Tuberculose des patients hémodialysés en Tunisie

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Tuberculose des patients hémodialysés en Tunisie
Tuberculose des patients hémodialysés en Tunisie
E. Hassine1, K. Marniche1, J. Hamida2, K. Hassine1, A. Bouaziz2, M.A. Ben Mustapha2,
A. Chabbou1 et M. Dhahri2
1
Service de pneumologie, Hôpital A. Mami de l’Ariana ; 2Hôpital militaire principal d’instruction de Tunis
La dépression immunitaire expose l’hémodialysé chronique
aux infections, notamment à la tuberculose (Tb).
Objectif : préciser la fréquence de la Tb chez l’insuffisant rénal
chronique (IRC) en hémodialyse et les difficultés du diagnostic.
Méthodes et patients : étude prospective longitudinale sur
trente-six mois, ayant intéressé soixante sujets subissant une
hémodialyse. Le bilan de tuberculose a comporté : un interrogatoire, un examen clinique minutieux, une radiographie du thorax, une intradermo-réaction à la tuberculine ainsi que la
recherche de bacilles de Koch (BK) dans les liquides biologiques.
Résultats : la Tb a été notée chez six patients soit 10% des
hémodialysés, ceci représente quinze fois l’incidence de la Tb
dans la population générale dans notre pays (23/100 000). Sa
date de survenue est précoce par rapport au début de l’hémodialyse. La localisation de la tuberculose est variable : quatre cas
de Tb extra-pulmonaire (trois péritonéales et une ganglionnaire)
et deux cas d’atteinte pleuro-pulmonaire. Le diagnostic positif
représente un véritable problème : l’isolement du BK n’a été réalisé chez aucun de nos patients et le diagnostic n’est confirmé
qu’une seule fois par l’histologie.
Conclusion : le pronostic est étroitement lié à la précocité
thérapeutique, d’où la nécessité de la mise en route de la chimiothérapie spécifique parfois sans preuve formelle de Tb.
Background : Because of the immunity depression, patients
with chronic renal failure undergoing haemodialysis are at
increased risk for developing infections, Mycobacterium Tuberculosis (MTb) in particular.
Objective : to evaluate, in a prospective longitudinal study
over 36 months period, the frequency of Tb among these
patients and underline the diagnostic difficulties.
Patients and methods : sixty dialysis patients were interested. The Tb assessment comprised : a questionnaire,a meticulous clinical examination,a chest X-ray, a tuberculin skin testing,
as well as MT bacilli screening in biological fluids.
Results : Tb was seen in six among dialysis patients(10%),this
rate represents 15 times the general population tuberculosis incidence in our country (23/100000).Tb has occurred early compared to the beginning of the haemodialysis. The Tb localizations
were : 4 cases of extra-pulmonary tuberculosis (3 peritoneal and
one ganglionic) and only 2 cases of pleuro-pulmonary localization. The positive diagnosis represents a real problem : no bacteriological confirmation in all patients and only in one, the histological diagnosis was obtained.
Conclusion : There was a high rate of tuberculosis in our
study. The prognosis appears to be closely related to therapeutic
precocity, thus specific chemotherapy started sometimes without
diagnostic confirmation.
Mots-clés : Tuberculose – Insuffisance rénale chronique – Hémodialyse.
Key Words : Tuberculosis – Chronic renal failure – Hemodialysis.
● Abréviations
IDR : intradermo-réaction à la tuberculine
HD :
IRC :
TB :
BK :
RFM : rifampicine
hémodialyse
insuffisance rénale chronique
tuberculose
bacille de Koch
■ Introduction
L’hémodialyse (HD) des insuffisants rénaux chroniques (IRC) a
considérablement évolué ces dernières années améliorant la qualité de vie et augmentant la survie de ces malades. Les complications infectieuses et en particulier bactériennes occupent une
Néphrologie Vol. 23 n° 3 2002, pp. 135-140
INH : isoniazide
ETB : éthambutol
PYR : pyrazinamide
place importante dans les causes de mortalité et représentent
après les complications cardiovasculaires, une source de morbidité pour les patients dialysés au long cours. Sur ce terrain, la
tuberculose (Tb) admet une incidence nettement supérieure à
celle de la population générale.1 Cette fréquence élevée se trouve
facilement expliquée par de nombreux facteurs propres à l’hémodialyse ou en rapport avec les tares associées.
