UN PROCÈS POUR PROXÉNÉTISME EN RÉUNION POUR DSK

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UN PROCÈS POUR PROXÉNÉTISME EN RÉUNION POUR DSK
• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO10016
SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
WWW.LIBERATION.FR
UN PROCÈS POUR PROXÉNÉTISME
EN RÉUNION POUR DSK
AFP
PAGES 10­11
Jeudi à Gao, dans le nord du Mali. REBECCA BLACKWELL. AP
Mali
Election
sous
pression
Encouragé par François Hollande, Bamako
organise, dimanche, une présidentielle dans
un pays divisé encore marqué par la guerre.
PAGES 2­5
1989
7
ET SI LA CHUTE DU MUR
N’AVAIT PAS RÉUNIFIÉ
LES DEUX ALLEMAGNES?
TOUT L’ÉTÉ, «LIBÉ» RÉINVENTE
40 ANS D’ACTUALITÉ
Un Français
suspecté du
meurtre du
député tunisien
(Publicité)
Alors que la grève et
les manifestations ont été
très suivies après l’assassinat
de l’opposant laïc Mohamed
Brahmi, un islamiste
né à Paris, dans le
XIXe arrondissement, fait
partie des principaux accusés.
CAHIER CENTRAL
PAGE 7
IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,
Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.
2
•
EVENEMENT
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
ÉDITORIAL
Par FRANÇOIS SERGENT
Vernis
L’élection malienne
de dimanche sera
imparfaite. Dans un pays
grand comme trois fois
la France, immensément
pauvre et en proie à une
guerre à peine terminée,
le scrutin n’apportera pas
toutes les garanties
souhaitées. Fallait-il pour
autant reporter la
présidentielle à des jours
meilleurs mais incertains ?
François Hollande, pressé
de sortir l’armée française
le plus proprement et le
plus rapidement du pays,
a tout fait pour que ce
scrutin se tienne cet été.
Les élections donneront
un vernis démocratique à
l’intervention française et
un président élu sera un
interlocuteur acceptable
pour la communauté
internationale. Ce qui est
déjà beaucoup dans une
Afrique qui tarde à
connaître son printemps
des peuples.
Mais ces élections ne
peuvent être que l’amorce
de la reconstruction d’un
pays dévasté, sans Etat, et
sans justice, sans armée et
sans administration.
François Hollande a eu
raison d’intervenir pour
stopper l’avancée des
islamistes au cœur de
l’Afrique, mais il ne peut
abandonner le Mali
au milieu du gué. La
France doit rester en
première ligne pour aider
les Maliens ; avec la
communauté
internationale, Hollande
doit tenir comptable ses
prochains dirigeants
de toute tentation de
concussion que la France
a couverte au sommet de
l’Etat malien des années
durant. Enfin, l’armée,
plus prompte à arrêter et
torturer les opposants qu’à
défendre son pays, devra
elle aussi rendre des
comptes. C’est à ce titre
que l’élection de dimanche
ne sera pas seulement un
exercice formel de
démocratie.
Présidentielle: le Mali
poussé aux urnes
Le premier tour
de l’élection,
dimanche, doit
remettre le pays
sur la voie de
la réconciliation
nationale et de la
stabilité politique.
Par THOMAS HOFNUNG
Envoyé spécial à Bamako
V
ite, une élection
présidentielle pour
tourner la page de
la crise aiguë au
Mali : c’est peut-être la pire
des solutions… à l’exception
de toutes les autres. A la
veille du scrutin, on pourrait
résumer en ces termes la position de la communauté
internationale. Organisé à
marche forcée, le vote est
censé accélérer la convales-
cence du Mali, mais à condition qu’il se déroule correctement sur le plan logistique
– ce qui est loin d’être gagné – et sécuritaire.
Ce dimanche, un peu plus de
six mois après le début de
l’intervention militaire française contre les jihadistes
dans le nord du pays, près de
7 millions d’électeurs sont
appelés à élire leur président
pour un mandat de cinq ans.
La date a été imposée à un
pays sous perfusion et protection internationales. Les
3 300 soldats français de
l’opération Serval et les
6 000 Casques bleus de la
Mission des Nations unies de
stabilisation au Mali (Minusma) sont chargés d’aider
l’armée malienne à prévenir
toute attaque des petits
groupes de jihadistes qui
errent toujours dans la bande
sahélienne.
GARANTIES. Malgré le ramadan, la saison des pluies et les
difficultés logistiques, la date
du premier tour a été main-
•
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
REPÈRES
ALGÉRIE
MAURITANIE
SÉN
Bamako
GUINÉE
Léré
NIGER
BURKINA
FASO
500 km
MALI
Population
16,4 millions d’hab.
PIB par habitant
490 euros
Croissance du PIB
– 1,2 %
Espérance de vie
51,9 ans
Pauvreté
50,4 %
(% de la population vivant
avec moins de 1,25 $ par jour)
182e sur 186 pays sur l’indicateur
de développement humain
AFP
Sources : Pnud, OCDE, FMI - estimations 2012
IBRAHIM
BOUBACAR KEÏTA
A 68 ans, «IBK» fait figure
de favori. Premier ministre
entre 1994 et 2000, et prési­
dent de l’Assemblée natio­
nale de 2002 à 2007, le
candidat du Rassemblement
pour le Mali (RPM) se pré­
sente pour la troisième fois,
après 2002 et 2007.
Un Malien peint aux
couleurs du candidat
Soumaïla Cissé, lors d’un
meeting à Bamako.
L’ESSENTIEL
LE CONTEXTE
Le Mali vote, dimanche,
pour élire un nouveau
président.
L’ENJEU
Cette élection
sera­t­elle crédible,
dans un pays pauvre,
dévasté et à peine
sorti de la guerre ?
tenue. Aux yeux de la communauté internationale, il est
urgent de sortir, si possible
en douceur, du vide politique
à Bamako. Ancien numéro 1
de l’Assemblée nationale,
Dioncounda Traoré avait été
nommé président par intérim à la suite du coup d’Etat
militaire mené en mars 2012
par des sous-officiers contre
Amadou Toumani Touré. Depuis, le gouvernement provisoire vit sous la menace du
toujours influent capitaine
Amadou Sanogo, le chef des
ex-putschistes. L’élection est
également un préalable pour
enclencher le processus de
réconciliation avec les Touaregs (lire ci-contre) et entamer la reconstruction du
pays, avec l’aide des bailleurs
de fonds. A Bruxelles, en
mai, plus de 3 milliards
d’euros d’aide ont été promis, mais à condition que les
Maliens disposent de dirigeants légitimes : pas question de déverser une pluie
d’euros sans un minimum de
garanties.
Pour Paris, qui veut à tout
prix éviter l’enlisement dans
son ex-colonie, le scrutin
doit aussi permettre de réduire les effectifs de l’opération Serval. Si tout va bien,
un millier d’hommes demeureront sur place fin 2013
pour épauler la force de
l’ONU et poursuivre la recherche des otages français.
27 candidats, dont une
femme, se présentent donc
ce dimanche devant les électeurs. Parmi eux, deux
prétendants Suite page 4
AFP
PHOTO JOE PENNEY.REUTERS
SOUMAÏLA CISSÉ
Originaire de Tombouctou, le
chef de file de l’Union pour
la République et la démocra­
tie (URD) est l’un des princi­
paux opposants à «IBK» dans
la course à la présidence.
Longtemps ministre des
Finances, il a dirigé l’Union
économique et monétaire
ouest­africaine entre 2004
et 2011.
•
SUR LIBÉ.FR
Carte animée «Trois
minutes pour compren­
dre les enjeux de
l’élection». Route de la
drogue, contingents
militaires, velléités indé­
pendantistes… Thomas
Hofnung nous explique
en images le contexte
de l’élection.
3
Attaqué début 2012 par les rebelles touaregs,
puis par les islamistes, la petite ville malienne
peine à retrouver un semblant de paix.
Dans le nord du pays,
Léré «en a marre
de pardonner»
A
ssis dans sa vaste concession de bétail continuent et on vient me parler de
cernée de murs lézardés, un verre paix !» s’étrangle ensuite un Peul. Apde lait de vache frais à la main, plaudissements.
Cheickna Dicko parle de sa commune de «La réconciliation est beaucoup plus diffiLéré, dans le nord du Mali, comme d’un cile à Léré que dans d’autres localités. Ici,
trésor disparu. Il y avait, dit-il, des rumi- des gens de la ville ont retourné leurs armes
nants par milliers dans les deux parcs à contre les autres», explique Idrissa Coulibestiaux et les rues du marché débor- baly, préfet de Niafunké. Avant sa prise
daient de gens et de denrées.
de fonctions, ce Bambara de
C’était avant l’attaque de Léré
REPORTAGE Ségou ne connaissait pas le
par les Touaregs du MouveNord. Cheikna Dicko veut
ment national pour la libération de aussi convaincre de la nécessité économil’Azawad (MNLA) dans les premiers jours que du retour des Touaregs à Léré, carrede la rébellion, en janvier 2012. Les rebel- four culturel et commercial entre le Nord
les touaregs furent les fourriers de grou- et le Sud. «Les Arabes commercent, les sépes jihadistes déterminés à imposer leur dentaires cultivent et les Touaregs
ordre fondé sur la charia.
conduisent les troupeaux. Chacun est déLe maire culpabilise presque de son exil pendant de l’autre», explique-t-il.
d’une année à Bamako. «Où pouvais-je Insignifiant. Les habitants ne peuvent
être le plus utile? A Léré, où il n’y avait rien même pas suivre la campagne à la téléet où je risquais ma vie? Ou à Bamako, pour vision. Et aucun des 27 candidats ne s’est
tenter de démarcher des soutiens?» s’inter- lancé dans la course électorale depuis
roge ce frêle Arabe au crâne lisse et à la l’une des trois régions du Nord. Bien que
moustache soigneusement taillée. En son déterminantes pour l’avenir du pays, leur
absence, sa maison en terre a bien failli y poids électoral est de fait insignifiant :
passer. «Un jour, ils sont entrés et ont laissé 200000 électeurs potentiels, contre plus
le robinet d’eau ouvert dans la cour. Ils ont de 6 millions pour le reste du pays.
dit qu’ils voulaient inonder le sol
pour que mon habitation s’effon- Six mois après l’intervention
dre», raconte-t-il.
française, on ne sait plus trop si Léré
Six mois après l’intervention
française, on ne sait plus trop si est libéré ou abandonné. L’école
Léré est libéré ou abandonné. est fermée, la sous-préfecture
L’école est fermée faute d’ensei- dévastée, l’électricité inexistante.
gnants, la sous-préfecture dévastée, l’électricité inexistante. Le centre Dans un pays où la culture du pardon ende santé démuni accueille sur des lits dé- terre souvent les difficultés du présent
foncés quelques malades venus de la pour mieux semer celles de demain, les
brousse environnante, allongés sur des candidats parcourent le Mali tout sourire
charrettes tirées par des ânes.
en répétant à l’envi le mot «réconcilia«Sans défense». Mais ces chantiers ne tion». Mais, dans les programmes, il est
sont rien à côté de ce qui se joue ce matin peu question de jugements pour les cridevant la mairie, sous un simple toit en mes de guerre. «La justice va être difficile
tôle soutenu par des piliers en béton tou- à mettre en place. Mais on ne peut pas dire
jours peints aux couleurs du drapeau de ça dans le contexte actuel», explique un
l’Azawad. Une vingtaine de représentants officiel. Les habitants de Léré n’attendent
des communautés arabes, songhais, peuls rien de la Commission dialogue et réconet bambaras écoutent le préfet Cheikna ciliation investie en avril. Ils pensent que
Dicko et le commandant de brigade de c’est à eux, et seulement à eux, de s’asNiafunké leur demander «de pardonner seoir autour d’une table pour discuter de
aux Touaregs». Membres du MNLA ou ces questions et non à des Bamakois respaisibles habitants, aucun Touareg n’a tés «au chaud» en 2012.
quitté le camp de réfugiés mauritanien de Malgré les violences subies par les habiMbera pour regagner Léré. A la place des tants noirs de Kidal (nord) puis l’enlèverires et des pleurs d’enfants, des dizaines ment d’agents électoraux dans la région,
de cours vides recouvertes d’excréments le président Dioncounda Traoré a accueilli
d’ânes et de moutons hantent la mémoire dans la capitale malienne les responsables
des présents. Le préfet Cheikna Dicko se des groupes armés touaregs pour rompre
lève et tend la main devant l’assemblée: le jeûne du ramadan dans une ambiance
«Cette main a été créée par Dieu. Les doigts cordiale. Le conseiller de mairie Dioro
n’ont pas la même forme ni la même lon- Traoré est écœuré: «Le Malien a l’habitude
gueur, mais c’est une même main.» Mais, de pardonner. On a même déjà pardonné des
au Mali, les références religieuses ont choses impardonnables. Mais trop c’est
leurs limites pour convaincre une popu- trop, on en a marre de pardonner. Il faut que
lation encore sous le choc. «Des enfants l’Etat les désarme sinon on trouvera nous
nés devant toi qui te malmènent, c’est pas aussi des armes et on se vengera.»
facile à pardonner», grogne un vieux noEnvoyé spécial à Léré (Mali)
table. «Moi je suis là sans défense, les vols
FABIEN OFFNER
4
•
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
EVENEMENT
qui, sauf
énorme surprise, devraient
se détacher pour le second
tour du 11 août: l’ex-Premier
ministre Ibrahim Boubacar
Keïta (dit «IBK»), 68 ans, et
Soumaïla Cissé, un ex-ministre des Finances, 63 ans.
Suite de la page 3
RENARD. Très populaire à
Bamako, le premier s’est
présenté comme le De Gaulle
malien, déterminé à redonner honneur et dignité à un
peuple meurtri. Vieux renard
de la scène politique, il a obtenu le soutien de l’influent
Haut Conseil islamique (HCI)
mais aussi, dit-on, du capitaine Sanogo. A la fois autoritaire et débonnaire, il reste
ambigu sur son programme,
pariant sur la volonté des
Maliens de s’en remettre à
un homme expérimenté et
rassurant, une sorte de père
– un peu fouettard – de la
nation.
Avec ses allures de technocrate décontracté, Soumaïla
Cissé incarne un Mali plus
progressiste. A la manière
d’un Alassane Ouattara en
Côte-d’Ivoire, il a axé sa
campagne sur la modernisation et la création d’emplois.
«Alors qu’IBK veut rassurer un
pays traumatisé, Cissé est
tourné vers le futur, résume
une source diplomatique. Il
est peut-être un peu en avance
sur son temps.» Crédité de
20% des intentions de vote
dans des enquêtes plus ou
moins fiables, Cissé accuse
près de 20 points de retard
sur son aîné. Il n’en croit pas
moins en ses chances, ayant
négocié un accord de désistement avec nombre de concurrents pour le second tour.
Un front «Tout sauf IBK» est
en place. Tiendra-t-il ? «Si
IBK se détache nettement, il va
se lézarder, des ralliements
vont se produire», pronostique un observateur étranger.
Cissé le pressent-il? Dans la
dernière ligne droite d’une
campagne plutôt paisible, il
a évoqué des soupçons de
fraude. En quelques semaines, il a fallu distribuer des
millions de cartes d’identité
fabriquées en France, y compris aux 500000 déplacés et
réfugiés. Selon les autorités,
plus de 80% d’entre elles ont
été retirées par les électeurs.
Toutefois, on apprenait récemment qu’un million de
cartes vierges étaient stockées en France, officiellement pour prévenir de possibles défaillances. «Il faudrait
être un génie pour les récupérer et les falsifier», ironisait
hier le chef des observateurs
de l’UE.
INTRIGUES. Cette affaire est
en tout cas révélatrice d’une
tension à la veille du scrutin.
Les optimistes y verront le
signe que la bataille s’est déjà
déplacée sur le terrain politique. D’autres que les intrigues risquent de prendre le
pas sur les vraies urgences :
reconstruction d’une armée
en lambeaux, lutte contre la
corruption et un narcotrafic
envahissant, et réconciliation
avec les Touaregs. Autant de
défis pour le futur président,
qui aura besoin d’une forte
légitimité pour les mener à
bien. A cet égard, le taux de
participation sera scruté avec
attention. En 2007, il avait
tout juste dépassé 36% au
second tour. •
La ville du désert est déchirée par les rivalités de clans et les éternelles rébellions.
Kidal, clé de la question touareg
Des habitants touaregs allument des feux pour protester contre l’entrée des militaires maliens à Kidal, le 5 juillet. PHOTO REUTERS
a ville de Kidal, 50 000 habitants dans le désert, à
1 200 km de Bamako et
300km de piste de Gao, concentre
tous les problèmes du nord du Mali.
Fief des narcotrafiquants, des islamistes et des rebelles touaregs,
cette ville réfractaire a été le dernier
verrou à sauter, en janvier. Alors libérée par les soldats français et
tchadiens, Kidal a longtemps refusé
la présence de l’armée et de l’administration maliennes. Sur le terrain,
la situation reste tendue.
L’accord signé le 18 juin à Ouagadougou, au Burkina Faso, engage les
rebelles touaregs du Mouvement
national de libération de l’Azawad
(MNLA) à rester «cantonnés» pendant l’élection. Or ce sont plutôt les
agents électoraux qui osaient à
L
peine sortir de la mairie, une semaine avant le vote. Si tout va bien,
la ville ira tout de même aux urnes
dimanche, mais dans une paix précaire. Ensuite, le plus dur restera à
faire : sceller de vrais accords de
paix, désarmer les groupes armés et
régler le «problème touareg».
Massacre. La première rébellion de
cette minorité contre l’Etat central,
en 1963, a été réprimée dans le
sang. Massacres et exécutions sommaires de civils se répètent ensuite,
lors des rébellions successives
de 1990 et de 2006. La violence
franchit un cran en janvier 2012,
quand 70 soldats maliens sont exécutés, certains égorgés, lors de l’attaque de leur base d’Aguelhok,
dans la région de Kidal, par les rebelles touaregs et leurs alliés jiha-
distes. Un massacre imputé par
Bamako au MNLA, malgré ses dénégations. Le ressentiment des populations noires du Sud contre les
Touaregs, tous considérés comme
des rebelles ou au moins des complices, s’exacerbe.
Avec les «Maures» – les populations arabes du Nord –, ils représentent 10% des 16 millions de Maliens selon le recensement de 2009.
Des chiffres sur lesquels personne
n’est d’accord… A prendre avec des
pincettes, donc, dans la mesure où
seulement 3,5% des Maliens parleraient la langue des Touaregs, selon
le World Fact Book de la CIA. Par
ailleurs, bien des Touaregs ne se reconnaissent pas dans la rébellion et
son projet d’indépendance. «Les
voyous du MNLA crient partout qu’ils
sont brimés, mais quand ils canardent un militaire, c’est nous qu’on
vient massacrer», dénonce Mohamed ag Hamani, le seul Premier
ministre touareg qu’ait connu le
Mali, de 2002 à 2004. De son côté,
Tiébilé Dramé, l’homme politique
qui a servi de médiateur avec les
groupes du Nord-Mali pour permettre aux élections de se tenir à
Kidal, a retiré sa candidature à la
présidentielle pour ne pas cautionner un vote qui sera, selon lui, imparfait. Il explique aussi qu’il faudra tenir compte de «toutes les
nuances de la communauté touareg»
pour l’après-crise.
Ces nuances, justement, compliquent beaucoup la donne. Car l’une
des clés du problème touareg tient
à des querelles de pouvoir internes,
dans une société divisée horizontalement par castes et verticalement
en clans géographiques. A Kidal,
144 factions touaregs coexistent,
notent les chercheurs Mohamed ag
Erless et Djibril Koné (le Patriote et
le Jihadiste, l’Harmattan, 2012). Les
aristocrates du clan des Ifoghas dominent, mais sont minoritaires en
nombre face à leurs vassaux, les
Imghads, à la fois éleveurs et combattants. Enfin, la famille Intalla,
dirigée par un chef religieux respecté et ses trois fils (l’un député,
l’autre ex-numéro 2 du groupe islamiste Ansar ed-Dine, le troisième
dans le MNLA), régente tout à Kidal.
Elle a été l’une des premières à entrer en contact avec le colonisateur
français, et s’est imposée à la tête
des Ifoghas comme intermédiaire
avec l’administration, d’abord coloniale puis malienne.
«Revanche». Iyad ag Ghali, le chef
du groupe armé et islamiste Ansar
ed-Dine, appartient de son côté à
un sous-groupe de la même faction.
Il tient son ascendant sur Kidal du
fait qu’il a dirigé la rébellion de
1990. Il a cherché à reprendre en
mains le MNLA en janvier 2012,
mais il en a été empêché par des
éléments laïcs et marxistes du mouvement, opposés à ses penchants
salafistes. «Il a formé Ansar ed-Dine
pour prendre une revanche en s’alliant
avec Al-Qaeda au Maghreb islamique
[Aqmi] et faire sortir le MNLA du
Nord-Mali», explique Mohamed ag
Ossade, patron du centre culturel
touareg Tumast, à Bamako. Sa conclusion: «Même l’autonomie économique n’est pas possible. Si on la leur
donne, les Touaregs vont très vite se
casser la figure entre eux, car chacun
est chef !» Aucune crise ne s’est
vraiment cicatrisée, estime pour sa
part l’ancien Premier ministre Mohamed Ag Hamani: «On doit revenir
dans le détail sur les cycles de rébellion et de répression. Il faut faire le
grand déballage, entendre les coupables s’excuser. Alors, seulement, un
Mali nouveau pourra démarrer.»
C’est tout l’enjeu de l’après-élection, avec un quinquennat qui est
censé déboucher sur la paix.
Envoyée spéciale à Bamako
SABINE CESSOU
•
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
5
À NOS LECTEURS
«Libération» animé par le défi de l’inédit
Par FABRICE ROUSSELOT
Directeur de la rédaction
penser nos bons résultats.
L’an dernier, année électorale, nous avons remporté le
ibération n’est pas un prix du meilleur quotidien et
journal comme les le Grand Prix des médias CB
autres. Ceux qui le News 2012. Désormais, Libé
lisent nous le disent. doit faire face à un nouveau
Souvent, ils le dévorent avec défi. Après la période faste
passion et intérêt. Quelque- de la présidentielle, la
fois, ils s’irritent et le délais- presse traverse une période
sent pour quelque temps. délicate, avec des ventes
Mais finissent toujours, à un orientées à la baisse. Une
moment ou à un autre, par y tendance qui ne nous a malrevenir ou par le redécou- heureusement pas épargnés.
vrir. Pour ceux qui le font, Mais, encore une fois, toute
c’est une éternelle aventure l’équipe a su se mobiliser.
au quotidien, un sentiment Dès l’hiver dernier, nous
d’appartenance à un titre qui avons organisé des ateliers
est bien plus qu’une simple de réflexion à tous les étages
entreprise de presse.
du journal, afin de mieux réNous fêtons cette année nos fléchir à l’avenir et à la
40 ans et nous pouvons nous presse de demain.
féliciter – en gardant le sens C’est cet état d’esprit qui
de l’humilité- d’avoir su res- nous anime aujourd’hui.
ter cette voix singulière au Profiter de notre quaransein de la presse française et tième anniversaire pour eninternationale. Mais, comme tamer une vaste relance et
les autres, Libé a aussi dû ap- un magistral redéploiement.
prendre à évoluer au milieu Avec un objectif: celui de ded’un paysage médiatique de venir un média moderne et
totalement
multisupLe 14 septembre, nous lançons
ports, qui
un «grand Libé du week-end»
peut se déde 64 pages, qui vous présentera cliner aussi
quatre univers bien distincts
bien sur le
papier que
avec des rythmes de lecture
sur les tédifférents.
léphones
plus en plus compliqué, qui a mobiles, les ordinateurs ou
vu ses repères bouleversés les tablettes. L’ère du bimépar l’avènement d’Internet dia n’est plus d’actualité,
et de ses nouveaux usages. La c’est celle du tout-média qui
situation n’est plus tout à fait s’affirme.
nouvelle, puisque nous avons Ces changements ont déjà
lancé notre site web commencé. Avec un cahier
en 1995… il y a près de d’été new-look, qui a fait de
vingt ans déjà. Mais voilà, la l’uchronie son outil de prédipresse a mis du temps à lection pour réinventer l’hisprendre la mesure de cette toire et les années Libé. Nous
révolution, comme ce fut le avons aussi célébré notre
cas dans l’industrie de la numéro 10000 avec un festimusique ou du cinéma. val de unes à découvrir sur
Pourtant, Libération n’a ja- quarante pages. Pour sepmais cédé aux sirènes alar- tembre, ce sont deux rendezmistes et pessimistes de ceux vous que nous vous fixons. Le
qui ont maintes fois annoncé 9 septembre, notre site web
la fin du papier –ou même de change de peau, pour mieux
notre journal.
coller à l’identité Libération et
Fidéliser. En 2009, nous vous proposer de nouveaux
avons lancé une nouvelle contenus, de nouvelles ruformule et un nouveau site, briques, de nouveaux espaafin de répondre aux atten- ces. Le 14 septembre, nous
tes. Des offres de plus en plus lançons un numéro du weekdifférenciées, avec l’inten- end totalement inédit. Un
tion de produire des articles «grand Libé du week-end»
plus longs et plus fournis de 64 pages, qui vous prédans le quotidien papier. Le sentera quatre univers bien
projet s’est mué en succès, distincts, avec des rythmes
puisque Libé est devenu l’un de lecture différents. Parallèdes rares journaux au monde lement, le quotidien aura
à voir sa diffusion progres- droit à un retoilettage, dans
ser, tandis que son site con- le but de montrer des choix
tinuait à fidéliser de plus en plus marqués.
plus d’internautes. En 2011, Nous travaillons aussi à l’élanous avons obtenu une étoile boration d’un huit pages nud’or à l’OJD, venue récom- mérique pour 18 heures ou
L
encore à la réalisation d’un occasionnels. Enfin, nous ne
best-of numérique de fin de cesserons de multiplier les
semaine, qui vous offrira une forums, ces débats que nous
sélection des articles de Libé- organisons dans toute la
ration. Nous publierons des France mais aussi à l’étranebooks, que vous pourrez ger, points de rencontre enpour certains réaliser vous- tre vous, lecteurs, et les acmêmes. Nous développerons teurs politiques, sociaux,
Next, notre mensuel «life- culturels et économiques.
style» qui s’affirme chaque Points d’ancrage aussi pour
année un peu plus. Nous al- Libération, dans son dialogue
lons initier des numéros spé- ininterrompu avec la société
ciaux et des hors-série, en ne civile.
nous privant pas du plaisir De plain­pied. Tout cela ne
d’avoir de nombreux invités serait rien sans la volonté
comme
rédacteurs en chef 164x219_Mise
réaffirmée de
garder
BATI NANTES_LIBERATION
en page
1 juste17/07/13
ment notre voix singulière et
nos valeurs. Des valeurs de
gauche, d’humanisme,
d’équité, qui refusent l’exclusion et la discrimination
quelles qu’elles soient. Mais
nous voulons aller plus loin:
innover, créer, surprendre,
participer de plain-pied à la
vie citoyenne d’un pays qui
doit se sortir du marasme.
