adidas.
Il fait un petit tour dans les tribunaux corses,
où il ne s’implantera pas. En 2010, dernier
combat, il défend Laurent Gbagbo au côté de
Roland Dumas. «Jacques Vergès était l’unique
monstre sacré du barreau français», a réagi
vendredi Francis Vuillemin, l’un des trois défenseurs de Maurice Papon au procès de Bordeaux. D’ordinaire, on ne dit pas du mal d’un
mort. Le concert des louanges aurait donc pu
s’élever, ainsi, à l’infini. Mais ce disparu-là
aimait tant la provocation que Me Alain Jakubowicz, le président de la Licra, qui représentait le Consistoire israélite de France lors du
procès Barbie, s’en est permis une petite. «Je
ne suis pas surpris des propos laudateurs à son
sujet, mais je pense que s’il pouvait lire et entendre ce qu’on dit de lui aujourd’hui, il nous ferait à tous un immense bras d’honneur.» Agrémenté de ce petit sourire, impassible ou
mystérieux, énervant ou fascinant. •
REPÈRES
«DÉFENSE
DE RUPTURE»
En 1957, il défend Djamila
Bouhired, l’une des poseuses
de bombes du FLN à Alger.
Il inaugurera avec elle
sa «défense de rupture»,
retournant l’accusation
contre une justice qu’il ne
reconnaît pas. Condamnée
à mort, elle sera grâciée.
Barbet Schroeder, auteur d’un docu sur Jacques Vergès:
«La manipulation faisait
partie de son génie»
B
arbet Schroeder, auteur du film
l’Avocat de la terreur, raconte ses
liens avec Jacques Vergès.
Depuis le tournage de votre documentaire, aviez-vous gardé contact avec Jacques Vergès?
Non, aucun. Immédiatement après la
sortie du film, il a voulu continuer à me
voir… Il m’invitait à dîner, pour que j’apparaisse
aux yeux du monde comme son ami. Il voulait
montrer, en fait, que c’était lui qui m’avait manipulé pour le film et non l’inverse… Pendant quelque temps, j’ai joué le jeu. La manipulation faisait
partie de la nature de son génie.
Dans l’Avocat de la terreur, aucune facette du personnage n’est laissée de côté. Comment s’est déroulé le tournage, vos rencontres?
Nous nous sommes très bien entendus, sinon nous
n’aurions pas pu avoir ce résultat. Cela a été très
simple de travailler avec lui. Vergès aimait beaucoup qu’on parle de lui. Il nous a aidés à avoir les
contacts pour interviewer certains de ses proches.
Il vous a laissé le final cut, c’est-à-dire le choix du
montage définitif. Comment a-t-il réagi quand il
a découvert le résultat?
Il a dit quelque chose comme «c’est un film extraordinaire, dépenser une telle quantité d’intelligence pour en arriver là…» Puis, aux gens de la
production qui étaient autour de lui après ce visionnage, il a annoncé: «Vous aurez de mes nouvelles dans les quinze jours.» Je n’ai jamais eu de nouvelles dans un sens négatif, rien dans les contrats
qui nous liait ne lui permettait quoi que ce soit.
Puis, quand le film est sorti, il a joué son jeu, il en
a fait la promotion. Il est venu à Cannes sur son
propre budget, il a payé sa propre attachée de
presse… Mais restons en là. Aujourd’hui, il est décédé. Pour moi, Jacques Vergès, c’est d’abord un
homme extraordinaire que j’ai admiré pendant
toute ma jeunesse. J’étais engagé dans la lutte des
AP
de petites affaires de droit commun, disant que
dans tout dossier, il y a un roman. C’était un séducteur, à sa manière. Il aimait passionner les
gens.» Mais elle gardait une dent contre lui:
«C’est un faux intellectuel. Il apprend des trucs
par cœur tous les jours. Quand il donne l’impression de faire un éclat, en fait, c’est préparé.
Mais il est quand même exceptionnellement intelligent.»
En 1987, Vergès, l’ancien
résistant, prend la défense
de Klaus Barbie, ex­chef de
la Gestapo de Lyon. Il avait
notamment arrêté Jean Mou­
lin. L’avocat sulfureux devient
honni pour beaucoup. Nour­
rissant les soupçons d’antisé­
mitisme à son égard.
18
C’est le nombre d’années de
prison auxquelles a été con­
damné Omar Raddad malgré
l’élan créé par Vergès autour
du jardinier accusé du meur­
tre de Ghislaine Marchal.
Dernier combat, dernière
polémique, en 2011, il entre­
prend avec son confrère
Roland Dumas d’aller pren­
dre la défense de l’ancien
président ivoirien Laurent
Gbagbo. La même année,
il annonce vouloir défendre
Muammar al­Kadhafi.
Algériens pour l’indépendance. Quand
j’avais entre 14 et 16 ans, Vergès était
mon idole.
Il a ensuite défendu d’autres causes,
pris d’autres chemins. Diriez-vous que
c’était un homme de conviction?
Absolument. Il aurait pu devenir un très
grand ministre, sous de Gaulle ou Mitterrand. Il avait des qualités artistiques et intellectuelles extraordinaires. Mais il a choisi un chemin
plus aventureux et difficile. Malgré tout, c’est la
politique qui primait pour lui. Il aura accompagné
un pays à l’indépendance, l’Algérie. La cause palestienne était très importante pour lui. Il est même
rentré dans la clandestinité pour la défendre… Pour
moi, cela crève les yeux, que c’est de ce côté qu’il
faut aller chercher pour expliquer sa «disparition»
de quelques années. Lors du tournage de mon film,
un député libanais m’a d’ailleurs confié qu’Arafat
était en contact avec Vergès pendant la période de
cette «disparition». Quand il a appris l’existence
de cette interview, Vergès était très troublé, embêté et surpris. Il m’avait dit : «Vous vous rendez
compte que vous m’exposez au Mossad ?» Je lui ai
répondu que les faits étaient trop anciens pour
l’exposer à quoi que ce soit… Cette réaction prouvait en tout cas que ce chapitre était très sensible
pour lui. A ce sujet, il répétait toujours son petit
numéro… laissant entendre qu’il avait pu être au
côté des Khmers rouges. Mais j’ai prouvé dans le
film que cette thèse est totalement impossible.
Comment avez vous compris son dernier engagement auprès de Laurent Gbagbo, fin 2010?
Malgré certains engagements peut-être douteux
à la fin de sa vie, pour moi, c’est évident que l’argent n’était pas son moteur principal. Il pensait
toujours : si la foule va dans un sens, il faut aller
dans l’autre pour avoir une chance d’avoir raison.
Il était un grand lecteur de Nietzsche.
Recueilli par V. L.
14
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LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
FRANCEXPRESSO
CARNET
naiSSanceS
Macéo dit
'' Scandalito ''
Macéo est né le 6 août.
C'est pas petit.
Ses darons sont dingues
de lui.
Bonne arrivée fiston.
AL et G.
SouvenirS
Ce 17 août 2013
il y a un an, déjà
Jean
nous a abandonnés pour
retourner dans son île.
Pour ceux qui l'ont aimé,
il est toujours présent.
METZ - MARLY - NANCY
Le Carnet
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VU DES YVELINES
Par ALICE GÉRAUD
A Trappes, un cortège
accuse l’Etat de ne pas
agir face à l’islamophobie
ls sont une centaine et
manifestent en silence. La
plupart sont des habitants
de Trappes (Yvelines), venus
juste après la prière du vendredi. D’où le nombre important d’hommes en tenue
traditionnelle. En tête de
cortège, les femmes en voile
du «collectif des sœurs de
Trappes» tiennent deux banderoles. Sur l’une est écrit :
«stop à l’islamophobie», sur
l’autre, «nous ne voulons pas
être les prochaines victimes».
La manifestation a été décidée après l’agression, dans la
commune, d’une jeune fille
voilée de 16 ans, lundi aprèsmidi. Deuxième attaque de
l’été à Trappes, après celle
d’une femme à la mi-juillet.
En mai et juin, deux autres
avaient été déclarées à Argenteuil, dans le Val-d’Oise.
I
Pour Mohamed Kamli, du
collectif des citoyens de
Trappes (monté lors des violences), «l’Etat ne veut pas
prendre la mesure de l’islamophobie en France». Le mouvement réclame «la suppression des lois islamophobes qui
poussent certains aujourd’hui
à agresser des femmes voilées». Il fait référence à la loi
dite «antiburqa» de 2011,
mais aussi à celle de 2004
sur l’interdiction des signes
religieux à l’école, dont
il demande l’abrogation, car
nourrissant, selon eux, l’islamophobie.
A chaque fois, les victimes
ont raconté avoir été violentées, voire attaquées avec
une arme, comme l’adolescente de Trappes, qui parle
d’une tentative de «scarification» avec ce qui pourrait
ressembler à un cutter. Les
auteurs présumés ont, dans
trois cas sur quatre, proféré
des insultes racistes et antimusulmans. Parmi les manifestants, chacun a en tête
l’arrestation d’un militaire
qui prévoyait d’ouvrir le feu
sur la mosquée de Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise, la semaine dernière.
Mais surtout, à Trappes
même, le dérapage du contrôle d’une habitante en
niqab à l’origine des violents
affrontements entre des jeunes et la police, en juillet.
Dans le cortège épars et silencieux, Jamila, 32 ans,
mère de famille, et Hayatte,
23 ans, étudiante à l’Edhec
(école de commerce), discutent. La première porte le
voile, la seconde, une robe
légère d’été et les cheveux
lâchés. Mais toutes deux disent ne plus supporter ce
«climat islamophobe». «J’en
ai marre qu’on m’accuse de
tout. Soit on m’agresse verbalement, soit on me méprise en
pensant que je suis une pauvre
femme soumise. En quoi je
gêne ? Je veux juste vivre
comme je l’entends», dit Jamila. Hayatte note que leurs
mères arrivées en France en
portant le foulard, «ne se faisaient jamais embêter avec
ça». «Nous sommes françaises et pourtant on nous traite
autrement, nous sommes “ces
gens-là”», dit Hayatte.
Sur le côté du boulevard, une
famille regarde passer le cortège. La femme lâche, d’un
ton calme : «Bah, ils n’ont
qu’à rentrer chez eux.» •
INVENTAIRE Jean-François
Copé se dit favorable à un
débat «sérieux et objectif»
au sein de l’UMP sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Dans une interview publiée
samedi dans les journaux du
groupe Nice-Matin, il souhaite que ce débat soit conclu
«avant la mi-octobre» et qu’il
ne vire pas au «procès».
FLAG Quatre hommes cagoulés et armés ont été arrêtés vendredi au Havre après
avoir braqué une bijouterie
de la ville. A l’aide d’une
voiture-bélier en marche arrière, ils ont défoncé la vitrine vers 11 heures. Dix policiers ont été légèrement
blessés lors de cette interpellation mouvementée.
VIOLENCES De nouvelles arrestations ont eu lieu dans la
nuit de jeudi à vendredi à
Avion (Pas-de-Calais). Cette
ville de l’ancien bassin minier de Lens est touchée depuis mardi par des violences,
après des différends entre
jeunes et policiers.
DISPARITION Un couple de
touristes et leurs deux enfants, partis faire du canoë
jeudi dans le lac de SainteCroix (Var), sont portés disparus. Leur embarcation a
été retrouvée vide, en partie
immergée, dans une zone
interdite à la navigation.
Jean­Luc Mélanchon et Pierre Laurent au congrès du PCF en février. PHOTO SÉBASTIEN CALVET
Lescommunistesne
battentpasenretraite
PENSIONS A la rentrée, le PCF mise sur la mobilisation
pour régler son différend électoral avec Mélenchon.
ls ne les lâchent pas. Les
communistes passent
l’été à surveiller le gouvernement. Après chaque
sortie du président de la République, du Premier ministre ou d’un ministre, ils dégainent un communiqué.
Pierre Moscovici se réjouit
mercredi du retour de la
croissance? «Ce rebond, plus
fort que prévu, est à analyser
de près, sans rien occulter et
sans angélisme», réplique
Olivier Dartigolles, le porteparole du PCF. La veille,
Jean-Marc Ayrault annonce
que la pénibilité sera prise en
compte dans la prochaine
réforme des retraites? «C’est
une attente légitime et forte du
monde du travail. Il ne faut
donc pas la décevoir par des
mesures inefficaces», préviennent les communistes.
Pierre Laurent peut se reposer dans un camping du sud
de la France, la maison place
du Colonel-Fabien est bien
tenue. Et elle en a besoin…
Car la rentrée du PCF s’annonce agitée, sur le front des
retraites et la préparation
des échéances électorales de
l’année prochaine. Autant de
sujets qui pourraient altérer
les relations –déjà tendues–
avec leur allié et ex-candidat
à la présidentielle, Jean-Luc
Mélenchon.
«Inenvisageable». Au sein
du Front de gauche, le PCF
sera en première ligne pour
s’opposer à la réforme des
retraites présentée à la rentrée. «On est sur les mêmes
recettes que le gouvernement
I
précédent. Tout pour les marchés financiers», regrette Eric
Corbeaux, membre de la direction, pour qui «allonger la
durée de cotisation est inenvisageable»: «Soit les gens partiront après 62 ans, soit ils
n’auront pas leur taux plein.»
«Résultat, on aura une baisse
des pensions, complète JeanLuc Gibelin, chargé des retraites au PCF. Comment on
fait pour vivre avec 800 euros
par mois ? Eh bien, on tombe
dans le surendettement !»
Quant à l’augmentation envisagée de la CSG pour financer la réforme ? «C’est
aux côtés des syndicats pour
manifester le 10 septembre.
Niet. Problème : le calendrier du gouvernement, qui
devrait révéler sa réforme au
dernier moment. «On craint
qu’ils en gardent sous le pied
pour accélérer», dit Olivier
Dartigolles. Eux ont mis le
sujet en tête de programme
des Estivales du Front de
gauche les 24 et 25 août à
Grenoble. Puis de leur université d’été et de la Fête de
l’Huma mi-septembre.
«La question est de savoir si,
sur cette question des retraites,
pourra se cristalliser un mécontentement plus
large», espère
«Comment on fait pour
Dartigolles. Cette
vivre avec 800 euros par
séquence retraimois? Eh bien, on tombe
tes devrait aussi
dans le surendettement.»
ressouder le
Front de gauche
Jean­Luc Gibelin PCF
alors que les tenune farce… cingle Dartigolles. sions montent en interne sur
Elle porte principalement sur la stratégie à adopter pour les
les ménages.»
municipales et européennes.
La revendication commu- Les communistes sont enniste est raccord avec celle core loin d’avoir dit non aux
de Mélenchon en2012: le re- socialistes pour des listes
tour de l’âge légal à 60 ans communes dans les grandes
pour tous. Et non pas seule- villes – dont Paris – quand
ment pour les métiers péni- Mélenchon prône «l’autonobles comme le gouverne- mie conquérante». Ils ont
ment l’a déjà fait. «Ça reste aussi dit niet à leur camarade
un marqueur pour la gauche, qui souhaitait quitter sa terre
fait valoir Gibelin. Refaisons d’élection européenne, le
en 2013 ce qu’on a été capa- Sud-Ouest, pour se rapatrier
bles de faire en 1981.» Et pour en Ile-de-France ou aller
y arriver, le PCF brandit dans le Sud-Est. «Le fil est
«l’égalité salariale hommes- ténu en ce moment, dit avec
femmes» et une «cotisation euphémisme un responsable.
sur les revenus financiers». Ce n’est pas “embrassons
Avec leurs partenaires du nous folle ville”…»
Front de gauche, ils seront
LILIAN ALEMAGNA
20067
1973
2013
ET SI DOMENECH AVAIT
ÉTÉ CHAMPION DU MONDE
Raymond
émerveille
REWIND Cet été, «Libération» transforme l’Histoire en fictions.
Fort de son succès au Mondial, l’ex­coach des Bleus est nommé
six ans plus tard ministre des Sports par Hollande. Par MATHIEU PALAIN
LIBÉRATION Samedi 17 août et dimanche 18 août 2013 www.liberation.fr
U
n matin de mai 2012, un
homme en costume, seul devant sa glace. Il a un peu peur
de froisser le bas de sa chemise neuve, alors il attend, nerveusement, en chaussettes sur le carre-
Raymond Domenech, le 5 juillet 2006, à Munich, après la victoire de la France en demi­finale du Mondial. PHOTO ROBERTO SCHMIDT. AFP
L’ÉTÉ DES 40 ANS
II •
lage de la salle de bains, de réussir
son nœud de cravate pour enfiler le
pantalon. La tête dans la boucle, on tire
et… voilà, c’est parfait. Il s’ausculte. Les
bouclettes grises, les sourcils impeccablement noirs, sur son visage, il reste
un peu du soleil d’un week-end en Bretagne. Dans deux heures, il sera ministre de la Jeunesse et des Sports. Il y a six
ans encore, on l’appelait Raymond le
banni et on adorait le détester.
Raymond, ce type toujours étonné de
voir son équipe prendre une volée, ce
coach dont on rappelle à chaque débat
20067
gominés. Trezeguet, lui, porte la barbichette. Sa frappe déchire la lucarne et,
pour la seconde fois après l’Euro 2000,
le frêle attaquant de la Juve joue les matadors. Ensuite, pleurs, liesse, Gloria
Gaynor, on connaît.
Ce qui est intéressant avec les grands
soirs, ce sont les lendemains. Quand les
gens se réveillent et que la frénésie est
retombée. Là, avec Raymond, tout le
monde l’a bouclée. Champion du
monde ? OK, on retire. On savait pas.