135
articles originaux
Résumé • Summary
■ Méthodes et patients
Dans ce travail, nous avons essayé de rechercher les particularités cliniques et thérapeutiques et les difficultés diagnostiques
de la tuberculose dans cette catégorie de malades.
Sur une période de trente-six mois, soixante IRC hémodialysés dans un centre de Tunis ont fait l’objet d’une étude prospective de dépistage de la Tb.
Le bilan comporte :
• Un interrogatoire précisant les antécédents personnels et
familiaux de Tb.
• Un examen clinique minutieux quotidien et une radiographie
du thorax.
• Une intradermo-réaction à la tuberculine (IDR) avec recherche de
bacilles de Koch (BK) dans les liquides biologiques et les biopsies.
Ce bilan est refait chez tout malade présentant une asthénie,
fièvre inexpliquée, amaigrissement, pleurésie ou autres signes
cliniques évoquant une Tb.
■ Résultats
La fréquence de la Tb au cours de la période de l’étude était
de 10% (6 sur 60), l’âge moyen des patients est de 42 ans (22-59
ans), le sex ratio est égal à 2. La plupart des patients est issue d’un
milieu aux conditions socio-économiques médiocres. La notion
d’antécédent de Tb pulmonaire est retrouvée dans un seul cas.
La vaccination n’a pas été précisée pour tous les malades. Le
délai entre le début de l’HD et la découverte de la Tb est en
moyenne de 17,8 mois (-3 mois à 50 mois).
Sur le plan clinique, la fièvre était présente dans 66,6% des
cas (4/6), les autres signes d’imprégnation bacillaire sont présents chez la majorité des patients : altération de l’état général
d’importance variable chez tous les patients, et profonde chez
trois d’entre eux : l’amaigrissement était présent chez 100% des
patients et l’asthénie et l’anorexie dans 50% des cas, les sueurs
profuses retrouvées chez cinq patients, une toux productive avec
des crachats verdâtres chez quatre et des douleurs thoraciques
dans deux cas (tableau I).
La radiographie thoracique est évocatrice du diagnostic dans
33,3% cas (2/6) où elle a montré des opacités réticulonodulaires
du sommet droit, dans les autres cas, des aspects moins typiques
ont été notés : images réticulaires axillaires (un patient), opacité
systématisée lobaire supérieure gauche (un patient), ailleurs, des
opacités d’allure pleurale ont été objectivées chez deux patients
(tableau II).
Le bilan inflammatoire a montré une accélération de la
vitesse de sédimentation (VS) supérieure à 60 à la première
heure chez tous les hémodialysés. L’IDR était positive dans un
tiers des cas. Tous les patients étaient VIH négatifs, la recherche
de BK est restée infructueuse dans tous les types de prélèvement
aussi bien à l’examen direct qu’à la culture, l’histologie était positive une seule fois sur une biopsie de ganglion.
La localisation tuberculeuse était péritonéale chez trois
patients, deux fois pleuro-pulmonaire et ganglionnaire dans un cas.
Chez cinq patients, le diagnostic a été retenu sur des éléments
de présomption : fièvre persistante, syndrome bronchitique au
long cours, nodules et infiltrats radiologiques, formules lymphocytaires du liquide de ponction et positivité de l’IDR dans deux cas.