Sans dogmatisme et sans
peur. Avec le regard tourné
vers le futur et la jeunesse.
L’exigence, pour nous, reste
la
même.
Celle de la qualité
16:06
Page1
d’un journalisme que nous
n’avons jamais dévoyé.
Une qualité qui coûte cher, il
faut le rappeler, et qui doit se
démarquer du flux d’infos
gratuites auquel tout un chacun est soumis tous les jours.
L’actualité aujourd’hui n’a
plus le même sens qu’il y a
quelques années. A Libération, nous nous engageons à
la décrypter, l’analyser, la
mettre en perspective. Plus
encore peut-être, nous la faisons nôtre. Avec la même envie, toujours renouvelée. •
6
•
MONDE
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
L’armée
égyptienne
toujours
àl’offensive
Forts du soutien populaire exprimé
vendredi dans les rues, les militaires
haussent le ton avec les islamistes.
Par MARWAN CHAHINE
Correspondant au Caire
50 partisans de Morsi ont péri sous les balles
des soldats de la garde républicaine. L’ancien raïs, dont on est sans nouvelles depuis
es centaines de milliers de per- son éviction, le 3 juillet, et qui serait mainsonnes ont répondu vendredi à tenu dans un lieu secret, a été officiellement
l’appel du général Abdel Fattah placé en détention préventive vendredi, acal-Sissi dans toute l’Egypte, cusé de complicité avec le Hamas dans des
scandant des slogans à la gloire de l’armée attaques contre la police en 2011.
et arborant des drapeaux rouge-blanc-noir Comment interpréter ce second coup de seou des portraits du ministre de la Défense. monce de l’armée? On peut y voir une simDeux jours plus tôt, celui-ci avait solennel- ple tentative d’intimidation destinée à raslement appelé le peuple égyptien à descen- surer la population, irritée par l’instabilité
dre dans la rue afin de lui donner «un man- ambiante. Sauf que cela fait plusieurs sedat pour en finir avec la violence et le maines que l’état-major hausse le ton, sans
terrorisme». Ces rassemblements,
effet sur la détermination des promoins impressionnants que ceux
ANALYSE Morsi. Cela semble même ressoudu 30 juin, ont néanmoins permis
der le camp islamiste et le renforaux militaires d’asseoir leur popularité. cer dans sa conviction qu’il s’agit d’un coup
Sans pour autant gagner le bras de fer de la d’Etat militaire. La confrérie accuse Al-Sissi
légitimité: les partisans du président déchu, de vouloir mener le pays vers «une guerre
Mohamed Morsi, étaient aussi très nom- civile». Malgré les démentis de plusieurs
breux à réclamer son retour. Des heurts ont responsables militaires, d’aucuns craignent
éclaté dans plusieurs villes, et un bilan pro- que la sortie du ministre de la Défense anvisoire fait état de deux morts à Alexandrie nonce un recours imminent à la force, qui
–et une vingtaine de blessés–, qui viennent pourrait prendre la forme d’une évacuation
s’ajouter aux 200 morts de ces trois derniè- brutale des camps des pro-Morsi à Medinet
res semaines, survenues dans des affronte- Nasr et à Giza, d’une intensification de la
ments entre pro et anti-Morsi ou lors d’at- répression ou d’une opération d’envergure
taques dans le Sinaï.
dans le Sinaï. Les plus inquiets redoutent
même un retour à l’état d’urgence, dont la
SEMONCE. Jusque-là en retrait dans le pro- Constitution provisoire fixe la durée limite
cessus politique, l’armée a montré qu’elle à trois mois, renouvelable par référendum.
était bien décidée à revenir sur l’avant- De nombreux Egyptiens soutiennent ces
scène, pour mettre fin au désordre et en- solutions radicales, entretenus dans leurs
foncer un peu plus sa casquette de sauveur aspirations belliqueuses par des médias qui
de la nation. Jeudi, elle a posé un ultimatum n’ont de cesse de diaboliser les islamistes et
de quarante-huit heures aux forces islamis- de faire vibrer la corde nationaliste.
tes, les enjoignant à renoncer à la violence Mais, même s’ils parviennent à rétablir proet à sceller la réconciliation nationale avant visoirement un semblant d’ordre, les milice samedi après-midi, sans quoi, assurent taires ont aussi beaucoup à perdre s’ils font
les militaires, ils «changeront leur stratégie». usage de la violence. En effet, la commuDes menaces à peine voilées qui intervien- nauté internationale, déjà sceptique sur le
nent après trois semaines d’une répression rôle de l’armée dans la transition politique,
brutale à l’encontre des islamistes, entre ar- pourrait se braquer un peu plus. Mercredi,
restations des leaders et fermeture des les Etats-Unis ont suspendu la livraison de
chaînes de télévision. Le 8 juillet, plus de quatre avions F16, «en raison du contexte po-
D
Lors du rassemblement à l’appel du général Al­Sissi, vendredi, au Caire. NARIMAN EL­MOFTY. AP
litique», et jeudi, c’est le secrétaire général
de l’ONU, Ban Ki-moon, qui a fait part de
son inquiétude et réclamé la libération de
Morsi et d’autres responsables de la confrérie. En cas de durcissement de sa ligne, l’armée pourrait également s’aliéner une partie
des forces politiques qui ont soutenu la destitution du président Morsi et, en conséquence, fragiliser la coalition au pouvoir.
PARI. Les salafistes d’Al-Nour et plusieurs
groupes révolutionnaires, dont le Mouvement du 6 Avril, ont refusé de prendre part
aux manifestations de vendredi qui, selon
eux, polarisent le pays et menacent le caractère démocratique de la transition. Une
marche pour refuser l’alternative «Frères
ou armée» a en outre réuni des milliers de
personnes au Caire. Mais le Front de salut
national, qui rassemble des partis libéraux
et de gauche, ainsi que le mouvement Tamarod, qui a organisé la mobilisation du
30 juin, soutient pour l’heure les militaires.
Le pari est donc risqué pour l’armée, et en
son sein, beaucoup doivent garder en mémoire la contestation à laquelle avait dû
faire face le Conseil suprême des forces armées lors de la transition politique de
l’après-Moubarak. En embrasant ainsi la
situation, le général Al-Sissi pourrait vite
se retrouver dans le rôle du pompier pyromane, prisonnier des incendies par luimême allumés. •
REPÈRES
«Le dernier discours du chef
du coup d’Etat montre qu’il est
le dirigeant de fait du pays,
et que tous ceux qui l’entourent
sont des comparses.»
Le guide des Frères musulmans vendredi
200
personnes au moins ont été tuées dans
les violences liées aux troubles politiques
depuis un mois en Egypte. Parmi elles,
une quarantaine ont trouvé la mort dans
les attaques qui frappent la région du Sinaï.
WASHINGTON FAIT PROFIL BAS
Les Etats­Unis ne se prononceront pas sur la
question du coup d’Etat, évitant ainsi d’avoir
à suspendre leur aide, a indiqué vendredi un
responsable américain. «La loi ne stipule pas
que nous devons déterminer formellement s’il
y a coup d’Etat. Effectuer une telle détermi­
nation n’est pas dans notre intérêt national.»
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
MONDE
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Le salafiste El-Hakim serait impliqué dans le meurtre
du député laïc, tué par la même arme que Chokri Belaïd.
A Tunis, un Français
derrière la mort de Brahmi
es proches de Mohamed Brahmi, le dé- établi son implication directe dans l’assassiputé d’opposition assassiné jeudi, nat de Belaïd grâce à des aveux obtenus lors
avaient trouvé leur coupable : le parti de l’arrestation d’un autre homme. Elles ont
islamiste Ennahda, au pouvoir en Tunisie. identifié 14 salafistes suspectés d’être impliNotamment parce que l’homme politique de qués dans l’assassinat de Belaïd, dont huit se58 ans, membre de l’Assemblée nationale raient impliqués dans celui de Brahmi.
constituante et fondateur du Courant popu- Quelques jours avant la mort de Brahmi, Ellaire, était l’un de ses plus farouches oppo- Hakim a échappé à la police qui a donné l’assants. Alors que vendredi une grève générale saut à son domicile. Selon le directeur de la
et une manifestation étaient organisées pour sûreté publique, Mustapha Taieb ben Amor,
réclamer la chute du gouvernement, celui-ci «il a pris la fuite, abandonnant ses effets permenait la riposte, livrant sa version des faits. sonnels et des armes. Des armes à feu, deux
Selon les autorités, c’est un salafiste
qui a assassiné cet homme de Boubakeur el-Hakim a été condamné
gauche.
en 2004 à Paris à sept ans de prison
«Les premiers éléments de l’enquête
ont montré l’implication de Boubakeur pour «association de malfaiteurs
el-Hakim, un élément salafiste radi- en relation avec une entreprise
cal», a affirmé lors d’une conférence terroriste». Il a été libéré en 2011.
de presse le ministre de l’Intérieur,
Lofti ben Jeddou, ancien juge de Gafsa (cen- bombes artisanales, des munitions et un revolver
tre-ouest) considéré comme apolitique et et des armes blanches ont été saisis». Sur la
nommé après le remaniement qui a suivi l’as- photo en noir et blanc divulguée par les autosassinat d’un autre opposant, Chokri Belaïd, rités, l’homme porte une barbe fournie.
le 6 février. Selon les résultats de l’enquête «Profil». El-Hakim est «un élément terroriste
balistique, c’est la même arme, un pistolet parmi les plus dangereux, objet de recherches
semi-automatique 9 mm, qui a servi à tuer au niveau international», a affirmé le ministre
Belaïd et Brahmi, selon le même mode opéra- de l’Intérieur. Selon une source française
toire. D’après l’autopsie, le député est mort chargée de la lutte antiterroriste, «il est très
d’une hémorragie interne due à quatorze bal- probable que ce Boubakeur el-Hakim soit notre
les, dont neuf reçues dans le côté inférieur Boubakeur el-Hakim, mais ce n’est pas certain
gauche. Il a été tué jeudi par deux hommes à 100%. En tout cas, le Français Boubakeur elen scooter devant son domicile, dans la ban- Hakim, né à Paris en août 1983, a ce profil».
lieue nord de Tunis, alors qu’il montait dans Issu d’une petite cité tranquille du bassin de
sa voiture.
la Villette, dans le XIXe arrondissement de
«Fuite». Le coupable présumé, Boubakeur Paris, il avait rejoint la Syrie en 2000 «pour
el-Hakim, 30 ans, était déjà recherché par la étudier dans une école coranique», si l’on en
police pour un trafic d’armes avec la Libye. croit sa sœur. Puis l’Irak, là aussi pour «porLes autorités tunisiennes auraient ensuite ter secours, pas pour combattre». Renvoyé en
France par les autorités, il se marie, travaille
sur les marchés. Et repart au printemps 2004,
avant l’accouchement de sa femme. Il est intercepté en partance pour la nouvelle terre
de jihad, l’Irak. Le 17 juillet 2004, son frère
Redouane, 19 ans, est tué au combat à Fallouja. En détention en Syrie l’été 2004, Boubakeur est rapatrié à Paris, puis condamné
à sept ans de prison pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», en l’occurrence «les filières irakiennes» du XIXe arrondissement. Il a été libéré
en janvier 2011.
Sur les quatorze hommes identifiés par les
autorités, quatre ont été arrêtés et deux remis
en liberté. «Certains pays n’ont pas encore pu
résoudre l’énigme de certains assassinats politiques, comme celui de Kennedy ou de Hariri au
Liban, s’est flatté Ben Jeddou. Dans notre affaire, on a pu donner l’identité des auteurs de
l’assassinat du martyr Chokri Belaïd avec des
preuves solides, dont personne ne peut douter.»
A Nidaa Tounes, l’une des principales formations de l’opposition, on n’est «pas convaincu» par ces nouveaux éléments : «Si on
connaît les commanditaires, l’identité des assassins, pourquoi on n’a rien fait pendant six
mois? On attendait un troisième assassinat?»
s’interroge Taieb Baccouche, le secrétaire général, joint par Libération. Mohamed Brahmi
doit être enterré samedi à Tunis, dans le
même cimetière que celui où repose Chokri
Belaïd.
L
Une manifestation antigouvernementale, vendredi à Tunis, après le meurtre de l’opposant Mohamed Brahmi jeudi. PHOTO FETHI BELAID. AFP
Envoyée spéciale à Tunis ISABELLE HANNE
avec PATRICIA TOURANCHEAU
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LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
MONDEXPRESSO
«Je pense que mon fils, quand son heure
sera venue, que ce soit aujourd’hui ou dans
cent ans, sera […] en paix avec lui-même.
Il a fait ce qu’il pensait être juste. Il a
partagé la vérité avec le peuple américain.»
Lon Snowden père d’Edward Snowden, défendant vendredi
sur la chaîne américaine NBC son fils qui a révélé l’ampleur
des écoutes américaines du système Prism
VU DE BERLIN
Par NATHALIE VERSIEUX
Le rappeur germanotunisien Bushido se met
les politiques à dos
l fait tache dans la scène
malgré tout plutôt bien
pensante du rap allemand. Bushido, 34 ans, de
son vrai nom Anis Mohamed
Youssef Ferchichi, vient de
sortir un morceau qui fait
scandale. Dans Stress ohne
Grund («stress sans raison»), Bushido s’en prend
notamment à la politicienne
verte Claudia Roth, au libéral
Serkan Tören et au maire social-démocrate de Berlin,
Klaus Wowereit. Il a toujours
cultivé ses allures de mauvais garçon du rap. Mais,
cette fois, il est sans doute
allé trop loin, souhaitant la
mort de Claudia Roth, dont
le corps sera «percé de trous
comme un terrain de golf»,
tandis que Klaus Wowereit
est attaqué sur son homosexualité.
I
La sortie de Stress ohne Grund
mi-juillet a provoqué un vif
débat en Allemagne autour
de la liberté artistique. Pour
Claudia Roth, Bushido défend des «positions d’extrême
droite». Le rappeur se défend
d’incitation à la haine.
«Claudia Roth a le droit de
m’insulter en me traitant régulièrement d’homophobe, de
sexiste, de raciste, d’antisémite… Ma façon de répondre,
c’est ma musique», se défend
le rappeur, dont l’album a
été mis à l’index –procédure
extrêmement rare en Allemagne – au nom de la protection des mineurs: les textes incriminés ne sont plus
– en théorie – accessibles
PAKISTAN Un double attentat
à la bombe a fait au moins
41 morts et près de 150 blessés vendredi, dans un marché très fréquenté de Parachinar (nord-ouest).
ITALIE La police a mené vendredi deux vastes opérations
antimafia à Rome et en Calabre, visant une centaine de
personnes, dont des entre-
qu’aux adultes. Le clip du
CD, cliqué 340 000 fois en
quelques jours sur le Net, est
régulièrement rayé de YouTube… Avec Stress ohne
Grund, Bushido est définitivement devenu infréquentable, poussant nombre
de politiciens et de personnalités du show-biz à lui
tourner le dos.
En 2010, le rappeur avait été
sacré «homme de l’année»
par le magazine masculin
GQ; un an plus tard, il recevait de l’éditeur Burda Verlag
le prix de l’intégration, une
distinction récompensant les
personnes travaillant à l’intégration des étrangers. La
carrière du rappeur était
alors à bien des égards
exemplaires. Le mauvais
garçon des quartiers populaires de la capitale a même
vu sa biographie portée sur
grand écran. A l’époque, le
très conservateur ministreprésident de Bavière, Horst
Seehofer, n’hésitait pas à
poser au côté du jeune
homme germano-tunisien,
élevé à Berlin par sa mère allemande. En 2012, un député
CDU lui ouvrait même la
porte du Bundestag, où
Bushido a suivi plusieurs semaines de stage. La chute du
rappeur, sous le coup d’une
plainte du maire de Berlin et
accusé de fréquenter la mafia
libanaise de la capitale, en
dit long sur les difficultés
d’intégration des jeunes
issus de l’immigration en
Allemagne. •
preneurs, des avocats et un
sénateur.
ARGENTINE Deux militaires
condamnés pour crimes
contre l’humanité perpétrés
sous la dictature (1976-1983)
se sont évadés jeudi d’un
hôpital militaire de Buenos
Aires où ils avaient été admis
après leur récente condamnation à 25 ans de prison.
RETOUR SUR LA CONDAMNATION DE LA JEUNE RUSSE À DEUX ANS DE CAMP
A Pussy Riot: Tolokonnikova reste en prison
La justice russe a refusé vendredi la
libération anticipée de Nadejda
Tolokonnikova, l’une des Pussy Riot
qui a refusé de plaider coupable, après
avoir débouté sa camarade qui purge
comme elle deux ans de camp pour
une «prière punk» contre Vladimir
Poutine. «Je ne reconnais pas ma
culpabilité et ne la reconnaîtrai pas.
J’estime que ce n’est pas une erreur,
comme l’affirme l’administration du
camp, mais une force, car j’ai des principes et je vais les défendre», a lancé
Nadejda Tolokonnikova depuis la cage
réservée dans les tribunaux russes aux
personnes jugées. Elle a déclaré recevoir «des milliers de lettres» de soutien
dans le camp de détention pour femmes où elle purge sa peine, et elle s’est
aussi félicitée devant la cour de la mo-
bilisation de milliers de manifestants
la semaine dernière pour protester
contre la condamnation de l’opposant
Alexeï Navalny à cinq ans de prison.
«Je me félicite qu’il y ait en Russie de
plus en plus de gens qui sacrifient leur
confort personnel pour protester contre
l’injustice», a précisé la jeune femme,
qui restera donc dans son camp de
Mordovie.
Espagne:«J’aimerdé,
jeveuxmourir»
ACCIDENT Le conducteur serait le principal responsable
de la tragédie. Le système d’alerte serait aussi en cause.
937
chefs d’accusation ont été
retenus contre Ariel Cas­
tro, l’Américain accusé de
viol et séquestration sur
trois femmes pendant une
dizaine d’années dans sa
maison de Cleveland.
Après un accord passé
avec l’accusation, il devrait
finalement éviter la peine
de mort et être condamné
à la prison à vie sans possi­
bilité de libération.
L’HISTOIRE
UN «PHILOSOPHE»
ISLAMIQUE TURC
ENGENDRE
LA POLÉMIQUE
Le déraillement a fait au moins 80 morts et 35 blessés graves. PHOTO ELOY ALONSO. REUTERS
ne erreur humaine et
une défaillance technique tout à la fois :
au vu des éléments de l’enquête, c’est aujourd’hui
l’hypothèse la plus probable
permettant d’expliquer l’accident ferroviaire survenu
mercredi soir à 4 km de
Saint-Jacques-de-Compostelle, la pire tragédie qu’a
connue l’Espagne en soixante-dix ans – coûtant la vie à
au moins 80 personnes, sans
oublier 35 blessés graves.
Chevronné. Vendredi, le
conducteur du train, Francisco José Garzón, légèrement blessé et placé en garde
à vue aussitôt après l’accident, a été interrogé par le
juge chargé de l’enquête.
Personne ne comprend comment ce professionnel chevronné de 52 ans, dont douze
comme conducteur, a pu
aborder le virage fatidique à
190 km/h – il l’a lui-même
admis –, alors que la vitesse
y est limitée à 80 km/h.
U
D’autant que Garzón pilote
sur ce Madrid-Ferrol depuis
plus d’un an. «Il a déjà
abordé ce virage une soixantaine de fois», a assuré vendredi la Renfe, les chemins
de fer espagnols.
Selon plusieurs informations
parues dans la presse, tout
accable le conducteur galicien. Coincé dans sa cabine
peu après l’accident, il lâche
au téléphone: «J’espère qu’il
n’y a pas de mort. Je les aurais
sur ma conscience.» Peu
après, en voyant les voies
jonchées de cadavres, il soupire : «J’ai merdé, je veux
mourir.» Selon El País, en
mars 2012, ce «fan de la vitesse» se serait ainsi vanté
sur Facebook: «Je suis à la limite au compteur ; je ne peux
aller au-delà, sinon ils vont me
mettre une amende !»
Outre la possible faute du
conducteur, les mécanismes
de sécurité sont tout autant
dans la ligne de mire des enquêteurs. Jusqu’à une poi-
gnée de kilomètres avant le
virage du drame, l’avancée
du train est régulée par le
système ERTMS, en vigueur
dans le réseau européen de
train rapide, qui bloque
automatiquement les locomotives en cas d’excès de vitesse. Or, le tronçon où s’est
produit l’accident –un tracé
datant de l’époque franquiste – est régi par un système de signalisation moins
sophistiqué, baptisé AFSA. Il
lance une alerte, mais c’est
au conducteur de réagir.
«Point mort». De source
policière, Garzón aurait actionné un frein d’urgence,
mais trop tardivement. A en
croire El Mundo, il n’existe
aucune balise de freinage le
long du virage d’A Grandeira, car il s’agirait «d’un
point mort entre deux systèmes
de signalisation». La réponse
se trouve certainement dans
la boîte noire confiée au juge.
De notre correspondant à
Madrid FRANÇOIS MUSSEAU
Mercredi soir, à l’occasion
de la rupture du jeûne du
ramadan, le philosophe isla­
mique Ömer Tugrul Inançer
s’est attiré les foudres des
réseaux sociaux avec ses
propos sur l’antenne de la
chaîne publique TRT.
«Voir les femmes enceintes
en public n’est pas seule­
ment immoral, mais aussi
laid», a déclaré l’avocat
connu dans les milieux
religieux pour son attache­
ment au mysticisme musul­
man. Depuis, les réactions
hostiles se multiplient en
Turquie et des manifesta­
tions de femmes enceintes
et d’hommes portant un
oreiller sous leur tee­shirt
ont eu lieu dans les
métropoles, notamment
à Istanbul et à Ankara.
«Après sept­huit mois,
les femmes enceintes
devraient sortir avec leur
mari en voiture pour pren­
dre l’air, mais le faire dans
la soirée», a poursuivi le
«penseur» turc, provoquant
l’ire des associations fémi­
nistes. Devant cette levée
de boucliers, la Direction
des affaires religieuses a
tenté d’apaiser les tensions,
affirmant que «l’isolement
des femmes» ne faisait
pas partie de la religion.
FRANCE
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
Au terme d’une
semaine où Manuel
Valls a été
omniprésent, son
collègue chargé de
la Ville s’est rendu
à Trappes vendredi.
Plus discrètement.
•
9
Par LAURE BRETTON
Photo LAURENT TROUDE
D
ans la flotte gouvernementale, il serait plutôt
l’avion furtif. Depuis qu’il
a été nommé ministre délégué à la Ville en mai 2012, François
Lamy a visité 120 des 2500 «quartiers» recensés en
ANALYSE France. La plupart
du temps sans caméra ni journaliste. Comme vendredi matin à Trappes, une semaine
après les «événements» – l’idiome
choisi par les habitants et les élus
pour parler des heurts déclenchés
par le contrôle d’une femme portant un voile intégral.
Lundi, quarante-huit heures après
la manifestation qui a dégénéré en
affrontements devant le commissariat de Trappes, c’est Manuel
Valls, le ministre de l’Intérieur, qui
était sur place. Un aréopage d’objectifs sur ses basques. Effacé de
l’image, Lamy fait mine de le prendre avec philosophie et assure que
tout est bien rangé au gouvernement:«Notre action de politique urbaine est globale. Il y a un temps pour
le ministre de l’Intérieur et un temps
pour le ministre de la Ville. Ce n’est
pas le même.» Comprendre : Valls
en pompier sécuritaire quand les
voitures crament et Lamy en ravaudeur de lien social qui passe
derrière. «J’essaie d’être en complémentarité : le discours sur l’autorité
est important, mais il n’est pas suffisant. Le travail de cohésion sociale ne
peut se réaliser que si la sécurité
existe, mais ce n’est qu’une composante parmi d’autres de la politique
urbaine», martèle ce dernier.
AVALER. La réalité, c’est que si
Lamy signe des conventions à la
pelle avec ses collègues du gouvernement – et présentera son projet
de loi sur «la cohésion et la solidarité
urbaine» vendredi prochain, lors du
dernier Conseil des ministres avant
l’été–, cette action «globale» de la
gauche dans les banlieues peine à
prendre forme. François Hollande,
qui a réalisé ses meilleurs scores
présidentiels dans les quartiers, «a
été happé par la crise, et cette ques-
REPÈRES
Le ministre de la Ville, François Lamy (au centre), à Trappes vendredi, une semaine après le début des heurts.