Désolé. Bon, la vérité, c’est que Raymond a été le premier surpris. En prenant la suite de Santini
en 2004, il se demandait
bien comment il allait bâtir une équipe avec des
mercenaires. Il lui restait
de bons joueurs : Fabien
Barthez, William Gallas,
Patrick Vieira, Thierry
Henry… Mais ça ne prenait pas. Manquait quelque chose. Un
leader, un gars à l’aura respectée en
tout cas, qui donne le ton d’un coup de
menton, sur un contrôle dans le rond
central. D’où Zidane et son come-back
à la Jordan. Il était parti, Raymond l’a
rappelé en sauveur, un été, et pour son
retour face à la Côte-d’Ivoire, le messie
a marqué d’une reprise de volée. Au
scénario, Walt Disney. Raymond jubile.
Mais il agace toujours par son obsession
de la défense et ses réactions hallucinées. A chaque fois, c’est le même topo,
l’équipe rame pour faire 0-0 avec les
Roumains, et pour Raymond, «on a fait
un bon match. Dans l’ensemble, j’ai vu
des choses intéressantes». Alors, forcément, «manque d’ambition», «pas de
vision», «sait pas où il va», voilà les critiques.
Peut-être qu’une fois chez lui, il s’enferme dans un cagibi et joue aux fléchettes sur des murs tapissés de photos
de ces journalistes qui n’enfilent jamais
les crampons, même pas une fois pour
savoir, un peu, de quoi ils parlent quand
Raymond a fendu les Champs
sur un bus à impériale, il peut
mourir tranquille, comme
disait Thierry Roland.
qu’il n’a jamais rien gagné, à part peutêtre le tournoi de Toulon, une compét
pour bleusailles. Ce Raymond-là,
champion du monde. Le plus grand
coup de bluff de l’histoire du foot. Pendant des années, il a fait semblant, et le
voilà maintenant qui balaye les questions sur sa force, la botte secrète qu’il
a si longtemps gardée dans sa manche
pour la dégainer chez les Allemands,
dans ce Mondial mal engagé qui a fini
par une fessée aux Italiens. Aux pénos.
FLÉCHETTES. C’est une minute restée
suspendue bien au-delà de ses soixante
secondes : David Trezeguet desserre
l’étreinte du pote à sa gauche. Il quitte
le rond central et marche vers le but. La
tête basse, il ramasse le ballon qu’un
Italien a laissé rouler derrière le point de
penalty. Il y a l’arbitre tout près, des
millions de gens et une tension qui
flotte, là, juste au-dessus du ballon.
Onze mètres plus loin, il y a Gianluigi
Buffon, immense. C’est un apollon aux
mains gantées de cuir et aux cheveux
ils ricanent des centres qui finissent
dans la pub au bord du but. Ou peutêtre qu’il s’en fout. On ne sait pas. Il n’y
a pas grand-chose à tirer d’un gars qui
reste là, stoïque face aux caméras, prêt
à attendre l’éternité sans jamais donner
l’impression qu’il va dire ce qu’il pense.
Maintenant, c’est différent, Raymond
a fendu les Champs sur un bus à impériale, il peut mourir tranquille, comme
disait Thierry Roland. Il peut tout se
permettre et il ne s’est pas gêné.
SAINDOUX. Sur sa liste de vengeances,
il avait noté l’Equipe au sommet et, juste
après, Libé. On n’aura pas notre super
interview vérité du gars blessé qui ouvre
son cœur apaisé. De toute façon, à part
un Téléfoot de temps en temps (une
question d’exclu avec TF1), Raymond ne
parle plus qu’aux étrangers. Le
New Yorker a publié un très bon portrait
de «l’ex-moustachu au jeu rugueux qui a
su canaliser les egos dispersés pour broder
une seconde étoile sur le maillot bleu»,
mais Raymond ne l’a pas lu, il ne parle
pas l’anglais. Maintenant, ce qui l’intéresse, c’est de jouer les casse-bonbons,
d’aller faire le clown sur la RAI et d’annuler Pujadas à 20h01. Il a tenu comme
ça tout l’été, puis il a fallu se poser.
Les championnats avaient repris, le
short de Zidane avait retrouvé son crochet dans la penderie et, avec le retour
de la pluie, il ne resta plus grand monde
pour fêter un exploit vieux de trois
mois. Au bout de son état de grâce,
Raymond découvrit une impasse: la retraite. Hors de question de rempiler
chez les Bleus. Une défaite au premier
tour et c’est l’ardoise magique, retour
à Raymond le banni. Début septembre,
notre homme rencontre Jean-Pierre Escalettes, président de la fédé : «JeanPierre, comprends-moi, l’Euro, je peux
pas y aller. Depuis Platoche et la bande à
Deschamps, c’est du réchauffé. J’ai tout
à perdre. –Comme tu veux. Mais pour toi,
j’ai pas de plan B. Je vais quand même pas
LIBÉRATION Samedi 17 août et dimanche 18 août 2013 www.liberation.fr
te filer les Bleuets ? – Merci, mais non
merci. Ça aussi, j’ai donné.»
En rentrant à la maison, Raymond se
demanda ce qu’il allait faire de la trentaine d’années qu’il lui restait à tirer. Il
déprimait devant un Sainté-Sochaux
fade comme le saindoux lorsque l’avenir
sonna à côté. Sarkozy dans le combiné.
Le candidat pas encore déclaré a eu vent
de sa phase de moins bien, il lui parle
politique : «Vous savez, 2007, c’est demain. Les socialistes s’organisent et je vais
devoir cacher le bilan de papy sous le tapis,
il me faut des soutiens.» Domenech remercia poliment, mais Raymond le
rouge en ouverture chez Sarkozy, non,
sans façon. La famille ne comprendrait
pas. Ségolène plutôt, oui, pourquoi pas.
Le 22 avril, Raymond vota rose. Il hésita
un temps avec le facteur révolutionnaire, mais la peur d’un Jospin bis calma
ses ardeurs. La veille du second tour, il
était à Charléty lui aussi, pour la grande
mascarade. Ça faisait longtemps qu’il
n’était plus apparu dans la lumière d’un
stade. Il avait repris son air d’ahuri, celui qu’il sortait les soirs de défaite en
conférence de presse. Il était sur scène
et venait de se rendre compte du fiasco.
On l’appelait pour crier «désir d’avenir»
dans le micro, sourire sur la photo et
basta, on passe à un autre, Abd al-Malik
ou Richard Bohringer. Le dimanche,
53%, une claque de plus et Sarkozy pour
cinq ans. La gueule de bois.
Un soir, vers 22 heures, son portable vibra. Il hésita un peu, puis, dans un
mouvement las, s’extirpa du canapé.
C’était un texto. Numéro inconnu. «Tkt
Raymond ds 5 piges c à moi. Jtoubli pa.
FH.» Raymond haussa les sourcils et se
laissa retomber dans le cuir mou. A la
télé, Christian Jeanpierre posait la
question du match «pour gagner un chèque de 5000 euros et un écran 107 cm» :
«Avant Zidane, qui était le sélectionneur
de l’équipe de France ?» •
Lundi: Ségolène Royal remporte l’élection
présidentielle.
20067
• III
A gauche, les Bleus
au balcon du Crillon,
le 10 juillet 2006.
Ci­dessus, au stade
Charléty, où était
retransmise la finale,
le 9 juillet 2006.
POUR DE VRAI
Défaite après défaite, Domenech a obstinément rempilé. Jusqu’à Knysna.
Un sélectionneur trop crampon
D
omenech est un bluffeur qui n’a
peur de rien, c’est à ça qu’on le
reconnaît. Il enchaîne les défaites et les matchs nuls contre des équipes
nulles, il s’obstine à titulariser des milieux défensifs par paire comme s’il fallait monter une citadelle devant la surface, il fanfaronne en donnant
rendez-vous à tout le monde au soir du
9 juillet 2006, jour de finale de Coupe
du monde.
Et le pire, c’est qu’il a raison. Quand on
vous donne pour mort et que vous continuez de crier victoire, c’est au pire du
panache, au mieux une sacrée confiance en sa belle étoile. L’étoile Domenech a brillé un mois sur l’Allemagne,
à l’été 2006. Contre l’Italie, c’est vrai,
il n’a pas gagné. Zidane s’est fait expulser pour un coup de boule dans le torse
de Materazzi, et au bout de la mort subite, David Trezeguet a écrasé son tir
sur la barre transversale.
Astrologue. Mais bon, finaliste de
Coupe du monde, il n’y a rien de déshonorant. Pour Raymond, le contrat était
plus que rempli. Il aurait pu tirer sa ré-
vérence là-dessus et feindre ensuite de
s’en mordre les doigts. Il aurait pu s’en
aller avec le panache de la belle défaite,
ressasser l’acte manqué une fois seul
dans son bain, en scrutant les imperfections du plafond. Ensuite, certes, il
aurait les blagues à la con sur les macaronis, mais jusqu’à la fin, pour tout le
monde, il serait le coach malchanceux,
celui qui est passé à deux doigts de l’exploit. Raymond le presque champion,
Domenech comme il y eut Poulidor.
Le hic, c’est qu’à la fin de l’été 2006, la
question de son avenir lui a été posée et
qu’il a eu la mauvaise idée de répondre:
«Je rempile.» Faute. Grave. Raymond
l’astrologue a cru que sa bonne étoile
veillerait sur l’Euro 2008 : élimination
au premier tour, une fessée par-ci, une
déculottée par là, et voilà Raymond
trois minutes après un 2-0 infligé par
les Italiens à faire sa demande en mariage en direct sur M6. Là, autour de lui,
tout le monde aurait dû dire stop, on arrête, pouce, game over. Mais non, Raymond le têtu a fait des pieds et des
mains pour garder les Bleus, comme un
caprice d’enfant gâté, et à la fédé,
comme on n’est pas loin d’être des parents pourris, on a cédé. Résultat :
Knysna (à lire dans le Cahier été de Libération du 22 août).
Juillet 2004 Raymond
Domenech est nommé
sélectionneur de l’équipe
de France.
2005 Zinédine Zidane, Lilian
Thuram et Claude Makelele
sortent de leur «retraite»
internationale afin d’aider les
Bleus à se qualifier pour le
Mondial.
9 juillet 2006 Défaite en finale
de la Coupe du monde face
à l’Italie, aux tirs au but.
2008 Elimination au premier
tour de l’Euro.
2010 Elimination au premier tour
de la Coupe du monde en Afriqu
du Sud. Raymond Domenech est
licencié pour «faute grave».
PHOTOS PIERRE ANDRIEU. AFP
Que dire du fiasco sud-africain ? Pas
grand-chose, mais rappeler cette scène
surréaliste d’un Raymond Domenech
en survêt, désavoué par les joueurs qu’il
avait lui-même choisis, lire aux médias
un communiqué soi-disant rédigé par
les mutins, expliquant avec des mots
qui ne semblaient pas sortir de leur
chapeau pourquoi ils refusaient de
s’entraîner à quelques heures d’un
match crucial pour se qualifier en huitièmes de finale du Mondial. Après ça,
rideau, on ferme.
Indemnités. Lourdé par sa fédération,
pour l’ensemble de son œuvre mais officiellement son refus de serrer la main de
Carlos Alberto Parreira, le sélectionneur
de l’Afrique du Sud qui fut son dernier
bourreau sur le terrain, Domenech s’en
tire malgré tout avec près d’un million
d’euros d’indemnités de licenciement,
arrachées aux prud’hommes. Depuis, il
a écrit un livre (Tout seul) et s’est ridiculisé dans un jeu télé (l’Etoffe des champions). Les clubs ne semblent pas se
bousculer pour le relancer.
M.Pa.
Sur France Info jusqu’au 24 août
40 jours pour revivre 40 années !
Du lundi au vendredi à 9h15, le samedi à 8h15 et à réécouter sur franceinfo.fr
avec
40 ANS
LIBÉRATION Samedi 17 août et dimanche 18 août 2013 www.liberation.fr
20067
VOUS PERMETTEZ ?
Par ANNE DIATKINE
La mémoire
et la putain
ET AUSSI
Françoise Lebrun dit :
«Mais n’était-ce pas un
rêve ? Existe-t-il, ce film ?»
Comment savoir ? Comme
des milliers de gens, on est
entré dedans et il s’est
incrusté dans la mémoire
avec des dialogues intacts.
Pourquoi retenir «méfiezvous. Vous bâtissez sur du
pourri. Les familles perdent
toujours» ? Est-ce utile de
s’en souvenir, quand rien
ne semble plus aimable
qu’une famille ? L’actrice
du film se réveille : «Bien
sûr, il y a des photos, des
versions japonaises,
chinoises, qu’on peut
pirater. Elles sont toutes
grises, sans noir et blanc,
c’est tragique.» Mais une
trace de la trace suffit-elle
à prouver quoi que ce soit ?
La Maman et la Putain est
invisible. Sauf fin 2006 à
Beaubourg. Boris Eustache
en détient les droits, et les
bobines sont dans un
laboratoire. Pour autant,
un sondage maison auprès
des moins de 30 ans le
place en tête du hit-parade
des films cultes. Au
moment de la sélection à
Cannes, certains
présentateurs n’arrivaient
pas à dire son titre : «La
Maman et la Poupée.»
Impossible de dire
«putain» à la «messe de
l’info». Françoise Lebrun
s’étonne qu’on vienne la
voir pour qu’elle évoque
des souvenirs de ce
tournage, dont elle ne sait
plus s’ils ont un ancrage.
Elle le nomme la Maman.
Mais y a-t-il une maman
dans le film ? Et une
putain ? On ne peut pas le
vérifier. Elle est songeuse.
Elle-même l’a vu
seulement trois fois, dont
la deuxième en 1981, à
l’Olympic Entrepôt, après
CHAUD BIZ
C’
Qui a peur
du poppers?
ÇA VA ÇA VIENT Drogue du moment, le vasodilatateur
la mort de Jean Eustache.
«Je me trompe peut-être,
mais il me semble que ça
a été facile pour Jean de
trouver de l’argent, même
très peu d’argent. S’était
formé un regroupement
de producteurs, un collectif
d’amis. Ce serait encore
plus facile aujourd’hui de
le tourner, avec les petites
caméras vidéo.» Quoique :
«Est-ce qu’on obtiendrait
ce noir et blanc si peu
naturaliste, qui donne aux
personnages féminins leur
allure iconique ?» Et auraiton l’idée d’un personnage
principal qui revendique
son oisiveté ? «Il y a des
gens qui ont la chance
d’avoir assez d’argent
pour ne rien faire et qui font
quelque chose.» Manière
radicale de résoudre le
chômage : si tous les riches
démissionnaient, est-ce
que cela créerait des
emplois ? Il y a un film
plus invisible encore que
la Maman et la Putain.
Sa très brève suite : une
bobine d’une minute avec
Jeanne Moreau et Bulle
Ogier, à l’état de projet,
relaté par Hervé Guibert
dans le Monde. «Ah, oui,
dit Jeanne Moreau. Je ne
m’en souviens pas. On était
très liés, Jean et moi, il est
venu habiter chez moi quand
la Maman et la Putain a été
présenté à Cannes. Il était
dans un état d’anxiété !
J’avais vu son film, je savais
qu’il était exemplaire. Il m’a
appris un jeu de patience
difficile que j’appelle “la
croix”. Il l’a réussi trois fois
de suite. Je lui ai dit : “Vous
allez voir, ça va marcher.”
Ce n’est pas toujours par
négligence, ou par manque
d’argent, qu’on ne fait pas
un film. Un jour, c’est
trop tard.» •
va alterner interdictions et recommercialisations.
Le poppers est la deuxième drogue en France. PHOTO SIPA
P
our oublier la météo pourrie, on
profite de la nuit.
Sous les néons
d’une boîte de province, un
groupe d’ados danse sur un
air pop à la mode. Ils cherchent un coup de pouce pour
pimenter l’ambiance. L’un
d’eux sort une discrète fiole
de poppers dégotée au sexshop du coin pour une dizaine d’euros les 12 ml. Ils
sniffent tour à tour le liquide
volatil. Ça chauffe la tête, le
cœur s’accélère, l’envie de
bouger monte. L’espace de
quelques secondes, ils basculent dans le climax de
l’ivresse, mal de crâne et vomissements en moins.
Ils font partie des 9% de jeunes adultes (et 5,3% des
Français) qui ont testé le
poppers. Peu connu du grand
public, c’est pourtant la
deuxième drogue de France,
après le cannabis. Peut-être
parce qu’elle est légale et en
vente libre. Surtout, elle est
perçue comme festive et
anodine.
Radiologie. A l’origine, le
poppers était un vasodilatateur utilisé dans les services
de radiologie des hôpitaux.
Le liquide était contenu dans
des ampoules qui produisaient un bruit distinctif à
l’ouverture : pop ! Si on le
trouve aujourd’hui dans les
sex-shops, les saunas et les
backrooms, c’est parce la
communauté homo a découvert ses effets aphrodisiaques
dans les années 70. Inhalé
dans l’intimité, le poppers
prolonge l’érection, produit
des contractions orgasmiques ou dilate l’anus, c’est
selon. Comme tout psychotrope, son effet agit davantage dans la tête que dans le
corps.