Le traitement spécifique a comporté l’association de quatre
antituberculeux : rifampicine (RFM), isoniazid (INH), éthambutol
(ETB) et pyrazinamide (PYR), en prise quotidienne pendant deux
mois, sauf pour un patient qui a eu un traitement quadruple
pendant cinq mois puis une bithérapie (RFM et INH) pendant dix
mois, soit douze mois en totalité. La posologie utilisée était de :
• 10 mg/kg/j pour la RFM ;
• 05 mg/kg/j pour l’INH ;
• 20 mg/kg/j pour l’ETB un jour sur deux ;
• 20 mg/kg/j pour la PYR.
La prise médicamenteuse se faisait après la séance de dialyse
et à jeun le jour de non-dialyse. La surveillance de l’évolution
Tableau I : Antécédents et signes cliniques.
Tares associées
et néphropathie initiale*
Délai dialyse-Tβ
Délai 1er signe-traitement
(mois)
Signes cliniques
N° 1
HTA, sinusite
Rétinopathie st.III
*Vascularite
– 3 mois
4 mois
Fièvre, douleur thoracique
et AEG
N° 2
HTA, allergie
*Néphropathie hypertensive
+ 5 mois
1 mois
AEG, troubles digestifs,
ascite
N° 3
HTA, DID
*Glomérulaire et interstitielle
0 mois
6 mois
AEG, œdèmes, ascite
N° 4
HTA, cataracte
Rétinopathie st.II
*Polykystose rénale
+ 14 mois
3 mois
Fièvre, AEG et adénopathies
N° 5
AVC, HTA
*Néphropathie hypertensive
+ 50 mois
2 mois
Fièvre, AEG et ascite
N° 6
HTA,
Cardiomyopathie hypertensive
*Indéterminée
+ 41 mois
2 mois
Fièvre, douleur du thorax,
AEG
articles originaux
Observations
Abréviations :
HTA : hypertension artérielle ; DID : diabète insulino-dépendant ; AEG : altération de l’état général ; AVC : accident vasculaire cérébral.
136
Néphrologie Vol. 23 n° 3 2002
Tableau II : Eléments du diagnostic.
Intradermo-réaction
Radiographie du thorax
Bacille de Koch
Histologie et localisation*
N° 1
(-)
Pleurésie,
deux opacités pulmonaires
Crachats, urines
et liquide pleural : (-)
(-)
*Pleuropulmonaire
N° 2
(+)
Normale
Crachats, ascite et urines : (-)
(-)
*Péritonéale
N° 3
(-)
Normale
Crachats, ascite et urines : (-)
(-)
*Péritonéale
N° 4
(+)
Normale
Crachats et urines : (-)
* Tβ ganglionnaire
caséo-folliculaire
N° 5
(-)
Normale
Crachats, urines et selles : (-)
(-)
* Péritonéale
N° 6
(-)
Opacités infiltratives
à la base droite
Crachats, urines
et liquide bronchique : (-)
(-)
*Pulmonaire
s’est basée sur les signes cliniques généraux et fonctionnels :
régression jusqu’à disparition des symptômes ; paracliniques :
nettoyages radiologique chez tous les patients avec disparition
définitive des infiltrats chez trois patients et biologique : normalisation de la VS au bout de deux mois.
Le traitement antituberculeux a été généralement bien toléré,
trois patients ont présenté des vomissements (premier patient),
une névrite optique rétrobulbaire (troisième patient) et une polynévrite (cinquième patient), ces effets ont disparu à l’arrêt du
médicament responsable. L’évolution sous traitement a été favorable pour la plupart des patients, un seul est décédé six mois
après le début du traitement antituberculeux malgré une bonne
évolution initiale, sa mort était imputée à la Tb.
tardivement et quelquefois seulement à l’autopsie, comme dans
les miliaires tuberculeuses.11
Dans notre série nous déplorons un seul décès (16,6%), ce
décès est très probablement en rapport avec une localisation
cérébro-méningée.