FrançoisLamy,l’autre
ministredesquartiers
tion des banlieues est restée à la périphérie de son action politique pour
n’être traitée que sous l’angle sécuritaire», concède une ministre. Sous
la droite, aucun habitant ne s’en
étonnait. Avec les socialistes au
pouvoir, c’est plus difficile à avaler.
Selon un sondage Ifop commandé
en mars par Lamy, les habitants des
zones urbaines sensibles (ZUS)
classent certes l’insécurité en tête
des «problèmes les plus importants»
(35%), mais cette préoccupation
arrive quasiment à égalité avec les
questions d’emploi (34%). Deux
problèmes cités bien avant «la présence insuffisante des services publics» (9%) et «les discriminations»
(6%) – qui sont pourtant les deux
leviers le plus souvent cités à gauche pour «rétablir l’égalité républicaine» et faire barrage au Front national dans les quartiers.
Entre 1997 et 2002, sous Lionel Jospin, la croissance française dépas-
«La mise en cause
d’un élu, d’un ministre,
des forces de l’ordre,
y compris dans vos mots,
montre bien qu’il y a
un problème.»
Manuel Valls à une Trappiste, mardi
sait 3% et le dispositif des emploisjeunes avait sorti une partie des
jeunes de banlieue de l’impasse.
Dix ans plus tard, en pleine disette
budgétaire, les outils du gouvernement Ayrault, tels les emplois
d’avenir, tardent à s’enraciner.
Sans le sou, il resterait à la gauche
les réformes qui ne «coûtent pas un
fendre (à tout le moins) une expérimentation de la mesure. Il s’agissait
de Lamy et Hamon, mais aussi de
Christiane Taubira (Justice) et Kader Arif (Anciens Combattants).
Les mêmes ont été conviés la semaine dernière, avant l’étincelle de
Trappes, à un dîner informel à Matignon sur le thème de l’égalité. Les
ministres Valérie Fourneyron (Sports) et NaCet élu de l’Essonne a un cheval
Vallaud-Belkacem
de bataille: les réunions régulières jat
(Droits des femmes)
entre policiers et habitants
étaient là aussi. Convié
des quartiers sensibles.
mais en déplacement
en Lituanie, le miniseuro», comme dit Benoît Hamon, tre de l’Intérieur n’a pas pris part
ministre de l’Economie solidaire et aux agapes.
néodéputé de Trappes. Mais le récépissé de contrôle d’identité, pour «RESTAURER». Le droit de vote des
encadrer les relations entre les jeu- étrangers, promesse socialiste annes et les policiers, a été enterré sur tédiluvienne, a, lui, été reporté à
injonction de Manuel Valls à l’après-municipales. Mais le mil’automne. Plusieurs ministres nistre de la Ville a un nouveau cheavaient pourtant fait bloc pour dé- val de bataille : les réunions régu-
lières entre policiers et habitants
des quartiers sensibles pour «restaurer un lien distendu». La proposition est portée par un collectif
d’associations reçu deux fois par
Hollande ce printemps. Leurs conclusions seront présentées à la rentrée en Conseil des ministres: tout
un symbole. Puisqu’il n’est pas
question de ressusciter la «police de
proximité», ces comptes rendus de
fonctionnaires à des administrés
«permettraient à la population de
voir les policiers autrement», défend
Lamy, qui va «travailler Valls» cet
été sur le sujet. Il aimerait aussi que
le gouvernement revienne sur le
«drame de l’assouplissement de la
carte scolaire», qui a tué tout semblant de mixité sociale. Et réfléchit
à des aides au permis de conduire.
Et voudrait installer un conseiller
Pôle Emploi dans chaque quartier
sensible. De quoi dessiner une
autre politique. •
LE CONTRAT D’EMPLOI FRANC
«Nous savons
que le travail [dans les
quartiers] va être long,
que le combat à mener
est structurel et non
conjoncturel.»
Le premier contrat d’emploi
franc, dispositif créé pour sou­
tenir l’emploi des jeunes origi­
naires des zones urbaines
sensibles (ZUS), a été signé le
10 juillet à Marseille. Cet engage­
ment présidentiel prévoit une
aide de 5000 euros pour une
entreprise embauchant en CDI
un jeune de moins de 30 ans
résident d’une ZUS. Ce dispositif
sera d’abord déployé dans
10 villes, avec un objectif
de 2000 contrats d’ici à fin 2013.
François Lamy mardi
10
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LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
FRANCE
Dominique Strauss­Kahn, le 26 juin au Sénat, lors de son audition par la commission d’enquête parlementaire sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale. PHOTO LAURENT TROUDE
DSKrenvoyé
àsespartiesfines
Les juges ont décidé
vendredi que
l’ancien patron
du Fonds monétaire
international devra
comparaître pour
proxénétisme.
Il encourt jusqu’à
dix ans de prison.
Par VIOLETTE LAZARD
QUE REPROCHE­T­ON
À DOMINIQUE STRAUSS­KAHN ?
es juges ont pris leur temps, dépassé D’après les juges en charge du dossier, DSK
de plusieurs jours le délai minimum n’a pas seulement participé à des soirées orqui leur était imparti. Mais leur déci- ganisées par ses amis policiers ou chefs d’ension est sans surprise. Vendredi, les treprise lillois, mais il en a été l’instigateur
magistrats chargés de l’instruction du dossier et le principal bénéficiaire. Or, d’après le
du Carlton de Lille ont clos définitivement code pénal, le délit de proxénétisme punit le
leur enquête en renvoyant l’ancien patron du fait d’aider ou d’assister la prostitution
FMI pour proxénétisme aggravé
d’autrui et pas seulement d’en
en réunion, délit passible de dix
DÉCRYPTAGE tirer un avantage financier
ans de prison et 1,5 million
comme le veut la doxa. Les mad’euros d’amende. D’ici un an minimum, gistrats estiment par exemple que les nomDominique Strauss-Kahn ainsi que treize breux SMS envoyés par l’ex-patron du Fonds
autres protagonistes vont donc comparaître monétaire international (FMI) évoquant du
lors d’une audience publique pour avoir par- «matériel», des «copines» ou des «cadeaux»
ticipé ou organisé des parties fines dans le montrent son rôle actif dans l’organisation
nord de la France, à Paris et à Washington. des soirées. Par ailleurs, aucune n’a eu lieu
L
en son absence. Les juges d’instruction ont
enfin considéré, malgré les farouches et
constantes dénégations de DSK, qu’il ne
pouvait pas ignorer que les jeunes femmes
présentes étaient des prostituées. Ce point
qui représente l’un des principaux enjeux du
dossier devrait être longuement examiné lors
de l’audience publique. Peut-on différencier
une libertine d’une prostituée ? Comment ?
Les longues auditions des jeunes femmes,
parfois confrontées à DSK, ont apporté des
résultats contradictoires durant l’enquête.
Certaines ont estimé que l’ancien homme
fort du PS ne pouvait avoir ignoré leur profession. D’autres participants et participantes
ont au contraire déclaré en substance que,
lorsqu’on est nu, il est difficile de faire la différence. Lors de l’audience, la voix du procureur sera également présente. Mi-juin, celui-ci avait requis un non-lieu en faveur de
DSK, estimant les charges insuffisantes. Le
parquet a jugé que le fait de participer à ses
soirées ne faisait pas de DSK un proxénète.
Et que l’instruction n’avait pas démontré
qu’il se trouvait à l’origine d’un réseau.
QUELS SONT LES RECOURS
POSSIBLES DE STRAUSS­KAHN ?
Aucun. Après la mise en examen en
mars 2012 de l’ancien homme politique pour
proxénétisme aggravé en bande organisée,
ses avocats, Henri Leclerc, Frédérique Beaulieu et Richard Malka avaient contesté ces
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
REPÈRES
14 mai 2011 DSK est arrêté à
New York, accusé d’agression sexuelle
sur une femme de chambre, Nafissatou
Diallo, dans la suite 2806 de l’hôtel
Sofitel. Il démissionne du FMI.
w 23 août 2011 Les poursuites pénales
sont abandonnées en raison de doutes
sur la crédibilité de Diallo.
w Décembre 2012 Un accord financier
secret éteint la procédure civile.
FRANCE
•
11
Apparitions à Cannes et Roland-Garros, consulting… DSK s’efforçait
de revenir petit à petit aux affaires. Jusqu’à la décision des juges lillois.
w
Dans la foulée du Sofitel, la roman­
cière Tristane Banon porte plainte
contre DSK pour «tentative de viol».
DSK concède «des avances». En octo­
bre 2011, le parquet classe l’affaire sans
suite en raison de la prescription, esti­
mant que des actes qualifiés d’agres­
sion sexuelle sont «reconnus».
«Compte tenu du caractère
exclusivement à charge
de l’instruction menée
contre lui, Dominique
Strauss-Kahn s’attendait
à cette décision.»
Les avocats de DSK vendredi
poursuites devant la chambre de l’instruction de Douai (Nord). Celle-ci avait confirmé
quelques mois plus tard la décision des juges.
Estimant que la procédure relevait plus de la
morale que du droit, les avocats avaient alors
décidé de se pourvoir en cassation. Mais leur
demande n’a même pas été examinée par la
plus haute instance juridique en France, qui
l’a rejetée. D’après nos informations, le parquet de Lille n’envisage pas de faire appel de
la décision rendue vendredi par les juges
d’instruction. Le procès, forcément médiatique et donc complexe à organiser, devrait se
tenir d’ici un an minimum. Aucune des personnes renvoyées n’étant aujourd’hui détenue, le délai peut même être supérieur. DSK
«s’attendait à cette décision et se présentera
donc sereinement devant le tribunal», a réagi
vendredi Me Leclerc dans un communiqué.
QUELLES SONT LES AUTRES
PERSONNES RENVOYÉES ?
Dominique Strauss-Kahn comparaîtra aux
côtés de son ancien réseau d’amis du nord de
la France, un réseau insoupçonné avant que
n’éclate l’affaire du Carlton. Fabrice
Paszkowski, chef d’une entreprise de matériel de santé, sera présent sur le banc des prévenus, tout comme David Roquet, ex-patron
d’une filiale d’Eiffage. Le commissaire divisionnaire Jean-Christophe Lagarde doit également être jugé. Les trois hommes sont
poursuivis pour avoir organisé les soirées,
payé les filles et voyagé avec elles parfois jusqu’à Washington pour satisfaire un personnage qu’ils rêvaient tous de voir un jour accéder à l’Elysée.
Durant l’enquête, tous ont toujours tenu le
même langage : DSK ne savait pas que les
filles étaient rémunérées. Le patron de l’hôtel
lillois ainsi que le désormais célèbre proxénète Dodo la Saumure comparaîtront également. «Ce procès va nous permettre de démontrer l’hypocrisie de ce dossier que nous n’avons
eu de cesse de dénoncer», a réagi vendredi
Me Hubert Delarue, l’avocat de René Kojfer,
ancien chargé des relations publiques du
Carlton et également renvoyé. •
Un retour sur la scène
publique côté cour
ur quel mode sera jouée
la prochaine apparition
publique de Dominique
Strauss-Kahn ? Style chic et
décontracté, chemisette et
rires de connivence, comme
en juin à Roland-Garros ?
Ambiance glam sexy, au bras
d’une compagne en robe très
ajourée, comme sur le tapis
rouge du dernier Festival de
Cannes ? Ou bien simplement en grand ponte de
l’économie, costume-cravate sur mesure, enchaînant
les conférences lucratives au
Kazakhstan, Royaume-Uni,
Ukraine, Corée du Sud ?
Quel que soit le programme,
la prochaine étape de son repositionnement progressif
dans la sphère publique, il se
peut que le cours en soit légèrement modifié par son
renvoi devant le tribunal
correctionnel de Lille.
Déménagement. Après
l’abandon des poursuites pénales dans l’affaire du Sofitel
de New York, le 23 août 2011,
puis l’accord financier avec
la femme de chambre Nafissatou Diallo, Dominique
Strauss-Kahn avait, selon
l’expression de ses proches,
«repris le cours de sa vie».
Un déménagement, de la
plage des Vosges au quartier
Montparnasse, une séparation d’avec sa femme Anne
Sinclair, après une relation
de vingt-trois ans (le divorce
a été prononcé en mars, et
DSK n’aurait récupéré «que»
200 000 euros sur les 4 millions que valait leur appartement commun, possible dédommagement des sommes
engagées par son épouse
pour sa défense). Privé désormais de son soutien financier, DSK a fondé sa société de conseil, Parnasse,
nom évoquant, au choix, son
nouveau quartier ou la résidence des muses de la mythologie grecque. Il a multiplié ensuite les conférences
économiques et autres activités d’«analyste».
En mai, il inaugurait une
banque d’investissement à
Juba, au Soudan du Sud. Le
12 juillet, il entrait au conseil
de surveillance de la banque
russe de développement des
régions, contrôlée par un
géant pétrolier. Puis rejoignait les instances du Fonds
russe des investissements directs, structure créée par le
S
Kremlin pour favoriser les
prises de participation dans
les entreprises russes.
Le 26 juin, il était auditionné
au Sénat sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale.
Une première réapparition
Au même moment, on l’a
aperçu à plusieurs reprises
devisant avec Jérôme Cahuzac, notamment au bar de
l’hôtel Royal Monceau. Selon
un témoin, il aurait aidé l’exministre du Budget à accepter son sort de
déchu de la poDominique Strauss-Kahn
litique, lui reaurait aidé Jérôme Cahuzac,
commandant
l’ex-ministre du Budget,
le consulting
à accepter son sort de déchu
«comme une
façon de se rede la politique.
faire une santé
dans une enceinte de la Ré- financière et de revenir en
publique orchestrée comme même temps dans la vie puun come-back de star: arri- blique».
vée secrète et sortie par la Déboires. Ce nouveau princour d’honneur, cohue, temps de Dominique
flashs, caméras. Et force Strauss-Kahn, inéluctablepointes ironiques sur les poli- ment, s’est accompagné de
tiques menées par les diri- quelques couacs: micropolégeants européens et français. mique sur son invitation par
Julien Dray (vice-président
chargé de la culture au conseil régional d’Ile-deFrance) au Festival de Cannes, quelques manifestations
féministes en marge de ses
conférences, et le livre ultramédiatisé publié en février
par Marcela Iacub. Dans son
récit, la juriste et écrivaine
exposait notamment sa vision personnelle des déboires
judiciaires de son ex-amant:
«A quoi bon continuer de le
traîner de tribunal en tribunal,
de viol en viol ? Il serait plus
utile transformé en jambon. Il
pourrait nourrir les contribuables au lieu de leur coûter tant
d’argent.» Un conseil que
n’ont pas choisi de suivre les
juges lillois, du moins pour
l’instant.
ONDINE MILLOT
12
•
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
FRANCE
Le syndicat,
proche de l’UMP,
s’empare des faits
divers de l’été
pour défendre son
credo sécuritaire.
REPÈRES
LES PRINCIPAUX
SYNDICATS
Lors des élections syndicales
de 2010, chez les gradés et les
gardiens de la paix, Unité SGP
Police arrivait en tête (47,8%
des voix), devançant Alliance
(37,6%) et l’Unsa (9,7%).
Par SYLVAIN MOUILLA RD
«Moi aussi, je suis
du Sud et j’aime
la castagne.»
S
ur tous les fronts et sur un
ton très droite décomplexée.
Depuis quelques semaines,
le syndicat policier Alliance
est omniprésent. De l’accident de
train de Brétigny-sur-Orge (Essonne) aux échauffourées de Trappes (Yvelines), l’organisation, proche de la droite, est toujours prête
à réagir. A chaque fait divers, un
commentaire.
Une visite sur la page Facebook
d’Alliance est assez édifiante: difficile, voire impossible, de trouver un
jour sans une réaction officielle ou
un lien vers une
i nter vent ion
ENQUÊTE
médiatique. Au
point de se demander où sont les
autres syndicats policiers. Quid en
effet d’Unité SGP FO, première organisation du secteur, ou d’Unsa
Police? «Si, pour retenir l’attention,
il faut être plus pyromane qu’Alliance,
alors on n’est pas là-dessus», lâche
Nicolas Comte, secrétaire général
adjoint d’Unité SGP. Pour Philippe
Capon de l’Unsa, troisième organisation chez les policiers et gardiens
de la paix, classée à gauche, Alliance est devenu le «porte-parole de
l’opposition». Un an et demi avant
le prochain scrutin professionnel,
la campagne est bel et bien lancée.
FUITE EN AVANT. L’hyperactivité
d’Alliance a ses travers. La sortie
sur les «détroussages de cadavres»
après le drame de Brétigny, c’est
lui. Une version depuis largement
battue en brèche par le procureur
de la République d’Evry. Frédéric
Lagache, secrétaire général adjoint
du syndicat, reconnaît à ce propos
un «dérapage dû à la fatigue».
«C’est l’été, certaines personnes qui
n’ont pas l’habitude de communiquer
se retrouvent en première ligne, explique-t-il. Mais tout ça a été rattrapé par la suite, notre communiqué
était beaucoup plus prudent que l’intervention de notre collègue sur Europe 1.» L’homme dément toute
fuite en avant dans la communication. Il ne changerait rien, par
exemple, à son analyse des émeutes
qui ont frappé Trappes. «Est-ce une
faute de dire la vérité?» s’interroget-il. Sur le site d’Alliance, l’affaire
fait la une, photo de voiture incendiée à l’appui. Les récentes décisions de justice dans ce dossier ont
mis Lagache hors de lui. «On peut
mettre une ville à feu et à sang et la loi
vous protège», a-t-il réagi. Une déclaration dans la droite ligne des
précédentes sorties d’Alliance sur
un supposé «laxisme» de la justice,
dont l’UMP fait aussi son miel.
Cette remise en cause récurrente
des décisions judiciaires dérange
Manuel Valls
lors des vœux d’Alliance
le 5 février (le secrétaire général
du syndicat, Jean­Claude
Delage, est né à Marseille)
101305
C’était le nombre de gar­
diens de la paix et de gradés
dans la police nationale
au 31 décembre 2011.
Lors du congrès du syndicat de policiers Alliance, le 12 octobre à Marseille. PHOTO PATRICK GHERDOUSSI
Alliance,organisation
depolicetrèspolitique
Philippe Capon. «Je ne suis pas làdessus, dit-il. La terminologie d’Alliance va trop loin. Quand ils embrayent sur le moindre fait divers, cela
quoi.» Les deux syndicalistes reconnaissent que l’organisation rivale, grâce à ses prises de position
tonitruantes, gagne une certaine
visibilité médiatique.
«C’est vrai qu’ils ont
«On peut mettre une ville à feu
plus de reprises, notamet à sang et la loi vous protège.»
ment sur les chaînes
Frédéric Lagache secrétaire général adjoint
d’information en cond’Alliance sur les événements de Trappes
tinu, mais on ne s’en
plaint pas», explique
peut participer à une certaine stigma- Comte. Sur le sujet, Frédéric Lagatisation.» Nicolas Comte, d’Unité che précise que son syndicat se
SGP FO, également proche de la contente de répondre positivement
gauche, ajoute : «Sur la police et la ou non aux sollicitations. «On n’apsécurité, on ne fait pas n’importe pelle pas les journalistes pour être in-
vités.» Il affirme faire la chasse aux
«propos extrémistes» qui se baladeraient un peu trop allègrement sur
la page Facebook de l’organisation.
En témoigne notamment cette
«Charte de bonne conduite» rappelant la ligne «républicaine» d’Alliance, qui se conclut ainsi: «Celles
et ceux qui viennent dans la seule volonté de provoquer afin d’engendrer
des dérapages écrits, de policiers notamment, dans le but de faire fermer
notre page ont le droit d’y croire…
mais cela n’est pas près d’arriver.»
Le syndicaliste dément tout positionnement partisan. «Nos adhé-
rents viennent de tous les bords. Si la
gauche reprend nos arguments, c’est
très bien.» Il dit n’avoir pas hésité,
par le passé, à fustiger la politique
de la droite. «La loi pénitentiaire,
par exemple, était une connerie monumentale. Faire de la prison l’exception et de l’aménagement de peine la
règle, c’était stupide. C’est ce qui
s’est passé à Trappes. Le mec a pris
six mois, mais le lendemain il est chez
lui et il peut narguer son monde.»
L’argumentaire – plus droitier que
la droite – ne convainc pas tout le
monde. A commencer par Nicolas
Comte : «Le discours d’Alliance a
traditionnellement toujours été proche
du RPR puis de l’UMP. Aujourd’hui,
il évolue, comme celui d’une partie de
la droite.» A l’Unsa, Philippe Capon
rappelle que les collègues d’Alliance «avaient clairement pris position en faveur de Nicolas Sarkozy.
Mais, aujourd’hui, ils ont trop tendance à faire fi du passé. Car si on fait
le bilan, la politique répressive de la
droite est un échec. La politique du
chiffre a mis une ambiance de merde
dans la police».
GUERRE. Si les syndicats de police
défendent des positions souvent divergentes en public, la situation est
encore plus tendue en interne. Alliance et Unité SGP (respectivement 37% et 47% des suffrages lors
des dernières élections) se font la
guerre à coups de tracts. «Alliance
est extrémiste à notre égard, juge Nicolas Comte. Ils ont publié une trentaine de tracts en deux mois nous ciblant, dont l’un nous représente avec
un couteau poignardant un flic.»
«C’est de la com interne, temporise
Frédéric Lagache. Eux nous représentent bien en Pinocchio ! Et quand
on dit qu’Unité fait le service aprèsvente du ministère, c’est le cas. Ils votent toutes les réformes de Valls.» •
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
•
FRANCEXPRESSO
•
13
CARNET
SUR LIBÉRATION.FR
DécèS
Enquête, «Le business des aires d’accueil de gens du
voyage». Au cœur des polémiques récentes, elles sont
en partie gérées par des prestataires privés.
Delphine RENARD
et Bernard GUIDOU
ont la douleur de vous
faire part du décès
de leur mère et belle-mère,
«Nous n’avons pas tout à fait la même
appréciation des choses sur la conduite
de listes au premier tour [des municipales],
mais sur le rassemblement de la gauche
au deuxième je pense que nous pouvons
tomber d’accord.»
Micheline RENARD
née BENOÎT
survenu le 23 juillet 2013,
à Paris, dans sa 85ème année.
Pierre Laurent
secrétaire national du PCF, évoquant hier sur iTélé cette
divergence avec le Parti de gauche de Jean­Luc Mélenchon
SouvenirS
5
C’est le nombre de produits dont l’Agence du médica­
ment a décidé de limiter l’usage en raison de la pré­
sence d’un composé de la vaste famille chimique des
phtalates, utilisés comme plastifiant pour enrober des
comprimés à libération prolongée. Il s’agit de l’Acadione,
de l’Atrican, du Prokinyl, et des comprimés gastro­résis­
tants Rowasa (250 et 500mg).
Un centre de santé polyvalent à Nice en 2011. PHOTO JP AMET. DIVERGENCE
REQUINS Le préfet de la
Réunion, Jean-Luc Marx, a
annoncé vendredi de nouvelles mesures de protection
antirequin, dont l’interdiction de la baignade, du surf
et du bodyboard sur plus de
la moitié du littoral réunionnais. «Il faut regarder en face
le risque et le combattre avec
des armes à notre portée», at-il argumenté.
JIHAD L’homme de 47 ans,
originaire de Toulouse,
soupçonné d’avoir voulu rejoindre le jihad en Syrie et
interpellé mardi à Belfort, a
été relâché jeudi soir. Son interpellation était intervenue
après la diffusion début
juillet d’une vidéo postée sur
YouTube par deux frères toulousains appelant des volontaires pour la guerre sainte.
LES GENS
DELPHINE BATHO JOUE (UN PEU)
L’APAISEMENT AVEC ROYAL
Après moult piques de Ségolène Royal contre son
ancienne protégée, Delphine Batho –récemment éjectée
du gouvernement–, l’ex­ministre de l’Ecologie a assuré
hier sur France Info: «Je ne veux pas répondre, […] ça
n’est pas intéressant.» Lundi dans le Courrier de l’Ouest,
Royal avait griffé: «Delphine Batho ne m’a plus adressé la
parole depuis ma défaite à la primaire. Elle n’a jamais
décroché son téléphone ni répondu aux messages que je
lui envoyais. Cette attitude, je l’ai trouvée extrêmement
blessante.» L’ex­candidate à la présidentielle avait aussi
rappelé lui avoir «offert», au nom du non­cumul, sa cir­
conscription des Deux­Sèvres après l’avoir conquise à la
droite. Et Batho, 40 ans, de soutenir: «Sur mon parcours
politique, depuis que je suis militante, j’ai trouvé des
aides. Ségolène Royal fait partie des gens qui m’ont
aidée. Maintenant, c’est à mon tour d’aider une nouvelle
génération à prendre la parole.» PHOTO REUTERS
Petitesantépour
lesdispensaires
RAPPORT L’Inspection générale des affaires sociales
PIERRE-FREDERIC
BOYE
nous a quittés
le 27 juillet 1990.
Ta famille et tes amis
te portent dans leur coeur.
CHAMBO
Mick Jagger n'a pas pu
t'inviter hier pour ses 70 ans.
Le Carnet
s’inquiète pour les finances des centres médicaux.
os bons vieux dispensaires ont-ils un avenir ? Aujourd’hui appelés centres de santé, ils ont
des statuts variés : communaux, associatifs ou mutualistes. Et, selon l’Igas (Inspection générale des affaires
sociales) dans un rapport publié vendredi, leur utilité est
bien réelle, mais «leur gestion doit être revue».
«Pionniers». On en dénombre actuellement 1 220,
et la plupart sont dotés d’une
«forte identité», certains
trouvant leur origine «dans
une histoire de pionniers d’une
médecine attentive aux exclus». Un tiers de ces centres
de santé propose des soins
dentaires, un tiers prodigue
des soins exclusivement infirmiers, tandis que les
autres sont polyvalents.