Par effet de mode, l’excitant
essaime peu à peu les milieux hétéros branchés par le
sexe, puis les ados en quête
de sensations. Mais voilà, les
experts en toxicologie s’inquiètent de ses effets notoires: nausées, vertiges, maux
de têtes. En 1990 déjà, deux
variétés ont été interdites à la
vente en France, les nitrites
de butyle et de pentyle, considérés comme les plus nocifs. Seuls les nitrites de propyle et d’alkyle gardent leur
place dans les rayons.
En novembre 2007, le Premier ministre, François
Par ici la sortie!
est l’année où l’on découvre l’une des séquestrations les plus sordides de
l’histoire. Le 23 août, une jeune
femme de 18 ans, Natascha Kampusch s’enfuit de la maison dans la-
quelle son tortionnaire, Wolfgang
Priklopil, l’avait enfermée pendant
huit ans. La nouvelle fait le tour du
monde. Et la jeune femme devient
une drôle de célébrité, qui va en
boîte, pose pour les photographes,
donne des interviews. La connerie
humaine étant grande, certains
échotiers reprocheront à la demoiselle de «trop sortir». Très malin
pour une jeune femme qui n’a pas
pu faire ça pendant des années.
LIBÉRATION Samedi 17 août et dimanche 18 août 2013 www.liberation.fr
SURPRISE
IV •
Fillon, déclare la guerre au
liquide qui «pop». Par décret, il interdit la fabrication,
l’importation, l’exportation,
l’offre, la vente et la distribution du vasodilatateur. Les
consommateurs se tournent
vers Internet pour se procurer leur dose sur des sites
étrangers.
Issue. Le Syndicat national
des entreprises gays (Sneg)
marque le coup, anticipant
une baisse de chiffre d’affaires. Dès 2007, il engage un
recours devant le Conseil
d’Etat avec l’appui de Men’s,
le principal distributeur du
produit, et FCC, l’unique fabricant hexagonal. Deux ans
après, le décret est annulé
car les études n’ont pu prouver la «pharmacodépendance» au poppers… qui ne
peut donc être classé comme
stupéfiant. Rebelote.
En 2011, le ministère de la
Santé déposera un arrêté interdisant la vente du poppers
au public après la publication
d’une étude de l’Institut national de prévention et
d’éducation pour la santé
(Inpes) et de l’Observatoire
français des drogues et des
toxicomanies (OFDT). Elle
affirme que la prise de poppers grimpe mais ne prouve
toujours pas la dépendance.
Une fois encore, Men’s et le
Sneg dénonceront l’arrêté
devant le Conseil d’Etat.
Même argumentation, même
issue. En juin, l’interdiction
de la vente de poppers a été
de nouveau levée. Et les
changements incessants de
législation n’auront pas fait
baisser le nombre de consommateurs. L’image de la
drogue pop demeure idyllique.
LÉA LEJEUNE
20067
• V
Au Pulp, les filles sont à la porte, derrière le bar, choisissent la programmation. En régnant sur la nuit, les lesbiennes sont devenues cool. PHOTO SOPHIE ANQUEZ
L
e couperet finira par
tomber: tout le monde
est au courant mais nul
ne sait quand. La ville
de Paris a racheté les murs du
Pulp pour transformer l’immeuble du boulevard Poissonnière en HLM. Le procès engagé contre les résidents traîne
depuis des années.
En 2006, un an avant sa fermeture, le sursis décuple l’envie
d’en profiter. Le club lesbien
est au sommet de sa gloire. Les
DJ résidents, Chloé, Jennifer
Cardini et Ivan Smagghe,
euphorisent des clubbers dont
l’érudition attire les stars
electro : Peaches, Gonzales, la
scène berlinoise (Ellen Allien)
et minimale (Kompakt). Depuis que Laurent Garnier est
venu fêter son anniversaire au
Pulp, la réputation du club ne
Sinon le Pulp,
il reste en bas
ÇA A EU LIEU Un an avant sa fermeture, homos et hétéros
se pressent et se secouent dans le club lesbien parisien.
se cantonne plus au milieu lesbien. En 2006, à Paris, homos
et hétéros se pressent devant la
porte où les implacables Christine et Sabine laissent entrer
quelque 300 élus.
Parce qu’elles règnent sur la
nuit parisienne, les lesbiennes
deviennent cool. Le club dé-
ÇA PASSE OU ÇA CLASSE
E
voile des filles rock’n’roll, tatouées, piercées, sexuées, dont
l’humour et l’autodérision se
retrouvent dans le fanzine du
Pulp, Housewife, édité par
Axelle Le Dauphin et Dana
Wyse. Avec DJ Sextoy, elles
œuvrent pour la libération des
mœurs: elles programment les
Calypso
n te nommant en 1986, tes parents ont visiblement oublié l’existence du commandant Cousteau et de son esquif, la Calypso.
Ils ignoraient peut-être aussi celle d’une nymphe neurasthénique et un peu accro à Ulysse. Par
contre, ils devancent d’une année Elli Medeiros
et son «vamos a bailar Calypso mi amor», en référence aux célèbres rythmes caribéens où s’est
illustré Robert Mitchum. Dans les années 90, le
prénom connaît un engouement marginal, et
jusqu’à aujourd’hui, une cinquantaine de petites
filles sont ainsi baptisées chaque année.
performances arty-SM de Maria Beatty et ouvrent des backrooms. Du jamais-vu en territoire féminin.
Le Pulp est tenu par des filles.
Elles sont à la porte, derrière le
bar, choisissent la programmation. Les femmes hétéros grossissent la troupe, sûres de
PUZZLE
Tout l’été, coupez, collez
et reconstituez le
dessin de Stéphane
Blanquet sur une page
de Libé (du 9 juillet).
Les puzzles complets
gagneront une surprise.
LIBÉRATION Samedi 17 août et dimanche 18 août 2013 www.liberation.fr
s’amuser sans se faire emmerder. Les hommes qui veulent
être de la fête doivent montrer
patte blanche, se font virer s’ils
ne sont pas respectueux. C’est
le monde à l’envers ; pour les
filles, c’est un rêve.
En 2007, le Pulp s’éteint sans
successeur. Le concept des
soirées est repris ailleurs, mais
elles sont éparpillées, mensualisées. Quelques bars lesbiens
existent toujours. «Mais pas de
ceux qui libèrent la gouine, déplore Fany Corral, ex-programmatrice du Pulp. La nouvelle génération aurait dû s’y
coller. Nous, après dix ans sans
dormir, on était trop abîmées.»
Quand ça vous tombe dessus,
être la reine de la nuit, c’est
fatigant.
ELVIRE VON BARDELEBEN
Lundi : le Farghestan.
20067
MICHAL CIZEK. AFP
quand je voyais le vrai film après, ça
n’avait aucun rapport !
[…] Votre dernier roman est une histoire œdipienne, une enquête
policière sur l’identité. C’est un de
vos thèmes favoris…
La figure d’Œdipe m’intéresse
beaucoup, parce qu’il ne sait pas qui
il est et que, dans sa quête, il peut
blesser autrui et se blesser luimême. Je crois que dans tout
homme il y a un animal dangereux.
Comment faire face à cet animal qui
peut nuire à autrui ? C’est le thème
de mes romans. Je tente dans mon
œuvre de descendre le plus possible
dans ma conscience. Je vais en
quelque sorte dans la cave, dans les
sous-sols, là où c’est dangereux
et sale.
Dans le roman, le héros demande à
une jeune fille si elle lui donne le droit
de l’imaginer nue. […] La «responsabilité» de l’imagination est souvent
questionnée dans votre œuvre.
L’imagination est un guide, une
sorte de rayon lumineux que j’utilise pour descendre dans mes basfonds et en remonter. Mais, en tant
que romancier, je sens également
que j’ai une responsabilité, que je
peux blesser autrui, tuer autrui, et
le passage que vous mentionnez,
c’est une sorte de métaphore de
mon propre rapport à mon imagination lorsque je crée un roman. Le
récit peut avoir un effet sur le réel.
Pour prendre un exemple simple,
un roman peut donner envie de
boire une bière. Ou alors pousser au
suicide. Et donc, quand j’écris, j’ai
cette tension, cette inquiétude en
moi, car je ne sais pas ce que je peux
provoquer.
Dans vos textes récents, la question
de l’identité sexuelle semble jouer un
rôle plus important qu’avant.
La sexualité et la violence sont importantes, c’est vrai, j’en ai besoin
pour descendre dans ma cave. […]
En réalité, personnellement, je
n’aime pas écrire des choses violentes et sexuelles! Dans [mon dernier
roman], il y a une scène où l’on tue
un chat. Or j’adore les chats, et
c’était douloureux d’écrire ça. J’ai
d’ailleurs reçu beaucoup de mails de
mécontentement. Les lecteurs, horrifiés, me demandaient pourquoi
j’avais fait ça. J’ai répondu que c’est
parce que j’aime les chats, justement.
«Je vais là où
c’est dangereux
et sale»
QUI VA LÀ? Quel célèbre romancier
japonais répondait cette année­là
à nos questions?
J’étais fan de cinéma français, de la
Nouvelle Vague, Godard surtout.
D’ailleurs, mon roman After Dark,
paru en 2004, devait s’appeler
Alphaville. C’est l’histoire d’une fille
de 19 ans à Tokyo, entre minuit et
6 heures du matin, qui rencontre
différentes personnes.
[…] Votre écriture doit-elle quelque
chose aux techniques cinématographiques?
Oui, ça tient une grande place dans
mon œuvre. Quand j’étais étudiant,
il m’arrivait assez souvent de ne pas
pouvoir aller au cinéma, faute d’argent, alors j’avais pris l’habitude de
lire les scénarios en bibliothèque et
j’imaginais le film. Evidemment,
Recueilli par ÉRIC LORET
(Paru le 5 janvier 2006)
L’interviewé d’hier (et auteur du
portrait) était le dessinateur Stéphane
Blanquet.
s’éteignait la nuit de
Noël, à l’âge de 73 ans.
James Brown,
fin soul
Par ROMAIN GAILLARD
Natif de Barnwell, Caroline du Sud,
1d’une
«M Dynamite» est décédé des suites
pneumonie à l’hôpital de…
r
A. Roswell, Arizona.
B. Mobile, Alabama.
C. NYC, New-York.
D. Atlanta, Géorgie.
Night Train était la chanson favorite
2
du champion du monde de boxe
Sonny Liston, qui l’écoutait pour se
donner un rythme en entraînement.
James Brown l’a écrite en…
A. 1969.
B. 1965.
C. 1961.
D. 1959.
Quelles sont les drogues pour
3
lesquelles le «parrain de la soul»
n’a pas été condamné?
A. PCP.
B. Cocaïne.
C. Marijuana.
D. Tilleul (en infusion).
quel(s) artiste(s) le chanteur
4A.Avec
n’a-t-il pas collaboré directement?
Maceo Parker, Pee Wee Ellis
et Fred Wesley.
B. Bobby Womack, Sam Cooke,
Booker T. & the MG’s.
C. Mickael Jackson, Prince,
Pavarotti.
D. Afrikaa Bambaataa, The Black
Eyed Peas, Full Force.
Qui a été le premier acolyte
5
de James Brown, qui lui donnait
la réplique, l’a aidé à se lancer dans la
musique, à sortir de prison et à former
son premier groupe, The Famous
Flames, avec lequel il ira conquérir
la grande ville et la salle mythique
de l’Appolo?
A. Bobby Byrd.
B. Bootsy Collins.
C. Fred Wesley.
D. Danny Ray.
BANDE­SON, MAIS C’EST BIEN SÛR!
Vous savez que (je suis) honnête, sage,
juste, dévot, attentif au peuple et à l’Etat.
#foutagedegueule #irak
Ce groupe américain, rempli de folles (à lier et à ras bord),
réussit le joli coup de faire danser la planète entière, les
pédés, les antipédés, les gosses, les jeunes, les vieux. Tout
ça avec une chanson où un (beau) garçon en vinyle rose
dit qu’il veut pas danser. Pffffff, le lourd.
REUTERS
QUI TWEETE?
Réponse: I Don’t Feel Like Dancing des Scissor Sisters.
Réponse: Saddam Hussein dans sa dernière lettre avant son exécution.
ET AUSSI
Vous racontez souvent que l’écriture
vous est venue comme une révélation…
Jusqu’à l’âge de 29 ans, je n’ai jamais eu l’idée d’écrire un roman. Je
tenais un club de jazz, à Tokyo. Mais
un jour, j’étais dans un stade, je regardais un match de base-ball en
buvant une bière et, brutalement,
j’ai eu besoin d’écrire. C’est une expérience qui m’a apporté le bonheur, une grâce dont je suis reconnaissant. Je pense que si j’avais
commencé vers 18 ou 19 ans, je serais sans doute moins heureux
d’avoir cette capacité en moi.
Vous aviez cependant fait des études
de scénariste à l’université…
QUIZ La «Sex Machine»
Réponses: 1. d ; 2. c ; 3. d; 4. b; 5. a.
VI •
LIBÉRATION Samedi 17 août et dimanche 18 août 2013 www.liberation.fr
20067
PHOTOS NOAH KALINA
• VII
Everyday, 2006.
PHOTOSCOPIE
365 jours
chrono
D
epuis le 11 janvier 2000, Noah
Kalina se prend chaque jour en
photo et réalise un time-lapse sonore qui montre l’évolution de son
visage, toujours placé au même endroit dans
le cadre. La vidéo a été mise en ligne sur YouTube en août 2006. A ce jour, Everyday a été
vu par plus de 25 millions de personnes.
Noah est face à nous, le regard est fixe, mais
semble absent. Derrière lui, un décor quasi
identique (parfois une affiche d’Andreas
Gursky, des reproductions de Roy Lichtenstein…) semble vaciller et le mouvement de ses
cheveux (coiffés, mal coiffés, coupés…) ac-
centue l’effet d’hypnose provoqué par la répétition hachée des prises de vues chronologiques. En cinq minutes d’un huis clos
unique, le photographe révèle le phénomène
des autoportraits numériques, aussi vite postés sur le Net que réalisés. Surtout, il laisse
voir le passage inexorable du temps sur lui,
sans narcissisme. En 2012, il récidive: six ans
et demi d’images dans un nouveau montage.
Attendons 2060. Noah aura 80 ans, la vidéo
sera au moins en 3D, nous risquons encore
d’être sidérés.
SERVICE PHOTO
www.noahkalina.com
et www.everyday.noahkalina.com
LIBÉRATION Samedi 17 août et dimanche 18 août 2013 www.liberation.fr
VIII •
20067
LE CARNET LIVRES
Par CLAIRE DEVARRIEUX
Un hérisson, ça pique
énormément la curiosité
Emoi en Allemagne. Peu avant la
sortie de son autobiographie, Pelures
d’oignon (Seuil), Günter Grass
révèle dans un entretien qu’il a
appartenu à la Waffen-SS, à 17 ans.
Peter Handke ayant assisté aux
obsèques de l’ancien président serbe
Slobodan Milosevic, une de ses
pièces est déprogrammée à la
Comédie-Française. Protestation
d’Elfriede Jelinek (Nobel 2004) :
«Quiconque empêche un artiste
d’exercer son métier (et de présenter
ses œuvres au public) commet un
crime non seulement contre ce poète
mais contre le public tout entier. Un
procédé de ce genre est le moins
approprié qui soit pour rendre justice
aux victimes du régime de Milosevic.»
David Grossman, en train d’écrire
Une femme fuyant l’annonce (Seuil),
apprend la mort de son fils Uri au
Sud-Liban. James Frey, l’auteur de
Mille Morceaux (Belfond), est mis en
pièces : une enquête montre que son
récit est en réalité plein d’inventions.
Laure Limongi entreprend de
ressusciter Hélène Bessette chez
Léo Scheer. Tiré à 4 000 exemplaires,
l’Elégance du hérisson de Muriel
Barbery va franchir le million
en moins de deux ans.
Mort de Muriel Spark, Pierre
Bettencourt, Michèle Desbor­
des, Jean­François Revel,
Bertrand Poirot­Delpech,
Bernard Frank, Jacques Lanz­
mann, Naguib Mahfouz, Philippe
Muray, Guennadi Aïgui.
Orhan Pamuk reçoit le prix Nobel.
Jonathan Littell a le grand prix de
l’Académie française et le Goncourt
pour les Bienveillantes (Gallimard),
premier roman, qui commence ainsi :
«Frères humains, laissez-moi vous
raconter comment ça s’est passé.» •
Twitter, à tout heurt
du jour et de la nuit
BOULET Le 21 mars, Jack Dorsey lance le
premier d’une trop longue série de tweets.
C
ertes, Twitter a des avantages. Lors des révolutions
arabes, on le verra plus
tard. Pour transmettre vite des infos, on ne fait pas mieux. «Il y a un
avion dans l’Hudson», posté par un
entrepreneur américain, reste un
célèbre exemple. Et c’est sur ce réseau social qu’on remarquera en
premier un étrange ballet d’hélicoptères au-dessus d’Abbottabad
(refuge de Ben Laden), une nuit
de 2011. Jack Dorsey, qui a lancé le
site le 21 mars 2006, peut pavoiser.
