Les cellules stromales mésenchymateuses : une thérapie cellulaire
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Les cellules stromales mésenchymateuses : une thérapie cellulaire
Les cellules stromales mésenchymateuses : une thérapie cellulaire pour le diabète de type 1 ? ! par Danièle Dubois-Laforgue Février 2015 Carlsson PO et al. Preserved ß-cell function in type 1 diabetes by mesenchymal stromal cells. Diabetes 2015, 64 :587–592. doi: 10.2337/db14-0656 ! Les cellules stromales mésenchymateuses (CSM) sont des progéniteurs non hématopoïétiques résidant dans de nombreux tissus, qui contribuent à la régénération et à la réparation tissulaire [1]. Après leur administration par voie veineuse, elles migrent préférentiellement vers les tissus endommagés. Les mécanismes impliqués dans la réparation semblent être la production de facteurs trophiques, anti-inflammatoires et antiapoptotiques, ainsi que leur capacité de différenciation in situ. Les CSM ont également une action immunosuppressive sur l’immunité innée et adaptative. En particulier, elles inhibent la prolifération cellulaire T en réponse aux antigènes, induisent une augmentation du nombre de cellules T régulatrices, et diminuent la production de cytokines inflammatoires [2]. Les CSM peuvent être facilement isolées à partir de différents tissus, adultes ou fœtaux, et amplifiées in vitro. Leur utilisation chez l’homme est en cours d’évaluation dans la maladie du greffon contre l’hôte, la sclérose en plaque réfractaire, les formes multi-viscérales de lupus érythémateux disséminé, ou encore l’infarctus du myocarde et les pathologies neurodégénératives. Dans le contexte du diabète de type 1 (DT1), des essais chez la souris NOD ont montré que l’administration précoce de CSM protégeait les animaux vis-à-vis de la survenue de l’insulite et du diabète [3]. Au stade de diabète avéré, l’administration de CSM, (allogéniques, mais pas autologues) induit une réversion de l’hyperglycémie mais à court terme. Histologiquement, le traitement par CSM est associé à un infiltrat pancréatique modéré et constitué de cellules régulatrices [4]. L’étude pilote de Carlsson et al avait pour but de tester l’efficacité et l’innocuité de l’administration de CSM chez des patients présentant un DT1 récent. Les critères d’entrée dans l’étude étaient un âge compris entre 18 et 40 ans, une durée d’évolution du diabète < 3 semaines, un taux de peptide C stimulé > 0,1 nM. Dix-huit patients ont été inclus (tous porteurs d’au moins un auto-anticorps) et randomisés en 2 groupes comparables (traitement par CSM et contrôle). L’isolement des CSM était réalisé chez les patients dans les 3 Le coin de la Biblio SFD ⎯ Danièle Dubois-Laforgue ⎯ Février 2015 ⎯ Page 1 ! sur 4 ! semaines suivant la randomisation, par aspiration de moelle osseuse au niveau de la crête iliaque. Après expansion pendant 3 à 4 semaines, les cellules autologues étaient injectées par voie veineuse en une perfusion unique (2,1 à 3,6. 106 cellules/ kg, médiane 2,75). Le critère de jugement primaire était le taux de peptide C stimulé par un repas test (pic et aire sous la courbe (AUC) à 2h). Les critères secondaires comprenaient les taux de peptide C à jeun, l’HbA1c, et la dose quotidienne d’insuline administrée. Ces différents paramètres étaient mesurés 10 semaines après le diagnostic (S10) et à un an (A1). L’évaluation à S10 montrait des caractéristiques identiques chez les patients contrôles et les patients traités : âge 27 ± 2 ans vs 24 ± 2, HbA1c 6,9 ± 0,4% vs 6,5 ± 0,4, dose d’insuline administrée 0,39 ± 0,13 UI/Kg.j vs 0,43 ± 0,05, peptide C à jeun 0,28 ± 0,02 nM vs 0,29 ± 0,04. A un an du traitement, l’HbA1c, la dose quotidienne d’insuline administrée et le taux de peptide C à jeun étaient comparables dans les 2 groupes (respectivement 6,6 vs 6,3%, 0,37 vs 0,39 UI/kg.j, 0,29 vs 0,32 nM, contrôles vs traités). Par contre, les taux de peptide C en réponse au repas test étaient diminués de 15% en ce qui concerne le pic et de 13% en ce qui concerne l’AUC dans le groupe contrôle à A1 comparativement à S10, alors qu’ils avaient dans la même période augmenté dans le groupe traité, de 5% pour le pic et de 10% pour l’AUC A l’échelon individuel, 8/9 des patients dans le groupe contrôle présentaient une diminution du pic de peptide C et/ou de l’AUC en réponse au repas test à A1, comparativement à 3/9 dans le groupe traité. Aucun effet indésirable n’était observé durant la période de suivi. Par ailleurs, aucune différence n’était notée concernant la fréquence des anticorps anti-GAD et anti-IA2 entre le groupe contrôle et le groupe traité à un an du traitement. Cette étude montre que le traitement par cellules stromales mésenchymateuses autologues, administré dans les semaines suivant le diagnostic de diabète de type 1, est associé à une préservation de l’insulino-sécrétion à un an. L’amplitude de la perte de sécrétion insulinique dans le groupe contrôle est concordante avec celle de 15% rapportée dans