Représentant 2,4% des dépenses de santé ambulatoires, «ils offrent des soins dans
des quartiers de ville souvent
désertés par les médecins libéraux et accueillent des populations parfois précaires»,
note l’Inspection générale
des affaires sociales. Leur
personnel est salarié et, la
plupart du temps, les pa-
N
tients bénéficient du tiers
payant et n’ont donc pas à
avancer les frais.
Dans le contexte actuel de
déserts médicaux et de difficultés dans l’accès aux soins,
l’Igas souligne leur «utilité
sanitaire et sociale», car ils
sont bien souvent la seule réponse que la collectivité offre
à des familles modestes.
«Les centres de santé sont une
pertinent: «Il faut revoir leur
mode de gestion.» La majorité
de leurs ressources provient
des remboursements de l’assurance maladie. Mais cela
ne suffit pas, note l’Igas :
«Les centres dentaires et infirmiers ont besoin d’un complément de ressources qui représente 6% de leur budget, et
cette proportion monte à 14%
pour les centres médicaux et
polyvalents.»
Comment y par«Les centres dentaires et
venir ? Par des
infirmiers ont besoin d’un
gains de producticomplément de ressources.» vité, d’abord : le
rapport préconise
Extrait du rapport de l’Igas
que les centres asgarantie d’accès géographi- souplissent leur fonctionneque, financier et social à des ment, en augmentant leurs
soins ambulatoires de proxi- plages horaires, et maîtrisent
mité.» De plus, ils sont sou- aussi les dépenses de personvent attractifs pour les pro- nel, administratif en partifessionnels de santé: faisant culier. De plus, l’Igas suggère
travailler plusieurs corps de de reporter sur l’assurance
métier dans les mêmes murs maladie et les complémen(médecins, infirmiers), cela taires santé «la coûteuse gesdonne un «mode d’exercice tion du tiers payant par les
attractif» pour ces profes- centres de santé». Et de lever,
sionnels, de plus en plus atti- enfin, des obstacles juridirés par le salariat et le travail ques, pour que ces centres
en équipe.
soient mieux intégrés dans le
Productivité. Mais voilà, dispositif général de permainsiste alors l’Igas, leur mo- nence des soins.
dèle économique n’est plus
ÉRIC FAVEREAU
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vos textes par e.mail :
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de nos petites annonces
est interdite
Le Carnet
Emilie Rigaudias
0140105245
[email protected]
14
•
ECONOMIE
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
REPÈRES
MIKHAÏL BEKETOV
Vinci:
soupçonssur
desmontages
russes
AP
Auteur d’articles
critiques sur le
projet d’autoroute
Moscou­Saint­Pé­
tersbourg, ce jour­
naliste russe a vu
sa voiture incen­
diée puis s’est fait
sauvagement tabasser en 2008. Il en
ressort avec une jambe en moins, privé
de la parole après un coma prolongé,
avant de décéder en avril 2013. Ses
agresseurs restent impunis.
Saint-Pétersbourg
100 km
Forêt de Khimki
Autoroute
en projet
RUSSIE
Moscou
«la situation politique en Russie biaise un peu
la lecture économique» du dossier.
Dmitri Medvedev, durant sa présidence de
la Russie (2008-2012), quand Poutine faisait
mine de se replier sur la fonction de Premier
ministre, est monté deux fois au créneau. En
juillet 2010 pour interrompre temporairement les travaux de l’autoroute, au motif
écologique qu’elle traverserait la forêt de
Khimki, limitrophe de Moscou ; puis en février 2011 pour admettre publiquement que,
«dans cette affaire, l’intérêt public a été sacrifié
en faveur des intérêts commerciaux de quelques-uns qui avaient une influence sur la prise
de décision». Avant de rentrer dans le rang et
de restituer son sceptre à Poutine.
Une plainte pour corruption
visant le groupe de BTP a été
déposée en France dans
le cadre d’un appel d’offres
pour la construction
d’une autoroute en Russie.
L’un des tronçons de l’autoroute Moscou­Saint­Pétersbourg, qui est au cœur de l’affaire. PHOTO ZURAB DZHAVAKHADZE. ITAR­TASS
Par RENAUD LECADRE
V
inci est mis en cause pour «corruption d’agents publics étrangers»
en Russie. Lauréat d’un contrat visant à construire puis exploiter
une autoroute reliant Moscou à Saint-Pétersbourg, le leader tricolore du BTP fait actuellement l’objet d’une plainte déposée en
France par des ONG le soupçonnant d’avoir
gratifié des proches du président russe, Vladimir PouENQUÊTE tine. Ce que Vinci dément.
Selon les plaignants, ce
contrat de plus d’un milliard d’euros, signé
en 2009, ne répondrait pas aux canons des
marchés publics internationaux. Un appel
d’offres fut lancé en 2007, avant d’être déclaré infructueux faute de candidats crédibles. D’où une signature de gré à gré avec
Vinci, seul prétendant jugé sérieux. L’appel
d’offres était-il un simulacre ? Dès 2006, à
l’occasion d’une visite officielle de Vladimir
Poutine en France, Vinci avait signé avec le
gouvernement russe un protocole d’accord
sur un «vaste programme d’infrastructures de
transport, portant notamment sur l’autoroute
Moscou - Saint-Pétersbourg».
JUDO. Un autre élément jette le doute sur le
sérieux de la procédure: l’un des concurrents
de Vinci, le russe N-Trans (aux mains de proches du géant Gazprom), a obtenu parallèlement un lot de consolation, la concession
d’une autoroute entre Moscou et Minsk (Biélorussie), à l’issue d’un autre appel d’offres
également déclaré infructueux…
La plainte, déposée en France par Me William
Bourdon au nom de plusieurs ONG (Sherpa,
Russie-Libertés, Bankwatch Network), met
en cause deux proches du réseau Poutine. Le
premier, Igor Levitin, est un conflit d’intérêts
ambulant: après avoir dirigé N-Trans, futur
candidat aux appels d’offres, il fut ministre
des Transports entre 2004 et 2012 lors de l’attribution des autoroutes, avant de devenir
conseiller personnel du président russe. Le
second, Arcady Rotenberg, est l’ancien entraîneur de judo de Poutine. Reconverti dans
les affaires, il possède un tiers du partenariat
russe de Vinci, tandem obligé pour prospérer
sur place. Et le prix de l’autoroute (28 millions d’euros le kilomètre, sept fois la
moyenne européenne) va battre tous les
records.
Le groupe français indique que «rien n’est
dissimulé». De fait, la traque de la galaxie Rotenberg est aisée au registre des sociétés,
même si la plupart de ses coquilles sont immatriculées à Chypre. Mais Vinci admet que
PATATE CHAUDE. A Moscou, il ne fait pas bon
s’opposer à ce projet. Le journaliste Mikhaïl
Beketov l’a payé de sa vie (lire ci-dessus).
Prétextant de l’inertie de la justice russe, les
opposants s’en remettent donc aux juges
français, au motif que la joint-venture montée entre Vinci et ses partenaires locaux est
immatriculée en France. «Si nous avions voulu
dissimuler quoi que ce soit, nous n’aurions pas
créé une société de droit français», fait valoir
le groupe hexagonal. Qui s’étonne de l’offensive pénale, après avoir accepté de rencontrer
des responsables de Sherpa.
Depuis le dépôt fin juin de la plainte, le parquet de Nanterre a transmis la patate chaude
au parquet de Paris, qui a compétence nationale en matière de corruption d’agents publics étrangers. Ce dernier réserve sa réponse, car il y a de quoi tempêter sous les
crânes. La plainte affirme qu’il est «très probable que, dans une grande opacité, Vladimir
Poutine ait été rémunéré par les services rendus
à Arcady Rotenberg, au bénéfice de la société
Vinci». Faisant écho aux précédents soupçons d’Eva Joly, ancienne magistrate devenue eurodéputée verte, dans le webzine Reporterre : «Vinci permet la corruption par les
structures qu’il autorise. On peut craindre
qu’elles permettent à des proches de Poutine de
s’en emparer.»
Ces soupçons ne constituant pas des preuves,
la justice française fait face à un dilemme :
soit elle classe la plainte, au risque d’être accusée d’étouffer l’affaire; soit elle ouvre une
enquête pénale confiée à un magistrat indépendant, au risque d’un monumental pataquès diplomatico-financier. •
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
+0,32 % / 3 968,84 PTS
3 022 384 697€ +8,65%
Les 3 plus fortes
KERING
LVMH
EADS
Les 3 plus basses
LEGRAND
CARREFOUR
SAINT GOBAIN
ECONOMIEXPRESSO
-0,70 %
-0,28 %
-0,50 %
-2,97 %
professionnels, et de 0,1 à
0,3% pour les ménages. En
juillet, ils avaient respectivement augmenté de 0,2% et
0,5%. L’électricité augmentera comme annoncé de 5%.
CGT Thierry Lepaon, numéro 1 de la CGT, a été hospitalisé. Il «a été opéré du
cœur il y a deux jours», selon
une source proche de la centrale citée par l’AFP, et devrait «sortir dans une quinzaine de jours».
JEUX VIDÉO Vivendi va céder d’ici à septembre sa filiale de jeux américaine Activision Blizzard (éditeur entre
autres de Call of Duty, photo)
pour 8,2 milliards de dollars
(6,2 milliards d’euros), ne
conservant que 12% de participation. PHOTO AP
GAZ Les tarifs réglementés
du gaz baisseront un peu au
1er août, de 0,45% pour les
AÉRONAUTIQUE EADS va se
rebaptiser Airbus, du nom de
sa filiale, selon un schéma
qui sera soumis mardi au
conseil d’administration. Le
groupe va également fusionner ses branches aviation de
transport militaire, défense
(Cassidian) et espace (Astrium). D’après le Financial
Times, cette restructuration
s’accompagnera de pertes
d’emplois.
L’HISTOIRE
PARIS NE LÈVE PAS SON EMBARGO
SUR LES MERCEDES CLASSE A
La guerre des Mercedes Classe A se poursuit. La France
va continuer à interdire l’immatriculation du modèle
le plus vendu de Daimler, car sa climatisation fonctionne
avec un gaz réfrigérant interdit par Bruxelles, car jugé
trop polluant. La justice française a pourtant donné
raison vendredi à Daimler et suspendu le blocage. Mais
le ministère du Développement durable a annoncé dans
la foulée qu’il allait continuer à bannir les Classe A
de l’Hexagone, tant que Daimler ne changera pas de gaz,
en faisant jouer la procédure de sauvegarde, qui permet
à un pays de l’Union européenne de protéger ses inté­
rêts en restreignant provisoirement certaines importa­
tions. Cette interprétation des textes européens a été
toutefois contestée vendredi par Daimler. Qui affirme
qu’il poursuivra en justice les autorités françaises,
et que le gaz qu’il utilise est «à la fois sûr et éprouvé».
PHOTO REUTERS
plus des 5100 prévus dans le dernier plan d’économies.
ir France va de nouveau tailler dans ses
effectifs. Alors que la
compagnie tricolore est déjà
en train de supprimer
5100 postes dans le cadre de
son plan d’économies
Transform 2015, un second
plan de départs volontaires
sera annoncé mercredi en
comité central d’entreprise,
a indiqué vendredi le PDG du
groupe Air France-KLM,
Alexandre de Juniac, à l’occasion de la présentation des
résultats semestriels. Selon
BFM-TV, 1 500 à 2 500 départs seraient prévus.
Cela fait des mois qu’Alexandre de Juniac prépare les esprits des syndicats et de
l’Etat (actionnaire à 15%) à
cette nouvelle charrette.
Transform 2015 commence
pourtant à porter ses fruits :
d’avril à juin, Air FranceKLM a divisé par cinq sa
perte nette, à 163 millions
d’euros. Mais cela ne suffit
pas à redresser les comptes,
dans le rouge depuis des années. D’autant plus que le
groupe subit la crise économique. Sur le premier semestre, il a perdu la bagatelle
de 793 millions d’euros. D’où
la nécessité de serrer encore
les boulons. Même si «ces
mesures sont difficiles», a reconnu, vendredi, Alexandre
de Juniac.
La seconde vague de départs
concernera exclusivement
Air France. Elle vise en effet
à réduire les pertes abyssales
(700 millions l’an dernier) de
son réseau moyen-courrier,
alors que celui de KLM est
presque à l’équilibre. «Ceci
nous permet de dire que [le
moyen-courrier] n’est pas une
cause perdue», a assuré
Alexandre de Juniac. Cela
reste à prouver. Pénalisée par
ses coûts élevés, Air France
se fait laminer par les compagnies low-cost. La précédente riposte, qui a consisté
à créer des bases en province
en demandant des gains de
productivité aux salariés,
s’est soldée par un échec.
«C’est la preuve qu’on ne peut
pas se mettre au niveau des
low-cost», glisse un cadre de
la compagnie.
De sources syndicales, le
plan de départs viserait pour
l’essentiel le personnel au
sol. Signe qu’Air France veut
s’attaquer à son principal
désavantage compétitif (les
A
autres compagnies soustraitent leur activité en escale). Mais Alexandre de Juniac prépare aussi une refonte du réseau. Les lignes
les moins rentables seront
fermées. D’autres seront
Dans une lettre envoyée
mardi à ses adhérents, le
Syndicat national des pilotes
de ligne redoute une coupe
«purement financière» dans
les activités déficitaires et
appelle la direction à s’attaquer «enfin» aux
«problèmes struc«On a déjà fait deux plans
turels». «On a
en trois ans. On risque
déjà fait deux plans
d’avoir du mal à trouver
en trois ans. On
des candidats au départ.»
risque d’avoir du
mal à trouver des
µUn syndicaliste d’Air France
candidats au désous-traitées ou assurées par part», s’inquiète pour sa part
Transavia, la filiale à bas un syndicaliste. Tandis que
coûts du groupe français. «Si Franck Mikula, président du
Air France ne peut rentabiliser syndicat d’hôtesses et
une ligne, n’est-il pas préféra- stewards Unac, va demander
ble de la transférer à Transa- le «maintien des emplois», en
via […] plutôt que de la laisser plaidant pour des mesures
à la concurrence ?» avait alternatives, comme la réglissé en juin le PDG à quel- duction volontaire du temps
ques journalistes, lors d’un de travail.
voyage en Malaisie.
YANN PHILIPPIN
heures hebdomadaires,
c’est le temps de travail
moyen des salariés à
temps complet en France
en 2011, selon une étude du
ministère du Travail publiée
vendredi. C’est l’une
des durées les plus faibles
de l’Union européenne
(40,4 heures en moyenne),
au 21e rang sur 27.
Les cadres (44,1 heures)
travaillent davantage que
les ouvriers (38 heures).
«J’avais dit que le
retournement [de la
courbe du chômage]
se ferait à la fin
de l’année et que
ce serait encore dur.
[…] Je tiens le même
discours parce
que je tiens la même
politique et qu’il y
aura le résultat
attendu.»
François Hollande
vendredi, à Arles
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moisannée
15
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AirFranceaffiche
denouveauxdéparts
EMPLOIS Plus de 1000 postes seraient concernés, en
15 447,01
3 594,99
6 554,79
14 129,98
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19897
1973
2013
L’ÉTÉ DES 40 ANS
Angela Merkel en 1998, pour l’inauguration du Mémorial du Mur de Berlin. PHOTO REINHARD KRAUSE. REUTERS.
Merkel,
l’âge Mur
ET SI LA CHUTE DU MUR N’AVAIT
PAS RÉUNIFIÉ LES DEUX ALLEMAGNES?
REWIND Cet été «Libération» transforme l’Histoire en fictions.
Depuis la chute du communisme, la chancelière a fait de la RDA
une démocratie. Et rêve de l’unir à sa sœur occidentale.
Par MARC SEMO
LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr
P
hysicienne de formation, elle
aime citer Démocrite, philosophe présocratique et père de
l’atomisme : «Le courage est
au début de l’action, le bonheur à la fin.»
Dans les sondages, la popularité
II •
19897
Extrait de la série «les Traces du pouvoir», de Herlinde Koelbl, exposée en 2009 à Berlin et montrant Angela Merkel entre 1991 et 2008. PHOTO ULLSTEIN BILD. AKG
d’Angela Merkel est au zénith. Les
électeurs de la République allemande de
l’Est adorent cette Première ministre
qui leur ressemble tant avec ses tailleurs
mal coupés un peu tristes et ses goûts
simples. Avec son parti de centre droit,
le Demokratischer Aufbruch (le Renouveau démocratique), elle devrait remporter haut la main, en septembre, un
troisième mandat. Mais, à l’ouest, dans
cette autre Allemagne d’autant plus
riche qu’elle n’a pas eu à payer le lourd
prix de la réunification accélérée rêvée
par certains, elle est tout aussi populaire
pour son parler vrai. Elle se bat depuis
son entrée en politique pour une Union
des deux Allemagnes dans une confédération, et sur un pied d’égalité. Son
rêve devrait bientôt devenir réalité
après des années de débats et de polémiques de part et d’autre d’une frontière devenue toujours plus virtuelle.
C’est prévu pour novembre 2014, vingtcinquième anniversaire de ce que l’on
a appelé «die Wende», le tournant.
Ces journées de novembre 1989, Angela
Merkel ne les a jamais oubliées. «La fin
de la guerre froide a eu des conséquences
déterminantes sur ma vie», confiait récemment au Financial Times cette
Machtfrau (femme de pouvoir) qui
fascine autant qu’elle irrite par sa détermination. Toute l’Europe de l’Est se
désagrégeait et échappait à la tutelle
soviétique. La RDA elle-même était secouée par le vent de liberté né de la
pérestroïka et des cortèges défilaient à
Leipzig comme à Berlin, en appelant à
Gorbatchev.
Mur serait toujours ouvert le lendemain.»
Cette fille de pasteur, passée par les jeunesses communistes, a toujours été une
enfant sage. Dans la nouvelle Allemagne de l’Est, qui découvre le pluralisme
et la démocratie, comme les autres expays du glacis, elle décide de s’engager
à droite. C’était le bon choix. Le Renouveau démocratique, proche des chrétiens-démocrates de l’Ouest, triomphe
lors des premières élections libres de
mars 1990. Elle est nommée porte-parole du nouveau Premier ministre,
«BANANES». Le 18 octobre, le vieil Erich
Honecker avait été déposé par des
réformistes. Le 9 novembre, sous la
pression populaire,
les nouveaux dirigeants est-allemands ouvraient les
frontières et même
des points de passages dans le Mur
qui divisait l’ex-capitale allemande Angela Merkel dirigeante de l’Allemagne de l’Est
depuis 1961. «Ce
n’était pas très clair, ce que cela signifiait. Lothar de Maizière, qui sera son mentor
Comme chaque jeudi, je suis allée au politique et qu’elle mettra sur la touche
sauna», a raconté plus tard Merkel. Des quelques années plus tard, après ses reamis lui proposent d’aller faire la fête vers électoraux face à une gauche exsur le Kurfüstendam, les Champs-Ely- communiste dirigée par Gregor Gysi,
sées de l’Ouest. Elle préféra aller se qui surfait sur l’irritation croissante des
coucher car elle devait se lever tôt:«Le Allemands de l’Est face à l’arrogance
«Ce n’était pas très clair, ce que
l’ouverture des frontières
signifiait. Comme chaque jeudi,
je suis allée au sauna.»
LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr
paternaliste, voire quasi coloniale des
frères de l’Ouest. «Ils nous méprisaient,
j’ai été choquée quand un dirigeant socialdémocrate, Otto Schily, s’était moqué en
disant que nous venions tous à l’Ouest
chercher des bananes», reconnaît
d’ailleurs la leader du DA, elle-même
exaspérée par cette suffisance de riches,
convaincus d’incarner une démocratie
parfaite.
Après l’enthousiasme initial, le
ressentiment avait explosé contre les
frères de l’Ouest. D’abord séduits
–avec 60% d’opinions favorables pour
une Allemagne neutre et réunifiée–, les
Allemands de l’Ouest ont commencé à
renâcler sur le prix de la réunification.
Le vice président du SPD, Oskar Lafontaine, réclamait une révision totale du
droit de citoyenneté, afin d’empêcher
ces nouveaux arrivants est-allemands
«de profiter des systèmes d’assurance sociale de la RFA».
Les intellectuels, surtout à gauche,
étaient aussi farouchement contre.
«Une Allemagne réunifiée serait un colosse complexé qui ferait obstacle à l’unification européenne et se ferait obstacle à
lui-même», clamait le célèbre écrivain
Günter Grass, rappelant qu’à chaque
19897
• III
POUR DE VRAI
L’ex­ministre Hubert Védrine replace la chute du Mur dans son contexte:
«Les démocraties populaires étaient déjà
des zombies, sans s’en rendre compte»
A
ncien ministre des Affaires
étrangères, Hubert Védrine
était le secrétaire général de
l’Elysée de François Mitterrand en 1989,
au moment de l’effondrement du bloc
communiste.
La chute du mur de Berlin était-elle inévitable?
Oui bien sûr, mais cela aurait pu arriver
après la fin de la RDA et pas forcément
avant. Le mot «chute», d’ailleurs, est
impropre. Le mur a été ouvert par des
autorités est-allemandes exsangues. On
confond l’ouverture du passage vers
Berlin-Ouest, le 9 novembre 1989, avec
la ruée le lendemain de gens cassant
avec des pioches des morceaux de mur
pour les conserver comme souvenirs.
Tout cela était l’aboutissement d’un
processus de décomposition de la RDA
engagé depuis des années. Dès
l’été 1989, les Allemands de l’Est quittaient par milliers leur pays en passant
par la Tchécoslovaquie, et par la Hongrie, où le rideau de fer avait été retiré.
Ce mouvement de fond traversait toutes
les «démocraties populaires». En Pologne grâce à Solidarnosc, il était très
avancé. Dans d’autres, beaucoup
moins, ou pas du tout. De toute façon,
Mikhaïl Gorbatchev, qui espérait sauver
le communisme en URSS grâce à des réformes économiques et un peu de dé-
mocratisation – c’était la «pérestroïka» – avait déjà passé le glacis
stalinien d’Europe de l’Est par pertes et
profits. Dès 1986-1987, il n’avait pas
caché à ses dirigeants que jamais il
n’utiliserait la force pour défendre ces
régimes. Même s’il y avait encore
en 1989 quelque 300 000 soldats de
l’armée rouge en RDA, et même si ces
régimes ne s’en rendaient pas compte,
ils étaient déjà des zombies.
La réunification allemande était-elle
inévitable ?
Elle était inéluctable, mais aurait pu se
produire plus tard. Réformée plus tôt,
la RDA aurait pu survivre un certain
temps. D’ailleurs le 22 novembre encore, juste après le Mur, Helmut Kohl
lui-même évoquait encore un rapprochement graduel entre les deux Allemagnes. Bonn continuait à négocier des
accords de coopération avec Berlin-Est
comme si l’Allemagne de l’Est était
destinée à survivre quelques années !
Kohl parlait d’étapes : coopération,
confédération, fédération, unification.
Puis tout s’est précipité début 1990,
sous la pression populaire en RDA.
Quant aux alliés, vainqueurs de 1945,
les Britanniques étaient contre la réunification et contre une relance européenne. François Mitterrand avait déjà
compris que c’était une tendance histo-
rique irréversible, mais il voulait que
cela se passe dans de bonnes conditions
pour la France et pour l’Europe. Les
Américains, eux, y étaient très favorables, à condition que cela ne remette
pas en cause l’Otan. Gorbatchev, lui,
l’avait rendu possible, mais la redoutait.
L’effondrement de l’URSS était-il inévitable ?
Oui. Mais quand ? Gorbatchev a eu un
rôle fondamental dans la réunification
allemande. Mais après avoir permis le
processus, il a compris qu’il avait joué
à l’apprenti sorcier. Il demande à Bush,
Kohl et Mitterrand de ne pas aller trop
vite, arguant du risque d’être renversé
par des conservateurs nationalistes
durs. Il sollicite des aides économiques
pour tenir et c’est pour cela, qu’à l’initiative de Mitterrand et de Kohl, est instauré le G8, un G7 élargi à Moscou. Mais
George Bush père et John Major restèrent intransigeants dans leur refus
d’aider le vaincu de la guerre froide.
L’effondrement de l’URSS, qui était en
survie depuis la stagnation brejnévienne, était dès lors inévitable car le
communisme soviétique fut un fiasco
économique, éthique et politique. C’est
la fin de l’URSS, en 1991, qui marque le
vrai changement d’époque plus que la
«chute» du Mur.
fois, l’unité allemande a entraîné des
tragédies et des millions de morts.
Joschka Fischer, étoile montante des
Verts, résume bien l’enjeu: «Manifester
une réaction de panique face à tout ce qui
est national en Allemagne, quarante-cinq
ans après Auschwitz, n’est pas un objet
de honte ni de critique ; ce sera un devoir
vital pour les démocrates pendant au
moins encore quarante-cinq ans.»
la ligne Oder-Neisse. Margaret Thatcher, avec son parler cru, dénonçait le
danger d’une Allemagne trop puissante.
Ami d’Helmut Kohl, François Mitterrand était méfiant mais plus ouvert.
Il n’en décida pas moins, dès le 22 décembre, de se rendre à Berlin, étant
ainsi le premier chef d’Etat à visiter la
nouvelle RDA. Les Russes quant à eux
n’acceptaient une Allemagne réunifiée
que si elle était neutre et hors de l’Otan.
Tout était donc bloqué.
C’est ainsi que la RDA, rapidement rebaptisée Allemagne fédérale de l’Est,
avec un système pleinement démocratique inspiré de sa sœur, commença sa
longue route vers l’économie de marché
et l’intégration européenne, tout
comme ses voisins de l’ex-glacis. «Nous
ne devons pas laisser passer les chances
pour la population de la RDA de s’éveiller
à la démocratie et d’user de son droit à
l’autodétermination», soulignait Gregor
Gysi qui, avec le Parti du socialisme
démocratique (lequel avait remplacé
dès 1989 le SED), remporta en 1994 les
élections. Il parlait de «troisième voie»,
mais il sut se montrer très pragmatique.