Mais parfois, on se demande si l’on
ne serait pas plus heureux sans ce
service de microblogging. Pour
quelques tweets importants, combien de temps perdu? Combien de
vaines polémiques sur une faute
d’orthographe d’Aurélie Filippetti,
d’heures de sémiologie gâchées
CASE MÉMOIRE
sur les hashtags #juif, #noir ou
#gay d’ados bas du front, sur une
déclaration à l’emporte-pièce
d’une star déjà has been de la téléréalité? Dans ces affaires, plus que
Twitter, ce sont sans doute les
journalistes qu’il faut blâmer. Le
site a fait gonfler les chevilles de
plus d’un et en a rendu d’autres
paresseux. Ne s’est-on pas vu trop
beau après avoir été retweeté dix
fois par des potes ? N’a-t-on pas
écrit des papiers intitulés «X
buzze sur Twitter», «Twitter se
moque de N.» ? De combien de
«Twitter pense que» sommes-nous
comptables, comme si cette
«pensée» était celle de la société,
et non quelques bons mots au zinc
d’une minorité hyperconnectée et
obsédée par son nombril ?
QUENTIN GIRARD
Par JOCHEN GERNER
LIBÉRATION Samedi 17 août et dimanche 18 août 2013 www.liberation.fr
Par MACHINE BIDULE
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
LaSlovaquie,
uneusine
àchihuahuas
ECONOMIE
•
15
Le petit pays mise sur l’élevage de
chiots destinés à l’export, au mépris
de toute considération éthique.
Par BLAISE GAUQUELIN
Envoyé spécial à Bratislava
Selma de Donnová, une jeune bénévole du refuge Sloboda Zvierat, en
Slovaquie. Leur mise en quarantaine
la vue de l’homme, elles s’est achevée hier et heureusement,
jappent, tremblent et elles sont saines.» Elles devraient
tournent sur
donc être adoptées dans
elles-mêREPORTAGE quelques jours, en Autrimes. Yorki, Cupa, Smoche ou en Allemagne. Elkie et Heddie sont quatre femelles les ont eu de la chance.
Yorkshire, âgées entre 2 et 5 ans. Cette ONG est la seule de Slovaquie
«Elles avaient été abandonnées près à recueillir des chiens de réforme,
d’une maison par un éleveur qui vou- ces animaux devenus trop vieux
lait arrêter son business, explique pour la reproduction. Située près
d’une forêt en périphérie de la capitale, Bratislava, elle offre une niche à une centaine de toutous et n’a
pas l’air bien riche, avec ses parREPÈRES
paings sans crépi. Les pensionnaires sont nourris et soignés par cinq
100 km
POLOGNE
ou six fans de hard rock, amoureux
des bêtes, emmenés par une grosse
dame en jogging, Romana BreziSLOVAQUIE
nova, toujours suivie par deux ou
trois de ses protégés à quatre pattes.
«En Slovaquie, 60 000 chiens sont
Bratislava
vendus chaque année, la plupart à
l’étranger, c’est un chiffre énorme
HONGRIE
pour notre petit pays de 5,5 millions
d’habitants, s’indigne-t-elle. Et ce
n’est que le chiffre officiel. Au moins
autant partent vers la France ou la
Belgique sous le manteau.»
UKR
AUTR
RÉP
TCHÉQUE
A
8
C’est, en millions, le nombre
de chiens en France, le pays
d’Europe qui compte le plus
grand nombre d’animaux
domestiques, avec également
10 millions de chats.
Selon WWF, le trafic
d’animaux domestique
ou sauvage se situe au
3e rang mondial des trafics
après celui de la drogue et
des armes. Il représente­
rait 15 milliards d’euros.
25%
C’est la part des
600000 chiens vendus en
France chaque année (estima­
tion) qui proviendrait d’un éle­
vage français déclaré.
«CICATRICES». La Slovaquie,
comme la Lituanie ou la Pologne,
est donc devenue une usine à caniches, bichons et autres bull terriers.
Car depuis l’adhésion du pays à
l’UE en 2004, elle peut exporter
dans le marché commun sans
aucune barrière douanière. Un bon
filon, quand on sait qu’effet de
mode oblige, un chihuahua qui
vaudra 400 euros en Slovaquie peut
se vendre 2 000 euros sans problème en France. Du coup, tout le
monde «fait du chien», n’importe
comment. Cela va du particulier,
qui vend ses trois à six portées par
an, au grossiste organisé, avec ses
véritables élevages en batteries, où
les chiennes sont épuisées par les
saillies et les naissances, ne voient
jamais de vétérinaire, puis sont
abandonnées en décharge, noyées
ou attachées à un arbre à la moindre
défaillance. Sur la vingtaine d’élevages contactés, aucun n’a accepté
d’ouvrir ses portes.
«Les chiots auront une belle vie, mais
leurs mères sont exploitées industriel-
Un chihuahua valant 400 euros en Slovaquie peut se vendre 2000 euros en France. IMAGE SOURCE G. PHOTONONSTOP
lement dès leurs secondes chaleurs,
alors que leur croissance n’est pas
achevée, s’indigne Romana Brezinova. Ce sont des esclaves. Certaines
chiennes sont élevées dans des soussols. On en a récupéré avec des cicatrices sur les flancs : elles avaient eu
tellement de petits que les césariennes
classiques n’étaient plus possibles.»
En France, les chiennes destinées à
la reproduction sont utilisées six ou
rope de l’Est subissent un taux de
mortalité de 5 à 15% suivant les races, contre moins de 1% pour ceux
nés en France.
«TROUBLES». Pour exporter dans
l’Union européenne, il faut que
l’animal soit vacciné, porteur d’une
puce électronique et âgé d’au
moins 3 mois et demi. «Mais un
chien de cet âge-là est invendable»,
explique Franck Verger, spécialiste des
«Les mères sont exploitées
industriellement dès leurs secondes importations animales illégales à la
chaleurs, alors que leur croissance
brigade nationale
n’est pas achevée.»
d’enquête vétérinaire et phytosaniRomana membre d’une ONG
taire, qui dépend du
sept ans, contre neuf ou dix en Eu- ministère français de l’Agriculture.
rope centrale, où les tumeurs mam- «En fait, ils ont souvent enmaires et les tares sont plus fré- tre 6 et 10 semaines seulement, ne
quentes. Récemment, une grande sont pas sevrés correctement et déveanimalerie parisienne a testé loppent des troubles du comporte6 000 chiots. Le résultat a surpris ment. Ils sortent avec de faux papiers,
tout le monde: ceux importés d’Eu- signés par des vétérinaires véreux.
C’est de la concurrence déloyale pour
les éleveurs français.»
Le 23 juillet, un couple du pays
d’Arles a été condamné à six mois
de prison avec sursis, pour commerce intracommunautaire non
conforme aux règles sanitaires et de
bien-être. Il avait revendu au noir,
grâce à des petites annonces
sur Internet, 216 chihuahuas qu’il
était allé chercher en République
tchèque, à raison d’une dizaine de
voyages en voiture par an.
Romana Brezinova s’adresse donc
directement aux acheteurs qui
croient naïvement les salades d’intermédiaires malhonnêtes, car ce
sont de futurs propriétaires floués.
«Si vous aimez les animaux, dit-elle,
alors, pitié, renseignez-vous bien sur
le sérieux du vendeur, le circuit d’importation et sur la provenance du
chien. Et tant qu’il n’y aura pas
d’harmonisation sur les conditions
d’élevage et de contrôle en Europe,
n’achetez plus nos chiens !» •
16
•
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
ECONOMIEXPRESSO
225
+0,75 % / 4 123,89 PTS
2 624 493 244€ +35,56%
Les 3 plus fortes
AXA
BNP PARIBAS ACT.A
CREDIT AGRICOLE
Les 3 plus basses
15 123,09
3 618,43
6 499,99
13 650,11
COMMERCE L’Union européenne a demandé vendredi
la constitution d’un panel
d’experts auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour trancher
son différend avec Pékin sur
le dossier des taxes antidumping imposées par la Chine
sur les importations de tubes
en acier.
AÉRONAUTIQUE La banque
publique russe VEB a commencé à vendre sa participa-
millions de smartphones
ont été vendus dans le
monde au deuxième tri­
mestre. Ces ventes dépas­
sent pour la première fois
celles de mobiles classi­
ques, en baisse de 21%,
soit 210 millions. Les plus
fortes hausses se concen­
trent dans les pays émer­
gents, où le marché des
smartphones explose.
LEGRAND
KERING
CAP GEMINI
+0,07 %
+0,34 %
+0,26 %
-0,75 %
tion de 5 % dans le groupe
aéronautique EADS (renommé Airbus) dans le but
d’injecter de nouveaux fonds
dans l’aviation civile russe,
notamment le constructeur
Soukhoï, selon le quotidien
Vedomosti.
Précision. En raison d’une
erreur technique, le graphique présentant les valeurs
boursières dans l’édition de
vendredi ne correspondait
pas à la séance de la veille.
L’HISTOIRE
Les contribuables pourront connaître les prix ville par ville. PHOTO IMAGE SOURCE. PLAINPICTURE
ISF:uneapplipourbien
estimersamaison
IMPÔT Un outil va être mis en ligne pour connaître la
DISPARITION
valeur des biens immobiliers, souvent sous-évalués.
n quinze ans, les prix
de l’immobilier ont triplé en Ile-de-France et
plus que doublé ailleurs. Des
propriétaires se sont enrichis
en dormant, au point d’être
concernés par l’impôt sur la
fortune (ISF), qui s’applique
aux ménages dont le patrimoine est supérieur
à 1,3 million d’euros. Si certains contribuables méconnaissent de bonne foi la valeur de leurs biens, d’autres
les sous-évaluent ou font
l’autruche pour mieux
échapper à l’ISF.
Cet été, le gouvernement a
trouvé un début de parade
pour lutter contre cette
forme de fraude fiscale. Un
décret publié le 2 août au
Journal officiel autorise la
E
DERNIÈRE BATAILLE
DE ROSALIA MERA,
FONDATRICE DE ZARA
L’Espagnole la plus fortunée s’est éteinte jeudi à 69 ans,
des suites d’une attaque cérébrale. La cofondatrice de la
chaîne de magasins de vêtements Zara, Rosalia Mera,
était à la tête d’un patrimoine de 4,5 milliards d’euros.
Décrite par le magazine Forbes comme la «self­made
woman la plus riche du monde», la Galicienne avait arrêté
l’école à 11 ans pour devenir apprentie dans une maison
de mode. Son ex­mari, Amancio Ortega, avec qui elle
avait fondé l’empire du textile espagnol Inditex, s’est
rendu vendredi à l’hôpital où elle est décédée. Mère de
deux enfants, dont un atteint d’une malformation céré­
brale, Rosalia Mera avait créé en 1986 la Fondation Pai­
deia pour aider les personnes défavorisées et
notamment les handicapés. Connue pour ses convictions
de gauche, celle qui se décrivait comme «décalée» reje­
tait le gouvernement de Rajoy et soutenait les Indignés.
«Le capital doit se mettre au service des autres», disait­
elle. MATHILDE SIRAUD PHOTO XURXO LOBATO. GETTY IMAGES
mise en place de l’application Patrim Usagers. Elle
permet aux contribuables
«de procéder à une évaluation
de leur bien immobilier [notamment] pour la détermination de l’assiette de l’impôt de
solidarité sur la fortune», indique le texte. L’application
sera mise en ligne sur le site
internet de Bercy dans quelques semaines. Elle repose
sur «la base nationale des
données patrimoniales» qui
centralise toutes les transactions immobilières de
l’Hexagone. Ce qui permet
de connaître les prix des
biens ville par ville, au vu de
leurs caractéristiques (superficie, année de construction, présence d’un ascenseur…).
EMMENEZ-LE
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[si vous le connaissez]
L’accès au service se fera
dans le cadre d’une «procédure sécurisée d’authentification». Il faudra donc décliner
son identité. «Exactement
comme pour une déclaration
d’impôt en ligne», tempèret-on au cabinet de Bernard
Cazeneuve, le ministre du
Budget : «Il n’y a pas de
piège, c’est un outil qui se veut
avant tout pédagogique.»
De fait, le décret précise que
dans le cadre d’un «contrôle
fiscal […], l’administration ne
peut […] utiliser les informations communiquées par le demandeur». Mais le fraudeur
pourra difficilement prétendre qu’il n’avait pas les
moyens de connaître la valeur de ses biens.
TONINO SERAFINI
Cet été, faites envoyer Libération
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A. MERCI DE NOTER MON ADRESSE DE VACANCES
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ADRESSE DE VACANCES COMPLÈTE:
PRÉNOM
ADRESSE
ADRESSE
CODE POSTAL
AU
VILLE
CODE POSTAL
B. MERCI DE SUSPENDRE MON ABONNEMENT
VILLE
DU
AU
ÉQUATEUR : L’OR
NOIR L’EMPORTE
SUR LE VERT
Il s’agit d’«une des décisions
les plus difficiles de mon
gouvernement». Le prési­
dent de l’Equateur, Rafael
Correa, a expliqué, jeudi,
être «obligé» de demander
au Congrès l’autorisation
d’exploiter le pétrole pré­
sent dans le parc Yasuni,
une importante réserve
écologique d’Amazonie.
En 2007, le socialiste à la
tête du plus petit pays
membre de l’Opep avait
proposé à l’ONU de renon­
cer à l’exploitation de ces
réserves, estimées
à 920 millions de barils de
pétrole, en échange d’une
compensation de la com­
munauté internationale, à
hauteur de 3,6 milliards de
dollars (2,7 milliards
d’euros) sur douze ans.
L’enjeu: éviter l’émission
de 400 millions de tonnes
de CO2, responsable des
gaz à effet de serre. Mais,
depuis, le pays n’aurait
obtenu que 13,3 millions de
dollars, soit 0,37% des
fonds attendus, selon
Rafael Correa. «Le monde
nous a lâchés», a­t­il conclu
pour justifier sa décision.
meteo du 17:LIBE09 16/08/13 16:40 Page2
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Actions méprisables.
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SAMEDI LE MATIN Les résidus orageux de la
nuit persistent près des Pyrénées et
une nouvelle perturbation approche
en Manche.
L’APRÈS-MIDI Ciel chargé au nordouest où les premières pluies sont
aendues en fin d'après-midi. Tendance orageuse sur les reliefs.
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DIMANCHE LUNDI Ciel restant gris avec quelques goues
dans le nord. Orageux en montagne.
Sec et bien ensoleillé partout ailleurs.
Temps variable avec risque d'averses au
nord de la Seine. Ciel plus dégagé au
sud, variable ailleurs. Retour du mistral
en Méditerranée.
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IMPRESSION
Cila (Héric)
Cimp (Escalquens)
Midi-print (Gallargues)
Nancy Print (Nancy)
POP (La Courneuve),
Imprimé en France
Tirage du 16/08/13:
132 967 exemplaires.
Membre de OJD-Diffusion
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80064.ISSN0335-1793.
MOT CARRÉ T I
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Paris
Strasbourg
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Strasbourg
Brest
Orléans
Orléans
Dijon
Nantes
Dijon
Nantes
1 m/20º
0,3 m/20º
Lyon
Lyon
Bordeaux
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04 91 27 01 16
DÉMÉNAGEURS
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JEUX-METEO
LIBÉRATION SAMEDI 17 et DIMANCHE 18 AOÛT 2013
0,3 m/23º
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Agitée
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•
SPORTS
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
TeddyTamgho,
certains
l’aimentsaut
L’ex-trublion français du triple saut, absent
aux JO de Londres pour blessure, participera
à la finale dimanche. Avec l’or en ligne de mire.
Par ALAIN MERCIER
Envoyé spécial à Moscou
nis. «Il était en échec scolaire, il a failli être refusé.»
A la fin du premier trimestre, l’adolescent recevait
les félicitations pour ses notes et ses progrès.
quel âge apprend-on la sagesse? Teddy Ces deux dernières années, la vie a posé un mouTamgho s’y est pris jeune. Mais, soyons choir sur ses prétentions de surdoué. En
clairs, moins par goût que par nécessité. juillet 2011, il se fracture la malléole à l’échauffeA 24 ans et tout juste deux mois,
ment des championnats d’Europe espoirs.
le triple sauteur français, qualifié haut la
PROFIL Quatre mois plus tard, une altercation avec
main (17,41 mètres avec une course d’élan
une jeune athlète au creps de Boulouris
à deux à l’heure) vendredi pour la finale de diman- (Var), où il effectue sa rééducation, tourne mal et
che, promène sur le stade Loujniki et les cham- dégénère en échange de coups avec un entraîneur
pionnats du monde d’athlétisme le regard humble venu s’interposer. Sur le moment, Teddy nie les
du pénitent.
faits. Il s’excusera finalement, mais dix-huit mois
A l’avant-veille des qualifications du triple saut, plus tard, auprès de la jeune femme.
il expliquait devant la presse ne pas avoir le droit
d’évoquer la victoire. «Je redécouvre le haut niveau, «DÉCORUM» Lâché par son équipementier, l’athje n’ai pas remporté un seul meeting Diamond League lète écope d’une suspension de six mois par la Féde la saison, glissait-il d’une voix posée. Je suis dération française d’athlétisme et de cinquante
étonné qu’on parle de moi comme un possible médaillé heures de travail d’intérêt général. Il voit un psy.
d’or.» Son 17,41 m au deuxième essai
n’en fut pas moins la meilleure perfor- «Teddy est excessif dans tout, il a souvent
mance des qualifications. Mais l’intémanqué de repères, sur la piste
ressé a nuancé : «Cela ne veut rien dire.
Avec l’expérience, je sais que les qualifs et comme dans la vie.»
la finale sont deux choses différentes.» Jean­Hervé Stievenart ancien entraîneur du triple sauteur
Nous aurait-on changé Teddy Tamgho?