l’étude TrialNet (comportant les patients enrôlés dans les essais de prévention mais appartenant aux groupes témoins) chez les sujets âgés de plus de 20 ans au diagnostic 5. La comparaison de l’effet des CSM sur l’insulino-sécrétion résiduelle à ceux obtenus dans des essais antérieurs avec les anticorps monoclonaux anti-CD3 (Otelexizumab, Teplizumab) ou anti-CD20 (Rituximab) [6,7] est néanmoins difficile pour deux raisons essentielles : (i) l’âge de survenue du diabète était en moyenne plus précoce dans ces essais, or les enfants ont une insulino-sécrétion résiduelle au diagnostic plus basse et qui décroit plus vite dans l’année suivant le diagnostic que les adultes (et de fait, aucun des 18 patients dans l’étude de Le coin de la Biblio SFD ⎯ Danièle Dubois-Laforgue ⎯ Février 2015 ⎯ Page 2 ! sur 4 ! Carlsson n’avaient un peptide C indétectable à un an du diagnostic de diabète) ; (ii) les tests d’insulino-sécrétion utilisés étaient partiellement différents (étude du peptide C en réponse au glucagon pour le Teplizumab, en réponse à un repas test sur 2h pour le Rituximab et sur 4h pour l’Otelexizumab). On peut cependant affirmer que l’efficacité des CSM était comparable voire supérieure à celle des anticorps monoclonaux, l’insulino-sécrétion résiduelle à un an étant en moyenne augmentée comparativement à l’insulino-sécrétion au diagnostic (alors que seulement maintenue à 1 an dans les essais précédents). Mais de manière inattendue, aucun effet bénéfique du traitement par CSM n’était observé concernant le taux d’HbA1c ou la dose quotidienne d’insuline… possiblement du fait d’une sécrétion d’insuline encore significative à un an dans les 2 groupes de patients ou de leur effectif réduit. Concernant les effets secondaires potentiels liés à l’administration de CSM autologues, il faut souligner la bonne tolérance de la procédure initiale et l’absence d’incidents infectieux dans la première année. Des études à plus long terme sont requises, notamment concernant le risque de développement tumoral et de formation de tissu ectopique. Des données rassurantes émanent d’essais réalisés dans le contexte de la maladie du greffon contre l’hôte, montrant une disparition rapide (dans les 3 mois) des CSM après leur infusion [8]. Inversement, chez la souris NOD, l’administration de CSM autologues (mais pas allogéniques) a été associée à la formation rapide de tumeur pulmonaires, hépatiques et de schwannomes [9]. En conclusion, cette étude pilote montre que l’administration intra-veineuse de cellules stromales mésenchymateuses au diagnostic de DT1 est une approche bien tolérée qui permet de préserver l’insulino-sécrétion résiduelle à 1 an, avec une efficacité au moins égale à celle des traitements par anticorps monoclonaux et des effets secondaires immédiats moindres. Des études à plus long terme et sur un plus grand nombre de sujets sont nécessaires pour confirmer le bénéfice observé dans la durée, et s’assurer de l’innocuité du traitement. ! ! ! ! ! Le coin de la Biblio SFD ⎯ Danièle Dubois-Laforgue ⎯ Février 2015 ⎯ Page 3 ! sur 4 ! ___________________________________________ Références ! [1] Dimarino AM et al. Mesenchymal stem cells in tissue repair. Front Immunol 2013, 4: 201. doi : 10.3389/fimmu.2013.00201 [2] Nauta AJ et al. Immunomodulatory properties of mesenchymal stromal cells. Blood 2007, 110: 3499–3506. doi : 10.1182/blood-2007-02-069716 [3] Madec AM et al. Mesenchymal stem cells protect NOD mice from diabetes by inducing regulatory T cells. Diabetologia 2009, 52: 1391–1399. doi : 10.1007/s00125-009-1374-z [4] Jurewicz M et al. Congenic mesenchymal stem cell therapy reverses hyperglycemia in experimental type 1 diabetes. Diabetes 2010, 59: 3139–3147. doi : 10.2337/db10-0542 [5] Greenbaum CJ et al. Fall in C-peptide during first 2 years from diagnosis: evidence of at least two distinct phases from composite Type 1 Diabetes TrialNet data. Diabetes 2012, 61: 2066–2073. doi : 10.2337/db11-1538 [6] Sherry N et al. Teplizumab for treatment of type 1 diabetes (Protégé study): 1-year results from a randomised, placebo-controlled trial. Lancet 2011, 378: 487–97. doi : 10.1016/S0140- 6736(11)60931-8 [7] Pescovitz MD et al. Rituximab, B-Lymphocyte depletion, and preservation of beta-cell function. N Engl J Med 2009, 361: 2143-52. doi : 10.1056/NEJMoa0904452 [8] Von Bahr L et al. Analysis of tissues following mesenchymal stromal cell therapy in humans indicates limited long-term engraftment and no ectopic tissue formation. Stem Cells 2012, 30: 1575– 1578. doi : 10.1002/stem.1118 [9] Fiorina P et al. Immunomodulatory function of bone marrow-derived mesenchymal stem cells in experimental autoimmune type 1 diabetes, The Journal of Immunology, 2009, 183: 993–1004. doi : 10.4049/jimmunol.0900803 !! ___________________________________________ Mots-clés ! Cellules stromales mésenchymateuses, Diabète de type 1, insulinosécrétion. ! ! ! Le coin de la Biblio SFD ⎯ Danièle Dubois-Laforgue ⎯ Février 2015 ⎯ Page 4 ! sur 4 !