Attirés par le très bas coût d’une
main-d’œuvre très bien formée et parlant la même langue, les investisseurs
de la RFA continuèrent à arriver en
masse, modernisant un tissu industriel
qui était malgré tout le plus dense du
défunt empire soviétique.
Dès 2004, elle fut intégrée à l’Union
européenne et fut, avant même la
Slovénie, le premier des ex-pays de
INVESTISSEURS. Les Alliés vainqueurs
de 1945 étaient – à l’exception des
Américains – tout aussi hostiles. Ils
avaient encore un droit de regard sur
une Allemagne formellement encore
occupée qui n’avait pas signé de traité
de paix ni reconnu ses nouvelles frontières, notamment avec la Pologne sur
9 novembre 1989
Sous la pression populaire,
les autorités de RDA annoncent
l’ouverture des frontières,
y compris à Berlin.
22 novembre 1989
Helmut Kohl évoque devant le
Bundestag le rapprochement
graduel entre les deux
Allemagnes.
22 décembre 1989
Visite à Berlin­Est de François
Mitterrand, premier et dernier
chef d’Etat à se rendre dans
la nouvelle RDA.
18 mars 1990
Premières élections libres
en RDA remportées largement
par les chrétiens­démocrates
et leurs alliés (48%) de Lothar
de Maizière, favorables à
la réunification.
21 juin 1990
Union monétaire entre
la RFA et la RDA.
3 octobre 1990
La réunification allemande
devient effective selon les
modalités fixées par le traité
du 31 août. La loi fondamentale
de la RFA s’applique à l’ex­Est.
Recueilli par M.S.
l’Est à rejoindre l’euro. Il n’y a, depuis,
plus d’obstacle à une union, d’autant
que cette République fédérale de l’Est
a réussi à construire une identité spécifique, ce qui au début n’avait rien
d’évident. Ils ne renient pas leur histoire d’avant 1989. Gregor Gysi aime à
rappeler que si «la RDA était une dictature et non pas un Etat de droit, elle n’était
pas non plus un Etat de non-droit». Angela Merkel a presque les mêmes mots:
«La RDA était un Etat de non-droit sans
liberté d’opinion, ni élections libres, mais
ce n’était pas noir ou blanc.» Et c’est
aussi pour cela qu’elle est tellement populaire. A présent, elle rêve de devenir,
après l’union, chancelière de toute
l’Allemagne. •
Lundi: Berlusconi rate Mondadori.
Sur France Info jusqu’au 24 août
40 jours pour revivre 40 années !
Du lundi au vendredi à 9h15, le samedi à 8h15 et à réécouter sur franceinfo.fr
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40 ANS
LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr
19897
VOUS PERMETTEZ ?
Par ANNE DIATKINE
Le foulard, nouveau
chiffon rouge
ET AUSSI
18 septembre 1989 : Leïla
et Fatima enflamment
la France pour avoir fait
leur rentrée scolaire avec
sur leur tête un foulard.
Bras de fer, milliard de
commentaires, mitrailles
et télévision : l’affaire ne
se règle pas discrètement,
dans le bureau du
principal, comme elle se
règle des dizaines de fois
par an, dans d’autres
établissements. Un mois
plus tard, les deux
adolescentes acceptent de
baisser le foulard sur leurs
épaules. A lire les articles,
il semblerait qu’elles ne
tiennent pas parole. On ne
parle que de ça : les jeunes
filles sont-elles contraintes
par leur père ?
L’islamisation menacet-elle la France ?
La République doit-elle
protéger les jeunes filles
contre elles-mêmes grâce
à une loi d’interdiction
des signes religieux
ostentatoires à l’école, qui
sera votée en 2004 ? Une
croix autour du cou estelle également un signe
ostentatoire ? Le
26 octobre Gilles Deleuze
écrit : «Arrivera-t-il qu’on
réclame un droit à la prière
islamique dans les classes
mêmes ? Et puis, qu’on
discute de l’enseignement
en reprochant à tel texte de
Racine ou Voltaire d’être
une offense à la dignité
musulmane ?»
Ces catastrophes n’ont pas
eu lieu, mais la conviction
d’un péril islamique ne
semble pas s’être évaporée
pour autant. Dans
certaines écoles, les mères
à foulard n’ont pas le droit
d’accompagner les sorties
des enfants, alors même
que les écoles cherchent de
tout cœur à «intégrer» les
CHAUD BIZ
D
familles de migrants à
la vie de l’établissement,
disent-elles. Le danger est
partout : des boucheries
«Halal» aux prières de
rue. On ignore ce que sont
devenues Leïla et Fatima
et comment elles ont vécu
le tsunami qu’elles ont
suscité. 2013 : Averroès,
le premier lycée privé
musulman de France à
Lille, est dans le palmarès
des meilleurs lycées de
France. Le secret du
directeur, El Hassane
Oufker, cité par le Monde :
avoir la foi. «Pas la foi
religieuse. Mais croire au
projet.» Ce lycée est
fréquenté également par
d’anciens élèves d’écoles
catholiques. «Le jour où
j’aurai 50% de musulmans
et 50% de non-musulmans,
je me dirai : “Tu as réussi
ton coup.”» 2011 : dans l’un
des «meilleurs» collèges
du IIIe arrondissement
parisien, la principale dit
à deux élèves pas
franco-françaises
qu’elles sont vêtues
comme «des putes».
Les gamines, qui vivent
en foyer, sont recueillies
en pleurs par un
enseignant effondré.
On ne sait pas si la
principale a du vocabulaire
pour qualifier les garçons
qui portent leurs jeans
en dessous des fesses, et si
un foulard sur le décolleté
aurait évité l’insulte.
1989 : le mur de Berlin s’est
écroulé, et les Arabes
disparaissent du
vocabulaire pour devenir
«musulmans». Philippe
Mangeot, de la revue
Vacarme : «1989 est l’année,
bien plus que 2001, d’un
nouveau partage du monde,
avec un nouvel ennemi: le
communautarisme.» •
«Special K»,
riche en kétamine
ÇA VA ÇA VIENT Virée nocturne à New York dans les
clubs où émergent les drogues les plus stupéfiantes.
Des capsules de kétamine. PHOTO NICOLAS ASFOURI. AFP
L
e téléphone sonnait
pour la troisième fois
en une minute – car
elle raccrochait systématiquement avant que le
répondeur ne s’enclenche –
et Graham, mon coloc, s’impatientait: «T’es sûr que c’est
elle ?»
«Putain, j’aurais encore préféré crever d’une OD au Limelight que de rencontrer cette
cinglée. — Mais tu l’as choppée où et elle veut quoi ?
— Chez Nell’s. Et quarantehuit heures plus tard, elle prétend qu’elle est enceinte de moi
car elle n’a pas eu ses règles.
— Elle est de New York ?
— Non, du Dakota du Sud !»
Graham ne pouvait s’empêcher de réprimer une bouffée
d’hilarité. «Tu veux devenir
fermier? —Ha ha ha, t’es trop
drôle parfois… Bon, j’ai la
migraine, je vais à Mars. Au
moins, aucune pécore en villégiature ne viendra me casser
les couilles.»
Comme tous les dimanches
soirs, les cinq niveaux du
club surplombant le Meat
Market étaient bondés. Je
ralliai le dernier étage, peint
en rouge, avec des armes à
feu en vitrine. A peine
étais-je installé au bar qu’un
Black et ses potes me faisaient signe de les rejoindre
à leur table. C’était trois psychiatres gays en goguette. Ils
me demandaient si j’allais à
la White Party du Saint et je
leur expliquai que c’était pas
trop mon truc, mais que
pourquoi pas, bien sûr.
Cinq jours plus tard, après
une coupe de champagne
dans la bonbonnière du
black dénommé Dwayne, on
ralliait le temple gay de la
Deuxième Avenue, avec sa
piste de danse suspendue
dans les airs, capable d’accueillir 3 000 personnes, et
sa voûte de planétarium s’illuminant de constellations au gré des chansons.
Dwayne s’installait avec ses
potes dans l’un des escaliers
conduisant aux niveaux supérieurs et ouvrait une lunch
box d’écolier remplie de flacons et de gélules. «Tu veux
du Kay?» demanda Dwayne.
Joignant le geste à la parole,
Septième art, nouvelle came
ans Drugstore Cowboy, le
harem de Gus Van Sant
s’ébauche sous l’égide
piquée et gobée de William S. Burroughs, mais surtout musclée et
ruisselante de Matt Dillon, transfuge
d’Outsiders et de Rusty James, de
Coppola. Suivront les beaux gosses
River Phoenix, Keanu Reeves, Matt
Damon et Michael Pitt. Pendant ce
temps, à Bâton-Rouge (sic) en Louisiane, Steven Soderbergh découvre
Sexe, mensonges et vidéo. Pas de quoi
fouetter une chatte, même sur un
toit brûlant : à cette époque, les
Français connaissent déjà les affres
de l’identité et du mensonge par
écrans interposés, grâce au Minitel.
LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr
SURPRISE
IV •
il fit des lignes sur la lunch
box et me proposa la première.
Dix minutes plus tard, je
perdais brutalement la sensation de mes jambes puis de
tout mon corps, essayai de
me relever, mais c’était impossible. Je commençai à paniquer: «Dwayne, putain, y’a
un problème avec ton truc, je
crois que je vais crever…»
L’impression était cauchemardesque mais Dwayne
gardait son sang-froid et
ouvrit aussitôt un flacon, y
plongea un stylet et me
donna une autre poudre à
sniffer: «Ne crains rien, c’est
du crystal meth, ça va couper
l’effet de la kétamine.» Et,
comme par enchantement,
je retrouvai ma mobilité. En
redescendant les marches,
Dwayne montrait des mecs
affalés, complètement partis : «Ils sont dans un “Khole”, une sorte de coma induit
par l’anesthésiant…» J’avais
du mal à y croire: «Mais enfin, c’est quoi le délire ? — On
utilise la kétamine en psychiatrie, pour traiter la dépression… Ça provoque des dissociations entre le cortex frontal
et le reste du cerveau. Bien sûr,
à hautes doses, il y a le risque
que les symptômes hallucinatoires s’installent et que ces
gars entrent en psychose, mais
ça, c’est possible même avec
de l’herbe. Le vrai danger du
“Special K”, c’est l’alcool, car
le mélange provoque un arrêt
cardiaque direct…»
Dans le taxi qui me ramenait
à la maison, je repensai avec
nostalgie à l’innocence des
années Studio 54 et envisageai soudain d’élever des enfants dans une ferme du
Dakota du Sud.
DAVID MANERO
19897
• V
La Haçienda, le night club créé par Factory Records, label de Joy Division, fait fureur en 1989. PHOTO ALAMY. PHOTO 12
L
e 22 mars 1989, en
première partie de My
Bloody Valentine, dans
une salle parisienne.
Des semi-clodos foncedés
jouent un funk froid hypnotique, hyperdansant, un mantra
halluciné sur rythmes syncopés. L’un d’eux, ado hâve au
regard mort, secoue des maracas sans jamais s’arrêter. Il ne
fait rien d’autre, ne chante pas,
ne joue pas. On dirait un poulet
décapité qui continue à gigoter. Le vide parfait, légèrement
flippant.
Il s’appelle Bez. Le groupe, les
Happy Mondays, originaires de
Manchester, dans le nord industrieux de l’Angleterre. L’été
suivant sera appelé «Summer of
Rave». Manchester, la ville de
Joy Division, des Buzzcocks et
des Smiths change de nom. On
Madchester,
l’acide maison
ÇA A EU LIEU Les Stone Roses et les Happy Mondays
transforment la ville anglaise en îlot musical et extatique.
la surnomme «Madchester», la
folie. Changement d’ère.
Exit pendaison et mélancolie.
Sous l’influence de la house
américaine et d’une consommation massive d’ecstasy,
l’acid-house est née. Factory
Records, le label de Joy Division, avait ouvert un club
ÇA PASSE OU ÇA CLASSE
C
en 1982, la Haçienda. A l’arrivée des Happy Mondays et des
Stone Roses en 1988-1989, le
lieu explose. Madchester est
une utopie, une île de bonheur
extrudé, avec cette gueule
ronde et jaune fluo de smiley,
bestiole droguée. Les groupes
ne produisent pas souvent : le
Jason
her Jason, tu n’as pas enchanté nos nuits
avec ta toison. En revanche, avec ta voix
de bélier, tu nous les as bien brisées.
Oui, Jason Donovan, c’est bien de toi qu’on
parle, toi qui est issu de l’écurie Stock Aitken
Waterman, avec Rick Astley et Kylie Minogue,
cette dernière étant la seule à avoir survécu. Il
faut attendre la fin des années 2000 pour que Jason refasse jaser. Avec Jason Bourne (héros de
la Mémoire dans la peau) et, surtout, avec Jason
Statham, musclor anglais et cérébral que Libé
qualifait récemment de «velouté brut».
Second Coming des Stone Roses
met cinq ans à sortir. Il y a
aussi James, A Guy Called Gerald, ou les Inspiral Carpets.
C’est de la musique à danser,
molle, pour corps et cerveaux
en caoutchouc, qui se porte
avec des pantalons baggy : en
forme de sac, évasé. Celle des
PUZZLE
Tout l’été, coupez, collez
et reconstituez
le dessin de Stéphane
Blanquet sur une page
de Libé du 9 juillet.
Les puzzles complets
gagneront une surprise.
LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr
Stone Roses, sorte de house
psyché sixties, rappelle méchamment le West Coast Pop
Art Experimental Band. Les
Happy Mondays, eux, ont à
peine accéléré Mushroom (1971)
de Can, mais ils ne le savent
pas. La ressemblance est pourtant frappante.
Pendant deux ou trois ans, tout
post-ado à la mode rêve d’aller
disparaître à Madchester, les
synapses fondues dans l’«E» et
la chaleur en transe du corps
d’autrui. Les rave parties et la
techno sortent de là, elles rentreront ensuite dans les bois.
Pendant que ce pragmatisme
chimique baigne l’Europe,
l’Amérique sécrète un curieux
contrepoison : le romantisme
boueux du grunge.
ÉRIC LORET
Lundi: Le Cap, Afrique du Sud.
19897
ARCHIVES DU 7E ART. PHOTO 12
ciles. Ça ne m’intéresse pas d’avoir
un paysage cinématographique où
tout le monde fait le même film.
Quant aux résultats, je les trouve
encourageants. Surtout dans l’attitude des gens qui ne croyaient pas
ça possible; moi qui ne suis un produit ni de l’industrie, ni du professionnalisme, j’ai montré à ces
professionnels italiens comment
faire de la production. Et ça, ça me
fait plaisir.
«Ce que je remarque chez les jeunes
réalisateurs – à l’exclusion de ceux
avec qui j’ai travaillé -, c’est qu’ils
sont corrompus mentalement,
avant même d’avoir fait leur premier film. Ils acceptent passivement
les sottises des producteurs. Ils peuvent avoir un beau scénario, un sujet italien, un film qui pourrait coûter cinq millions de francs ; le
producteur le convaincra de faire un
film international, avec casting international, peut-être de changer
l’endroit pour le rendre moins provincial –et voilà comment on transforme un film potentiellement intéressant en sous-merde sans racines.
J’ai fait comprendre à Daniele et à
Carlo que les acteurs de leurs films
devaient être les acteurs justes, ceux
qu’il leur fallait; et non pas se laisser
entraîner par de fausses considérations commerciales. Parce qu’il faut
bien dire une chose: en Italie, il n’y
a pas un acteur, italien ou étranger,
qui amène du monde dans les salles
(sauf si c’est un comique de télé et
là, ça ne m’intéresse pas). C’est important, cette idée de liberté. Parce
que la façon dont un film est produit
se reflète dans la façon dont on le
fait. Quand un jeune se met à écouter un producteur, il est foutu parce
que les «nécessités» dont le producteur lui rabat les oreilles deviennent le goût ou le mauvais goût
du réalisateur.
«Ce qui m’embarrasse chez les jeunes réalisateurs, c’est le manque total d’une quelconque idée de cinéma, et donc de morale
cinématographique. Certains tourneraient n’importe quoi, simplement pour tourner. Non seulement
ils ne savent pas ce qu’ils veulent,
mais ils ne savent pas non plus ce
qu’ils ne veulent pas ; et ça, c’est le
pire qui puisse arriver à un jeune
réalisateur. C’est pour ça qu’il est
important de voir beaucoup de
mauvais films, pas que les bons.»
«Je n’ai pas de
magnétoscope
par principe»
QUI VA LÀ? Quel réalisateur
et producteur italien répondait
cette année­là à nos questions?
«I
italienne à travers ce cinéma qu’on
fait aujourd’hui. Moi qui vais énormément au cinéma, je ne rencontre
jamais, jamais, ni un producteur ni
un cinéaste. Ceux qui font le cinéma
en Italie sont les premiers à ne pas
l’apprécier. Ils ont des magnétoscopes chez eux. Moi je n’en ai pas ;
c’est un de mes principes. Je crois
qu’il y a encore un peu d’espace
pour le cinéma que je veux faire,
aussi bien comme réalisateur que
comme producteur. Si demain cet
espace devait se fermer, je me mettrais à tenir un discours productif
encore plus radical et encore plus
dur. Je réagirais avec des films encore moins chers, encore plus diffi-
d’édition indépendante
voyait le jour.
L’Association,
la bande à BD
Par EMMANUEL GUILLEMAIN
D’ÉCHON
L’Association eut sept membres
1rapidement
fondateurs, dont l’un quitta
le navire. Qui était-ce?
A. Moquette.
B. Joann Sfar.
C. Mokeït.
D. Joey Starr.
nom complet de l’Association
2A.Leest…
L’Association à la pulpe.
B. L’Association du bois.
C. L’Association de malfaiteurs.
D. L’Association.
principal best-seller de la maison
3A.Leest…
Lapinot et les carottes de Patagonie.
B. Persepolis.
C. Astérix et Péril.
D. Les Lapins crétins.
La BD indépendante des années 90,
4
c’est bien sûr l’Association, mais ce
n’est pas…
A. Ego comme X.
B. Esperluette.
C. Cornélius.
D. Les Requins marteaux.
Membre fondateur de l’Association,
5
il est aussi un peu le «parrain» de la
BD autobiographique en France…
A. Enki Bilal.
B. Joann Sfar.
C. Lewis Trondheim.
D. Boulet.
le nom d’une collection de
6A.C’est
l’Association…
Côtelette.
B. Lurette.
C. Rouflaquette.
D. Alouette.
Recueilli par PHILIPPE GARNIER
(Paru le 11 janvier 1989)
L’interviewé de vendredi était
Heiner Müller.
BANDE­SON, MAIS C’EST BIEN SÛR!
J’ai plutôt envie de vous dire des choses
tragiques #auxcésars #salmanrushdie
A cause de cette chanson, toutes les filles portant ce prénom troyen se sont fait chambrer pendant des années dans
les cours d’école. Sinon, les paroles du morceau se chantent autant en français qu’en anglais. Ce qui est logique,
l’interprète venant d’un pays d’Amérique du Nord.
DR
QUI TWEETE?
Réponse: Isabelle Adjani lisant un extrait des Versets sataniques, de
Salman Rushdie aux Césars.
LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr
Réponse: Hélène, de Roch Voisine.
ET AUSSI
1 y a trois facteurs qui peuvent pousser un metteur en
scène à produire les films des
autres. Le sadisme (ce qui me semble avoir été le cas de Coppola envers Wenders). Le désir d’obliger les
autres à faire des sous-produits de
ses propres films, c’est-à-dire un
réalisateur qui se donne bonne
conscience en produisant d’autres
films, mais qui choisit des réalisateurs médiocres en connaissance de
cause […]. Et enfin ce qui m’anime.
Moi, j’ai essayé de trouver une génération de remplacement. Mais je
ne l’ai pas trouvée; elle n’existe pas.
[…] Quelqu’un vivant en France serait bien en peine de connaître la vie
QUIZ La maison
Réponses: 1. c; 2. a; 3. b; 4. b; 5. c; 6. a.
VI •
• VII
STUART FRANKLIN MAGNUM PHOTOS
19897
P
A chars
de revanche
PHOTOSCOPIE
ékin, printemps 1989.
Les étudiants manifestent place Tiananmen
contre la corruption du
régime. Le photographe anglais
Stuart Franklin documente
alors la vie de la place. Au matin
du 4 juin, après le massacre, il
prend ce cliché, bloqué dans un
hôtel voisin où travaillent en
outre deux télés et deux autres
collègues. Chaque révolution a
ses icônes : l’homme face à la
colonne de chars saisi par Stuart
Franklin est une de celles-ci.
Sur les images vidéo, on voit les
blindés quitter la place et cet
homme défier les chars pendant
quelques minutes. Le premier
tank se décale et notre inconnu
avec. Le ballet surréaliste dure
quelques minutes. Puis l’homme
monte sur le premier char, avant
qu’un groupe de personnes ne
surgisse et ne l’emmène hors
champ. On ne sait rien de lui, ni
ce qu’il est devenu, mystère de
cette figure héroïque. Même si
LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr
Stuart Franklin pense que «sans
la télévision, cette photo ne serait
pas restée dans l’histoire» et que
«ce n’est pas une grande image»
car il l’a «prise de trop loin» (1),
elle deviendra pourtant le symbole de la lutte contre la répression. La même année, Amnesty
International la choisit comme
affiche pour sa campagne chinoise.
SERVICE PHOTO
(1) «Les 100 photos du siècle», éd. du
Chêne.
VIII •
19897
LE CARNET LIVRES
Par CLAIRE DEVARRIEUX
L’écrivain algérien Kateb
Yacine, Indigné avant l’heure
Les Versets sataniques sont brûlés
à Bradford, en Angleterre. Menacé
de mort, Salman Rushdie
entre dans la clandestinité :
une fatwa de l’ayatollah Khomeiny
est lancée contre lui. Bei Dao, qui
se trouve à Berlin au moment des
événements de la place Tiananmen,
ne peut pas rentrer en Chine. Bruce
Chatwin et Bernard­Marie Koltès
meurent du sida. Mort de Thomas
Bernhard, Daphné du Maurier,
Simenon, Robert Penn Warren,
Margarete Buber­Neumann,
Samuel Beckett, Kateb Yacine :
«Si je devais délivrer un message
avant de mourir, un testament :
c’est la haine des religions. Je crois
que ce qui a esquinté le monde, ce qui
m’a esquinté moi et vous esquinte
vous, ce sont les religions, faites
attention à ça, faites bien attention
à ça. Ceux qui jusque-là se faisaient
passer pour des communistes et
des socialistes, pourquoi ils baissent
les bras, pourquoi ils ne parlent pas,
pourquoi ils ne crient pas, pourquoi
est-ce qu’ils ne dénoncent pas ?
Les intellectuels, les gens qui pensent :
qu’est-ce que vous en faites de vos
pensées ? Debout ! Il n’y a pas de bon
dieu. Il n’y a jamais eu un seul bon
dieu. Et s’il y en a un, c’est vous. Mais
alors, debout !» (cf. vidéo YouTube).
Bernard Frank ouvre le premier
tome des Œuvres complètes de
Julien Gracq : «J’ai trouvé très chic
et presque émouvant de recevoir
un Pléiade dédicacé par son auteur.»
Sylvie Germain, prix Femina
pour Jours de colère (Gallimard).
Début de la Vacation, le premier
roman de Martin Winckler (POL) :
«Tu es en retard. / La voiture dévale
la côte, et tu dois freiner pour aborder
l’entrée de l’hôpital.» •
Timisoara, un faux
et intox
BOULETTE De fausses images du charnier
roumain sont diffusées en France.
«T
imisoara libéré découvre
un charnier», écrit Libération dans son édition
du 23 décembre 1989.
A la veille de Noël, comme toute la
presse française, notre quotidien
se plante. «Un témoin va faire état
de 4630 cadavres recensés», lit-on
en surtitre. Ce charnier est censé
prouver l’horreur du régime de
Ceaucescu. Mais, un mois plus
tard, on découvre que la vérité
n’était pas tout à fait celle-là. Oui,
il y a eu des morts, 147 dans la
ville. Oui, la répression de la libération a été violente, mais, de
massacre et de charnier, point.
Une dépêche recensant une rumeur et tout s’est emballé. «Au
royaume d’Ubu, il ne pouvait être
qu’une fin effroyable après l’effroi
sans fin», cherche à comprendre
CASE MÉMOIRE
Libé, quatre mois plus tard. Le
parcours de cette fausse info est
assez simple: une radio hongroise
évoque «un coup de fil d’un réfugié
roumain de souche hongroise à Budapest». L’AFP reprend et une fois
que l’AFP reprend, c’est souvent
trop tard. Des images de cadavres
sont diffusées, on découvrira ensuite qu’ils ont été sortis d’un cimetière. «Il n’est venu alors à personne l’idée de compter les morts»,
raconte un journaliste de l’agence
yougoslave Tanjug, présent sur
place. «L’affaire du charnier de Timisoara» reste comme le Trafalgar
de la presse française. Pourraitelle se reproduire en 2013 ? Si la
rapidité du Net pousse parfois à
l’emballement, les rumeurs se dégonflent aussi bien plus vite.