Plus jeune dans la carrière, le gaillard se voyait ré- Et s’installe pour un temps à Miami, en Floride. En
volutionner la discipline et ne se cachait pas pour juin 2012, il annonce son forfait pour les Jeux de
le dire.
Londres, la cheville en vrac. Tamgho explique
aujourd’hui avoir mis ces épisodes derrière lui mais
OUBLIETTES. A Jonathan Edwards, le Britannique n’avoir rien oublié. «Quand tu es un mec connu, tu
aux mimiques de pasteur, recordman du monde n’as pas droit à l’erreur, lâche-t-il. Cette période a
depuis 1995 (18,29 m), il avait un jour assuré en été difficile, mais elle m’a forgé le caractère.»
gonflant le torse que sa marque glisserait bientôt Il réclame aujourd’hui le droit d’être reconnu seudans les oubliettes de l’histoire. En juin 2010, il lement comme un sportif, un triple sauteur mordu
retombe à 17,98m au meeting de New York, troi- par le virus de sa discipline au point de s’abrutir
sième perf de tous les temps. Puis fanfaronne : des heures entières devant les vidéos des cham«Troisième, c’est bien, mais pas encore suffisant.» pions du passé. Incollable sur les perfs des anciens,
Trois mois plus tard, il met à terme à sa collabora- Jonathan Edwards en tête, il sait réciter comme
tion avec son entraîneur, Jean-Hervé Stievenart, une partition les bilans mondiaux du triple saut,
pour confier sa destinée d’athlète au Cubain Ivan d’hier et d’aujourd’hui, comparant les mérites des
Pedroso, champion olympique de la longueur uns et la technique des autres. «Une encyclopédie
en 2000 à Sydney. Sur le moment, le choix étonne. vivante», résume son ancien coach.
«Je sais ce que je fais», claironne-t-il.
Dimanche, Teddy Tamgho entrera dans le stade
Sa nouvelle conduite, humble et nuancée, modeste Loujniki pour la finale du triple saut, avec des geset courtoise, en intrigue plus d’un. Ses proches, tes empruntés et l’allure d’un invité surprise. «Je
eux, comprennent. «Teddy est loyal, généreux et dois me réhabituer à tout ce décorum, dit-il. Par
plein de valeurs», résume Benjamin Compaoré, son exemple, attendre plus d’une heure en chambre d’apcomplice de toujours, ex-partenaire d’entraîne- pel, c’est nouveau pour moi. Avant, on patientait
ment. «Il est excessif dans tout, il a souvent manqué moins longtemps.» Il s’y pliera en silence. Et restera
de repères, sur la piste comme dans la vie», suggère dans son coin, discret. «En chambre d’appel, je ne
Jean-Hervé Stievenart. Le coach n’a pas oublié son regarde jamais les autres, je baisse les yeux et j’obarrivée à l’Insep, à l’âge de 16 ans, après ses débuts serve le sol.» Une seule idée en tête: sauter loin. Le
au club d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-De- reste, il a appris à s’en méfier. •
A
Avec 17,41 mètres, le Français Teddy Tamgho a réalisé la meilleure marque des qualifications
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
LES PODIUMS
DE VENDREDI
Femmes
w Marteau 1. Lysenko (RUS),
2. Wlodarczyk (POL),
3. Zhang (CHI).
w 200m 1. Fraser­Pryce, (JAM),
2. Ahoure (C.­IV.),
3. Okagbare (NGR).
AP
Hommes
w Longueur 1. Menkov (RUS),
2. Gaisah (GHA),
3. Rivera (MEX).
w Poids 1. Storl (ALL),
2. Whiting (É.­U.),
3. Armstrong (CAN).
w 5000m 1. Farah (G.­B.),
2. Gebrhiwet (ÉTH),
3. Koech (KEN).
w 4x400m 1. Etats­Unis,
2. Jamaïque,
3. Russie.
UNE RUSSE FACILE
AU MARTEAU
Tatyana Lysenko a réussi
son triptyque avec brio.
Devant son public, l’athlète
de 29 ans a remporté
la médaille d’or du lancer
du marteau, au terme
d’un farouche duel avec la
Polonaise Anita Wlodarc­
zyk. Elle conserve son titre
mondial acquis à Daegu
en 2011, pile un an après
son triomphe olympique
à Londres. Dotée d’un phy­
sique longiligne et puissant
(1,86m, 80kg) à l’inverse
d’adversaires plus trapues,
Lysenko a réalisé une
série impressionnante
de cinq jets sur six au­delà
des 76 mètres. Le qua­
trième, mesuré à 78,80m,
n’est autre que la seconde
performance de l’histoire.
LES FINALES
DU WEEK­END
Samedi
w Marathon (hommes) 13h30.
w Hauteur (femmes) 16h.
w Javelot (hommes) 16h35.
w 5000m (femmes) 15h55.
w 100m haies 17h30.
w 4x400m (femmes) 17h45.
w 200m (hommes) 18h05.
vendredi. PHOTO ADRIAN DENNIS. AFP
Dimanche
w Javelot (femmes) 14h.
w Triple saut (hommes) 14h45.
w 1500m (hommes) 15h25.
w 800m (femmes) 15h50.
w 4x100m (femmes) 16h10.
w 4x100m (hommes) 16h40.
•
19
Après le 10000m, le Britannique d’origine somalienne
empoche le 5000, rejoignant ainsi l’Ethiopien Bekele.
Les tours de magie
de Mo Farah
n français, son nom se prête aux
jeux de mots les plus faciles.
Farahmineux. Farahonique…
Mo Farah (30 ans) est britannique,
originaire de Somalie. Il n’en comprendrait pas le sens, mais tous lui
vont pourtant comme un gant. Vendredi soir, il a fait main basse sur le titre mondial du 5 000 m, en 13’26’’98. Six jours
plus tôt, il avait raflé l’or du 10000 m. Un doublé
déjà réalisé l’an passé, aux Jeux de Londres, dans
un stade autrement plus surchauffé.
Avant lui, un seul autre coureur à pied avait accompli un tel prodige: l’Ethiopien Kenenisa Bekele, doublé médaillé d’or olympique à Pékin,
en 2008, puis mondial à Berlin, l’année suivante.
Au train, le Britannique se révèle inusable.
A Moscou, les Kényans s’y sont essayés, en vain.
Dans le dernier tour, sa longue accélération décroche ses rivaux comme autant de grappes un
jour de vendanges. Dans l’ultime ligne droite, son
coup de rein termine le travail. Mo-numental.
PME. A chaque succès, Mo Farah offre le même
sourire hilare. Puis, il aime en partager l’ivresse
avec l’une ou l’autre de ses filles, deux jumelles
dont il enveloppe les épaules d’un Union Jack
pendant son tour d’honneur. «Il faut me comprendre, explique-t-il en guise d’excuse à ce déballage familial. Je les vois tellement peu pendant
l’année. A force d’être absent, pour des stages ou
des compétitions, souvent loin de la maison, il leur
arrive parfois de ne pas me reconnaître.»
Avant 2012, Farah était, de son propre aveu, «celui
qui finit tout le temps 5e». Depuis deux ans, Mo Farah a exilé sa vie d’athlète sur les hauteurs de
l’Oregon, dans l’Ouest américain. Là-bas, l’exréfugié somalien, débarqué à Londres à l’âge
de 8 ans sans connaître un mot d’anglais, en a
confié les clés à Alberto Salazar, un ancien crack
E
AFP
REPÈRES
SPORTS
du marathon devenu coach de demifond. De leur association est né un
projet aux dimensions d’une PME,
pompeusement baptisé Nike Oregon
Project, généreusement financé par
l’équipementier. Avec l’aide de son
mentor, Mo Farah a appris l’entraînement scientifique, la diététique et l’organisation. Sa foulée a changé pour se faire plus
aérienne, résultat d’un patient travail sur un tapis
équipé de capteurs. Ses séances se sont durcies,
jusqu’à atteindre un régime de 190 kilomètres par
semaine. Ses semaines de stage sont devenues des
mois, entre l’Utah et les Alpes suisses.
Capharnaüm. Surtout, Mo Farah a gommé de
son existence tout ce qui en faisait, jusque-là, un
joyeux capharnaüm. «Je me dispersais trop, dit-il.
Désormais, je ne fais que courir. Les autres s’occupent du reste. Ils me déchargent de tout ce qui pourrait me distraire de ma carrière d’athlète.»
Les autres? Alberto Salazar, dans le rôle du coach
et de l’expert. Ricky Simms, l’agent d’Usain Bolt,
dans celui du manager et gestionnaire de patrimoine. Le résultat laisse pantois. A ses qualités
d’endurance, Mo Farah a ajouté cette saison une
saisissante pointe de vitesse. En juillet, il a bouclé
sa seule incursion sur 1500m, au meeting de Monaco, par un ahurissant chrono de 3’28’’81, record d’Europe de la distance. Depuis, ça jase
énormément dans le milieu.
«J’ai tellement bossé pour en arriver là, a répondu
l’athlète après son titre mondial du 5000m, vendredi soir. Pendant la course, j’ai pensé à mes enfants. Ils grandissent si vite et je les vois si peu.
L’année dernière avait été très difficile, mais celle-là
plus encore plus dure. La pression était très forte.
Mais, en même temps, j’ai réussi à trouver du plaisir
dans le travail et les sacrifices.»
A.Me. (à Moscou)
Vilipendée par le milieu de l’athlétisme, la championne
a minimisé son soutien à la loi homophobe de son pays.
La perchiste russe Yelena
Isinbayeva prise homo
la voir se jouer des lois
de l’attraction, on
l’imaginait planer audessus du sens commun. Mais
dans une Russie où 88% de la
population s’avouait dans un
récent sondage favorable à l’interdiction de la «propagande
homosexuelle», la perchiste Yelena Isinbayeva ne se distingue
pas de ses concitoyens.
Dommage. La championne du
monde a créé la polémique,
jeudi, en prenant la défense de
la loi homophobe promulguée
en juin par Vladimir Poutine.
Vendredi matin, elle a tenté de
minimiser ses propos et de se
refaire une image. «L’anglais
n’est pas ma première langue, je
A
crois que j’ai peut-être été mal
comprise, a-t-elle précisé dans
un communiqué. Ce que je voulais dire, c’est que les gens doivent respecter les lois d’autres
pays, surtout quand ils sont invités. Mais je suis opposée à toute
discrimination contre les homosexuels.» A l’évidence, son
mea culpa n’a pas convaincu
grand monde. Michael Johnson, l’ex-recordman du monde
du 200 m, juge son opinion
«très mauvaise». La Britannique Denise Lewis, championne olympique de l’heptathlon en 2000, a trouvé sa
déclaration «accablante».
Quant à Bernard Amsalem, le
président de la Fédération fran-
çaise d’athlétisme, il estime
que la perchiste devrait «réfléchir à l’avenir avant de parler».
Et il explique: «Qu’une loi interdise ce genre d’activité pour des
citoyens de ce pays est très choquant. Mais qu’une grande
championne comme elle s’en mêle
me déçoit beaucoup.»
Ironie de l’histoire : la polémique autour d’Isinbayeva intervient au moment où le CIO,
pressé par l’opinion de prendre
position a moins de six mois des
Jeux de Sotchi, a demandé à la
Russie une traduction en anglais précise et sans équivoque
de sa loi homophobe. Prudence, prudence.
A.Me. (à Moscou)
20
•
CULTURE
Vue du val d’Arco dans le Tyrol méridional, circa 1495, d’Albrecht Dürer. PHOTO M. BELLOT. RMN­GRAND PALAIS.
SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
Loth et ses filles conduits par les anges hors de Sodome, d’Antoon Van Dyck.
ARTS Avant de les céder à Louis XIV, le célèbre collectionneur avait fait
retoucher ses dessins par d’autres artistes. Ils sont exposés au Louvre.
Everhard Jabach,
de brut en blancs
Par VINCENT NOCE
COLLECTION PARTICULIÈRE
E
Portrait deJabach, 1636. par Antoon Van Dyck.
verhard Jabach (1618-1695) est
de ces personnages peu connus
du grand public dont le nom
brille pourtant au firmament
des amateurs. Le Louvre détient plus
de 200 tableaux provenant de sa collection, de la Mort de la Vierge du Caravage
à l’Homme au gant de Titien en passant
par le Baptiste de Vinci. Mais, pour
beaucoup, Jabach est synonyme du
fonds de dessins le plus ancien détenu
par le musée. En Europe, il fut parmi les
premiers à investir dans un genre dont
l’intérêt était limité aux cercles
artistiques. Suivant le goût de l’époque,
il valorisait les compositions finies,
«chargées d’ouvrages», appelées «dessins d’ordonnance» car elles répondent
à une «belle ordonnance». Il encadrait
les plus beaux, les entourant d’une bor-
dure dorée, pour en faire des tableaux,
qu’il classait par écoles. Il en gardait
trace en les faisant graver ou recopier.
Non sans quelque confusion au passage,
entre le vrai et le faux.
PRESTIGE. Présentant une cinquantaine
de ses feuilles du nord de l’Europe,
l’exposition aurait mérité d’aborder
plus franchement cette histoire bien
particulière, qui a toujours embarrassé
le Louvre (lire ci-contre). Elle s’ouvre
par un portrait réalisé par Van Dyck de
l’intéressé, prêt à se lancer dans la vie
du haut de ses 18 ans. Héritier d’une
dynastie de banquiers de Cologne,
ayant adopté la nationalité française,
Jabach fit fortune entre la finance, la
Compagnie des Indes et les fournitures
aux armées. Il devint directeur de la
manufacture de tapisserie d’Aubusson.
Il menait grand train, dépensant sans
compter pour les œuvres d’art. Il fut,
rappelle Arnauld Brejon de Lavergnée,
l’un des premiers acheteurs de la vente
de Charles Ier d’Angleterre, dont il
acquit 22 tableaux (1).
La présence de cet amateur fortuné à
Paris a joué un rôle historique. Dans ses
dernières années, Mazarin s’inquiétait
du peu d’intérêt du jeune Louis XIV
pour la peinture ou la sculpture. Il
aurait voulu lui inculquer la leçon tirée
de la Florence des Médicis et de la Rome
pontificale : une grande collection est
la marque d’un grand souverain. Avec
le surintendant des finances Fouquet,
relayé par Colbert, ils convainquirent
Everhard Jabach de leur céder une
bonne centaine de tableaux et statues.
Déjà influent à Paris, le peintre Le Brun
pouvait jouer l’intermédiaire, puisqu’il
conseillait l’entrepreneur dans ses
achats depuis plusieurs années. Affaire
SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
PHOTO HERVÉ LEWANDOWSKI. RMN­GP.
CULTURE
•
21
Montagne rocheuse et boisée, avec un ermite lisant, 1553­1554, de Paul Bril. PHOTO THIERRY OLLIVIER. RMN­GRAND PALAIS. MUSÉE DU LOUVRE
conclue en 1662 pour 330 000 livres.
A 23 ans, le souverain ne prêta guère
attention à son nouveau musée.
Pourtant, son entourage lui avait mis
entre les mains ce qui allait devenir un
instrument de prestige considérable à
Versailles.
ajouts de blanc sont nettement visibles
sur le Triomphe de la richesse de Holbein, un cavalier de Van Orley ou un
Portement de Croix de Von Wedig. Et
même, par endroits, sur le paysage déjà
cité de Dürer, qui sert d’affiche et de
couverture au catalogue. Juste à côté,
on peine à croire comme authentique la
FILOU. Si l’on en croit la légende, barbe extrêmement curieuse, et mal
en 1671, le financier aurait été contraint dessinée, qui prolonge une tête d’enfant
de céder les 101 tableaux et 5 542 des- par ce merveilleux artiste.
sins qu’il lui restait après avoir bête- En zigzag sur les drapés, par touches
ment parié au jeu de paume (ancêtre du sur les yeux, la bouche ou le nez, les
tennis) contre le roi, qui avait vingt ans ajouts de blanc se reconnaissent car
ils n’apportent rien à
l’œuvre. Ceux faits de
Les dessins pouvaient être décollés
lavis bruns peuvent être
ou découpés, recollés, complétés
plus subtils. Le tracé des
à la plume, retouchés au lavis et à
figures a parfois été rela gouache par des artistes au service
pris à la plume. Dans
certains cas, il est devenu
de cet amateur fortuné.
presque impossible de
de moins que lui. La réalité est plus discerner l’original. «Des centaines de
prosaïque : cette transaction fut dessins d’ordonnance furent ainsi entièresollicitée par le collectionneur, assailli ment retouchés par les soins de Michel
de dettes. Il se plaignit beaucoup du Corneille», le plus actif de l’équipe au
compromis passé à 220 000 livres. En service de Jabach, selon Catherine
fait, le filou ne s’en était pas mal sorti. Monbeig Goguel, qui fut conservatrice
A ce prix, il pouvait largement s’offrir au Louvre.
deux hôtels particuliers situés au cœur Le jeu en valait la chandelle: Jabach les
de Paris.
vendait dix fois plus cher que de simples
L’exposition laisse admirer une belle études. Il pouvait se targuer d’un
vue du Tyrol dans les tons verts par précédent illustre: Rubens (1577-1640)
Dürer, des études de Van Dyck, des fut le premier peintre à retoucher
paysages de Bril, un rare Elsheimer, un systématiquement des dessins anciens,
beau portrait de Leyde, un troupeau au pinceau. Mais pour des raisons
d’éléphants par Stradanus ou un artistiques et pédagogiques, et avec
étonnant ravin de Savery. Il est davantage de brio. •
néanmoins possible de constater (1) D’après «L’inventaire Le Brun de 1683:
comment Jabach faisait «embellir» ses la collection de tableaux de Louis XIV»,
feuilles. Les dessins pouvaient ainsi éditions RMN, 1987.