■ Discussion
Origine et milieu
● Epidémiologie
Fréquence
La fréquence de la Tb en hémodialyse est extrêmement
variable selon les séries, la plupart des auteurs font état d’une fréquence plus élevée que dans la population générale. Chia2 au
Canada, a rapporté un risque relatif égal à 25,3 par rapport à la
population générale. Une incidence de 83/100 000 habitants a été
constatée dans une série américaine récente.3 L’incidence annuelle
dans une étude taiwanaise4 est de 493,4/100 000, soit sept fois
celle de la population générale. Notre étude trouve une fréquence
de 3,31%, ce chiffre est 140 fois plus élevé que l’incidence nationale (23/100 000).5 Dans une étude marocaine récente, la fréquence de la Tb chez 1800 hémodialysés est estimée à 7%.6 A
l’opposé, d’autres auteurs comme Freeman et coll.7 ne révèlent
aucun cas de Tb en 1975 parmi 327 patients traités par dialyse. Il
s’agit plutôt d’une réactivation d’une Tb ancienne que d’une
contamination dans les centres d’hémodialyse.
Morbidité et mortalité
Le taux de mortalité par Tb chez les patient traités par HD
atteint le chiffre de 45% dans l’étude de Hachicha8 et est exceptionnellement élevé dans l’étude de Sosaki (75%).9 Cette surmortalité a été corrélée au retard diagnostique.10 Chez la majorité des patients HD décédés de leur Tb, le diagnostic a été porté
Néphrologie Vol. 23 n° 3 2002
Age et sexe
La moyenne d’âge de nos patients au moment du diagnostic,
semblable à celle rapportée dans la littérature,12-15 est de 42 ans.
La distribution des âges correspondrait plutôt à celle de la population des dialysés qu’à une spécificité de la Tb. La prédominance
d’hommes en hémodialyse explique la prédominance de cas
masculins de Tb.16-18
La majorité des patients dialysés chez lesquels une atteinte
Tb est déclarée appartiennent à une mauvaise classe socio-économique,19-21 dans les pays développés, le statut d’immigrant
constitue un réel facteur de risque supplémentaire à cause du
mauvais statut social.
Délai entre le début de l’HD et la survenue de Tb
D’une façon générale, la complication bacillaire semble être
relativement précoce par rapport au début de la dialyse. Dans la
littérature ce délai est variable allant de 11,25 mois à 25
mois,17,18,20 mais des délais plus courts (4 mois) ont été notés.10
Dans notre série ce délai est en moyenne de 17,8 mois avec des
extrêmes variant de -3 à 50 mois, cette précocité de survenue de
la Tb est liée essentiellement à la réactivation probable d’une Tb
ancienne.
Facteurs favorisants la survenue de la Tb
Les perturbations immunitaires sont favorisées par le terrain
(diabète, tabagisme, éthylisme), la bio-incompatibilité du système
d’HD compliquée d’amylose à bêta2 microglobuline et associée à
une immunodépression, la réduction de l’apport protidique et la
carence en oligo-éléments à l’origine d’infections plus fréquentes
22
et la surcharge en fer perturbant l’activité phagocytaire et exaltant la plupart des bactéries.23 Les manipulations répétées favorisent l’inoculation de germes et la possibilité de leur portage chronique.22 La lymphopénie associée à une diminution de production
137
articles originaux
Observations
des lymphokines24-28 n’est pas corrigée par l’HD,29-31 la demi-vie
des lymphocytes étant réduite.32 L’anergie tuberculinique chez les
hémodialysés chroniques est mal élucidée,22 la diminution de l’hypersensibilité retardée est en rapport avec la lymphopénie.28,30
L’intradermo-réaction était positive chez deux de nos patients,
elle n’est qu’inconstamment positive dans d’autres séries (40,3%
des cas selon Freeman).7
Les signes biologiques
Un syndrome inflammatoire est constamment retrouvé.9,42
Une aggravation de l’anémie est fréquemment rapportée,11,17,41
trois cas sur six dans notre série. Plusieurs auteurs 24,43-45 ont rapporté des cas d’hypercalcémie (absente dans notre série) liée à
un désordre du métabolisme de la Vitamine D.