QUENTIN GIRARD
Par JEAN­YVES DUHOO
LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr
Par MACHINE BIDULE
16
•
SPORTS
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
A la veille des Mondiaux de natation, Fabrice Pellerin, l’exentraîneur de Yannick Agnel, déplore l’exil des meilleurs Français:
«LecasManaudou
nenousarienappris»
Recueilli par DINO DI MEO
qu’il n’y a pas d’équivalent en France. Il
existe en France un parcours d’excellence
abrice Pellerin, l’entraîneur de sportif, le PES. Il identifie les structures
l’Olympic Nice Natation, était ren- françaises labélisées qui constituent l’ossatré des Jeux de Londres avec trois ture du savoir-faire national. Ces pôles
nageurs en or : Camille Muffat, d’excellence sont soutenus par le ministère
Yannick Agnel et Clément Lefert. Il y a des Sports et par la fédération. Quand un
deux mois, Agnel décidait de quitter le sportif refuse ce dispositif et lui préfère un
club qui l’a formé pour aller s’ensubstitut hors frontières, il signe
traîner aux Etats-Unis avec Bob
INTERVIEW un désaveu sévère de l’instituBowman. A la veille des Montion. Plus grave : quand l’instidiaux qui débutent à Barcelone (Espagne) tution applaudit ce choix, elle se désavoue
dimanche, retour sur une séparation que elle-même! C’est de nature à mettre en péle coach niçois juge préoccupante pour la ril notre sport.
natation française.
Est-ce un problème français ?
Le départ de Yannick Agnel vous a-t-il En France, on a eu le cas avec Manaudou et
affecté ?
Agnel: on encourage un nageur à aller s’exCe qu’un nageur est capable d’entendre patrier et s’entraîner à l’étranger aux frais
pour être champion olympique ne l’est de la princesse. Ce message est terrible car,
plus quand il a atteint son but. Il suscite dans le même temps, on chipote sur les
un intérêt nouveau de la part d’un environ- subventions qu’on va allouer à des clubs
nement qui se construit autour de lui. Je français qui essaient de se développer, à des
pense à des agents sportifs, des forces entraîneurs qui veulent valoriser leur sport,
institutionnelles. En quelques heures, des leur métier, leur travail. On pense que les
gens bien intentionnés ont établi pour Yan- Français ne sont pas assez bons pour prépanick un plan B.
rer les athlètes donc on va les aider dans
Que s’est-il passé ?
leur démarche d’expatriation et en plus on
Quand un sportif ne remplit plus les cri- va la financer. C’est assez dommageable.
tères de la culture de son sport, c’est-à-dire Mais ailleurs, est-ce différent ?
travailler, puis respecter l’entraîneur, dans Bowman a vécu un enfer ces dernières anle souci de préserver et de protéger l’intérêt nées avec Michael Phelps. Entre eux, les
général d’un groupe, d’un club, il faut lui clashs étaient monnaie courante, mais il
dire les choses telles qu’on les pense. Je l’ai n’y avait pas d’agent, pas la fédération, pas
fait pendant sept ans avec Yannick. A cha- de club, pas d’institution qui s’empressait
que fois, il l’a intégré et s’en est servi. Un de lui réserver un billet pour la France en
samedi matin, je lui ai demandé de rentrer disant «il faut vite que tu ailles t’entraîner
chez lui et de mûrir la nature et le niveau de avec Pellerin, Romain Barnier, Denis
son investissement.
Auguin». Il y a ce respect du coaching et
Cela s’était donc déjà produit ?
c’est l’affaire du coach et du nageur.
Au moins 7 ou 8 fois, Yannick a eu des Mais Yannick Agnel n’est pas le seul à
coups de blues, s’est absenté quelques jours s’expatrier…
de l’entraînement. Il lui est arrivé de ren- Yannick n’est plus mon problème, et c’est
trer chez lui, de ronger son frein, de réflé- un épiphénomène à l’échelle de l’histoire
chir, de faire le point sur son investisse- de la natation. J’ai la chance d’avoir
ment. Puis de revenir le lundi en disant Camille Muffat, Charlotte Bonnet, Damien
qu’il avait compris le message et qu’il tra- Joly. Ma priorité est de faire fonctionner un
vaillait en conséquence. Là, il a fallu ce club avec la réussite telle qu’on a pu la
temps de gestation, qui fait partie de la re- vivre. Mais, pour avoir des résultats de
lation entraîneur-entraîné, où l’environne- club, il faut installer une culture et s’attament proche (famille, agent sportif et quel- cher à des principes forts pour la défendre.
ques personnes de l’institutionnel) s’est C’est ce que j’ai toujours fait. Et je contiempressé de lui trouver une solution loin- nuerai, n’en déplaise à certains. Je m’autotaine, en l’occurrence aux Etats-Unis. Au- rise donc à être sincère et direct.
delà du cas de Yannick, on touche à quelque Clément Lefert est également parti à
chose de très délétère pour le sport et pour l’étranger…
l’avenir de notre pratique.
Le grand service qu’on peut rendre au sport
C’est-à-dire ?
français, si un nageur veut tenter l’aventure
En quelques heures, il avait sur la table un ailleurs, c’est aussi lui dire «tu vas te débillet d’avion. On lui a conseillé d’aller chez brouiller pour financer ça tout seul». Moi,
Bowman. C’est d’ailleurs une publicité j’encourage la prise de risques. Clément
extraordinaire pour Nice et cela veut dire Lefert a fait une démarche très différente.
F
Pour aller aux Etats-Unis, il savait qu’il devait trouver un financement car il avait un
tout autre statut. Il n’était pas encore
champion olympique en relais. Il a dû travailler dur pour avoir des notes extraordinaires à l’école afin de décrocher une
bourse que l’université lui a allouée en regard de ses résultats scolaires et sportifs. Et
finalement, il a gagné des choses, même si
c’est en revenant une année sur le sol
français avant les Jeux qu’il a pu se révéler
sportivement.
Qui est responsable ?
Ça renvoie au rôle des élus qui sont à la tête
des institutions. Comment flèche-t-on
l’argent ? Comment peut-on favoriser le
savoir-faire français et le développement
de nos structures ? Là on est à côté de la
plaque. J’appelle ça le «syndrome Justin
Bieber».
Comment ça ?
La star qui faisait des choses hors normes
avait besoin de sentir autour d’elle un cadre solide, la présence de contraintes. Dans
la nature humaine, on teste la solidité de
sa culture, celle dans laquelle on essaie de
s’émanciper. J’ai de la Badoit, je veux de
l’Evian dans l’heure qui suit. Son environnement sait qu’il tient une pépite, il ne
veut surtout pas la perdre. Commence alors
une danse séductrice qui va aller dans le
sens du test et qui va échouer car, plutôt
que de montrer tout de suite la solidité de
la culture et des contraintes, on va s’abaisser à la demande. Et le test va se poursuivre. Après la bouteille d’eau, ce sera l’hôtel, etc. C’est l’escalade. Il faut tout de suite
répondre fermement, car sinon il n’y a
plus de limites. Et, à terme, on affaiblit
l’individu.
Est-ce le cas pour Yannick Agnel ?
Il y a des gens qui ont utilisé le levier de
l’affectif, ce dont je me suis toujours privé
car je sais trop ce que ça peut faire. Ici, il y
a un «parasitage». Huit ans après Manaudou, on n’apprend pas. Et ces Mondiaux espagnols, où Yannick sera champion du
monde, vont donner raison à ce système et
en renforcer ses faiblesses. Cela complique
la tâche de mes collègues entraîneurs qui,
dans leur pôle, leur club, essaient de construire et de revendiquer un savoir-faire
français. Ce n’est pas comme ça qu’on va
s’imposer comme une nation forte à l’avenir. On n’est pas encore dans la pérennisation. A chaque fois qu’un nageur va être
aidé, on va compliquer notre travail quotidien et affaiblir les autres nageurs et la lecture de leur propre environnement. En fait,
cela prouve qu’un nageur est juste un footballeur qui n’a pas encore d’argent. •
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
SPORTS
PHOTO OLIVIER
MONGE. M.Y.O.P.
17
DOS MAJEUR Roxana Maracineanu replonge dans
le grand bassin des Mondiaux pour «Libération».
Entraîneur-entraîné,
un chemin de foi
H
einrich Franz Biber, un
min inconnu que nous parcourons
violoniste de la cour autrià tâtons jusqu’au succès. Tant que
chienne du XVIIe siècle,
je pense pouvoir te prouver des
avait choisi à l’époque de dégrader
choses, je m’engage pour toi. Dès
son instrument de travail aux
que je sens que tu détiens la vérité,
yeux du plus grand nombre en le
tu m’exclus de la relation. Si tu
désaccordant, pour finalement
sais déjà tout, tu n’as plus besoin
aboutir à une virtuosité inégalée
de moi.
jusqu’alors. Et si on expliquait comme cela La confiance, indispensable à cette relation
la décision d’Agnel ?
au quotidien, repose sur le doute permanent
Le jeune prodige, grisé par le succès, qui de l’autre. C’est pourquoi après une médaille,
casse le jouet reçu à son dernier Noël et se comme après la naissance d’un enfant voulu
croit tout permis parce qu’on lui permet à deux, il faut prendre le temps de reconsidétout? Yannick est trop intelligent pour tom- rer l’aléatoire du résultat, de le prendre
ber dans le piège. L’enfant gâté
comme un don de l’un à l’autre et
qui reçoit tout sur un plateau et
CHRONIQUE non comme une prise d’ascenpréfère dépenser ses sous aux
dant de l’un sur l’autre. C’est vaStates plutôt qu’acheter sa baguette à la bou- lable pour le sportif, mais aussi pour l’entraîlangerie du coin? J’en conviens, un bon sujet neur. Réussir ne change pas le fond des gens,
de débat, gracieusement opportuniste qui mais change bien la relation qui existe entre
plus est, vu la période.
eux. Chacun doit se remettre en question
Mais j’ai bien peur que disserter sur le bien certes, mais la relation elle aussi ne doit pas
fondé du protectionnisme en matière d’en- être considérée comme acquise.
traînement sportif soit d’emblée un sujet sté- Avant, j’acceptais qu’à l’entraînement tu
rile quand on recherche l’excellence person- conçoives et diriges. Et moi j’exécutais. En
nelle. Celle qui contribue, quoi qu’on en dise, compétition, tu devais lâcher prise et me
à l’excellence collective d’un sport individuel donner les rênes. Je devais créer les condicomme la natation. D’autant que celui qui tions optimales pour que mon corps s’exavance l’argument [l’entraîneur Fabrice Pelle- prime. Poser une hypothèse ensemble, gérer
rin, lire ci-contre] accueille dans son groupe l’incertitude à deux, pour pouvoir bâtir et
d’entraînement plusieurs nageurs étrangers avancer. C’était ma principale source de mode niveau international. D’autant aussi que tivation. Une fois la sentence du chrono protout cela ne répond pas à la véritable ques- noncée, certains disent qu’il faut «laisser
tion : comment se fait-il que la relation en- mourir» la médaille pour que la relation retraîneur-entraîné souffre après un succès prenne. Redéfinir les rôles, les tâches et les
sportif, alors qu’on s’attendrait au contraire prérogatives de chacun dans un environneà ce qu’elle en ressorte renforcée ?
ment qui a inévitablement changé.
Comme en amour, cette relation ne dure que Yannick a choisi de se servir de son titre
tant qu’il reste une partie à conquérir. Au dé- comme d’un tremplin pour la suite de sa carbut, je t’accorde ma foi. Tu es celui qui sait, rière sportive, son épanouissement personnel
l’entraîneur. Moi, celui qui apprend. Mais dès et intellectuel. Cela signe plus l’échec d’une
les premiers déboires en compétition, je réa- relation que le mauvais choix de l’un ou
lise que toi non plus, tu n’es sûr de rien. Cela l’inexpérience d’un autre. Parions que Fane peut donc fonctionner juste à la foi, il faut brice Pellerin, qui encourage ses nageurs à
collaborer. Tant mieux, car c’est dans cette choisir et décider, saura surmonter l’ameraventure humaine que je puise ma motiva- tume de cette séparation. •
tion. Gagner progressivement la confiance Roxana Maracineanu, ex­championne du monde,
de l’autre. S’engager ensemble sur un che- est consultante pour France Télévisions.
FRANCE TÉLÉVISIONS
Fabrice Pellerin
et Yannick Agnel,
en 2010, à Nice.
•
REPÈRES
Les championnats du monde de natation
débutent dimanche au Palau Sant Jordi,
à Barcelone. Quatre titres sont au
programme à partir de 18 heures: 400m
nage libre messieurs, 400m nage libre
dames, ainsi que les deux relais 4x100m,
masculin et féminin.
Yannick Agnel, 21 ans, sera finalement
accompagné à Barcelone par le Colom­
bien Fernando Canales, adjoint de Bob
Bowman, le patron de l’équipe des Etats­
Unis. Le double champion olympique de
Londres avait quitté il y a deux mois son
club de Nice pour Baltimore. Initialement
engagé sur les relais tricolores, il s’alignera
aussi sur 200m nage libre.
10
«Les choses vont bien,
il est bronzé, décontracté.
Il travaille très dur, j’ai vu
des séances difficiles et, surtout,
il a envie de nager.»
LES MONDIAUX
C’est l’objectif du nombre de médailles,
dont deux en or, qu’espère atteindre
Lionel Horter, directeur technique
national de l’équipe de France.
Lionel Horter directeur technique national,
à propos de Yannick Agnel à Baltimore
18
•
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
SPORTS
12 euros
C’était la somme à débourser pour voir s’entraîner le
Paris­Saint­Germain, vendredi après­midi, au Gamla
Ullevi Stadium de Göteborg: une idée de la société qui
organise le match amical de samedi soir entre le Paris­SG
et le Real Madrid. Une ristourne de 50% (6 euros, donc)
est prévue pour les détenteurs de billets pour le match
lui­même, billets vendus entre 60 et 110 euros pièce. Du
racket, le match étant sans enjeu.
TENNIS Suspendu dixhuit mois pour avoir refusé
une prise de sang lors d’un
contrôle antidopage, le Serbe
Viktor Troicki (53e joueur
mondial) affirme qu’il avait
l’accord du médecin chargé
du prélèvement. «J’ai expliqué au docteur que je me sentais déjà très faible et il m’a
expliqué qu’il pouvait dès lors
se satisfaire d’un prélèvement
urinaire», a affirmé le joueur.
FOOT Le président de
l’Olympique lyonnais, JeanMichel Aulas, s’est retrouvé
enfermé dans le stade Gerland à l’issue du Lyon-Real
Madrid (2-2) amical de mer-
credi, selon le Progrès. Il a
carrément passé un coup de
fil à la mairie pour qu’on le
sorte de l’enceinte. «Et dire
qu’on se demande encore
pourquoi je veux un nouveau
stade», en a-t-il plaisanté
après coup.
VOILE Le skippeur de Groupama, Franck Cammas, et
son équipage ont remporté
vendredi l’ultime étape au
large du Tour de France à la
voile entre la Seyne-sur-Mer
(Var) et Marseille. Si Cammas
est assuré de la victoire finale, les derniers parcours
techniques, samedi, décideront du reste du podium.
La Lotus de Kimi Räikkönen, vendredi lors des essais libres, sur l’Hungaroring, près de Budapest. PHOTO PETR DAVID JOSEK.AP
GrandPrixdeHongrie:
lesLotusenbonneposition
«Tout le monde exige des directs
concernant les championnats du monde
d’athlétisme handisports [organisés à Lyon,
FORMULE 1 Avec la chaleur et la confiance retrouvée, Räikkönen et
du 19 au 28 juillet, ndlr] et peu de monde
regarde […]. C’est vrai que la presse écrite et Grosjean semblent bien placés pour inquiéter Vettel ce week-end.
les radios n’ont pas envoyé grand monde.»
LES GENS
AU BARÇA, GERARDO «TATA»
MARTINO À LA MERCI DE MESSI ?
L’arrivée de l’entraîneur Gerardo «Tata» Martino au
FC Barcelone ne risque pas d’amoindrir l’influence de
Lionel Messi dans la maison blaugrana: c’est ce qui res­
sort de la conférence de presse de présentation du
coach argentin, vendredi. «Messi a joué à plusieurs posi­
tions ces dernières années, et comme avant­centre il a
exploité un rôle de buteur, a détaillé Martino. Il continuera
à jouer exactement dans la même position. L’idéal serait
d’avoir une équipe qui continue à lui apporter toutes les
options et qu’il se sente à l’aise, et après il fera le reste.»
Proche du père de la star, Martino avait expliqué mardi
«n’avoir aucun doute sur le fait que Messi ait parlé aux
dirigeants du club» pour favoriser son embauche quand
Tito Vilanova a passé la main la semaine dernière. Il a
rétropédalé vendredi: «Ni le père de Messi ni Messi ne
sont responsables de ma venue.» PHOTO REUTERS
équipe Lotus-Renault
s’avance comme la
grande favorite du
Grand Prix de Hongrie qui se
dispute ce week-end sur le
tourniquet de l’Hungaroring
dans les faubourgs de Budapest. Les deux pilotes de la
formation anglaise, le Finlandais Kimi Räikkönen et le
Franco-Suisse Romain Grosjean, restent sur une belle
performance lors du Grand
Prix d’Allemagne, où ils se
sont classés deuxième et
troisième, dans le sillage de
la Red Bull-Renault de Sebastian Vettel qui, pour une
fois, est restée sous la menace des monoplaces noir et
or durant toute la course.
Accessits. Voir l’écurie
Lotus, actuelle quatrième du
championnat des constructeurs, dans une position
aussi flatteuse n’est pas une
surprise. Depuis deux
saisons, Lotus flirte avec
les accessits, remportant
même deux victoires (Abou
Dhabi 2012 et Australie 2013)
grâce à Kimi Räikkönen et
l’étonnante capacité de la
monoplace anglaise à ne pas
martyriser ses pneus, tandis
que la concurrence souffre
dans ce domaine. Alors que
le manufacturier Pirelli a
souvent été montré du doigt
depuis le début de la saison,
surtout après les multiples
L’
incidents et éclatements lors
du Grand Prix de GrandeBretagne, les pilotes et les
techniciens de Lotus ne se
sont jamais plaints de leurs
gommes, parvenant même à
les faire fonctionner lorsque
les Italiens de Pirelli sont revenus à des solutions plus
«conservatrices» pour des
raisons de sécurité.
Ce week-end, les pilotes
vont enfin disposer des
pneus définitivement modifiés, soit un mélange de
gommes millésimé 2013,
mais reprenant le mode de
construction et de structure
type 2012, plus éprouvée. Là
encore, après quelques essais
sur la piste la semaine dernière à Silverstone, les ingénieurs de Lotus sont confiants et un autre paramètre,
qui n’a rien à voir avec la
technique, renforce ce sentiment : des températures caniculaires sont attendues en
Hongrie.
Fournaise. Or, les Lotus de
Räikkönen et de Grosjean ne
sont jamais aussi à l’aise que
dans la fournaise. Elles présentent la particularité de ne
pas trop user leurs pneus et
de pouvoir ainsi prolonger
leur relais tout en gardant un
niveau de performance satisfaisant. Il y a un an, les deux
pilotes de l’écurie managée
par le Français Eric Boullier
avaient déjà trusté le podium
en compagnie du vainqueur
d’alors, l’Anglais Lewis Hamilton. Sur un tracé court
(4,381 km) et tortueux
(14 virages), et malgré les artifices à la disposition des pilotes pour leur faciliter les
dépassements – le Kers qui
GP DE HONGRIE
Hungaroring à Budapest, dimanche à 14 heures
(heure française)
4,381 km
Longueur tour
Nombre de tours
Course
70
306,63 km
Vainqueur Lewis Hamilton
(McLaren)
2012
Source : Reuters
Patrick Montel journaliste à France Télévisions, s’alarmant
sur Twitter des faibles audiences (0,5% de part de marché
mercredi, soit 95000 personnes) des Mondiaux sur France 4
apporte un surcroît de puissante pendant six secondes
par tour et le DRS qui réduit
la traînée aérodynamique,
augmentant ainsi la vitesse
de pointe dans les phases de
dépassements –, doubler
s’avère toujours délicat et
risqué sur l’Hungaroring.
Un peu comme à Monaco, où
la charge aérodynamique est
d’ailleurs assez similaire,
l’objectif de tous les pilotes y
est de réussir la meilleure
qualification possible. La
stratégie de l’équipe Lotus
sera donc de placer ses pilotes en embuscade derrière
ceux de la formation Mercedes (Lewis Hamilton et Nico
Rosberg) donnés comme les
favoris des qualifications,
mais handicapés par l’usure
excessive de leurs pneus en
course, et notamment devant la Red Bull-Renault, qui
reste malgré tout la meilleure
monoplace du plateau, surtout avec Sebastian Vettel au
volant.
Lotus pourrait toutefois être
confrontée en course à un
nouvel adversaire avec le
possible retour en forme de
la Scuderia Ferrari, qui devrait aussi gagner en efficacité grâce aux nouveaux
pneus Pirelli. Mais l’écurie
italienne a jusque-là toujours
eu du mal en qualification…
LIONEL FROISSART
JEUX-MÉTÉO
SUDOKU MOYEN
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A
SAMEDI L’APRÈS-MIDI Le temps restera très
agité au nord avec des orages
nombreux et parfois violents. Temps
chaud et ensoleillé au sud et à l'est.
0,6 m/17º
Lille
0,3 m/16º
Caen
Paris
Strasbourg
Brest
Orléans
Dijon
Nantes
0,1 m/19º
Lyon
Limoges
0,3 m/21º
Bordeaux
0,1 m/24º
Toulouse
Nice
Montpellier
Marseille
Ajaccio
1 m/25º
0,3 m/26°
FRANCE
MIN/MAX
16/29
14/26
14/20
15/28
19/31
19/31
23/31
Lille
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Nantes
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Nice
Strasbourg
FRANCE
MIN/MAX
SÉLECTION
20/36
16/35
13/36
19/34
23/35
19/32
24/31
Alger
Bruxelles
Jérusalem
Londres
Berlin
Madrid
New York
Dijon
Lyon
Bordeaux
Ajaccio
Toulouse
Montpellier
Marseille
Des ondées orageuses pourront se
produire sur le sud Bretagne. Des
Pyrénées au nord-est, les orages
seront parfois violents.
Lille
0,3 m/17º
0,3 m/16º
1 m/16º
Caen
Caen
Paris
Strasbourg
Brest
Paris
Orléans
Dijon
Nantes
Dijon
Nantes
0,3 m/21º
1,5 m/21º
Lyon
Lyon
Bordeaux
Bordeaux
0,3 m/24º
0,3 m/24º
Toulouse
Nice
Montpellier
Toulouse
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Strasbourg
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24/32
18/29
18/29
Ciel restant changeant au nord avec
des averses et un léger risque orageux.
Plus lumineux sur la moitié sud.
Lille
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•
CULTURE
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
Wayne Shorter
en bonne compagnie
JAZZ Le mythique saxophoniste américain, qui fêtera fin août
ses 80 ans, est attendu ce samedi à Marciac. Mardi, il jouait déjà
à Marseille, où sa vitalité faisait plaisir à entendre, tout comme
celle du rafraîchissant trio féminin ACS qui le précédait.
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
Par DOMINIQUE QUEILLÉ
Envoyée spéciale à Marseille
Photos JULIE ROCHEREAU
O
Wayne Shorter,
sur scène, à
Marseille.
Et le trio ACS.
De gauche à
doite: Geri Allen
(piano),
Esperanza
Spalding
(contrebasse)
et Terri Lyne
Carrington.
CULTURE
Brian Blade – ne manquent pas de répartie, stimulés par l’audace de leur
leader. Une circulation sans faille, entre
amorces suggérées pour tremplin de
grâce, instants en suspens et vifs retours. Bien que parfois complexe dans
ses explorations, le quartet réussit à imposer le silence dès les premières notes,
côté cour de la scène à ciel ouvert, perchée sur les hauteurs des jardins du palais Longchamp où l’on dîne sous les
ombrages.
n peut le classer dans le top
cinq des saxophonistes de
tous les temps, que Stan Getz
portait aux nues en ces termes : «Wayne Shorter est le plus grand
compositeur du jazz depuis la mort de
Duke Ellington.» Des qualités qui n’ont
pas échappé à Art Blakey et à Miles Davis. A l’aube de ses 80 ans, qu’il fêtera
le 25 août, Wayne Shorter, légende vi- BANDE DESSINÉE. «Comme je le dis souvante de l’histoire du jazz, refuse tou- vent, nous ne faisons guère de répétitions
jours la routine. Le saxophoniste du avant de jouer. Nous sommes dans une
mythique second quintet de Miles Da- quête perpétuelle, la musique doit nous
vis dans les années 60 (complété alors questionner et nous inciter à prendre des
par Herbie Hancock, Ron Carter et risques», confie quelques instants avant
Tony Williams) en a fait une démons- sa montée sur scène le compositeur, qui
tration éblouissante, mardi, au festival a accepté au pied levé un bref entretien.
Jazz des cinq continents à Marseille où, Quelques minutes qu’il étire de bon gré
avec son quartet, il a à nouveau prouvé avec, comme dans sa musique, des
qu’il avait du souffle dans les idées.
écarts en direction d’autres passions,
Une date spéciale que cette étape dans comme le cinéma ou la bande dessinée.
la «capitale européenne de la culture», Et aussi des fictions: «Ce sont des récits
comme le sera celle de ce samedi à pour la jeunesse que les adultes dévorent.
Marciac, dans le Gers où Wayne Shorter Dans le dernier que j’ai lu, il est question
est attendu pour ce tour anniversaire en d’arrêter la technologie. Les contes de fées
compagnie de
trois instrumen- De son dernier album Without a Net
tistes féminines
majeures en pre- (Sans filet), Wayne Shorter révèle que le
mière partie : le titre lui a été inspiré par l’actrice Vonetta
trio ACS, com- McGee, figure de la Blaxploitation.
posé de la pianiste
Geri Allen, de la contrebassiste Espe- doivent appartenir à la réalité», dit-il.
ranza Spalding et de la batteuse Terri De son dernier album Without a Net
Lyne Carrington.