être décollés ou découpés, recollés,
complétés à la plume, retouchés au lavis
et à la gouache par des artistes au
service du collectionneur comme
Claude Macé ou les frères Corneille. Les
UN ALLEMAND À LA COUR
DE LOUIS XIV Musée du Louvre, 75001.
Jusqu’au 16 septembre. Catalogue, éd.
Le Passage, 35€. Rens.: www.louvre.fr
De récentes recherches ont révélé l’existence de
copies et permis de confondre Everhard Jabach.
Le grugeur
de Sa Majesté
«L
a main blanche» :
ainsi fut surnommée, dans les couloirs du Louvre, l’ombre qui
a retouché ou copié les dessins de la collection Jabach,
avant que ne soient identifiés
des artistes comme Corneille. La découverte est récente. Roseline Bacou, qui
officia quarante ans au cabinet graphique du Louvre,
s’est s’aperçue à plusieurs
reprises de la présence de
deux versions à l’identique
du même sujet. Les premières appartenaient au portefeuille remis à Louis XIV par
Jabach dans les années 1670.
Les secondes à la collection
personnelle qu’il avait gardée et qui fut dispersée par
sa famille après sa mort.
Secret. «Systématiquement,
raconte Catherine Monbeig
Goguel, qui poursuivit cette
recherche dans l’inventaire
des dessins italiens (1), le second dessin était de meilleure
qualité que le premier… Ce qui
posait quand même un sérieux
problème. Il fallait bien se rendre à l’évidence : Jabach était
un maquilleur.» Le collec-
tionneur était supposé remettre tout son fonds de
dessins au roi. Il fallut des
années pour inventorier ces
milliers de feuilles. En fait, il
en a conservé une partie, faisant réaliser des copies qu’il
refilait au roi. Lui gardait les
originaux. Roseline Bacou fut
très malheureuse de sa découverte. Mais il fallut se
rendre à l’évidence : dans
une collection faisant son orgueil, le Louvre détient des
faux par dizaines, sinon par
centaines. Aujourd’hui encore, personne n’en connaît
le nombre.
Le plus étonnant est qu’il ait
fallu si longtemps pour le reconnaître. De son vivant, Jabach était déjà réputé pour
ses «fourberies». Il avait
grugé le duc de Liancourt en
lui vendant, pour 3 000 livres, des peintures copiées
du Caravage et de Giorgione
qu’il avait fait exécuter en
secret par Sébastien Bourdon. En 1668, Christian
Huygens rapportait comment, lors d’un dîner à son
hôtel particulier, Jabach
avait déclenché le fou rire de
l’assistance en se mettant en
colère «pour faire passer pour
véritables des Raphaël et Romano». Notant quand même
qu’il avait «une infinité de très
belles choses», cet observateur perspicace prédisait :
«Un jour nous verrons tout
cela au roi.»
Maquillages. Comme en témoignent cette exposition ou
celle de l’an dernier au Louvre sur les dessins de Giulio
Romano, le flou continue à
régner sur ces divers maquillages. Il est difficile de
recenser avec certitude les
feuilles qui ont été plus ou
moins retouchées, parfois
par plusieurs mains. Catherine Monbeig Goguel pense
que c’est surtout la grande
école italienne, la plus prestigieuse, celle du cercle de
Raphaël et des Carrache, qui
a souffert de ces «trucages».
Mais le musée ne sait toujours pas quelle est la part du
faux dans sa collection.
VINCENT NOCE
(1) Son article de référence
sur la question a été publié
par le «Burlington Magazine»
en novembre 1988.
22
•
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
CULTURE
e site du Øya Festival fait face
au «code-barres» d’Oslo,
cette rangée de gratte-ciel
noirs et blancs cernés de pelleteuses et de bétonneuses –les travaux
sont loin d’être finis. Quelques années plus tôt, à la place des dominos monumentaux, il n’y avait que
les docks. La capitale norvégienne
prospère et s’étend. Tout comme sa
scène musicale qui, depuis une
quinzaine d’années, entame l’hégémonie de la Suède, jusqu’alors
maîtresse de la pop scandinave.
L’Øya est né pour consolider ce
mouvement et le diffuser au-delà
des fjords. Vers la fin des années 90,
on ne parle plus de la Norvège que
pour son pétrole et ses saumons: le
folk des Kings of Convenience et
l’electro de Röyksopp attirent l’attention. Mais, à cette époque, la capacité réduite des salles de concerts
est un obstacle au rayonnement des
étoiles montantes. Claes Olsen, qui
tient l’un de ces petits clubs à Oslo,
décide en 1999 de doter la capitale
de son propre festival, l’Øya. Signe
de la prospérité musicale, une kermesse du même genre, le by:Larm,
est inaugurée presque en même
temps à Trondheim, 500 kilomètres
plus au nord.
Bouillonnement. A ses débuts,
l’Øya se consacrait uniquement
aux artistes locaux et mobilisait environ 1200 visiteurs. Aujourd’hui,
le festival, toujours complet des
mois à l’avance, accueille des groupes internationaux et cumule
85000 festivaliers, malgré son prix
exorbitant (100 euros la soirée).
Pour autant, l’opulence n’a pas détourné l’Øya de sa vocation première. Au moment de révéler la
programmation, Claes Olsen
annonce d’abord les formations locales «pour forcer le public à s’y intéresser davantage». Les têtes d’affiches sont dévoilées quelques
semaines plus tard: des figures historiques vénérées comme Blur,
Kraftwerk, Rodriguez ou Wu Tang
Clan, l’essence du cool (Kendrick
Lamar, James Blake, Mount Kimbie) et des métalleux – la paisible
Norvège est quand même le berceau du black metal.
L
Le groupe norvégien Cold Mailman jouait pour la première fois au Øya Festival. PHOTO ANNE LERHEIM ASK
ROCK Créé à Oslo en 1999, le festival a pris de l’ampleur en
combinant groupes de la scène locale et stars internationales.
Øya aux manettes
norvégiennes
Le premier soir de cette 15e édition,
qui s’est tenue du 6 au 10 août,
vingt-trois concerts étaient organisés dans les bars d’Oslo, ville qui
accueille chaque année plus de
shows que Stockholm et Copenhague réunies. «Le succès à l’étranger des pionniers a donné à la jeune
génération le courage de se lancer»,
explique Claes Olsen. Ce bouillonnement norvégien réserve de très
bonnes surprises. Parmi elles,
Dråpe : quatre garçons fans de
shoegaze en orbite autour d’une
chanteuse qui rêve de soul et de
funk. Un mélange dont l’invrai-
semblance égale la réussite. Le
brouillard gracieux des guitares
s’articule sur de suaves mélodies.
«Quand on est doué pour la technique
et la mélodie, c’est idiot de tout noyer
dans un mur de son», résume la
chanteuse Hanne Olsen Solem,
étonnante de maturité à 24 ans.
Autre fusion réussie, celle de Cold
Mailman, qui confronte le spleen
norvégien à l’esprit festif de la pop
suédoise incarnée par Robyn ou
Lykke Li. Son leader, le diaphane
Ivar Bowitz, rumine depuis dix ans
des titres romanesques (Put Yourself
Together and Fall in Love With Me,
How to Escape Cause and Effect…)
dont la sobre désolation s’illustre
dans une explosion de cordes et de
synthés. Le label norvégien Beyond
vient d’ailleurs de signer le groupe,
qui se produit pour la première fois
au Øya. «Un rêve que caressent tous
les musiciens norvégiens», précise
Ivar Bowitz.
Cloches. Côté electro, la relève de
Lindstrøm et Prins Thomas – producteurs émérites apparus à l’aube
des années 2000 et hérauts du
mouvement space disco (mélange
d’electro, de krautrock et de psychédélisme)– est déjà assurée. Par
Todd Terje, à l’affiche de festivals
vendeurs tels que Calvi on the
Rocks, en Corse, et par Andrè Bratten, auteur d’un premier album
prometteur oscillant entre techno
minimale et synthés eighties.
Au printemps, le bureau d’export
Music Norway organisait une soirée
Øya aux Nuits sonores de Lyon, où
l’Allemand Pantha du Prince se
produisait avec le compositeur norvégien Lars Petter Hagen et trois
tonnes de cloches. Un événement
qui ne doit rien au hasard: l’electro
est la catégorie musicale qui
s’exporte avec le plus de succès
vers l’Hexagone. Historiquement,
la France n’a jamais été bonne
cliente de pop et de rock scandinave et, passé la frontière belge, les
groupes nordiques capables de
remplir des stades deviennent des
artistes «indé». Ce qui n’empêchera pas la scène norvégienne de
poursuivre son développement, à
l’image des buildings d’Oslo qui
poussent tels des champignons,
dressant leur modernité insolente
au milieu des collines sylvestres.
Aux mélomanes avertis de plonger
dans le fjord, à la recherche de ses
perles rares.
Envoyée spéciale à Oslo
ELVIRE VON BARDELEBEN
PARUTION Dans un livre-DVD, Noël Herpe raconte les problèmes rencontrés lors du tournage de son film.
«C’est l’homme», un projet au lent cours
NOËL HERPE
C’EST L’HOMME,
JOURNAL D’UN FILM
INTERDIT Le Bord de l’eau,
202pp., + 1 DVD, 26€.
u souhaites publier
un ouvrage (essai, fiction…), réaliser un
film, t’informer sur la violence de l’économie culturelle? Tu as une petite notoriété et tu comptes sur ton
réseau pour y arriver ? Tu es
un peu maso et tu aimes bien
te faire cogner, au propre
comme au figuré ? Ami artiste, ce livre-DVD est pour
T
toi. On y trouve le récit très
circonstancié de la réalisation du court métrage C’est
l’homme, de Noël Herpe, ancien critique de cinéma,
maître de conférences à Paris-VIII, et le court métrage
lui-même. Où Herpe se
montre en hétéro travesti qui
se fait capturer par des flics
ripoux, emmener dans les
bois, humilier avec un sécateur et finalement lyncher
par les habitants d’un petit
village : «Mon personnage
cherche sa propre féminité –et
puis, sur son trajet, il trouve
autre chose : il trouve son hu-
manité, une humanité qui le
rapproche d’une certaine
forme de transcendance. Une
humanité qu’il rencontre dans
l’humiliation.» Esthétique
christique, philosophie de la
honte.
Avant que le film n’existe (on
le découvrira à la fin de la
lecture, dans un DVD avec
bonus), c’est le parcours
connu du combattant : demande d’aides diverses,
commissions
butées,
conseils des collaborateurs
qui veulent à tout prix «arrondir» les angles du scénario pour lui éviter ensuite les
lits de Procuste. Trop violent,
souvent qualifié de «malsain», personnages immotivés, invraisemblances, le
film peine à convaincre les
par la Mairie de Paris. Le
tournage est plein d’imprévus (météo, défection…),
normal, c’est un tournage.
Puis, une fois monté, mixé,
étalonné, il faut
être sélectionné
Avant que le court métrage
en festival. C’est
n’existe, c’est le parcours
là que ça se gâte.
connu du combattant.
Herpe a construit
son livre comme
subventionneurs : «Tandis un roman épistolaire, en
que se succèdent les refus de publiant des dizaines
financer le film, les candidatu- d’échange de mails appares de comédiens continuent remment réels. C’est là que
d’affluer. Ce n’est pas moins ça se gâte aussi, puisque,
déprimant.» Le film se fait alors que la moitié de la Terre
avec 15 000 euros, octroyés se fait refouler dans les festi-
vals, lui n’arrive pas à comprendre que «son» film ne
soit pas sélectionné. Il s’en
prend à ses amis qui ne sont
pas arrivés à lui trouver des
passe-droits, crie à la censure. Etre au Salon des refusés n’est hélas pas une garantie de génie.
Il reste le DVD de C’est
l’homme pour se faire son
idée, et le très beau livre de
confession Mes Scènes primitives, paru chez Gallimard en
janvier: «Ce que j’ai essayé de
raconter, c’est ce qui m’a permis de sublimer ce désastre.»
É.Lo.
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
•
CULTURE
23
TÉLÉ Arte diffuse dimanche un documentaire consacré au plus grand représentant vivant du genre.
Stevie Wonder en soul majeure
documentaire de
HANNES ROSSACHER
Arte, dimanche à 22h40.
ctobre 1976. On pose
fébrilement sur la
platine ce Songs in the
Key of Life dont la sortie a été
repoussée depuis des mois,
et la voix de Stevie Wonder
chante : «Bonjour ou bonsoir, les amis. Voici votre
gentil annonceur. J’ai des
nouvelles sérieuses à transmettre. Ce que je m’apprête
O
à dire pourrait signifier une
catastrophe mondiale, transformer joie et rires en larmes
et douleur. Voilà : l’amour a
besoin d’amour aujourd’hui.
Ne perdez pas de temps, envoyez votre amour dès maintenant. La haine est là depuis
trop longtemps. Arrêtez-la,
s’il vous plaît, avant que tout
n’aille trop loin.»
D’aucuns pourraient juger
naïve ou prétentieuse cette
harangue prophétique, mais
Stevie Wonder n’en est pas à
son coup d’essai, même s’il
fut plus inspiré lorsqu’il
grava, trois ans plus tôt, le
percutant Living for the City
sur son album Innervisions.
Sur le double Songs In The
Key Of Life, le militant pacifiste et combattant pour les
droits civiques persiste et signe avec Village Ghetto Land,
Saturn ou Black Man.
Exigence. Mais c’est surtout le compositeur qui impressionne. Certes, les Beatles ont exploré toutes les
possibilités du format chanson, en retournant à ses
sources baroque, classique et
romantique, et en l’ouvrant
SUMMER OF SOUL
ÉRIC DAHAN
© 1978 NF GERIA II. VERSION RESTAURÉE © 2013 BAVARIA MEDIA GmbH. © 2013 Sous licence de GLOBAL SCREEN GmbH. Tous droits réservés.
STEVIE WONDER
SOUL GENIUS
bliable après l’enchanteur
Overjoyed, en 1985, qui entrelaçait accords bémolisés
suspendus, septièmes majeures et mineures avec neuvième ou treizième ajoutée.
Par contre il n’a rien perdu
de ses moyens d’interprète,
comme l’ont rappelé sa dernière tournée mondiale passée par la France en 2010 et
quelques rares apparitions
cette année.
A 63 ans, nombre de chanteurs n’ont plus qu’un timbre usé à offrir. Contre toute
logique, celui de Stevie Wonder semble s’être étoffé et
son aigu a conservé toute sa
souplesse. Avec leurs notes
piquées très haut dans le
masque, leurs passages à
l’octave et sauts de registres
ahurissants, ses Lately et
Do I Do donnent toujours le
frisson. Car, à l’instar de
celui de Mozart, le génie musical de Stevie Wonder est
tout entier au service de
l’expression.
Train, série documentaire qui compile les
moments forts de l’émission culte «Soul Train».
DARK STAR
Stevie Wonder au milieu des années 70. PHOTO ECHOES. REDFERNS. GETTY IMAGES
à la musique indienne, con- (Until You Come Back To Me)
temporaine, blues et rock. et Michael Jackson (I Can’t
Mais Stevie Wonder a ajouté Help It).
à ces acquis le jazz, la musi- En matière de composition
que africaine, brésilienne et pop, son rival d’alors se
cubaine pour créer un lan- nomme Paul McCartney.
gage d’une richesse harmo- Dès 1971, le futur auteurnique et rythmique supé- compositeur de Superstition
rieure. Difficile de dissocier montre qu’il peut faire
dans Sir Duke, déclaration du Beatles avec son néod’allégeance au
maître Ellington, «Je voudrais remercier
ce qui relève de la
Stevie Wonder de ne pas
composition et de
l’orchestration, avoir publié d’album
tant chacune des cette année.»
parties instru- Paul Simon obtenant, en 1975,
mentales joue un le Grammy Award du meilleur album
rôle fonctionnel.
A ce sens architectural, il classique Something out of the
faut ajouter une grande exi- Blue. McCartney lui prouvera
gence mélodique, la maîtrise qu’il peut faire du Stevie
de nombreux instruments Wonder en 1979 avec Arrow
(claviers, basse, batterie, Through Me sur l’album Back
harmonica…) et une aisance to the Egg des Wings.
vocale confondante. Songs Souplesse. Hormis Feeding
In the Key Of Life va rester Off the Love of the Land ou
numéro 1 des ventes aux If She Breaks Your Heart, sur
Etats-Unis pendant treize la BO du film Jungle Fever, de
semaines consécutives et Spike Lee, Stevie Wonder n’a
sera couronné de quatre plus rien composé d’inouGrammy Awards, dont celui
de l’album de l’année que
son auteur avait déjà remporté pour Innervisions
en 1973 et pour Fullfillingness’ First Finale en 1974.
Obtenant cette même récompense en 1975 pour Still
Crazy After All These Years,
Paul Simon avait déclaré à
l’assistance hilare : «Je voudrais remercier Stevie Wonder
de ne pas avoir publié d’album
cette année.»