Examens spécifiques de la Tb
● Diagnostic de la Tb chez l’IRC dialysé
La Tb survient précocement par rapport au début de l’hémodialyse, les difficultés diagnostiques sont inhérentes à l’absence
de spécificité des symptômes d’appel, la preuve bactériologique
souvent manquante et la grande fréquence des localisations
extra-pulmonaires.
Antécédents de tuberculose
Cette notion est importante car elle permet de cibler les
patients à risque. Dans notre série un seul patient a présenté une
tuberculose pulmonaire dans ses antécédents. Dans la littérature, dans 27% des cas, une histoire personnelle de tuberculose
ou un contact familial a été retrouvé.33
Aspects cliniques et paracliniques de la tuberculose
Les symptômes cliniques sont très variables en fonction de la
localisation de la maladie qui est très souvent extrapulmonaire,
25% à 100%,34 les formes pleuro-pulmonaires prédominent,35
ces localisations sont essentiellement osseuses mais aussi péritonéale en particulier dans les dialyses péritonéales ambulatoires.36
Les signes généraux
Ils sont peu évocateurs mais non constamment rencontrés en
particulier la fièvre au long cours. Selon les différentes études,13,18,21
l’amaigrissement et l’asthénie sont retrouvés dans un tiers des cas
et l’anorexie dans 20% cas.
articles originaux
Les signes fonctionnels
Les signes respiratoires sont très discrets37,38 et se limitent
principalement à la toux sans hémoptysie et sans dyspnée importante (7%). Les troubles digestifs sont très variables (nausée, ballonnement, etc.).39,40
Les signes physiques
Les adénopathies périphériques sont notées dans 9% cas20,21
(un seul malade de notre série), l’épanchement pleural dans
26% des cas, l’épanchement péricardique dans 3% des cas et
l’ascite dans 14,5% cas : la localisation péritonéale est mentionnée par certains auteurs dans 10 à 17%,14,28 l’ascite tuberculeuse
a été assez fréquente dans notre centre (50%).
Les signes radiologiques
Ils manquent très souvent, l’infiltrat polymorphe ou interstitiel
est le plus fréquent (30% des cas), l’épanchement pleural (27%
des cas), les calcifications parenchymateuses ou hilaires, l’épaississement pleural avec fibrose parenchymateuse sont signalés dans
7% des cas.21,38 Dans 18% des cas, aucune anomalie décelable
n’est constatée. Dans notre série, l’image pulmonaire était évocatrice de Tb dans deux cas sur six. L’utilisation de la tomodensitométrie thoracique peut être utile dans le dépistage des complications infectieuses en particulier tuberculeuse.41
138
L’intradermo-réaction
Pour la majorité des auteurs, l’IDR chez les patients hémodialysés est presque toujours négative compte tenu du déficit
immunitaire,46,47 Kauffman27 n’a observé aucun changement.
Une réaction tuberculinique initialement positive se négativise
très souvent après quelques séances d’hémodialyse. On s’accorde actuellement sur l’absence de contribution diagnostique
et la non fiabilité de l’IDR chez l’hémodialysé. 48,49
La recherche de BK et le diagnostic histologique
La recherche de BK reste avec la mise en évidence du granulome tuberculoïde, les véritables critères du diagnostic de certitude. Chez l’insuffisant rénal dialysé, cette preuve fait défaut
dans la plupart des cas et les bacilloscopies ne se positivent qu’à
un stade avancé de la maladie. Ceci s’explique par la rareté des
granulomes et de la caséification, d’où des tuberculoses, particulièrement pulmonaires, peu bacillifères. Quelquefois le BK n’est
retrouvé qu’en post-mortem au niveau des divers organes.