(Sans filet), Wayne Shorter révèle que
Après une balance studieuse et com- le titre lui a été inspiré par l’actrice Voplice qui promet, puis une séance coif- netta McGee, figure de la Blaxploitafure, le trio retrouve le saxophoniste le tion : «Après l’un de nos concerts, Votemps d’une pose photo de groupe. On netta, que je connaissais depuis ses 15 ans
entendra Wayne Shorter un peu après et pour laquelle Miles et moi avions écrit
préciser au micro de FIP que le plus im- le thème Vonetta [extrait de l’album The
portant pour lui n’est pas la célébration Sorcerer de 1967, qui n’a pas pris une
de son anniversaire, mais l’occasion de ride, ndlr], était venue nous saluer et
donner à entendre la qualité de ce trio nous a dit: “Vous jouez vraiment sans fiqui excelle dans un domaine toujours let !” Elle est décédée quelques semaines
dominé par le genre masculin. D’une après.»
indéniable fraîcheur et vivacité, les Quant au répertoire de la soirée martrois musiciennes et compositrices qui seillaise, il confirme des approches de
ne s’étaient réunies qu’une fois aupara- cet album paru chez Blue Note en févant autour du projet de Terri Lyne vrier, ce qui lui permet au passage un
Carrington, The Mosaic Project, offrent jeu de mot entre «Without a Net» et
effectivement un long set passionnant, «Without Ornette» [Coleman, ndlr]
dédié au saxophoniste, à travers ses dans un grand éclat de rire. «Mais on
compositions, dont Mysterious Traveller, jouera aussi des morceaux du prochain
Nefertiti et Virgo. Belle entrée en ma- que l’on a déjà réalisé avec un orchestre de
tière.
chambre de New York. Sa particularité, il
n’y a pas de chef d’orchestre !» conFEU FOLLET. Motivé par ce goût immo- clut-il. Une aventure qui ne pouvait
déré pour l’instantanéité, le saxopho- manquer de séduire ce funambule, imniste alto et soprano, cofondateur de provisateur hors pair qui déclarait, il y
Weather Report avec Joe Zawinul, réus- a huit ans : «Au diable, les règles. J’ai
sit encore à surprendre ses comparses 71 ans, je n’ai rien à perdre maintenant :
malgré une connivence développée sur je pars pour l’inconnu.» •
plus de dix années. Il est vrai que les
trois acolytes –le subtil Panaméen Da- WAYNE SHORTER QUARTET
nilo Perez au piano, le solide Californien et LE TRIO ACS en concert
d’origine italienne, John Patitucci à la à Jazz in Marciac, ce samedi à 21 heures.
contrebasse, et le feu follet batteur http://www.jazzinmarciac.com
•
21
Echos de combats pour l’égalité raciale
au festival Jazz des cinq continents.
Marseille sous
le signe de la lutte
P
as de doute, le festival Jazz
des cinq continents porte
bien son nom. Cette année,
ses couleurs alignaient toutes les
nuances géographiques de la blue
note, d’Est en Ouest en passant
par les suds, sans oublier le bleu
local. Des variations timbrées de
l’épatante Coréenne Youn Sunnah qui bouscule la donne vocale,
aux historiques Afro-Américains
Wayne Shorter et Archie Shepp.
Autre légende du jazz, le saxophoniste, compositeur, chanteur et
poète engagé Archie Shepp, né en
1937 en Floride, recréait, après
Châteauvallon et la Villette, son
Attica Blues, œuvre politique
grandiose embrasant tout le spectre de la Great Black Music, créée
en 1972 à la suite des émeutes survenues à la prison de New York, où
39 personnes furent tuées. «Ce
n’était pas des émeutes, préciset-il, mais une rébellion face aux terribles conditions de détention.» Une
mutinerie qui survient juste après
le meurtre du Black Panther
George Jackson à la prison de San
Quentin.
Historique. Quarante ans plus
tard, Shepp réalise un de ses rêves : redonner vie à son Attica
Blues avec un nouveau big band de
25 musiciens dont quatre instrumentistes de la région (tel Raphaël
Imbert) avec, au chant, Claudine
Amina Myers présente à l’origine
en 1972, la Marseillaise Marion
Rampal, Cécile McLorin Salvant et
Archie Shepp, lui-même, blues boy
depuis l’enfance. Sous la conduite
du trompettiste et arrangeur
Jimmy Owens, un autre historique
est aussi de la partie, le batteur
Famoudou Don Moye de l’Art Ensemble of Chicago, lui-même
néo-Marseillais. Cuivres, cordes,
chœurs traversent à l’unisson spirituals, free, swing, échos ellingtoniens, funk, soul, blues. Jusqu’à
The Cry of My People, en point
d’orgue, extrait de l’album sorti
l’année suivante en 1973, propulsé
ici à la trompette par Stéphane
Belmondo et repris suavement par
Archie Shepp.
Une soirée tout en magie à laquelle
est venue assister la ministre de la
Justice, Christiane Taubira, déci-
dément assidue des concerts de
jazz, de passage pour la signature
de vingt contrats emplois-jeunes.
En cette soirée placée sous le signe
de la lutte pour la liberté, la garde
des Sceaux y salue le trompettiste
sud-africain Hugh Masekela en fin
de première partie, qui vient de
faire danser les jardins du palais
Longchamp avec son hymne à
Nelson Mandela, écrit au temps de
l’apartheid, Bring Him Back Home,
en lui confiant avoir souvent participé à des manifs pour le leader
de l’ANC.
Album­opéra. Pour ajouter encore du sens au son, était également présenté dans le cadre du cycle d’expositions, de rencontres et
de projections, «Alcajazz», le documentaire The Sound Before the
Fury, réalisé par Martin Sarrazac et
Lola Frederich, suivi d’un débat en
présence de Shepp. La salle est
comble en cette fin d’après-midi
à la veille du concert. L’émotion
est palpable à la fin de la projection
du film qui met en parallèle, avec
des séquences d’archives, les événements d’Attica et le processus
de (re)création du chef-d’œuvre
de Shepp. Son arrivée dans la salle
de l’Alcazar, la bibliothèque de
Marseille, provoque une standing
ovation. Le musicien, passeur et
témoin, est venu contextualiser
cet album-opéra pluriel dont on
fête le 40e anniversaire.
Pendant le festival – qui s’achève
ce samedi–, les nuits raccourcissent; après les rendez-vous du soir
sur les hauteurs du palais Longchamp, une descente quotidienne
s’impose direction le Vieux-Port
et la Criée.
Dans le théâtre national, se déroulent les afters (jusqu’à 3 heures du
matin) où les musiciens se retrouvent pour des jams animées. Une
aubaine qui a permis une séance
de rattrapage pour Guillaume
Perret & Electric Epic qui essuyait
(avec Chick Corea) la seule annulation de l’édition 2013, pour
cause de violents orages.
D.Q. (à Marseille)
Festival Jazz des cinq continents
Marseille (13). Jusqu’à ce samedi,
avec Meshell Ndegeocello,
George Benson.
En partenariat avec
22
•
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
CULTURE
HÉRITAGE Le barde retrouve le Bagad
Kemper au festival de Cournouaille.
Dan Ar Braz,
bain de Celtes
à Quimper
DAN AR BRAZ
et L’HÉRITAGE DES
CELTES Samedi à 21 h 30,
au Festival de Cornouaille
à Quimper (29). Rens.: www.
festival.cornouaille.com
l y a quelques jours, Dan
Ar Braz recevait un SMS
sibyllin de son vieux
complice Alan Stivell : «Ce
soir je dors à Kermoor.» C’est
le nom de l’hôtel de Bénodet,
dans le Finistère, où les deux
musiciens se sont rencontrés, en juillet 1967. Une plaque mériterait de rappeler ce
moment, pierre blanche
dans l’histoire de la musique
bretonne. Laissons le guitariste raconter : «J’avais
18 ans, j’étudiais à l’école hôtelière et j’étais en stage d’été.
A l’époque, le festival de Cornouaille organisait des miniconcerts sur la côte pour sensibiliser les touristes. Un midi,
Alan Stivell est venu avec sa
harpe. Stupéfait, j’ai compris
brusquement le lien entre les
musiques que j’aimais, Dylan,
Donovan, Simon&Garfunkel,
et ma propre culture celtique.
Ce jour-là, les plats sont arrivés froids sur les tables.»
Né à Quimper, Dan Ar Braz
(Daniel Le Bras pour l’état
civil) a toujours connu le festival de Cornouaille, créé
en 1923. «Quand j’étais enfant, nous assistions en famille
au défilé du dimanche. J’étais
intrigué et émerveillé par les
sons, les costumes, même si la
cornemuse m’était déjà familière. Nous vivions dans le
quartier du Moulin vert qui
avait son propre bagad [formation musicale bretonne,
ndlr], que j’ai souvent entendu
répéter et jouer.»
Plein­temps. Avec sa solide
réputation de gratteux, Dan
Ar Braz rejoint Alan Stivell
pour ses concerts en Bretagne, puis intègre sa formation à plein-temps. Le jeune
Finistérien prend ainsi part
au fameux concert du 28 février 1972 à l’Olympia, qui
fait de Stivell une rock star.
La mode bretonne dure une
décennie. Dans les années 80, elle ne mobilise plus
le reste de la France. «C’est
une décennie d’exil pour
moi», commente Dan
Ar Braz. Il part en Angleterre
rejoindre Fairport Convention, fer de lance du folk britannique, joue aux EtatsUnis. «Au début des an-
I
La nacelle transformée en cathédrale d’acier d’Ali Salmi et de ²la compagnie Osmosis. PHOTO MICHEL WIART
ARTS DE LA RUE La cité bourguignonne héberge jusqu’à dimanche
la 27e édition d’un festival où la pyrotechnie tient son rang.
Chalon brûle-t-il?
CHALON DANS LA RUE Jusqu’à
dimanche, www.chalondanslarue.com
ous repartez avec un truc
dans l’œil, un voyage immobile» : le présage de la
compagnie 2 rien merci pourrait
servir de clap final à la 27e édition de
Chalon dans la rue. Avec près de
200 propositions de théâtre, danse,
musique, art contemporain, cirque,
marionnette (ou tout cela à la fois),
difficile d’éviter les loupés –ils font
d’ailleurs partie du jeu: «Nous prenons des risques considérables en programmant dix-huit créations, parfois
portées par des compagnies émergentes», insiste Pedro Garcia, à la tête
du festival in.
Le blasé est ici une espèce rare. Jusqu’à dimanche, de la coulée verte
aux Prés-Saint-Jean, la cité bourguignonne s’agrandit de nouveaux
sons et mouvements. Sur les façades
disparues, affiches et flyers invitent
à découvrir un fakir burlesque, un
tuning de céramiques et manipulations (le collectif Aïe Aïe Aïe) et
même un Match à la vie à la mort.
Chemin faisant vers le premier, vous
croisez un scripteur de sable néerlandais, des infirmières espagnoles
barrées puis de percutants jockeys
bleu et jaune: voici la fanfare Transe
Express qui sert d’escorte…
Grue. Cette année, Chalon dans la
rue joue la carte de l’impression rétinienne. Installation de feu in situ
avec la compagnie Doedel et son déluge de flammes, nacelle illuminée
de projecteurs faite cathédrale
d’acier d’Ali Salmi, marionnette pyrotechnique géante de la compagnie
L’homme debout. «C’est l’une des
couleurs de la programmation de cette
année, observe Nadège Gauthier,
responsable du off. Plusieurs propo-
«V
sitions présentent un aspect visuel
percutant.» La thématique 2013 du
in, Chalon dans les airs (un comble,
pour un festival de rue) suggère le
grand spectacle. On découvre les
artistes sur un fil (avec la fougueuse
compagnie Rasposo amenée par la
funambule Marie Molliens), mais
aussi, moins attendu, perchés dans
les arbres (la compagnie Studio
Eclipse avec Fallen Thoughts), à flanc
d’immeuble (Flat, de Rodrigo
Pardo) ou sur une grue.
Léger? «Je ne le crois pas», réplique
Pedro Garcia. Directeur de L’Abattoir, centre national des arts de la
rue, il œuvre à l’année pour ce «parent pauvre» de la politique cultu-
conceptrice de la proposition. Puis
on identifie l’artiste qu’on prenait
peut-être pour un fou. On s’en rapproche.» Une part du public raccroche.
«Le théâtre ne débute ni avec un plateau ni avec les comédiens, mais avec
le regard du public», poursuit la metteure en scène néerlandaise.
Déglingos. Réduire la distance acteurs-spectateurs, c’est aussi l’un
des objectifs de la compagnie 2 rien
merci. Avec sa barraque Moulinoscope, elle invite à la lenteur et au
confinement pour un voyage onirique vers l’âge d’or forain. «Une manière de prendre de la distance par
rapport à l’agitation et de créer une
respiration commune», explique
Yann Servoz, codirecteur artistique. En grou«Le théâtre ne débute ni avec un
pes, les spectateurs péplateau ni avec les comédiens,
nètrent, guidés par des
mais avec le regard du public.»
forains déglingos, dans
Lotte Van den Berg conceptrice néerlandaise
une roulotte encombrée
de curiosités ciné-mérelle, qui bénéficie de 1,2% seule- caniques avant de rejoindre un chament du budget de la direction piteau lilliputien. L’expérience engénérale de la création artistique. tend «s’inscrire au-delà du temps du
«Les arts de la rue sont toujours guet- spectacle», selon ses concepteurs.
tés par le récréatif. Ça fait pourtant Un souvenir tenace que laissera
vingt ans qu’ils luttent pour dire qu’ils aussi Above Under in Between, persont tout autre chose, à l’image cette formance décalée, créée en 2007
année de l’Envolée chromatique, par le chorégraphe autrichien Willi
opéra urbain monumental, ou de la Dorner. Sept corps colorés, faussecompagnie Doedel.»
ment maladroits, s’imbriquent pour
A contre-pied de cette dimension un jeu de Tétris grandeur nature.
spectaculaire, l’unique interprète de Trio de têtes coincées dans une
la performance Agoraphobia se fond chaise, chutes en tabouret, roulades
dans la foule. Un dispositif télépho- sous une table: les danseurs s’applinique sert d’entrée en matière. Les quent à des contre-performances
spectateurs connectés entendent aussi incongrues que milliméune voix au bout du fil : celle d’un trées. Une absurdité drolatique, un
marginal soliloquant qu’incarne le clin d’œil invitant à repenser les
comédien, traînant sa valise à tra- contraintes des gestes du quotidien.
vers la place. «Au début, chacun est
Envoyée spéciale à Chalon
seul avec son téléphone, instrument de
(Saône-et-Loire)
l’intime, analyse Lotte Van den Berg,
CHRISTELLE GRANJA
nées 90, j’ai senti un frémissement, un retour aux racines
qui remettait notre musique à
l’honneur.»
En 1991, le festival de Cornouaille, encore lui, suscite
la rencontre entre le groupe
de Dan Ar Braz et le Bagad
Kemper, ensemble de cornemuses, bombardes et percussions.
Le succès débouche, un an
plus tard, sur un concept
plus élaboré avec l’arrivée de
voix du Pays de Galles et
d’Irlande. L’Héritage des
Celtes était né. «Jacques Bernard, le directeur du festival,
était si enthousiaste qu’il a
cassé sa tirelire pour nous envoyer enregistrer à Dublin,
poursuit le musicien. Sony
nous a rejoints ensuite, mettant à notre disposition sa machine promo.» Le disque se
vend à des dizaines de milliers d’exemplaires, les concerts réunissent un public
grandissant: des Zéniths, on
passe aux stades.
Atome. En 1996, l’Héritage
représente la France au concours Eurovision à Oslo. Un
détour dans le monde de la
variété que Dan Ar Braz est
loin de renier. «C’est le sommet de ma carrière artistique,
dit-il. J’ai réuni Irlandais,
Gallois, Ecossais et Bretons
autour d’un projet européen.»
Mais un élément du scénario
a échappé à tout le monde.
Quelques mois avant le concours, la France achève ses
essais nucléaires dans le Pacifique Sud, se mettant à dos
la communauté internationale. «On a oublié le climat
d’hostilité qui régnait à l’époque, souligne le guitariste, en
particulier en Scandinavie.
Nous étions traités en pestiférés.» Chantée en breton,
Diwanit Bugale prend la
11e place.
Après deux Nuits de la saint
Patrick au Stade de France
en 2004 (90 000 spectateurs), l’Héritage se met en
sommeil et Dan Ar Braz revient à l’intimisme. Avant de
retrouver le «gros son» des
cornemuses avec Celebration,
en 2012. Samedi, il fêtera les
20ans de l’Héritage des Celtes là où tout a commencé, à
Quimper, entouré du Bagad
Kemper, de Gilles Servat, de
la grande voix d’Ecosse, Karen Matheson, et de quelques
nouveaux venus.
FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
CULTURE
•
SOUL Arte raconte la concurrence des deux emblèmes de la musique noire américaine des années 60.
Motown-Stax, la rivalité des labels
SOUL POWER!
THE GOLDEN YEARS (2/4)
Arte, samedi à 22h30.
ne nouvelle fois,
le Sud affronte
le Nord. D’un côté, la
maison Stax, installée dans
un cinéma désaffecté de
Memphis, Tennessee. De
l’autre, dans la capitale
automobile Detroit, le label
Motown. Les deux maisons
produiront l’essentiel de la
musique noire américaine
des années 60 et l’exporteront dans le monde entier.
Auparavant, la musique des
Afro-Américains dépassait
rarement les frontières de la
communauté. Il y avait des
radios et des magasins de
disques pour les Noirs et
l’hebdomadaire professionnel Billboard classait les ventes de cette musique sous
l’étiquette de «race records» !
Cette «musique de race»
n’intéresse guère les gros labels, qui abandonnent le terrain aux studios régionaux.
Chess, fondé à Chicago par
les frères Chess, Juifs arrivés
de Pologne dans les années 20, fait exception en enregistrant du jazz, puis du
blues et du proto rock’n’roll,
avec Chuck Berry notamment. Et diffusent à travers
les Etats-Unis les productions blacks d’un petit Blanc
du Tennessee, Sam Phillips,
à la tête des studios Sun de
Memphis. Phillips a l’intuition que si un Blanc prend à
son compte cette musique
furieusement nouvelle, il
touchera le jackpot. La réponse sera Elvis Presley, mais
c’est une autre histoire.
Poulains. Les années 60
voient les musiques noires
interprétées par des Noirs
devenir extrêmement populaires dans l’Amérique du
combat pour les droits civiques et des sermons enflammés du pasteur Martin
Luther King. Même si ces artistes ont rarement un discours militant. A Detroit, le
compositeur Berry Gordy
U
travaille pour Jackie Wilson
et ne comprend pas pourquoi
il touche des sommes misérables pour des tubes qui
passent sans arrêt à la radio.
Il décide de créer, en 1959,
Tamla, sa propre maison
de production, qui abritera
bientôt d’autres étiquettes
telles que Motown (contraction de Motor Town, surnom
de Detroit), Gordy, Soul…
Parmi ses premiers poulains
figurent Smokey Robinson,
avec son groupe The Miracles, Mary Wells et le son très
léché de ses productions qui
fait mouche.
En 1961, il décroche son premier numéro 1 des ventes
américaines avec le charmant Please M. Postman des
Marvelettes. Aucun entrepreneur noir n’avait connu
cet honneur avant lui. A
Memphis, Jim Stewart et Estelle Axton, frère et sœur
blancs, transforment le vieux
cinéma Capitol en studio
d’enregistrement. Leur premier 45 tours est un duo entre un ancien de chez Chess,
Rufus Thomas, et sa fille de
17 ans, Carla : Cause I Love
You. Le saxo de Rufus Thomas, Booker T. Jones, se met
ensuite à l’orgue et compose
des instrumentaux qui font
danser dans toutes les surprise-parties, de l’Atlantique
au Pacifique. Le son Stax
est né. Avec Stevie Wonder,
Marvin Gaye, les Supremes ou les Temptations côté
Les Supremes, du label Motown: Florence Ballard, Mary Wilson et Diana Ross, 1965. PHOTO FRANCK DRIGGS. GETTY IMAGES
sur le rock anglais et les
post-yéyés français (Johnny
Hallyday, Ronnie Bird, Noël
Deschamps) s’en inspirent
ouvertement.
Les deux labels s’opposent
aussi par la personnalité de
leurs patrons : si Stewart et
Axton se mêlent peu du travail en studio, Berry Gordy
contrôle tous les aspects
du busin e s s ,
L’influence de Stax est énorme
jusqu’à
sur le rock anglais et les postla couyéyés français (Johnny Hallyday…) leur des
s’en inspirent ouvertement.
costumes des
Motown, et Eddie Floyd, choristes. Ses contrats sont
Sam&Dave ou Otis Redding en outre des modèles d’arnapour Stax, ce sont deux es- que qui lient les artistes pour
thétiques qui s’affrontent. des années. Florence Ballard,
«Tandis que les disques de soliste des Supremes, a le
Motown se font en grande par- malheur de s’en plaindre.
tie sur la table de mixage, ceux Elle est virée au profit de
de Stax sortent directement de Diana Ross et mourra dans la
la pièce d’enregistrement», misère. Jimmy Ruffin abanrésume Marc Zisman dans donne les Temptations sans
son ouvrage le Funk (1). L’in- trouver le succès en solo, les
fluence de Stax est énorme Four Tops ont plus de chance
SUMMER OF SOUL
Samedi à 22h30:
Soul Power! série documentaire pour revivre
l’épopée soul de ses débuts à nos jours; Soul
Night, concert enflammé avec Ayo, Ben l’oncle
soul, Patrice, Alice Russell, Valérie June…
Cet été, tous les week­
ends, Arte et Libéra­
tion vivent au rythme
de la soul music.
Dimanche à 20h45
Soirée «Black and Proud»
Ali, de Michael Mann avec Will Smith;
quand ils claquent la porte de
Motown.
Opacité. A la fin de la décennie, Stax perd de son emprise après la mort d’Otis
Redding. Isaac Hayes, star
montante, ne reste pas, critiquant l’opacité financière de
la maison. Motown s’en sort
mieux : les préoccupations
de Marvin Gaye dans What’s
Going On, sur la misère des
ghettos et l’environnement,
sont en phase avec les mouvements qui agitent l’opinion. La montée de Norman
Whitfield, arrangeur surdoué, lui donne un coup de
jeune, ainsi que le phénomène des Jackson Five. Mais
plus aucune révolution noire
américaine ne passera par
ces labels : ni le funk, ni la
disco, ni le rap. Qui, pourtant, doivent toutes quelque
chose à la soul scintillante
des années 60.
FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ
(1) «Le Funk, de James Brown
à Prince», Librio, 2003.
Palace of Soul, les années Soul Train, série
documentaire qui compile les moments forts de
l’émission culte «Soul Train». Vendredi soir, à
23heures, dans «Beach Party» de Georges Lang
sur RTL, un extrait de la compil de l’été.
•
SUR LIBÉ.FR
Gagnez des compils
Summer of Soul
23
24
•
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
CULTURE
«Les studios essaient d’atteindre l’audience
la plus large possible et croient parfois
qu’ils doivent simplifier l’histoire et
multiplier les scènes d’action pour séduire
le public non-anglo-saxon… Mais le public
est plus malin.»
DISPARITION
La productrice Kathryn Arnold questionnée par l’AFP
à propos des récents gros échecs commerciaux
de blockbusters américains tels qu’After Earth, The Lone
Ranger, Pacific Rim et, bonnet d’âne, RIPD Brigade fantôme,
qui a généré 15 millions de dollars de recettes à ce jour
(11,3 millions d’euros), pour un coût de 180 millions de dollars
LE ZIMBABWE
PLEURE LA
CHANTEUSE
CHIWONISO
Londres sur ses ergots
Depuis mercredi, un coq bleu de 4,70 mètres de haut trône
sur le quatrième socle de Trafalgar Square. L’œuvre de l’artiste allemande Katharina Fritsch fait grincer les dents de
quelques British: «cock», en anglais, désigne à la fois l’animal et le pénis dans un langage familier. Un jeu de mot qui
est redoublé par l’ironique symbole gaulois à la couleur de
l’équipe de foot française, qui fait tache sur la place célébrant
la fameuse victoire de la flotte britannique sur Napoléon. Ça
n’a pas gêné Boris Johnson, maire de Londres, qui a inauguré
la sculpture avec le sourire.
Natalie Portman bientôt derrière
la caméra
L’actrice oscarisée de 32 ans Nathalie Portman (Black Swan,
V pour Vendetta) va passer de l’autre côté de la caméra en
adaptant le récit autobiographique de l’écrivain israélien
Amos Oz, A Tale of Love and Darkness, dans lequel elle tiendra
également un rôle. Le livre traduit dans 28 langues a été
vendu a plus d’un million d’exemplaires. Il raconte l’enfance
d’Oz pendant les années 40, entre Jérusalem, l’Ukraine et
la Lituanie. Israélo-américaine, Portman arrivera à Jérusalem
dès septembre pour préparer le tournage, qui devrait débuter
en janvier 2014.
LES GENS
ANDRÉ 3000 PLUS JIMI HENDRIX
QUE NATURE À L’ÉCRAN
On sait à quoi ressemblera André 3000 dans le biopic
consacré à Jimi Hendrix, All By My Side. La première
photo officielle a été publiée mardi sur le site du Festival
de Toronto, où le film sera présenté en septembre.
On y voit le chanteur d’Outkast incarner le «guitar hero»
gaucher en pleine représentation, chemise fluo et
perruque afro de rigueur. Janie, la sœur de Jimi Hendrix
(à la tête de l’entreprise qui contrôle le catalogue de
l’artiste), a refusé que les chansons de son frère soient
utilisées dans le biopic. André 3000 devrait donc chan­
ter des reprises jouées par Jimi Hendrix à la fin des
années 60. Une scène le montrerait interprétant notam­
ment Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band sur scène,
pendant que les Beatles sont dans les loges.