Quinze ans plus tôt, Stevland
Hardaway Judkins, né prématuré et non voyant dans le
Michigan, avait signé avec
Tamla Motown et publié
deux albums : The Jazz Soul
of Little Stevie et Tribute to
Uncle Ray, hommage au
pionnier du rhythm’n’blues,
Ray Charles. A 13 ans, il était
numéro 1 des singles aux
Etats-Unis avec Fingertips Pt.2, premier d’une longue série de hits qu’il écrira
pour lui-même ou ses amis
Smokey Robinson (The Tears
of a Clown), Aretha Franklin
Samedi à 22h30:
Cet été, tous les week­
ends, Arte et Libéra­
tion vivent au rythme
de la soul music.
Donna Summer – Hot Stuff, un voyage qui
retrace l’histoire fascinante de la reine
incontestée du disco.
Et le vendredi à 23 heures sur RTL, dans
l’émission Beach Party de Georges Lang,
un extrait de la compil de l’été.
Dimanche à partir de 20h55:
Soirée «Hot and Funky»
•
Tina, de de Brian Gibson avec Angela Bassett;
Stevie Wonder, Soul Genius, attachant portrait
du chanteur; Palace of Soul, les années Soul
SUR LIBÉ.FR
EXCLUSIVEMENT AU CINÉMA
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Gagnez des compils Summer of Soul.
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24
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LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
CULTURE
10032
«Obama gagnera
chaque élection
à 98% des voix.
[…] C’est comme
ça que ça a marché
à l’époque de
l’Allemagne nazie.»
C’est le numéro fantôme de Libération. Les habitués
du journal qui, chaque matin, commencent la lecture
de leur quotidien par le numéro de l’édition du jour
ont dû être frappés de stupéfaction: vendredi 16 août, le
numéro 10033 a succédé directement au numéro 10031
du mercredi 14 août. La non­parution du journal, le jeudi
15 août, a sa part dans la désinvolture affichée à l’égard
du 10032. Renseignements pris, il semble que, dans
la riche histoire de Libération, ce chiffre ne soit pas
le seul à avoir subi une si ignoble discrimination.
Orson Scott Card écrivain,
dans un essai sur son blog,
où il imagine des scénarios
faisant du Président «un
dictateur» semblable à Hitler
LE FESTIVAL
Que lit-on à Guantánamo?
LE CIRQUE
EN BALADE
MUSICALE
Cinquante Nuances de Grey est un best-seller jusque dans la
prison de Guantánamo : c’est ce qu’a révélé le représentant
démocrate Jim Moran après avoir visité le camp. Le Coran fait
aussi partie des lectures des prisonniers, ce qui est moins
inattendu, ainsi que des revues de football. Cinquante Nuances
de Grey est l’ouvrage «le plus demandé» dans le camp 7 des
détenus sous très haute surveillance. Cette révélation semble
d’autant plus surprenante à l’AFP qu’un bibliothécaire de
Guantánamo lui a assuré que les livres ou vidéos contenant
«trop de sexe, trop de violence, extrémistes ou racistes», étaient
interdits aux détenus. Il faut croire que Cinquante Nuances
de Grey est entré par fraude, ou ne contient pas «trop» de sexe
et de violence. L’information semble utilisée aux Etats-Unis
pour montrer que ces prisonniers qui n’apparaissent au tribunal qu’en habits traditionnels et avec tapis de prière n’ont
pas la religion pour unique préoccupation.
Chris Brown, rappeur blanchi
Chris Brown, le rappeur américain de 24 ans qui avait défrayé
la chronique en frappant en 2009 la chanteuse Rihanna, a été
blanchi jeudi pour un délit de fuite après avoir conclu un accord avec sa victime. L’affaire prenait sa source dans l’emboutissage d’une Mercedes par la Range Rover de Chris
Brown. Las, l’incident avait entraîné une révocation de la
liberté conditionnelle du chanteur et une nouvelle audience
devait décider de son sort. Si le juge estime que Chris Brown
a violé sa liberté conditionnelle, il risque jusqu’à quatre ans
de prison. Après l’agression de Rihanna, dont la photo du
visage tuméfié avait choqué l’Amérique, Chris Brown avait
été condamné à cinq ans de liberté surveillée et 180 jours de
travaux d’intérêt général. Le bureau du procureur s’interroge
également sur la réalisation effective de ces travaux d’intérêt
général, après avoir relevé «d’importantes invraisemblances»
dans les rapports. L’avocat de Chris Brown a démenti ces allégations.
LES GENS
RUSHDIE ÉVOQUE
SA «COMÉDIE
QUOTIDIENNE»
«L’une des caractéristiques de
notre époque est la montée d’une
culture de l’affront», a estimé
Salman Rushdie le 10 août, lors
de l’inauguration du 30e festival international du Livre
d’Edimbourg, en Ecosse. La liberté d’expression pour
éternel étendard, il a continué de dénoncer le fanatisme,
«et pas spécialement l’islamisme». Pour lui, l’identitarisme
participe à créer un «sentiment d’offense ressenti».
Chantre du combat contre la censure et l’autocensure,
Rushdie, qui l’avait pourtant annoncé, ne s’est pas tu bien
longtemps après la sortie de son récit de cavale: «Si vous
avez commencé à lire un livre et qu’il ne vous plaît pas,
vous pouvez toujours le refermer. Au moins comme ça,
il ne pourra pas vous choquer.» S’il est surprenant que
l’auteur des Versets sataniques décrive sa clandestinité
comme une «comédie quotidienne», on pouvait
néanmoins s’attendre à une telle prise de position,
qu’il devrait réaffirmer au Boston Book Festival d’octobre,
où il sera le principal conférencier. D’autant qu’il l’a déjà
dit, «rien ne dépasse jamais les bornes». D.d.A. PHOTO AP
Le regard dépouillé de Wols à Dresde
Né le 27 mai 1913 à Berlin, Wolfgang Schulze,
alias Wols, meurt à Paris, le 1er septembre 1951. Une vie de «prince clochard, avec
une bouteille et une besace», écrivit Jean-Paul
Sartre, l’un de ses admirateurs, qui sut si bien
«dépouiller le monde jusqu’à la cruauté», selon
le poète Edouard Jaguer. De 1932 et 1939,
Wols se consacra à la photographie, tournant
l’objectif vers lui (photo: Autoportrait au sparadrap), les rues de Paname, jonchées de
poupées oubliées et de pêcheurs sur Seine,
des lapins découpés à la hache, ses copains
(Max Ernst, Roger Blin, Jacques Prévert), les
maîtresses de ses relations (Addy, la compagne de Man Ray). Sans oublier une série de
mode, réalisée en 1937, au «Pavillon de l’élégance», où il flashe des mannequins d’acier
qui ressemblent à des pantins. En attendant
Berlin et Paris, à l’automne 2014, Dresde
honore cet artiste magnifique. B.O. PHOTO
VG BILD­KUNST, BONN 2013
Staatliche Kunstammlungen Dresden,
Residenzschloss, Dresden. Jusqu’au 26 août.
Catalogue. Rens.: www.skd.museum
SURPRISE Damon Albarn, de Blur, et Noel Gallagher,
ex d’Oasis, travaillent désormais ensemble.
Brit-pop: les ennemis
se rabibochent
U
ne guerre d’egos
vieille de vingt ans
touche à sa fin. Les
puristes devront s’y faire,
«Damon [Albarn, chanteur
de Blur, ndlr] et Noel Gallagher [guitariste d’Oasis]
bossent sur un paquet de trucs
actuellement.» Le bassiste de
Blur, Alex James, l’a assuré
sur le site du plus grand festival de musique d’Europe,
le Sziget (Hongrie), où le
groupe s’est produit il y a
huit jours.
Leur avenir commun se dessine d’autant mieux qu’ils
sont devenus «les meilleurs
amis du monde». De quoi
provoquer quelques sourires
en coin, quand on sait
qu’en 1995, Noel disait de
Blur: «Le bassiste et le chanteur, j’espère qu’ils vont tous
les deux choper le sida et crever, parce que, putain, je les
déteste.» Ledit bassiste a
beau certifier que «quoi qu’il
ait pu se passer, ça n’a dorénavant plus d’intérêt», outreManche, on se souvient encore de la cultissime Battle of
Britpop. Blur, «garçons proprets du Sud» pour la presse
anglaise, supporteurs de
Chelsea, décident de sortir
leur single Country House le
même jour que le Roll With It
d’Oasis, duo de Mancuniens
cols bleus de la pop. Entre
lutte des charts et lutte des
castes, Liam, frère de Noel et
leader d’Oasis qualifie ses rivaux de «branleurs de la
classe moyenne essayant de
jouer les durs avec des héros de
la classe ouvrière».
Depuis, tous ont peut-être
mûri, sans doute vieilli. Et,
surtout, ils doivent rebâtir un
plan de carrière durable. Car
l’autre groupe d’Albarn, Gorillaz, est en stand-by. Blur
n’a pas sorti d’album studio
depuis déjà dix ans. Quant
à Noel Gallagher, il fait cavalier seul depuis le hiatus
d’Oasis en 2009. Dorénavant, il s’agira de concrétiser
la romance amorcée l’an
passé lors d’une soirée du label EMI.
DAVID DE ARAUJO
Concocté par le Sirque,
Pôle national des arts du
cirque de Nexon en Limou­
sin, le festival la Route du
cirque fait cette année une
large place à la musique et
aux univers sonores les
plus divers. Dans le cadre
verdoyant et gastronomi­
que dans lequel il circule
en Limousin et dans le
Massif Central, le festival
réunit plus de 60 artistes,
dont la compagnie Mauvais
Coton –qui file bien son
nom avec ses bascules frô­
lant le naufrage– ou encore
Le P’tit Cirk, avec ses acro­
baties aériennes sur musi­
que live. Jean­Baptiste
André et Julia Christ, dans
Pleurage et Scintillement,
écrivent une partition pour
bar de nuit sur une bande­
son puissante. La troupe du
Bazar Forain, dans la tradi­
tion des numéros sous cha­
piteau de toile, joue du
clair­obscur. La compagnie
Akoreacro donne les
premières de son spectacle
Klaxon, pour cinq musi­
ciens et six acrobates. Mar­
ché pique­nique, animation
à la libraire du Cirque et
rencontres complètent le
programme. M.­C.V.
Nexon, (Haute­Vienne).
Du 16 au 24 août.
Rens.: www.cirquenexon.com
MÉMENTO
Silencio Orquesta Tipica En
Europe avec tangos et milongas
des années 50 (1re partie: Las
Malenas, tango au féminin)
Parc de la Villette, 75019.
Dim, 17h30 et 18h30. Gratuit.
Godspeed You! Black Emperor
Sommité post­rock de Montréal
Trianon, 80, bd de Rochechouart,
75018. Dim, 20h.
Michel Portal, Bernard Lubat,
François Corneloup, Emile
Parisien... Empêcheurs de jazzer
en rond pour la 36e Hestejada
de las Arts Uzeste et Sud­
Gironde (33), du 17 au 27 août.
page tele du week end:Mise en page 1 16/08/13 14:30 Page1
Avec Gary Sinise,
Laurent Ruquier.
d’urgence.
Mélina Kanakaredes.
1h05. Rendez-vous en
Choucroute story.
23h55. Tout pour la
terre inconnue.
Série.
musique.
0h10. Soir 3.
Frédéric Michalak chez
Divertissement.
0h35. Appassionata.
les Lolo noirs.
2h10. Confessions
Documentaire.
Rienzi, le dernier des
LIBÉRATION SAMEDI 172h45.
ET DIMANCHE
2013
intimes.
Dans le secret18 AOÛT
tribuns.
Magazine.
des lycées.
Spectacle.
ARTE
M6
FRANCE 4
A
LA TELE
SAMEDI
20h45. Tours du
TF1
monde, tours du ciel.
Documentaire.
20h50. Les experts :
22h35. Donna Summer.
Manhattan.
Hot stuff.
Série américaine :
Documentaire.
Pilule amère,
23h25. Hurricane
La surprise du chef,
festival 2013.
De tombe en tombe,
Spectacle.
Le baiser de la méduse.
1h00. PJ Harvey
Avec Gary Sinise,
à l’Olympia.
Mélina Kanakaredes.
Spectacle.
23h55. Tout pour la
2h10. Jeunes
musique.
chanteuses aux vieilles
Divertissement.
charrues.
2h10. Confessions
intimes.
Magazine.
20h50. FBI :
FRANCE
2
Duo très spécial.
Série américaine :
20h45.
Fort Boyard.
Nos
ancêtres
les
Jeu présenté par
espions,
Olivier
Minne.
Peu
importe
le flacon...,
22h30.
Onnoire,
n’est pas
La
veuve
couché.
Robin des bacs à sable,
Divertissement
Le
craquement d’une
présenté par
brindille,
Laurent
Les
bonsRuquier.
samouraïs.
1h05. Matthew
Rendez-vous
en
Bomer,
Avec
terre
inconnue.
Tim DeKay.
Frédéric
Michalak chez
1h45.
Supernatural.
les Lolo noirs.
Série.
Documentaire.
2h45. Dans le secret
des lycées.
20h45. L’histoire du
FRANCE
3
monde.
5 - Les révolutions,
20h45. La nouvelle
- Les grandes
6Maud.
explorations,
Série française :
3Épisodes
- Le pouvoir
la foi.
1, 2 &de
3/6.
Documentaire
Avec Emma Colberti,
présenté
par
Gérard Rinaldi.
Franck
Ferrand.
23h15. Équipe
médicale
23h15.
Hero
d’urgence. Corp.
La
tempête, story.
Choucroute
La
leçon,
Série.
Ex-aequo,
0h10. Soir 3.
La
mine.
0h35.
Appassionata.
Série.
Rienzi, le dernier des
tribuns.
Spectacle.
22h40. Jour de Rugby.
Magazine présenté par
Isabelle Ithurburu.
23h20. Jour de foot.
Magazine.
0h20. Disparue.
Film.
1h55. Le commando.
Série américaine :
Le charme discret du
fétichisme,
Écran de fumée,
Service à domicile.
Avec William Petersen.
1h20. Dexter.
Série.
FRANCE 5
M6
ARTE
DIMANCHE
20h35. Échappées
CANAL
+
belles.
Costa
"Pura
vida !"
20h55.Rica,
Fright
night.
Magazine
présenté par
Film d’horreur
Jérôme
Pitorin.
américano-britannique
22h10.
LesGillespie,
routes de
de Craig
l’impossible.
120mn, 2011
Bolivie
- Le chemin
Avec Colin
Farrell,
de
la mort.
Anton
Yelchin.
Documentaire.
22h40. Jour de Rugby.
23h00.
Nus
& culottés.
Magazine
présenté
par
Objectif
Sardaigne.
Isabelle Ithurburu.
Documentaire.
23h20. Jour de foot.
23h55.
Des trains pas
Magazine.
comme
les autres.
0h20. Disparue.
Film.
1h55. Le commando.
20h45. Tina.
TF1
Film musical américain
de Brian Gibson, 117mn,
20h50. Palais royal.
1993.
Comédie française de
Avec Angela Bassett,
Valérie Lemercier,
Vanessa Bell Calloway.
100mn, 2005.
22h40. Stevie Wonder.
Avec Valérie Lemercier,
Soul genius.
Catherine Deneuve.
Documentaire.
22h50. Les experts.
23h30. Palace of soul.
Série américaine :
Les années “Soul train”.
Le charme discret du
Documentaire.
fétichisme,
0h25. Rudolf
Écran de fumée,
Buchbinder joue
Service à domicile.
Brahms et Bruckner.
Avec William Petersen.
1h20. Dexter.
Série.
22h30. John Rambo.
Film d’aventures
américain de Sylvester
Stallone, 92mn, 2007.
Avec Sylvester Stallone,
Julie Benz.
0h00. Cold case :
Affaires classées.
20h50. Capital.
FRANCE
Douce France 2
: cher
pays de mes vacances !
20h45. L’autre
Dumas.
Magazine
présenté
par
ComédieSotto.
dramatique
Thomas
française
de
Safy
23h05. Enquête
Nebbou, 105mn, 2009.
exclusive.
Avec Gérard
Accidents,
radars,
Depardieu,: tensions
Benoît sur
fraudeurs
Poelvoorde.
l’autoroute des
22h30. John Rambo.
vacances.
Film d’aventures
Magazine.
américain
de Sylvester
0h20.
Enquête
Stallone, 92mn, 2007.
exclusive.
Avec
Sylvester
Stallone,
Magazine.
Julie Benz.
0h00. Cold case :
Affaires classées.
22h15. Météo.
22h20. Soir 3.
22h40. Commissaire
Brunetti : enquêtes à
Venise.
Requiem pour une cité
de verre.
Téléfilm.
club le débrief.
Sport.
23h15. L’équipe du
dimanche.
Magazine présenté par
Thomas Thouroude.
0h10. Engrenages.
Série.
ECRANS&MEDIAS
•
25
FRANCE 4
FRANCE 5
20h45. On continue
FRANCE
3
à l’appeler Trinita.
Western italien d’Enzo
20h45. Commissaire
Barboni,
1971.
: enquêtes
Brunetti93mn,
Avec
Terence Hill, Bud
à Venise.
Spencer.
Téléfilm allemand :
22h30.
De sangOn
etl’appelle
d’ébène.
Trinita.
Avec Uwe Kockisch,
Western
italien
de Enzo
Julia Jäger.
106mn, 1970.
Barboni,
22h15. Météo.
Avec
Terence
22h20.
Soir 3.Hill, Bud
Spencer.
22h40. Commissaire
0h15.
Pas
panique.à
Brunetti de
: enquêtes
Téléfilm.
Venise.
5h05.
Highlander.
Requiem
pour une cité
de verre.
Téléfilm.