Il est à noter que la mise en évidence d’un granulome sans
caséum, s’il est associé à des signes cliniques évocateurs, et à une
guérison sous traitement anti-tuberculeux, peut être considérée
comme preuve diagnostique. Les biopsies les plus rentables sont
ganglionnaires (diagnostic dans 75 à 100% des cas), hépatiques
(dans 65 à 100% des cas) et éventuellement médullaires.
La sérologie
Des méthodes récentes de diagnostic : PCR50,51 ou actuellement la mesure de l’activité de l’adénosine déaminase en particulier dans les épanchement en cas de sérite tuberculeuse serait
une perspective intéressante.52 L’ELISA ne permettait d’identifier
que 79% des malades ayant une culture négative.53,54 La valeur
de ces tests est limitée dans la mesure où leur résultat n’est positif que lorsque la maladie est chronique ou étendue. En plus, ces
tests peuvent détecter les mycobactéries non tuberculeuses, ceci
limite leur utilisation en hémodialyse.23
L’épreuve thérapeutique
Les difficultés rencontrées pour affirmer l’existence d’une Tb
évolutive en HD et les conséquences graves d’un traitement trop
tardif ont conduit de nombreux auteurs à préconiser un traitement
d’épreuve chez les patients suspects de Tb21,55 en raison d’une
détérioration progressive et inexpliquée de leur état clinique. Ainsi
Liorach,37 obtient une apyrexie définitive au bout de trois semaines
environ pour trois patients ayant présenté une fièvre au long cours
et un épanchement pleural. Pour Hachicha,8 onze patients dialysés
ont bénéficié d’un traitement antituberculeux sur simple présomption diagnostique, la bonne réponse au traitement a constitué une
preuve diagnostique. Dans notre série, un traitement anti-tuberculeux d’épreuve a été institué aboutissant à 80% de guérison. Un
autre argument pour ce traitement d’épreuve est l’absence d’effet
secondaire irréversible chez nos patients. Une étude de la clairance
des antituberculeux est souhaitable afin de permettre d’adapter
les posologies et éviter la survenue d’effets secondaires.55
Néphrologie Vol. 23 n° 3 2002
Une étude réalisée en Arabie Saoudite, a montré que parmi
80 IRC hémodialysés, 10% ont développé une Tb après trois ans
de suivi, les auteurs ont insisté sur l’utilité d’une chimioprophylaxie spécifique, en particulier en zone d’endémie et sur l’efficacité d’un traitement spécifique à minima au début de l’HD.57 Le
dépistage de cette complication infectieuse paraît plus rentable
dans ce type de population à risque que dans la population
générale.58 Très peu de travaux ont étudié l’origine de la contamination de ces patients, dans une enquête multicentrique faite
à New Jersey3 ayant collecté les résultats d’un dépistage de la Tb
chez les IRC et les techniciens de quarante et un centres d’HD, il
n’en a été rapporté qu’une seule relative à la réactivité tuberculinique chez le personnel soignant, mais elle n’a pas donné d’informations sur l’éventuel rôle du matériel utilisé en HD.
■ Conclusion
La population des hémodialysés constitue un groupe à risque
d’infection tuberculeuse et ceci du fait, essentiellement, d’un
déficit de l’immunité à médiation cellulaire et humorale. Ce
risque est tellement important qu’il exige, selon certains auteurs,
un dépistage systématique et en cas de suspicion diagnostique,
une chimioprophylaxie préventive. Il ressort de notre étude, que
l’incidence annuelle de la tuberculose chez les hémodialysés
chroniques, est très élevée. Le diagnostic est très souvent difficile
et peut reposer sur l’épreuve thérapeutique spécifique. De ce
fait, il est indispensable de lutter contre les facteurs de risque
chez les IRC et poursuivre l’action contre la Tb, endémique dans
notre pays. L’amélioration du pronostic passe inévitablement par
un diagnostic précoce et une meilleure prise en charge thérapeutique de ces patients.
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Néphrologie Vol. 23 n° 3 2002

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