D’après le magazine Rolling Stone, le rappeur devrait
également reprendre des tubes de Muddy Waters
et Elmore James. Réalisé par John Ridley (le Prince
de Bel­Air, New York 911), All By My Side tournera
autour des débuts du rockeur, jusqu’à l’enregistrement
de l’album Are You Experienced? à Londres en 1966.
D.D.A. PHOTO DR
L’acteur Paul Robeson dans le film Body and Soul, d’Oscar Micheaux. PHOTO PROD DB
BO Accompagné d’un orchestre, le film muet de 1925
«Body and Soul» clôturera le Paris Jazz Festival.
Images et sons
filent l’harmonie
A
u Parc floral, le jazz et
le cinéma s’accorderont pour clôturer le
Paris Jazz Festival, dimanche soir à 21 heures. Sur la
grande scène, Patrice Caratini et son orchestre joueront
une bande originale créée à
cette occasion pour le film
muet afro-américain Body
and Soul, d’Oscar Micheaux.
Nées à la même époque, ces
deux disciplines artistiques
s’associent naturellement.
Dans l’histoire du cinéma,
beaucoup de réalisateurs ont
sollicité des jazzmen pour
composer leur bande originale, de l’Américain Otto
Preminger, qui fait appel à
Duke Ellington pour Autopsie
d’un meurtre (1959), à Martial
Solal qui imagine la musique
de l’emblématique A bout de
souffle (1960) de Jean-Luc
Godard. Désormais, les cinéconcerts, en vogue
aujourd’hui, perpétuent une
tradition qui remonte aux
origines du muet, quand la
bande originale était jouée in
situ. Stéphane Danchin, directeur artistique du festival
parisien et instigateur du
spectacle, remarque cependant que très peu de cinéconcerts optent pour un film
noir.
Dérangeant. Figure du cinéma afro-américain et réalisateur innovant, le talent
d’Oscar Micheaux n’a réellement été reconnu qu’après
sa mort. Son Body and Soul
«a fait couler beaucoup d’encre» lors de sa sortie en 1925,
raconte Stéphane Danchin.
Dérangeant, il l’était pour sa
scène de viol perpétré par un
révérend ivrogne et escroc.
Mais, surtout, les comédiens
noirs n’y sont pas cantonnés
aux traditionnels rôles de
domestiques, comme l’exigeait la société ségrégationniste. Diffusé dans le sud des
Etats-Unis, le film a été censuré et les copies «mutilées». On peut trouver sur
découpage des séquences,
les images d’Oscar Micheaux
sous les yeux, le musicien a
commencé par composer
l’«ossature» du concert avec
un piano accompagnateur.
Puis il s’est isolé à la campagne pour donner chair aux
morceaux de l’orchestre.
Quoique cadré, le concert a
toutefois sa part d’improvisation, jazz oblige.
«Contrastes». Le chef
d’orchestre insiste sur ce
point : «Chaque soliste a une
identité et sa
Dans Body and Soul, les Noirs partie du discours.» L’orne sont pas cantonnés
chestre joue en
aux rôles de domestiques,
continu et ce
comme l’exigeait la société
n’est pas le silence ni l’irségrégationniste.
ruption d’un
YouTube une vidéo intégrale morceau qui créent les effets,
du film, accompagné d’une mais les «contrastes». Le Cabande-son réalisée par ratini Jazz Ensemble, fondé
l’Américain Wycliffe Gor- en 1997, est composé d’une
don, à l’occasion de la quinzaine de musiciens de
38e édition du New York Film générations différentes.
Festival en 2003, que Patrice En résulte un «langage musiCaratini a décidé d’ignorer. cal coloré» auquel se mêlent
La copie sur laquelle ce jazz- des références à l’histoire du
man cinéphile a travaillé jazz –un rythme de So What
dure 1 h 20, au lieu des deux de Miles Davis, quelques soheures initiales.
norités blues– avec d’autres
Selon Caratini, sa musi- variations, comme un clin
que ne sert pas d’«illustra- d’œil à Jimi Hendrix. Ce que
tion» au film et il a voulu Stéphane Danchin apprécie
«éviter l’écueil de la répéti- chez Caratini, «ce créateur
tion», car selon lui la musi- très ouvert dans ses univers».
que de film se construit
HÉLAINE LEFRANÇOIS
autour des thèmes récurrents Paris Jazz Festival, Parc floral
qu’il convient de bannir en de Paris, jusqu’à dimanche.
concert. Après avoir étudié le Soirée de clôture à 21 heures.
Chiwoniso avait appris de
son père, Dumisani
Maraire, les secrets de la
mbira, le piano à pouces
que l’on retrouve dans
toute l’Afrique sous des
noms différents (likembe,
sanza, kalimba…). Elle était
née en 1976 près de Seattle,
aux Etats­Unis, où son père
enseignait la musique afri­
caine. Elle ne connaîtra le
Zimbabwe qu’à 15 ans,
quand la famille rentre au
pays. Elle y fonde un
groupe de rap avant de
rejoindre la formation du
chanteur Andy Brown,
qu’elle épouse. Le couple
aura deux enfants. En 1998,
elle remporte le concours
Découvertes de RFI et
enregistre pour le label
parisien Lusafrica Ancient
Voices, CD qui fait décou­
vrir sa voix brisée, boule­
versante, accompagnée par
l’ancestrale mbira.
Dix ans plus tard, alors
qu’elle a dû quitter le Zim­
babwe où son franc­parler
lui a valu censure et arres­
tations, elle sort Rebel
Woman (Cumbancha),
nouveau manifeste en lan­
gue shona contre les injus­
tices. Celle que ses
compatriotes appelaient
affectueusement «Chi» est
morte mercredi à Harare,
à 37 ans, d’une probable
pneumonie. Le même mal
qui avait emporté, en
mars 2012, son ex­mari
Andy Brown. F.­X.G.
PHOTO WALTER MURRAY
3700
C’est environ le nombre
de clichés de Marilyn
Monroe, pris entre 1953
et 1960 par le photographe
de mode américain Milton
Greene (mort en 1985), qui
doivent être mis aux
enchères samedi, à Calaba­
sas, au nord­ouest de
Los Angeles. Particularité:
les droits d’auteur feront
partie du lot, ce qui per­
mettra à l’acquéreur
d’imprimer et toucher
des droits sur les images.
La vente comporte au total
75000 photos de people.
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
ECRANS&MEDIAS
A LA TELE SAMEDI
•
25
DIMANCHE
TF1
FRANCE 2
FRANCE 3
CANAL +
TF1
FRANCE 2
FRANCE 3
CANAL +
20h50. Les experts :
Manhattan.
Série américaine :
Travail de mémoire,
La couleur de l’argent,
Business familial,
Tourner la page.
Avec Gary Sinise.
0h05. New York
Section Criminelle.
La cour des grands,
Pas de quartier.
Série.
1h45. New York
Police Judiciaire.
20h45. Fort Boyard.
Divertissement
présenté par
Olivier Minne.
22h30. On n’est pas
couché.
Les plus belles nuits.
Divertissement
présenté par
Laurent Ruquier.
0h55. Météo.
1h00. Qui sera le
prochain grand
pâtissier ?
2h50. Mariages.
20h45. Marie
et Madeleine.
Téléfilm de
Joyce Bunuel.
Avec Michèle Bernier,
Carole Richert.
22h15. Équipe médicale
d’urgence.
Série française :
Philtre d’amour,
Je t’aime, un peu,
beaucoup.
Avec Christian Vadim,
Frédéric Quiring.
0h00. Météo.
20h55. Resident evil 5 :
retribution.
Film d’horreur de Paul
W.S. Anderson, 2012.
Avec Milla Jovovich.
22h30. Nostalgic z.
22h45. Perfect drug.
23h00. Attack of the
brainsucker.
23h15. At the formal.
23h20. Tumult.
23h35. The root the
problem.
23h50. Quand je serai
petit.
20h50. Les
randonneurs
à Saint-Tropez.
Comédie française de
Philippe Harel, 105mn,
2007.
Avec Karin Viard.
22h50. Les experts.
Série américaine :
Candidat au suicide,
Petits meurtres en
famille,
Bombes à retardement.
Avec Marg
Helgenberger.
20h45. Crime d’amour.
Thriller français d’Alain
Corneau, 106mn, 2009.
Avec Kristin Scott
Thomas, Ludivine
Sagnier.
22h30. Jusqu’en enfer.
Film d’horreur
américain de Sam
Raimi, 99mn, 2008.
Avec Alison Lohman,
Justin Long.
0h10. Cold case :
Affaires classées.
Série.
20h45. Commissaire
Brunetti : enquêtes
à Venise.
Téléfilm allemand :
Péchés mortels.
Avec Uwe Kockisch,
Julia Jäger.
22h35. Soir 3.
22h40. Commissaire
Brunetti : enquêtes
à Venise.
Des amis hauts placés.
Téléfilm.
0h25. La dixieme
victime.
20h55. Hatfields &
McCoys.
Téléfilm de Kevin
Reynolds :
Épisode 2.
Avec Kevin Costner,
Bill Paxton.
22h30. Killer elite.
Film d'action
américano-australien
de Gary McKendry,
117mn, 2011.
Avec Jason Statham,
Clive Owen.
0h25. Engrenages.
ARTE
M6
FRANCE 4
FRANCE 5
ARTE
M6
FRANCE 4
FRANCE 5
20h50. Requins des
profondeurs.
Documentaire.
21h30. Le calamar
géant.
Documentaire.
22h15. Soul power !
The golden years.
Documentaire.
23h10. Soul night.
Spectacle.
0h25. About:Kate - 14.
Série.
0h50. Dionne Warwick
Avo.
20h50. Wes et Travis.
Série américaine :
Le vieux couple,
La manière forte,
Dans tes rêves !,
L’heure des comptes.
Avec Leslie Castay,
Lyle Brocato.
0h10. The finder.
Le dernier repas,
La conversation.
Série.
1h50. Supernatural.
Le venin de la sirène.
Série.
20h45. Safari
Préhistorique.
1/3 - Monstres marins,
2/3 - Les dents de la
mort,
3/3 - L’aquarium de
l’enfer.
Documentaire.
22h00. Dragon Sword.
Téléfilm de Tom Reeve.
Avec James Purefoy,
Piper Perabo.
23h25. Hero corp.
Le village.
Série.
20h35. Échappées
belles.
Andalousie,
passionnément...
Magazine.
22h05. Les pintades.
À Rio.
Documentaire.
23h00. J’ai vu changer
la terre.
Allemagne Les îles oubliées.
Documentaire.
23h55. Cambodge.
Documentaire.
20h45. Ali.
Biopic américain de
Michael Mann, 157mn,
2001.
Avec Will Smith, Jamie
Foxx.
23h15. When we were
kings.
Film documentaire de
Leon Gast.
Avec Mohammed Ali,
James Brown.
0h35. Palace of soul.
Les années “Soul train”.
Documentaire.
20h50. Capital.
Destination Paris : la
capitale sort le grand
jeu !
Magazine présenté par
Thomas Sotto.
23h00. Enquête
exclusive.
Un été au cœur des
urgences du bord de
mer.
Magazine.
0h25. Enquête
exclusive.
Magazine.
20h45. Hibernatus.
Comédie française
d’Édouard Molinaro,
78mn, 1969.
Avec Louis De Funès,
Michael Lonsdale.
22h00. La soupe aux
choux.
Comédie française de
Jean Girault, 98mn,
1981.
Avec Louis De Funès,
Jean Carmet.
23h35. Délicieusement
Roumanoff.
20h35. Les derniers
trésors d’Égypte.
Documentaire.
22h00. Une maison,
un artiste.
Ceci est une maison de
Magritte.
Documentaire.
22h25. Verdict
L’affaire Corrèges.
Documentaire.
23h20. Fourchette &
sac à dos.
Destination Cameroun.
Documentaire.
PARIS 1ERE
TMC
W9
GULLI
PARIS 1ERE
TMC
W9
GULLI
20h40. La revue de
presse.
Le meilleur de la revue
de presse (2/3).
Divertissement
présenté par
Jérôme De Verdiere.
22h35. Anne,
naturellement.
Spectacle
d’Anne Roumanoff.
0h10. Paris dernière.
Magazine.
1h55. Programmes
de nuit.
20h45. Une femme
d’honneur.
Téléfilm français :
Son et lumière.
Avec Corinne Touzet.
22h30. Suspect n°1.
Le dépeceur deMons /
Amours empoisonnés.
Magazine présenté par
Jacques Legros.
0h10. Suspect N° 1.
Lune de miel mortelle /
Série noire dans la
Somme.
Magazine.
20h50. Jamel et ses
amis au Marrakech du
rire 2012.
Spectacle, 120mn.
22h50.
Jamel au Marrakech
du rire 2011.
Spectacle, 130mn.
1h00.
Génération
top 50.
Divertissement.
2h05. Météo.
2h10. Programmes de
nuit.
20h55. Pokemon XV :
Noir & Blanc,
destinées rivales.
Combat contre un petit
tyran !,
Sur le territoire de
Frison,
Rachid prend son
envol.
Jeunesse.
22h50. Total wipeout
made in USA.
4 épisodes.
Divertissement.
0h55. Fais-moi peur !
20h40. Sherlock
Holmes.
Téléfilm britannique :
Le signe des quatre,
Le chien des
Baskerville.
Avec Ian Richardson.
23h40. Les mystères
de Sherlock Holmes.
L’énigme du cheval
blanc.
Téléfilm.
1h10. Paris dernière.
Best of sexy.
Magazine.
20h45. New York
police judiciaire.
Série américaine :
Enfin veuve,
Frères d’armes,
Liste noire.
Avec Sam Waterston,
Jesse L. Martin.
23h15. Fan
des années 80.
Années 1986, 1987, 1982
& 1983.
Divertissement.
2h45. Imposture.
Film.
20h50. Le nom
de la rose.
Drame germanofranco-italien de JeanJacques Annaud,
131mn, 1986.
Avec Sean Connery,
Christian Slater.
23h10. Sons of anarchy.
Série américaine :
Descente aux enfers,
Épouses et concubines,
Le piège.
Avec Charlie Hunnam.
1h45. Météo.
20h45. Audace
au cirque d’hiver
Bouglione avec
Kad et Olivier.
Spectacle, 85mn.
22h10.
Virtuose.
Spectacle, 85mn.
23h45.
Félix et Cie.
Film d’animation
espagnol, 90mn.
1h25.
Fais-moi peur !
Jeunesse.
NRJ12
D8
NT1
D17
NRJ12
D8
NT1
D17
20h50. Alice Nevers, le
juge est une femme.
Téléfilm français :
La dernière étoile.
Avec Marine Delterme,
Arnaud Binard.
22h35. Chauve-souris:
la vengeance
carnivore.
Téléfilm de Kelly
Sandefur.
Avec Corbin Bernsen.
0h15. X-Files : aux
frontières du réel.
20h50. Femmes de loi.
Téléfilm français :
Paroles interdites.
Avec Natacha Amal,
Ingrid Chauvin.
20h50.
Femmes de loi.
Cantine mortelle,
La fille de l’air 1re & 2e parties.
Téléfilm.
2h15.
Programmes
de nuit.
20h45. La tempête
du siècle.
Téléfilm américain :
Parties 1 & 2/2.
Avec Treat Williams,
Luke Perry.
23h40. Man vs Wild :
seul face à la nature.
Les canyons de Red
Rock - Compilation n°2.
Documentaire.
1h25. Catch américain
Smack Down.
Sport.
20h50.
Le zap.
Divertissement.
22h25.
Le zap.
Divertissement.
23h50.
Star story.
Lady Gaga : l’obsession
de la célébrité.
Documentaire.
0h50.
Nuit live.
Musique.
20h50. Tellement Vrai.
Les incontournalbles
de l’été.
Magazine présenté par
Matthieu Delormeau.
20h50. Tellement Vrai.
Nouveaux couples Des amoureux pas
comme les autres.
Magazine présenté par
Matthieu Delormeau.
1h50. Poker night.
3h15. Programmes de
nuit .
20h50. La vie rêvée
des anges.
Drame français d’Erick
Zonca, 113mn, 1998.
Avec Élodie Bouchez,
Natacha Régnier.
22h50. Les égarés.
Comédie dramatique
franco-britannique
d’André Téchiné, 2003.
Avec Emmanuelle
Béart, Gaspard Ulliel.
0h40. Programmes de
nuit.
20h45. Tous
différents.
2 reportages.
Magazine présenté par
Émilie Mazoyer.
22h20. Obèses : perte
de poids extrême.
Mélissa.
Documentaire.
23h55. Reporters.
Geeks, Bimbos,
Rappeurs :
à chacun sa tribu !
Magazine.
1h45. En mode Gossip.
20h50. Pimp my ride.
La Honda CRX,
Le Van Ford Econoline,
La Ford Thunderbird,
1965 de Tenita,
Le Camion Grumman
Kurbmaster Bread,
La Chevrolet Impala
SS.
Divertissement
présenté par Xzibit.
22h40. Le grand jeu.
Téléfilm.
0h00. Nuit live Robbie
Williams.
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BD
BÉGAUDEAU / OUBRERIE
26
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
Mâle occidental
LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
BD
•
27
contemporain
16/39
RÉSUMÉ DES
ÉPISODES
PRÉCÉDENTS
Notre héros est
en quête d’une
partenaire. Après
plusieurs
tentatives ratées,
dans la rue, dans
le métro, dans le
parc, au
cinéma etc., c’est
en discothèque
qu’il atterrit. Mais
le résultat n’est
pas plus probant,
à moins que…
En librairie à partir
du 30 octobre.
•
SUR LIBÉ.FR
© GUY DELCOURT PRODUCTIONS, 2013
Vous avez raté
un épisode?
Retrouvez
tout le week­
end en
diaporama
les planches
parues cette
semaine.
A suivre...
LIBÉRATION SAMEDI 27 JUILLET ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013
PORTRAIT IBRAHIM MAALOUF
Le trompettiste d’origine libanaise s’est affranchi de la tutelle
paternelle pour devenir la sensation jazz française du moment.
Au son du père et du fils
Par FRANÇOIS­XAVIER GOMEZ
Photo SAMUEL KIRSZENBAUM
P
ourquoi chaque trompettiste a-t-il une façon différente de faire sonner son instrument? Pourquoi reconnaît-on au premier souffle, avec un peu d’habitude, Miles Davis, Chet Baker ou Clifford Brown ?
C’est armé de ces interrogations de néophyte balourd que
nous sommes allé rencontrer Ibrahim Maalouf, le trompettiste le plus populaire en France depuis quelques saisons. Réponse d’une voix calme et posée: «Le son est maîtrisé par les
muscles des lèvres et ceux-ci diffèrent selon les personnes.
Comme les cordes vocales. En revanche, la technique des doigts
n’est pas très compliquée, jouer vite est facile à la trompette.»
Ibrahim Maalouf enseigne aujourd’hui l’improvisation au
conservatoire de Paris, où il a été formé, après avoir débuté
à 7 ans avec son père, Nassim Maalouf. Son premier instrument est le piccolo, réputé le plus ardu dans la famille des
trompettes. «Mon père voulait prouver que cette réputation de
difficulté était fausse, et il a choisi un cobaye. Moi.» A 9 ans,
Ibrahim joue sur scène aux côtés de son père. «Un petit singe
savant, un phénomène de foire», décrit-il.
La famille s’est installée en banlieue parisienne quand Ibra-
him a quelques mois, laissant derrière elle la guerre civile au
Liban. «On m’a raconté mille fois que quand ma mère a accouché
une aile de l’hôpital était bombardée.» Pour les parents, la
France n’est qu’un abri en attendant que la situation permette le retour au pays. Chez les doublement Maalouf (le père
et la mère, sans lien de parenté, portent le même patronyme),
c’est Beyrouth-sur-Seine. On écoute Radio Orient, on mange
libanais et on ne parle qu’en arabe. «La langue française était
bannie. Pire encore: ma sœur et moi n’avions pas le droit d’avoir
des amis français. Inviter des potes pour jouer à des jeux vidéo,
je n’ai jamais vécu ça.» L’éducation est sévère, «à l’ancienne,
les taloches, tout ça». La famille vit modestement et le père
consacre une part des revenus du couple (ils enseignent tous
les deux, la mère est pianiste) à construire la maison qui, au
Liban, accueillera leur retour. Mais la guerre dure dix-sept
années. Et l’exil devient définitif. «Quand il se fâchait, se souvient le musicien, mon père s’écriait : “Vous n’êtes plus mes
enfants, vous êtes devenus français”.» Il existe pourtant dans
la famille un contre-exemple: le frère de sa mère Amin Maalouf installe lui aussi les siens en France et décide que c’est
pour toujours, qu’il n’y aura pas de billet retour. Il est alors
journaliste et deviendra écrivain, prix Goncourt et, pour couronner le tout, membre de l’Académie française en 2011.
Doué pour la trompette, le jeune Ibrahim rêve pourtant d’une
autre voie que celle que lui a tracée son père. «Dès le collège,
j’étais obsédé par le World Trade Center. Les tours jumelles
étaient en poster dans ma chambre, dessinées sur mes cahiers.
Je voulais faire les mêmes à Beyrouth puisqu’en toute simplicité
je m’étais fixé pour mission de reconstruire ma ville natale.»
Après le bac, il tente l’entrée au conservatoire de Paris, se
disant qu’il pourrait toujours bifurquer vers l’architecture.
A sa grande surprise, il est reçu premier et entre dans le cycle
infernal des concours internationaux, ces «championnats du
monde de la musique». Il en gagne quelques-uns. «Je vivais
une vie d’ermite, se souvient Ibrahim. Mes camarades allaient
boire des coups après les cours, moi je rentrais bosser. Faute
d’argent, je bouffais des pâtes, j’ai pris quinze kilos en deux
ans.» Ce mode de vie le rapproche aussi de l’expérience qu’a
vécue son père. «J’ai une énorme admiration pour son parcours.
Paysan dans la montagne libanaise, il n’a connu que l’école primaire. A 20 ans, il découvre la trompette. La sommité dans le
domaine exerce à Paris. C’est Maurice André. Mon père économise pour venir en France, où le maître l’accepte dans sa classe
du conservatoire.» Nassim Maalouf a en outre une place dans
l’histoire de l’organologie pour avoir inventé la trompette
arabe: celle qui, par l’adjonction d’un quatrième piston, peut
émettre des quarts de ton,
ces intervalles que la musi- EN 7 DATES
que occidentale a abandonnés à la Renaissance, mais 5 décembre 1980
qui restent très présents dans Naissance à Beyrouth.
les musiques orientales. Septembre 1999 Entrée au
C’est de cet instrument que conservatoire de Paris.
2002­2003 Rencontre
joue Ibrahim Maalouf.
Vincent Segal et Lhasa de
Le 11 Septembre, quand s’efSela. 2007 Diaspora,
fondrent les Twin Towers, premier album.
l’étudiant en musique décide 2009 Naissance de sa fille.
qu’il ne sera pas architecte. Il 2012 Wind. Juin 2013
a 19 ans. Six mois plus tard, Artiste jazz de l’année,
il se rend à Ground Zero. La aux Victoires du Jazz.
même année, il rencontre
Vincent Segal. Le violoncelliste lui ouvre les portes du jazz,
de l’impro, du rap et du rock. Il lui présente Matthieu Chédid
ou la chanteuse de Montréal Lhasa de Sela, influence majeure.
«Grâce à Vincent, j’ai découvert que la musique était autre chose
qu’une succession de compétitions. J’ai commencé à composer,
à découvrir la liberté.»
Que pense son père de sa carrière actuelle? Le jeune homme
hausse les épaules. «Je n’en sais rien. Je pense qu’il est partagé
entre la fierté de me voir prendre sa succession et le peu d’intérêt
pour ce que je fais. Qui est à l’opposé des rêves qu’il avait pour
moi.» Les trois premiers CD d’Ibrahim Maalouf jouaient à
brouiller les pistes entre les genres. Orient, Balkans, jazz ou
rap y convergeaient dans une vision kaléidoscopique. Leur
succès a incommodé la jazzosphère, qui lui demandait qui
l’avait invité à la fête. Il en a souffert. Sa réponse a été Wind,
son disque le plus fidèle au langage jazz orthodoxe, publié
à l’automne. «C’était une commande de Serge Toubiana, de la
Cinémathèque française, une bande-son pour accompagner un
film muet peu connu de René Clair. Difficile pour moi de ne pas
penser à Miles Davis et à Ascenseur pour l’échafaud. Même
si dans mon cas toute la musique est écrite, pas improvisée sur
les images.» En juin, les Victoires du jazz sacraient Ibrahim
Maalouf, artiste de l’année. Fin du malentendu. Le flirt avec
le cinéma se poursuit avec la musique du prochain film de
Kim Chapiron.
Cet été, Ibrahim court les festivals où il est accueilli par un
public plutôt jeune, par rapport à l’ordinaire des grand-messes jazz. A travers l’Europe mais pas aux Etats-Unis, où le visa
d’entrée lui a été refusé au printemps alors qu’il était accordé
à ses musiciens. De l’inconvénient de porter un nom arabe…
Issu d’une famille de tradition chrétienne, il a grandi dans
un environnement agnostique, «pour mes parents la spiritualité passait par la musique». Il est pacsé avec la mère de sa fille,
Lily, comme le savent tous les fans, puisque le prénom est
le titre de son morceau le plus connu. Une berceuse écrite
pour la naissance de l’enfant, en 2009, et que le public fredonne en chœur. Un moment que les grincheux jugent mièvre dans sa gentillesse fédératrice. Le papa-musicien le revendique : «Je viens d’un pays où on passe son temps à
s’engueuler; quand ma famille se réunit, les différents politiques
ne tardent pas à apparaître. On n’a jamais vraiment connu la
paix. Alors un moment de communion, de cohésion, ça me fait
plaisir. Accessoirement, ça me repose les lèvres.» •