20h35. Visa pour
CANAL
l’aventure. +
"Madagascar
l’île:
21h00. Football
Continent".
PSG / Ajaccio.
Documentaire.
2e journée du
22h00.
Une maison,
championnat
un
deartiste.
France de Ligue 1
Maurice
Sport. Ravel - Le
génie
Belvédère.
22h55.du
Canal
football
Documentaire.
club le débrief.
22h25.
Sport. Verdict.
L’affaire
Cosme.du
23h15. L’équipe
Documentaire.
dimanche.
23h20.
Fourchette
Magazine
présenté&
par
sac
à dos.Thouroude.
Thomas
0h10. Engrenages.
Série.
ARTE
M6
FRANCE 4
FRANCE 5
ARTE
M6
FRANCE 4
FRANCE 5
20h45. Tours du
monde, tours du ciel.
Documentaire.
22h35. Donna Summer.
Hot stuff.
Documentaire.
23h25. Hurricane
festival 2013.
Spectacle.
1h00. PJ Harvey
à l’Olympia.
Spectacle.
2h10. Jeunes
chanteuses aux vieilles
charrues.
20h50. FBI :
Duo très spécial.
Série américaine :
Nos ancêtres les
espions,
Peu importe le flacon...,
La veuve noire,
Robin des bacs à sable,
Le craquement d’une
brindille,
Les bons samouraïs.
Avec Matthew Bomer,
Tim DeKay.
1h45. Supernatural.
Série.
20h45. L’histoire du
monde.
5 - Les révolutions,
6 - Les grandes
explorations,
3 - Le pouvoir de la foi.
Documentaire
présenté par
Franck Ferrand.
23h15. Hero Corp.
La tempête,
La leçon,
Ex-aequo,
La mine.
Série.
20h35. Échappées
belles.
Costa Rica, "Pura vida !"
Magazine présenté par
Jérôme Pitorin.
22h10. Les routes de
l’impossible.
Bolivie - Le chemin
de la mort.
Documentaire.
23h00. Nus & culottés.
Objectif Sardaigne.
Documentaire.
23h55. Des trains pas
comme les autres.
20h45. Tina.
Film musical américain
de Brian Gibson, 117mn,
1993.
Avec Angela Bassett,
Vanessa Bell Calloway.
22h40. Stevie Wonder.
Soul genius.
Documentaire.
23h30. Palace of soul.
Les années “Soul train”.
Documentaire.
0h25. Rudolf
Buchbinder joue
Brahms et Bruckner.
20h50. Capital.
Douce France : cher
pays de mes vacances !
Magazine présenté par
Thomas Sotto.
23h05. Enquête
exclusive.
Accidents, radars,
fraudeurs : tensions sur
l’autoroute des
vacances.
Magazine.
0h20. Enquête
exclusive.
Magazine.
20h45. On continue
à l’appeler Trinita.
Western italien d’Enzo
Barboni, 93mn, 1971.
Avec Terence Hill, Bud
Spencer.
22h30. On l’appelle
Trinita.
Western italien de Enzo
Barboni, 106mn, 1970.
Avec Terence Hill, Bud
Spencer.
0h15. Pas de panique.
Téléfilm.
5h05. Highlander.
20h35. Visa pour
l’aventure.
"Madagascar l’île
Continent".
Documentaire.
22h00. Une maison,
un artiste.
Maurice Ravel - Le
génie du Belvédère.
Documentaire.
22h25. Verdict.
L’affaire Cosme.
Documentaire.
23h20. Fourchette &
sac à dos.
PARIS 1ERE
TMC
W9
GULLI
PARIS 1ERE
TMC
W9
GULLI
20h40. Mon meilleur
copain.
Pièce de théâtre
d’Éric Assous.
Avec Dany Brillant,
Roland Marchisio.
22h25. La sœur
du Grec.
Pièce de théâtre avec
Éric Delcourt et Nicolas
Bienvenu.
0h30. Paris dernière.
Best of sexy.
Magazine.
1h20. Paris dernière.
20h45. Suspect n°1.
L'amour à mort /
Mon conjoint a voulu
m'assassiner.
Magazine présenté par
Jacques Legros.
22h45. Suspect N° 1
Polygamie : les liaisons
dangereuses / Le prix
d'une vie.
Magazine.
0h35. Une femme
d’honneur.
Son et lumière.
Série.
20h50. Michèle
Bernier :
Et pas une ride !
Spectacle en direct de
l’Olympia.
Spectacle.
22h45. Anne
Roumanoff :
Anne, naturellement.
Spectacle.
0h35. Le meilleur
du top 50.
30 ans de tubes.
Divertissement.
2h25. Météo.
20h55. Pokemon XV :
Noir & Blanc
Un combat d’arène
Rock and Roll - 1 & 2/2,
Pour l’amour de
Meloetta,
Tiplouf, Feuillajou, et
une rencontre
inoubliable,
Expédition à l’île des
Onyx;
Jeunesse.
22h50. Total wipeout
made in USA.
Divertissement.
20h40. Les dix
commandements
(1 & 2/2).
Téléfilm de Robert
Dornhelm.
Avec Dougray Scott,
Omar Sharif.
23h35. Ciudad Juarez :
la loi du silence.
Documentaire.
0h15. Drawing the line :
portrait de Keith
Haring.
Documentaire.
0h45. Paris dernière.
20h45. New York
police judiciaire
Série américaine :
Petit commerce entre
amis,
Arnaques à l’assurance,
Pauvres enfants.
Avec Sam Waterston,
Jesse L. Martin.
23h15. Fan
des années 70.
Années 1972 & 1973.
Divertissement.
0h55. Fan
des années 80.
20h50. Le saint.
Film d’aventures
américain de Phillip
Noyce, 116mn, 1997.
Avec Val Kilmer,
Elisabeth Shue.
22h55. Sons of anarchy
Série américaine :
Représailles,
État critique,
Des lions en cage.
Avec Charlie Hunnam.
1h30. Le Ben & Bertie
Show : ceux de Port
Alpha.
20h45. Jubilé par les
étoiles du cirque de
Moscou.
Divertissement.
22h05. Audace
au cirque d’hiver
Bouglione
avec Kad et Olivier.
Divertissement.
23h35. Ma sorcière
Bien aimée.
3 épisodes.
Série.
1h15. Fais-moi peur !
Jeunesse.
NRJ12
D8
NT1
D17
NRJ12
D8
NT1
D17
20h50. Alice Nevers,
le juge est une femme.
Téléfilm
français :
2
Jackpot.
Avec Marine Delterme.
22h35. Alice Nevers,
le juge est une femme.
Mort d’une fille modèle.
Téléfilm.
0h10. X-Files : aux
frontières du réel.
Le seigneur des
mouches.
Série.
20h50. Femmes de loi.
Série française.
Mort sur le net,
Coeur de lion.
Avec Natacha Amal,
Nathalie Besançon.
22h30. Femmes de loi.
La dernière carte,
Un loup dans la
bergerie,
La vérité sur le bout des
doigts,
La nécropole.
Série.
20h45. La colère du
volcan.
Téléfilm américain
d’Uwe Janson
1 & 2/2.
Avec Matthias
Koeberlin.
0h05. Man vs Wild :
seul face à la nature.
Behind the wild Afrique du Nord.
Documentaire.
1h45. Catch américain
Smack Down.
20h50. Le grand Zap
G l’été.
de
Les images les plus
marquantes de l'été qui
circulent sur Internet.
Divertissement.
22h20. Le zap.
Divertissement.
23h50. Star story.
Gossip, l’histoire d’un
groupe hors norme.
Documentaire.
0h50. Nuit live.
Musique.
20h50. Pédale dure.
Comédie française de
Gabriel
Aghion, 90mn,
2
2004.
Avec Gérard Darmon,
Michèle Laroque.
22h25. Poltergay.
Comédie française
d’Éric Lavaine, 93mn,
2006.
Avec Clovis Cornillac,
Julie Depardieu.
0h10. Camping à la
ferme.
20h50. Se souvenir des
belles choses.
Comédie dramatique
française de Zabou
Breitman, 110mn, 2001.
Avec Isabelle Carré,
Bernard Campan.
22h45. Je vais craquer.
Comédie française de
François Leterrier,
89mn, 1980.
Avec Christian Clavier.
0h20. Programmes de
nuit.
20h45. Tous différents.
Les plus petits frère
et soeur du monde /
Keenan Cahill : une vie
pour le buzz.
Magazine présenté par
Émilie Mazoyer.
22h25. Tous différents.
J’ai une vie intime
différente et j’assume !
Magazine.
0h05. Ma vie à la télé.
2h00. Troublantes
visions.
20h50. Les justiciers.
G américaine :
Série
Le coup du fisc,
Le coup des voitures
clonées,
Le coup du bonneteau.
Avec Christian Kane,
Gina Bellman.
23h20.
The sexperiment.
Téléfilm.
1h05.
Nuit live.
Spectacle.
15 mjoaurnaFuorfait spécial ét
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•
BD
BÉGAUDEAU / OUBRERIE
26
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
Mâle occidental
contemporain
BD
•
27
33/39
RÉSUMÉ DES
ÉPISODES
PRÉCÉDENTS
Notre héros est
prêt à tout pour
séduire une
femme. Entre
râteaux et
situations
gênantes, il ne se
décourage pas
pour autant.
En librairie à partir
du 30 octobre
•
SUR LIBÉ.FR
Vous avez raté
un épisode?
Retrouvez
tout le week­
end en
diaporama
les planches
parues cette
semaine.
© GUY DELCOURT PRODUCTIONS, 2013
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
A suivre...
LIBÉRATION SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 AOÛT 2013
PORTRAIT MARINE VACTH
Astéroïde du dernier Ozon, cette actrice de 22 ans est
un mystère obsolète, une intensité réservée et déstabilisante.
La silencieuse
Par LUC LE VAILLANT
Photo JÉRÔME BONNET
U
n. Parfois, elle saisit un sac à la volée et embarque
à l’improviste dans l’Audi A3 noire qui aime prendre la poussière des routes de hasard. Elle se glisse
sur le siège passager et s’abandonne au bonheur
du nomadisme calfeutré. Marine Vacth n’a que 22 ans. Si elle
a passé son code, elle n’a pas trouvé le temps de réussir
son permis de conduire. Elle avait trop de cinéma à découvrir, de visages à imaginer, de livres à feuilleter, pour se plier
à ce rite initiatique dispendieux par lequel une société de
chauffards repentis sadise ses enfants sages. Et puis, en copilote rêveur, elle donne libre cours à sa mélancolie, pelotonnée
dans le cuir sombre où le silence lui cloue les ailes.
2. Parfois, la mutuelle des regardeurs associés assiste à
une Epiphanie. Rois mages étonnés du cadeau, ils restent
interloqués par cette présence naissante, cette évidence violente. Ce débarquement sur la paille des faveurs médias.
Marine Vacth cambriole l’attention dans le dernier film de
François Ozon. Celui-ci y succombe sans remords et célèbre
la «star quality» de la demoiselle. Cette beauté assez parfaite
et très intemporelle n’aurait aucun intérêt si le tissu de ce
classicisme esthétique n’était tramé d’une étrangeté désarçonnante et d’une parfaite difficulté à communiquer.
3. Parfois, elle s’interrompt. Elle est là, devant vous, et
elle installe un vide ni sidéral ni sidérant. Elle ne parle plus
et cela crée un interlude où se promènent des fantaisies colorées, toutes prêtes à plumer les perroquets de la Terre et
les bécasses de la création. Elle ne dit rien, et cela fait du bien,
ce temps suspendu au-dessus des gouffres de banalités où
plongent les échanges multipliés. Elle est partie où elle a envie et pourtant vous la suivez facilement, la laissant aller et
venir, balançant l’anse de ses hésitations au bras de son absence d’à propos. Après un moment, il peut lui arriver de
dire: «Je ne sais pas», et cela rompt avec les réponses à tous
crins des jacasses délurées et ambianceuses. Surtout, elle a
lentement songé à la question que vous lui aviez posée. Question que vous avez déjà oubliée, comme tous les danseurs de
corde, tendus entre small talk et ping-pong verbal.
4. Parfois, souvent même, elle sait. Ce qu’elle veut,
ce qu’elle ne veut pas, ce qu’elle apprécie, ce qu’elle refuse.
Ses proches moquent ses essais vacillants d’«hypercontrôle»
comme ils reconnaissent son refus des lumières crues,
son besoin de s’asseoir dos à l’avidité des attentions. Elle n’a
ni page Facebook ni compte Twitter, et elle a élu adresse mail
au plus haut des nuages. Elle dit: «Je suis souvent frustrée avec
la parole.» Elle dit, aussi : «Je ne veux pas entrer dans la rapidité.» Elle parle très bien de Pessoa. Elle apprécie les pensées
et les aphorismes. A son jeune frère de 17 ans, elle offre ses
ouvrages initiatiques, le Grand Secret de Barjavel ou les romans
de Boris Vian. Sur sa table de nuit, il y a Françoise Sagan,
Des bleus à l’âme, et Jean-Yves Masson, Ultimes Vérités sur
la mort du nageur. Elle étire sans angoisse les temps morts
entre les tournages. Elle a quitté le lycée l’année du bac,
requise par le mannequinat, heureuse de cette indépendance
à laquelle elle tient plus que tout. Alors, elle se défie de l’hyperactivité Lexomil, s’évite la compulsion des projets bouchetrous. Elle célèbre ces moments creux qui la laissent ouverte
au monde. Elle parle de rencontres, d’apprentissages, de
découvertes, de soirées, de hasards. Et, parce qu’on insiste,
elle admet : «Cela donne aussi de la liberté pour écrire, pour
raconter les choses comme je les sens.»
5. Parfois, dans la voiture, elle laisse flotter les rubans de
son indolence à mesure que la nuit enserre l’habitacle.
Son copain photographe conduit. Derrière, trône le chat.
Il se nomme Alphonse, comme Jean-Pierre Léaud dans
le film de Truffaut, la Nuit américaine. Sur sa première couverture pour Elle, Vacth est en chemise blanche, jambes
nues. Elle a de faux airs de
Jacqueline Bisset.
EN 5 DATES
6. Parfois, elle voudrait
surgir du néant et pouvoir y 1990 Naissance. 2007
retourner absolument. Elle Débuts de mannequinat.
accrocherait sa défroque 2011 Ma part du gâteau
d’enfance au vestiaire (Cédric Klapisch).
d’un oubli sans acrimonie. 2012 Ce que le jour doit à la
nuit (Alexandre Arcady).
Le passé ferait tous les jours
21 août 2013 Jeune & Jolie
«reset». Rien n’aurait été et (François Ozon).
tout pourrait advenir. Disparaîtraient dans une brume
indistincte, Viry-Châtillon, le lycée Delacroix, la boutique
H et M où l’on scruta son talent, l’entreprise de transport à
laquelle son père, chauffeur poids lourd, donna son prénom,
les étés en Asie grâce à sa mère, expert-comptable dans
une compagnie d’aviation, et aussi le grand-père et sa fabrique mécanique nommée Paris-Roulettes.
7. Parfois, il faudrait échapper à la pendeloque de chair qui
lui alourdit la lèvre supérieure, au tavelé de rousseur sur nez
mineur, à l’opacité des yeux verts, à la mignardise de l’oreille
habilement découverte par un chignon épinglé. Il faudrait
zapper la vivacité de la jeunesse, l’allant très dansant quand
elle marche en bottines et jean’s 501, les seins haut agrafés,
ni protégés ni célébrés par le petit haut vert. Et il faudrait se
concentrer sur ses mains. Carrées, costaudes, fournies. Deux
bagues, «des cadeaux», ne peuvent féminiser cette part
ouvrière qui prend à revers. Elle a fait du judo. Elle dit :
«J’adorais me battre», mais elle craignait le stress de la compétition. Elle fabrique des meubles, conçoit des vêtements.
Elle voulait être archéologue ou journaliste. On l’imaginerait
plutôt peintre, talochant la gouache, engluant la toile de
la couleur de sa lenteur.
8. Parfois, on ne peut s’empêcher de sociologiser. En phase
avec le dispositif abrasivement ironique et splendidement
pervers d’Ozon, elle joue une ado qui se prostitue. Son personnage teste ses limites, brusque la neutralité des sensations, célèbre le plaisir des rituels. Elle est cette lycéenne qui
refuse de s’excuser, de s’expliquer, de psychologiser.
Alors, bien sûr, on dérive politique et elle accepte. Elle enfermerait volontiers «les proxos», respecte le droit de chacun
à disposer de son corps, estime que pénaliser le client punirait
le travailleur sexuel. Quant à ses fantasmes, ils ne l’entraînent
«jamais» sur ce versant.
9. Parfois, des questions se perdent en chemin. Argent ?
«Ni écureuil ni flambeuse.» Elle va acheter un appartement
dans le quartier Bastille. Convictions? Elle a voté «blanc, aux
deux tours». Elle dit: «La gauche, la droite, il faut en finir avec
tout ça. Il faut faire quelque chose de plus grand, qui nous réunisse.» Croyances? Le questionnement existe même s’il n’est
«pas très profond». Elle pense pourtant qu’il y a «un truc audessus, une force autre».
10. Parfois, elle regrette le temps où les voyages duraient
longtemps. Sous les néons des stations-service où elle enrobe
ses rêveries de macadam, lui viennent des nostalgies
de chariots valsant, de caravanes ondulantes, de paquebots
empanachés. Quand l’on partait loin, quand on arrivait
doucement. •